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Mille et un jours en prison à Berlin

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Chapitre XXXII

LE MILITARISTE ET LE MILITARISÉ

Pour bien comprendre la mentalité de la nation allemande, il faut jeter un coup d'oeil rétrospectif sur son histoire militaire.

L'Empire d'Allemagne, c'est la Prusse de 40 millions d'habitants, puis quelques petits royaumes: la Bavière, la Saxe, le Wurtemberg, et enfin, une quantité de petits états de moindre importance qu'elle s'était adjoints, en 1871.

En 1864, la Prusse faisait une campagne victorieuse contre le Danemark et lui enlevait les duchés de Schleswig et de Holstein; en 1866, elle est encore victorieuse contre l'Autriche; et en 1870, par suite d'intrigues diplomatiques éminemment astucieuses, qui lui assuraient la neutralité des grandes nations européennes, elle faisait, au moyen d'une falsification de dépêches, naître le conflit franco-germanique.

Elle entraîna les autres états allemands jusque sous les murs de Paris, et fonda, à Versailles, au lendemain de la victoire, l'Empire germanique, 26 états avec le roi de Prusse comme empereur.

Elle était à l'apogée de la gloire. Bismark et Von Moltke, l'un politique et l'autre militaire, devenus demi-dieux par la conclusion d'un traité qui arrachait à la France deux provinces et cinq milliards d'indemnité s'imposaient à la vénération universelle du peuple allemand.

Le sens artistique et l'idéalisme qui avaient comme imprégné l'âme allemande, pendant des siècles, jusqu'à nos jours, et même, ce qui paraît un peu invraisemblable, avait persisté sous le règne de Frédéric II et de ses successeurs, firent place à cet esprit positiviste naissant et ultra-militariste.

Bismark avait dit: "La force prime le droit." "On n'a de droits que ceux que la force autorise." Ces principes et ces maximes avaient fait leurs preuves d'une manière éclatante, en 1864, en 1866, en 1870.

Désormais, pour l'Empereur et son entourage, quelques centaines de mille officiers, la guerre devenait un élément, un agent, l'artisan principal de la grandeur nationale.

Cet esprit dominant chez les grands, il fallait le faire pénétrer dans la masse du peuple. La littérature, les sciences, les arts, furent mis à contribution dans ce travail d'éducation nouvelle; et pardessus tout, l'école et la législation.

Un éminent écrivain français a dit, au sujet de ce système d'éducation tudesque, une phrase lapidaire: "On nous a fait entendre que ce sont les privat-docent qui ont gagné la bataille de Sedan...."

Les vétérans de la guerre de 1870 deviennent alors autant d'éducateurs de la génération qui pousse. On conduit les enfants aux musées—militaires—et on leur fait voir les drapeaux et les canons pris à l'ennemi. Le vieil officier, indiquant ces trophées à ses deux petits-fils, leur demande—"Quel est notre ennemi?..."—"La France! répondent les petiots."—"Nous les avons vaincus, n'est-ce pas?" "Oui!"—"Et nous vaincrons ainsi tous nos ennemis présents et à venir!..."—"Oui!"—"Allez! Vous êtes de bons enfants du Vaterland", disait, avec un geste bénisseur, le vieux vétéran botté.

Tous les livres de lecture dans les écoles sont exclusivement composés de narrations guerrières, de charges de cuirassiers, de citadelles et de redoutes prises d'assaut, de rencontres épiques et flamboyantes à l'arme blanche... Et en conclusion du tout, il est dit que la gloire des armées allemandes a ébloui l'univers. On malaxe ces jeunes intelligences: on les militarise à l'extrême limite de leurs aptitudes.

Et si quelqu'un élève trop la voix contre le sanctus sanctorum, la haute caste privilégiée, née de Bismark, de Von Moltke, on lui impose silence. Germania n'est-elle pas, comme Pigmalion, entourée d'ennemis qui s'apprêtent à fondre sur elle?—Donc, il faut être prêt pour la défense. Tout ce qui se fait, l'énorme mécanisme des casernes et des usines à munitions, ne doit servir qu'à se protéger. Contre qui?...—Contre un monde d'ennemis, spectre que la presse pangermaniste agite devant les populations frappées de terreur. Pour la masse, la prochaine guerre ne sera qu'une guerre défensive.

Toutefois cette caste militaire et civile,—qui peut compter un demi-million d'adultes,—tout en s'évertuant à donner le change sur ses véritables intentions, à tromper le bas peuple et les étrangers, se réclame de Bismark. On en a fait le grand héros national. Mais que dit Bismark?... "La force prime le droit", d'abord. Et ensuite: "La guerre est la négation de l'ordre". Pourquoi dit-il ceci? Tout le monde le sait: c'est un lieu commun. Attendez. L'Homme de fer a un but. Lisez plus loin: "Le moyen le plus efficace de forcer la nation ennemie à demander la paix, c'est de dévaster son territoire et de terroriser la population civile..."

Cette nouvelle théorie, née des succès remportés en 1870, au moyen des procédés de destruction mis alors en honneur ne rencontre que peu ou point d'objections en Allemagne.

C'est monstrueux, mais c'est ainsi. Les disciples de Bismark ayant élaboré toute une théorie de justification à propos des actes et des paroles les plus condamnables du fameux chancelier, le bon peuple allemand, d'abord un peu scandalisé, s'est laissé faire une douée violence. Peuple bonasse en somme, il s'est laissé bercer et porter sur cette vague militariste qui déferlait jusqu'aux endroits les plus reculés du territoire.

Pour la haute bureaucratie militariste et administrative, cette énorme préparation militaire de quarante années était destinée à rendre l'Allemagne maîtresse de l'Univers; pour la masse du peuple, c'était un instrument de défense et de protection. Celle-là cachait à celle-ci ses sinistres desseins, et les rares esprits clairvoyants qui, du milieu du peuple lisaient dans le jeu des meneurs de l'Empire, se gardaient bien de faire des objections ou de demander des raisons; on est gouverné ou on ne l'est pas... Et ils étaient gouvernés!

Et d'ailleurs, pourquoi se troubler la conscience? Ce système n'avait-il pas fait ses preuves en 1870? Ces deux provinces, ces cinq milliards extorqués à la France, n'était-ce pas là deux causes déterminantes du formidable essor commercial et industriel qui assurait au peuple allemand la prépondérance sur tous les marchés du monde?

Le militarisme intensif était devenu religion d'état. Les philosophes, les littérateurs, les historiens, ayant donné dans le mouvement, les savants ne pouvaient manquer d'avoir leur tour. Chaque découverte dans le domaine de la mécanique, de l'optique, de la chimie surtout, est soigneusement étudiée, par son auteur lui-même, au point de vue spécial de son utilité pratique dans l'oeuvre de destruction de la vie humaine et de la propriété.

Les oeuvres d'art également portent l'empreinte de l'atmosphère ambiante; les bronzes équestres et "kolossaux", reproduisant, pour en faire l'admiration du peuple, le galbe de tous les Hohenzollern passés, présents et futurs, ornent les parcs et les avenues de toutes les villes de l'Empire, sans oublier Strasbourg et Metz.

Et l'on descend même au cabotinage le plus vulgaire; ne voit-on pas un jour, la fille unique du Kaiser, s'exhiber en costume,—assez collant,—de hussard de la Garde, ou de la mort, pendant que son auguste père pérore sur le thème de la Poudre sèche.

Un jour, sur ses domaines, à l'époque de la moisson, se promenant en veston et en souliers plats, il se sent pris d'une folle admiration à l'aspect des millions d'épis dorés:—"Cela me rappelle, dit-il, les mers de lances de mes uhlans."

Une autre fois, au cours d'une randonnée qui l'avait amené tout près de la frontière française, entouré d'adulateurs et de flagorneurs aux uniformes resplendissants, le grand Cabotin couronné, se plante sur ses éperons, bien en face de la frontière, tire son épée à demi puis la rentre avec fracas, en laissant échapper cette parole mystérieuse et formidable;—"On a tremblé en Europe!"—Puis il éclate de rire.

Venons-en maintenant à la décade précédant la guerre mondiale:

L'Allemagne rejette la proposition anglaise de limiter de part et d'autre l'armement naval, enfin de faire une halte.—Convaincue à ce moment, que son immense machine militaire était non-seulement invincible, mais irrésistible dès le premier choc, elle s'applique fiévreusement à se rendre également intangible du côté de la mer, en donnant un essor inouï à sa construction navale.

Tout est prévu en cas de conflit: l'Angleterre sera tenue en respect, peu importe par quel moyen, l'alliance franco-russe sera annihilée en quelques semaines, et ce sera l'affaire de quelques jours supplémentaires, pour assurer à l'Allemagne la domination continentale. De là à l'hégémonie universelle, il n'y aurait plus qu'un pas.

Voilà ce que ruminait la caste militaire: c'est-à-dire le Kaiser, le Kronprinz, et les 400,000 à 500,000 officiers, fonctionnaires et civils,—tous rudement bottés et éperonnés,—recrutés dans la noblesse, la haute société, les professions, et le peuple instruit.

La foule, elle, la masse, s'endormait chaque soir convaincue que des ennemis s'apprêtaient à fondre sur elle sournoisement.

La grande préoccupation du gouvernement de 1908 à 1914, a été de faire éclater la guerre sans que l'Allemagne parût l'avoir provoquée.

Mais, comme nous le répétait si souvent ce brave Suisse, M. Hintermann, interné avec nous, les finesses allemandes sont cousues de gros fil blanc. Et tout l'agencement des événements qui ont précédé l'invasion de la Belgique quelque astucieux qu'il soit, n'empêchera pas l'histoire de "rapporter" contre Guillaume Hohenzollern et son entourage, un verdict de culpabilité.

L'entrevue de Postdam, du 5 juillet 1914, à laquelle assistait le Kaiser et les délégués de l'Autriche; l'ultimatum à la Serbie; le refus de l'Autriche d'accepter la réponse si satisfaisante, et si conciliatrice de la Serbie, et cela, ostensiblement, sans consultation préalable avec l'Allemagne,—tout n'était-il pas effectivement décidé depuis le 5 juillet?—le rejet par l'Allemagne de la proposition de conférence faite par Sir Edward Grey, ministre des Affaires Étrangères d'Angleterre, les hésitations, les faux-fuyants de M. Von Jagow, devant M. Cambon, l'ambassadeur de France; l'entrée en Belgique de troupes allemandes, le 31 juillet, dans la nuit, c'est-à-dire deux jours avant l'ultimatum de Guillaume au roi des Belges; les correspondances télégraphiques avec le Czar de Russie et le roi Georges V: tout enfin, porte à sa face l'empreinte de la duplicité.

Des artisans ténébreux du complot et du meurtre de Sarajevo, l'histoire impartiale parlera plus tard...

La masse de la population allemande, mise en possession de ces faits historiques, débarrassés de tout camouflage pangermaniste, n'hésitera pas,—et déjà, au moment où nous écrivons ces lignes, il est évident qu'elle n'hésite pas,—à se dresser comme formidable accusatrice des auteurs véritables de la guerre de ceux qui ont été cause de l'aberration collective de la nation.

La fuite en Hollande de la famille impériale et des hauts officiers ne les soustraira pas à l'exécration du peuple allemand. Quel châtiment plus exemplaire en effet, et plus amer à la fois que celui infligé à un souverain par ses sujets!

Une partie de ce peuple laborieux et frugal s'est sans doute laissée tromper par ses gouvernants qui lui parlaient de politique défensive; une autre partie a cédé à l'appas du lucre, de la rapine, de la conquête; quelques-uns d'entre eux se sont peut-être,—faiblesse humaine,—laissés éblouir par des visions de domination mondiale, mais nous voulons croire que la grande majorité a été un instrument aveugle dans la main de militaristes ambitieux.

Les nations alliées ont remporté une victoire complète, décisive, définitive. La dernière tête de l'hydre du militarisme semble avoir été abattue.

Puisse maintenant la paix être à jamais restaurée parmi les hommes de bonne volonté!

Pour qu'elle le soit, il faudra que le drapeau arboré sur la civilisation par la ligue des nations, porte dans ses plis les mots: Justice et Magnanimité!

Justice, c'est-à-dire châtiment pour les coupables, les criminels, les auteurs de la boucherie et de la dévastation.

Justice, c'est-à-dire restitution et réparation...

Justice, c'est-à-dire indemnité aux millions de femmes et d'enfants privés de leur soutien.

Pourquoi, dira-t-on, faut-il ici parler de magnanimité?

Est-ce que tout le peuple de l'Allemagne et des pays alliés à l'Allemagne ne mérite pas la plus sévère condamnation?

Je ne fais ici, en prononçant ce mot de magnanimité, que refléter la pensée exprimée par les chefs des trois grands pays alliés au lendemain de l'armistice,—: Lloyd George, Clemenceau et Wilson.

C'est que, comme le déclarait le 4 juillet dernier à la salle Westminster à Londres, M. Winston Churchill: "Nous sommes liés par les principes que nous avons professés et pour lesquels nous combattons. Ces principes nous permettront de demeurer sages et justes dans la victoire qui doit être, qui sera nôtre."

"Et quelque grande que soit cette victoire, ces mêmes principes protégeront la nation allemande. Nous ne pourrions traiter l'Allemand comme il a traité l'Alsace-Lorraine ou la Belgique ou la Russie, ou comme il nous traiterait tous s'il en avait le pouvoir."

C'est que la population d'un pays se recrute pour plus de la moitié chez les femmes et les enfants et qu'on ne saurait, sans descendre au niveau des méthode employées, en Belgique par exemple, faire la guerre à la propriété, aux femmes, aux enfants.

Il restera à la justice un champ d'opération encore assez vaste si elle se contente d'atteindre les auteurs conscients de la plus horrible guerre de l'histoire, comme aussi des actes inhumains et contraires aux lois internationales qui au cours des quatre dernières années ont à tant de reprises soulevé la conscience universelle.




FIN




APPENDICE

L'auteur a pensé que les lecteurs de la narration qui précède lui sauraient gré de mettre sous leurs yeux quelques pages extraites des Lettres de l'éminent cardinal Mercier, de Belgique. Il n'a qu'un regret, c'est celui de ne pouvoir reproduire ici en entier ces documents qui forment dans leur ensemble un monument "plus durable que l'airain".

Au sein de la petite Belgique opprimée et indomptable, le grand Archevêque a été le symbole de la résistance nationale.

Il a osé presque TOUT dire aux envahisseurs; à maintes reprises il s'est dressé contre leurs infamies politiques, militaires, administratives; il est resté debout devant les menaces de Von Bissing, de Von Huene, de Von der Golfs.

L'insolente autocratie de ceux-ci a hésité, a reculé devant la troublante majesté d'honneur, de justice et de vérité de celui-là.

H. B.

EXTRAITS
DE LA
Lettre pastorale du Cardinal Mercier
"Patriotisme et Endurance"

NOTE

A quatre années de distance, on ne relira pas sans émotion des extraits de la première lettre pastorale du cardinal Mercier après l'invasion allemande. C'est la fameuse lettre Patriotisme et Endurance, écrite à la Noël de 1914 pour consoler les Belges éprouvés, raviver leur foi patriotique et leur indiquer une ligne de conduite vis-à-vis de l'occupant. Elle constitue un énergique réquisitoire contre les atrocités commises en Belgique par l'armée allemande, le premier qu'on ait osé formuler en territoire occupé. Le cardinal Amette, en la proposant en lecture à ses diocésains, écrivait que c'est "une oeuvre admirable de doctrine évangélique, de sollicitude pastorale et de courage patriotique." Elle eut dans le monde entier un immense retentissement; on la traduisit dans à peu près toutes les langues, et elle fut répandue partout par le clergé des pays alliés. Je dois me borner à quelques citations.




Malines, Noël, 1914.

Mes bien chers Frères,

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Lorsque, dès mon retour de Rome, au Havre, déjà, j'allai saluer nos blessés belges, français ou anglais; lorsque, plus tard, à Malines, à Louvain, à Anvers, il me fut donné de serrer la main à ces braves, qui portaient dans leurs tissus une balle ou au front une blessure, pour avoir marché à l'assaut de l'ennemi ou soutenu le choc de ses attaques, il me venait spontanément aux lèvres pour eux une parole de reconnaissance émue: Mes vaillants amis, leur disais-je, c'est pour nous, pour chacun de nous, pour moi, que vous avez exposé votre vie et que vous souffrez. J'ai besoin de vous dire mon respect, ma gratitude, et de vous assurer que le pays entier sait ce qu'il vous doit.

C'est que, en effet, nos soldats sont nos sauveurs.

Une première fois, à Liège, ils ont sauvé la France; une seconde fois, en Flandre, ils ont arrêté la marche de l'ennemi vers Calais: la France et l'Angleterre ne l'ignorent point, et la Belgique apparaît aujourd'hui devant elles, et devant le monde entier, d'ailleurs, comme une terre de héros. Jamais, de ma vie, je ne me suis senti aussi fier d'être Belge que, lorsque traversant Paris, traversant les gares françaises, faisant halte à Paris, visitant Londres, je fus partout le témoin de l'admiration enthousiaste de nos alliés pour l'héroïsme de notre armée. Notre Roi est, dans l'estime de tous, au sommet de l'échelle morale; il est seul, sans doute à l'ignorer, tandis que, pareil au plus simple de nos soldats, il parcourt les tranchées, et encourage de la sérénité de son sourire ceux à qui il demande de ne point douter de la patrie.

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De nombreuses paroisses furent privées de leur pasteur. J'entends encore l'accent douloureux d'un vieillard à qui je demandais s'il avait eu la messe, le dimanche, dans son église ébréchée; voilà deux mois, me répondit-il, que nous n'avons plus vu de prêtre. Le curé et le vicaire étaient dans un camp de concentration à Munsterlagen, non loin de Hanovre.

Des milliers de citoyens belges ont été ainsi déportés dans les prisons d'Allemagne, à Munsterlagen, à Celle, à Magdebourg. Munsterlagen seul a compté 3,100 prisonniers civils. L'histoire dira les tortures physiques et morales de leur long calvaire.

Des centaines d'innocents furent fusillés; je ne possède pas au complet ce sinistre nécrologe, mais je sais qu'il y en eut, notamment, 91 à Aerschot et que là, sous la menace de la mort, leurs concitoyens furent contraints de creuser les fosses de sépulture. Dans l'agglomération de Louvain et des communes limitrophes, 176 personnes, hommes et femmes, vieillards et nourrissons encore à la mamelle, riches et pauvres, valides et malades furent fusillées ou brûlées.

Dans mon diocèse seul, je sais que treize prêtres ou religieux furent mis à mort. L'un d'eux, le curé de Geirode, est, selon toute vraisemblance, tombé en martyr. J'ai fait un pèlerinage à sa tombe et, entouré des ouailles qu'il paissait hier encore avec le zèle d'un apôtre, je lui ai demandé de garder du haut du ciel sa paroisse, le diocèse, la patrie.

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Qui ne contemple avec fierté le rayonnement de la gloire de la patrie meurtrie?

Tandis que, dans la douleur, elle enfante l'héroïsme, notre mère verse de l'énergie dans le sang de ses fils.

Nous avions besoin, avouons-le, d'une leçon de patriotisme.

Des Belges, en grand nombre, usaient leurs forces et gaspillaient leur temps en querelles stériles, de classes, de races, de passions personnelles.

Mais lorsque, le 2 août, une puissance étrangère, confiante dans sa force et oublieuse de la foi des traités, osa menacer notre indépendance, tous les Belges, sans distinction ni de parti, ni de condition, ni d'origine, se levèrent comme un seul homme, serrés contre leur Roi et leur gouvernement, pour dire à l'envahisseur: "Tu ne passeras pas!"

Du coup, nous voici résolument conscients de notre patriotisme: c'est qu'il y a, en chacun de nous, un sentiment plus profond que l'intérêt personnel, que les liens du sang, et la poussée des partis, c'est le besoin et, par suite, la volonté de se dévouer à l'intérêt général, à ce que Rome appelait "la chose publique" "Res publica": ce sentiment, c'est le Patriotisme.

La Patrie n'est pas qu'une agglomération d'individus ou de familles habitant le même sol, échangeant entre elles des relations plus ou moins étroites de voisinage ou d'affaires, remémorant les mêmes souvenirs, heureux ou pénibles: non, elle est une association sociale qu'il faut à tout prix, est-ce au prix de son sang, sauvegarder et défendre, sous la direction de celui ou de ceux qui président à ses destinées.

Et c'est parce qu'ils ont une même âme, que les compatriotes vivent, par leurs traditions, d'une même vie dans le passé; par leurs communes aspirations et leurs communes espérances, d'un même prolongement de vie dans l'avenir.

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La Belgique était engagée d'honneur à défendre son indépendance: elle a tenu parole.

Les autres puissances s'étaient engagées à respecter et à protéger la neutralité belge: l'Allemagne a violé son serment, l'Angleterre y est fidèle.

Voilà les faits.

Les droits de la conscience sont souverains: il eût été indigne de nous, de nous retrancher derrière un simulacre de résistance.

Nous ne regrettons pas notre premier élan, nous en sommes fiers. Écrivant, à une heure tragique, une page solennelle de notre histoire, nous l'avons voulue sincère et glorieuse.

Et nous saurons, tant qu'il le faudra, faire preuve d'endurance.

L'humble peuple nous donne l'exemple. Les citoyens de toutes les classes sociales ont prodigué leurs fils à la patrie; mais lui, surtout, souffre des privations, du froid, peut-être de la faim. Or, si je juge de ses sentiments en général, par ce qu'il m'a été donné de constater dans les quartiers populaires de Malines, et dans les communes les plus affligées de mon diocèse, le peuple a de l'énergie dans sa souffrance. Il attend la revanche, il n'appelle point l'abdication.

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Courage, mes Frères, la souffrance passera; la couronne de vie pour nos âmes, la gloire pour la nation ne passeront pas.

Je ne vous demande point, remarquez-le, de renoncer à aucune de vos espérances patriotiques.

Au contraire, je considère comme une obligation de ma charge pastorale, de vous définir vos devoirs de conscience en face du Pouvoir qui a envahi notre sol et qui, momentanément, en occupe la majeure partie...

Ce Pouvoir n'est pas une autorité légitime. Et, dès lors, dans l'intime de votre âme, vous ne lui devez ni estime, ni attachement, ni obéissance.

L'unique Pouvoir légitime en Belgique est celui qui appartient à notre Roi, à son Gouvernement, aux représentants de la nation. Lui seul est pour nous l'autorité. Lui seul a droit à l'affection de nos coeurs, à notre soumission.

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Nos malheurs ont ému les autres nations. L'Angleterre, l'Irlande et l'Écosse, la France, la Hollande, les États-Unis, le Canada rivalisent de générosité pour soulager notre détresse. Ce spectacle est à la fois lugubre et grandiose. Ici encore se révèle la Sagesse Providentielle qui tire le bien du mal. En votre nom et au mien, mes Frères, j'offre aux Gouvernements et aux nations qui se tournent si noblement vers nos malheurs, le témoignage ému de notre admiration et de notre reconnaissance.




Le Voyage à Rome et la Lettre pastorale
"A notre retour de Rome"



On n'a pas perdu le souvenir des acclamations qui accueillirent le cardinal Mercier à Rome, dans le voyage qu'il fit au commencement de 1916. Il arriva dans la Ville Éternelle le 14 janvier au soir et y fut reçu comme un roi. C'est sous une véritable pluie de fleurs, au milieu des ovations, qu'il gagna le Collège belge choisi pour sa résidence. Le lendemain, toute l'aristocratie romaine allait s'y inscrire avec les membres les plus éminents de la colonie belge et les représentants des légations alliées.

A plusieurs reprises, Benoît XV reçut le cardinal en audience particulière, comme il reçut aussi Mgr Heylen, dont la visite à Rome coïncidait avec celle du primat de Belgique. La participation aux travaux des Congrégations, les réceptions, les visites absorbèrent le reste de son séjour. De tous côtés des représentants de tous les partis saluaient sa venue en termes empreints du plus profond respect. Les cardinaux de Paris et de Londres, les évêques, les prélats, les Belges exilés, les associations catholiques des pays alliés lui envoyaient des délégations et des adresses pour lui exprimer leur admiration.

À son départ pour la Belgique, à Rome et dans les villes qui marquaient son passage, il fut l'objet de manifestations identiques à celles qui l'avaient accueilli cinq semaines plus tôt.

Le Cardinal est-il allé de lui-même à Rome pour plaider la cause des Belges? Y a-t-il été appelé par le Pape désireux de s'instruire? Il réussit en tout cas à rompre le cordon d'investissement établi autour du Vatican par les agents de l'Allemagne et de l'Autriche. Son voyage eut pour résultat d'aviver les sympathies pour la Belgique, d'éclairer le Vatican et de le rendre plus favorable aux Belges. Mgr Heylen et lui ont eu raison des dernières résistances, plus importantes par la qualité que par le nombre, dont l'entourage du Saint Père était, malheureusement, le retranchement suprême. Rien n'a tenu contre la simplicité, la modération et la force de ces deux confesseurs—le mot n'est pas excessifs—armés de témoignages directs et en état d'opposer des faits authentiques, contrôlés par leurs soins, soumis à une critique impitoyable, aux arguties des avocats de l'Allemagne.

Rentré à Malines, le Cardinal Mercier écrivit pour ses diocésains la magnifique pastorale: "A notre retour de Rome". On lira avec émotion les extraits suivants, en admirant la courageuse fierté avec laquelle son auteur a affirmé, au milieu des baïonnettes prussiennes, les espoirs de son peuple.




Fête de Saint-Thomas-d'Aquin, 1916.

Mes bien chers Frères,

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Il y a beaucoup de choses que je ne puis vous dire. Vous me comprenez. La situation anormale que nous avons à subir nous interdit de vous exposer, à coeur ouvert, tout juste ce qu'il y a en notre âme, de meilleur et de plus intime pour vous; ce qui, venant de plus haut et vous touchant de plus près, est à moi mon plus ferme soutien et serait pour vous, si je pouvais parler, votre tout puissant réconfort; mais vous ne douterez pas de ma parole, vous me croirez lorsque je vous assure que mon voyage a été particulièrement béni, et que je vous reviens heureux, très heureux.

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Vous avez eu déjà des échos, je pense, des acclamations qui, sur tout le parcours de notre voyage, à l'aller et au retour, en Suisse et en Italie, saluèrent le nom belge.

Supposez même, mes bien chers Frères, que l'issue finale du duel gigantesque engagé, en ce moment, en Europe et en Asie-Mineure, fût encore incertaine, un fait acquis à la civilisation et à l'histoire, c'est le triomphe moral de la Belgique. En union avec votre Roi et votre Gouvernement, vous avez consenti à la Patrie un sacrifice immense. Par respect pour notre parole d'honneur; pour affirmer que, dans vos consciences, le droit prime tout, vous avez sacrifié vos biens, vos foyers, vos fils, vos époux, et, après dix-huit mois de contrainte, vous demeurez, comme le premier jour, fiers de votre geste; l'héroïsme vous paraît si naturel, qu'il ne vous vient pas à la pensée d'en tirer gloire pour vous-mêmes. Mais si vous aviez pu, comme nous, franchir nos frontières et contempler à distance la patrie belge; si vous aviez entendu le peuple, "l'homme dans la rue", ainsi que s'expriment les Anglais, je veux dire l'ouvrier manuel, le petit employé, la femme de la classe qui peine; si vous aviez recueilli les témoignages, vivants ou écrits, de ceux qui représentent, avec autorité, les grandes forces sociales, la politique, la presse, la science, l'art, la diplomatie, la religion, vous auriez mieux pris conscience de la magnanimité de votre attitude, vos âmes auraient tressailli d'allégresse et même, je crois, d'orgueil.

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Vous voudrez bien reconnaître que je ne vous ai jamais caché mes appréhensions. Je vous ai prêché le patriotisme, parce qu'il est une dépendance de la vertu maîtresse du christianisme, de la charité. Mais, dès l'abord, je vous ai fait entrevoir que, selon mon humble pressentiment, notre épreuve serait longue, et que le succès appartiendrait aux nations qui y mettraient le plus d'endurance.

La conviction, naturelle et surnaturelle, de notre victoire finale est plus profondément que jamais ancrée en mon âme. Si, d'ailleurs, elle avait pu être ébranlée, les assurances que m'ont fait partager plusieurs observateurs désintéressés et attentifs de la situation générale, appartenant notamment aux deux Amériques, l'eussent solidement raffermie.

Nous l'emporterons, n'en doutez pas, mais nous ne sommes pas au bout de nos souffrances.

La France, l'Angleterre, la Russie se sont engagées à ne pas conclure de paix, tant que la Belgique n'aura pas recouvré son entière indépendance et n'aura pas été largement indemnisée. L'Italie, à son tour, a adhéré au pacte de Londres.

L'avenir n'est point douteux pour nous.

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Démêlés du Cardinal avec les Autorités allemandes

Après le voyage à Rome, il sembla que les autorités allemandes eussent reçu le mot d'ordre de créer le plus de difficultés possibles au cardinal Mercier. La presse allemande avait été déchaînée contre lui; visiblement, elle cherchait à justifier les mesures que le gouverneur général de Belgique pourrait être amené à prendre contre le trop ardent défenseur du bon droit. Elle alla jusqu'à l'accuser d'espionnage et, au mois de mars 1916, on eut la surprise d'apprendre qu'une descente avait eu lieu au Palais archiépiscopal et que le chanoine Loncin avait été arrêté.

Le cardinal, dont la bibliothèque avait été fouillée et la correspondance saisie, adressa sur-le-champ une note de protestation au gouverneur général. Dans cette note, il s'élevait avec vigueur contre la violation du secret que Rome seule peut briser et qui, dans ce cas, fut impuissant à sauvegarder divers cas du forum conscientiae contre l'arbitraire de soldats.

Il signala au Saint-Siège, suprême juge en l'occurrence, cette violation par la force brutale du secret de l'administration et des choses d'Eglise.

Le Gouvernement allemand répondit par une note où il prétendait que la liberté de l'Eglise n'a rien à voir dans cette affaire et que c'est en vain que le cardinal, faute d'avoir des sujets de plaintes légitimes, s'efforçait d'inventer une violation des droits ecclésiastiques par l'Allemagne.

Néanmoins, le chanoine Loncin fut relâché.

Vers la même époque, le cardinal Mercier eut encore à se plaindre des procédés allemands à propos d'un mandement de Carême. A la vérité, il n'y avait pour les Allemands rien de particulier à relever dans ce document d'inspiration purement religieuse, mais le mot d'ordre, nous l'avons dit, était de chercher misère. On releva donc une phrase ainsi connue: "Ni le cheval, ni le chevalier, ni la force des armées ne garantissent le succès final. Est-ce que Dieu ne peut pas anéantir en un clin d'oeil les plus belles espérances d'une nation belliqueuse en déchaînant sur elle une épidémie? C'est entre les mains de Dieu que repose le sort de la Belgique."

Von Bissing écrivit à l'archevêque une lettre grossière où il lui faisait reproche, à l'abri de cette phrase séparée de son contexte, de vouloir soulever la population contre l'occupant.

L'archevêque répondit simplement qu'il n'avait fait, en écrivant ce mandement, qu'exercer son droit d'évêque, et que les Allemands lui avaient déjà, à plus d'une reprise, cherché querelle. Et puis, ajoutait-il, la population belge est toujours restée calme, tout le monde a pu le constater: Que me reproche-t-on de l'exciter?

Le gouverneur général se tint coi.




Allocution du Cardinal Mercier

Lisons maintenant un extrait de l'allocution que le cardinal Mercier a prononcée le 21 juillet 1916 à Bruxelles, dans la collégiale de Sainte-Gudule, au cours de la cérémonie commémorative de la fête nationale. C'est le coeur haletant qu'on la relira, ligne par ligne, comme l'une des choses les plus belles et les plus élevées qui aient jamais été dites.




Nos bien chers Frères,

Nous devions ici nous réunir pour fêter le 85e anniversaire de notre indépendance nationale.

Dans quatorze ans, à pareil jour, nos cathédrales restaurées et nos églises rebâties seront larges ouvertes; la foule s'y précipitera; notre Roi Albert, debout sur son trône, inclinera, mais d'un geste libre, devant la majesté du Roi des rois, son front indompté; la Reine, les princes royaux l'entoureront; nous réentendrons les envolées joyeuses de nos cloches et, dans le pays entier, sous les voûtes des temples, les Belges, la main dans la main, renouvelleront leurs serments à leur Dieu, à leur Souverain, à leurs libertés, tandis que les évêques et les prêtres, interprètes de l'âme de la nation, entonneront, dans un commun élan de reconnaissance joyeuse, un triomphal Te Deum.

Aujourd'hui, l'hymne de la joie expire sur nos lèvres.

Le peuple juif, captif à Babylone, assis en larmes au bord de l'Euphrate, regardait couler les eaux du fleuve Ses harpes muettes pendaient aux saules du rivage Qui aurait eu le courage de chanter le cantique de Jéhovah, sur un sol étranger? "Terre patriarcale de Jérusalem, s'écriait le Psalmiste, si jamais je t'oublie, que ma main droite se dessèche! Que ma langue reste collée à mon palais si je cesse de penser à toi; si tu n'es plus la première de mes joies!"

Le psaume s'achève en paroles imprécatoires. Nous nous interdisons de les reproduire; nous ne sommes plus du Testament Ancien, qui tolérait la loi du talion: "Oeil pour oeil, dent pour dent." Nos lèvres, purifiées par le feu de la charité chrétienne, ne profèrent point de haine.

Haïr, c'est prendre le mal d'autrui pour but et s'y complaire. Quelles que soient nos douleurs, nous ne voulons point de haine à ceux qui nous les infligent. La concorde nationale s'allie, chez nous, à la fraternité universelle. Mais au-dessus du sentiment de l'universelle fraternité, nous plaçons le respect du droit absolu, sans lequel il n'y a pas de commerce possible, ni entre les individus, ni entre les nations.

Et voilà pourquoi, avec saint Thomas d'Aquin, le docteur le plus autorisé de la théologie chrétienne, nous proclamons que la vindicte publique est une vertu.

Le crime, violation de la justice, attentat à la paix publique, qu'il émane d'un particulier ou d'une collectivité, doit être réprimé. Les consciences sont soulevées, inquiètes, à la torture, tant que le coupable n'est pas, selon l'expression si saine et si forte du langage spontané, remis à sa place; c'est rétablir l'ordre, rasseoir l'équilibre, restaurer la paix sur la base de la justice.

La vengeance publique ainsi comprise peut irriter la sensiblerie d'une âme faible; elle n'est pas moins, dit saint Thomas, l'expression, la loi de la charité la plus pure et du zèle qui en est la flamme. Elle ne se fait pas de la souffrance une cible, mais une arme, vengeresse du droit méconnu.

...................................................

Le chef de l'une de nos plus nobles familles m'écrivait: "Notre fils, du 7e de ligne, est tombé; ma femme et moi en avons le coeur brisé; cependant, s'il le fallait, nous le redonnerions encore."

Un vicaire de la capitale vient d'être condamné à douze ans de travaux forcés. On me permet d'aller dans sa cellule l'embrasser et le bénir: "J'ai, dit-il, trois frères au front; je crois être ici pour avoir aidé le plus jeune—il a dix-sept ans—à rejoindre ses aînés; une de mes soeurs est dans une cellule voisine, mais, j'en remercie le bon Dieu, ma mère ne reste pas seule; elle nous l'a fait dire; d'ailleurs, elle ne pleure pas."

N'est-ce pas que nos mères font songer à la mère des Macchabées?

Que de leçons de grandeur morale! Ici même et sur le chemin de l'exil, et dans les prisons et dans les camps de concentration, en Hollande et en Allemagne!

Pensons-nous assez à ce que doivent souffrir ces braves qui, depuis le début de la guerre, au lendemain de la défense de Liège et de Namur ou de la retraite d'Anvers ont vu leur carrière militaire brisée et rongent leur frein; ces gardiens du droit ou de nos franchises communales, que leur vaillance a réduits à l'inaction!

Il y a du courage dans l'élan; il n'y en a pas moins à le contenir. Il y a même plus de vertu, parfois, à pâtir qu'à agir.

Et ces deux années de soumission du peuple belge à l'inévitable? cette ténacité profonde qui faisait dire à une humble femme, devant laquelle on discutait la possibilité d'une prochaine conclusion de la paix: Oh! pour nous, il ne faut rien presser; nous attendrons encore! Comme tout cela est beau et plein d'enseignements pour les générations à venir!

Voilà ce qu'il faut voir, mes Frères: la magnanimité de la nation dans le sacrifice, notre universelle et persévérante confraternité dans les angoisses, dans les deuils, et dans la même invincible espérance; voilà ce qu'il faut regarder, pour estimer à sa valeur la patrie belge.

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La date prochaine du premier centenaire de notre indépendance doit nous trouver plus forts, plus intrépides, plus unis que jamais. Préparons-nous y dans le travail, dans la patience, dans la fraternité.

Lorsque, en 1930, nous remémorerons les années sombres de 1914-1916, elles nous apparaîtront les plus lumineuses, les plus majestueuses, et, à la condition que nous sachions dès aujourd'hui le vouloir, les plus heureuses et les plus fécondes de notre histoire nationale.

Per Crucem ad lucem; du sacrifice jaillit la lumière!




Les protestations du Cardinal auprès du
Gouverneur général.

NOTE

Avec le même courage qu'il avait adressé en 1914 le premier réquisitoire contre les crimes allemands, et plaidé à Rome la cause de la Belgique opprimée, le cardinal Mercier entreprit, aux jours lugubres qui ont marqué la fin de l'année 1916, de sauver ses compatriotes de la déportation vers les usines de l'Allemagne et ses fronts de bataille. On retrouvera ici quelques extraits des lettres épineuses qu'il adressa, dans ce but, aux autorités allemandes à Bruxelles, principalement au gouverneur général von Bissing.

La première est du 19 octobre; le cardinal rappelle en termes sévères les promesses faites antérieurement, de n'astreindre les Belges ni aux prestations militaires, ni aux travaux forcés:




Malines, le 19 octobre 1916.

Monsieur le Gouverneur Général,

Au lendemain de la capitulation d'Anvers, la population, affolée, se demandait ce qu'il adviendrait des Belges en âge de porter les armes ou qui arriveraient à cet âge avant la fin de l'occupation. Les supplications des pères et mères de famille me déterminèrent à interroger M. le Gouverneur d'Anvers, le Baron von Huene, qui eut l'obligeance de me rassurer et de m'autoriser à rassurer les parents angoissés. Le bruit s'était répandu à Anvers, cependant, qu'à Liège, à Namur, à Charleroi, des jeunes gens avaient été saisis et emmenés de force en Allemagne. Je priai donc M. le Gouverneur von Huene de vouloir me confirmer par écrit la garantie qu'il m'avait donnée verbalement, que rien de pareil ne s'effectuerait à Anvers. Il me répondit tout de suite que les bruits relatifs aux déportations étaient sans fondement, et sans hésiter, me remit par écrit, entre autres déclarations, la suivante: "Les jeunes gens n'ont point à craindre d'être emmenés en Allemagne, soit pour y être enrôlés dans l'armée, soit pour y être employés à des travaux forcés."

Cette déclaration écrite et signée fut communiquée publiquement au clergé et aux fidèles de la province d'Anvers, ainsi que Votre Excellence pourra s'en assurer par le document ci-inclus, en date du 16 octobre 1914, qui fut lu dans toutes les églises.

Douter de l'autorité de pareils engagements, c'eût été faire injure aux personnalités qui les avaient souscrits, et je m'employai donc à raffermir, par tous les moyens de persuasion en mon pouvoir, les inquiétudes persistantes des familles intéressées.

Or, voici que votre Gouvernement arrache à leurs foyers des ouvriers réduits malgré eux au chômage, les sépare violemment de leurs femmes et de leurs enfants et les déporte en pays ennemi. Nombreux sont les ouvriers qui ont déjà subi ce malheureux sort; plus nombreux ceux que menacent les mêmes violences.

Au nom de la liberté de domicile et de la liberté de travail des citoyens belges; au nom de l'inviolabilité des familles; au nom des intérêts moraux que compromettrait gravement le régime de la déportation; au nom de la parole donnée par le Gouverneur de la province d'Anvers et par le Gouverneur général, représentant immédiat de la plus haute autorité de l'Empire allemand, je prie respectueusement Votre Excellence de vouloir retirer les mesures de travail forcé et de déportation intimées aux ouvriers belges et de vouloir réintégrer dans leurs foyers ceux qui on déjà été déportés.

Votre Excellence appréciera combien me serait pénible le poids de la responsabilité que j'aurais à porter vis-à-vis des familles, si la confiance qu'elles vous ont accordée par mon entremise et sur mes instances était lamentablement déçue.

Je m'obstine à croire qu'il n'en sera pas ainsi.

Agréez, Monsieur le Gouverneur général, l'assurance de ma très haute considération.

Signé: D.-L. Cardinal MERCIER, Archevêque de Malines.




A la lettre du primat de Belgique, le général von Bissing répondit, le 26 octobre, par un long plaidoyer où il prétendait démontrer que le Gouvernement allemand, en déportant les ouvriers belges, se bornait à user d'un droit et à remplir un devoir dans l'intérêt même du peuple belge. Boche jusqu'au bout, le gouverneur du Kaiser, après avoir ergoté sur la portée des engagements pris jadis, allait même jusqu'à oser écrire qu'il avait lui-même à coeur plus que personne le haut idéal des vertus familiales compromises par la paresse!

A toutes ces tartuferies, le cardinal Mercier a répondu par me lettre où il défend les ouvriers belges contre les calomnies du gouverneur allemand et où il démontre que le plaidoyer de celui-ci n'est fait que de contre-vérités et de misérables arguties.

En voici des extraits:




Malines, le 10 novembre 1916.

Monsieur le Gouverneur Général,

Ma lettre du 19 octobre rappelait à Votre Excellence l'engagement pris par le baron von Huene, gouverneur militaire d'Anvers, et ratifié, quelques jours plus tard, par le baron von der Goltz, votre prédécesseur au gouvernement général de Bruxelles. L'engagement était explicite, absolu, sans limite de durée: "Les jeunes gens n'ont point à craindre d'être emmenés en Allemagne, soit pour y être enrôlés dans l'armée, soit pour être employés à des travaux forcés."

Cet engagement est violé tous les jours des milliers de fois, depuis quinze jours.

Le baron von Huene et feu le baron von der Goltz n'ont pas dit conditionnellement, ainsi que le voudrait faire entendre votre dépêche du 26 octobre: "Si l'occupation ne dure pas plus de deux ans, les hommes aptes au service militaire ne seront pas mis en captivité"; ils ont dit catégoriquement: "Les jeunes gens, et à plus forte raison les hommes arrivés à l'âge mûr, ne seront, à aucun moment de la durée de l'occupation, ni emprisonnés, ni employés à des travaux forcés."

Pour se justifier, Votre Excellence invoque "la conduite de l'Angleterre et de la France qui ont, dit-elle, enlevé sur les bateaux neutres tous les Allemands de 17 à 50 ans, pour les interner dans les camps de concentration".

Si l'Angleterre et la France avaient commis une injustice, c'est sur les Anglais et les Français qu'il faudrait vous venger et non sur un peuple inoffensif et désarmé. Mais y a-t-il eu injustice? Nous sommes mal informés de ce qui se passe au delà des murs de notre prison, mais je suis fort tenté de croire que les Allemands saisis et internés appartenaient à la réserve de l'armée impériale; ils étaient donc des militaires que l'Angleterre et la France avaient le droit d'envoyer dans des camps de concentration.

L'occupant s'est emparé d'approvisionnement considérables de matières premières destinées à notre industrie nationale: il a saisi et expédié en Allemagne les machines, les outils, les métaux de nos usines et de nos ateliers. La possibilité du travail national ainsi supprimée, il restait à l'ouvrier une alternative: travailler pour l'empire allemand, soit ici, soit en Allemagne, ou chômer. Quelques dizaines de milliers d'ouvriers, sous la pression de la peur ou de la faim, acceptèrent, à regret pour la plupart, du travail de l'étranger; mais quatre cent mille ouvriers ou ouvrières préférèrent se résigner au chômage, avec ses privations, que de desservir les intérêts de la patrie; ils vivaient dans la pauvreté, à l'aide du maigre secours que leur allouait le Comité national de secours et d'alimentation contrôlé par les ministères protecteurs d'Espagne, d'Amérique, de Hollande.

Calmes, dignes, ils supportaient sans murmure leur sort pénible. Nulle part, il n'y eut ni révolte ni apparence de révolte. Patrons et ouvriers attendaient avec endurance la fin de notre longue épreuve. Cependant, les administrations communales et l'initiative privée essayaient d'atténuer les inconvénients indéniables du chômage. Mais le pouvoir occupant paralysa leurs efforts. Le Comité national tenta d'organiser un enseignement professionnel à l'usage des chômeurs. Cet enseignement pratique, respectueux de la dignité de nos travailleurs, devait leur entretenir la main, affiner leurs capacités de travail, préparer le relèvement du pays. Qui s'opposa à cette noble initiative, dont nos grands industriels avaient élaboré le plan? Qui? Le pouvoir occupant.

.................................................

Mais l'Allemagne, par divers procédés, notamment par l'organisation de ses "Centrales", sur lesquelles ni les Belges, ni les ministres protecteurs ne peuvent exercer aucun contrôle efficace, absorbe une part considérable des produits de l'agriculture et de l'industrie du pays. Il en résulte un renchérissement considérable de la vie, cause de privations pénibles pour ceux qui n'ont pas d'économies. La "communauté d'intérêts" dont la lettre vante pour nous l'avantage n'est pas l'équilibre normal des échanges commerciaux, mais la prédominance du fort sur le faible.

Cet état d'infériorité économique auquel nous sommes réduits, ne nous le présentez donc pas, je vous prie, comme un privilège qui justifierait le travail forcé au profit de notre ennemi et la déportation de légions d'innocents en terre d'exil.

L'esclavage, et la peine la plus forte du code pénal après la peine de mort, la déportation! La Belgique, qui ne vous fit jamais aucun mal, avait-elle mérité de vous ce traitement qui crie vengeance au ciel?

Il y a deux ans, entend-on répéter, c'était la mort, le pillage, l'incendie, mais c'est la guerre! Aujourd'hui, ce n'est plus la guerre, c'est le calcul froid, l'écrasement voulu, l'emprise de la force sur le droit, l'abaissement de la personnalité humaine, un défi à l'humanité.

Il dépend de vous, Excellence, de faire taire ces cris de la conscience révoltée. Puisse le bon Dieu, que nous invoquons de toute l'ardeur de notre âme pour notre peuple opprimé, vous inspirer la pitié du bon Samaritain!

Agréez, Monsieur le Gouverneur général, l'hommage de ma très haute considération.

Signé: D.-J. Cardinal MERCIER,

Archevêque de Malines.




Le gouverneur von Bissing ne répondit pas autrement que la première fois. Évitant toute discussion directe, il se borna à reprendre les arguments exposés le 26 octobre. Cela lui valut, de la part du cardinal, une nouvelle protestation pleine de coeur et de dignité:




Malines, le 29 novembre 1916.

Monsieur le Gouverneur Général,

La lettre (1.11254) que Votre Excellence me fait l'honneur de m'écrire, sous la date du 23 novembre, est pour moi une déception. En plusieurs milieux, que j'avais lieu de croire exactement renseignés, il se disait que Votre Excellence s'était fait un devoir de protester devant les plus hautes autorités de l'empire, contre les mesures qu'Elle est contrainte d'appliquer à la Belgique. J'escomptais donc pour le moins un délai dans l'application de ces mesures, en attendant qu'elles fussent soumises à un examen nouveau, et un adoucissement aux procédés qui les mettent à exécution.

Or, voici que, sans répondre un mot à aucun des arguments par lesquels j'établissais, dans mes lettres du 19 octobre et du 10 novembre, le caractère antijuridique et antisocial de la condamnation de la classe ouvrière belge aux travaux forcés et à la déportation, Votre Excellence se borne à reprendre dans sa dépêche du 23 novembre le texte même de sa lettre du 26 octobre. Ses deux lettres du 23 novembre et du 26 sont, en effet, identiques dans le fond et presque dans la forme.

D'autre part, le recrutement des prétendus chômeurs se fait, la plupart du temps, sans aucun égard aux observations des autorités locales. Plusieurs rapports que j'ai en mains, attestant que le clergé est brutalement écarté, les bourgmestres et conseillers communaux réduits au silence; les recruteurs se trouvent donc en face d'inconnus parmi lesquels ils font arbitrairement leur choix.

Les exemples de ce que j'avance abondent; en voici deux très récents parmi une quantité d'autres que je tiens à la disposition de Votre Excellence. Le 21 novembre, le recrutement se fit dans la commune de Kersbeek-Miseom. Sur les 4,323 habitants que compte la commune, les recruteurs en enlevèrent 94, en bloc, sans distinction de condition sociale ou de profession, fils de fermiers, soutiens de parents âgés et infirmes, pères de famille laissant femme et enfants dans la Misère, tous nécessaires à leur famille comme le pain de chaque jour. Deux familles se voient ravir chacune quatre fils à la fois. Sur les 94 déportés, il y avait deux chômeurs.

Dans la région d'Aerschot, le recrutement se fit le 23 novembre: à Rillaer, à Gelrode, à Rotselaer, des jeunes gens, soutiens d'une mère veuve; des fermiers à la tête d'une nombreuse famille, l'un d'entre eux qui a passé les 50 ans, a dix enfants, cultivant des terres, possédant plusieurs bêtes à cornes, n'ayant jamais touché un sou de la charité publique, furent emmenés de force, en dépit de toutes les protestations. Dans la petite commune de Rillaer, on a pris jusqu'à 25 jeunes garçons de 17 ans.

Votre Excellence eût voulu que les administrations communales se fissent les complices de ces recrutements odieux. De par leur situation légale et en conscience, elles ne le pouvaient pas. Mais elles pouvaient éclairer les recruteurs et ont qualité pour cela. Les prêtres, qui connaissent mieux que personne le petit peuple, seraient pour les recruteurs des auxiliaires précieux. Pourquoi refuse-t-on leur concours?

A la fin de sa lettre, Votre Excellence rappelle que les hommes appartenant aux professions libérales ne sont pas inquiétés. Si l'on emmenait que des chômeurs, je comprendrais cette exception. Mais si l'on continue d'enrôler indistinctement les hommes valides, l'exception est injustifiée.

Il serait inique de faire peser sur la classe ouvrière seule la déportation. La classe bourgeoise doit avoir sa part dans le sacrifice, si cruel soit-il et tout juste parce qu'il est cruel, que l'occupant impose à la nation. Nombreux sont les membres de mon clergé qui m'ont prié de réclamer pour eux une place a l'avant-garde des persécutés. J'enregistre leur offre et vous la soumets avec fierté.

Je veux croire que les autorités de l'Empire n'ont pas dit leur dernier mot. Elles penseront à nos douleurs imméritées, à la réprobation du monde civilisé, au jugement de l'histoire et au châtiment de Dieu.

Agréez, Excellence, l'hommage de ma très haute considération.

D.-J. Cardinal MERCIER,

Archevêque de Malines.




Après cette lettre cinglante, le gouverneur général ne dit plus rien. Du moins, à l'heure où s'imprime cette brochure, on ignore encore s'il trouva quelque réponse à y faire.




EXTRAITS
DE LA
Protestation publique rédigée par le Cardinal
au nom de l'Épiscopat.

Malines, le 7 novembre 1916.

................................................

La vérité toute nue est que chaque ouvrier déporté est un soldat de plus pour l'armée allemande. Il prendra la place d'un ouvrier allemand dont on fera un soldat. De sorte que la situation que nous dénonçons au monde civilisé se réduit à ces termes: Quatre cent mille ouvriers se trouvent malgré eux, et en grande partie à cause du régime d'occupation, réduits au chômage. Fils, époux, pères de famille, ils supportent sans murmure, respectueux de l'ordre public, leur sort malheureux; la solidarité nationale pourvoit à leurs plus pressants besoins; à force de parcimonie et de privations généreuses, ils échappent à la misère extrême et attendent, avec dignité, dans une intimité que le deuil national resserre, la fin de notre commune épreuve.

Des équipes de soldats pénètrent de force dans ces foyers paisibles, arrachent les jeunes gens à leurs parents, le mari à sa femme, le père à ses enfants; gardent à la baïonnette les issues par lesquelles veulent se précipiter les épouses et les mères pour dire aux partants un dernier adieu; rangent les captifs par groupes de quarante ou de cinquante, les hissent de force dans des fourgons; la locomotive est sous pressions; dès que le train est fourni un officier supérieur donne le signal du départ. Voilà un nouveau millier de Belges réduits en esclavage et, sans jugement préalable, condamnés à la peine la plus forte du Code pénal après la peine de mort, à la déportation. Ils ne savent ni où ils vont, ni pour combien de temps. Tout ce qu'ils savent, c'est que leur travail ne profitera qu'à l'ennemi. A plusieurs, par des appâts ou sous la menace, on a extorqué un engagement que l'on ose appeler "volontaire".

Au reste, on enrôle des chômeurs, certes, mais on recrute aussi en grand nombre—dans la proportion d'un quart, pour l'arrondissement de Mons,—des hommes qui n'ont jamais chômé et appartenant aux professions les plus diverses: bouchers, boulangers, patrons tailleurs, ouvriers brasseurs, électriciens, cultivateurs; on prend même de tout jeunes élèves de collèges, d'universités ou d'autres écoles supérieures.

Nous, pasteurs de ces ouailles que la force brutale nous arrache, angoissés à l'idée de l'isolement moral et religieux où elles vont languir, témoins impuissants des douleurs et de l'épouvante de tant de foyers brisés ou menacés, nous nous tournons vers les âmes croyantes ou non croyantes, qui, dans les pays alliés, dans les pays neutres, même dans les pays ennemis ont le respect de la dignité humaine.

Lorsque le cardinal Lavigerie entreprit sa campagne anti-esclavagiste, le Pape Léon XIII bénissant sa mission lui dit: "L'opinion est, plus que jamais la reine du monde; c'est sur elle qu'il faut agir. Vous ne vaincrez que par l'opinion."

Daigne la divine Providence inspirer à quiconque a une autorité, une parole, une plume, de se rallier autour de notre humble drapeau belge, pour l'abolition de l'esclavage européen!

Puisse la conscience humaine triompher de tous les sophismes, et demeurer obstinément fidèle à la grande parole de saint Ambroise: L'honneur au-dessus de tout!

Au nom des évêques belges:

Signé: D.-J. Cardinal MERCIER,

Archevêque de Malines.




Table des matières

AVANT PROPOS.

Chapitre I.—"C'est la guerre!"

Chapitre II.—Le buvetier boche et, la Brabançonne.

Chapitre III.—"Thank You."

Chapitre IV—A l'hôpital.

Chapitre V.—La Prise d'Anvers.

Chapitre VI—L'Exode.

Chapitre VII.—Dans les transes.

Chapitre VIII.—L'Allemand est là!

Chapitre IX.—Un hôte allemand.

Chapitre X.—Parole d'Allemand.

Chapitre XI.—Citoyen britannique.

Chapitre XII.—Ça se corse.

Chapitre XIII.—Un major désolé.

Chapitre XIV.—En Allemagne.

Chapitre XV.—La Stadvogtei.

Chapitre XVI.—La vie en prison.

Chapitre XVII.—Où il est parlé de menu.

Chapitre XVIII.—En ma qualité de médecin.

Chapitre XIX.—Quelques prisonniers intéressants.

Chapitre XX.—Maclinks et Kirkpatrick.

Chapitre XXI.—Un Suisse et un Belge.

Chapitre XXII.—Évasions.

Chapitre XXIII.—Espoir déçu.

Chapitre XXIV.—Un colloque.

Chapitre XXV.—Incidents et remarques.

Chapitre XXVI.—Question d'échange.

Chapitre XXVII.—Vers la liberté.

Chapitre XXVIII.—En pensant à l'Allemagne.

Chapitre XXIX.—D'autres réminiscences.

Chapitre XXX.—Un sous-officier alsacien.

Chapitre XXXI—En Hollande et en Angleterre.

Chapitre XXXII—Le Militarisme et le Militarisé.

Appendice

Extraits de la lettre du Cardinal Mercier: "Patriotisme et endurance".

Le voyage à Rome et la lettre pastorale: "A notre retour de Rome".

Démêlés du Cardinal avec les autorités allemandes.

Allocution du Cardinal Mercier.

Les protestations du Cardinal.

Extraits de la protestation publique.



ENFANTS PAUVRES DE CAPELLEN NOURRIS PAR LA ST-VINCENT DE PAUL
La flèche et la croix désignent Madame et Mademoiselle Béland.

SUR LA PLAGE À MIDDELKERKE
Le docteur, Madame Béland et les enfants de Madame Béland

GROUPE D'OFFICIERS ALLEMANDE À ANVERS
La croix indique Von Wilm qui a été l'instrument de l'arrestation
et de l'internement du Dr. Béland

MM. MOORE, ETLINGER, Dr. BÉLAND
HINTERMANN
Dr. Béland (croix) et des prisonniers amis durant
son internement

MADAME BÉLAND
Dans la banlieue de Starrenhof, sa résidence de Capellan

LA DIGUE À MIDDELKERKE
La croix indique la Villa Cogels, maintnant détruite, où demeuraient M. et Mme Béland

LE CHATEAU DU COMTE MAURITANUS À CAPELLEN

ENTRÉE DU ROI ALBERT Ier ET DE LA REINE ELIZAPETH A BRUXELLES
APRÈS L'ARMISTICE.....


LUDENDORF (croix) ET VON BUELOW


MESDEMOISELLES BÉLAND ET COGELS EN COSTUME DE
PAYSANS FLAMANDS
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