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Mémoires pour servir à l'Histoire de mon temps (Tome 1)

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IV

L'abbé de Montesquiou à M. Guizot.

Ce 31 mars 1815.

Je ne suis pas, mon cher, tellement perdu pour mes amis que je ne me souvienne de leur amitié; la vôtre a eu pour moi beaucoup de charmes. Je ne me reproche point le mauvais tour que je vous ai joué. A votre âge on ne fait pas de long bail avec le mien; on ne peut que montrer au public les objets dignes de sa confiance, et je me félicite de lui avoir laissé un souvenir de vous qui ne doit point s'effacer. Je n'aurai pas été si heureux pour mon compte. Il ne me reste qu'à gémir sur cette fatalité qui a triomphé de ma conviction, de ma répugnance, et des secours innombrables que l'amitié m'a prêtés. Que mon exemple vous profite un jour. Donnez aux affaires le temps de la force, et non pas celui qui ne laisse plus que le besoin du repos; l'intervalle est assez grand à votre âge pour que vous puissiez vous faire beaucoup d'honneur. J'en jouirai avec l'intérêt que vous me connaissez et avec tous les souvenirs que me laisse toute votre bienveillance. Présentez mes hommages à madame Guizot: c'est à elle que j'adresse mes excuses d'avoir troublé son repos. Mais j'espère que son enfant se sentira de la forte nourriture que nous lui avons déjà donnée; je lui demande, comme à vous, quelque souvenir pour tous les sentiments de respect et d'amitié que je vous ai voués pour la vie.

L'abbé de Montesquiou à M. Guizot.

Plaisance. Gers, ce 8 juin 1816.

J'attendais, mon cher, de vos nouvelles avec une grande impatience, et je vous remercie bien de m'en avoir donné. Ce n'est pas que je fusse inquiet de votre philosophie; vous savez que ceux qui devancent leur âge connaissent plus tôt l'inconstance des choses humaines; mais je craignais que votre goût pour vos premiers travaux ne vous fît abandonner les affaires pour lesquelles vous avez montré une si heureuse facilité, et nous ne sommes pas assez riches pour faire des sacrifices. Je suis fort aise d'être rassuré sur ce point; j'abandonne le reste aux caprices du sort qui ne peut être rigoureux pour vous. Vous serez distingué au Conseil comme vous l'ayez été partout, et rien ne peut faire qu'étant plus connu, votre carrière n'en soit pas plus brillante et plus assurée. La jeunesse qui sent ses forces doit toujours dire comme le cardinal de Bernis: «Monseigneur, j'attendrai.» Plus je vois la France, et plus je suis frappé de cette vérité. Que ceux qui croient avoir bien servi l'État en compromettant l'autorité royale viennent voir ces départements éloignés: tout ce qui est honnête et raisonnable est royaliste; mais grâce à nos discussions, ils ne savent plus comment il faut l'être. Ils avaient cru jusqu'alors que servir le Roi, c'était faire ce qu'il demandait par la voix de ses ministres, et on est venu leur dire que c'était une erreur sans leur apprendre quels étaient ses véritables organes. Les ennemis de notre repos en profitent. On fait courir dans le peuple les contes les plus absurdes, et tout est peuple à une si grande distance. Je me figure que le genre de ces perturbateurs varie dans nos différentes provinces. Dans celle-ci où nous n'avons ni grandes villes, ni aristocratie, nous sommes à la merci de tout ce qui se donne pour en savoir plus que nous. Il en résulte un crédit extraordinaire pour les demi-soldes qui, appartenant de plus près au peuple et ne pouvant digérer leur dernier mécompte, le travaillent de toutes les manières et en sont toujours crus parce qu'ils sont les plus riches de leur endroit. MM. les députés viennent brochant sur le tout, se donnant pour de petits proconsuls, disposant de toutes les places, annulant les préfets, et vous voyez ce qu'il peut rester d'autorité au Roi, dont les agents ont des maîtres et dont rien ne se fait en son nom. Quant à l'administration, vous jugez bien, que personne n'y pense. Le peuple manque de pain; sa récolte pourrit dans des pluies continuelles; les chemins sont horribles, les hôpitaux dans la plus grande misère; il ne nous reste que des destitutions, des dénonciations et des députations. Si vous pouviez nous les échanger pour un peu d'autorité royale, nous verrions encore la fin de nos misères; mais dépêchez-vous, car, le mois d'octobre arrivé, il ne sera plus temps.

Adieu, mon cher; mes hommages, je vous prie, à madame Guizot, et recevez toutes mes amitiés.

V

Fragments extraits d'un écrit de M. Guizot, intitulé: QUELQUES IDÉES SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE, et publié en 1814.

Une grande partie des maux de la France, maux qui pourraient se prolonger beaucoup si on ne les attaquait pas dans leur source, tient, comme je viens de le dire, à l'ignorance à laquelle ont été condamnés les Français sur les affaires et la situation de l'État, au système de mensonge qu'avait adopté un gouvernement qui avait besoin de tout cacher, à l'indifférence et à la méfiance que cette obscurité et ce mensonge habituel avaient inspirées aux citoyens. C'est donc la vérité qu'il faut mettre au grand jour, c'est l'obscurité qu'il faut dissiper si l'on veut rétablir la confiance et ranimer le zèle; et il ne suffit pas que les intentions du gouvernement soient bonnes, que ses discours soient sincères; il faut encore que les sujets en soient persuadés, aient mille moyens de s'en convaincre: quand on a été longtemps trompé par un fourbe, on se méfie même d'un honnête homme, et tous nos proverbes sur la triste méfiance de la vieillesse reposent sur cette vérité…

Ce peuple, si longtemps abusé, a besoin de voir la vérité arriver à lui de toutes parts; maintenant il aura l'espoir de l'obtenir; il la demandera avec inquiétude à ses représentants, à ses administrateurs, à tous ceux qu'il croira capables de la lui dire; plus elle lui a été étrangère jusqu'ici, plus elle lui sera précieuse; ce qu'il y aura de bien, il l'apprendra avec transport dès qu'il sera sûr qu'il peut y croire; ce qu'il y aura de fâcheux, il l'écoutera sans crainte dès qu'il verra qu'on ne lui ôte point la liberté d'en dire son avis et de travailler ouvertement à y parer. On ne se doute pas des embarras que dissipe la vérité et des ressources qu'elle donne; une nation à qui on prend soin de la cacher croit aussitôt qu'on médite quelque chose contre elle et se replie dans le soupçon; quand on la lui montre, quand le gouvernement ne laisse voir qu'une noble confiance dans ses intentions et dans la bonne volonté des sujets, cette confiance excite la leur et réveille tout leur zèle…

Les Français, sûrs d'entendre la vérité et libres de la dire, perdront bientôt cette triste habitude de méfiance qui tuait en eux toute estime de leur chef et tout dévouement à l'État: les plus insouciants reprendront un vif intérêt aux affaires publiques quand ils verront qu'ils peuvent y prendre part; les plus soupçonneux se guériront de leurs craintes quand ils ne vivront plus dans les ténèbres; ils ne seront plus continuellement occupés à calculer combien ils doivent rabattre de toutes les paroles qu'on leur adresse, de tous les récits qu'on leur fait, de tous les tableaux qu'on leur présente, à démêler, dans tout ce qui vient du trône, l'artifice, les desseins dangereux, les arrière-pensées…

…Une grande liberté de la presse peut seule, en ramenant la confiance, rendre à l'esprit public cette énergie dont le Roi, comme la nation, ne sauraient se passer; c'est la vie de l'âme qu'il faut réveiller dans ce peuple en qui le despotisme travaillait à l'éteindre; cette vie est dans le libre mouvement de la pensée, et la pensée ne se meut, ne se développe librement qu'au grand jour: personne en France ne peut plus redouter l'oppression sous laquelle nous avons vécu depuis dix ans; mais si l'immobilité qu'entraîne la faiblesse succédait à celle qu'impose la tyrannie, si le poids d'une agitation terrible et muette n'était remplacé que par la langueur du repos, on ne verrait point renaître en France cette activité nationale, cette disposition bienveillante et courageuse qui fait des sacrifices un devoir, enfin cette confiance dans le souverain dont le besoin se fera sentir chaque jour; on n'obtiendrait de la nation qu'une tranquillité stérile dont l'insuffisance obligerait peut-être à recourir à des moyens funestes pour elle-même et bien éloignés des intentions paternelles de son Roi.

Qu'on adopte, au contraire, un système de liberté et de franchise; que la vérité circule librement du trône aux sujets et des sujets au trône; que les routes soient ouvertes à ceux qui doivent la dire, à ceux qui ont besoin de la savoir; on verra l'apathie se dissiper, la méfiance disparaître et le dévouement rendu général et facile par la certitude de sa nécessité et de son utilité.

Malheureusement nous avons fait, dans les vingt-cinq années qui viennent de s'écouler, un si déplorable abus des bonnes choses qu'il suffit aujourd'hui d'en prononcer le nom pour réveiller les plus tristes craintes. On ne veut pas tenir compte de la différence des temps, des situations, de la marche des opinions, de la disposition des esprits: on regarde comme toujours dangereux ce qui a été une fois funeste; on pense et on agit comme feraient des mères qui, pour avoir vu tomber l'enfant, voudraient empêcher le jeune homme de marcher…

…Cette disposition est générale; on la retrouve sous toutes les formes, et ceux qui l'ont bien observée auront peu de peine à se convaincre qu'une entière liberté de la presse serait aujourd'hui, du moins sous le rapport politique, presque sans aucun danger: ceux qui la redoutent se croient encore au commencement de notre révolution, à cette époque où toutes les passions ne demandaient qu'à éclater, où la violence était populaire, où la raison n'obtenait qu'un sourire dédaigneux. Rien ne se ressemble moins que ce temps et le nôtre; et de cela même qu'une liberté illimitée a causé alors les maux les plus funestes, on peut inférer, si je ne me trompe, qu'elle en entraînerait fort peu aujourd'hui.

Cependant, comme beaucoup de gens paraissent la craindre, comme je n'oserais affirmer qu'elle ne pût être suivie de quelques inconvénients plus fâcheux par l'effroi qu'ils inspireraient que par les suites réelles qu'ils pourraient amener, comme, dans l'état où nous nous trouvons, sans guide dans l'expérience du passé, sans données pour l'avenir, il est naturel de ne vouloir marcher qu'avec précaution, comme l'esprit même de la nation semble indiquer qu'à tous égards la circonspection est nécessaire, l'avis de ceux qui pensent qu'il y faut mettre quelques restrictions doit peut-être prévaloir. Depuis vingt-cinq ans, la nation est si étrangère aux habitudes d'une vraie liberté, elle a passé à travers tant de despotismes différents, et le dernier a été si lourd qu'on peut redouter, en la lui rendant, plutôt son inexpérience que son impétuosité; elle ne songerait pas à attaquer, mais peut-être aussi ne saurait-elle pas se défendre; et au milieu de la faiblesse universelle, au milieu de ce besoin d'ordre et de paix qui se fait surtout sentir, au milieu de la collision de tant d'intérêts divers qu'il importe également de ménager, le gouvernement peut désirer avec raison d'éviter encore ces apparences de choc et de trouble qui seraient peut-être sans importance, mais dont l'imagination serait disposée à s'exagérer le danger.

La question se réduit donc à savoir quelles sont, dans les circonstances actuelles, les causes qui doivent engager à contenir la liberté de la presse, par quelles restrictions conformes à la nature de ces causes on peut la contenir sans la détruire, et comment on pourra arriver graduellement à lever ces restrictions maintenant jugées nécessaires.

Toute liberté est placée entre l'oppression et la licence; la liberté de l'homme, dans l'état social, étant nécessairement restreinte par quelques règles, l'abus et l'oubli de ces règles sont également dangereux; mais les circonstances qui exposent la société à l'un ou à l'autre de ces dangers ne sont point les mêmes: dans un gouvernement bien établi et solidement constitué, le danger contre lequel doivent, lutter les amis de la liberté, c'est celui de l'oppression; tout y est combiné pour le maintien des lois, tout y tend à entretenir une vigueur de discipline contre laquelle chaque individu doit travailler à soutenir la portion de liberté qui lui est due; la fonction du gouvernement est de maintenir l'ordre, celle des gouvernés de veiller à la liberté.

L'état des choses est tout différent dans un gouvernement qui commence: s'il succède à une époque de malheur et de trouble, où la morale et la raison aient été également perverties, où toutes les passions se soient déployées sans frein, où tous les intérêts se soient étalés sans honte, alors l'oppression est au nombre des dangers qu'il faut seulement prévenir, et la licence est celui contre lequel il faut lutter. Le gouvernement n'a pas encore toute sa force; il n'est pas encore nanti de tous les moyens qu'on doit remettre en sa puissance pour maintenir l'ordre et la règle; avant de les avoir tous, il se gardera bien d'abuser de quelques-uns; et les gouvernés qui n'ont pas encore tous les avantages de l'ordre veulent avoir tous ceux du désordre; on n'est pas encore assez assuré de sa propre tranquillité pour craindre de troubler celle des autres; chacun se hâte de porter le coup qu'il est exposé à recevoir; on offense avec impunité les lois qui n'ont pas encore prévu tous les moyens qu'on pourrait prendre pour les éluder; on brave sans danger des autorités qui n'ont pas encore, pour se soutenir, l'expérience du bonheur qu'on a goûté sous leurs auspices: c'est alors contre les entreprises particulières qu'il faut faire sentinelle; c'est alors qu'il faut garantir la liberté des outrages de la licence, et quelquefois tâcher d'empêcher ce qu'un gouvernement fort, bien sûr qu'on lui obéira, se contente de défendre.

Ainsi l'entière liberté de la presse, sans inconvénient dans un État libre, heureux et fortement constitué, peut en avoir dans un État qui se forme, et où les citoyens ont besoin d'apprendre la liberté comme le bonheur; là, il n'y a nul danger à ce que chacun puisse tout dire, parce que, si l'ordre des choses est bon, la plupart des membres de la société seront disposés à le défendre, et parce que la nation, éclairée par son bonheur même, se laissera difficilement entraîner à la poursuite d'un mieux toujours possible, mais toujours incertain; ici, au contraire, les passions et les intérêts des individus divergent en différents sens, tous plus ou moins éloignés de l'intérêt public; cet intérêt n'est pas encore assez connu pour que ceux qui veulent le soutenir sachent bien où le trouver; l'esprit public n'est encore ni formé par le bonheur, ni éclairé par l'expérience; il n'existe donc dans la nation que très-peu de barrières contre le mauvais esprit, tandis qu'il existe dans le gouvernement beaucoup de lacunes par où peut s'introduire le désordre: toutes les ambitions se réveillent, et aucune ne sait à quoi se fixer; tous cherchent leur place, et nul n'est sûr de l'obtenir; le bon sens qui n'invente rien, mais qui sait choisir, n'a point de règle fixe à laquelle il puisse s'attacher; la multitude ébahie, que rien ne dirige et qui n'a pas encore appris à se diriger elle-même, ne sait quel guide elle doit suivre; et, au milieu de tant d'idées contradictoires, incapable de démêler le vrai du faux, le moindre mal est qu'elle prenne son parti de rester dans son ignorance et sa stupidité. Quand les lumières sont encore très-peu répandues, la licence de la presse devient donc un véritable obstacle à leurs progrès; les hommes peu accoutumés à raisonner sur certaines matières, peu riches en connaissances positives, reçoivent trop facilement l'erreur qui leur arrive de toutes parts et ne distinguent pas assez promptement la vérité qu'on leur présente; de là naissent une foule d'idées fausses, indigestes, de jugements adoptés sans examen, et une science prétendue d'autant plus fâcheuse que, s'emparant de la place que devrait tenir la raison seule, elle lui en interdit longtemps l'accès.

C'est de cette science mal acquise que la révolution nous a prouvé le danger; c'est de ce danger que nous devons nous défendre: il faut le dire, le malheur nous a rendus plus sages; mais le despotisme des dix dernières années a étouffé, pour une grande partie des Français, les lumières que nous en aurions pu tirer: quelques hommes sans doute ont continué à réfléchir, à observer, à étudier; ils se sont éclairés par le despotisme même qui les opprimait; mais la nation en général, écrasée et malheureuse, s'est vue arrêtée dans le développement de ses facultés intellectuelles. Quand on y regarde de près, on est étonné et presque honteux de son irréflexion et de son ignorance: elle éprouve le besoin d'en sortir; le joug le plus oppressif a pu et pourrait encore seul la réduire quelque temps au silence et à l'inaction; mais il lui faut des soutiens, des guides, et, après tant d'expériences imprudentes, pour l'intérêt même de la raison et des lumières, la liberté de la presse, dont nous n'avons jamais joui, doit être doucement essayée.

Envisagées sous ce point de vue, les restrictions qu'on pourra y apporter effrayeront moins les amis de la vérité et de la justice; ils n'y verront qu'une concession faite aux circonstances actuelles, dictée par l'intérêt même de la nation; et si l'on prend soin de borner cette concession de manière à ce qu'elle ne puisse jamais devenir dangereuse; si, en établissant une digue contre la licence, on laisse toujours une porte ouverte à la liberté; si le but des restrictions n'est évidemment que de mettre le peuple français en état de s'en passer et d'arriver un jour à la liberté entière; si elles sont combinées et modifiées de telle sorte que cette liberté puisse toujours aller croissant à mesure que la nation deviendra plus capable d'en faire un bon usage; enfin, si, au lieu d'entraver les progrès de l'esprit humain, elles ne sont propres qu'à en assurer, à en diriger la marche, les hommes les plus éclairés, loin de s'en plaindre comme d'une atteinte portée aux principes de la justice, y verront une mesure de prudence, une garantie de l'ordre public et un nouveau motif d'espérer que le bouleversement de cet ordre ne viendra plus troubler et retarder la nation française dans la carrière de la vérité et de la raison.

VI

Rapport au Roi et Ordonnance du Roi pour la réforme de l'instruction publique (17 février 1813).

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre,

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Nous étant fait rendre compte de l'état de l'instruction publique dans notre royaume, nous avons reconnu qu'elle reposait sur des institutions destinées à servir les vues politiques du gouvernement dont elles furent l'ouvrage, plutôt qu'à répandre sur nos sujets les bienfaits d'une éducation morale et conforme aux besoins du siècle; nous avons rendu justice à la sagesse et au zèle des hommes qui ont été chargés de surveiller et de diriger l'enseignement; nous avons vu avec satisfaction qu'ils n'avaient cessé de lutter contre les obstacles que les temps leur opposaient, et contre le but même des institutions qu'ils étaient appelés à mettre en oeuvre; mais nous avons senti la nécessité de corriger ces institutions et de rappeler l'éducation nationale à son véritable objet, qui est de propager les bonnes doctrines, de maintenir les bonnes moeurs, et de former des hommes qui, par leurs lumières et leurs vertus, puissent rendre à la société les utiles leçons et les sages exemples qu'ils ont reçus de leurs maîtres.

Nous avons mûrement examiné ces institutions que nous nous proposons de réformer, et il nous a paru que le régime d'une autorité unique et absolue était incompatible avec nos intentions paternelles et avec l'esprit libéral de notre gouvernement.

Que cette autorité, essentiellement occupée de la direction de l'ensemble, était en quelque sorte condamnée à ignorer ou à négliger ces détails et cette surveillance journalière qui ne peuvent être confiés qu'à des autorités locales mieux informées des besoins, et plus directement intéressées à la prospérité des établissements placés sous leurs yeux.

Que le droit de nommer à toutes les places, concentré dans les mains d'un seul homme, en laissant trop de chances à l'erreur et trop d'influence à la faveur, affaiblissait le ressort de l'émulation et réduisait aussi les maîtres à une dépendance mal assortie à l'honneur de leur état et à l'importance de leurs fonctions.

Que cette dépendance et les déplacements trop fréquents qui en sont la suite inévitable rendaient l'état des maîtres incertain et précaire, nuisaient à la considération dont ils out besoin de jouir pour se livrer avec zèle à leurs pénibles travaux, ne permettaient pas qu'il s'établît entre eux et les parents de leurs élèves cette confiance qui est le fruit des longs services et des anciennes habitudes, et les privaient ainsi de la plus douce récompense qu'ils puissent obtenir, le respect et l'affection des contrées auxquelles ils ont consacré leurs talents et leur vie.

Enfin, que la taxe du vingtième des frais d'études levée sur tous les élèves des lycées, collèges et pensions, et appliquée à des dépenses dont ceux qui la payent ne retirent pas un avantage immédiat et qui peuvent être considérablement réduites, contrariait notre désir de favoriser les bonnes études et de répandre le bienfait de l'instruction dans toutes les classes de nos sujets.

Voulant nous mettre en état de proposer le plus tôt possible aux deux Chambres les lois qui doivent fonder le système de l'instruction publique en France, et pourvoir aux dépenses qu'il exigera, nous avons résolu d'ordonner provisoirement les réformes les plus propres à nous faire acquérir l'expérience et les lumières dont nous avons encore besoin pour atteindre ce but; et en remplacement de la taxe du vingtième des frais d'étude, dont nous ne voulons pas différer plus longtemps l'abolition, il nous a plu d'affecter, sur notre liste civile, la somme d'un million qui sera employée, pendant la présente année 1815, au service de l'instruction publique dans notre royaume;

A ces causes, et sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur;

Notre Conseil d'État entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

TITRE Ier.

Dispositions générales.

Art. 1er. Les arrondissements formés sous le nom d'académies, par le décret du 17 mars 1808, sont réduits à dix-sept, conformément au tableau annexé à la présente ordonnance.

Ils prendront le titre d'Universités.

Les Universités porteront le nom du chef-lieu assigné à chacune d'elles.

Les lycées actuellement établis seront appelés colléges royaux.

2. Chaque Université sera composée: 1° d'un conseil présidé par un recteur; 2° de facultés; 3° de collèges royaux; 4° de colléges communaux.

3. L'enseignement et la discipline dans toutes les Universités seront réglés et surveillés par un conseil royal de l'instruction publique.

4. L'École normale de Paris sera commune à toutes les Universités; elle formera, aux frais de l'État, le nombre de professeurs et de maîtres dont elles auront besoin pour l'enseignement des sciences et des lettres.

TITRE II.

Des Universités.

SECTION I.

Des Conseils des Universités.

5. Le conseil de chaque Université est composé d'un recteur président, des doyens des facultés, du proviseur du collège royal du chef-lieu ou du plus ancien des proviseurs, s'il y a plusieurs collèges royaux, et de trois notables au moins, choisis par notre conseil royal de l'instruction publique.

6. L'évêque et le préfet sont membres de ce conseil; ils y ont voix délibérative et séance au-dessus du recteur.

7. Le conseil de l'Université fait visiter, quand il le juge à propos, les collèges royaux et communaux, les institutions, pensionnats et autres établissements d'instruction, par deux inspecteurs, qui lui rendent compte de l'état de l'enseignement et de la discipline, dans le ressort de l'Université, conformément aux instructions qu'ils ont reçues de lui.

Le nombre des inspecteurs de l'Université de Paris peut être porté à six.

8. Le conseil nomme ces inspecteurs entre deux candidats qui lui sont présentés par le recteur.

9. Il nomme aussi, entre deux candidats présentés par le recteur, les proviseurs, les censeurs ou préfets des études, les professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques supérieures, les aumôniers et les économes des collèges royaux.

10. Les inspecteurs des Universités sont choisis entre les proviseurs, les préfets des études, les professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques des colléges royaux, et les principaux des colléges communaux; les proviseurs entre les inspecteurs, les principaux des colléges communaux et les préfets des études des colléges royaux; ceux-ci entre les professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques supérieures des mêmes colléges.

11. Le conseil de l'Université peut révoquer, s'il y a lieu, les nominations qu'il a faites: en ce cas, ses délibération sont motivées, et elles n'ont leur effet qu'après avoir reçu l'approbation de notre conseil royal de l'instruction publique.

12. Nul ne peut établir une institution ou un pensionnat, ou devenir chef d'une institution ou d'un pensionnat déjà établis, s'il n'a été examiné et dûment autorisé par le conseil de l'Université, et si cette autorisation n'a été approuvée par le conseil royal de l'instruction publique.

13. Le conseil de l'Université entend et juge définitivement les comptes des facultés et des colléges royaux; il entend le compte des dépenses de l'administration générale rendu par le recteur, et il le transmet, après l'avoir arrêté, à notre conseil royal de l'instruction publique.

14. Il tient registre de ces délibérations, et en envoie copie tous les mois à notre conseil royal.

15. Il a rang après le conseil de préfecture dans les cérémonies publiques.

SECTION II.

Des Recteurs des Universités.

16. Les recteurs des Universités sont nommés par nous, entre trois candidats qui nous sont présentés par notre conseil royal de l'instruction publique, et choisis par lui entre les recteurs déjà nommés, les inspecteurs généraux des études dont il sera parlé ci-après, les professeurs des facultés, les inspecteurs des Universités, les proviseurs, préfets des études, et professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques supérieures des collèges royaux.

17. Les recteurs des Universités nomment les professeurs, régents et maîtres d'études de tous les collèges, à l'exception des professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques supérieures des collèges royaux, qui sont nommés comme il est dit en l'article 9.

18. Ils les choisissent entre les professeurs, régents et maîtres d'études déjà employés dans les anciens ou les nouveaux établissements de l'instruction, ou parmi les élèves de l'École normale qui, ayant achevé leurs exercices, ont reçu le brevet d'agrégé.

19. Les professeurs et régents ainsi nommés ne peuvent être révoqués que par le conseil de l'Université, sur la proposition motivée du recteur.

20. Les professeurs et régents, nommés par un ou plusieurs recteurs autres que celui de l'Université dans laquelle ils sont actuellement employés, peuvent choisir l'Université et accepter l'emploi qu'ils préfèrent; mais ils sont tenus d'en donner avis, un mois avant l'ouverture de l'année scolaire, au recteur de l'Université de laquelle ils sortent.

21. Les élèves de l'École normale, appelés par d'autres recteurs que celui de l'Université qui les a envoyés, ont le même droit d'option, à la charge de donner le même avis.

22. Le recteur de l'Université préside, quand il le juge à propos, aux examens et épreuves qui précèdent les collations des grades dans les facultés.

23. Il est seul chargé de la correspondance.

24. Il présente au conseil de l'Université les affaires qui doivent y être portées, nomme les rapporteurs, s'il y a lieu, règle l'ordre des délibérations et signe les arrêtés.

25. En cas de partage, des voix, la sienne est prépondérante.

SECTION III.

Des Facultés.

26. Le nombre et la composition des facultés, dans chaque Université, sont réglés par nous, sur la proposition de notre conseil royal de l'instruction publique.

27. Les facultés sont placées immédiatement sous l'autorité, la direction et la surveillance de ce conseil.

28. Il nomme leurs doyens, entre deux candidats qu'elles lui présentent.

29. Il nomme à vie les professeurs entre quatre candidats dont deux lui sont présentés par la faculté où il vaque une chaire, et deux par le conseil de l'Université.

30. Outre l'enseignement spécial dont elles sont chargées, les facultés confèrent, après examen et dans les formes déterminées par les règlements, les grades qui sont ou seront exigés pour les diverses fonctions et professions ecclésiastiques, politiques et civiles.

31. Les diplômes de grades sont délivrés en notre nom, signés du doyen et vises du recteur, qui peut refuser son visa s'il lui apparaît que les épreuves prescrites n'ont pas été convenablement observées.

32. Dans les Universités où nous n'aurions pas encore une facilité des sciences et des lettres, le grade de bachelier ès lettres pourra être conféré, après les examens prescrits, par les proviseur, préfet des études, professeurs de philosophie et de rhétorique du collège royal du chef-lieu. Le préfet des études remplira les fonctions de doyen; il signera les diplômes et prendra séance au conseil de l'Université après le proviseur.

SECTION IV.

Des Colléges royaux et des Colléges communaux.

33. Les colléges royaux sont dirigés par un proviseur, et les colléges communaux par un principal.

34. Les proviseurs et principaux exécutent et font exécuter les règlements relatifs à l'enseignement, à la discipline et à la comptabilité.

35. L'administration du collége royal du chef-lieu est placée sous la surveillance immédiate du recteur et du conseil de l'Université.

36. Tous les autres colléges, royaux ou communaux, sont placés sous la surveillance immédiate d'un bureau d'administration composé du sous-préfet, du maire, et de trois notables au moins, nommés par le conseil de l'Université.

37. Ce bureau présente au recteur deux candidats, entre lesquels celui-ci nomme les principaux des colléges communaux.

38. Les principaux, ainsi nommés, ne peuvent être révoqués que par le conseil de l'Université, sur la proposition du bureau et de l'avis du recteur.

39. Le bureau d'administration entend et juge définitivement les comptes des colléges communaux.

40. Il entend et arrête les comptes des colléges royaux autres que celui du chef-lieu, et les transmet au conseil de l'Université.

41. Il tient registre de ses délibérations et en envoie copie, chaque mois, au conseil de l'Université.

42. Il est présidé par le sous-préfet, et, à son défaut, par le maire.

43. Les évêques et les préfets sont membres de tous les bureaux de leur diocèse ou de leur département, et quand ils y assistent, ils y ont voix délibérative et séance au-dessus des présidents.

44. Les chefs d'institutions et maîtres de pensions établis dans l'enceinte des villes où il y a des colléges royaux ou des colléges communaux sont tenus d'envoyer leurs pensionnaires comme externes aux leçons desdits colléges.

45. Est et demeure néanmoins exceptée de cette obligation l'école secondaire ecclésiastique qui a été ou pourra être établie dans chaque département, en vertu de notre ordonnance du…..; mais ladite école ne peut recevoir aucun élève externe.

TITRE III.

De l'École normale.

46. Chaque Université envoie tous les ans, à l'École normale de Paris, un nombre d'élèves proportionné aux besoins de l'enseignement.

Ce nombre est réglé par notre conseil royal de l'instruction publique.

47. Le conseil de l'Université choisit ces élèves entre ceux qui, ayant terminé leurs études de rhétorique et de philosophie, se destinent, du consentement de leurs parents, à l'instruction publique.

48. Les élèves envoyés à l'École normale y passent trois années, après lesquelles ils sont examinés par notre conseil royal de l'instruction publique, qui leur délivre, s'il y a lieu, un brevet d'agrégé.

49. Les élèves qui ont obtenu ce brevet, s'ils ne sont pas appelés par les recteurs des autres Universités, retournent dans celle qui les a envoyés, et ils y sont placés par le recteur et avancés suivant leur capacité et leurs services 50. Le chef de l'École normale a le même rang et les mêmes prérogatives que les recteurs des Universités.

TITRE IV.

Du Conseil royal de l'Instruction publique.

51. Notre conseil royal de l'instruction publique est composé d'un président et de onze conseillers nommés par nous.

52. Deux d'entre eux sont choisis dans le clergé, deux dans notre Conseil d'État ou dans nos Cours, et les sept autres parmi les personnes les plus recommandables par leurs talents et leurs services dans l'instruction publique.

53. Le président de notre conseil royal est seul chargé de la correspondance; il présente les affaires au conseil, nomme les rapporteurs s'il y a lieu, règle l'ordre des délibérations, signe et fait expédier les arrêtés, et il en procure l'exécution.

54. En cas de partage des voix, la sienne est prépondérante.

55. Conformément à l'article 3 de la présente ordonnance, notre conseil royal dresse, arrête et promulgue les règlements généraux relatifs à l'enseignement et à la discipline.

56. Il prescrit l'exécution de ces règlements à toutes les Universités, et il la surveille par des inspecteurs généraux des études, qui visitent les Universités quand il le juge à propos, et qui lui rendent compte de l'état de toutes les écoles.

57. Les inspecteurs sont au nombre de douze, savoir: deux pour les facultés de droit, deux pour celles de médecine; les huit autres pour les facultés des sciences et des lettres, et pour les colléges royaux et communaux.

58. Les inspecteurs généraux des études sont nommés par nous, entre trois candidats qui nous sont présentés par notre conseil royal de l'instruction publique, et qu'il a choisis entre les recteurs et les inspecteurs des Universités, les professeurs des facultés, les proviseurs, préfets des études, et professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques supérieures des collèges royaux.

59. Sur le rapport des inspecteurs généraux des études, notre conseil royal donne aux conseils des Universités les avis qui lui paraissent nécessaires; il censure les abus et il pourvoit à ce qu'ils soient réformés.

60. Il nous rend un compte annuel de l'état de l'instruction publique dans notre royaume.

61.Il nous propose toutes les mesures qu'il juge propres à améliorer l'instruction, et pour lesquelles il est besoin de recourir à notre autorité.

62. Il provoque et encourage la composition des livres qui manquent à l'enseignement, et il indique ceux qui lui paraissent devoir être employés.

63. Il révoque, s'il y a lieu, les doyens des facultés, et il nous propose la révocation des recteurs des Universités.

64. Il juge définitivement les comptes de l'administration générale des Universités.

65. L'École normale est sous son autorité immédiate et sa surveillance spéciale; il nomme et révoque les administrateurs et les maîtres de cet établissement.

66.Il a le même rang que notre Cour de cassation et notre Cour des comptes, et il est placé, dans les cérémonies publiques, immédiatement après celle-ci.

67. Il tient registre de ses délibérations, et il en envoie copie à notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur, qui nous en rend compte, et sur le rapport duquel nous nous réservons de les réformer ou de les annuler.

TITRE V.

Des recettes et des dépenses.

68. La taxe du vingtième des frais d'études imposée sur les élèves des collèges et des pensions est abolie, à compter du jour de la publication de la présente ordonnance.

69. Sont maintenus: 1° les droits d'inscription, d'examen et de diplôme de grades au profit des facultés; 2° les rétributions payées par les élèves des collèges royaux et communaux au profit de ces établissements; 3° les rétributions annuelles des chefs d'institutions et de pensionnats, au profit des Universités.

70. Les communes continueront de payer les bourses communales et les sommes qu'elles accordent, à titre de secours, à leurs collèges; à cet effet, le montant desdites sommes, ainsi que des bourses, sera colloqué à leurs budgets parmi leurs dépenses fixes, et il n'y sera fait aucun changement sans que notre conseil royal de l'instruction publique ait été entendu.

71. Les communes continueront aussi de fournir et d'entretenir de grosses réparations, les édifices nécessaires aux Universités, facultés et collèges.

72. Les conseils des Universités arrêtent les budgets des collèges et des facultés.

73. Les facultés et les collèges royaux dont la recette excède la dépense versent le surplus dans la caisse de l'Université.

74. Les conseils des Universités reçoivent les rétributions annuelles des chefs d'institutions et de pensionnats.

75. Ils régissent les biens attribués à l'Université de France qui sont situés dans l'arrondissement de chaque Université, et ils en perçoivent les revenus.

76. En cas d'insuffisance des recettes des facultés, et de celles qui sont affectées aux dépenses de l'administration générale, les conseils des Universités forment la demande distincte et détaillée des sommes nécessaires pour remplir chaque déficit.

77. Cette demande est adressée par eux à notre conseil royal de l'instruction publique qui la transmet, avec son avis, à notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur.

78. Les dépenses des facultés et des Universités, arrêtées par notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur, sont acquittées sur ses ordonnances par notre trésor royal.

79. Sont pareillement acquittées par notre trésor royal: 1° les dépenses de notre conseil royal de l'instruction publique; 2° celles de l'École normale; 3° les bourses royales.

80. A cet effet, la rente de 400,000 francs, formant l'apanage de l'Université de France, est mise à la disposition de notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur.

81. De plus, et en remplacement provisoire de la taxe abolie par l'article 68 de la présente ordonnance, notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur est autorisé par nous, pour le service de l'instruction publique dans notre royaume, pendant l'année 1815, à s'adresser au ministre de notre maison, qui mettra à sa disposition la somme d'un million à prendre sur les fonds de notre liste civile.

82. Le fonds provenant de la retenue du vingt-cinquième des traitements dans l'Université de France demeure affecté aux pensions de retraite: notre conseil royal est chargé de nous proposer l'emploi le plus convenable de ce fonds, ainsi que les moyens d'assurer un nouveau fonds pour la même destination dans toutes les Universités.

TITRE VI.

Dispositions transitoires.

83. Les membres de notre conseil royal de l'instruction publique qui doivent être choisis ainsi qu'il est dit en l'article 52, les inspecteurs généraux des études, les recteurs et les inspecteurs des Universités seront nommés par nous, pour la première fois, entre toutes les personnes qui ont été ou qui sont actuellement employées dans les divers établissements de l'instruction.

Les conditions d'éligibilité déterminées audit article, ainsi qu'aux articles 10, 16 et 38, s'appliquent aux places qui viendront à vaquer.

84. Les membres des Universités et des congrégations supprimées qui ont professé dans les anciennes facultés ou rempli des places de supérieurs et de principaux de collèges ou des chaires de philosophie et de rhétorique, comme aussi les conseillers, inspecteurs généraux, recteurs et inspecteurs d'Académie, et professeurs de facultés dans l'Université de France qui se trouveraient sans emploi par l'effet de la présente ordonnance, demeurent éligibles à toutes les places.

85. Les traitements fixes des doyens et professeurs des facultés, et ceux des proviseurs, préfets des études et professeurs des collèges royaux, sont maintenus.

86. Les doyens et professeurs des facultés qui seront conservées, les proviseurs, préfets des études, et professeurs des collèges royaux, les principaux et régents des collèges communaux présentement en fonctions, ont les mêmes droits et prérogatives, et sont soumis aux mêmes règles de révocation que s'ils avaient été nommés en exécution de la présente ordonnance.

Mandons et ordonnons à nos cours, tribunaux, préfets et corps administratifs, que les présentes ils aient à faire publier, s'il est nécessaire, et enregistrer partout où besoin sera; à nos procureurs généraux et à nos préfets d'y tenir la main et d'en certifier, savoir: les cours et tribunaux, notre chancelier; et les préfets, le ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur.

Donné à Paris, en notre château des Tuileries, le 17 février de l'an de grâce 1815, et de notre règne le vingtième.

Signé: Louis.

Par le Roi: le ministre secrétaire d'État de l'intérieur, Signé: l'abbé de MONTESQUIOU.

VII

Note rédigée et remise au Roi et au Conseil, en août 1816, par M. Laîné, ministre de l'intérieur, sur la dissolution de la Chambre des députés de 1815.

Si l'on croit probable que le Roi soit obligé de dissoudre la Chambre après sa réunion, voyons quelles en seront les conséquences.

La dissolution, pendant la durée des sessions, est une mesure extrême. C'est une sorte d'appel fait au milieu des passions aux prises. Les causes qui l'auront amenée, les ressentiments qu'elle causera, se répandront par toute la France.

La convocation d'une nouvelle Chambre exigera beaucoup de temps, et il sera à peu près impossible d'avoir un budget cette année. En reculer la confection aux premiers mois de l'année suivante, c'est s'exposer à voir augmenter le déficit, à voir dépérir les ressources.

C'est vraisemblablement se mettre dans l'impuissance de payer les étrangers.

Après une dissolution d'éclat, motivée par le danger qu'aurait fait courir la Chambre, il serait difficile de penser que les assemblées électorales soient paisibles. Et si des mouvements se déclarent, la rentrée des étrangers est encore à redouter par cette cause.

L'effroi de cette conséquence dans les deux cas fera hésiter le Roi, et quelles que soient les atteintes portées au repos public et à l'autorité royale, le coeur de Sa Majesté, dans l'espoir que ce mal sera passager, se déterminera difficilement au remède extrême de la dissolution.

Si donc on trouve la nécessité de dissoudre la Chambre très-probable, ne vaut-il pas mieux prendre, avant la convocation, un parti propre à nous préserver d'un malheur effrayant?

Le renouvellement par cinquième, qui, dans tous les cas, me semble indispensable pour exécuter la Charte, dont on s'est, hélas! trop écarté au mois de juillet 1815, ne diminuera guère les probabilités de la dissolution.

Les députations de la quatrième série, à peu d'exceptions près, sont modérées; elles sont éloignées de la pensée de porter atteinte au repos public et à la force de la prérogative royale qui seule peut le maintenir en rassurant toutes les classes.

Les quatre autres cinquièmes restent les mêmes; les dangers redoutés restent par conséquent aussi imminents.

C'est ce qui m'a fait désirer un moyen qui donne la facilité de rentrer complètement dans la Charte en rapportant l'ordonnance du 13 juillet, qui l'a violée pour l'âge et le nombre, et qui met tant d'autres dispositions en problème.

Ce serait de n'appeler par lettres closes que les députés âgés de quarante ans, et au nombre de la Charte.

Pour y parvenir, on choisirait ceux des députés qui ont été nommés les premiers dans chaque collège électoral. On rendrait ainsi hommage aux électeurs en rappelant ceux qui paraissent les premiers dans l'ordre de leur confiance.

On dira, il est vrai, que la Chambre n'étant pas dissoute, les députés actuels ont une sorte de possession d'état.

Mais les électeurs et les députés qu'ils ont nommés ne tiennent leurs pouvoirs que de l'ordonnance.

La même autorité qui les leur a donnés peut les retirer en rapportant l'ordonnance.

Le Roi, dans son discours d'ouverture, a semblé dire que ce n'était qu'à raison de la circonstance extraordinaire qu'il avait appelé autour du trône un plus grand nombre de députés. La circonstance extraordinaire a cessé. La paix est faite; l'ordre est rétabli, les alliés se sont retirés du coeur de la France et de la capitale.

Cette idée fournit une raison de répondre à l'objection que les opérations de la Chambre sont frappées de nullité.

Le Roi avait la faculté de la rendre telle qu'elle était, à raison des circonstances.

Elle (la Chambre des députés) n'a pas seule fait les lois. La Chambre des pairs, le Roi qui, en France, est la branche principale du Corps Législatif, y ont concouru.

Si cette objection était bonne dans ce cas, elle serait bonne dans tous les autres. En effet, soit après la dissolution, soit dans toute autre circonstance, le Roi en reviendra à la Charte, pour l'âge et pour le nombre. En cette hypothèse, on pourrait dire que les opérations de la Chambre actuelle sont frappées de nullité. On expliquerait toujours l'article 14 de la Charte par les circonstances extraordinaires, et son complet rétablissement par les motifs les plus sacrés. Revenir à la Charte sans dissolution n'est donc pas plus annuler les opérations qu'y revenir après la dissolution.

Dira-t-on que le Roi n'est pas plus assuré de la majorité après la réduction qu'actuellement? Je réponds qu'il y a bien plus de probabilités.

Une assemblée moins nombreuse sera plus facile à diriger; la raison s'y fera mieux entendre. L'autorité du Roi, qui se sera exercée par la réduction, y sera plus ferme et plus sûre.

Et puis, dans le cas de la dissolution, le Roi serait-il plus assuré de la majorité? Que de chances contre! D'une part les exagérés, dont le but est de faire passer une partie de l'autorité royale dans ce qu'ils appellent l'aristocratie, occupent presque tous les postes qui influent sur les opérations des assemblées électorales. De l'autre, ils seront vivement combattus par les partisans d'une liberté populaire non moins dangereuse pour l'autorité royale. La lutte qui se sera engagée dans les assemblées se reproduira dans la Chambre, et quelle sera la majorité qui naîtra de cette lutte?

Si le moyen de la réduction ne paraît pas admissible, si d'un autre côte on croit très-probable que l'esprit hostile de la chambre nécessitera la dissolution après la convocation, je n'hésiterais pas à préférer la dissolution actuelle au danger, trouvé si probable, de la dissolution après la réunion.

Que si la dissolution actuelle amenait la composition d'une Chambre avec le même esprit, les mêmes vues, il faudrait alors chercher des remèdes, préserver l'autorité royale, sauver la France de l'étranger.

Le premier moyen serait de sacrifier des ministres qui sont prêts à laisser leurs places et leurs vies pour préserver le Roi de France.

Les notes ci-dessus ne sont fondées que sur la nécessité probable de la dissolution après la convocation.

Elle sera nécessaire si, sous le prétexte d'amendements, on se joue de la volonté du Roi, si le budget est refusé, s'il est trop différé, si les amendements ou les propositions sont de nature à jeter l'alarme en France, et par conséquent à appeler les étrangers.

Les habitudes prises à la dernière session, les projets exprimés, le ressentiment éprouvé, les renseignements qu'on s'est procurés, les hostilités préparées de la part des ambitieux, les projets annoncés d'affaiblir l'autorité royale, en déclamant contre la centralisation (corrigée) du gouvernement, sont de puissantes raisons peur appuyer les probabilités qui font craindre la nécessité de la dissolution.

D'un autre côté, on doit trouver difficile que des Français aveugles compromettent le sort de la France, et, en continuant à lutter contre la volonté royale, puissent s'exposer au double fléau de l'étranger, de la guerre civile, ou seulement de la perte de quelques provinces, par des propositions imprudentes, légalement injustes, ou……

Est-il permis d'espérer qu'en présentant des projets de loi tels que la religion, l'amour du Roi et de la patrie peuvent les inspirer à des hommes, est-il possible d'espérer qu'ils ne seront pas contredits?

Est-il possible de rédiger ces projets de manière à montrer à la France et au monde que la malveillance seule peut les rejeter?

Malgré les grandes probabilités de la dissolution, on pourrait moins en redouter le danger si le roi, à l'ouverture, exprime énergiquement sa volonté, s'il rend des ordonnances préalables pour révoquer tout ce qui n'est pas consommé dans les ordonnances de juillet 1815, si surtout, après avoir manifesté sa volonté par des actes solennels. Sa Majesté veut bien les répéter fermement et autour du trône, en éloignant de sa personne ceux qui le contrarieraient ou le mettraient en doute.

Pour éviter les résistances et les luttes, serait-il possible de recourir au moyen suivant?

Quand les projets de loi, d'ordonnance, de règlement seront préparés, serait-il à propos que le Roi tînt un conseil extraordinaire dans lequel il appellerait les princes de la maison, monseigneur l'archevêque de Reims, etc.; que là tous les projets fussent arrêtés et que les princes, les principaux évêques déclarassent que les projets arrêtés ont l'assentiment de tous? Si, après ce conseil, tous les grands influents que Sa Majesté y aurait appelés répondaient que c'est la volonté commune du Roi et de la famille royale, la France serait peut-être sauvée.

Mais le grand remède est dans la volonté du Roi; une foi manifestée, si le Roi en recommande l'exécution à tout ce qui l'entoure, le danger disparaît:

Domine die tantum verbum, et sanabitur Gallia tua.

VIII

Correspondance entre le vicomte de Chateaubriand, le comte Decazes, ministre de la police générale, et M. Dambray, chancelier de France, à l'occasion de la saisie de LA MONARCHIE SELON LA CHARTE, pour cause de contravention aux lois et règlements sur l'imprimerie.

(Septembre 1816.)

1° Procès-verbal de saisie.

19 septembre 1816.

Le 18 septembre, en exécution d'un mandat de Son Excellence, daté dudit jour, portant la saisie d'un ouvrage intitulé: De la Monarchie selon la Charte, par M. de Chateaubriand, imprimé chez Le Normant, rue de Seine, n° 8, lequel ouvrage a été mis en vente sans que le dépôt des cinq exemplaires en eût été fait à la Direction générale de la librairie, je me suis transporté avec MM. Joly et Dussiriez, officiers de paix, et des inspecteurs, chez ledit sieur Le Normant, où nous sommes arrivés avant dix heures du matin.

Le sieur Le Normant nous a exposé qu'il avait fait la déclaration et pas encore le dépôt des cinq exemplaires de l'ouvrage de M. de Chateauhriand. Il a prétendu qu'il avait envoyé ce même jour, sur les neuf heures du matin, à la Direction générale de la librairie, mais qu'on a répondu que les bureaux n'étaient pas ouverts, ce dont il n'a pu produire aucune preuve.

Il a déclaré qu'il avait imprimé deux mille exemplaires de cet ouvrage, se proposant de faire une nouvelle déclaration, la première n'étant que pour quinze cents; qu'il en avait livré plusieurs centaines à l'auteur; qu'enfin, il en avait mis en vente chez les principaux libraires du Palais-Royal, Delaunay, Petit et Fabre.

Pendant que je dressais procès-verbal de ces faits et déclarations, M. de Wilminet, officier de paix, s'est présenté avec un particulier entre les mains duquel il avait aperçu, près le Pont-des-Arts, l'ouvrage dont il s'agit, au moment où ce particulier, qui a dit s'appeler Derosne, en parcourait le titre. Le sieur Derosne a déclaré qu'il l'avait acheté, pour quatre francs, ce même jour 18, à peu près à neuf heures et demie du matin; cet exemplaire a été déposé entre nos mains, et le sieur Le Normant en a remboursé le prix au sieur Derosne.

Nous avons saisi, dans le grand magasin au premier, trente exemplaires brochés auxquels nous avons réuni celui du sieur Derosne. Dans les ateliers au rez-de-chaussée, j'ai saisi une quantité considérable de feuilles d'impression du même ouvrage, que le sieur Le Normand a évaluées à neuf mille feuilles et trente et une formes qui avaient servi pour l'impression de ces feuilles.

Comme il était bien constaté, et par des faits et par les déclarations mêmes de l'imprimeur, que l'ouvrage en question avait été mis en vente avant que le dépôt des cinq exemplaires eût été fait, nous avons fait saisir les exemplaires brochés, les feuilles et les formes. Les feuilles ont été de suite chargées sur une voiture dans la cour d'entrée. Les volumes brochés, formant un paquet, ont été déposés au bas de l'escalier de l'entrée de la maison. Les formes, au nombre de trente et une, avaient été déposées sous le perron du jardin; une corde les retenait liées ensemble. Notre sceau venait d'être apposé à la partie supérieure, et M. de Wilminet se disposait à l'apposer à la partie inférieure. Toutes ces opérations s'étaient faites et se faisaient avec calme, avec le plus grand respect pour l'autorité.

Tout à coup des cris tumultueux se font entendre du fond de la cour d'entrée (M. de Chateaubriand tenait d'arriver, il pérorait des ouvriers qui l'entouraient). Ses phrases étaient interrompues par les cris: C'est M. de Chateaubriand! Les ateliers retentissaient du nom de M. de Chateaubriand! Tous les ouvriers sortaient en foule et se précipitaient du côté de la cour, en criant: C'est M. de Chateaubriand! M. de Chateaubriand! Je distinguai moi-même le cri de: Vive M. de Chateaubriand!

Au même instant, une douzaine d'ouvriers arrivent furieux à la porte du jardin où j'étais avec M. de Wilminet et deux inspecteurs, occupé à terminer le scellé sur les formes. On brise le scellé et l'on se dispose à emporter les formes; on crie à mes oreilles, d'un air menaçant: Vive la liberté de la presse! Vive le roi! Nous profitons d'un moment de silence pour demander s'il y a un ordre de cesser notre opération.—Oui, oui, il y a un ordre: Vive la liberté de la presse! criaient-ils avec insolence de toutes leurs forces: Vive le roi! et ils s'approchaient de nous de très-près pour proférer ces cris. —Eh bien! leur dis-je tranquillement, s'il y a un ordre, tant mieux; mais qu'on le produise. Et nous dîmes tous ensemble: Vous ne toucherez pas à ces formes que nous n'ayons vu l'ordre.Oui, oui, crièrent-ils, il y a un ordre. C'est de M. de Chateaubriand; c'est d'un pair de, France. Un ordre de M. de Chateaubriand vaut mieux qu'un ordre du ministre. Il se moque bien d'un ordre du ministre! Et ils répétaient avec force les cris de: Vive la liberté de la presse! Vive le Roi!

Cependant MM. les officiers de paix et les inspecteurs commis à la garde des objets saisis ou séquestrés en empêchent l'enlèvement. On arrache le paquet des exemplaires brochés des mains d'un ouvrier qui l'emportait.

M. l'officier de paix, qui mettait les scellés, obligé par la violence de suspendre l'opération, aborde M. de Chateaubriand et lui demande s'il a un ordre du ministre. Celui-ci répond avec emportement qu'un ordre du ministre n'est rien pour lui, qu'il s'oppose à son exécution, qu'il est pair de France, qu'il est le défenseur de la Charte. Il défend de rien laisser emporter.—Au surplus, a-t-il ajouté, cette mesure est nulle et sans but; j'ai fait passer dans les départements quinze mille exemplaires de cet ouvrage.—Et les ouvriers de répéter que l'ordre de M. de Chateaubriand vaut mieux que l'ordre du ministre, de recommencer leurs cris avec plus de véhémence: Vive la liberté de la presse! L'ordre de M. de Chateaubriand! Vive le Roi!

On entoure l'officier de paix. Un homme de couleur, paraissant très-animé, lui dit insolemment:—L'ordre de M. de Chateaubriand vaut mieux que l'ordre du ministre.—Les cris tumultueux recommencent autour de l'officier de paix. Je quitte le jardin en confiant aux inspecteurs la garde des formes, pour m'avancer de ce côté. Sur mon passage, plusieurs ouvriers crièrent avec violence: Vive le Roi! J'étendis la main en signe de calme et pour tenir à une distance respectueuse ceux qui voulaient s'approcher de trop près, et je répondis par le cri d'allégresse: Vive le Roi! à ce même cri proféré séditieusement par des ouvriers égarés.

M. de Chateaubriand était dans la cour d'entrée, apparemment pour empêcher que la voiture chargée des feuilles de son ouvrage ne partît pour sa destination. Je montais l'escalier dans l'intention de signifier à M. Le Normant qu'il eût à joindire à mes ordres l'influence qu'il pouvait avoir sur ses ouvriers, afin de les faire tous rentrer dans les ateliers et de le rendre devant eux responsable des événements, lorsque M. de Chateaubriand parut au bas de l'escalier, et dit, d'un ton très-emporté et en élevant fortement la voix, au milieu des ouvriers dont il se sentait vigoureusement étayé, à peu près ces paroles:

«Je suis pair de France. Je ne reconnais point l'ordre du ministre. Je m'oppose, au nom de la Charte dont je suis le défenseur, et dont tout citoyen peut réclamer la protection, je m'oppose à l'enlèvement de mon ouvrage. Je défends le transport de ces feuilles. Je ne me rendrai qu'à la force, que lorsque je verrai la gendarmerie.»

Aussitôt élevant moi-même fortement la voix, en étendant la main du haut de la première rampe de l'escalier où je me trouvais, je répondis à celui qui venait de manifester personnellement et d'une manière si formelle sa résistance à l'exécution des ordres du ministre de S. M., et prouvé par là qu'il était le véritable auteur des mouvements qui venaient d'avoir lieu, je répondis:

«Et moi, au nom et de par le Roi, en qualité de commissaire de police nommé par S. M. et agissant par l'ordre de S. Exc. le ministre de la police générale, j'ordonne le respect à l'autorité. Que tout reste intact; que tout tumulte cesse, jusqu'aux nouveaux ordres que j'attends de S. Exc.»

Pendant que je prononçais ces mots, il s'est fait un grand silence. Le calme a succédé au tumulte. Bientôt après la gendarmerie est survenue. J'ai donné ordre aux ouvriers de rentrer dans les ateliers. M. de Chateaubriand, aussitôt que les gendarmes sont entrés, s'est retiré dans les appartements de M. Le Normant et n'a plus reparu. Nous avons terminé notre opération, et avons dressé procès-verbal de tout ce qui venait de se passer, après avoir envoyé au ministère les objets saisis et confié les formes à la garde et sous la responsabilité de M. Le Normant.

Dans le moment du tumulte, un exemplaire broché a disparu. Nous avons ensuite saisi chez le sieur Lemarchand, brocheur, ancien libraire, rue de la Parcheminerie, sept paquets d'exemplaires du même ouvrage, et rue des Prêtres, n° 17, dans un magasin de M. Le Normant, nous avons mis huit formes sous le scellé et saisi quatre mille feuilles de ce même ouvrage.

J'ai envoyé au ministère des procès-verbaux de ces différentes opérations avec les feuilles ou exemplaires saisis de l'ouvrage de M. de Chateaubriand.

Le sieur Le Normant m'a paru ne s'être pas mal conduit pendant l'opération que j'ai faite à son domicile et dans le tumulte que M. de Chateaubriand y a excité à l'occasion de la saisie de son ouvrage. Mais il est suffisamment constaté, par ses aveux et par des faits, qu'il a mis en vente chez des libraires et qu'il a vendu lui-même des exemplaires de cet ouvrage avant d'avoir fait le dépôt des cinq exigés par les ordonnances.

Quant à M. de Chateaubriand, je suis étonné qu'il ait pu compromettre aussi scandaleusement la dignité des titres qui le décorent, en se montrant dans cette circonstance comme s'il n'eût été que le chef d'une troupe d'ouvriers qu'il avait soulevés. Le titre si respectable de pair de France qu'il s'est donné lui-même plusieurs fois, dans un tumulte dont il était l'auteur, était peu fait pour imposer dans la bouche d'un homme sur le visage duquel on lisait facilement combien il était en proie à la colère et à l'exaspération d'amour-propre d'un auteur.

Il a été la cause que des ouvriers ont profané le cri sacré de: Vive le Roi, en le proférant dans un acte de rébellion envers l'autorité du gouvernement, qui est la même que celle du Roi.

Il a excité ces hommes égarés contre un commissaire de police, fonctionnaire public nommé par S. M., et contre trois officiers de paix, au moment même de l'exercice de leurs fonctions, et sans armes contre cette multitude.

Il a manqué au gouvernement royal en disant qu'il ne reconnaissait que la force, sous un régime basé sur une autre force que celle des baïonnettes, et qui ne fait usage de celles-ci que contre les personnes étrangères au sentiment d'honneur.

Enfin cette scène eût pu avoir des suites graves si, imitant la conduite de M. de Chateaubriand, nous eussions oublié un seul moment que nous agissions par les ordres d'un gouvernement modéré autant que ferme, et fort de sa sagesse comme de sa légitimité.

M. le vicomte de Chateaubriand à M. le comte Decazes.

Paris, le 18 septembre 1816.

Monsieur le comte,

J'ai été chez vous pour vous témoigner ma surprise. J'ai trouvé à midi chez M. Le Normant, mon libraire, des hommes qui m'out dit être envoyés par vous pour saisir mon nouvel ouvrage intitulé: De la Monarchie selon la Charte.

Ne voyant pas d'ordre écrit, j'ai déclaré que je ne souffrirais pas l'enlèvement de ma propriété, à moins que des gens d'armes ne la saisissent de force. Des gens d'armes sont arrivés, et j'ai ordonné à mon libraire de laisser enlever l'ouvrage.

Cet acte de déférence à l'autorité, Monsieur le comte, n'a pas pu me laisser oublier ce que je devais à ma dignité de pair. Si j'avais pu n'apercevoir que mon intérêt personnel, je n'aurais fait aucune démarche; mais les droits de la pensée étant compromis, j'ai dû protester, et j'ai l'honneur de vous adresser copie de ma protestation. Je réclame, à titre de justice, mon ouvrage; et ma franchise doit ajouter que, si je ne l'obtiens pas, j'emploierai tous les moyens que les lois politiques et civiles mettent en mon pouvoir. J'ai l'honneur d'être, etc.

Signé: Vte DE CHATEAUBRIAND.

M. le comte Decazes à M. le vicomte de Chateaubriand.

Paris, le 18 septembre 1816.

Monsieur le vicomte,

Le commissaire de police et les officiers de paix, contre lesquels vous avez cru devoir autoriser la rébellion des ouvriers du sieur Le Normant, étaient porteurs d'un ordre signé d'un ministre du Roi et motivé sur une loi. Cet ordre avait été exhibé à cet imprimeur, qui l'avait lu à plusieurs reprises et n'avait pas cru pouvoir se permettre de s'opposer à son exécution réclamée de par le Roi. Il ne lui était sans doute pas venu dans la pensée que votre qualité de pair pût vous affranchir de l'exécution des lois, du respect dû par tous les citoyens aux fonctionnaires publics dans l'exercice de leur charge, et motiver surtout une révolte de ses ouvriers contre un commissaire de police et des officiers institués par le Roi, revêtus des marques distinctives de leurs fonctions et agissant en vertu d'ordres légaux.

J'ai vu avec peine que vous aviez pensé autrement, que vous aviez préféré, ainsi que vous me le mandez, céder à la force qu'obéir à la loi. Cette loi, à laquelle le sieur Le Normand était en contravention, est formelle, Monsieur le vicomte; elle veut qu'aucun ouvrage ne puisse être publié clandestinement, et qu'aucune publication ni vente n'en soit faite avant le dépôt qu'elle ordonne d'effectuer à la Direction de l'imprimerie. Elle exige aussi que l'impression soit précédée d'une déclaration de l'imprimeur. Aucune de ces dispositions n'a été remplie par le sieur Le Normant. S'il a fait une déclaration, elle a été inexacte; car il a lui-même consigné au procès-verbal dressé par le commissaire de police, qu'il avait déclaré qu'il se proposait de tirer à 1,500 exemplaires et qu'il en avait imprimé 2,000.

D'un autre côté, j'étais informé que, quoiqu'aucun dépôt n'eût été fait à la Direction de l'imprimerie, plusieurs centaines d'exemplaires avaient été distraits ce matin, avant neuf heures, de chez le sieur Le Normant et envoyés chez vous et chez plusieurs libraires, que d'autres exemplaires étaient vendus par le sieur Le Normant chez lui au prix de 4 francs, et deux de ces exemplaires se trouvaient ce matin à huit heures et demie dans mes mains.

J'ai dû ne pas souffrir cette contravention et ne pas permettre la vente d'un ouvrage ainsi clandestinement et illégalement publié. J'en ai ordonné la saisie, conformément aux articles 14 et 15 de la loi du 21 octobre 1814.

Personne en France, Monsieur le vicomte, n'est au-dessus de la loi. MM. les pairs s'offenseraient avec raison si j'avais supposé qu'ils en eussent la prétention: ils ont sans doute encore moins celle que les ouvrages qu'ils croient pouvoir publier et vendre comme particuliers et comme hommes de lettres, quand ils veulent bien honorer cette profession par leurs travaux, soient privilégiés; et, si ces ouvrages sont soumis à la censure du public comme ceux des autres auteurs, ils ne sont pas non plus affranchis de celle de la justice et de la surveillance de la police, dont le devoir est de veiller à ce que les lois, qui sont les mêmes et également obligatoires pour tous, soient aussi également exécutées.

Je vous ferai d'ailleurs observer, Monsieur le vicomte, que c'est dans le domicile et l'imprimerie du sieur Le Normant, qui n'est pas pair de France, que l'ordre donné constitutionnellement de saisir un ouvrage publié par lui en contravention à la loi était exécuté; que cette exécution était consommée quand vous vous y êtes présenté et lorsque, sur votre déclaration que vous ne souffririez pas qu'on enlevât cet ouvrage, les ouvriers ont brisé les scellés, repoussé les fonctionnaires publics et se sont mis en révolte ouverte contre l'autorité du Roi. Et il ne vous sera pas échappé, Monsieur le vicomte, que c'est en invoquant ce nom sacré qu'ils se sont rendus coupables d'un crime dont, sans doute, ils ne sentaient pas la gravité et auquel ils ne se seraient pas laissé entraîner s'ils avaient été plus pénétrés du respect dû à ses actes et à ses mandataires, et s'il pouvait se faire qu'ils ne lussent pas ce qu'ils impriment.

J'ai cru, Monsieur le vicomte, devoir à votre caractère ces explications, qui vous prouveront peut-être que, si la dignité de pair a été compromise dans cette circonstance, ce n'est pas par moi.

J'ai l'honneur d'être,

Monsieur le vicomte,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Signé: Comte DECAZES.

M. le vicomte de Chateaubriand à M. le comte Decazes.

Paris; ce 19 septembre 1816.

Monsieur le comte,

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 18 de ce mois. Elle ne répond point à la mienne du même jour.

Vous me parlez d'écrits clandestinement publiés (à la face du soleil, avec mon nom et mes titres). Vous parlez de révolte et de rébellion, et il n'y a eu ni révolte ni rébellion. Vous dites qu'on a crié: Vive le Roi! Ce cri n'est pas encore compris dans la loi des cris séditieux, à moins que la police n'en ait ordonné autrement que les Chambres. Au reste, tout cela s'éclaircira en temps et lieu. On n'affectera plus de confondre la cause du libraire et la mienne; nous saurons-si, dans un gouvernement libre, un ordre de la police, que je n'ai pas même vu, est une loi pour un pair de France; nous saurons si l'on n'a pas violé envers moi tous les droits qui me sont garantis par la Charte, et comme citoyen et comme pair. Nous saurons, par les lois mêmes que vous avez l'extrême bonté de me citer (il est vrai avec un peu d'inexactitude), si je n'ai pas le droit de publier mes opinions; nous saurons enfin si la France doit désormais être gouvernée par la police ou par la Constitution.

Quant à mon respect et à mon dévouement pour le Roi, Monsieur le comte, je ne puis recevoir de leçon et je pourrais servir d'exemple. Quant à ma dignité de pair, je la ferai respecter aussi bien que ma dignité d'homme; et je savais parfaitement, avant que vous prissiez la peine de m'en instruire, qu'elle ne sera jamais compromise par vous ni par qui que ce soit. Je vous ai demandé la restitution de mon ouvrage: puis-je espérer qu'il me sera rendu? Voilà dans ce moment toute la question.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur le comte, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Signé: Le vicomte DE CHATEAUBRIAND.

M. Dambray à M. le comte Decazes.

Paris, ce 19 septembre 1816.

Je vous envoie confidentiellement, mon cher collègue, la lettre que j'ai reçue hier de M. de Chateaubriand, avec la protestation en forme dont il m'a rendu dépositaire. Je vous prie de me renvoyer ces pièces, qui ne doivent recevoir aucune publicité. Je joins aussi la copie de ma réponse, que vous voudrez bien me renvoyer après l'avoir lue, parce que je n'en ai pas gardé d'autre. J'espère que vous l'approuverez.

Je vous renouvelle tous mes sentiments.

DAMBRAY.

M. le vicomte de Chateaubriand à M. le chancelier Dambray.

Paris, ce 18 septembre 1816.

Monsieur le chancelier,

J'ai l'honneur de vous envoyer copie de la protestation que j'ai faite et de la lettre que je viens d'écrire à M. le ministre de la police.

N'est-il pas étrange, monsieur le chancelier, qu'on enlève en plein jour, à main armée, malgré mes protestations, l'ouvrage d'un pair de France, signé de son nom, imprimé publiquement à Paris, comme on aurait enlevé un écrit séditieux et clandestin, le Nain-Jaune ou le Nain-Tricolore? Outre ce que l'on devait à ma prérogative comme pair de France, j'ose dire, Monsieur le chancelier, que je méritais personnellement un peu plus d'égards. Si mon ouvrage était coupable, il fallait me traduire devant les tribunaux compétents: j'aurais répondu.

J'ai protesté pour l'honneur de la pairie, et je suis déterminé à suivre cette affaire avec la dernière rigueur. Je réclame, Monsieur le chancelier, votre appui comme président de la Chambre des pairs, et votre autorité comme chef de la justice.

Je suis, avec un profond respect, etc.

Signé: Vicomte DE CHATEAUBRIAND.

M. Dambray à M. le vicomte de Chateaubriand.

Paris, le 19 septembre 1816.

J'ai reçu, Monsieur le vicomte, avec la lettre que vous m'avez adressée, la déclaration relative à la saisie qui eut lieu hier chez votre libraire; j'ai de la peine à comprendre l'usage que vous vous proposez de faire de cette pièce, qui ne peut atténuer en aucune manière la contravention commise par le sieur Le Normant. La loi du 21 octobre 1814 est précise à cet égard: «Nul imprimeur ne peut mettre en vente un ouvrage ou le publier de quelque manière que ce soit, avant d'avoir déposé le nombre prescrit d'exemplaires.—Il y a lieu à saisie, ajoute l'article 15, et séquestre d'un ouvrage, si l'imprimeur ne représente pas les récépissés du dépôt ordonné par l'article précédent.»

«Les contraventions (art. 20) seront constatées par les procès-verbaux des inspecteurs de la librairie et des commissaires de police.»

Vous ignoriez probablement ces dispositions quand vous avez cru que votre qualité de pair de France vous donnait le droit de vous opposer personnellement à une opération de police ordonnée ou autorisée par la loi que tous les Français, quel que soit leur rang, doivent également respecter.

Je vous suis trop attaché, Monsieur, pour n'être pas profondément affligé de la part que vous avez prise à la scène scandaleuse qui paraît avoir eu lieu à ce sujet, et je regrette bien vivement que vous ayez encore ajouté des torts de forme au tort réel d'une publication que vous saviez être si désagréable à Sa Majesté. Je ne connais au reste votre ouvrage que par le mécontentement que le Roi en a publiquement exprimé; mais je suis désolé de voir l'impression qu'il a faite sur un prince qui daignait en toute occasion montrer autant de bienveillance pour votre personne que d'estime pour vos talents.

Recevez, Monsieur le vicomte, l'assurance de ma haute considération et de mon inviolable attachement.

Le chancelier de France,

Signé: DAMBRAY.

IX

Tableaux des principales modifications et réformes introduites dans l'administration générale de la France, par MM. Laîné et Decazes, successivement ministres de l'intérieur de 1816 à 1820, et par M. le maréchal Gouvion Saint-Cyr, ministre de la guerre de 1817 à 1819.

1° MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR.

M. LAINÉ.

(Mai 1816.—Décembre 1818.)

1816.

4 septembre. Ordonnance pour la réorganisation de l'École polytechnique. 25 septembre. Ordonnance pour autoriser la Société des missions de France. 11 décembre. Ordonnance sur l'organisation des gardes nationales du département de la Seine. 23 décembre. Ordonnance pour l'institution du chapitre royal de Saint-Denis.

1817.

26 février. Ordonnance sur l'administration des travaux publics de Paris. 26 février. Ordonnance sur l'organisation des Écoles des arts et métiers de Châlons et d'Angers.

12 mars. Ordonnance sur l'administration et les bourses des collèges royaux.

26 mars. Ordonnance pour autoriser l'assistance des préfets et des sous-préfets aux conseils généraux de département et d'arrondissement.

2 avril. Ordonnance sur l'administration des maisons centrales de détention.

2 avril. Ordonnance sur les conditions et le mode de l'autorisation royale pour les legs et donations aux établissements religieux.

9 avril. Ordonnance pour la répartition de 3,900,000 fr. employés à l'amélioration du sort du clergé catholique.

9 avril. Ordonnance qui supprime les secrétaires généraux des préfectures, sauf pour le département de la Seine.

16 avril. Trois ordonnances pour régler l'organisation et le personnel du Conservatoire des arts et'métiers.

10 septembre. Ordonnance sur le régime du port de Marseille quant aux droits de douane et aux entrepôts.

6 novembre. Ordonnance pour régler la réduction progressive du nombre des conseillers de préfecture.

1818.

20 mai. Ordonnance pour l'augmentation des traitements ecclésiastiques, surtout de ceux des desservants.

3 juin. Ordonnance sur la cessation des octrois par abonnement à l'entrée des villes.

29 juillet. Ordonnance pour la création de la caisse d'épargne et de prévoyance de Paris.

30 septembre. Ordonnance qui retire à S. A. R. Monsieur, en lui en laissant les prérogatives honorifiques, le commandement effectif des gardes nationales du royaume, pour le rendre au ministre de l'intérieur et aux autorités municipales.

7 octobre. Ordonnance sur l'usage et l'administration des biens communaux.

21 octobre. Ordonnance sur les primes d'encouragement à la pêche maritime. 17 décembre. Ordonnance sur l'organisation et l'administration des établissements d'éducation dits Britanniques.

Comte DECAZES.

(Décembre 1818.—Février 1820.)

1819.

13 janvier. Ordonnance pour prescrire les expositions publiques des produits de l'industrie; la première au 25 août 1819.

27 janvier. Ordonnance pour la création d'un Conseil d'agriculture.

14 février. Ordonnance sur les encouragements à la pêche de la baleine.

24 mars. Ordonnance portant diverses réformes et améliorations dans l'École de droit de Paris.

9 avril. Ordonnance instituant un jury de fabricants pour désigner à des récompenses les artistes qui ont fait faire le plus de progrès à leur industrie.

10 avril. Ordonnance portant institution du Conseil général des prisons.

9 avril. Ordonnance pour faciliter les ventes publiques de marchandises à l'enchère.

23 juin. Ordonnance pour l'allégement du service de la garde nationale de Paris.

29 juin. Ordonnance sur la tenue des consistoires israélites.

23 août. Deux ordonnances sur l'organisation et les attributions des Conseils généraux du commerce et des manufactures.

25 août. Ordonnance portant érection de cinq cents nouvelles succursales.

25 novembre. Ordonnance sur l'organisation et l'enseignement du Conservatoire des arts et métiers.

22 décembre. Ordonnance sur l'organisation et le régime de la caisse de Poissy.

25 décembre. Ordonnance sur le mode de collation et le régime des bourses communales dans les collèges royaux.

29 décembre. Ordonnance autorisant la fondation d'une maison provisoire pour les vieillards et les malades dans le quartier du Gros-Caillou.

1820.

4 février. Ordonnance portant règlement sur le régime des voitures publiques dans tout le royaume.

2° MINISTÈRE DE LA GUERRE.

Le maréchal GOUVION SAINT-CYR.

(Septembre 1817-Novembre 1819)

1817.

22 octobre. Ordonnance sur l'organisation du corps des ingénieurs-géographes de la guerre.

6 novembre. Ordonnance sur l'organisation des états-majors des divisions militaires et de la garde royale.

10 décembre. Ordonnance sur le régime de l'administration des subsistances militaires.

17 décembre Ordonnance sur l'organisation de l'état-major du corps du génie.

47 décembre. Ordonnance sur l'organisation de l'état-major du corps de l'artillerie.

24 décembre. Ordonnance sur l'organisation des écoles militaires.

1818.

23 mars. Ordonnance sur le régime et la vente des poudres de guerre, de mine et de chasse.

25 mars. Ordonnance sur l'organisation et le régime des compagnies de discipline.

8 avril. Ordonnance sur la formation des légions départementales en trois bataillons.

6 mai. Ordonnance sur l'organisation du corps et de l'école d'état-major.

20 mai. Ordonnance sur la situation et le traitement de non-activité et de réforme.

30 mai. Instructions approuvées par le Roi sur les engagements volontaires.

10 juin. Ordonnance sur l'organisation, le régime et l'enseignement des écoles militaires.

8 juillet. Ordonnance sur l'organisation et le régime des écoles régimentaires d'artillerie.

15 juillet. Ordonnance sur l'organisation des services des poudres et salpêtres.

22 juillet. Ordonnance sur le cadre de l'état-major général de l'armée.

2 août. Ordonnance sur la hiérarchie militaire et la progression de l'avancement en exécution de la loi du 10 mars 1818.

5 août. Ordonnance sur le traitement des officiers du corps d'état-major.

5 août. Ordonnance sur le régime et les dépenses du casernement.

2 septembre. Ordonnance sur le corps de la gendarmerie de Paris.

30 décembre. Ordonnance sur l'organisation et le régime des compagnies de gardes du corps du Roi.

30 décembre. Ordonnance sur le traitement des gouverneurs de divisions militaires.

17 février. Ordonnance sur la composition et la force des quatre-vingt-six légions d'infanterie.

X

M. Guizot à M. de Serre.

Paris, 12 avril 1820.

Mon cher ami, je ne vous ai pas écrit dans toutes nos misères. Je savais qu'il vous viendrait d'ici cent avis différents, cent tableaux divers de la situation; et quoique je n'eusse, dans aucun de ceux qui vous les adressaient une entière confiance, comme il n'y avait pour vous, selon moi, point de détermination importante à prendre, je me suis abstenu de paroles inutiles. Aujourd'hui tout est plus clair, plus mûr; la situation prend extérieurement le caractère qu'elle recelait dans son sein; j'ai besoin de vous dire ce que j'en pense, dans l'intérêt de notre avenir général et du vôtre en particulier.

Les lois d'exception ont passé. Vous avez vu comment: fatales à ceux qui les ont obtenues, d'un profit immense pour ceux qui les ont attaquées. Leur discussion a eu, dans la Chambre, ce résultat que le côté droit s'est effacé pour se mettre à la suite du centre droit, tandis que le centre gauche; en se taisant ou à peu près, a consenti à marcher à la suite du côté gauche, dont cependant il recommence, depuis quatre jours, à se séparer. Voilà pour l'intérieur de la Chambre.

Au dehors, soyez sûr que l'effet de ces deux discussions sur les masses nationales a été de faire considérer le côté droit comme moins fier et moins exigeant, le côté gauche comme plus ferme et plus mesuré qu'on ne le pensait. De sorte que maintenant, dans l'esprit de beaucoup de bons citoyens, la peur de la droite et la méfiance de la gauche ont également diminué. Il y a, dans ce double fait, un grand mal. Nous faisions, l'an dernier, au dehors comme dans la Chambre, des conquêtes sur la gauche; aujourd'hui, c'est elle qui en fait sur nous. Nous étions, l'an dernier comme depuis 1845, un rempart nécessaire et estimé assez sûr contre les ultrà dont on avait grand peur et dont la domination semblait possible; aujourd'hui, on craint moins les ultra parce qu'on ne croit guère à leur domination. Conclusion: on a moins besoin de nous.

Voyons l'avenir. On va retirer la loi d'élections que Decazes avait présentée huit jours avant sa chute. Cela est indubitable; on sait qu'elle ne passerait pas, que la discussion de ses quarante-huit articles serait sans terme: les ultrà se méfient beaucoup de ses résultats probables; elle est décriée; on en fera, on en fait une autre. Que sera-t-elle? je ne sais; ce qui me paraît certain, c'est que, si rien ne change dans la situation actuelle, elle aura pour visée, non de perfectionner nos institutions, non de corriger les vices de la loi du 5 février 1817, mais d'amener des élections d'exception, de ravoir, comme on le dit tout haut, quelque chose d'analogue à la Chambre de 1815. C'est le but avoué, et, qui plus est, le but naturel et nécessaire. Ce but, on le poursuivra sans l'atteindre; une telle loi échouera, ou dans la discussion ou dans l'application. Si elle passe, et passe après le débat qu'elle ne peut manquer d'amener, la question fondamentale, la question de l'avenir sortira de la Chambre et ira chercher sa solution au dehors, dans l'intervention des masses. Si la loi est rejetée, la question pourra rester dans la Chambre, mais ce ne sera plus le ministère actuel qui aura mission et pouvoir de la résoudre. Si un choix nous reste, ce dont je suis loin de désespérer, il est entre une révolution extérieure déplorable et une révolution ministérielle très-profonde. Et cette dernière chance, qui est pour nous la seule, s'évanouira si nous ne nous conduisons pas de façon à offrir au pays, pour l'avenir, un ministère hardiment constitutionnel.

Dans cette situation, ce qu'il est indispensable que vous sachiez, ce que vous veniez en cinq minutes si vous passiez cinq minutes ici, c'est que vous n'êtes plus ministre, que vous ne faites plus partie du ministère actuel. On pourrait vous défier de parler avec lui, comme lui, comme il est contraint de parler. La situation où il est, il y est par nécessité; il n'y pourrait échapper qu'en changeant complètement de terrain et d'amis, en ressaisissant 80 voix sur les 1l5 voix de l'opposition actuelle. C'est là ce qu'il ne fera point. Et à côté de l'impuissance du cabinet actuel, vient se placer l'impossibilité de sortir de là par la droite: un ministère ultrà est impossible. Les événements d'Espagne, quel que soit leur avenir, ont frappé à mort le gouvernement des coups d'État et des ordonnances.

J'y ai bien regardé, mon cher ami; j'y ai bien pensé, à moi seul, encore plus que je n'en ai causé avec d'autres. Vous ne pouvez demeurer indéfiniment dans une situation à la fois si violente et si faible, si dépourvue de puissance gouvernementale et d'avenir. Je ne sais aujourd'hui qu'une chose à faire, c'est de se réserver et de préparer des sauveurs à la monarchie. Je ne vois, dans la direction actuelle des affaires, aucune possibilité de travailler efficacement à son salut; on n'y peut que se traîner timidement sur la pente qui la mène à sa ruine. On pourra n'y pas perdre sa renommée de bonne intention et de bonne foi: mais c'est là le maximum d'espérance que le cabinet actuel puisse raisonnablement conserver. Ne vous y trompez pas; de tous les plans de réforme monarchique et libérale à la fois que vous aviez médités l'an dernier, rien ne reste plus; ce n'est plus un remède hardi qu'on cherche contre le vieil esprit révolutionnaire; c'est un misérable expédient qu'on poursuit en y croyant à peine. Ce n'est pas à vous, mon cher ami, qu'il convient de demeurer garrotté dans ce système. Grâce à Dieu, vous n'avez été pour rien dans les lois d'exception. Quant aux projets constitutionnels que vous aviez conçus, il en est plusieurs, le renouvellement intégral de la Chambre entre autres, qui ont plutôt gagné que perdu du terrain, et qui sont devenus possibles dans une autre direction et avec d'autres hommes. Je sais que rien ne se passe d'une manière aussi décisive ni aussi complète qu'on l'avait imaginé, et que tout est, avec le temps, affaire d'arrangement et de transaction. Mais, sur le terrain où le pouvoir est placé aujourd'hui, vous ne pouvez rien, vous n'êtes rien; ou plutôt vous n'avez aujourd'hui point de terrain sur lequel vous puissiez vous tenir debout, ou tomber avec honneur. Si vous étiez ici, ou vous sortiriez en huit jours de cette impuissante situation, ou vous vous y effaceriez comme les autres, ce qu'à Dieu ne plaise!

Vous voyez, mon cher ami, que je vous parle avec la plus brutale franchise. C'est que j'ai un sentiment profond du mal présent et de la possibilité du salut à venir. Cette possibilité, vous en êtes un instrument nécessaire. Forcément inactif, comme vous l'êtes en ce moment, ne vous laissez pas engager de loin dans ce qui n'est ni votre opinion, ni votre voeu. Réglez vous-même votre destinée, ou du moins votre place dans la destinée commune; et, s'il faut périr, ne périssez du moins que pour votre cause et selon votre avis.

Je joins à cette lettre le projet de loi que M. de Serre avait préparé en novembre 1819, et qu'il se proposait de présenter aux Chambres pour compléter la Charte en même temps que pour réformer la loi électorale. On verra combien ce projet différait de celui qui fut présenté en avril 1820, uniquement pour changer la loi des élections, et que M. de Serre soutint comme membre du second cabinet du duc de Richelieu.

Projet de loi sur l'organisation de la législature.

Article 1. La législature prend le nom de Parlement de France.

Art. 2. Le Roi convoque tous les ans le Parlement.

Le Parlement est convoqué extraordinairement au plus tard dans les deux mois qui suivent la majorité du Roi ou son avénement au trône, ou tout événement qui donne lieu à l'établissement d'une régence.

De la Pairie.

Art. 3. La pairie ne peut être conférée qu'à un Français majeur et jouissant des droits politiques et civils.

Art. 4. Le caractère de pair est indélébile; il ne peut être perdu ni abdiqué du moment où il a été conféré par le Roi.

Art. 5. L'exercice des droits et fonctions de pair peut être suspendu dans deux cas seulement: 1° la condamnation à une peine afflictive; 2° l'interdiction instruite dans les formes prescrites par le Code civil. L'une ou l'autre ne peuvent être prononcées que par le Chambre des pairs.

Art. 6. Les pairs ont entrée dans la Chambre à vingt et un ans et voix délibérative à vingt-cinq ans accomplis.

Art. 7. En cas de décès d'un pair, son successeur à la pairie sera admis dès qu'il aura atteint l'âge requis, en remplissant les formes prescrites par l'ordonnance du 23 mars 1816, laquelle sera annexée à la présente loi.

Art. 8. La pairie, instituée par le Roi, ne pourra à l'avenir être, du vivant du titulaire, déclarée transmissible qu'aux enfants mâles, naturels et légitimes du pair institué.

Art. 9. L'hérédité de la pairie ne pourra être conférée à l'avenir qu'autant qu'un majorat d'un revenu net de vingt mille francs au moins aura été attaché à la pairie.

Dotation de la Pairie.

Art. 10. La pairie sera dotée: 1° de trois millions cinq cent mille francs de rente inscrite sur le Grand-Livre de la dette publique, lesquels seront immobilisés et exclusivement affectés à la formation de majorats; 2° de huit cent mille francs de rente également inscrite et immobilisée, affectés aux dépenses de la Chambre des pairs.

Au moyen de cette dotation, ces dépenses cessent d'être portées au budget de l'État, et les domaines, rentes et biens de toute nature, provenant de la dotation de l'ancien Sénat et des sénatoreries, autres que le Palais du Luxembourg et ses dépendances, sont réunis au domaine de l'Etat.

Art. 11. Les trois millions cinq cent mille francs de rente, destinés à la formation des majorats, sont divisés en cinquante majorats de trente mille francs et cent majorats de vingt mille francs chacun, attachés à autant de pairies.

Art. 12. Ces majorats seront conférés par le Roi aux pairs laïques exclusivement; ils seront transmissibles avec la pairie de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, en ligne naturelle, directe et légitime seulement.

Art. 13. Un pair ne pourra réunir sur sa tête plusieurs de ces majorats.

Art. 14. Aussitôt après la collation d'un majorat, et sur le vu des lettres patentes, le titulaire sera inscrit au Grand-Livre de la dette publique pour une rente immobilisée du montant de son majorat.

Art. 15. En cas d'extinction des successibles à l'un de ces majorats, il revient à la disposition du Roi, qui le confère de nouveau, conformément aux règles ci-dessus. Le majorat ne peut l'être antérieurement.

Art. 16. Le Roi pourra permettre au titulaire d'un majorat de le convertir en immeubles d'un revenu égal, lesquels seront sujets à la même réversibilité.

Art. 17. La dotation de la pairie est inaliénable et ne peut, sous aucun prétexte, être détournée à un autre usage que celui prescrit par la présente loi.

Cette dotation demeure grevée, jusqu'à extinction, des pensions dont jouissent actuellement les anciens sénateurs, comme de celles qui ont été ou qui pourraient être accordées à leurs veuves.

De la Chambre des députés.

Art. 18. La Chambre des députés au Parlement est composée de quatre cent cinquante-six membres.

Art. 19. Les députés au Parlement sont élus pour sept ans.

Art. 20. La Chambre est renouvelée intégralement, soit en cas de dissolution, soit à l'expiration du temps pour lequel les députés sont élus.

Art. 21. Le président de la Chambre des députés est élu, dans les formes ordinaires, pour toute la durée du Parlement.

Art. 22. Le cens, pour être électeur ou éligible, se compose du principal des contributions directes, sans égard aux centimes additionnels.

A cet effet, les contributions des portes et fenêtres seront divisées en principal et centimes additionnels, de manière que deux tiers de l'impôt total soient portés comme principal et l'autre tiers comme centimes additionnels. A l'avenir, ce principe demeurera fixe; les augmentations ou diminutions sur ces deux impôts se feront par addition ou réduction de centimes additionnels. Il en sera de même des contributions foncière, personnelle et mobilière, lorsque le principal en aura été définitivement fixé.

La contribution foncière et celle des portes et fenêtres ne seront comptées qu'au propriétaire ou à l'usufruitier, nonobstant toute convention contraire.

Art. 23. On compte au fils les contributions de son père, et au gendre dont la femme est vivante ou qui a des enfants d'elle, les contributions de son beau-père, lorsque le père ou le beau-père leur ont transféré leur droit.

On compte les contributions d'une veuve, non remariée, à celui de ses fils, et, à défaut de fils, à celui de ses gendres qu'elle désigne.

Art. 24. Pour être comptées à l'éligible ou à l'électeur, ces contributions doivent avoir été payées par eux, ou par ceux dont ils exercent le droit, une année au moins avant le jour où se fait l'élection. L'héritier ou le légataire à titre universel est censé avoir payé l'impôt de son auteur.

Art. 25. Tout électeur et tout député sont tenus d'affirmer, s'ils en sont requis, qu'ils payent réellement et personnellement, où que ceux dont ils exercent les droits payent réellement et personnellement le cens exigé par la loi; qu'eux ou ceux dont ils exercent les droits sont sérieux et légitimes propriétaires des biens dont ils payent les contributions, ou qu'ils exercent réellement l'industrie de la patente pour laquelle ils sont imposés.

Ce serment est reçu par la Chambre pour les députés, et par le bureau pour les électeurs. Il est signé par eux, le tout sauf la preuve contraire.

Art. 26. Est éligible à la Chambre des députés tout Français âgé de trente ans accomplis au jour de l'élection, jouissant des droits politiques et civils, et payant, en principal, un impôt direct de six cents francs.

Art. 27. Les députés au Parlement sont nommés, partie par des électeurs de département, partie par des électeurs des arrondissements d'élection dans lesquels est divisé chaque département, conformément au tableau annexé à la présente loi.

Les électeurs de chaque arrondissement d'élection nomment directement le nombre de députés fixé par le même tableau.

Il en est de même des électeurs de chaque département.

Art. 28. Sont électeurs de département les Français âgés de trente ans accomplis, jouissant des droits politiques et civils, ayant leur domicile dans le département et payant un impôt direct de quatre cents francs en principal.

Art. 29. Lorsque les électeurs de département sont moins de cinquante dans le département de la Corse, de cent dans les départements des Alpes Basses et Hautes, de l'Ardèche, de l'Ariége, de la Corrèze, de la Creuse, de la Lozère, de la Haute-Marne, des Hautes-Pyrénées, de Vaucluse, des Vosges; moins de deux cents dans les départements de l'Ain, des Ardennes, de l'Aube, de l'Aveyron, du Cantal, des Côtes-du-Nord, du Doubs, de la Drôme, du Jura, des Landes, du Lot, de la Meuse, des Basses-Pyrénées, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Haute-Saône; et moins de trois cents dans les autres départements, ces nombres sont complétés par l'appel des plus imposés.

Art. 30. Sont électeurs d'arrondissement les Français âgés de trente ans accomplis, jouissant des droits politiques et civils, domiciliés dans l'arrondissement d'élection et payant un impôt direct de deux cents francs en principal.

Art. 31. Les électeurs de département exercent leurs droits comme électeurs d'arrondissement, chacun dans l'arrondissement d'élection où il est domicilié. A cet effet, les élections de département n'ont lieu qu'après celles d'arrondissement.

Art. 32. Les députés au Parlement nommés par les électeurs d'arrondissement doivent être domiciliés dans le département, ou bien y être propriétaires, depuis plus d'une année, d'un bien payant six cents francs d'impôt en principal, ou y avoir exercé, pendant trois années au moins, des fonctions publiques.

Les députés nommés par les électeurs de département pourront être pris parmi tous les éligibles du royaume.

Formes de l'élection.

Art. 33. Aux jour et heure fixés pour l'élection, le bureau se rend dans la salle destinée à ses séances.

Le bureau se compose du président nommé par le Roi, du maire et du plus ancien juge de paix et des deux premiers conseillers municipaux du-chef-lieu où se fait l'élection. A Paris, le plus ancien maire et juge de paix de l'arrondissement d'élection et deux membres du conseil général du département, pris suivant l'ordre de leur nomination, concourent avec le président à la formation du bureau.

Les fonctions de secrétaire sont remplies par le secrétaire de la mairie.

Art. 34. Les suffrages se donnent publiquement par l'inscription que fait lui-même, ou que dicte à un membre du bureau chaque électeur, du nom des candidats sur un registre patent. L'électeur inscrit les noms d'autant de candidats qu'il y a de députés à nommer.

Art. 35. Pour qu'un éligible soit candidat et que le registre soit ouvert en sa faveur, il faut qu'il ait été proposé au bureau par vingt électeurs au moins qui inscrivent son nom sur le registre.

A Paris, nul ne peut, dans une même élection, être proposé candidat dans plus de deux arrondissements d'élection à la fois.

Art. 36. A l'ouverture de chaque séance, le président annonce quels sont les candidats proposés et le nombre de voix qu'ils ont obtenues. La même annonce est imprimée et affichée dans la ville, après chaque séance.

Art. 37. Le registre pour le premier vote demeure ouvert pendant trois jours au moins, six heures par jour.

Les députés à élire ne peuvent l'être par premier vole qu'avec la majorité absolue des électeurs d'arrondissement et du département qui ont voté dans les trois jours.

Art. 38. Le troisième jour et l'heure fixée pour voter étant expirés, le registre est déclaré fermé, les suffrages sont comptés, le nombre total et celui obtenu par chaque candidat sont publiés, et les candidats qui ont obtenu la majorité absolue sont proclamés.

Si tous les députés à élire n'ont pas été élus par le premier vote, le résultat est publié et affiché de suite, et, après un intervalle de trois jours, il est procédé, les jours suivants, à un second vote dans les mêmes formes et délais. Les candidats qui, dans ce second vote, obtiennent la majorité relative, sont élus.

Art. 39. Avant de clore les registres de chaque vote, le président demande à haute voix s'il n'y a point de réclamation contre la manière dont les suffrages ont été inscrits, et les résultats proclamés. En cas de réclamations, elles sont transcrites sur le procès-verbal de l'élection; les registres clos et scellés sont transmis à la Chambre des députés, qui décide.

S'il n'y a point de réclamations, les registres sont détruits à l'instant et le procès-verbal seul est transmis à la Chambre.

Le procès-verbal et les registres sont signés par tous les membres du bureau.

S'il y a lieu à une décision provisoire, elle est rendue par le bureau.

Art. 40. Le président est investi de toute l'autorité nécessaire pour maintenir la liberté des élections. Les autorités civiles et militaires sont tenues de déférer à ses réquisitions. Le président fait observer le silence dans la salle, où se fait l'élection, et ne permet à aucun individu non électeur ou membre du bureau de s'y introduire.

Dispositions communes aux deux Chambres.

Art. 41. Aucune proposition n'est renvoyée à une commission qu'autant que la Chambre l'a préalablement décidé. La Chambre fixé chaque fois le nombre des membres de la commission, et les nomme soit en un seul scrutin de liste, soit sur la proposition de son bureau.

Toute proposition d'un pair ou député doit être annoncée au moins huit jours à l'avance à la Chambre à laquelle il appartient.

Art. 42. Aucune proposition ne peut être adoptée par la Chambre qu'après trois lectures séparées chacune par huit jours d'intervalle au moins. La discussion s'ouvre de droit après chaque lecture. La discussion épuisée, la Chambre vote sur une nouvelle lecture. Après la dernière, elle vote sur l'adoption définitive.

Art. 43. Tout amendement doit être proposé avant la seconde lecture. L'amendement qui serait adopté après la troisième lecture en nécessiterait une nouvelle avec le même intervalle.

Art. 44. Tout amendement qui peut être discuté et voté séparément de la proposition soumise au débat, est considéré comme proposition nouvelle et renvoyé à subir les mêmes formes.

Art. 45. Les discours écrits, autres que les rapports des commissions et le premier développement d'une proposition, sont interdits.

Art. 46. La Chambre des pairs ne peut voter qu'au nombre de cinquante pairs au moins, et celle des députés au nombre de cent membres au moins.

Art. 47. Le vote dans les deux Chambres est toujours public.

Quinze membres peuvent demander la division.

La division se fait en séance secrète.

Art. 48. La Chambre des pairs peut admettre le public à ses séances. Sur la demande de cinq pairs ou sur celle de l'auteur d'une proposition, la séance redevient secrète.

Art. 49. La Chambre des députés ne se forme en comité secret pour entendre et discuter la proposition d'un de ses membres qu'autant que le comité secret est demandé par l'auteur de la proposition ou par cinq membres au moins.

Art. 50. Les dispositions des lois actuellement en vigueur et notamment celles de la loi du 5 février 1817, auxquelles il n'est pas dérogé par la présente, continueront à être exécutées suivant leur forme et teneur.

Dispositions transitoires.

Art. 51. La Chambre des députés sera, d'ici à la session de 1820, portée au nombre de quatre cent cinquante-six membres.

A cet effet, les départements de la 4e série nommeront chacun le nombre de députés qui lui est assigné par la présente loi; les autres départements compléteront chacun le nombre de députés qui lui est également assigné. Les députés à nommer en exécution du présent article le seront pour sept ans.

Art. 52. Si le nombre des députés à nommer pour compléter la députation d'un département n'excède pas celui que doivent élire les électeurs de département, ils seront tous élus par ces électeurs. Dans le cas contraire, chacun des députés excédant ce nombre sera élu par les électeurs de l'un des arrondissements d'élection du département, dans l'ordre ci-après:

1° Par celui des arrondissements d'élection qui a le droit de nommer plus d'un député, à moins qu'un au moins des députés actuels n'ait son domicile politique dans cet arrondissement.

2° Par le premier des arrondissements d'élection dans lequel aucun des députés actuels n'aura son domicile politique.

3° Par le premier des arrondissements d'élection dans lequel un ou plusieurs des députés actuels auraient leur domicile politique, de sorte qu'aucun arrondissement ne nomme plus de députés qu'il ne lui en est assigné par la présente loi.

Art. 53. A l'expiration des pouvoirs des députés actuels des 5e 1re, 2e et 3e séries, il sera procédé à une nouvelle élection d'un nombre égal de députés pour chaque département respectif, par ceux des arrondissements d'élection qui n'auraient point, en exécution de l'article précédent, élu les députés qui leur sont assignés par la présente loi.

Art. 54. Les députés à nommer en exécution du précédent article le seront, ceux de la 5e série pour six ans, ceux de la 1re pour cinq ans, ceux de la 2e pour quatre ans, et ceux de la 3e pour trois ans.

Art. 55. Les règles prescrites par les articles ci-dessus seront observées dans le cas où, d'ici au renouvellement intégral de la Chambre, il y aurait lieu au remplacement d'un député.

Art. 56. Toutes les élections à faire par suite de ces dispositions transitoires le seront en observant les formes et les conditions prescrites par la présente loi.

Art. 57. Dans le cas de dissolution de la Chambre des députés, elle serait renouvelée intégralement dans le délai fixé par l'article 50 de la Charte, et conformément à la présente loi.

XI

Correspondance entre M. de Serre, garde des sceaux, M. le baron Pasquier, ministre des affaires étrangères, et M. Guizot, à l'occasion de la destitution de M. Guizot, comme conseiller d'Etat.

M. de Serre, garde des sceaux, à M. Guizot.

Paris, 17 juillet 1820.

J'ai le regret d'avoir à vous annoncer que vous avez cessé de faire partie du conseil d'État. L'hostilité violente dans laquelle, sans l'ombre d'un prétexte, vous vous êtes placé dans ces derniers temps contre le gouvernement du Roi, a rendu cette mesure inévitable. Vous jugerez combien elle m'est particulièrement pénible. Mes sentiments pour vous me font vous exprimer le désir que vous vous réserviez pour l'avenir, et que vous ne compromettiez point, par de fausses démarches, des talents qui peuvent encore servir utilement le Roi et le pays.

Vous jouissez de six mille francs sur les affaires étrangères; ils vous seront conservés. Croyez que je serai heureux, dans tout ce qui sera compatible avec mon devoir, de vous donner des preuves de mon sincère attachement.

DE SERRE.

M. Guizot à M. de Serre.

Pans, 17 juillet 1820.

J'attendais votre lettre; j'avais dû la prévoir et je l'avais prévue quand j'ai manifesté hautement ma désapprobation des actes et des discours du ministère. Je me félicite de n'avoir rien à changer à ma conduite. Demain comme hier je n'appartiendrai qu'à moi-même, et je m'appartiendrai tout entier.

Je n'ai point et je n'ai jamais eu aucune pension ni traitement d'aucune sorte sur les affaires étrangères; je n'ai donc pas besoin d'en refuser la conservation. Je ne comprends pas d'où peut venir votre erreur. Je vous prie de vouloir bien l'éclaircir pour vous et les autres ministres, car je ne souffrirais pas que personne vînt à la partager.

Agréez, je vous prie, l'assurance de ma respectueuse considération.

GUIZOT.

M. Guizot à M. le baron Pasquier, ministre des affaires étrangères.

Paris, 17 juillet 1820.

Monsieur le baron,

Monsieur le garde des sceaux, en m'annonçant que je viens d'être, ainsi que plusieurs de mes amis, éloigné du Conseil d'État, m'écrit:

«Vous jouissez de six mille francs sur les affaires étrangères; ils vous seront conservés.»

J'ai été fort étonné d'une telle erreur. J'en ignore complétement la cause. Je n'ai point et n'ai jamais eu aucune pension ni traitement d'aucune sorte sur les affaires étrangères. Je n'ai donc pas même besoin d'en refuser la conservation. Il vous est aisé, Monsieur le baron, de vérifier ce fait, et je vous prie de vouloir bien le faire pour M. le garde des sceaux et pour vous-même, car je ne souffrirais pas que personne pût avoir le moindre doute à cet égard. Agréez, etc.

Le baron Pasquier à M. Guizot.

Le 18 juillet 1820.

Je viens, Monsieur, de vérifier la cause de l'erreur contre laquelle vous réclamez, et dans laquelle j'ai moi-même induit M. le garde des sceaux.

Votre nom se trouve, en effet, porté sur les états de dépense de mon ministère pour une somme de six mille francs, et, en me présentant cette dépense, on a eu le tort de me la présenter comme annuelle; dès lors je dus la considérer comme un traitement.

Je viens de vérifier qu'elle n'a pas ce caractère et qu'il ne s'agissait que d'une somme qui vous avait été comptée comme encouragement de l'établissement d'un journal[26]. On supposait que cet encouragement devait être continué; de là le caractère d'annualité donné à la dépense.

Je vais me hâter de détromper M. le garde des sceaux en lui donnant cette véritable explication.

Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.

PASQUIER.

[Note 26: J'avais été chargé de transmettre cet encouragement pour l'établissement du journal le Courrier français.]

XII

M. Béranger à M. Guizot, ministre de l'instruction publique.

Passy, 13 février 1834.

Monsieur le ministre,

Excusez la liberté que je prends de vous recommander la veuve et les enfants d'Emile Debraux. Vous vous demandez sans doute ce qu'était Emile Debraux; je puis vous le dire, car j'ai fait son éloge en vers et en prose. C'était un chansonnier. Vous êtes trop poli pour me demander à présent ce que c'est qu'un chansonnier, et je n'en suis pas fâché, car je serais embarrassé de vous répondre. Ce que je puis vous dire, c'est que Debraux fut un bon Français, qui chanta contre l'ancien gouvernement jusqu'à extinction de voix, et qui mourut six mois après la révolution de Juillet, laissant sa famille dans une profonde misère. Il fut une puissance dans les classes inférieures; et soyez sûr, Monsieur, que comme il n'était pas tout à fait aussi difficile que moi en fait de rime et de ce qui s'en suit, il n'eût pas manqué de chanter le gouvernement nouveau, car sa seule boussole était le drapeau tricolore.

Pour mon compte, j'ai toujours repoussé le titre d'homme de lettres, comme étant trop ambitieux pour un chansonnier; je voudrais pourtant bien, Monsieur, que vous eussiez la bonté de traiter la veuve d'Emile Debraux comme une veuve d'homme de lettres, car il me semble que ce n'est qu'à ce titre qu'elle peut avoir droit aux secours que distribue votre administration.

J'ai déjà sollicité à la Commission de l'indemnité pour les condamnés politiques en faveur de cette famille. Mais, sous la Restauration, Debraux n'a subi qu'une faible condamnation, qui donne peu de droits à la veuve; aussi n'ai-je obtenu que très-peu de chose.

Si j'étais assez heureux, Monsieur, pour vous intéresser au sort de ces infortunés, je m'applaudirais de la liberté que j'ai prise de me faire leur interprète auprès de vous. Ce qui a dû m'y encourager, ce sont les marques de bienveillance que vous avez bien voulu m'accorder quelquefois.

Je saisis cette occasion de vous en renouveler mes remerciements, et vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être,

Votre très-humble serviteur,

BÉRANGER.

FIN DU TOME PREMIER.

TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER.

CHAPITRE I.

LA FRANCE AVANT LA RESTAURATION.

(1807-1814.)

Mes raisons pour publier ces Mémoires de mon vivant.—Mon entrée dans le monde.—Mes premières relations avec M. de Chateaubriand, M. Suard, Mme de Staël, M. de Fontanes, M. Royer-Collard.—On veut me faire nommer auditeur au Conseil d'État impérial.—Pourquoi cela n'eut pas lieu.—J'entre dans l'Université.—J'ouvre mon cours d'Histoire moderne. —Salons libéraux et comité royaliste.—Caractère des diverses oppositions vers la fin de l'Empire.—Tentative de résistance du Corps législatif.—MM. Laîné, Gallois, Maine-Biran, Raynouard et Flaugergues.—Je pars pour Nîmes.—État et aspect de Paris et de la France en mars 1814.—La Restauration s'accomplit.—Je reviens à Paris et je suis nommé secrétaire général au ministère de l'intérieur.

CHAPITRE II.

LA RESTAURATION.

(1814-1815.)

Mes sentiments en entrant dans la vie publique.—Vraie cause et vrai caractère, de la Restauration.—Faute capitale du Sénat impérial.—La Charte s'en ressent.—Objections diverses à la Charte.—Pourquoi elles furent vaines.—Ministère du roi Louis XVIII.—Inaptitude des principaux ministres au gouvernement constitutionnel.—M. de Talleyrand.—L'abbé de Montesquiou. —M de Blacas.—Louis XVIII.—Principales affaires auxquelles j'ai pris part à cette époque.—Présentation aux Chambres de l'Exposé de la situation du royaume.—Loi sur la presse.—Ordonnance pour la réforme de l'instruction publique. —État du gouvernement et du pays.—Leur inexpérience commune.—Effets du régime de liberté.—Appréciation du mécontentement public et des complots.—Mot de Napoléon sur la facilité de son retour.

CHAPITRE III.
LES CENT-JOURS.

(1815.)

Je quitte sur-le-champ le ministère de l'intérieur pour reprendre mon cours.—Attitude inquiète des classes moyennes au retour de Napoléon.—Ses motifs légitimes.—Sentiments des peuples comme des gouvernements étrangers envers Napoléon. —Rapprochement apparent et lutte secrète de Napoléon et des libéraux.—Les Fédérés.—Carnot et Fouché.—Explosion de la liberté pendant les Cent-Jours, même dans le palais impérial.— Louis XVIII et son Conseil à Gand.—Le congrès et M. de Talleyrand à Vienne.—Je vais à Gand, de la part du comité royaliste constitutionnel de Paris.—Mes motifs et mes sentiments pendant ce voyage.—État des partis à Gand.—Ma conversation avec Louis XVIII.—-M. de Blacas.—M. de Chateaubriand. —M. de Talleyrand revient de Vienne.— Louis XVIII rentre en France.—Intrigue ourdie à Mons et déjouée à Cambrai.—Aveuglement et faiblesse de la Chambre des représentants.—Mon opinion sur l'entrée de Fouché dans Conseil du Roi.

CHAPITRE IV.
LA CHAMBRE DE 1815.

(1815-1816.)

Chute de M. de Talleyrand et de Fouché.—Formation du cabinet du duc de Richelieu.—Mes relations comme secrétaire général du ministère de la justice, avec M. de Marbois, garde des sceaux.—Arrivée et physionomie de la Chambre des députés. —Intentions et attitude de l'ancien parti royaliste.—Formation et composition d'un nouveau parti royaliste.—Lutte des classes sous le manteau des partis.—Lois d'exception.— Loi d'amnistie.—Le centre devient le parti du gouvernement et le côté droit l'opposition.—Questions sur les rapports de l'État avec l'Église.—État du gouvernement hors des Chambres. —Insuffisance de sa résistance à l'esprit de réaction.— Le duc de Feltre et le général Bernard.—Procès du maréchal Ney.—Polémique entre M. de Vitrolles et moi.—Clôture de la session.—Modifications dans le cabinet.—M. Laîné, ministre de l'intérieur.—Je quitte le ministère de la justice et j'entre comme maître des requêtes au Conseil d'État.—Le cabinet s'engage dans la résistance au côté droit.—M. Decazes.— Attitude de MM. Royer-Collard et de Serre.—Opposition de M. de Chateaubriand.—Le pays s'élève contre la Chambre des députés.—Travail de M. Decazes pour en amener la dissolution. —Le Roi s'y décide.—Ordonnance du 5 septembre 1816.

CHAPITRE V.
GOUVERNEMENT DU CENTRE.

(1816-1821.)

Composition de la nouvelle Chambre des députés.—Le cabinet a la majorité.—Éléments de cette majorité, le centre proprement dit et les doctrinaires.—Vrai caractère du centre.— Vrai caractère des doctrinaires et vraie cause de leur influence. —M. de la Bourdonnaye et M. Royer-Collard à l'ouverture de la session.—Attitude des doctrinaires dans le débat des lois d'exception.—Loi des élections du 5 février 1817.— Part que j'ai prise à cette loi.—De la situation actuelle et du rôle politique des classes moyennes.—Le maréchal Gouvion Saint-Cyr et la loi du recrutement du 10 mars 1818.—Les lois sur la presse de 1819 et M. de Serre.—Discussion préparatoire de ces lois dans le Conseil d'État.—Administration générale du pays.—Modifications du cabinet de 1816 à 1820.—Imperfections du régime constitutionnel.—Fautes des hommes.— Dissentiments entre le cabinet et les doctrinaires.—Le duc de Richelieu négocie, à Aix-la-Chapelle, la retraite complète des troupes étrangères.—Sa situation et son caractère.— Il attaque la loi des élections—Sa chute.—Cabinet de M. Decazes. —Sa faiblesse politique malgré ses succès parlementaires. —Élections de 1819.—Élection et non-admission de M. Grégoire. —Assassinat du duc de Berry.—Chute de M. Decazes. —Le duc de Richelieu rentre au pouvoir.—Son alliance avec le côté droit.—Changement de la loi des élections.—Désorganisation du centre et progrès du côté droit.—Seconde chute du duc de Richelieu.—M. de Villèle et le côté droit arrivent au pouvoir.

CHAPITRE VI.
GOUVERNEMENT DU CÔTÉ DROIT.

(1822-1827.)

Situation de M. de Villèle en arrivant au pouvoir.—Il est aux prises avec le côté gauche et les conspirations.—Caractère des conspirations.—Appréciation de leurs motifs.—Leurs liens avec quelques-uns des chefs de l'opposition parlementaire. —M. de La Fayette.—M. Manuel.—M. d'Argenson.—Leur attitude dans la Chambre des députés.—Insuccès des conspirations et ses causes.—M. de Villèle aux prises avec ses rivaux au dedans et à côté du cabinet.—Le duc Mathieu de Montmorency. —M. de Chateaubriand ambassadeur à Londres.— Congrès de Vérone.—M. de Chateaubriand dévient ministre des affaires étrangères.—Guerre d'Espagne.—Appréciation de ses motifs et de ses effets.—Rupture entre M. de Villèle et M. de Chateaubriand.—Chute de M. de Chateaubriand.—M. de Villèle aux prises avec une opposition sortie du côté droit.— Le Journal des Débats et MM. Bertin.—M. de Villèle tombe sous le joug de la majorité parlementaire.—Attitude et influence du parti ultra-catholique.—Appréciation de sa conduite.—Attaques dont il est l'objet.—M. de Montlosier.—M. Béranger.— Faiblesse de M. de Villèle.—Son déclin.—Ses adversaires à la cour.—Revue et licenciement de la garde nationale de Paris. —Trouble de Charles X.—Dissolution de la Chambre des députés. —Les élections sont contraires à M. de Villèle.—Il se retire.—Mot de Madame la Dauphine à Charles X.

CHAPITRE VII.
MON OPPOSITION.

(1820-1830.)

Ma retraite à la Maisonnette.—Je publie quatre écrits politiques de circonstance: I° Du Gouvernement de la France depuis la Restauration et du Ministère actuel (1820); 2° Des Conspirations et de la Justice politique (1821); 3° Des Moyens de gouvernement et d'opposition dans l'état actuel de la France (1821); 4° De la peine de mort en matière politique (1822).—Caractère et effet de ces écrits.—Limites de mon opposition.—Les Carlonari.— Visite de M. Manuel.—J'ouvre mon cours sur l'histoire des origines du gouvernement représentatif.—Son double but.— L'abbé Frayssinous en ordonne la suspension.—Mes travaux historiques,—sur l'histoire d'Angleterre,—sur l'histoire de France.—Des relations et de l'influence mutuelle de l'Angleterre et de la France.—Du mouvement philosophique et littéraire des esprits à cette époque.—La Revue française.—Le Gloire.—Élections de 1827.—Ma participation à la société Aide-toi, le ciel t'aidera.—Mes rapports avec le ministère Martignac. —Il autorise la réouverture de mon cours.—Mes leçons de 1828 à 1830 sur l'histoire de la civilisation en Europe et en France.—Leur effet.—Chute du ministère Martignac et avénement de M. de Polignac.—Je suis élu député à Lisieux.

CHAPITRE VIII
L'ADRESSE DES 221.

(1830.)

Attitude à la fois menaçante et inactive du ministère.—Fermentation légale du pays.—Associations pour le refus éventuel de l'impôt non voté.—Caractère et état d'esprit de M. de Polignac.—Nouvelle physionomie de l'opposition.—Ouverture de la session.—Discours du Roi.—Adresse de la Chambre des pairs.—Préparation de l'Adresse de la Chambre des députés. —Perplexité du parti modéré et de M. Royer-Collard. —Débat de l'Adresse.—Début simultané dans la Chambre de M. Berryer et de moi.—Présentation de l'Adresse au Roi.— Prorogation de la session.—Retraite de MM. de Chabrol et Courvoisier.—Dissolution de la Chambre des députés.—Mon voyage à Nîmes pour les élections.—Leur vrai caractère.— Dispositions de Charles X.

PIÈCES HISTORIQUES.

I

1° Le vicomte de Chateaubriand à M. Guizot. 2° Le vicomte de Chateaubriand à M. Guizot. 3° Le vicomte de Chateaubriand à M. Guizot.

II

Le comte de Lally-Tolendal à M. Guizot.

III

Discours prononcé pour l'ouverture du cours d'histoire moderne de M. Guizot, le 11 décembre 1812.

IV

1° L'abbé de Montesquiou à M. Guizot. 2° L'abbé de Montesquiou à M. Guizot.

V

  Fragments extraits d'un écrit de M. Guizot, intitulé: Quelques
  Idées sur la liberté de la presse
, et publié en 1814.

VI

Rapport au Roi et Ordonnance du Roi pour la réforme de l'instruction publique (17 février 1815.)

VII

  Note rédigée et remise au Roi et au Conseil, en août 1816, par
  M. Laîné, ministre de l'intérieur, sur la dissolution de la
  Chambre des députés de 1815.

VIII.

Correspondance entre le vicomte de Chateaubriand, le comte Decazes, ministre de la police générale, et M. Dambray, chancelier de France, à l'occasion de la saisie de la Monarchie selon la Charte, pour cause de contravention aux lois et règlements sur l'imprimerie (septembre 1816).

1° Procès-verbal de saisie. 2° M. le vicomte de Chateaubriand à.M. le comte Decazes. 3° M. le comte Decazes à M. le vicomte de Chateaubriand. 4° M. le vicomte de Chateaubriand à M. le comte Decazes. 5° M. Dambray à M. le comte Decazes. 6° M. le vicomte de Chateaubriand à M. le chancelier Dambray. 7° M. Dambray à M. le vicomte de Chateaubriand.

IX.

Tableaux des principales modifications et réformes introduites dans l'administration générale de la France, par MM. Laîné et Decazes, successivement ministres de l'intérieur de 1816 à 1820, et par M. le maréchal Gouvion Saint-Cyr, ministre de la guerre de 1817 à 1819.

X.

  M. Guizot à M. de Serre.—Projet de loi sur l'organisation de la
  Législature.

XI.

Correspondance entre M. de Serre, garde des sceaux, M. le baron Pasquier, ministre des affaires étrangères, et M. Guizot, à l'occasion de la destitution de M. Guizot comme conseiller d'État.

  1° M. de Serre, garde des sceaux, à M. Guizot.
  2° M. Guizot à M. de Serre.
  3° M. Guizot à M. le baron Pasquier, ministre des affaires
        étrangères.
  4° Le baron Pasquier à M. Guizot.

XII.

M. Béranger à M. Guizot, ministre de l'instruction publique..

FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER.

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