Molière - Œuvres complètes, Tome 4
PROLOGUE
LA NYMPHE DE TEMPÉ
Venez prêter vos yeux aux innocens ébats
Que notre désert vous présente:
N’y cherchez point l’éclat des fêtes de la cour;
On ne sent ici que l’amour,
Ce n’est que l’amour qu’on y chante.
SCÈNE I.—TYRCIS.
Doux rossignols pleins d’amour,
Et de vos tendres ramages
Vous réveillez tour à tour
Les échos de ces bocages:
Hélas! petits oiseaux, hélas!
Si vous aviez mes maux, vous ne chanteriez pas.
SCÈNE II.—LYCASTE, MÉNANDRE, TYRCIS.
LYCASTE.
MÉNANDRE.
TYRCIS.
Et toujours infortuné.
LYCASTE.
TYRCIS.
MÉNANDRE.
TYRCIS.
LYCASTE.
TYRCIS.
LYCASTE ET MÉNANDRE.
TYRCIS.
LYCASTE ET MÉNANDRE.
TYRCIS.
LYCASTE ET MÉNANDRE.
TYRCIS.
LYCASTE ET MÉNANDRE.
TYRCIS.
LYCASTE ET MÉNANDRE.
TYRCIS.
LYCASTE.
Si froide et si sévère,
Dont la pressante ardeur
D’un cœur qui persévère
Ne vainque la froideur.
MÉNANDRE.
Des amoureux mystères,
Certains petits momens
Qui changent les plus fières,
Et font d’heureux amans.
TYRCIS.
Qui porte ici ses pas;
Gardons d’être vu d’elle:
L’ingrate, hélas!
N’y viendroit pas.
SCÈNE III.—CALISTE.
La sévère loi de l’honneur
Prend un cruel empire!
Je ne fais voir que rigueurs pour Tyrcis:
Et, cependant, sensible à ses cuisans soucis,
De sa langueur en secret je soupire,
Et voudrois bien soulager son martyre.
C’est à vous seuls que je le dis,
Arbres, n’allez pas le redire.
Puisque le ciel a voulu nous former
Avec un cœur qu’amour peut enflammer,
Quelle rigueur impitoyable
Contre des traits si doux nous force à nous armer?
Et pourquoi, sans être blâmable,
Ne peut-on pas aimer
Ce que l’on trouve aimable?
Hélas! que vous êtes heureux,
Innocens animaux, de vivre sans contrainte,
Et de pouvoir suivre sans crainte
Les doux emportemens de vos cœurs amoureux
Hélas! petits oiseaux que vous êtes heureux
De ne sentir nulle contrainte,
Et de pouvoir suivre sans crainte
Les doux emportemens de vos cœurs amoureux
Mais le sommeil sur ma paupière
Verse de ses pavots l’agréable fraîcheur:
Donnons-nous à lui tout entière;
Nous n’avons pas de loi sévère
Que défende à nos sens d’en goûter la douceur.
SCÈNE IV.—CALISTE, endormie; TYRCIS, LYCASTE, MÉNANDRE.
TYRCIS.
Portons sans bruit nos pas,
Et ne réveillons pas
Sa rigueur endormie.
TOUS TROIS.
Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs.
Dormez, dormez, beaux yeux.
TYRCIS.
Vents, n’agitez nulle chose,
Coulez doucement, ruisseaux:
C’est Caliste qui repose.
TOUS TROIS.
Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs.
Dormez, dormez, beaux yeux.
CALISTE, en se réveillant, à Tyrcis.
Suivre partout mes pas!
TYRCIS.
Que ce qu’on aime?
CALISTE.
TYRCIS.
Mourir à vos genoux,
Et finir ma misère.
Puisque en vain à vos pieds on me voit soupirer,
Il y faut expirer.
CALISTE.
La pitié dans mon cœur n’introduise l’amour.
LYCASTE ET MÉNANDRE, l’un après l’autre.
Il sied bien d’être tendre.
C’est par trop vous défendre,
Bergère, il faut se rendre
A sa longue amitié.
Soit amour, soit pitié,
Il sied bien d’être tendre.
CALISTE, à Tyrcis.
J’ai maltraité votre ardeur,
Chérissant votre personne;
Vengez-vous de mon cœur,
Tyrcis, je vous le donne.
TYRCIS.
Si l’on meurt de plaisir, je dois perdre la vie.
LYCASTE.
MÉNANDRE.
SCÈNE V.—DEUX SATYRES, CALISTE, TYRCIS, LYCASTE, MÉNANDRE.
PREMIER SATYRE, à Caliste.
De ce berger à moi faire une préférence!
SECOND SATYRE.
Et pour ce langoureux ton cœur s’est adouci?
CALISTE.
Prenez tous deux patience.
PREMIER SATYRE.
L’amour fait verser des larmes;
Mais ce n’est pas notre goût,
Et la bouteille a des charmes
Qui nous consolent de tout.
SECOND SATYRE.
Tout le bonheur qu’il désire;
Mais nous avons un secours,
Et le bon vin nous fait rire
Quand on rit de nos amours.
TOUS.
Faunes, Dryades, sortez
De vos paisibles retraites.
Mêlez vos pas à nos sons,
Et tracez sur les herbettes
L’image de nos chansons.
PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.
En même temps six Dryades et six Faunes sortent de leurs demeures, et font ensemble une danse agréable, qui, s’ouvrant tout d’un coup, laisse voir un berger et une bergère qui font en musique une petite scène d’un dépit amoureux.
DÉPIT AMOUREUX[139].
CLIMÈNE, PHILINTE.
PHILINTE.
J’étois content de ma vie,
Et ne voyois roi ni dieux
Dont le sort me fît envie.
CLIMÈNE.
Me préféroit ton ardeur,
J’aurois quitté la couronne
Pour régner dessus ton cœur.
PHILINTE.
Des feux que j’avois pour toi.
CLIMÈNE.
Des foiblesses de ta foi.
PHILINTE.
M’aime d’une ardeur fidèle;
Si ses yeux vouloient ma mort,
Je mourrois content pour elle.
CLIMÈNE.
Me chérit plus que le jour;
Et moi, je perdrois la vie
Pour lui montrer mon amour.
PHILINTE.
Quelque renaissante trace
Chassoit Chloris de mon cœur,
Pour te remettre en sa place?
CLIMÈNE.
Myrtil me puisse chérir,
Avec toi, je le confesse,
Je voudrois vivre et mourir.
TOUS DEUX ENSEMBLE.
Et vivons et mourons en des liens si doux.
TOUS LES ACTEURS DE LA PASTORALE.
Sont aimables et belles!
Qu’on y voit succéder[140]
De plaisir, de tendresse!
Querellez-vous sans cesse
Pour vous raccommoder.
Amans, que vos querelles
Sont aimables et belles! etc.
SECONDE ENTRÉE DE BALLET.
Les Faunes et les Dryades recommencent leur danse, que les bergères et bergers musiciens entremêlent de leurs chansons, tandis que trois petites Dryades et trois petits Faunes font paraître dans l’enfoncement du théâtre tout ce qui se passe sur le devant.
LES BERGERS ET LES BERGÈRES.
Dont les feux de l’amour savent charmer nos sens,
Des grandeurs qui voudra se soucie;
Tous ces honneurs dont on a tant d’envie
Ont des chagrins qui sont trop cuisans.
Jouissons, jouissons des plaisirs innocens
Dont les feux de l’amour savent charmer nos sens.
En aimant tout nous plaît dans la vie;
Deux cœurs unis de leur sort sont contens:
Cette ardeur, de plaisirs suivie,
De tous nos jours fait d’éternels printemps.
Jouissons, jouissons des plaisirs innocens
Dont les feux de l’amour savent charmer nos sens.