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Notes d'un voyage en Corse

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Sᵗ. MICHEL-MVRATO  Page 125
Sᵗ. MICHEL-MVRATO Page 125

Mucchieto. Autrefois, me dit-on, elle dépendait du monastère de Monte Cristo, situé dans l’île de ce nom, précisément en face de Cervione. Tous les dimanches, un moine de l’abbaye s’embarquait, et passait en Corse pour officier à Santa-Cristina[68].

Le plan de la chapelle est des plus bizarres, il figure un T, dont la barre transversale, le transsept, porte à son centre deux apsides tangentes l’une à l’autre. La nef, reconstruite vraisemblablement au XVIIᵉ siècle, basse, voûtée en berceau et flanquée de pilastres grossièrement classiques, ne mérite aucune attention. Le transsept, évidemment plus ancien, n’a point de voûtes, et ne reçoit de jour que par des meurtrières cintrées, percées dans les deux apsides. Bien que formé de morceaux de schiste difficiles à tailler, l’appareil est régulier et beaucoup plus soigné que celui des maisons de Cervione. Nulle ornementation à l’extérieur. A l’intérieur un crépi couvre le schiste; et tout le mur oriental de l’église, en y comprenant les deux apsides, présente une suite de compositions à fresque de diverses grandeurs, encore assez bien conservées.

Au premier abord, ce plan singulier, cet appareil dépourvu d’ornementation, les fenêtres en meurtrières, auxquelles je n’étais pas encore habitué, surtout les figures de saints revêtues de longues draperies raides, à plis cassés, aux membres grêles et longs, terminés par des pieds et des mains énormes, me rappelèrent tous les caractères du style byzantin. Seulement, je remarquai que les têtes avaient plus de noblesse, et comme on dit en termes d’atelier, plus de style, que celles qu’on voit dans nos églises du continent. Cette différence, je l’attribuais au voisinage de l’Italie; et en tenant compte de la persistance des traditions byzantines dans le midi, j’étais tenté d’attribuer ces fresques à quelque artiste du XIIIᵉ siècle. Pourtant un saint Michel revêtu d’une armure de plates et non de mailles, surtout ses brodequins ou ses guêtres semblables à la chaussure que portent encore quelques montagnards, me laissaient bien de vagues soupçons d’une origine plus moderne. La date de 1473, très-lisiblement peinte en caractères gothiques, au milieu d’une des apsides, m’ôta toute incertitude, et me prouva combien on doit être prudent à juger les monuments d’un pays qu’on n’a point suffisamment étudié. La même date, moins les derniers chiffres effacés par le temps, se retrouve sur le linteau d’une petite porte, au sud du transsept.[A]

Je vais décrire brièvement les fresques de Santa-Cristina. Dans le haut de l’apside Sud, on voit le Christ entouré des attributs ordinaires des évangélistes; au-dessous, huit saints ou saintes, parmi lesquelles on distingue sainte Christine. La paroi faisant retour à la droite du spectateur, représente saint Michel plus grand que nature, pesant les âmes dans une balance, et foulant aux pieds le Diable qui s’efforce d’entraîner un des bassins. Dans l’apside Nord, paraît le Père Eternel, assis sur un trône, et auprès de lui un abbé agenouillé (sans doute celui de Monte Cristo), que lui présente sainte Christine, patronne de la chapelle. Ces Christs, de très grande proportion, sont tous les deux entourés d’une gloire en forme de vesica piscis, absolument comme dans nos anciennes peintures du XIIᵉ siècle. Douze saints debout occupent le bas de cette apside. Sur la paroi voisine, à gauche, on distingue un grand saint Christophe, passant la mer au milieu des poissons, portant l’Enfant-Jésus sur ses épaules. Cette peinture a beaucoup souffert. En s’élevant au-dessus des apsides, le mur oriental forme comme un fronton, sur lequel on a peint encore deux sujets: au centre le Christ en croix; un ange plane au-dessus de sa tête. A gauche, la Vierge et le Saint-Esprit, à droite un ange en adoration. Il semble que le crucifiement et l’annonciation aient été mêlés, afin de laisser plus de place à la première de ces deux compositions.

La forme de la chapelle de Santa-Cristina est un fait rare, peut-être unique, qu’on doit attribuer à un caprice de l’architecte, qui aura voulu en faire quelque chose d’extraordinaire; ou qui peut-être a prétendu exprimer ainsi une idée mystique suivant la mode de son temps, idée qu’il est bien difficile de s’expliquer aujourd’hui. Je trouve dans la Vie des Saints que sainte Christine fut percée de deux flèches; auparavant on lança sur elle deux serpents, qui ne lui firent aucun mal. Ils lui léchèrent les pieds, et se suspendant à son sein, ils semblaient deux enfants allaités. «Julianus misit super eam duos aspides.... et currentes duo serpentes conligaverunt pedes ejus, et lingebant vestigia ejus; et duo aspides currentes, suspenderunt se ad mamillas ejus, velut infantes lactantes, et non nocuerunt eam. Acta sanctorum, tome V, p. 527 E. Ces deux apsides ne seraient-elles pas destinées à rappeler les deux flèches, ou plutôt ces deux serpents si bien élevés? C’est d’ailleurs en toute humilité que je propose cette explication, qui n’est guère plus extraordinaire que celle par laquelle on interprète la flexion fréquente des chœurs de certaines églises, par rapport à l’axe de leur nef.

Le curé de Mucchieto, qui avait bien voulu m’accompagner, me dit qu’on avait découvert récemment dans le cimetière attenant à la chapelle, des tombes en briques ou en ciment, dont plusieurs renfermaient des médailles. Il ne put d’ailleurs me donner aucun renseignement, ni sur la forme des tombes, ni sur les médailles qui avaient été portées à Bastia.

ÉGLISES MODERNES.

Je ne connais point en Corse d’églises de l’époque de la Renaissance. Tandis qu’on élevait tant de chefs-d’œuvre en France et en Italie, on se battait en Corse, on brûlait villes et villages, n’épargnant pas même les édifices religieux. Les églises plus modernes du XVIIᵉ et du XVIIIᵉ siècle n’offrent aucun intérêt. Bâties de moellons de schiste ou de granite à peine taillés, elles sont quelquefois grossièrement recrépies; telles sont les églises de Bastia, les plus vastes et les plus riches de l’île. Les corniches et les autres ornements extérieurs, fabriqués en plâtre ou en mauvais ciment, délabrés par la pluie, tombent en morceaux. La décoration intérieure ne consiste guère qu’en placages, souvent dorés dans le goût barbare du XVIIᵉ siècle, et en fresques exécutées par des barbouilleurs italiens. Je citerai les églises de Sainte-Croix et la cathédrale, à Bastia, et l’église de Cervione comme les plus remarquables. La première surtout, malgré le mauvais goût de sa décoration, ne laisse pas d’avoir un certain caractère de grandeur, comme tout ce qui paraît riche et coûteux.

Les campaniles de la même époque, très-souvent isolés, surtout dans les villages, sont généralement carrés, percés à jour de larges fenêtres, et très-élancés pour leur diamètre. Elégants vus de loin, ils ne peuvent supporter l’examen lorsqu’on s’en approche. Parmi les plus remarquables, il me suffira de mentionner le clocher de la cathédrale de Bastia, ceux de Cervione, de Chiatra, de Tallano, de Linguizetta, de Sartène[69]. Leur plus grand mérite, c’est leur position dans un paysage très-pittoresque.

TOURS, CHATEAUX, FORTIFICATIONS, ETC.

Dans la première partie de ce rapport, j’ai déjà dit que je n’avais pu découvrir en Corse rien de semblable aux Nurhags de Sardaigne. Toutes les tours que j’ai examinées appartiennent au moyen-âge, et la plupart sont même assez modernes. Les fréquentes descentes des pirates barbaresques sur les côtes de l’île, obligeant à une vigilance continuelle, on établit sur le littoral une suite de tours, sur tous les points qui commandent la vue, et souvent assez rapprochées pour correspondre par signaux. A l’approche des corsaires, les gardes en observation donnaient l’alarme, et les paysans occupés aux travaux des champs, s’ils étaient trop éloignés pour gagner leurs villages situés en général dans la montagne, trouvaient un asile dans l’intérieur des tours. On doit supposer que dès le XIᵉ siècle, de semblables constructions s’élevèrent sur plusieurs points de la côte. Nulle part cependant, je n’en ai vu d’aussi anciennes; je ne crois pas même en avoir vu d’antérieures au XIVᵉ siècle. La plupart datent des XVᵉ et XVIᵉ et même du XVIIᵉ siècles. Sauf quelques détails insignifiants, toutes me semblent bâties sur le même modèle, ce qui indiquerait que leur érection aurait eu lieu par suite d’une mesure générale. Elles se composent d’une salle basse, ordinairement voûtée, servant de magasin; d’un étage au-dessus, destiné à loger la garnison; enfin, d’une plate-forme entourée de créneaux et quelquefois de machicoulis. Le magasin ou salle basse ne communique pas avec l’extérieur. On entre dans la tour par le premier étage, en montant un escalier oblique, souvent une échelle, et une fois qu’elle était retirée en dedans, une demi-douzaine d’hommes pouvait tenir tout un jour dans cette petite forteresse contre des centaines d’assaillants.

La plupart de ces tours sont de forme ronde, légèrement conique, et rarement elles ont plus de 8 à 10 mètres de haut. Telles sont les tours de Sagone, et celle dite del Cavagliere, à l’embouchure de la rivière de Campo dell’Oro, à une lieue d’Ajaccio. On pourrait en citer des centaines d’autres toutes situées sur le bord de la mer[70].

Quelques tours beaucoup plus anciennes, mais auxquelles, dans leur état de ruine actuel et dans l’absence de caractères précis, on ne saurait assigner de date exacte, occupent le sommet de quelques montagnes dans l’intérieur. Ce sont des donjons dépendant d’anciens châteaux forts. De ce genre, est la fameuse tour de Sénèque, située sur un pic très-élevé de la montagne delle Ventiggiole, commune de Luri, dans le Cap Corse. Elle s’élève au point culminant d’une espèce de cône de rochers escarpé à pic de trois côtés, et d’accès fort difficile par le seul qui soit praticable. Rien dans sa construction n’appartient à l’époque romaine; c’est une tour ronde, dont l’amortissement est détruit, plantée au milieu d’une enceinte de forme irrégulière, si ruinée aujourd’hui qu’on a peine à en suivre le tracé primitif. Les murs du vieux château, dont cette tour était le donjon, surplombaient le rocher en quelques endroits. On remarque entre autres un petit réduit voûté, revêtu à l’intérieur d’un enduit très-dur et d’un rouge vif. C’était, je pense, un des magasins du château; suspendu au-dessus d’une masse de rochers qui semblent prêts à s’écrouler, il domine parfaitement le sentier par où l’on parvient à la forteresse. L’appareil de tous les murs est grossier, mais solide, composé d’assises peu régulières, mais cependant disposées avec plus de soin que celles de beaucoup de bâtiments plus modernes.

La tour où une tradition populaire veut que Sénèque ait habité pendant son exil, était, comme presque tous les donjons du moyen-âge, isolée et indépendante du reste des fortifications. Elle n’a point de porte, mais seulement une petite fenêtre élevée de 3 ou 4 mètres, par où l’on montait avec une échelle. A l’intérieur on ne voit nulle trace de voûtes, mais, le couronnement étant détruit, il est possible que la plate-forme supérieure ait été voûtée.

La commune de Luri n’est pas la seule qui se glorifie d’avoir reçu Sénèque. Sur le territoire voisin de Pietra Corbara, on montre une autre tour, de tout point semblable à la première, et qu’on nomme également Torre di Seneca, ou même Seneca tout court.

Au sommet de la montagne de Frasso, sur le chemin d’Ajaccio à Sollacaro, j’ai examiné les restes d’une ancienne tour carrée, située à la pointe d’une espèce de cap qui s’avance dans une vallée profonde. C’est, m’a-t-on dit, un débris de l’ancien château des comtes de Frasso. Pendant longtemps les évêques d’Ajaccio ont porté ce titre. Je ne cite cette ruine qu’en raison de son parement extraordinaire dans le pays pour sa régularité. Les pierres de grand appareil sont taillées avec une rare précision, et toutes les assises ont la même hauteur.

Pendant un séjour que je fis à Sollacaro, je visitai les ruines du château d’Istria dont les seigneurs ont joué un grand rôle dans l’histoire de la Corse. Il se compose de deux enceintes irrégulières, qui suivent les contours les plus bizarres du rocher très-escarpé dont il occupe la cime. Un donjon s’élève au point culminant. Ce n’est plus maintenant qu’une masse de décombres, et ces décombres mêmes ne datent, je crois, que du XVIᵉ siècle, époque à laquelle Vincentello d’Istria rebâtit la forteresse de ses aïeux. Cependant il est probable que le plan primitif aura été conservé, ou du moins qu’on aura bâti dans le système ancien, c’est-à-dire en liant les unes aux autres, par de la maçonnerie, les roches les plus abruptes qui couronnent la montagne. Un caveau voûté, enduit d’une couche épaisse de ciment, m’a paru destiné autrefois à servir de citerne. On n’y entre aujourd’hui que par une brèche pratiquée à la base du mur. L’un des descendants de Vincentello, qui porte le même nom, le fils de M. Colonna d’Istria, maire de Sollacaro, avait bien voulu me servir de guide dans cette rude ascension. Il me fit remarquer la seule inscription qu’on ait trouvée dans ces ruines. Elle est tracée sur une pierre dont il ne reste qu’un fragment, et qu’à sa forme on juge avoir servi de linteau de porte. On lit:

HOC OPVS FABricavit
MAGnificus Dominvs VINCENTEllus.....

Je n’entreprendrai pas de décrire d’autres ruines encore plus confuses et qui marquent à peine l’emplacement des anciens châteaux. Un seul mérite d’être cité, c’est celui de Montecchj, commune de Cagnocoli, pour son donjon couronné de machicoulis encore assez bien conservé.

En général, les seigneurs corses bâtissaient leurs châteaux sur des éminences escarpées, au faîte des rochers les plus âpres et de l’accès le plus difficile. Les murs sont épais, d’appareil incertain, d’ordinaire fondés sur le roc même. Rarement ils sont flanqués de tours, car les angles saillants des remparts, qui toujours suivent les contours des hauteurs, suffisaient parfaitement à flanquer les courtines. Ni le château d’Istria, ni celui della Rocca, ni la tour de Sénèque, ni enfin aucun de ceux que j’ai visités, n’a conservé les traces du sentier qui y conduisait autrefois. On se demande si jamais ces forteresses ont été accessibles aux chevaux. Je crois le contraire pour la tour de Sénèque. Il fallait que les seigneurs châtelains eussent toujours des provisions considérables, car une poignée d’hommes aurait pu les affamer en gardant l’étroit sentier qui conduisait à ces nids d’aigles.

Sartène, Bonifacio, Porto Vecchio, ont conservé quelques restes de leurs anciennes fortifications. Un vieux pan de muraille de cette dernière ville, qui porte encore, dit-on, les traces des boulets de Sampiero, a paru offrir à quelques personnes les caractères d’une construction romaine: je ne le pense pas; mais, à coup sûr, ce fragment de l’ancienne enceinte est de beaucoup antérieur au reste des fortifications élevées par les Génois. Impossible d’assigner une date aux courtines et aux tours de Sartène; bâties à grand appareil, mais aujourd’hui dépourvues de leur couronnement; elles n’offrent aucun indice qui les caractérise. Même incertitude pour quelques parties de l’ancienne enceinte de Bonifacio[71].

Je ne dois pas oublier une espèce de fortification que j’appellerais volontiers domestique, et qui n’est destinée qu’à défendre une famille contre les attaques de ses voisins. Ce sont des machicoulis, disposés en avant d’une fenêtre, au-dessus de la porte d’entrée, laquelle est d’ordinaire assez élevée, et précédée d’un escalier étroit et raide. On voit à Sollacaro deux constructions de cette espèce, qui ont appartenu aux seigneurs d’Istria. A Fozzano, à Olmeto, dans beaucoup de villes et de villages de la Corse au-delà des monts, on en trouve de semblables. Sur le plateau de Frasso, non loin de la tour dont j’ai parlé tout à l’heure, existe une petite maison, bâtie de la sorte, et fort bien conservée. On n’entrait que par la fenêtre, et au moyen d’une échelle; en outre, la maison elle-même est perchée sur une roche si escarpée qu’il fallait, je pense, une autre échelle pour arriver seulement au pied du mur. Ce n’est qu’en m’aidant d’un arbre qui avait poussé dans une fente du rocher que j’ai pu me guinder jusqu’à cette hauteur.

Je ne parlerais pas du système très-simple des fortifications domestiques actuelles, si le nom qu’on leur donne n’annonçait une origine très-ancienne. Elles consistent en épais madriers, dont on garnit la partie inférieure des fenêtres, en ménageant des trous assez larges seulement pour passer un canon de fusil. On nomme ces meurtrières des archere, ce qui indique que leur invention ou leur usage est antérieur aux armes à feu. A l’honneur des mœurs modernes, je dirai que je n’ai guère vu d’archere que dans le village d’Arbellara; mais on m’assure qu’on y en tire un très-grand parti.

PONTS.

La plupart des ponts anciens sont attribués aux Génois; ainsi que presque tous ceux du moyen-âge, ils sont fort étroits et élevés vers leur centre, en sorte que leurs arches sont de hauteur inégale, et que la ligne du parapet décrit un angle obtus. D’ordinaire, ce parapet bâti en encorbellement, repose sur une ligne de consoles réunies par une arcature continue. On a peine à comprendre une disposition qui se rencontre souvent: au lieu de traverser perpendiculairement les cours d’eau, ces ponts les coupent obliquement, et leurs abords sont eux-mêmes obliques par rapport à l’axe des arches. Leur plan figurerait un Z. Tel est le pont de Bevinco, qu’on trouve pour aller de Bastia à la plaine de Mariana; celui de Calzuolo sur le Taravo, route d’Ajaccio à Sartène, les ponts de Corte sur la Restonica et le Tavignano, et une infinité d’autres.

Le seul motif qui puisse avoir dicté cette disposition bizarre serait d’empêcher de passer le pont d’emblée et par surprise, en lançant son cheval au galop; ce qui ferait supposer que dans un temps on exigeait un péage. Mais nulle part je n’ai trouvé de souvenirs de pareille coutume. Les ponts de Corte sont intéressants pour la défense de la ville, et l’on conçoit qu’on ait cherché à en rendre les abords difficiles; mais le pont de Bevinco, par exemple, et celui de Calzuolo, éloignés l’un et l’autre de tout village, n’ont jamais été des points militaires, et l’on n’aperçoit aux environs aucune trace de fortifications. J’ajouterai que, pendant plusieurs mois de l’année, les rivières qu’ils traversent sont facilement guéables, et dans l’hypothèse d’une invasion, même à l’époque où les torrents sont grossis par les pluies, on peut toujours les passer en les remontant à une petite distance.

ALERIA  Page 177.
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En vérité, on ne peut voir là qu’une disposition étrangère, importée aveuglément dans une localité où elle n’a pas d’objet.

BAS-RELIEFS, SCULPTURES, ETC.

J’ai plusieurs fois signalé la mauvaise exécution des bas-reliefs des XIIᵉ et XIIIᵉ siècles, placés en général sur les portails ou dans les tympans des arcatures appliquées[72]. On n’aperçoit presque aucun progrès dans les deux siècles suivants. A la vérité, je ne connais de cette époque que des pierres tumulaires encastrées dans le pavement de plusieurs églises, comme par exemple le tombeau d’un évêque Spinola dans l’église de Saint-Pierre, à Bonifacio, celui de Madona Sirena, femme de Rinuccio della Rocca, dans le couvent de Saint-François à Tallano: ce dernier porte la date de 1498. Il est impossible d’imaginer rien de plus mauvais. Ce couvent néanmoins passait pour un des plus riches, et son église pour une des mieux décorées de la Corse. Elle fut bâtie par Rinuccio, seigneur puissant d’au-delà des monts, d’abord partisan des Génois, puis leur ennemi acharné. Par suite de la révolution, on a transporté du couvent dans la paroisse de Santa-Lucia de Tallano le petit nombre d’objets d’art qu’il avait reçus de son fondateur, entre autres un charmant petit bas-relief, représentant la Vierge et l’Enfant Jésus en marbre blanc. C’est le seul morceau de la Renaissance vraiment remarquable que j’aie rencontré dans toute la Corse. Dans la sacristie de la même église, et derrière le maître-autel, on voit quelques tableaux qui proviennent d’un retable du monastère de Saint-François; ce sont des figures de saints ou des compositions ascétiques comme le Couronnement de la Vierge, toutes de petite proportion et d’un fini précieux, qui rappelle un peu les ouvrages du Belin. Plusieurs têtes se distinguent par la noblesse et la naïveté de l’expression. Je ne doute point que ces tableaux et quelques autres, qui sont restés dans le couvent, n’aient été peints en Italie. Ils ne portent point de nom d’auteur, et m’ont semblé fort antérieurs à la construction du couvent qui ne date que de l’année 1492.

Dans plusieurs églises de Bastia et d’Ajaccio, on voit quelques tableaux de l’école génoise, mais aucun ne m’a paru digne d’être cité, et la plupart ne sont, je pense, que de médiocres copies.

Je n’ai vu dans les cabinets de quelques amateurs de Bastia et d’Ajaccio que très-peu de meubles anciens, et tous de fabrique étrangère. Les armes du moyen-âge sont également très-rares, et je n’en connais point qui remontent au-delà du XVIIᵉ siècle. Philippini, parlant de la passion de ses compatriotes pour les armes à feu, disait que des gens qui n’avaient qu’un champ le vendaient pour se procurer une belle arquebuse; qu’il n’y avait pas un Corse qui n’en possédât une ou plusieurs, en très-bon état. Que sont devenues toutes ces armes? Pendant longtemps, un fusil a été pour un Corse, et est encore pour beaucoup de personnes un objet non de luxe, mais de nécessité. Je crois donc qu’à mesure que les armes à feu se sont perfectionnées, les arquebuses se sont échangées pour des mousquets, les mousquets pour des fusils. Aujourd’hui, les fusils à pierre disparaissent de l’île, et il n’est pas rare de voir entre les mains d’un paysan en guenilles un excellent fusil à deux coups, avec des batteries à percussion.

Je viens, Monsieur le Ministre, de vous faire connaître les résultats de ma tournée en Corse, résultats presque négatifs, car je n’ai guère eu qu’à constater la rareté et le peu d’importance des monuments de ce pays. Je suis loin de les avoir examinés tous, mais je doute qu’on en puisse trouver d’étrangers aux types que j’essayais tout à l’heure de caractériser. S’il m’appartenait d’indiquer à vos correspondants et aux antiquaires qui parcourront la Corse après moi un sujet de recherches, je leur conseillerais de les diriger particulièrement sur ces monuments appartenant à une époque et à une civilisation mystérieuses, et dont je n’ai pu vous signaler qu’un bien petit nombre. Décrire, par exemple, les Stazzone et les Stantare encore peu connues; étudier la circonscription de ces monuments étranges; explorer les lieux où l’on peut supposer leur existence; recueillir des renseignements précis sur ces urnes singulières qui renferment des cadavres, et sur les objets qui les accompagnent; enfin, rassembler tous les documents, tous les faits, qui peuvent conduire à la connaissance des origines de la Corse: voilà des travaux qui, je pense, pourraient rendre un véritable service à l’archéologie et à l’histoire.

NOTES.

La plupart des notes ci-jointes m’ont été communiquées avec le plus généreux empressement par M. Gregori, conseiller à la cour royale de Lyon, à qui l’on doit l’excellente édition de Filippini et de Petrus Cyrneus, publiée en 1832, aux frais de M. le comte Pozzo di Borgo. A chaque volume, M. Gregori a joint, sous le titre d’Appendice, des dissertations du plus haut intérêt sur la géographie, le gouvernement, les magistratures du pays, enfin, quantité d’actes et de diplômes inédits qui jettent une lumière nouvelle sur des événements jusqu’alors peu connus. Cet ouvrage a été distribué gratis aux chefs-lieux de canton de la Corse. M. Gregori s’occupe en ce moment d’une histoire générale de l’île, qui, j’espère, ne tardera pas à être publiée.

NOTE A.

LE CHRISTIANISME EN CORSE.

Le christianisme a dû être introduit en Corse pendant le IVᵉ siècle et peut-être avant. Le martyre de Sainte-Julie, dont la légende a été publiée par les Bollandistes, doit avoir eu lieu entre les années 470 et 477.

En 484, un évêque de Corse fut relégué dans l’intérieur de l’Afrique, par Hunneric, roi des Vandales.

Du temps de saint Grégoire, au commencement du VIIᵉ siècle, la Corse n’avait pas encore renoncé tout à fait au paganisme. Ce pontife écrivait à Pierre, évêque d’Aleria, en 598, la lettre suivante:

«Susceptis epistolis fraternitatis vestræ, magnas omnipotenti Deo gratias retulimus: quia de congregatione multarum animarum nos dignatus es relevare. Et ideo fraternitas vestra sollicite studeat opus quod cepit, auxiliante Domino, ad perfectionem deducere. Et sive eos qui aliquando fideles fuerunt, sed ad cultum idolorum negligentia aut necessitate faciente reversi sunt, festinet cum invicta pœnitentia aliquantorum dierum ad finem reducere, ut reatum suum plangere debeant, et tanto firmius teneant hoc ad quod Deo adjuvante revertuntur, quanto illud perfecte defleverint unde discedunt; sive eos qui necdum baptisati sunt admonendo, rogando, de venturo judicio terrendo, rationem quoque reddendo, quia ligna et lapides colere non debent, festinet fraternitas tua omnipotenti Domino congregare; et in adventu ejus cum districtus dies judicii venerit, in numero sanctorum possit tua sanctitas inveniri. Quod enim opus utilius et sublimius acturus es, quam ut de animarum vivificatione et collectione cogites, et tuo domino, qui tibi locum prædicandi dedit immortale lucrum reportes. Transmisimus autem fraternitati tuæ quinquaginta solidos, ad vestimenta eorum, qui baptizandi sunt, comparanda; presbytero quoque ecclesiæ quæ in Negeugno monte sita est, possessionem quam tua fraternitas petiit, dari fecimus, ita ut quantum præstat, tantum de solidis quos accipere consueverat, minus accipiat.

Vestra autem fraternitas petiit ut sibi episcopum in ecclesia quæ non longe ab eodem monte est, facere debeat: quod omnino libenter accepi: quia quantum vicina fuerit tantum prodesse animabus illic consistentibus amplius potuerit.»

Ad Petrum Episcopum (Aleriensem).

Sancti Gregorii papæ Registri Epistolarum Lº 8º., epist. I.

Note de M. Gregori.

NOTE B.

Le peu de superstitions populaires qui sont venues à ma connaissance m’ont paru conservées plutôt par respect pour leur antiquité que parce qu’on y attache encore quelque croyance.

La plus ordinaire est l’idée antique qu’on peut jeter un sort, soit par le regard soit par des éloges. Cela s’appelle innochiare, annochiare. Tout le monde n’a pas le pouvoir de nuire par les yeux; il faut avoir le mauvais œil, et celui qui l’a fait souvent du mal sans le vouloir. L’annochiatura, par les éloges, atteint surtout les enfants. Plus d’une mère lorsqu’on loue la beauté de son fils vous dira: Nun me l’annochiate, ne me le fascinez pas. Et il n’est pas rare d’entendre des Corses dire d’un air de tendresse à un enfant: che tu sia maladetto—scomunicato, etc., sois maudit, excommunié, parce que le charme opère en sens contraire. On fait ainsi un souhait heureux, sans compromettre celui à qui il s’adresse.

J’ai ouï parler de quelques bandits (ce mot doit toujours se prendre dans le sens de proscrit) qui portaient sur eux des scapulaires, afin de se rendre invulnérables. Il y a un mot pour exprimer cette sorte de charme, c’est ingermare. On y croyait beaucoup en France au XVIᵉ siècle, et l’on se rendait dur, c’est-à-dire invulnérable, au moyen de certains amulettes.

Voici enfin une dernière superstition dont j’ai été témoin. Une femme enfonça, en ma présence, un tison éteint dans un tas de maïs placé sur l’aire. J’en demandai la raison, et elle me dit, après s’être un peu fait prier, et d’un air tout honteux, que cela empêchait les streghe, les sorcières, d’enlever le grain.—Il y a deux ans que je vis à Jargeau, près d’Orléans, un feu de la Saint-Jean, solennellement béni par un prêtre en étole. Les femmes et les hommes se précipitèrent sur les brandons et les emportèrent, afin, me dit-on, d’empêcher le tonnerre de tomber sur leurs maisons. En 1839, j’ai vu à Chambord un tison semblable cloué au-dessus d’une porte du château.

J’ajouterai qu’on brûle ou qu’on assassine en France deux sorciers, bon an mal an, et qu’en Corse, on leur laisse pratiquer leur magie à leurs risques et périls dans l’autre monde seulement.

NOTE C.

ALERIA.

Nomine autem adhuc illustris est, et situ et ambitu patens; ceterum nihil residui habet, præter excubiarum arcem, equitumque cohortem atque residentiam Locum tenentis, eo translatam anno 1639, pro faciliori administratione justitiæ populis plebaniarum, vel etiam pro introductione in eam incolarum, sed adhuc parva, seu minima; prout etiam operata fuit bulla Innocentii IV, anno 1252, pro concessione indulgentiæ, tenoris sequentis:[73]

Cette bulle, datée de Pérouse, est rapportée par Ughelli (Italia sacra. 2).

Episcopo Aleriensi insul. Cor.

Exposuit nobis tua fraternitas, quod ex eo, quod castrum Aleriæ, quod est juxta mare in quo sedes tua episcopalis consistit, raris incolitur habitatoribus, illud frequenter piratæ per mare euntes obsident, teque ac homines dicti castri spoliantes bonis vestris, ac non nulli magnates, et homines tuæ diocœsis illud idem, Dei timore postposito facientes, graves tibi et tuis inferunt injurias.—Quare nobis humiliter supplicarunt ut vicini multi de Tuscia et aliis partibus ad habitandum ipsum castrum venire desiderent, teque ac jura tua, et ecclesiasticam libertatem ab hujus modi persecutoribus defendere, dum modo aliquas suorum peccatorum indulgentias per sedem apostolicam consequantur, super hoc providere salubriter curaremus. De tua igitur circumspectione plenam in Domino fiduciam habentes concedendi jure nostro venientibus illuc, et tibi assistentibus in promissis, illam suorum peccaminum veniam de quibus vere contriti fuerint et confessi, quam secundum Deum ipsorum animarum saluti expedire videris, auctoritate tibi præsertim concedimus facultatem.

Datum Perusii 10 kal mart. anno 10. 1252.

NOTE D.

MARIANA.

En 1119, l’archevêque de Pise, Pierre, se vint en Corse avec un nombreux cortége. Voici en quels termes il est rendu compte de cette expédition.

Post discessum venerabilis papæ Gelasii, Petrus Pisanorum archiepiscopus, cum Petro cardinali ecclesiæ Romanæ legato, et cum ecclesiæ Pisanæ canonicis, atque cum Ildebrando judice et Pisanorum tunc consule, aliisque Pisanis civibus, in Corsicam ivit, ibique honorifice receptus, in conspectu cleri et populi Corsicani Marianensem electum pontificem, et illius ecclesiam consecravit, aliorumque Corsicæ Pontificum obedientiam et fidelitatem recepit.—Anno Incarnationis 1119.—[74]

Ne pourrait-on pas avancer que c’est à cette époque que la Canonica de Mariana a dû être restaurée?

En 1550, elle était à peu près dans l’état où elle est aujourd’hui.

(Note communiquée par M. Gregori.)

NOTE E.

SAINTE-CATHERINE DE SISCO.

L’église de Sainte-Catherine de Sisco a été fondée près des ruines d’une ancienne abbaye, dont l’antiquité remonte à l’année 400 de notre ère. Vitalis[75] dit avoir lu dans une ancienne donation faite par le marquis de Massa, seigneur de Corse, aux moines de Monte Cristo, le nom de cette église ou abbaye indiquée sous la dénomination de Sancta Maria Magdalena fluminis Sauri. Cette même église passa ensuite aux moines des Camaldules en vertu d’une bulle de Clément VI, vers l’année 1342. Semidei, en parlant de la tour dont on voit les ruines sur la pointe de Sagro, dit que ce cap portait anciennement le nom de Sauro.[76]

NOTE F.

TOURS.

Le littoral de la Corse était défendu par des tours dont la construction ne remonte pas au-delà du XIVᵉ siècle. Ces constructions ont eu lieu aux dépens des habitants, qui se sont imposés extraordinairement pour garantir leur littoral des incursions des pirates barbaresques. Le nombre de ces tours était de 85 au commencement du XVIIIᵉ siècle. Canari en a fait la répartition de la manière suivante:

15 sur la côte nord de l’île.

34 sur la côte occidentale.

6 sur la côte méridionale.

30 sur la côte orientale.[77]

POÉSIES

POPULAIRES CORSES.

Je joins ici quelques poésies populaires corses. Lorsqu’un homme est mort, particulièrement lorsqu’il a été assassiné, on place son corps sur une table; et les femmes de sa famille, à leur défaut des amies, ou des femmes étrangères connues pour leur talent poétique, improvisent des complaintes en vers dans le dialecte du pays. Quelquefois c’est la fille, la femme même du mort qui chante ou déclame devant son cadavre. Cet usage existe aussi chez les Grecs, où cette sorte de lamentation funèbre se nomme Μοιριολόγι. En Corse, ou l’appelle Voceru, Buceru, Buceratu, sur la côte orientale;—au-delà des monts, Ballata. Le mot voceru, vient du latin vociferare, dont les Corses ont retranché deux syllabes.

Le thème ordinaire de ces chants est la vengeance; et il n’est pas rare qu’une célèbre buceratrice fasse prendre les armes à tout un village par la verve sauvage de ses improvisations.

Si le mort a succombé à une maladie, le voceru n’est qu’un tissu de lieux communs sur ses vertus, etc. En général, c’est sa femme qui parle et qui lui dit: Que te manquait-il? N’avais-tu pas une maison? un cheval? etc., etc.—Pourquoi nous as-tu quittés?

Un homme mourut dernièrement de la fièvre à Bocognano; ses amis vinrent l’embrasser suivant l’usage de cette localité, et l’un d’eux lui dit: O che tu fossi morto delle mala morte, t’avremmo vendicato! O que n’es-tu mort de la male mort (c’est-à-dire, assassiné), nous t’aurions vengé!—On le voit, la Corse est encore loin de ressembler au continent.

SERENATA

D’UN PASTORE DI ZICAVO.

SÉRÉNADE[78]

D’UN BERGER DE ZICAVO.

Je veux aller par-devant son excellence,—pour t’accuser de vol:—le premier jour qu’il tiendra l’audience,—je lui remettrai un placet;—si la justice ne m’est clémente,—j’en appellerai au ministre,—car c’est trop superbe à toi—d’être aimée, et de ne pas vouloir aimer.

Mais si tu as l’idée de me vouloir aimer,—voici la façon dont tu dois t’y prendre:—maudis-moi quand tu m’entends parler;—signe-toi, quand tu me vois

E fatti cruci, quannu tu mi vedi.
Allor la jenti nun pinzerà mali
Vidennu che mi fai tal dispiacchieri,
E pò, la sera manna mi à chiamani
Par qualchi to fidattu missachieri.
Gioja de’ cori ej’ sempre t’ ho chiamattu,
E per amari a tia, so-ju sordu e muttu;
Pattu più chi nun patti unu dannatu,
Sto in didru infernu e ti dumannu ajuttu.
O ingratta donna, è parchi m’ hai burlattu?
E quistu pettu parchì l’ hai faruttu?
E medru essere amanti, e nun amattu,
Ch’ esseri amanti amattu, e poi traduttu.
Gioja, tu m’ ha’ ridottu a singhiu tali:
Vo-ju à la missa, e nun so duve sia.
Nun ascoltu parodra di u missali,
E nun so-ju piu dì dr’ Ave Maria;
Quann’ eju la dicu, nudra nun mi vali,
Parchì eju so-ju a tia troppu riali.
In ogni locu sempre ti burria.
Quann’ eju ti vedu in qualche loccu stari
Ti pregu, anima mia, nun ti partiri;

venir;—alors les gens ne penseront point à mal,—voyant que tu me fais ces déplaisirs;—et puis, le soir, envoie-moi chercher—par quelque messager fidèle.

Joie des cœurs je t’ai toujours nommée;—par trop t’aimer, je suis sourd et muet;—je souffre plus que ne souffre un damné;—je suis en enfer, et je te demande assistance.—O femme ingrate, et pourquoi te moques-tu de moi?—Pourquoi ce cœur, l’as-tu féru de la sorte?—Mieux vaut être amant sans être aimé—qu’amant aimé, puis trahi ensuite.

Ma joie, vois où tu m’as réduit:—je vais à la messe et je ne sais où je suis;—je n’écoute pas la parole du missel—et je ne sais plus dire l’Ave Maria—quand je veux le dire, cela ne me sert de rien—parce que je te suis trop fidèle.—Dans tout lieu je voudrais te voir.

Quand je te vois dans quelque lieu—je te prie, mon âme, de ne point t’en partir:—laisse-moi dans tes yeux

Lasciami, in tuoi questi occhi saziari,
Ch’ altru nun bramu sol ch’ à tia vidiri.
La to mammaccia mi fa adirari;
Peghiu chi mortu mi burria vidiri,
Edra dici che sempre m’adruntani,
E chi nun ti fichiuli, e nun ti miri.
So-ju stattu à confissami, o divia mia:
Sa’ chi m’ ha dittu lu me cunfissoru?
Dici ch’ affattu eju mi scordi di tia,
Chi se ci penzu mi conzummu e moru.
S’ eju la facissi gran pena aviria,
A nun pinzari a vo’, riccou tisoru
Ma quistu è veru, e nun dicu bugia:
Se t’ amu eju peccu, e se nun t’amu eju moru.
Disidara u malattu risanari,
L’imprighionattu di prighioni usciri;
Disidara u von tempu u marinari,
Par puteri u viaghiu suu siguiri,
Dinari, oru, ed arghientu accumulari,
Par puteri l’intentu conseguiri.
Eju bramu solu di putè bacchiari
La to buccucchia, e pò doppu muriri.

me rassasier;—je ne demande autre chose que de te voir.—Ta maudite mère me fait enrager:—pis que mort elle voudrait me voir;—elle dit toujours que je m’éloigne,—que je ne te fasse pas la cour, que je ne te regarde pas.

Je suis allé à confesse, ô ma divinité,—sais-tu ce que m’a dit mon confesseur?—Il dit qu’il faut que je t’oublie,—que si je pense à toi, je me consume et je meurs.—Si je le faisais, grande serait ma peine—de ne plus penser à toi, mon riche trésor!—Tiens, voici la vérité, ce n’est point une menterie que je te conte:—si je t’aime, je pèche, et si je ne t’aime pas, je meurs.

Le malade voudrait guérir,—le prisonnier de prison sortir,—le marinier demande le beau temps—pour pouvoir continuer son voyage.—Écus, or, argent (voilà ce qu’il voudrait), accumuler—pour en venir à ses fins;—moi, je demande seulement de pouvoir baiser—ta petite bouche, et puis de mourir après.

L’ucedru innamurattu spessu gira,
Volandu pè li boschi e la campagna;
E chivi canta et quinci intornu mira,
Par ritruà l’amatta so cumpagna.
Quannu po’ nun dra truva, idru s’adira
E cun dulenti canti idru si lagna:
Ed eju quannu ti cercu, e nun ti trovu
E mille pene, e mille afanni eju provu.
Eju t’ amu tantu, e mi ne do-ju lu vantu
Chi nissum nun t’ ama quantu e mia.
Ti portu scritta in quistu pettu tantu,
Chi mai nun m’esci da dra fantasia.
S’ tu vuoi sapiri quantu sia stu tantu,
E quantu il pettu, e dru cor’ dedra alma mia.
S’intrassi in Paradisu santu, santu,
E nun truvacci a tia, mi n’ esciria.

L’oiseau enamouré tourne sans cesse—voltigeant par les bois et la campagne:—ici, il chante, là il regarde autour de lui,—cherchant à retrouver sa compagne chérie.—S’il ne la trouve, il se dépite—et tristement chante sa peine;—et moi, quand je te cherche, et que je ne te trouve pas,—mille peines, mille tourments, voilà ce que j’éprouve.

Je t’aime tant!..... Oui, je m’en vante,—personne ne t’aime autant que moi;—Je te porte écrite dans mon cœur, tant—que tu ne me sors pas de l’imagination.—Si tu veux savoir le combien je t’aime—et du fond de mon cœur et du fond de mon âme:—si j’entrais dans le paradis saint, saint,—et si je ne t’y trouvais pas, j’en sortirais.

VOCERU DI NIOLO.

LAMENTATION FUNÈBRE DU NIOLO.

Je filais mon fuseau
Quand j’entendis un grand bruit;
C’était un coup de fusil
Qui me tonna dans le cœur;
Il me sembla que quelqu’un me dit:
—«Cours, ou ton frère meurt!»
Je courus dans la chambre, en haut,
Et je poussai précipitamment la porte.
—«Je suis frappé au cœur!»
Il dit, et je tombai (comme) morte.
De n’être pas morte alors, moi aussi,
C’est pour moi quelque consolation:
(Je puis me venger.)
Tandu, nimmu nun aspetta
A tagliasi la so varba
Dopu fatta la vindetta.
A fane a to vindetta
Qual’ voli chi ci sia?
Mammata vicinu à mori?
U a to surella Maria?
Si Lariu nun era mortu
Senza strage nun finia.
D’una razza cusì grande
Nun lasci che una surella
Senza cugini cornali
Povera, orfana, zitella.....
Ma per far a to vindetta,
Sta siguru, vasta anche ella.
Aussi bien, personne n’attend
Pour se faire couper la barbe
Que la vengeance soit accomplie[79].
Pour te venger
Qui veux-tu que ce soit?
Notre vieille mère, près de mourir?
Ou ta sœur Marie?
Si Lario[80] n’était pas mort,
Sans carnage l’affaire ne finissait pas.
D’une race si grande
Tu ne laisses qu’une sœur,
Sans cousins-germains,
Pauvre, orpheline, sans mari...
Mais pour te venger,
Sois tranquille, elle suffit.

BUCERATU

DI BEATRICE DI PIEDICROCE, ALLA MORTE D’EMMANUELLI DELLE PIAZZOLE, GIUDICE DI PACE DEL CANTONE D’OREZZA. 1813.

LAMENTATION

DE BÉATRICE DE PIEDICROCE, SUR LA MORT D’EMMANUEL DE PIAZZOLE, JUGE DE PAIX DU CANTON D’OREZZA, ASSASSINÉ EN 1813.

Quand j’en appris la nouvelle,
J’étais à notre fontaine;
Je dis:—Quelle nouvelle y a-t-il,
Aujourd’hui, dans le bas d’Orezza?
—Elles me dirent: Aux Piazzole,
Il y a boucherie de chair humaine.
Passant au-dessous de San-Pietro
Je ne voyais plus la lumière.
Le mouchoir que j’avais à la main
On l’eût dit trempé dans la rivière.
Par terre est mon tourtereau,
Ses plumes flottent au vent.
—Nous nous sommes reposées,
Monsieur le juge, à San-Pietro,

Nunne vulete muntà?
V’aspetta il signor Piovano;
Ch’è gia prontu il desinà.
Oggi, si, lu vostru sangue
Si lu inghiotti lu terrenu.
Ma si eju mi c’era truvata
Mi lu vuglia pone in senu
Poi, spargelu pè le Piazzole,
Che fosse tantu velenu.
Maladi vogliu lu ditu!
Maladi vogliu la man!
Quello chi ha tumbatu à boi
Statu è un Turco o un Luteran?
E di paese vicinu?
O di paese luntanu?
Duve è la so cara figlia,
Ch’ella si compri un mandile
E tinge lu nel lu so sangue,
O sangue cusi gentile!
Ne voulez-vous pas monter?
Monsieur le curé vous attend;
Le dîner est prêt.
Aujourd’hui, oui, votre sang
La terre le boit.
Mais, si je m’étais trouvée là,
Je l’aurais (recueilli et) mis dans mon sein
Pour le répandre ensuite dans les Piazzole,
(Tant) Qu’il devînt un poison (pour vos meurtriers)![81].
Maudit le doigt!
Maudite la main (du meurtrier)!
Celui qui vous a tué,
Était-ce un Turc, un luthérien?
Était-il d’un pays voisin?
Ou d’un pays éloigné?
Où est sa chère fille?
Qu’elle s’achète un mouchoir
Et le teigne dans son sang,
Ce sang si noble,
E poi cingelusi al collu.
Quand’ ella ha boglia di ride.
Ora, si, miei cari figli,
Che son fatte le faccende,
Eju vedu che uscite fuori
E ciascun l’armi prende
Mortu è il giudice di pace
Oggi piu non si defende.
Et qu’elle se le mette au cou
Lorsqu’elle a envie de rire.
Or, sus, mes chers enfants,
Plus d’affaires.
Je vous vois sortir,
Et chacun prend les armes.
Il est mort le juge de paix,
Il ne se défend plus.[82]

BALLATA

FATTA SULL’ CORPO MORTO DA MARIA R*** DI LEVIE.

IMPROVISATION

DE MARIE R***, A L’OCCASION DE LA MORT DE SON MARI, ASSASSINÉ AVEC SON COUSIN, SUR LE CHEMIN DE TALLANO A LEVIE (1858).

Amour de ta sœur[83],—frère, objet aimé,—mon cerf au poil brun,—mon faucon sans aîles!—Se peut-il qu’Elle soit[84] ici?—je ne le crois pas encore maintenant.—Je vous vois de mes yeux;—je vous touche de mes mains,—époux chéri,—je baise vos fontaines (sanglantes).

O mon rocher de marbre,—ma vapeur sur la mer,—mon héros fait au pinceau,—enfant des villes,—tant

Lu mio fatto allo pinello
Venuto dalle cittane.
Tandu vidi che à Maria
No le potea durane!
Lu mio scorto pè fugi,
Lu mio bravo pè parane!
Se lu, si fosse trovato
Colle suoi arme alle mane
Non si lascea far torto
Non le faciane male.
O dolce piu di lu miele!
O manso piu di lu pane!
Paria che Dio l’avessi fatto...
Maria, colle mio’ mane.
Quanto vi fecene honore
Quando alzaste a Levie!
Sortini tutti li signori;
Poi vi diene le viva.
La mattina di lo vescò
Paragone non avia.

de bonheur, Marie le voyait bien,—ne pouvait durer.

Habile pour fuir[85];—brave pour combattre de pied ferme,—s’il s’était trouvé,—avec ses armes à la main,—il ne se laissait pas insulter,—on ne lui faisait point de mal.

Plus doux que le miel,—meilleur que le pain,—on eût dit que Dieu l’avait fait..... que Marie même l’avait fait de ses mains.

Que d’honneurs on vous fit—quand vous montâtes à Levie;—tous les messieurs sortirent—et vous donnèrent les vivat!—Le jour de l’entrée de l’évêque—ne pourrait se comparer à ce jour-là.

Se ella l’avessi saputa
La vostra surella Maria!....
Perche tutto lu mio sanguino
In vita a voi lu volia.
Ed uomini quante mosche
Manda cui eju volia
E poi mette mi alla testa
La vostra surella Maria.
Arrivata alla vostra porta
M’avete trattata male;
Non siete sortito fuori
A voler me scavalcare.
Ci son’ intrata a trece stese
Fratello ne vostre sale.
E poi c’ eju ho trovato a voi
Spanzato como ’un majale.
O lu mio Zucchero canto
Lu mio miele della arena!
Mi sento fuggé lu sangue,
Fratello, per ogni vena.
Quanto che lu mio babà

Si elle l’avait su—votre sœur Marie!...—toute ma lignée—vous voulait en vie;—des hommes aussi nombreux que des mouches—je les aurais amenés ici—et je me serais mise à leur tête,—moi, votre sœur Marie.

Arrivée à votre porte—vous m’avez traitée mal;—vous n’êtes point sorti dehors—pour m’aider à descendre de cheval;—je suis entrée les cheveux épars—mon frère, dans votre salle—et là je vous ai trouvé—décousu comme un sanglier.

O mon sucre,—mon miel des sables,—je le sens, voilà que mon sang se retire,—mon frère, de toutes mes veines.

Que de projets, mon papa—avait conçus—il était

Avea voluto fane.
Era culato nella pieve
Teso avea lu cannochiale;
E poi mi avea scelta voi,
’O pegno particolare.
O Alto quanto lu sole!
O largo quanto lu mare!
Bastava che voi fosse stato
Men’ che voi di meditani.
Le ricchezze in questo luogo
Fossene state amare;
Con vosco, la sua surella,
Mene fosse andata à zappane.
Perche non avesse pianto
Fratello, ai questo male.
Se la fosse per la robba,
Per impegni, o per danari,
O Caro della surella,
Non vi lasciava mandà;
Che insu v’era lu fiume
E ciù’ v’era lu mare.

monté au village—avait braqué sa lunette[86] (pour vous voir venir),—et vous m’aviez choisi—comme un objet de prédilection.

Vous étiez haut comme le soleil,—vaste comme la mer;—il eût suffi que vous fussiez—la moitié moins grand que vous n’êtes.

Les richesses en votre endroit—me furent amères:—avec vous, votre sœur—aurait pioché la terre;—elle n’aurait pas versé tant de larmes;—frère, pour un tel malheur.—Ni les biens—ni les relations, ni l’argent—époux chéri—ne vous ont pas séduit;—là, (chez moi) c’était un fleuve (de biens),—ici (chez vous) c’était une mer.

O Mamma siete la mia.
Mi era informata di tutto.
Era lu arbore forte
Caricato d’ogni frutto;
E per me, la sventurata
Non c’è che ruine e lutto.
Eju nun c’agio fatto letto,
No meno impastato pane;
Eju ci son’ ’ntrata jer’sera;
Mene vo’ anda’ stamane.
Come me la sventurata
Nata nun ne’ sia mai!
Sta mattina mi so’ messa
Tutta bijoux e di fiora.
Ma mi l’agio da leva.
Fratello s’appressa l’hora.
M’ agio da mettè a dosso
Eju la tinta vitriola,
Fin tanto che la vita dura
Vestita da capo à coda.

Mère[87], vous devenez la mienne.—Je m’étais informée de tout. (?)—Il était l’arbre fort—chargé de tous fruits,—et pour moi, malheureuse,—il n’y a que ruines et deuil.

Moi qui n’avais point fait (encore) le lit—ni pétri le pain,—moi qui suis entrée hier,—je m’en vais ce matin.—Malheureuse que je suis,—pourquoi suis-je née!—Ce matin je me suis parée;—j’étais toute fleurs et bijoux:—voilà qu’il faut que je les ôte.—Frère, l’heure est venue,—il faut que je revête—les noires couleurs;—tant que ma vie durera[88],—j’en serai vêtue des pieds à la tête.

Eju da mercordi dàmane
Erane aspettativa,
Sempre guardando la strada
Se eju vi vedia venire,
Non pensando che voi fossi,
En bocca degli assessini.
Ah! chi mi l’avessi dettu
La mattina dei natali,
Quando che à Levie
Voi volesti alzani;
E poi d’una occhiata sola
Voi ci voleste cascani.
Se non vi fossi piaciuta
Quanto daria stammane!
De tutti li miei fratella
Ci n’agio uno ne’ cumpagnia,
Antonio alla campagna,
Pierruccio alla Bastia.
Quanto da cui a colà
Che, ahi me! piove ruine.

Mercredi dès le matin—j’attendais impatiente—les yeux fixés sur la route—espérant vous voir venir:—las! je ne pensais pas que vous étiez—dans les piéges des assassins.

—Ah! qui me l’eût dit—cette matinée de Noël—quand à Levie—vous voulûtes monter—et qu’en un clin d’œil[89]—vous tombâtes!—Pour ne vous avoir pas plu—combien je donnerais aujourd’hui!

De tous mes frères—pas un n’est auprès de moi:—Antonio erre en proscrit;—Pierruccio est à Bastia.—D’ici, de là—hélas! le malheur pleut sur moi.

Bestemmià voglio il rè,
Maladì lu tribunale.
Perche il disarmamento.
Nun l’aviate da fà.
Lo tempo degli assessini
A punto e questo d’avale.
Se l’avia le suoi arme,
Giacomo non avia mala.
Temuto piu che lu fuoco,
Stimato piu che lu mare.
Ahi me! nun mi n’importa
Fate pur’ come vi pare.
A contar le so’ bravezze
Nun vorrei ser una donna;
Ci sarei voluto ser poeta
Andato a gli collegi a Romma;
In mano trattar la piumma
In testa portar la comma.
Se l’avessi da scrivini,
Se l’avessi da stampani,
D’argento vorrei la piumma
E d’oro lu caramare.

Je veux blasphémer contre le roi,—maudire le tribunal:—ce désarmement,—vous n’eussiez pas dû le prescrire[90];—le temps des assassins—c’est le temps d’aujourd’hui:—s’il avait eu ses armes,—Giacomo vivrait encore,—plus redouté que le feu,—plus honoré que la mer.—Hélas! rien ne m’importe plus;—faites de moi ce que vous voudrez.

Pour conter ses vaillantises—je ne voudrais pas être une femme;—j’aurais voulu être poète,—avoir étudié à Rome,—manier la plume,—porter en tête une perruque (comme un docte abbé):—Si j’avais à les écrire,—si j’avais à les imprimer,—je voudrais une plume d’argent,—un encrier d’or;—pour encre je voudrais toute l’eau de la mer;—pour papier je voudrais—la plaine de Mariana.

Per inchiostro ci vorria,
Tutta l’acqua di lu mare,
Pè papele ci vorria
La piana di Mariana.
Cio che s’è fatto in Tallano
Non l’ha fatto mai nessuno.
Perche l’avete ammazati
Senza aver’ fatto male alcuno?
L’avete pigliati innocenti
Come Dio omnipotenti.

Ce qui s’est fait à Tallano—personne ne l’a jamais fait:—pourquoi les avez-vous tués—eux qui n’avaient point fait de mal?—vous les avez pris innocents—comme Dieu le tout-puissant.

TABLE.

MONUMENTS ANTÉRIEURS AUX ROMAINS.
STAZZONE ET STANTARE.
 Pages.
Stazzona de Taravo.14
Stantare du Rizzanese.23
Stantare de la Bocca de la Pila.24
Stazzona de la vallée de Cauria.25
Urnes funéraires.47
Statue d’Apricciano.53
MONUMENTS ROMAINS.
Bains romains.69
Ruines d’Aleria (incertaines).70
Carrière de l’île de Cavallo.83
Tombeaux de Cervarico et de Bonifacio.88
MONUMENTS DU MOYEN-AGE.
Des églises de la Corse en général.91
ÉGLISES ROMANES DU XIᵉ-XIIᵉ SIÈCLE.
La Canonica.96
San-Perteo.108
Églises de Saint-Jean-Baptiste et de San-Quilico.—Carbini.112
Église de Saint-Jean.117
Ancienne cathédrale de Nebbio.121
Saint-Michel.125
Saint-Nicolas près de Murato.132
Saint-Césaire.136
Monastère de Saint-Martin.137
ÉGLISES DU XIVᵉ ET DU XVᵉ SIÈCLE.
Sainte-Marie de Bonifacio.138
Église des Dominicains.142
Chapelle de Sainte-Catherine.148
Chapelle de Santa-Cristina.154
Églises modernes.161
Tours, chateaux, fortifications, etc.164
Ponts.175
Bas-reliefs, sculptures, etc.177
Notes.193

FIN.

NOTES:

[1] Salluste, Fragments, lib. II, 157.

[2] Hérodote, Clio, 165-7.

[3] Κύρνον κατεχομένην ὑπὸ Τυρρηνῶν. Diod., lib. XI, 88.

[4] Cons. ad Helv. 7. Sextus Avienus place le séjour des Ligures dans le S.-O. de l’Espagne (l’Estramadure ou les Algarves). M. Amédée Thierry suppose qu’ils ont quitté ce pays à la suite d’une invasion des Celtes, qui aurait eu lieu vers le XVIᵉ siècle, avant J.-C. Mais Sénèque ne fait venir les Ligures en Corse qu’après les Étrusques, précédés eux-mêmes par les Grecs; or les Phocéens ne s’établirent en Corse que vers l’an 550. Il s’ensuit que les Ligures de la Corse durent arriver de la Gaule ou de la côte N.-O. de l’Italie.

[5] Lib. X, cap. 17.

[6] Polybe, lib. III, 5.

[7] Cons. ad Helv., 7: in causâ non fuisse feritatem accolarum.

[8] Lib. V, 14.

[9] X, 17.

[10] Ils gardaient le nom de Corses, au temps d’Auguste. Voir l’inscription nº 153, Orel. coll. inscrip.

[11] Au rapport de Pausanias (loc. cit.) Aristée, gendre de Cadmus, aurait émigré en Sardaigne, voyage qui aurait pu avoir lieu dans le XVIᵉ siècle avant J.-C. Après lui, seraient venus des Ibères, puis des Thespiens et des Grecs de l’Attique, enfin des Troyens fugitifs. Longtemps après, tous ces étrangers auraient été expulsés de la Sardaigne par les Carthaginois, à l’exception des Troyens et des Corses, dont Pausanias mentionne la présence sans la rattacher à d’autres événements, sinon à celui de leur résistance aux Carthaginois. Si les Ibères étaient venus en Sardaigne immédiatement après Aristée, c’est-à-dire vers le XVIᵉ siècle, avant notre ère, il est probable qu’ils se seraient également établis en Corse. Mais Sénèque parle au contraire de l’arrivée des Espagnols (Ibères) dans cette dernière île, comme d’un fait à date certaine, positivement postérieur à la venue des Phocéens. On pourrait concilier Pausanias et Sénèque en admettant deux immigrations des Ibères, ou bien en supposant que les Ibères ne passèrent en Corse qu’après avoir été chassés de la Sardaigne par les Carthaginois.

[12] Strabon, lib. V.

[13] Notitia imperii occident.

[14] Voir la note A.

[15] Au milieu du siècle dernier des Barbaresques enlevèrent encore des hommes dans le cap Corse.

[16] Voir dans Filippini la légende de la Mouche de Freto, tome 2, 86.

[17] Il est à remarquer que cette révolution s’opéra dans la partie de l’île où existèrent des colonies romaines.

[18] Robiquet, Recherches hist. et stat. sur la Corse, p. 117.

[19] Filippini, tome 2, p. 91.

[20] En 1284.

[21] Mémoires de l’Académie celtique, tome 6.

[22] D’après la description de M. Mathieu, il semblerait que, de son temps, le dolmen était intact. Aujourd’hui, cependant, personne à Sollacaro ne se souvient d’avoir vu le toit en place.

[23] Voir la note B.

[24] Voici un exemple entre mille:

S’il est un point sur lequel les archéologues soient d’accord, c’est que les dolmens servaient aux sacrifices humains. Vingt fois des gens très-instruits m’ont montré, sur la table de ces monuments, certaines cavités dans lesquelles on couchait la victime, disaient-ils, au moment de l’égorger. J’ai déjà dit que j’avais eu le malheur de ne jamais voir là que des accidents naturels. Or, cette tradition, si bien établie, est en contradiction évidente avec le témoignage de Diodore de Sicile qui affirme que la victime était debout, puisque c’était d’après sa chute que les Druides tiraient leurs présages, «Πέσοντος τοῦ πληγέντος, ἐκ τῆς πτώσεως...... τὸ μέλλον νοοῦσι. Lib. V, 31.

[25] Les Basques auxquels ce signalement convient dans la plupart de ses détails, se distinguent cependant par la saillie des pommettes et la plus grande largeur de la face, surtout par la longueur et la proéminence singulière du menton.

[26] Histoire des Gaulois. Introduction, p. 5.

[27] Puisque j’ai parlé de vengeance, je demanderai la permission d’entrer dans quelques explications sur ce point, car ce sentiment, encore si vif chez les Corses aujourd’hui, n’est point chez les Galls de nos jours un trait de caractère, et l’on peut dire que leur excessive mobilité leur fait oublier facilement les injures. Mais doit-on appeler la vengeance une passion? N’est-elle pas plutôt un des effets de la vanité. La vengeance corse n’est, à proprement parler, qu’une forme ancienne et sauvage du duel, que je crois parfaitement national et enraciné chez nous. En Corse, le riche n’est point séparé du pauvre par une haute barrière comme en France. Nulle part, peut-être, on ne rencontrera moins de préjugés aristocratiques, et nulle part les différentes classes de la société ne se trouvent en relation plus fréquente et je dirai plus intime. Les riches, étant tous propriétaires, vivent sur leurs terres, au milieu de leurs fermiers et de leurs bergers, qu’ils traitent avec beaucoup plus de politesse qu’on ne le fait en France. Souvent on voit le maître assis à table avec ses ouvriers qui l’appellent par son nom de baptême et se considèrent comme membres de la famille. Cet amour de l’égalité, qui, pour le dire en passant, n’est pas un des traits les moins prononcés du caractère français, produit ce résultat, que riche et pauvre ont les mêmes idées, parce qu’ils les échangent sans cesse. Sur le continent, les gens aisés des villes se battent, mais s’ils vivaient avec le peuple, le peuple se battrait aussi. Deux de nos paysans s’injurient et ne se battent pas; soldats l’un et l’autre ils iront sur le terrain pour une insulte légère, parce qu’ils vivent alors dans une société où le point d’honneur existe. J’ajouterai que la vengeance fut autrefois une nécessité en Corse, sous l’abominable gouvernement de Gènes, où le pauvre ne pouvait obtenir justice des torts qu’on lui faisait. Aujourd’hui même, un procès précède presque toujours l’assassinat. La vengeance s’est perpétuée dans l’île, mais comme une habitude, un préjugé que partagent les étrangers établis à demeure sur le territoire corse, car j’ai vu cette année un cas notable de vengeance parmi les Grecs de Cargèse qui s’étaient fait longtemps remarquer par la douceur de leurs mœurs. Je le répète, l’usage, le préjugé atroce, qui porte un homme à s’embusquer avec un fusil pour tuer son ennemi à coup sûr, est une forme du duel, comme l’épée et le pistolet, et quelque détestable que soit ce préjugé il ne faut pas le juger par ses effets, surtout lorsqu’il s’agit d’en faire le trait caractéristique d’un peuple: il faut plutôt remonter à sa cause, et examiner si elle n’est pas un des vices de notre nature. On doit regretter que nos formes humaines du duel n’aient pas été introduites en Corse. La bravoure et la vanité des insulaires les auraient fait, sans doute, promptement adopter, et, suivant toute apparence, elles auraient eu pour résultat de rendre les querelles infiniment moins sanglantes. (Voir, dans l’ouvrage de M. Robiquet, l’anecdote d’un duel défendu par l’autorité, d’où résultèrent quatre assassinats, page 437.)

[28] Κατοικοῦσι δ’ αυτὴν βάρβαροι τῆν διάλεκτον ἔχοντες ἐξηλλαγμένην καὶ δυσκατανόητον. Lib. V, 14.

[29] Diodore appelle les Celtes: βαρυηχεῖς καὶ παντελῶς τραχύφωνοι.

[30] Un seul nom de lieu m’a paru avoir une racine ibérique. C’est Aïtona. Aïtz (basque), rocher, vent; ona, bon.

[31] Transierunt deinde Ligures, transierunt et Hispani, quod et similitudine ritus adparet; eadem enim tegumenta capitum, idem genus calceamenti, quod Cantabris est, et verba quædam, nam totus sermo conversatione Græcorum Ligurumque a patrio descivit. Cons. ad Helv., 8.

[32] M. Grégori a bien voulu me communiquer un texte curieux de Scymnus de Chio, d’après lequel on pourrait croire que ce géographe regardait la Corse comme une île dépendant de la Celtique.

Ἔπειτα χώρα Κελτικὴ καλουμένη
Μέχρι τῆς θαλάσσης τῆς κατὰ Σαρδώ κειμένης.

ΣΚΥΜΝΟΥ ΧΙΟΥ περιήγησις. Vers 166, Hudson, geographi Græci minores.

[33] Le symbole de la clef s’expliquerait facilement dans un rite funèbre.

[34] Ἴδιον δέ τι ποιοῦσι καὶ παντελῶς ἐξηλλαγμένον περὶ τῆς τῶν τετελευτηκότων ταφῆς. Συγκόψαντες γὰρ ξύλοις τὰ μέλη τοῦ σώματος εἰς ἀγγεῖον ἐμβάλλουσι καὶ λίθους δαψιλεῖς ἐπιτιθέασιν. Lib. V, 18.

[35] Voir les idoles sardes dessinées par M. della Marmora, et reproduites dans les Religions de l’antiquité, etc., par M. Guignaud; planche LVI bis.

[36] Je ne connais ces monuments que par les dessins que M. Della Marmora a bien voulu me communiquer.

[37] Consul l’an de Rome 494.

[38] Ἢ γὰρ οὐχ ὑπομένουσι ζῆν, ἢ ζῶντες, ἀπαθείᾳ καὶ ἀναισθησίᾳ τοὺς ὠνησαμένους ἐπιτρίβουσιν.

[39] Une inscription, rapportée par Muratori, a pu établir l’opinion contraire, mais il est évident qu’elle s’applique aux Corsi de la Sardaigne.


SEX IVLIVS SEX. F. POL. RVFVS
EVOCATVS DIVI AVGVSTI PRAE
FECTVS I. COHORTIS CORSORVM
ET CIVITATVM BARBARIAE IN SARDINIA

Muratori propose, avec raison, de lire BALARIAE au lieu de BARBARIAE.

[40] La plupart du Haut et Bas Empire. Celles de Constantin sont les plus communes. Je n’ai vu dans l’île que deux médailles de la République, un denier de M. Brutus—M BRUTI. rev. AHALA; un autre de la famille Tullia—ROMA. rev. M TULLI; c’est à Levie qu’ils me furent montrés, mais ils avaient été trouvés l’un et l’autre à Aleria.

[41] M. le préfet de la Corse en possède une assez curieuse; c’est une cornaline sur laquelle est gravée en creux une tête de jeune homme dont les cheveux frisés paraissent enveloppés d’une espèce de résille, semblable à celles qu’on a trouvées à Saint-Jean et qui, peut-être, étaient une coiffure nationale.

[42] A la sortie du village et à droite du chemin qui conduit à Sisco par la Marine.

[43] Rhotanus des anciens.

[44] Peut-être aussi a-t-on abandonné cette portion de la ville à une époque où la population d’Aleria avait diminué, ou bien lorsque les invasions des Maures obligèrent à se retrancher dans la partie la plus aisée à défendre. Lillebonne offre un exemple d’un quartier ainsi abandonné.

[45] Le pilier est placé légèrement de biais à quelques mètres de l’angle nord de l’enceinte.

[46] On trouve de fréquents exemples de cette pratique; mais on ne peut arrêter une opinion à cet égard, tant qu’on n’aura pas complètement déblayé le souterrain.

[47] J’ai attribué ces constructions aux musulmans, mais elles peuvent encore être l’ouvrage des chrétiens du VIIᵉ au VIIIᵉ siècle, époque de barbarie, s’il en fut.

[48] Voir note C.

[49] Depuis la rédaction de ce Mémoire, j’ai lu une dissertation intéressante de M. Robiquet, qui établit, par la comparaison des distances, que Bonifacio doit être le Portus Favoni de l’itinéraire. Palla aurait été située vers la cale de Tizzano. Voir Recherches sur la Corse, p. 15.

[50] On en a pris seulement quelques-uns, il y a peu d’années, pour faire des bornes d’amarrage dans le port de Bonifacio.

[51] M. Della Marmora a reconnu une exploitation analogue dans un des îlots sardes, voisins de la Maddalena.

[52] Les colonnes qu’on voit à l’apside de San-Perteo, d’un granit tirant sur le rose, diffèrent essentiellement de celui qu’on exploitait dans l’île de Cavallo.

[53] Beaucoup de Corses avaient embrassé la religion musulmane.

[54] Voyez plus bas la description de l’église de Sainte-Christine, à Cervione.

[55] Elle ne se reproduit pas avec régularité, et n’a d’ailleurs ni la grâce ni la richesse de l’architecture romane, dans le midi de la France.

[56] V. note D.

[57] On serait tenir de croire, d’après cette irrégularité, que la nef aurait été reconstruite en entier, les murs latéraux des bas-côtés subsistant seuls après l’incendie. Mais si l’on remarque d’un côté la similarité parfaite de l’appareil, de l’autre les traces de la voûte en bois construite après l’incendie, on sera forcé de n’attribuer la position excentrique des fenêtres de la nef qu’à la maladresse des ouvriers.

[58] On voit autour de la Canonica quelques restes d’une enceinte que je crois contemporaine de l’église, et qui avait sans doute une destination militaire.

[59] Filippini, tome 2, p. 194.

[60] Les moellons, en granit, fort bien taillés, ont de 0ᵐ,30 à 0ᵐ,40 d’échantillon.

[61] Il a 3 m. en œuvre. L’épaisseur du mur est de 1 m.

[62] En France, lorsque le mur a une certaine épaisseur, les retombées des arcades reposent sur deux colonnes accouplées. Si l’on ne les appuie que sur une seule colonne il faut nécessairement lui donner un chapiteau dont le diamètre soit égal à celui du mur.

[63] Nebbio, autrefois ville de quelque importance, passe pour avoir été détruit par les Sarrazins. L’église, élevée après leur expulsion, dépendait d’un monastère.

[64] Les pilastres de l’apside n’ont point de chapiteaux.

[65] Calcaire blanc et très-fin.

[66] On se rappellera que l’ogive, introduite de bonne heure dans les voûtes et les arcades du midi, ne paraît dans les fenêtres que fort longtemps après que son emploi était exclusif dans le Nord.

[67] V. la note E.

[68] Le voyage est assez long pour rendre la tradition peu croyable.

[A] Je remarquerai, en passant, que dans l’apside les chiffres romains sont séparés par des points, placés entre chaque ordre de chiffres, dans le but évident d’en faciliter la lecture: M. CCCC. LXX. III. N’est-ce point un acheminement vers le système de numération arabe? Cette disposition est fréquente dans les chiffres romains au moyen-âge, et j’en ai observé cette année un exemple assez notable dans l’inscription encastrée dans les murs de l’église de Crest (Drôme), relatant les franchises accordées à cette ville en 1188.

[69] L’appareil de ce clocher, d’ailleurs assez moderne, mérite d’être cité pour sa bizarrerie. Les assises, formées de gros blocs de granite, ne sont point horizontales. On dirait une imitation de l’appareil cyclopéen.

[70] V. la note F.

[71] Le rocher sur lequel est bâti Bonifacio est complètement à pic et surplombe même la mer de presque tous les côtés. On montre encore deux escaliers taillés dans le roc et aboutissant à la grève étroite, souvent couverte par les flots. L’un servait aux moines du couvent de Sainte-Marie, pour descendre au bord de la mer, au moment où rentraient les pêcheurs qui leur devaient la dîme du poisson. L’autre escalier, suivant une tradition, aurait été taillé par les soldats d’Alphonse d’Aragon, qui prétendaient par ce moyen surprendre la ville, lors du mémorable siége qu’elle soutint en 1420. Mais il suffit de considérer la hauteur du rocher, qui s’élève abruptement de plus de 200 pieds, pour se convaincre qu’un semblable travail était absolument impossible à exécuter en présence d’un ennemi. On connaît la disposition singulière du port de Bonifacio dont l’entrée est si étroite qu’on la prendrait pour une rivière débouchant entre deux masses de rochers. Bloquer ce port, le fermer était chose facile. Les Aragonnais y parvinrent en tendant une chaîne d’un bord à l’autre de la passe. Sans doute les assiégés avaient prévu le danger longtemps d’avance, et s’étaient ménagé le moyen de communiquer avec la mer du côté opposé au port. C’est évidemment dans ce but que fut taillé l’escalier qu’on attribue aux Aragonnais. Probablement les courageux Bonifaciens qui vinrent annoncer l’arrivée de la flotte génoise montèrent par ce chemin, au lieu de se faire guinder par des poulies, eux et leur esquif, ainsi que le prétend Petrus Cyrneus, dans sa relation, beaucoup trop poétique, du siège de Bonifacio. P. Cyrnei, de Rebus Corsicis, p. 262.

[72] J’aurais dû citer plus tôt deux bas-reliefs curieux, et d’une saillie assez forte, qui se trouvent dans le village d’Aleria, enlevés, comme il semble, à quelque église détruite aujourd’hui. L’un, encastré dans le mur d’une maison moderne, représente deux monstres, liés par le milieu du corps, ayant deux avant-mains et point de croupe. Sur l’autre, on voit deux monstres fantastiques s’entrebattant. C’était un sujet favori des sculpteurs du moyen-âge. Je crois ces deux bas-reliefs du commencement du XIIIᵉ siècle: l’exécution en est grossière, mais supérieure cependant à celle de la plupart des sculptures que j’ai déjà décrites.

[73] Canari, Descriptio Corsicæ. Manuscrit communiqué par M. Gregori.

[74] Anonim. de gesta Pisan, apud Muratori, rerum Italic. script. 2, 69.

[75] Vitalis, Sanctuario di Corsica, pag. 195.

[76] Premendo l’estemità degli scogli che spingono la fronte in mare, una torre denominata sagro che anticamente dicevasi Sauro e quivi era fondata un abazia col titolo di Santa-Maria-Maddelena della Chiesa, pur ora sene osservano le semplici mura.

Semidei, descrizione del regno di Corsica, pag. 472, 1 vol. in-4, Napoli, 1737.

(Note communiquée par M. Gregori.)

[77] Canari, descriptio Corsicæ, Mss.

(Note communiquée par M. Gregori.)

[78] L’usage des sérénades se passe. Il y a peu d’années encore elles était très fréquentes: on chantait avec un accompagnement de guimbarde, et entre chaque couplet tous les musiciens faisaient une décharge de leurs armes à feu.

[79] La chemise sanglante d’un homme assassiné est gardée dans une famille comme un souvenir de vengeance. On la montre aux parents pour les exciter à punir les meurtriers. Quelquefois, au lieu de chemise, on garde des morceaux de papier trempés dans le sang du mort, qu’on remet aux enfants lorsqu’ils sont d’âge à pouvoir manier un fusil.

Les Corses se laissent pousser la barbe en signe de vengeance ou de deuil. «Personne n’attend pour se faire couper la barbe;» c’est-à-dire, il n’y a personne qui se charge de te venger.

[80] Abréviation du nom d’Hilarion.

[81] Allusion à la chemise sanglante. L’improvisatrice veut dire qu’elle aurait recueilli le sang du juge de paix, et l’aurait montré à ses amis des Piazzole pour les exciter à la vengeance.

[82] Ces deux lamentations m’ont été communiquées par M. Capel, conseiller à la cour royale de Bastia, qui prépare en ce moment un travail du plus haut intérêt sur les mœurs et les usages de la Corse.

[83] En Corse, le terme d’affection entre époux est fratello, surella, frère, sœur. En Espagne, c’est hijo, hija, fils, fille.

[84] La mort. On ne la nomme pas, pour éviter un mot néfaste. C’est par un motif semblable que les Grecs ont nommé les Furies, Euménides, et les paysans écossais, les fées guid folk, les bonnes gens.

[85] C’est une expression tout homérique.

[86] L’habitude de se mettre en garde contre les surprises a rendu commun, en Corse, l’usage des lunettes d’approche. Presque tous les bandits en portent.

[87] Je suppose qu’elle s’adresse à sa belle-mère.

[88] On porte le deuil d’un mari toute la vie. Il est excessivement rare qu’une veuve se remarie.

[89] Je ne suis pas sûr d’avoir saisi le sens de ces deux vers. On peut aussi traduire: que d’un seul regard—vous devîntes amoureux de moi.

[90] Allusion à la défense de porter des armes, hors le temps de la chasse.


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