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Nouveau manuel complet de marine, seconde partie: manoeuvres

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Calibre. Longueur du Canon long. Longueur du Canon court. Longueur de la Caronade. Poids du Canon long. Poids du Canon court. Diamètre du Boulet réglementaire.
  p.p.  p.p.  p.p. liv. liv. p.lig.
36 101  97½ 57 7.174 6.187 63 
30 98¾ 91½ 56 6.200 5.318 51054
24 95½ 89  410 5.120 4.321 55
18 810½ 83  45 4.214 3.506 411½
12 83  76¾ 310 2.997 2.398 44 
8 8754 7554 »» 2.388 2.062 39½

Les caronades pèsent environ le tiers du canon long du même calibre.

Les canons et les caronades sont les bouches à feu dont on munit les batteries et les gaillards des bâtimens de guerre; la nomenclature et les explications suivantes compléteront cette définition.

L'âme (fig. 1.) a reçoit la charge.
La bouche b entrée de l'âme.
* Les tourillons c sorte d'essieux qui maintiennent la pièce sur son chariot ou affût.
* Les embases d épaulement de tourillons.
La volée e commence à la gorge qui est en avant des tourillons et finit à la bouche. (On appelle l'avant de la pièce le côté de la bouche, et l'arrière le côté opposé.)
La tranche f surface plane percée par la bouche, et qui termine la volée en avant.
Le bourrelet g renflement près de la bouche.
* La tulipe h partie creuse en arrière du bourrelet.
* La plate-bande de volée i cordon à la naissance de la tulipe.
La lumière et le champ de lumière j tronc et creux où se placent la capsule, l'étoupille, ou la poudre d'amorce.
Le support de la platine k ex-croissance près de la lumière pour placer le ressort, appelé platine, qui doit mettre le feu.
* L'astragale de la lumière l cordon en avant de la lumière. (Les canons courts n'en ont pas.)
La plate-bande de culasse m renflement en arrière de la lumière.
La culasse n partie de la pièce en arrière de la plate-bande de culasse.
Le renfort o partie de la pièce qui commence à la gorge de la plate-bande la plus en arrière et qui finit à la volée.
Le cul-de-lampe p façon de la culasse de l'arrière.
Le bouton q extrémité de la pièce du côté de la culasse et en forme de boule.
Le collier du bouton r partie étranglée par laquelle le bouton tient à la culasse.
L'anneau de brague s anneau qui tient à la culasse et au bouton. (Quelques canons n'en ayant pas encore, la brague passe alors dans une cosse estropée au collet.)

Pour la Caronade.

La caronade a les mêmes parties que le canon, moins celles marquées d'un astérisque (*), et il faut y ajouter les suivantes:

L'encampanement (fig. 2) t entrée évasée de l'âme pour appuyer le boulet en l'introduisant lors de la charge.
Le trou de vis de pointage u percé dans le bouton de culasse.
Le support à tourillons v maintient la pièce sur l'affût au moyen d'un boulon, dit boulon-tourillon.

Ces pièces sont portées sur des espèces de chariots nommés affûts qui servent à les manœuvrer, et dont suivent également les parties en bois ou en fer dont ils se composent.

Affût du Canon. (Parties en bois.)

2 flasques (fig. 3) a pièces principales où sont les encastremens de tourillons.
Le croissant b placé en travers des flasques en avant pour faciliter le pointage, et composé de deux pièces dont une à charnière.
L'entretoise c joint et maintient les deux flasques dans le sens de la hauteur, et sert d'appui au croissant.
2 essieux d supportent les flasques.
4 roues e sur lesquelles reposent les essieux.
La sole f est située entre les flasques et joint les essieux entre eux.

Affût de Canon. (Parties en fer.)

Le boulon d'assemblage et son écrou g réunissent les flasques et l'entretoise.
2 charnières du croissant h pour rendre une partie du croissant mobile.
2 clous à rivet de tête de flasques i pour empêcher les flasques de se fendre.
2 sus-bandes et clavettes j maintiennent les tourillons en dessus.
2 chevilles à mentonnet avec écrou et rosettes k retiennent les sus-bandes et fixent l'essieu d'en avant aux flasques.
2 chevilles à tête ronde l contiennent le bois des flasques (près du premier adent).
2 chevilles à tête carrée m fixent l'essieu d'en arrière aux flasques.
2 pitons de manœuvre n sur le dernier adent pour la manœuvre de la pièce et pour la mettre à la serre, ou l'assujettir de mauvais temps.
2 pitons de côté o contre les flasques pour amarrer la pièce à garans doublés.
2 anneaux de brague p pour servir de conduite à la brague.
4 esses et leurs viroles q pour retenir les roues dans leurs essieux.
2 fourrures d'anspect r sous les flasques en arrière de l'essieu pour le garantir de l'action des leviers appelés pince et anspect.
Piton carré de manœuvre
Piton rond de manœuvre
  pour le pointage à l'aide de l'anspect et de la pince.
Piton de retraite   contre l'essieu de derrière pour crocher le palan de retraite.

Affût de la Caronade. (Parties en bois.)

La semelle (fig. 4.) a reçoit et supporte la caronade.
Le châssis b porte la semelle qui se meut dans sa coulisse.
Les supports de châssis c taquets qui supportent le châssis.

Parties en fer de la Semelle.

Le boulon-tourillon d est passé dans le support pour servir de tourillon.
2 crapaudines e placées en avant et reçoivent le boulon-tourillon.
4 boulons d'assemblage f deux placés en avant, et deux fixant les anneaux de la brague; tous les quatre maintiennent la semelle.
2 boucles de brague avec plaque g aux deux tiers de la longueur; elles servent à passer la brague et diminuer l'effort qui fait basculer la pièce lors du tir; elles peuvent servir à palanquer la semelle.
Plaques de levier et de vis de pointage avec leurs rivets k placées contre le derrière, le dessus et le dessous de l'affût, pour prévenir les dégradations des leviers et vis de pointage.
Le pivot l traverse le châssis et facilite son mouvement de rotation.

Parties en fer du Châssis.

La cheville ouvrière, sa plaque, etc j pour mouvoir obliquement la tête du châssis, tout en la maintenant contre le bord.
Le piton de cheville ouvrière   sa tête reçoit la cheville ouvrière, et sa tige traverse le bord; il maintient le châssis au moyen de la cheville ouvrière.
Le boulon d'assemblage   pour maintenir le bois du châssis et le manœuvrer.
4 boulons de support   fixent le châssis sur le support.
Le briquet avec rivets   Plaque de fer qui reçoit le choc du pivot et de la rondelle, et qui empêche l'écartement des deux côtés opposés.
La plaque du levier de pointage   comme celle de la semelle. (Dans les grandes obliquités on peut pointer par le châssis, ce qui diminue l'obliquité de la semelle, et par conséquent l'effort qui en résulte sur le châssis lors du tir.)

Les canons, les caronades et leurs affûts sont manœuvrés ou retenus à bord au moyen de divers cordages et palans, dont l'ensemble constitue le gréement de la pièce. Outre ce gréement, chaque pièce nécessite encore l'usage de divers ustensiles qui servent à son service et à son pointage, et qui sont connus sous le nom d'armement.

Gréement du Canon.

La brague   fort cordage qui retient la pièce après l'effet du recul.
2 palans de côté   pour manœuvrer le canon et le contenir au roulis.
Le palan de retraite   pour tenir le canon au recul après le tir, le mettre hors de batterie et à la serre.
La croupière   pour accrocher le palan de retraite.
L'estrope de culasse   pour accrocher le palan de retraite quand le canon est à la serre.
Le raban de volée   pour assujettir la volée au fronteau de volée, quand on met le canon à la serre.
L'aiguillette   pour brider la brague avec les palans de côté, quand on met les canons à la serre.
L'itague, le palanquin et deux rabans   pour ouvrir et tenir fermé le mantelet de sabord.

Gréement de la Caronade.

La brague   fort cordage qui maintient la pièce contre le sabord et l'empêche de reculer. (C'est ce qu'on appelle brague fixe; l'installation de la brague du canon s'appelle à brague courante.)

Armement du Canon.

Le coussin, 2 coins de mire   sur la sole de l'affût pour élever le canon au pointage.
L'anspect ou levier   sert au servant de gauche pour pointer.
La pince   sert au servant de droite pour pointer.
Le tire-bourre et la cuillère   pour décharger la pièce.
La platine ou batterie   ressort à l'instar de celui du fusil pour mettre le feu à la pièce.
La boîte à capsules et les capsules   la capsule est un petit tuyau fait d'une légère feuille de cuivre, contenant de la poudre fulminante pour mettre le feu à la charge au moyen de platines à piston ou à percussion.
La corne d'amorce   étui qui contient la poudre d'amorce pour les platines à pierre, ou pour les cas où l'on n'a plus de platines.
Le dégorgeoir   pour dégager la lumière et crever la gargousse.
L'épinglette   pour diriger la poudre dans la lumière.
La boîte à étoupille et les étoupilles   l'étoupille est un tuyau de plume plein d'artifice, destiné à mettre le feu à la charge.
Le doigtier   forte peau que le chef de pièce met à son doigt pour pouvoir boucher la lumière quand la pièce est très-chaude.
Le couvre-lumière et ses rabans   pour couvrir la lumière quand la pièce est au repos. (La lumière est en outre fermée par un bouchon d'étoupe garni de suif, nommé étoupillon.)
La tape   pour fermer la bouche de la pièce.
Le gargoussier   boîte dans laquelle on apporte de la soute, la gargousse ou le sac contenant la charge de poudre.
Le boute-feu avec sa tresse   pour mettre le feu à la pièce si on amorce avec de la poudre.
Les valets   pelotes en fil de carret pour assujettir le boulet dans la pièce.
L'écouvillon   pour nettoyer l'intérieur de la pièce quand elle a fait feu.
Le refouloir   pour enfoncer la charge. (Pour les calibres de 12 et au-dessous, l'écouvillon et le refouloir, la cuillère et le tire-bourre, sont sur la même hampe; alors la tête de l'écouvillon est tournée du côté de la culasse pendant le service de la pièce.)
La baille (contenant de l'eau)   pour mouiller la poudre qui peut tomber sur le pont, et pour rafraîchir la pièce au besoin.
Le faubert   pour le service de la baille ci-dessus.

Armement de la Caronade.

La vis de pointage   pour élever et abaisser la pièce au pointage. (Des coins de mire sont alloués pour suppléer la vis au besoin.)
Le levier en fer   tient à la semelle par une goupille pour lui donner la direction convenable. (Des anspects et des pinces sont allouées afin de suppléer le levier au besoin.)
Le tire-bourre, la cuillère, etc.   comme pour l'armement du canon.

En outre des objets d'armement ci-dessus, le dernier servant de droite pour les canons, et le servant de gauche pour les caronades, ont devant eux un petit tablier contenant des pierres à feu de rechange (si les platines sont à pierres), et du vieux linge pour nettoyer la platine: une corne d'amorce garnie est allouée en cas de besoin pour chaque pièce, et elle est suspendue dans les batteries le long du bord, entre les baux, ou disposée à la sainte-barbe.

Enfin, dans les grands bâtimens, deux canonniers par batterie ont un grand sac contenant un vilebrequin, quatre vrilles, un tournevis, quatre platines, des capsules, des étoupilles s'il y a lieu, de la ligne pour platine, et du vieux linge pour obvier aux accidens. Sur les bricks et bâtimens au-dessous il n'y a qu'un grand sac.


CHAPITRE II.

Des Projectiles et de la Charge.

On donne le nom de projectiles à tous les corps lancés dans l'espace, mais plus particulièrement à ceux qui le sont par l'explosion de la poudre.

Dans la marine, les projectiles sont les boulets ronds, ou simplement les boulets; les boulets ramés, les grappes de raisin ou la grosse mitraille, et les boîtes ou paquets de mitraille; ces derniers, connus aussi sous le nom de petite mitraille, ne s'emploient plus guère que dans les pierriers.

Les boulets ronds sont en fer fondu, et autant que possible sans aspérités ou cavités; leur destination principale est de percer la muraille des vaisseaux et d'abattre les mâts.

Le diamètre d'un boulet et en général de tout projectile, est un peu plus petit que celui de la pièce, afin d'y pouvoir entrer librement; la petite différence qui existe entre ces deux diamètres s'appelle le vent du boulet.

Le vent ne doit pas dépasser certaines limites qui sont fixées pour chaque calibre; il faut donc que chaque projectile ait le diamètre prescrit; et l'on appelle calibrer, l'opération par laquelle on s'en assure: elle se fait au moyen de deux lunettes en métal, dont l'une a trois points de plus, et l'autre six points de moins que le boulet réglementaire.

On rejette tout boulet qui ne passe pas en tous sens par la première, ou qui passe dans un sens quelconque dans la seconde. Le boulet de 36 a 2 lignes 6 points de vent, ceux de 30 et de 24 2 lignes 3 points, et ensuite en diminuant de trois points par calibre; le vent est d'une ligne 6 points pour les boulets de toutes les caronades; plus un boulet a de vent, plus la poudre perd de son action, et moins la pièce a de portée et de justesse dans le tir.

Les boulets ramés sont deux lentilles de fonte réunies par une tige en fer dont la longueur a deux diamètres du boulet; leur forme s'oppose à ce qu'ils portent aussi loin que les boulets ronds, et à ce qu'ils pénètrent la muraille des gros vaisseaux; mais ils peuvent produire de grands effets sur la mâture et le gréement de l'ennemi, et quand le peu d'éloignement du bâtiment ennemi, ou la faiblesse de ses murailles, permettent qu'ils entrent à bord, ils y occasionnent des éclats considérables.

Les grappes de raisin sont un assemblage de balles de fontes assujetties autour d'une tige de fer qui tient à une plaque ronde de même métal; celle-ci, qui sert de base au projectile, est du diamètre du boulet, et ces balles sont retenues par une espèce de coiffe en grosse toile peinte, liée en plusieurs sens: il en résulte une grappe à-peu-près cylindrique, dont le poids et la longueur sont réglés par un tarif. La portée des grappes de raisin est environ les deux tiers de celle des boulets ramés; leurs balles ou biscaïens rompent leur enveloppe au sortir de la pièce; elles divergent et elles sont très-propres de près (à deux encâblures par exemple) à couper des manœuvres ou à détruire des hommes au sabord, et sur les ponts quand on se bat sous le vent, ou que ces hommes sont faiblement abrités.

Les boîtes de mitraille se composent d'une boîte cylindrique de fer-blanc dont la base a le diamètre du boulet et qui contient de petites balles; la longueur de la boîte est déterminée par un tarif. La portée de cette mitraille est à-peu-près celle des grappes de raisin; mais ces petites balles, après leur échappement, ont encore moins d'action que les biscaïens; elles ne peuvent être efficaces que contre des embarcations ou contre des hommes entièrement à découvert.

La charge se compose d'une gargousse, d'un ou de deux projectiles, et d'un valet.

La gargousse est un sac du calibre de la pièce, et dans lequel est contenu la poudre destinée à faire l'explosion; cette quantité de poudre est réglée ainsi qu'il suit: pour éprouver un canon, la moitié du poids du boulet de même calibre; pour le combat, le tiers dudit poids; pour salut ou pour signaux, le quart. Quand les pièces doivent rester chargées, on met sur la gargousse un valet qui est attaché à cette gargousse, pour pouvoir la retirer facilement, s'il y a lieu. La charge de la caronade pour le combat est de 19 du poids du boulet, et pour salut le 112; celle du pierrier est le ⅕, et celle de l'espingole le 110.

Les gargousses aujourd'hui ne sont plus ordinairement préparées à bord des bâtimens; ceux-ci les reçoivent du magasin, conformément au réglement, et la poudre qui est ainsi préparée et délivrée par les magasins, s'appelle l'apprêtée.

Lorsqu'une pièce a tiré plusieurs fois de suite, elle s'échauffe, la presque totalité de la poudre s'embrase, et l'on en diminue alors par précaution la quantité; c'est ce qu'on appelle saigner la gargousse; ainsi l'on conserve à-peu-près la même portée qu'auparavant, l'on préserve la pièce du danger d'éclater, et les affûts ainsi que les bâtimens sont moins fatigués.

On met dans les canons, un, deux ou trois projectiles. Ce dernier cas doit être fort rare et peu répété tout de suite, car il y aurait danger que le canon n'éclatât; d'ailleurs la portée se trouvant par là très-diminuée, on ne doit l'employer que de fort près et sur un ordre supérieur.

Il y a toujours inconvénient à charger un canon avec deux projectiles de différente espèce, à cause de l'inégalité des portées; mais alors en se réglant sur la différence des vitesses de ces projectiles, on introduit le boulet ramé avant le boulet rond, et de même la boîte de mitraille, ou la grappe de raisin avant le boulet ramé. La brague des caronades devant être très-ménagée, on ne doit charger ces pièces avec deux projectiles que rarement, et pour ainsi dire jamais avec trois.

Au surplus, quand on traitera de l'exercice, on indiquera plus particulièrement quelle est exactement la manière de procéder pour charger une pièce.

Remarques.

Ceux qui ont écrit sur la portée des charges à plusieurs projectiles ne sont nullement d'accord sur leur résultat et leur emploi. Nous allons rapporter quelques expériences.

Dans les épreuves exécutées en France en 1783, deux boulets ronds de 36 lancés à la fois par 12 livres de poudre, sous un angle de projection de 17°, ont porté à 1,200 toises; et dans les mêmes circonstances la portée d'un boulet de même calibre, tiré seul, fut de 1,450 toises.

La portée de deux boulets ronds de 24, lancés par 8 livres de poudre sous le même angle de 17°, a été de 1,090 toises, et celle d'un seul boulet de 24, de 1,360 toises. Les canons des autres calibres en usage dans la marine, tirés alternativement aussi avec un et deux boulets, ont offert des résultats analogues, et confirmés d'ailleurs par des épreuves de même nature, qui furent exécutées en Angleterre en 1793.

La divergence des boulets tirés ensemble paraît très-fondée lorsque le but est éloigné; ainsi on ne doit pas les permettre au-delà de 300 toises. Mais de très-près, et lorsqu'on tire sur des navires offrant par leur gréement et leur voilure une grande surface, il est assurément très-avantageux de tirer deux boulets au lieu d'un, surtout s'ils sont de gros calibre; car non-seulement ils auront la force de traverser les murailles les plus épaisses, et ils feront deux trous au lieu d'un, mais encore chacun d'eux enlèvera plus d'éclats.

En outre, lorsqu'on est à bout portant, comme dans certains passages à poupe, ou dans l'instant d'un abordage, il convient extrêmement de charger tous les canons avec trois projectiles, dirigeant ceux du petit calibre contre les bastingages, et les autres contre la partie du navire ennemi dont l'élévation correspond à la leur[3].

Des expériences faites à Brest prouvent que les balles de nos fusils de munition, avec leur charge de poudre accoutumée, et tirées de 20 à 50 toises de distance, possèdent plus que la force nécessaire pour traverser les bastingages les plus épais qui se trouvent généralement à bord des bâtimens[4]. Or trois boulets d'une livre lancés par 6 onces de poudre, étant animés chacun d'une plus grande quantité de mouvement que les balles susdites, et pouvant s'enfoncer davantage dans un corps solide, traverseront, à plus forte raison, avec une extrême facilité toute espèce de bastingage usité. Les boulets d'une livre sont au reste les plus petits qu'on emploie à bord des navires français; ce sont ceux de pierriers. Donc aussi les boulets des autres bouches à feu peuvent être tirés avec succès trois à la fois contre les bastingages, et même contre la muraille des gaillards, qui a rarement plus de 8 à 10 pouces d'épaisseur[4].

Si la divergence des boulets ronds tirés ensemble est considérable, elle l'est encore bien davantage si la charge se compose d'un boulet rond et d'un boulet ramé. Voici ce que dit à ce sujet M. Cornibert: «J'assurerai que pendant deux ans que j'ai été inspecteur de la fonderie de Nevers, il a été tiré plus de deux mille coups de canon à plusieurs boulets ronds et ramés pour épreuves ordinaires et extraordinaires des bouches à feu fabriquées dans cet établissement. Les canons et caronades placés sur des traîneaux et plateaux très-solides, reposant sur la terre, quelquefois molle, dans toute leur longueur, étaient pointés, avec tout le soin possible, contre une butte distante de 150 toises au plus du lieu de départ des boulets, et d'ailleurs assez large pour n'être jamais manquée dans le tir ordinaire. Malgré toutes les précautions prises et la régularité du pointage, que quelquefois j'ai fait rectifier avec un cordeau, la moitié et plus des boulets manquait la butte; un boulet frappait au pied, tandis que l'autre allait frapper plus loin, en passant par-dessus. Ces irrégularités ne pouvaient certainement être occasionnées que par le choc de projectiles l'un contre l'autre dans la pièce en en sortant. Aux épreuves à outrance, on s'est servi de boulets ramés, bien justes dans leurs dimensions, fabriqués soigneusement et avec du bon fer aux forges de Guérigny; presque tous se sont cassés sortant des pièces; rarement ils ont atteint la butte, et des morceaux ont été trouvés très-écartés à droite et à gauche de la direction du tir.»

Au reste, l'emploi du boulet ramé doit être peu fréquent; mis dans la pièce avec un boulet rond, comme il s'abaisse davantage que celui-ci, à distances égales, il arrivera que si l'on veut endommager le gréement, le boulet rond passera par-dessus ou n'y fera que peu d'avaries en ne rencontrant que des manœuvres élevées; que si au contraire le boulet rond rencontre les bas mâts et les basses vergues, le boulet ramé rencontrera la coque qu'il est incapable de traverser.

La charge composée d'un boulet et d'un paquet de mitraille est sujette aux mêmes inconvéniens et ne doit être employée que de très-près.

La charge à double projectile avec boulets ronds ne doit pas être employée au-delà de 300 toises; et celles composées d'un boulet rond et d'une mitraille, ou un boulet ramé, au-delà d'une encâblure.

Ce n'est qu'à très-petites distances qu'on peut espérer de tirer un parti avantageux de doubles charges des caronades, et on ne peut continuer long-temps à s'en servir sans craindre la rupture presque certaine de la brague.

On ne doit jamais commencer le feu avec des caronades sans avoir préalablement passé la fausse brague.


CHAPITRE III.

Emplacement des Canons et de leurs projectiles, à bord.

C'est au sabord des bâtimens que les canons sont placés, amarrés et manœuvrés. Une décision du 18 septembre 1828 en a réglé le nombre par batterie, ainsi qu'il suit:

RANG des BATIMENS. 1re BATTERIE. 2e BATTERIE. 3e BATTERIE. GAILLARDS. Total des bouches à feu. Et plus pour dunettes, hunes et embarcations.
Vaisseau de 1er rang. 32 canons de 30 longs. 34 canons de 30 courts. 34 caron. de 30. 16 caronades de 30.
4 canons 18 longs.
120 1 caronade de 18.
1 id. de 12.
4 pierriers.
8 espingoles.
Vaisseau de 2e rang. 32 canons de 30 longs. 34 canons de 30 courts. » 30 caronades de 30.
4 canons 18 longs.
100 id.
Vaisseau de 3e rang. 30 canons de 30 longs. 32 canons de 30 courts. » 24 caronades de 30.
4 canons 18 longs.
90 id.
Vaisseau de 4e rang. 28 canons de 20 longs. 30 canons de 30 courts. » 20 caronades de 30.
4 canons 18 longs.
82 id.
Frégate de 1er rang. 30 canons de 30 longs. » » 28 caronades de 30.
2 canons de 18 longs.
60 id.
Frégate de 2e rang. 28 canons de 24 longs. » » 22 caronades de 24.
2 canons de 18 courts.
52 2 caronades de 12.
4 pierriers.
8 espingoles.
Frégate de 3e rang. 28 canons de 18 longs. » » 16 caronades de 30. 2 canons de 18 courts. 46 id.
Corvette à gaillards. 20c. de 30 l.
4c. de 18 l.
» » 8 caronades de 30. 32 1 caronade de 12.
4 pierriers.
6 espingoles.
Corvette sans gaillards. id. » » » 24 id.

Chaque canon s'installe au sabord, de manière que les flasques ou le croissant de l'affût touchent la muraille; alors la volée sort au dehors de tout ce dont elle excède l'épaisseur de la muraille. Tenu en cette position par les palans de côté, dont les courans sont fixés par un simple tour au bouton de culasse, le canon est dit être au sabord ou en batterie, et amarré à garans simples. C'est l'amarrage de beau temps, mais il en est de plus solides pour d'autres circonstances dont nous parlerons plus loin.

L'ouverture du sabord permet de pointer ou de diriger l'axe du canon à 18 ou 20°, à droite ou à gauche de la ligne du travers. Sans coussin ni coin de mire, cet axe peut s'élever d'environ 14° au-dessus de l'horizon, et avec coussin et coin de mire s'abaisser d'à-peu-près 6 à 7°.

Quant aux caronades, elles sont présentées au sabord comme les canons; mais, ainsi que nous l'avons dit, elles y sont en ce moment retenues à bragues fixes; mais dans les mauvais temps on y ajoute quelques aiguillettes. Leur pointage peut aller de 28° à droite ou à gauche de la ligne du travers; leur axe peut s'élever au-dessus de l'horizon de 13° avec la vis et de 16° sans la vis; il peut s'abaisser au-dessous de 5° avec la vis, et de 14 avec le coin de mire.

Il y a confusion et perte de temps à tenir dans les soutes les objets nécessaires pour la manœuvre et le service des pièces; il est aujourd'hui reconnu que les objets doivent être en grande partie dans les batteries ou près des canons: prescrire à cet égard des dispositions uniformes pour tous les temps et tous les bâtimens, serait cependant d'une exécution presque impossible; mais le principe étant adopté, il suffit d'indiquer celles que l'on croit bonnes, ou qui sont le plus en usage.

Chaque pièce est numérotée par batterie et en commençant par l'avant; chaque objet principal l'est aussi comme la pièce à laquelle il appartient. Dans les batteries couvertes, la boîte à capsules ou à étoupilles est placée au milieu du dessus du sabord. Le gargoussier est maintenu à gauche et près du sabord. La baille de combat (et son faubert) est accrochée, l'ouverture contre la muraille, à gauche de sa pièce, à mi-distance des deux sabords. L'écouvillon et le refouloir sont élongés de chaque côté du barrot placé au-dessus de la pièce. Le fanal de combat est mis comme en un étui dans un seau à incendie dont chaque pièce est pourvue; l'un et l'autre sont ainsi accrochés au pont supérieur contre la muraille, dans l'intervalle de deux canons voisins; quand ces fanaux servent, on les suspend au pont, dans l'intérieur, par rapport à l'alignement des affûts en les faisant correspondre au milieu de l'espace qui existe entre deux pièces. Dans toutes les batteries la pince est à droite de l'affût et l'anspect à gauche, sur des supports en fer en dehors des flasques; on peut aussi les engager sur les essieux entre les flasques et les roues, ou même les mettre sur l'entretoise. Le coussin et le coin de mire sont entre les flasques et sous la culasse. Les platines restent toujours adaptées aux pièces; elles sont garnies de leurs couvre-platines. Enfin les tire-bourre et cuillères sont disposés comme les écouvillons et refouloirs; mais il n'y en a qu'un de chaque espèce pour une division de quatre pièces.

Une partie des projectiles et valets est dans la cale, et l'autre sur le pont. Un certain nombre de boulets ronds sont à gauche de chaque pièce, sur le pont, et retenus par un cercle de gros cordage garni de pommes; on peut y ajouter quelques crampes pour maintenir ce cercle sur le pont au roulis. D'autres boulets ronds sont placés autour des hiloires, panneaux, ou en d'autres lieux pareils, en tel nombre qu'il y ait toujours, en tout, un approvisionnement de vingt de ces projectiles par pièce, dans la batterie.

Les boulets ramés au nombre de cinq, et les grappes de raisins au même nombre, dont chaque pièce est pourvue dans la batterie, sont accrochés régulièrement le long de la muraille, à quelques pouces au-dessus du pont. S'il y a des caisses de boîtes de mitraille à bord, elles restent dans la cale, et, en cas de combat, on monte une de ces caisses pour chaque pièce.

Les valets, au nombre de huit à douze par pièce, sont liés ensemble en forme de plateau rond que l'on place quelquefois dans la baille, quelquefois contre le bord, ou même en forme de chapelet autour de la naissance de la volée.

Les armes d'abordage destinées aux chefs et servans peuvent encore être pareillement disposées avec symétrie et goût, près des pièces ou aux environs.

Remarques.

Non-seulement les objets nécessaires au service des pièces doivent être autant que possible dans les batteries, afin que les branle-bas de combat se fassent avec plus de promptitude; mais il faut y déposer encore les objets de rechange dont on peut avoir besoin pendant le combat, afin de ne pas être obligé de distraire des servans pour aller les chercher à la sainte-barbe pendant l'action.

Les bragues de rechange pour canons peuvent, dans les batteries, se placer sur la face avant ou arrière des baux où on les retient par des bouts de tresse cloués. Pour les caronades on doit en avoir de disposées dans la tuque d'arrière ou dans les coffres d'armes.

Les affûts de rechange ne doivent pas être exposés aux boulets de l'ennemi, comme cela arrive quelquefois, mais placés de manière qu'on puisse les transporter avec la plus grande célérité lorsque le besoin s'en fait sentir.

Les parcs à boulets pratiqués contre le bord, et autour des hiloires des panneaux, ne suffisant pas pour contenir les 20 boulets que chaque pièce doit avoir dans sa batterie, on y supplée par des parcs en corde; mais comme il est difficile de les maintenir au roulis et que les crampes qui les fixent endommagent les ponts, on pratique plus ordinairement deux parcs volans situés dans les batteries basses, le premier entre le cabestan et le panneau de la cale au vin, le second en arrière du panneau de l'avant. Dans les batteries hautes, le premier entre le cabestan et le panneau de la cale au vin, et le second sur l'arrière des cuisines. Pour les gaillards on peut placer une grande quantité de projectiles entre les drômes.

Comme il est désirable d'avoir un même nombre de valets que de projectiles, et que les sacs à valets disposés contre le bord n'en contiennent pas une assez grande quantité, on peut, sans encombrement, y suppléer en se servant de valets en herseaux, dont deux ou trois douzaines, passés dans un bout de filin, sont suspendus contre le bord.

L'appareil nécessaire pour changer un affût brisé doit être disposé dans l'entre-pont, auprès du grand panneau; ce panneau étant le seul qui reste ouvert pendant le combat pour le passage des blessés.


CHAPITRE IV.

Exercice du Canon d'un bord et par temps.

L'exercice du canon est supposé précédé du commandement de branle-bas de combat.

A ce commandement, les derniers servans de droite vont chercher les objets qui ne sont pas habituellement dans les batteries, comme sacs, tabliers, platines de rechange, etc.

Les pourvoyeurs vont chercher (et allumer si c'est l'exercice à feu que l'on va faire) le boute-feu destiné à être mis dans la baille de combat, ainsi que les cornes d'amorces qui doivent être suspendues à portée.

Le chef de pièce et les servans se rendent à leurs canons. Le chef s'équipe de la boîte à capsules qu'il attache devant lui, du doigtier destiné pour le pouce gauche, de l'épinglette et du dégorgeoir qu'il suspend à sa ceinture; le dernier servant de droite arrive avec son tablier, et il prend place ainsi que le pourvoyeur. Enfin chacun se met à son poste ainsi qu'il est prescrit par le rôle de combat, et suivant les dispositions et l'ordre établis à bord.

Les deux derniers servans de gauche élongent le palan de retraite; le dernier l'accroche à la boucle du pont en arrière de la pièce, et l'autre à la croupière de l'affût. Les autres servans disposent pour l'exercice le canon, qui est supposé chargé et amarré à garans simples.

Le chargeur qui est le premier servant de droite, place l'écouvillon et le refouloir sur le pont, la tête tournée du côté de la culasse; les troisièmes servans de droite et de gauche élongent la pince et l'anspect dans le sens de la pièce, en dehors des roues et le gros bout tourné du côté de la muraille.

Le premier servant de gauche met la baille de combat également sur le pont, ainsi que le seau à incendie, qui sont munis d'eau par les autres servans, si l'ordre en est donné, et ils disposent le fanal s'il y a lieu. Enfin le pourvoyeur se saisit du gargoussier.

Le but qu'on se propose en faisant l'exercice est d'enseigner la manière de procéder avec uniformité pour démarrer, pointer, tirer, recharger le canon pour le remettre en batterie; et il ne sera question ici que des moyens mécaniques par lesquels on y parvient. Les règles du pointage sont fondées sur des considérations trop élevées pour trouver place dans cette section, qui est principalement destinée à l'instruction des servans.

La description de l'exercice se divise par commandemens, et chaque article contient 1º le commandement, 2º l'explication par temps, qui est donnée par celui qui commande l'exercice et qui est suivie de l'exécution, laquelle ne commence qu'après le nouveau commandement d'action; 3º les observations qui indiquent ce qu'il peut être nécessaire d'ajouter ou de modifier, suivant les circonstances.

ÉTAT des hommes nécessaires pour le service d'un canon.

EMPLOIS. Calibre de 36. Calibre de 30. Calibre de 24. Calibre de 18. Calibre de 12. Calibre de 8.
Chef de pièce 1 1 1 1 1 1
Servans 12 10 10 8 8 4
Pourvoyeurs 1 1 1 1 1 1
  ―― ―― ―― ―― ―― ――
TOTAUX 14 12 12 10 10 6

Roulement.

Le roulement indique qu'on va commencer l'exercice et qu'il faut observer le plus grand silence. Toute parole inutile est sévèrement interdite, soit pendant l'exercice, soit devant l'ennemi. Les chefs de pièces font face au sabord; les servans font face à leurs pièces, et s'alignent sur les deux premiers servans; tous se serrent à bord, de manière que les coudes s'affleurent, la tête haute, l'œil dirigé du côté du chef, les pieds sur le même alignement, le corps d'aplomb, les bras pendans, les mains dans les rangs, ouvertes et à plat sur les cuisses. A la fin du roulement, chacun reste immobile.

A défaut de tambour, on y supplée par le commandement de roulement, et l'on termine le mouvement par celui-ci: fin de roulement.

1er COMMANDEMENT.

Détapez, démarrez vos canons!

Un temps.

Explication. Le premier servant de droite détape le canon et place la tape contre le bord derrière lui. Le chef de pièce, aidé des servans placés près de lui, démarre le canon et l'assujettit contre le bord, en passant au collet du bouton de culasse un tour de chaque garant qu'il fait tenir par les deuxièmes servans de droite et de gauche; puis il ôte le couvre-lumière et le passe au troisième servant de droite, qui le met près du bord en arrière des servans.

Action!

Observations. Si le roulis ou l'inclinaison du bâtiment n'est pas assez considérable pour déranger l'affût lorsqu'il est au sabord, il est inutile de le maintenir par les palans de côté; alors les garans restent élongés sur le pont, hors de la direction des roues. Dans tous les cas, les bouts sont cueillis par les avant-derniers servans de droite et de gauche, en dehors des files de servans et par le travers de la culasse; ils sont ainsi bien parés à se filer d'eux-mêmes au recul.

S'il y a du roulis, ou si l'on est à la bande sur l'autre bord, le chef fait maintenir la pièce jusqu'au commandement de feu; mais auparavant il doit avoir l'attention de faire mettre, en dessous, le garant du côté où il prévoit que la culasse devra être jetée pour pointer.

2me COMMANDEMENT.

Dégorgez, amorcez!

Un temps.

Explication. Le chef de pièce prend le dégorgeoir de la main droite; il perce la gargousse, et s'assure au mouvement du poignet et à la longueur de la sonde, que la gargousse est percée; il arme[5] la platine, ouvre ensuite la boîte à capsules (ou à étoupilles si la platine est à pierre), en prend une, referme la boîte, et il introduit cette capsule dans la lumière en la pressant fortement avec le pouce.

Action!

Observations. Si l'on manque de capsules (ou d'étoupilles), ou si la platine est démontée et qu'elle ne puisse être remplacée, le chef se fait donner la corne d'amorce par le servant le plus à portée qu'il désigne, et il amorce la pièce en introduisant de la poudre dans la lumière avec l'épinglette qu'il tient de la main gauche, ayant soin de ne pas laisser engorger la lumière; il remplit de poudre le champ de lumière, et en prolonge une traînée, autant qu'il le peut, du côté où on doit mettre le feu. Il s'assure ensuite que la corne d'amorce est bien fermée, et il la prend à deux mains pour écraser la partie de la poudre qui doit être allumée par le boute-feu; puis il ôte avec le plat de la main gauche le pulverin (ou poussière de poudre) qui peut s'être attaché à la corne; il la capelle par-dessus l'épaule gauche, il la place derrière lui, le petit bout du côté gauche, et il met le couvre-lumière qu'il se fait donner par le troisième servant de droite.

Si la platine était à pierre, il agirait de même, mais il ne devrait pas oublier de remplir le bassinet de poudre et de le refermer ensuite[6].

3me COMMANDEMENT.

Pointez!

Trois temps.

Explication. Premier temps. Le chef de pièce se place à droite du palan de retraite, le pied gauche en avant et à plat, le genou plié, la jambe droite allongée; la main gauche sur la plate-bande de culasse, et la main droite à la poignée du coin de mire; les troisièmes servans, aidés par les quatrièmes pour les gros calibres (ceux de 24 et au-dessus), prennent les pinces et anspects, les placent sur les adents de l'affût, et ils élèvent ou abaissent la culasse au commandement du chef de pièce, jusqu'à ce que le canon soit au point convenable, c'est-à-dire que la ligne de mire soit, autant que possible, dirigée sur le point où l'on doit viser lorsque le bâtiment est dans une position moyenne à ses balancemens de roulis.

Action!

Deuxième temps. Les mêmes servans embarrent aux flasques pour diriger la pièce à droite ou à gauche; le chef décapelle les garans, il en charge les derniers servans aidés par ceux qui ne sont pas occupés au pointage, pour que tous contiennent la pièce au sabord; puis il prend de la main droite le cordon de la platine, et il se porte vivement en arrière au-delà du recul du canon. Il vise en s'inclinant et en mettant dans le même alignement son œil, le point le plus élevé de la culasse, et le point le plus élevé de la volée.

Action!

Troisième temps. Le chef fait le commandement à postes! auquel les servans, chargés de pinces et anspects, les retirent de dessous les flasques, viennent reprendre leur alignement, et les tiennent le bout posé sur le pont, de manière que les roues de l'affût ne puissent passer dessus en cas de recul de la pièce.

Action!

Observations. Lorsque celui qui commande l'exercice commande de pointer en belle, le chef de pièce fait endenter la pince et l'anspect entre les adents de l'affût et la culasse, et il les fait ensuite embarrer sous l'affût jusqu'à ce que la pièce soit horizontale et perpendiculaire au seuillet du sabord.

Pour le commandement d'en plein bois, il faut, par les mêmes moyens, que la pièce soit pointée de telle sorte que le boulet frappe au milieu de la hauteur de ce qui paraît de la coque de l'ennemi, et le plus possible dans le voisinage du grand mât.

De même, pour pointer en arrière, il faut porter la culasse en avant; pour pointer en avant, il faut porter la culasse en arrière; à démâter, il faut diriger la ligne de mire de manière que le boulet frappe la mâture, particulièrement celle de misaine, mais pas plus haut que le trelingage. A couler bas, il faut diriger la ligne de mire de telle sorte que le boulet frappe la ligne de flottaison. Enfin s'il n'y a pas d'ordre, les chefs de pièces pointeront tous de manière à frapper à la position présumée de la roue, ou en cas d'impossibilité, vers le point qui en est le plus rapproché; il peut en résulter un feu concentré qui peut être fort efficace.

Si la bande est trop forte pour que le chef puisse pointer assez haut, on a la ressource d'ôter les roues de l'arrière, mais ce ne peut être sans que le chef de la batterie en ait été averti: lui seul peut en donner l'ordre, après avoir pris ceux du commandant du bâtiment, qui pourrait préférer de prendre une autre position.

4me COMMANDEMENT.

Feu!

Deux temps.

Explication. Premier temps. Le chef de pièce attend que les mouvemens du navire amènent la ligne de mire dans la direction du point où l'on doit viser; et quand il le voit près d'arriver, il l'indique par un signal, puis il fait feu en donnant un coup de poignet sec au cordon de la platine.

A ce signal du chef de pièce, les servans chargés des garans de palans, les laissent tomber hors de la direction des roues; ceux qui ont en main la pince et l'anspect, les posent sur le pont; tous les servans, à l'exception des premiers de droite et de gauche, se portent vivement au palan de retraite pour l'embraquer au recul, et même le palanquer si le canon n'est pas assez rentré. Le premier servant de droite prend la pince par le gros bout pour caler les roues, dès que l'affût n'est plus au sabord; il doit aussi parer les palans et la brague avec le premier servant de gauche; et le dernier servant de gauche fait une demi-clef sur le palan de retraite.

Action!

Deuxième temps. Les troisièmes servans de droite et de gauche, aidés par les quatrièmes pour les gros calibres, prennent la pince et l'anspect, embarrent sous la culasse qu'ils élèvent pour que le chef place le coussin et le coin de mire, de manière à mettre la pièce à même d'être chargée; les autres servans rouent les garans des palans de retraite et de côté; l'anspect est remis à sa place, la pince en travers des roues, et chacun reprend son poste.

Action!

Observations. Si la capsule ne prend pas, le chef la retire et en met une nouvelle. Si l'on se sert d'une étoupille et que le coup ne parte pas, il faut laisser éteindre le feu de l'étoupille avant de s'approcher de la pièce pour la remplacer; il en est de même quand on a amorcé avec de la poudre. Lorsque la lumière ne fume plus, le chef de pièce et le servant chargé du vieux linge s'avancent vers la pièce; le premier pour dégorger, amorcer s'il y a lieu, et l'autre pour nettoyer la platine. Le chef rectifie toujours son pointage avant de remettre le feu à sa pièce, et il agit ensuite comme il a été dit au 4me commandement.

S'il est tombé quelque parcelle d'étoupille, capsule allumée, ou poudre, sur le pont, il faut les mouiller avec le faubert.

Quand, par la position du vaisseau lors du tir, on craint que la violence du recul n'aille jusqu'à briser la poulie du palan de retraite, il faut décrocher ce palan et le parer de manière qu'on puisse le recrocher aussitôt que le coup est parti.

Lorsque les platines seront démontées et qu'elles ne pourront pas être remplacées, on mettra le feu à la pièce à l'aide du boute-feu. Alors le dernier servant de gauche saisit le pied du boute-feu de la main droite, il en prend la tête de la main gauche, il se place vis-à-vis de la lumière faisant face au sabord, il se baisse pour souffler la mèche, bien au-dessous de la hauteur de la lumière; il la porte ensuite à quatre doigts de la plate-bande de culasse, pour faire feu au commandement du chef; ce qu'il exécute en portant la mèche à l'amorce, de manière que le boute-feu ne soit pas au-dessus de la lumière.

5me COMMANDEMENT.

Bouchez la lumière; écouvillonnez!

Deux temps.

Explication. Premier temps. Le chef de pièce prend le dégorgeoir de la main droite et l'enfonce dans la lumière pour voir si elle est dégagée; il la bouche bien ensuite avec le pouce de la main gauche, jusqu'à ce que la pièce soit chargée, ne l'ôtant que pendant les momens où il se sert de son dégorgeoir; le premier servant de droite se porte en même temps à la volée, en passant par-dessus les palans et brague; le deuxième servant lui remet l'écouvillon, qu'il enfonce dans la pièce.

Action!

Deuxième temps. Le premier servant de droite tourne plusieurs fois l'écouvillon dans le sens convenable pour faire prendre le tire-bourre, et il le retire en le tournant du même côté; il le pose sur la volée de la pièce, et il le secoue trois ou quatre fois en dévirant pour faire tomber les culots de gargousses et la crasse.

Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer qu'elle est parée; si elle ne l'est pas, il fait écouvillonner de nouveau jusqu'à ce qu'elle soit dégagée, et il rebouche la lumière. En même temps, le servant chargé du tablier nettoie la platine, puis il reprend son poste.

Action!

Observations. Si le chef de pièce ne peut parvenir à parer la lumière, il en prévient l'officier ou le maître le plus à portée, qui la fait dégager par les canonniers porteurs des vrilles et vilebrequins.

Il faut écouvillonner avec beaucoup de soin pour décrasser la pièce et pour en retirer tout ce qui peut s'y trouver d'étranger; il en résulte encore l'avantage que la lumière ne se trouve pas obstruée, et qu'aucun culot n'empêche la gargousse de se rendre au fond de l'âme.

Il est bon de rafraîchir une pièce de temps en temps, par exemple quand elle a tiré huit ou dix coups. C'est à ce commandement qu'on le fait, en aspergeant l'écouvillon avec la main, avant de l'introduire dans l'âme, et en frottant en même temps la pièce avec un faubert mouillé.

6me COMMANDEMENT.

Au refouloir!

Un temps.

Explication. Le premier servant remet l'écouvillon au second; il reçoit de lui le refouloir, dont il place le bouton sur la tête de l'affût, et tient la hampe des deux mains. Si c'est du calibre de 12 et au-dessous, il change l'écouvillon en refouloir, lequel se trouve sur la même hampe.

Action!

Observation. Pour changer l'écouvillon en refouloir, et réciproquement, il faut appuyer le milieu de la hampe sur la volée, et diriger le côté de l'écouvillon de manière à passer en dessus.

7me COMMANDEMENT.

La gargousse dans le canon; à la poudre!

Un temps.

Explication. Le premier servant de gauche fait un demi à gauche, reçoit du pourvoyeur la gargousse, qu'il place dans le canon, le culot le premier, la couture en dessous; le premier servant de droite l'enfonce jusqu'au fond du canon avec le refouloir. Il allonge le bras droit de toute sa longueur, en tenant la main gauche sur la volée du canon et le corps un peu incliné en avant, prêt à refouler. Dès que le pourvoyeur a remis la gargousse, il va en chercher une autre, ayant le gargoussier sous le bras gauche et la main droite sur son couvercle.

Action!

Observations. Quand les pièces sont échauffées, ou que les distances sont très-rapprochées, il peut arriver que l'on donne l'ordre de saigner les gargousses; mais cette besogne ne regarde nullement ni le chef de pièce, ni les servans, ni le pourvoyeur, qui doivent employer la gargousse telle qu'elle leur est donnée. Cet ordre ne peut venir que du commandant du bâtiment, et alors il s'exécute, soit dans la soute, soit dans tout autre lieu désigné, mais toujours par les soins de personnes également désignées, et qui ne font pas partie de l'équipage des pièces. Si le chargeur s'aperçoit que la gargousse se soit crevée en l'introduisant, il doit mettre alors un valet après la gargousse pour ramasser la charge au fond de la pièce.

Le pourvoyeur doit éviter, en allant chercher la gargousse, de mettre dans ses mouvemens une précipitation qui pourrait le faire trébucher ou tomber. Quand il remet la gargousse au premier servant de gauche, il ne tient le gargoussier ouvert que le moins de temps possible, et à l'abri, s'il y a lieu, du feu de la pièce voisine; en ce moment il doit visiter son gargoussier, et s'il contient de la poudre échappée de la gargousse, il la renverse sur la baille.

Si la pièce devait rester long-temps chargée, on mettrait en outre un valet entre la gargousse et le boulet. Sans cette précaution, si le boulet prenait du jeu, il pourrait, au roulis, comprimer trop fortement la poudre de la gargousse.

8me COMMANDEMENT.

Refoulez!

Un temps.

Explication. Le premier servant de droite refoule trois coups et abandonne la hampe du refouloir en effaçant le corps.

Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer que la gargousse est rendue; si elle ne l'est pas, il fait refouler de nouveau; si elle l'est, il fait un signal de la main, auquel le premier servant retire le refouloir, et en place le bouton sur la tête de l'affût; en même temps, le second servant de gauche se baisse vivement et prend un boulet qu'il remet au premier; il prend ensuite un valet.

Action!

Observations. Il est très-important que le chef de pièce ne débouche jamais la lumière sans s'être positivement assuré que le chargeur s'est effacé, et qu'il n'est plus devant la pièce, afin d'éviter, pendant ce temps, que l'explosion possible de la charge n'enlève le chargeur.

Lorsque la mer est assez grosse pour obliger de fermer les sabords de la première batterie, aussitôt que le coup de canon est tiré, on doit mettre la volée à hauteur du hublot, afin de pouvoir y passer les hampes d'écouvillon et de refouloir, et charger par ce moyen.

Si l'on est abordé par un vaisseau, de manière que les mouvemens des hampes de bois ne puissent avoir lieu, il faut y substituer des écouvillons et refouloirs à hampes de corde, lesquels sont réunis pour tous les calibres.

On ne doit pas refouler plus de trois coups, parce que la gargousse doit être confectionnée de manière à se rendre assez facilement; que la poudre trop refoulée donnerait moins de portée au projectile, et qu'on pourrait faire adhérer au fond de l'âme le culot, qui, en y séjournant, nuirait à la charge suivante. Si la gargousse éprouvait d'ailleurs quelque difficulté à entrer, il faudrait, soit la retirer avec le tire-bourre, et la faire changer par le pourvoyeur dans le cas où elle serait défectueuse, soit écouvillonner et nettoyer de nouveau le canon, si l'obstacle provenait de son intérieur. La hampe du refouloir doit avoir une marque qui indique quand la gargousse est rendue.

9me COMMANDEMENT.

Le boulet et le valet dans le canon!

Explication. Le premier servant de gauche met le boulet dans le canon, et l'empêche de tomber en plaçant la main droite devant la bouche de la pièce; il reçoit du second servant le valet, qu'il prend de la main gauche et qu'il place sur le boulet.

Le premier servant de droite enfonce aussitôt le valet sur le boulet avec le refouloir; il s'assure qu'il est rendu par la longueur de la hampe, et il en rend compte au chef, par ces mots: rendu, chef! Il allonge le bras droit de toute sa longueur, il tient la main gauche sur la volée et le corps incliné en avant prêt à refouler; le premier et second servant de gauche reprennent leur poste.

Action!

Observations. On ne met qu'un projectile dans le canon, à moins que le commandant n'en ordonne autrement; il donne l'ordre en même temps de saigner la gargousse ou d'employer celles qui sont préparées à l'avance et qui ne contiennent de poudre que le quart du poids du boulet. Les chefs de la batterie font bien connaître alors quel est l'ordre dans lequel les projectiles seront placés. Le valet ne se met qu'après le dernier de ces projectiles.

Le premier servant de droite est spécialement chargé de veiller à ce que le boulet qui doit être introduit par le premier servant de gauche, ne tombe pas à la mer; ce n'est qu'autant qu'il en est sûr qu'il doit lui-même introduire le valet.

Si le boulet ne peut pas entrer dans la pièce, il doit être remplacé et mis de côté pour être nettoyé par la suite; s'il s'arrête dans l'intérieur avant d'être rendu, on ne doit pas le forcer, mais le retirer, ce qui s'effectue en levant la culasse et lui donnant quelques secousses contre le seuillet du sabord, ou au moyen de la cuiller. On enlève ensuite avec l'écouvillon les culots ou débris qui s'opposent à son introduction. Si le valet éprouve trop de difficulté à entrer dans la pièce, on le remplace aussitôt, et le premier est donné aux autres servans pour qu'ils l'amoindrissent en le roulant sous les pieds, ou en le battant avec l'anspect en le roulant de nouveau pour l'arrondir. Les marques des hampes doivent être susceptibles d'être reconnues la nuit comme le jour.

10me COMMANDEMENT.

Refoulez!

Un temps.

Explication. Le premier servant de droite refoule deux coups; il retire le refouloir et le passe au second, qui le pose sur le pont; le premier et second servant de droite reprennent leur poste.

Action!

11me COMMANDEMENT.

En batterie!

Deux temps.

Explication. Premier temps. Le premier servant de droite décale les roues et pose la pince à sa première place; puis avec le premier servant de gauche ils soutiennent les bragues, pour empêcher qu'elles ne s'engagent pendant le mouvement. Le dernier servant de gauche défait la demi-clef du palan de retraite et tient le garant pour filer à mesure que la pièce ira en batterie. Tous les autres servans se rangent sur les palans de côté.

Action!

Deuxième temps. Le chef de pièce commande palanquez! Tous les servans agissent ensemble pour mette la pièce en batterie droit au milieu du sabord, et aussitôt qu'elle y est, le chef a soin de l'assujettir, en passant un tour de chaque garant au collet du bouton. Les garans sont tenus par les deuxièmes servans de chaque côté.

Action!

Nota. Si l'on continue l'exercice, on reprendra au 2me commandement. Si on ne le continue pas, on le termine par le 12me commandement, dans lequel on suppose que l'amarrage est simple. S'il devait être d'un autre genre, il faudrait l'énoncer et le faire exécuter.

Observations. Le dernier servant de gauche doit particulièrement veiller le roulis, afin de contretenir, quand il y a lieu, pour empêcher la pièce d'aller heurter le bord trop vivement, ce qui serait susceptible de déranger la charge.

Dans un combat vergue à vergue, pour accélérer le tir dans le fort d'une action décisive, ou lorsque les servans sont fatigués ou réduits en nombre, on est quelquefois obligé de tirer la pièce sans la mettre en batterie; c'est ce qu'on appelle à longueur de brague. Il faut alors saupoudrer un faubert mouillé, ou tout autre corps pareil, de sable ou de cendre, et le faire servir à caler les roues de derrière pour soulager la brague dans l'effort qu'elle aura à supporter, et l'on y contribue encore en raidissant les palans de côtés. D'ailleurs le palan de retraite sera bien raidi, et même, au besoin, renforcé par son garant, que l'on fera passer plusieurs fois dans l'estrope de culasse, ainsi que dans la boucle du palan de retraite; la pince sera mise en travers des roues de l'avant pour contribuer avec ce palan à empêcher la pièce de se rendre au sabord. Il est alors plus essentiel que jamais de veiller aux accidens du feu.

12me COMMANDEMENT.

Tapez, amarrez vos canons!

Deux temps.

Explication. Premier temps. Le troisième servant de droite remet le couvre-lumière au chef de pièce, qui l'amarre sur la culasse, et qui ensuite décapelle les palans et les fait tenir par les derniers servans; il fixe entre les flasques et les garans le mou de la brague qui est soutenue par le deuxième servant; il fait raidir les palans par tous les servans; il les arrête par un tour mort au collet du bouton, et en passant le double de chaque garant entre ce garant et la plate-bande de culasse, en dessus et en dessous.

Action!

Deuxième temps. Le premier servant de droite met la tape au canon, les autres servans rouent les palans, les amarrent le long des flasques, et mettent les attirails nécessaires à la manœuvre, aux places où ils étaient auparavant. Le dernier servant de gauche décroche le palan de retraite et le place sur le canon. Les objets apportés des soutes, et qui ne sont pas susceptibles de rester dans les batteries, sont rapportés par les canonniers désignés pour ce service et par le pourvoyeur.

Action!

Observations. Si dans un combat il s'agissait d'amarrer les pièces momentanément pendant qu'on irait servir celles de l'autre bord, on les assujettirait, soit en batterie avec les palans de côté, soit au recul avec la pince mise en avant des roues et avec le palan de retraite amarré.

Quand le roulis exige un amarrage plus solide, on laisse deux ou trois servans pour exécuter celui qui est prescrit, et ces servans retournent prendre poste de l'autre bord dès qu'il est fini.

Roulement!

Chacun prend son poste comme au commencement de l'exercice, et nul ne le quitte que lorsqu'on bat la breloque.

EXERCICE DE LA CARONADE
D'UN BORD ET PAR TEMPS.

Le commandement de branle-bas de combat s'exécute comme il a été dit pour le canon, si ce n'est que les caronades étant en ce moment à brague fixe, il n'y a point lieu à élonger le palan de retraite. La caronade est également supposée chargée, et amarrée seulement par sa brague.

Pour une caronade d'un calibre quelconque, il ne faut que quatre hommes: un chef de pièce, un servant de droite chargeur, un servant de gauche fournisseur, et un pourvoyeur. Le chef se rend à sa pièce et s'équipe, ainsi qu'on l'a expliqué en parlant du canon; il visite les amarrages de brague, et il met le levier de pointage en place. Les deux servans vont chercher et disposent sur le pont, près de la muraille, les coins de mire, la pince et l'anspect (ces deux derniers alloués par deux caronades). Ils disposent ensuite la baille de combat, le seau à incendie et le fanal, comme on l'a vu précédemment. Le fournisseur porte le tablier garni, et le pourvoyeur se saisit du gargoussier. Celui-ci se place à gauche de la pièce faisant face au sabord et affleurant le fournisseur avec le coude.

Roulement!

Comme pour le canon.

1er COMMANDEMENT.

Détapez vos caronades; démarrez le couvre-lumière!

Un temps.

Explication. Le chargeur ôte la tape de la caronade et la place contre le bord derrière lui. Le chef de pièce démarre le couvre-lumière, et il le place près du bord, en arrière du servant de droite.

Action!

2me COMMANDEMENT.

Dégorgez; amorcez!

Un temps.

Explication. (Comme au 2me commandement pour le canon.)

Observations. (Comme au 2me commandement pour le canon.)

3me COMMANDEMENT.

Pointez!

Deux temps.

Explication. Premier temps. Le chef de pièce se place à droite du levier de pointage, le pied gauche en avant et à plat, le genou plié, la jambe droite allongée, la main gauche sur la plate-bande de culasse, et la main droite à la poignée du levier de pointage, de manière à élever ou à baisser la culasse, jusqu'à ce que la caronade soit au point convenable, c'est-à-dire que la ligne de mire soit, autant que possible, dirigée sur le point où l'on doit virer, lorsque le bâtiment est dans une position moyenne à ses balancemens de roulis.

Action!

Deuxième temps. Le chef de pièce prend de la main droite le cordon de la platine, et il se porte vivement en arrière au-delà du bout du levier de pointage; en même temps les servans s'en approchent pour diriger la caronade d'après le signal du chef, qui s'incline et vise, en mettant dans le même alignement son œil, le point le plus élevé de la culasse et le point le plus élevé de la volée. Quand le pointage est fini, il fait le commandement à postes! auquel les servans reprennent leur première position.

Action!

Observations. Lorsque celui qui commande l'exercice ordonne de pointer en belle, le chef de pièce fait mouvoir le levier et la vis, de manière à ce que la pièce arrive à être droite au sabord.

Pour le commandement d'en plein bois (comme aux 2me et 3me paragraphes des observations au 3me commandement pour le canon.)

Si la bande est trop forte pour que le chef puisse pointer sur l'ennemi, il a la ressource du coin de mire pour abaisser le pointage; et s'il veut l'élever, il démonte la vis.

4me COMMANDEMENT.

Feu!

Un temps.

Explication. Le chef de pièce attend, etc. (Comme au 1er paragraphe de l'explication du 4e commandement pour le canon.)

Observations. (Comme aux 1er, 2me et 4me paragraphes des observations du 4me commandement pour le canon.)

5me COMMANDEMENT.

Bouchez la lumière, écouvillonnez!

Deux temps.

Explication. Premier temps. Le chef de pièce prend le dégorgeoir de la main droite, et l'enfonce dans la lumière pour voir si elle est dégagée; il la bouche ensuite avec le pouce de la main gauche, jusqu'à ce que la pièce soit chargée, ne l'ôtant que pendant les momens où il se sert du dégorgeoir.

Le servant de droite se porte vivement à la volée de la caronade, passe le corps et la jambe en dehors du seuillet du sabord, et pose le pied droit sur le taquet qui est disposé à cet effet; son pied gauche est appuyé en dedans.

Action!

Deuxième temps. Le servant de gauche prend l'écouvillon, et il le donne au servant de droite: celui-ci tourne plusieurs fois l'écouvillon, etc. (Comme aux 2me et 3me paragraphes des explications, et comme aux observations du 5me commandement pour le canon.)

6me COMMANDEMENT.

La gargousse dans la caronade; au refouloir; à la poudre!

Un temps.

Explication. Le servant de droite remet l'écouvillon au servant de gauche, qui le pose contre le bord et se tourne ensuite vivement du côté du pourvoyeur pour en recevoir la gargousse; il la donne au chargeur qui la place dans la pièce, le culot le premier, la couture en dessous; le servant de gauche remet l'écouvillon en place, prend le refouloir, le passe à celui de droite qui s'en sert pour enfoncer la charge jusqu'au fond de la caronade; il allonge le bras droit de toute sa longueur, ayant la main gauche sur la volée et le corps un peu incliné en avant, prêt à refouler. Dès que le pourvoyeur a remis la gargousse, il va en chercher un autre, ayant le gargoussier sous le bras gauche, et la main droite sur le couvercle.

Action!

Observations. (Comme au 7me commandement pour le canon.)

7me COMMANDEMENT.

Refoulez!

Un temps.

Explication. Le servant de droite refoule trois coups et abandonne la hampe du refouloir en effaçant le corps.

Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer que la gargousse est rendue; si elle ne l'est pas, il fait refouler de nouveau; si elle l'est, il fait un signal de la main auquel le servant retire le refouloir et le passe au servant de gauche, qui le pose et prend vivement un boulet.

Action!

Observations. Il est très-important, etc. (Comme au 1er paragraphe des observations du 8me commandement pour le canon.)

On ne doit pas refouler plus de trois coups, etc. (Comme au 4me paragraphe des observations du 8me commandement pour le canon.)

8me COMMANDEMENT.

Le boulet et le valet dans la caronade!

Un temps.

Explication. Le servant de gauche pose le boulet sur la caronade et le conduit avec les mains jusqu'à ce que le servant de droite puisse le prendre; alors celui-ci l'introduit dans la caronade et place sa main droite devant la bouche de la pièce pour empêcher le boulet de tomber.

Le servant de gauche prend aussi un valet et le refouloir; il remet d'abord le valet à celui de droite qui le prend de la main gauche et le place sur le boulet; puis il lui donne le refouloir qu'il prend de la main droite, et avec lequel il enfonce la charge. Il s'assure qu'elle est rendue par la longueur de la hampe; il en rend compte par ces mots: rendu, chef! et il allonge le bras droit de toute sa longueur, la main gauche sur la volée et le corps incliné en avant.

Action!

Observations. On ne met qu'un projectile dans la caronade surtout, à moins que le commandant, etc. (Comme au 1er paragraphe des observations du 9me commandement pour le canon.)

Le chargeur doit avoir soin que le boulet ne tombe pas à la mer, et le valet ne doit être placé qu'autant qu'il est sûr que le boulet est dans la pièce; ce dont au surplus il s'apercevra toujours, après qu'il aura enfoncé la charge, par la marque qui est sur la hampe. Si on découvrait alors que le boulet n'est pas dans la pièce, il faudrait ôter le valet avec le tire-bourre pour mettre un autre boulet.

Si le boulet n'entre pas dans la pièce, etc. (Comme au 3me paragraphe des observations du 9me commandement pour le canon.)

9me COMMANDEMENT.

Refoulez!

Un temps.

Explication. Le servant de droite refoule deux coups; il retire le refouloir et le passe au servant de gauche qui le remet à sa place.

Action!

Nota. Si on continue l'exercice, on reprend au 2me commandement. Si on ne continue pas, on le termine par le commandement qui suit:

10me COMMANDEMENT.

Tapez vos caronades, amarrez le couvre-lumière!

Un temps.

Explication. Le servant de droite remet la tape à la caronade. Le chef de pièce va prendre le couvre-lumière et l'amarre; puis il ôte le levier de pointage qu'il fait remettre, ainsi que les autres attirails, où ils étaient avant la manœuvre. Les objets apportés des soutes et qui ne sont pas susceptibles de rester dans les batteries, sont reportés par les servans et par les pourvoyeurs.

Action!

Roulement.

Chacun reprend son poste comme au commandement de l'exercice, et nul ne le quitte que lorsqu'on bat la breloque.

EXERCICE DU CANON OBUSIER.

Roulement.

Comme pour le canon.

1er COMMANDEMENT.

Détapez, démarrez vos canons! (Un temps.)

Comme pour le canon.

2me COMMANDEMENT.

Dégorgez, amorcez! (Un temps.)

Comme pour le canon.

3me COMMANDEMENT.

Pointez! (Trois temps.)

Comme pour le canon.

4me COMMANDEMENT.

Feu! (Deux temps.)

1er temps. Comme pour le canon jusqu'à ces mots, si le canon n'est pas assez rentré.

Le chef de pièce dans ce cas facilite le mouvement de rentrée en prenant son levier-directeur, dont il engage le bec dans le cran de la tige mobile, pour élever le derrière de l'affût. Les premiers servans de droite et de gauche restés à leur poste parent les palans et bragues. Le chef de pièce remet le levier-directeur à sa place, et le 2e servant de gauche fait une demi-clef au palan de retraite.

2e temps. Comme pour le canon.

5me COMMANDEMENT.

Bouchez la lumière, écouvillonnez! (Deux temps.)

1er temps. Comme pour le canon. Après ces mots, qu'il enfonce dans la pièce, ajoutez: à l'aide du premier servant de gauche qui se porte également à la volée de l'obusier par un mouvement semblable à celui de droite.

2e temps. Les deux servans tournent plusieurs fois l'écouvillon au fond de la chambre et de l'âme dans le sens nécessaire pour faire prendre le tire-bourre, et ils le retirent en le tournant du même côté. (Le reste comme pour le canon.)

6me COMMANDEMENT.

Au refouloir! (Un temps.)

Comme pour le canon.

7me COMMANDEMENT.

La gargousse dans le canon; à la poudre; à l'obus! (Un temps.)

Le premier servant de gauche fait un demi à gauche et reçoit du pourvoyeur la gargousse qu'il place dans le canon, le culot le premier, la couture en dessous; puis il aide le premier servant de droite à l'enfoncer avec le refouloir jusqu'au fond de la chambre. Tous les deux prennent la position de refouler.

Dès que le pourvoyeur a remis la gargousse, il va en chercher une autre, ayant le gargoussier sous le bras gauche et la main droite sur son couvercle.

Le deuxième servant de gauche prend la boîte vide et se dirige avec le troisième servant du même côté, vers l'écoutille destinée au passage des projectiles chargés. Le deuxième servant affale la boîte par l'écoutille au moyen d'un cartahu à croc; puis tous les deux hissent dans la batterie, par le même moyen, la boîte renfermant l'obus; lovent le cartahu sur la boîte; ils la saisissent ensuite par les anses, le deuxième de la main droite, et le troisième de la main gauche, et la transportent sur l'avant de l'affût, sous la volée de l'obusier, en passant par derrière la file des servans de gauche. Après l'avoir posée sur le pont, tous les deux reprennent leur poste.

Action!

8me COMMANDEMENT.

Refoulez! (Un temps.)

Les premiers servans de droite et de gauche refoulent trois coups bien égaux et abandonnent la hampe du refouloir en effaçant le corps. Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer que la gargousse est rendue au fond de la chambre. Si elle ne l'est pas, il fait refouler de nouveau; si elle l'est, il fait un signal de la main, auquel le premier servant retire le refouloir qu'il passe au deuxième qui le pose sur le pont, et duquel il reçoit le gros refouloir qu'il pose sur le seuillet de sabord, la tête sur le pont, appuyant contre le devant du flasque droit.

Action!

9me COMMANDEMENT.

L'obus et le valet dans le canon! (Un temps.)

Les premiers servans de droite et de gauche enlèvent l'obus de la boîte et l'élèvent à la hauteur de la bouche de la pièce. Le deuxième servant de gauche retire aussitôt la boîte, à laquelle il remet le couvercle ôté précédemment, et la place contre le bord derrière lui.

Le premier servant de gauche introduit l'obus dans le canon après l'avoir préalablement décoiffé, il le maintient dans cette position avec la main gauche, ayant la main droite appuyée contre la masse de mire. Le premier servant de droite prend le refouloir, et aidé du premier servant de gauche qui abandonne l'obus, il l'enfonce au fond de l'âme et retire le refouloir.

Le premier servant de gauche reçoit du deuxième, du même côté, un valet qu'il place dans la pièce, et les deux premiers servans l'enfoncent sur l'obus avec le refouloir. Le premier servant de droite s'assure que l'obus et le valet sont rendus au fond de la pièce par la longueur de la hampe, et en rend compte au chef. Ces deux servans prennent la position pour refouler.

10me COMMANDEMENT.

Refoulez! (Un temps.)

Comme pour le canon.

11me COMMANDEMENT.

En batterie! (Deux temps.)

1er temps. Le chef de pièce prend le levier-directeur, et le tenant des deux mains par l'extrémité, il engage le bec sous la tige mobile. (Comme pour le canon.)

2e temps. Le chef de pièce placé parallèlement à l'affût, faisant effort sur le trou du levier-directeur, soulève le derrière de l'affût et commande palanquez! alors tous les servans agissent ensemble pour mettre la pièce en batterie droite au milieu du sabord; le chef facilite ce mouvement en continuant de peser sur son levier et poussant en avant jusqu'à ce que la pièce soit en batterie. Alors il débarre, remet le levier-directeur à sa place, et (comme pour le canon.)

12me COMMANDEMENT.

Tapez, amarrez vos canons! (Deux temps.)

Comme pour le canon.

Nota. L'armement de ces bouches à feu est le même que pour le canon de 36, plus un levier-directeur et un petit refouloir à tête conique pour la gargousse. Mais le levier-directeur n'est utile que lorsque l'affût est privé de roues de derrière; dans le cas contraire, tout ce qui a rapport dans l'exercice au levier-directeur, doit être supprimé.

EXERCICE DES DEUX BORDS,
ET A VOLONTÉ.

L'exercice des deux bords n'apporte aucune modification à la manière dont une pièce doit être pointée, tirée et chargée. Mais comme alors ce sont les canonniers d'un seul bord qui se partagent pour faire le service des deux bords, il a fallu adopter un ordre de répartition qu'il importe de faire connaître.

Cet exercice se divise en quatre parties.

I.—Armement des pièces et changement de bord.

TROIS COMMANDEMENS.

1er.—Armez les deux bords!

Explication. Les chefs des pièces paires si l'on est à tribord, et ceux des pièces impaires si l'on est à bâbord, disposent sur le boulon de culasse les boîtes à capsules, le doigtier, le dégorgeoir, l'épinglette et le tablier du servant.

Action!

Observation. Le numérotage des pièces commence par l'avant, et si le nombre des pièces d'une batterie est impair, l'équipage des deux dernières pièces de l'arrière les manœuvre ensemble comme s'il s'agissait de deux pièces voisines.

2e.—Par le flanc gauche et par le flanc droit; à gauche, à droite!

Explication. Les servans de droite font à gauche, ceux de gauche font à droite, et les chefs de pièce demi-tour à droite! tous se tiennent prêts à se porter à la pièce correspondante de l'autre bord.

Action!

Observation. Dans un combat, c'est le chef de pièce qui fait le commandement de par le flanc gauche! etc.

3e.—Marche!

Explication. Les chefs de pièces qui ont fait demi-tour se rendent avec leurs servans aux pièces correspondantes de l'autre bord, et détachent, chemin faisant, à la pièce voisine à droite, les trois premiers servans de droite, savoir: le premier pour chef de pièce; le deuxième pour chargeur, et le troisième pour fournisseur. A cet effet, les servans de droite marquent le pas jusqu'à ce que le dernier homme de la file de gauche l'ait dépassé, et tous se rendent à leur poste en se formant, les servans de gauche sur la droite, et ceux de droite sur la gauche, par file en bataille.

Les chefs de pièces qui n'ont pas quitté leurs pièces, s'équipent du tablier et envoient à celle qui est voisine à droite, devenue vacante, les trois premiers servans de droite; le premier pour chef de pièce, le deuxième pour chargeur, et le troisième pour fournisseur.

Les chargeurs envoyés pour chefs de pièces, sont nommés chefs provisoires, et les autres, chefs titulaires.

A chaque pièce des deux bords où se trouve le chef titulaire, le premier servant de gauche devient chargeur, et le second fournisseur.

Chaque chef, à son arrivée à la nouvelle pièce qu'il va servir, s'arme de la boîte à capsules, du doigtier, du dégorgeoir et de l'épinglette qui doivent s'y trouver; les écouvillons et les refouloirs sont passés à la gauche des pièces dans toutes les batteries; le chef de pièce démarre le couvre-lumière et fait détaper la pièce.

Action!

Observation. Pendant un combat, c'est le chef qui fait le commandement de marche! Le tablier est supposé avoir été apporté au commandement de branle-bas.

II.—Manœuvre de la pièce de chaque chef titulaire jusqu'à ce qu'elle ait fait feu, et passage des servans mobiles à la pièce de chaque chef provisoire.—Quatre commandemens.

1er.—En batterie; dégorgez; amorcez!

Explication. Après avoir mis les pièces en batterie, si elles n'y sont pas, les chefs titulaires seulement dégorgent et amorcent.

Action!

2e.—Pointez!

Explication. Les chefs titulaires seulement passent par tous les temps du pointage.

Action!

3e.—Feu!

Explication. Les chefs de pièces attendent le moment favorable et ils exécutent le feu. Aidés par leurs servans, ils mettent les pièces hors de batterie, et le premier servant de gauche fait la demi-clef au palan de retraite. La pince est mise en travers des roues par le premier servant de droite.

Action!

Observation. S'il y a lieu de se servir du boute-feu, c'est le dernier servant de gauche qui s'en saisit.

4e.—Servans mobiles, changez!

Explication. Les chefs de pièces qui viennent de tirer ne conservent que le premier servant de droite et de gauche; tous les autres, nommés servans mobiles, se portent à la pièce voisine à droite, où ils occupent les mêmes postes qu'à celle du chef titulaire.

Action!

III.—Manière de charger la pièce pendant que celle du chef provisoire est mise en batterie et fait feu, et réciproquement.—Cinq commandemens.

Observation. Chacun des cinq commandemens en comprend deux ou plusieurs, qui s'adressent tantôt aux chefs titulaires, tantôt aux chefs provisoires; comme ils ne pourraient être donnés à la voix sans confusion, on en marque l'exécution par un coup de baguette.

Chefs titulaires. Chefs provisoires.
1er coup de baguette.—Bouchez la lumière, écouvillonnez au refouloir! 1er coup de baguette.—En batterie; dégorgez, amorcez!
(Le dernier servant de gauche défait la demi-clef du palan de retraite.)
2e La gargousse dans le canon; refoulez, à la poudre! 2e Pointez!

Observation. Le pourvoyeur va chercher la poudre et la porte à la pièce qui va tirer; il continue alternativement ce service pour les deux pièces de l'approvisionnement desquelles il est chargé.

3e Le boulet et le valet dans le canon! 3e Au boute-feu! (S'il y a lieu.)
4e Refoulez! 4e Feu!

Observation. Comme dorénavant on se servira très-rarement du boute-feu, le chef provisoire fera alors feu au troisième coup de baguette; et au quatrième, il fera mettre sa pièce hors de batterie; les deux commandemens des troisième et quatrième coups de baguette, pris simultanément, devant, dans tous les cas, commencer et finir à-peu-près en même temps.

5e.—Servans mobiles, changez!

L'exercice continuant, les chefs provisoires exécutent à chaque coup de baguette les commandemens indiqués pour les titulaires, et réciproquement. Ensuite ils alternent encore.

Au roulement, le feu cesse, mais on continue de charger les pièces qui ne le sont pas. Un chef ne doit jamais quitter sa pièce qu'elle ne soit chargée, mise en batterie et amarrée si c'est une pièce des batteries hautes, ou rentrée et fixée par la pince placée en avant des roues, si c'est une pièce de la batterie basse.

IV.—Désarmement d'un des deux bords.—Trois commandemens.

1er.—Canonniers, tous à tribord; ou canonniers, tous à bâbord!

Explication. Les écouvillons et les refouloirs sont replacés à droite des pièces, et les couvre-lumières à leurs places; les chefs provisoires du bord qui restent armés, ainsi que les chefs titulaires et provisoires du bord qui doivent être désarmés, laissent leur équipement sur le bouton de culasse.

Action!

2e.—Par le flanc gauche et par le flanc droit; à gauche, à droite!

Les servans font à droite et à gauche, et les chefs de pièces demi-tour à droite. Si l'on a fait le commandement d'armer à bâbord, ce sont les chefs titulaires des pièces impaires, qui sont tous à tribord dans ce moment, qui exécutent ce mouvement.

Action!

3e.—Marche!

Explication. Les chefs de pièces se rendent avec leurs servans aux pièces correspondantes du bord opposé; les servans de droite marquent le pas jusqu'à ce que ceux de gauche soient passés; alors ils se rendent tous à leurs postes, en se formant sur la droite et sur la gauche par file en bataille.

Les chefs de pièces qui ont changé de bord se munissent de la boîte à capsules, et les servans chargés du tablier le reprennent.

Action!

Si la batterie est armée de caronades ou de pièces de 8 et au-dessous, leur équipage n'est pas assez nombreux pour se diviser; on suit alors les mêmes principes pour leur destination de chaque bord, mais on ne peut y servir que la moitié des pièces. Dans ce cas, lorsqu'il devient utile de rapprocher le feu de l'avant ou de l'arrière, on ordonne à chaque équipage de se serrer du côté où on veut le faire, de manière à ne laisser aucun intervalle. Si parmi les matelots de la manœuvre il s'en trouve de disponibles, comme tous doivent connaître l'exercice du canon, le commandant peut alors les envoyer servir les pièces qui sont sans équipage; on y met pour chef le chargeur titulaire de ladite pièce, qui est remplacé à la pièce qu'il quitte par le fournisseur, et celui-ci par un des matelots provenant de la manœuvre.

Outre ces passages d'une partie des hommes d'un bord pour armer tout l'autre bord, ou seulement une portion, il est encore un cas qui peut se présenter: c'est celui où se battant d'un seul bord, il y a lieu à cesser entièrement le feu de ce même bord et à se porter de l'autre, pour se battre sur cet autre bord. Alors on commande:

Armez l'autre bord!

Explication. Les pièces de la première batterie, chargées ou non, sont assujetties à la longueur du recul, afin de pouvoir fermer les sabords, si c'est ordonné. Pour celles qui sont chargées, chaque chef passe aussitôt avec son équipage à la pièce du bord opposé; et pour les autres, il y laisse son chargeur et le second et troisième servans de droite pour la charger; à cet effet, le chef de pièce commande à gauche et à droite, lui-même fait demi-tour; il prononce le mot marche! et il va avec les servans prendre pareil poste à la pièce opposée. Les servans qu'il a laissés, s'il y avait lieu à recharger, viennent le joindre dès qu'ils ont fini.

Dans les batteries hautes, les pièces sont amarrées au moyen de leurs palans de côté.

Action!

Exercice à volonté!

Explication. Chaque chef de pièce fait alors en particulier à ses servans les commandemens des divers temps; il doit leur en faire observer toutes les circonstances et ne jamais sacrifier l'exactitude à la vivacité des mouvemens.

Action!

Observations. Le feu à volonté est ordinairement celui d'un combat, et les canonniers doivent y être exercés. Il est pourtant d'autres feux qui peuvent être désignés par les dénominations suivantes:

Feu de file ou de salut. C'est celui où l'on commande à toutes les pièces de faire feu successivement, suivant un ordre et à intervalles indiqués. On peut employer ce feu contre un bâtiment plus faible que l'on chasse, ou à mesure qu'on découvre un navire dans une manœuvre; il a l'avantage de vous laisser libre de former et de favoriser le pointage.

Feu de section. C'est celui où l'on commande à un certain nombre de pièces de faire feu simultanément, suivant un ordre prescrit et à un intervalle indiqué. On peut employer ce feu quand on veut se ménager un certain nombre de coups toujours prêts à être envoyés.

Feu de division. C'est le feu de section lorsque chaque section est composée de la moitié des pièces consécutives d'un même bord d'une batterie. On peut employer ce feu quand la fumée empêche de bien juger la position de l'ennemi, et qu'on veut se réserver des pièces prêtes pour l'instant où il paraîtra.

Feu de batterie. C'est celui que chaque batterie doit faire alternativement; les gaillards peuvent alors, suivant les ordres reçus, tirer à volonté ou à leur tour.

Feu par bordées. C'est celui où l'on fait des décharges générales de toute son artillerie; on l'emploie quand, pendant une manœuvre, on vient à découvrir son ennemi, et qu'on veut profiter de ce moment pour l'écraser.

Il y a cependant des inconvéniens dans chacune de ces manières de faire feu, tandis que le feu à volonté est celui qui en a le moins et qui réunit le plus d'avantages. Il reste à faire observer que les volées sont en général plus meurtrières ou plus efficaces, 1º quand elles sont tirées en enfilade, c'est-à-dire dans le sens de la longueur du bâtiment ennemi, surtout de l'arrière à l'avant; 2º en écharpe, c'est-à-dire obliquement sur sa batterie; les boulets peuvent alors faire des éclats considérables.

Remarques.

Outre les devoirs imposés aux chefs de pièces et servans, au commandement de branle-bas de combat, il en est d'autres qui ont rapport au service de l'artillerie.

Le commandement de branle-bas de combat fait, ou la générale battue, pendant que les chefs et servans se rendent à leurs pièces pour les préparer à faire feu, les soutes à poudre sont ouvertes, et les hommes affectés à ce service s'y rendent. Les rondiers des batteries démontent les chandeliers des panneaux, enlèvent les échelles qu'ils font passer dans l'entre-pont pour éviter les éclats, la communication s'établissant pendant le combat par les échelles de cordes toujours en place.

Les hommes pour le passage des poudres dans les batteries, mettent en place les panneaux de combat[7], les manches pour les gargoussiers vides et les reposoirs pour les gargoussiers pleins[8].

Les feux sont éteints, les pompes à incendie garnies et armées.

L'emploi des capsules rend inutile le mouvement du chef de pièce pour percer la gargousse, il doit s'assurer seulement si la lumière est dégagée.

Les gargousses délivrées ordinairement à bord des navires de l'état sont en papier, en serge, en parchemin, ou en papier-parchemin. Depuis quelque temps cependant les gargousses en serge paraissent abandonnées, et on ne donne plus que des gargousses en papier pour le salut et l'exercice, et en papier-parchemin pour le combat.

Les gargousses en papier-parchemin ont l'avantage de ne pas conserver long-temps le feu, mais elles forment de très-forts culots qui restent dans la pièce après l'explosion, et il faut écouvillonner avec le plus grand soin, pour que ces culots ne s'amoncellent pas au fond de l'âme et n'empêchent pas la gargousse de s'y rendre.

L'apprêté ne se faisant plus à bord depuis l'adoption des caisses à poudre, on ne se trouve plus dans la nécessité de saigner la gargousse. On donne pour chaque calibre, un cinquième de gargousse au tiers et quatre cinquièmes de gargousse au quart; de sorte que lorsque le chef de la batterie trouve les pièces échauffées, il prend les ordres du commandant du bâtiment, pour qu'il soit prescrit dans les soutes d'approvisionner avec des gargousses au quart.

Les valets dont on se sert ordinairement sont cylindriques pour les canons, et ovoïdes pour les caronades; on commence cependant à les remplacer par des herseaux, qui, d'après les expériences faites à Toulon en 1834, ont donné les résultats semblables, sinon préférables aux valets cylindriques.

Ces derniers ont le grand inconvénient de pouvoir former un coin autour du boulet, ce qui nécessitant une plus grande force pour le chasser de l'âme, peut être préjudiciable à la pièce.

Non-seulement lorsqu'on est vergue à vergue, mais dans plusieurs autres circonstances, il peut être très-utile de tirer à longueur de brague. Il résulte de plusieurs expériences faites en 1836 à Toulon, que non-seulement il ne faut pas raidir les palans de côté, comme le dit l'instruction, mais qu'il faut les décrocher si on ne veut que les poulies soient brisées aux premiers coups tirés. Après avoir calé les roues de derrière avec des fauberts mouillés et sablés, on décroche les palans de côté et on réunit, sans les forcer, par une aiguillette, les deux portions de la brague en avant de l'affût.

A bord des bâtimens armés de caronades, en désignant d'avance un homme par pièce pour remplir les fonctions de chargeur, on peut servir toutes les pièces lorsqu'on se bat des deux bords. Dans ce cas, les chefs titulaires détachent à la pièce voisine, à droite, leur chargeur pour chef de pièce, et prennent pour chargeur leur fournisseur. Les chefs provisoires ont pour chargeur un homme de la manœuvre désigné d'avance, et le pourvoyeur de la pièce du chef titulaire approvisionne également celle du chef provisoire.


CHAPITRE V.

Nœuds, Amarrages et divers Travaux de Garniture appliqués au Canonnage.

C'est à bord et dans les ateliers de garniture que l'instruction sur ces objets, tous de pure pratique, peut être le plus facilement donnée et le plus promptement acquise; on ne saurait donc entrer ici à cet égard dans de grands détails, et l'on se contentera de fixer l'attention sur les points suivans, qui sont distribués par ordre alphabétique pour faciliter les recherches.

Aiguilletage, aiguillette. L'aiguilletage est un amarrage qui sert à réunir deux cordages ou deux branches du même cordage; il s'exécute le plus souvent avec un petit filin flexible qu'on nomme aiguillette, qu'on fait passer en tours multipliés dans les anneaux, bagues ou œillets dont ces cordages peuvent être pourvus.

On se sert d'aiguillettes pour les amarrages des canons et des caronades, pour embarquer et débarquer les canons, pour saisir les chandeliers de pierrier et d'espingole; pour fixer le bout des bragues des pièces, qu'au besoin on passe aux sabords de chasse ou de retraite, et pour raidir l'appareil des batteries quand les pièces sont au grelin par un mauvais temps.

Brague. Fort cordage fait de fil de première qualité, commis avec le plus grand soin et légèrement goudronné, et qui sert à borner le recul des bouches à feu. La brague est élongée et tendue de force avec des palans, ou même au cabestan, avant d'être mise en usage, pour qu'elle soit moins exposée ensuite à prendre du mou. Sa longueur pour les canons de calibre de 36, de 12 et intermédiaires, varie de 10½ mèt. à 7¾ mèt., et sa grosseur de 20 à 16 centimètres. La brague est fixée par ses deux bouts dans les boucles de la muraille du bâtiment par un amarrage avec étrive, c'est-à-dire avec changement de direction du cordage principal, après qu'il a été replié sur lui-même.

Bridure. Amarrage qui sert à rapprocher deux ou plusieurs cordages déjà tendus, ou les tours d'un même cordage, et à les étrangler en un point, afin qu'ils souquent davantage. Il s'exécute soit avec un cordage particulier, soit avec le bout même du cordage bridé.

Brin. Un cordage est de premier brin quand il ne contient que les filamens les plus longs et les plus propres qui restent dans les mains du peigneur. Tous les cordages de l'artillerie sont du premier brin.

Civière. Moyen cordage qui sert comme une suspente et qu'on nomme herse; c'est une sorte d'élingue. (Voyez ce mot.)

Coiffe d'écouvillon. Sac de toile pour envelopper et préserver la tête de l'écouvillon; il se fait avec un morceau de toile plié en deux, cousu sur le côté et adapté ensuite à un fond circulaire; on le termine par une coulisse au bord, pour y faire passer un lusin goudronné qui sert à serrer la coulisse sur la hampe; la coiffe est ensuite peinte sur la face extérieure.

Croupière. Bout de cordage fixé au corps de l'essieu de l'arrière et formant une boucle pour accrocher le palan de retraite; il y a souvent un piton dans cette partie qui rend la croupière inutile.

Elingue. Cordage dont on entoure un fardeau pour le soulever. Les deux bouts en sont réunis par une épissure. On s'en sert pour embarquer et débarquer les canons. Longueur pour les calibres de 36, de 12 et intermédiaires, de 7 mètres 17 à 6 mètres ½; grosseur, de 20 à 16 centimètres.

Epissure. Réunions de deux bouts de cordages entés, en quelque sorte, par l'entrelacement réciproque de leurs torons; l'excédant des torons est coupé au ras du cordage, et la jonction a lieu solidement sans nœuds ni bourrelets.

Estrope. Cordage fourré, dont on entoure une poulie en le faisant passer dans les rainures pratiquées sur sa caisse; les deux bouts de cordage sont joints par une épissure. On y ajoute souvent une cosse pour pouvoir accrocher la poulie; on applique alors cette cosse dans un pli de l'estrope sur la tête de la poulie, et l'on approche les deux branches de l'estrope par un amarrage à plat, entre la poulie et la cosse, qui empêche l'estrope de se dégager de ses goujures.

Estrope de culasse. Cordage employé dans l'amarrage à la serre. Les deux bouts en sont réunis par une épissure. On y fixe une cosse en fer, de sorte que l'estrope est divisée en deux parties inégales. De semblables estropes, mais plus longues, sont employées pour l'embarquement et le débarquement de l'artillerie, savoir: deux pour la culasse, et un pour la volée; celle-ci est plus courte que les autres.

Faubert. Faisceau de fil de carret lié par une de ses extrémités, et emmanché d'un petit bâton; les fils en se détordant par le bout forment une étoupe qui fait éponge.

Fourrer un cordage. C'est recouvrir un cordage en bitord; on l'étend horizontalement à la hauteur de ceinture, on prend une pelote de bitord dont le bout se fixe sur le cordage, on applique sur celui-ci le maillet à fourrer, on les saisit par deux ou trois tours de bitord tant sur le maillet que sur le manche; en faisant tourner le maillet, le bitord se range en tours serrés et en spirale sur le cordage, qui est ainsi à l'abri du frottement des corps étrangers. On fourre aussi en basane, en toile goudronnée. Les anneaux de brague des caronades et la partie des bragues qui y portent, sont fourrés.

Garant. Cordage d'un palan. L'une de ses extrémités se frappe sur le cul de la poulie simple; l'autre passe sur un des rouets de la double, de dessous en dessus; on le ramène sur le rouet de la simple, de dessus en dessous, et de là sur le second rouet de la double, de dessous en dessus. C'est sur cette extrémité, appelée courant, que l'on agit. Dans les palans de côté, le courant doit se trouver dessus. Pour les canons de 36, de 12 et intermédiaires, la longueur des garans des palans de retraite et de côté (qui sont les mêmes) varie de 31 mètres à 24, et leur grosseur de 9 à 7 centimètres.

Garcette. Tresse plate en bitord. La poignée du coussin est une tresse semblable.

Garnir une brague. C'est entourer la partie exposée au frottement d'une toile goudronnée, maintenue par des tours serrés d'un cordage fin. On peut se servir encore d'un morceau de basane cousu, suivant la longueur de la brague.

Hampe de corde. Bout de filin de retour, fourré, de même longueur que la hampe de bois; il a 8 centimètres pour les calibres de 36, 30 et 24; et 7½ pour les calibres au-dessous.

Itague. Cordage tenant à un palan, et ordinairement en double pour en augmenter l'effet. On s'en sert quand on change un canon d'affût, ou qu'on l'amène sur le pont. Un bout est garni d'une cosse, l'autre est en queue de rat. Pour les canons des calibres de 36, 30, 24 et 18, la longueur de l'itague varie de 6 mètres ¼ à 5 mètres ⅔, et la grosseur de 12 à 10 centimètres.

On se sert aussi d'un itague pour fermer les mantelets des sabords; il porte à son milieu, et en dedans du bord, une cosse où passe le croc de la poulie double du palanquin; les deux bouts de l'itague traversent la muraille et vont s'amarrer sur le mantelet.

Ligne d'amarrage. Menu cordage goudronné, servant à faire certains amarrages, comme ceux des bouts de brague, ceux qui servent à rapprocher les côtés des élingues ou des estropes, etc.

Lusin. Petit cordage composé de deux fils de carret; il y a du lusin blanc et du lusin goudronné. Il est employé à serrer les coiffes d'écouvillon, et pour la confection des grappes de raisin.

Machine à démonter les canons. Elle se compose de deux estropes (garnies chacune de deux poulies simples), de deux civières (garnies de deux poulies simples), de quatre itagues, et de quatre palans (ceux de la pièce et de la voisine). On a proposé d'autres machines, mais les parties de celle-ci sont les plus faciles à se procurer.

Mèche. Corde lessivée servant, au besoin, à mettre le feu à une pièce. La mèche est fabriquée avec des étoupes de lin; elle doit être ferme, sans trop de dureté, bien pénétrée de lessive salpêtrée, mais sèche, sans moisissure, et sans être cornue à sa surface.

Merlin. Petit cordage de trois fils de carret commis ensemble au moyen de la roue du siége de commettage. Celui qui s'emploie pour l'artillerie est composé de fils goudronnés; une pièce de 60 brasses pèse environ 1 livre ½.

Nœuds. Les nœuds diffèrent suivant leur destination; c'est pour le marin une étude longue et importante, qui ne peut se graver dans l'esprit que par la pratique. On doit se borner à dire ici, en général, que les nœuds et amarrages sont disposés de manière que les frottemens des tours les uns contre les autres rendent l'enlacement solide, tout en permettant, au besoin, de pouvoir défaire le nœud.

Palans de côté et de retraite. Ils sont composés d'une poulie simple, d'une poulie double et d'un garant (voyez ce mot). Les poulies sont estropées et garnies chacune d'un croc. Il y en a pour d'autres objets, pour embarquer et débarquer les pièces, pour descendre les barils à poudre dans les soutes, etc.; mais ils sont établis de la même manière, à peu près.

Palanquin. Petit palan croché dans la boucle de l'itague de mantelet par sa partie double; la poulie simple a une cosse fixée à un piton sur le pont supérieur, et vis-à-vis le milieu du sabord.

Quarantainier. Cordage composé de trois torons commis ensemble; il y en a de 6 à 9 fils, et de 12 à 15 fils; celui qu'on emploie pour l'artillerie est goudronné.

Queue de rat. Espèce de pointe que l'on fait à l'extrémité des cordages pour faciliter leur introduction dans une poulie. On l'exécute en liant le cordage au point où l'on veut commencer la queue de rat; on défait les torons jusqu'à la ligature; et renversant les fils extérieurs sur le cordage, on en amincit les intérieurs à l'aide d'un couteau, de manière que leur volume aille toujours en diminuant; on reprend alors les fils extérieurs, et on les rabat alternativement par pairs et par impairs, ayant soin, à chaque fois, de les lier fortement. Une ligature termine cette espèce de tissu.

Raban de sabord. Bout de quarantainier de 4 à 5 mètres de longueur, et de 5 à 7 centimètres de grosseur, employé pour fermer solidement les mantelets. Il y en a deux par sabord.

Raban de retenue des caronades. Aiguillette de 20 à 24 mètres de longueur, et de 5 à 7 centimètres de grosseur, employée pour fortifier l'amarrage des caronades par un mauvais temps.

Raban de volée. Cordage de 11 à 15 mètres de longueur, et de 6 à 8 centimètres de grosseur, employé dans l'amarrage du canon à la serre, pour assujettir la volée contre la partie supérieure du sabord; ce cordage porte une ganse à l'une de ses extrémités. On en donne un par sabord de batterie basse.

Surliure. Amarrage fait sur les bouts d'un cordage pour empêcher les torons de se séparer; la surliure s'exécute avec du fil à voile, ou de la petite ligne qui sert à faire plusieurs tours bien serrés, et dont on engage les bouts sous les tours.

Valet. Bouchon de corde servant à maintenir la charge dans l'âme de la pièce, et à donner, par quelque résistance, le temps à la poudre de s'enflammer en plus grande partie. L'influence du valet sur la charge, sur la portée du projectile, sur la pièce même, a été envisagée sous plusieurs faces, et diverses propositions ont été faites pour sa configuration, ou pour en altérer la composition. On doit ici se borner à dire comment se confectionnent ceux qui sont adoptés à bord de nos bâtimens.

Le valet est cylindrique, son diamètre doit passer avec frottement dans l'âme de la pièce, et sa hauteur a quelques lignes de plus que son diamètre. Il se fait avec du vieux fil de carret dont on forme un faisceau que l'on serre par le milieu avec du fil de carret neuf.

Dans les ateliers on se sert pour faire les valets, d'un banc garni d'une paille à bitte à un bout, et d'un morceau de filin à œillet de l'autre; on a une petite planche appelée moule, qui a pour longueur la hauteur du valet, mais un peu plus étroite à son extrémité. On charge le moule pour le placer sur le bout de filin à œillet, et en le retirant on fait faire au filin un tour complet autour des fils de carret, puis on amarre ce filin sur la paille à bitte; enfin on roule le valet et on le souque au moyen d'une gournable qu'on introduit dans l'œillet du filin, et sur laquelle on trévire. Il ne reste plus qu'à amarrer le valet par le milieu.

Si on veut faire un valet ovoïde, ou en forme d'œuf, on enfonce une poignée de vieux fils de carret dans le trou de fusée d'une roue d'affût de calibre inférieur; on forme ainsi un noyau solide qu'on serre par le milieu; on le recouvre dans le sens de la longueur de plusieurs tours de fil de carret neuf, et l'on incline ensuite ces tours. On le serre enfin comme le valet cylindrique.

Dans les deux cas on fait une poignée ou deux au valet, en y introduisant pendant sa confection une ou deux petites bagues en fil de carret, qu'on a toujours soin de laisser déborder.


CHAPITRE VI.

Différentes manières d'amarrer les canons à bord.

Les amarrages employés pour contenir les bouches à feu à bord, dépendent de la place qu'elles occupent et des craintes que peut donner le mauvais temps.

Amarrage à garans simples. Cet amarrage est usité dans les beaux temps.

La pièce étant en batterie, maintenue par un tour de chaque garant passé autour du collet du bouton, le troisième servant de droite remet le couvre-lumière au chef de pièce qui l'amarre sur la culasse, et qui ensuite décapelle les palans, et les fait tenir par les derniers servans; il fixe, entre les flasques et les garans le mou de la brague qui est soutenue par les deuxièmes servans; il les arrête par un tour mort au collet du bouton, en passant le double de chaque garant entre ce garant et la plate-bande de culasse de dessus en dessous. Le reste des garans se love et s'amarre le long des flasques; le dernier servant de gauche décroche le palan de retraite, le love et le place sur le canon.

Amarrage à garans doublés. Cet amarrage est usité pour les batteries hautes dans les mauvais temps.

La poulie double des palans de côté s'accroche à la boucle de la brague, et la simple au piton contre l'affût; on fait avec un garant deux tours du bouton de culasse aux crocs, et trois tours de bridure sur la culasse, d'abord du côté où est le garant, puis de l'autre côté du canon; on passe ensuite son bout dans une boucle placée sur le pont, et il vient faire croupière en passant par-dessous la culasse, en dedans de la partie du garant qui s'y trouve; il est arrêté par une bridure sur la croupière.

L'autre palan s'amarre à l'ordinaire en faisant passer le garant par-dessus celui qui est doublé, afin de l'avoir toujours à sa disposition, si les circonstances exigeaient un amarrage plus solide. Les bragues sont repliées le long des flasques, et le palan de retraite est placé sur le canon.

Amarrage à la serre. Cet amarrage est usité pour les batteries basses dans les mauvais temps.

La culasse se pose sur la sole de l'affût; le tiers de la bouche environ est appuyé contre la serre au-dessus du sabord, les poulies doubles des palans de côté s'accrochent aux boucles de bragues contre le bord, la poulie simple aux pitons sur l'adent des flasques.

On passe le garant sur le collet du bouton, et de là au croc près du sabord de dedans en dehors; on fait ainsi deux ou trois tours au ras de la plate-bande de culasse, et un tour à la hauteur du troisième adent de l'affût, pour venir ensuite faire une bridure sur le derrière de la poulie simple, où l'on emploie le reste du garant. Cette opération se fait des deux côtés du canon.

Les deux côtés de la brague passent par-dessous les fusées de l'essieu de l'avant; une aiguillette les embrasse par trois tours; elle repasse ensuite par-dessus les palans, qu'elle serre avec la brague par trois autres tours qu'elle réunit en passant ses bouts entre les palans et les bragues, puis elle embrasse et serre fortement tous les tours par le milieu au moyen d'une bridure, et on l'arrête.

La volée est soutenue par le raban de volée, qui fait plusieurs tours dessous et dans la boucle de raban placée au-dessus du sabord. La poulie double du palan de retraite est accrochée à la boucle du raban de sabord, et la simple à une estrope qu'on met autour du collet du bouton de culasse. On raidit bien le palan, et l'on fait avec le reste deux bridures, dont une sur la plate-bande de culasse, et l'autre sur la volée.

Lorsque les roulis sont considérables, on joint à ces précautions celle de clouer sur le pont, sous les roues de l'arrière de l'affût, un cabrion, qui est un morceau de bois taillé en biseau. On pourrait même en clouer un autre sous les roues de l'avant.

Amarrage le long du bord, dit en vache. Cet amarrage est usité soit pour avoir plus de place à bord, soit pour adoucir les roulis du navire.

On place le canon contre le bord, dans le sens de la longueur du navire; on accroche les poulies simples des palans à des estropes qui embrassent les fusées extérieures des essieux de derrière, et les poulies doubles aux boucles de brague, de manière que les palans se croisent; on passe plusieurs tours de garant dans les crocs, ainsi que sous les fusées des essieux, et l'on finit l'amarrage par une bridure au ras de la fusée.

Amarrage au grelin. Cet amarrage est usité lorsque le canon étant à la serre, on craint que les amarrages précédens, ou les boucles et les crocs, ne puissent pas résister aux secousses du navire.

On passe un grelin tout autour de la batterie; on le raidit aux extrémités du vaisseau, en le faisant passer sur tous les boutons de culasse des canons; entre chaque couple de pièces, il y a des boucles placées contre le bord, dans chacune desquelles on passe le palanquin du mantelet, ou une aiguillette que l'on fixe sur le grelin, et on les raidit à la fois.

Amarrage par la fausse brague. Cet amarrage est usité quand le bâtiment est vieux, ou lorsque l'on craint que la muraille n'éprouve trop de fatigue, par les secousses que pourraient donner les batteries à la serre, lorsque les cordages ont pris du jeu.

On prépare un cordage ayant à-peu-près la grosseur de la brague, et pour cet usage nommé fausse brague; les deux bouts en sont repliés et épissés afin de pouvoir former des œillets susceptibles de recevoir la fusée de l'essieu; il doit être assez long pour que, ses œillets embrassant la fusée de l'essieu de devant, il puisse être aiguilleté sur la boucle de derrière, en passant par-dessus les derniers adents de l'affût.

On dispose la pièce comme pour l'amarrage à la serre; on recule l'affût de manière que la bouche de la pièce se trouve à 4 ou 5 pouces du bord; on place sur le pont, vers le derrière de l'affût, des boucles de fer goupillées solidement par-dessus; on passe les œillets de la fausse brague aux fusées de l'essieu de l'avant, et on l'aiguillette sur la boucle dont on vient de parler, en la faisant venir par-dessus les derniers adents de l'affût. L'amarrage se fait d'ailleurs comme dans l'autre manière de mettre à la serre.

Amarrage aux chevrons de retraite. Cet amarrage a le même but que le précédent, et il fatigue moins le navire que la fausse brague.

Les chevrons de retraite sont deux pièces de bois de chêne assez longues pour tenir la tranche du canon à quatre ou cinq pouces de bord; elles sont entaillées de manière à recevoir d'un bout la tête de chaque flasque, l'autre bout s'appuie sur le bord; on place des cabrions devant et derrière, et l'on continue l'amarrage comme dans la méthode ordinaire.

Amarrage par la queue des flasques. Cet amarrage est préférable à l'amarrage à la serre, indiqué précédemment, lorsque les canons ont un anneau de brague sur la culasse.

Le canon étant rentré, on fait tomber la culasse sur la sole; on appuie le tiers de la tranche contre la partie supérieure du sabord; on dispose le raban de volée, l'aiguillette et le palan de retraite comme à l'ordinaire; on passe également les deux côtés de la brague sous les fusées des essieux de l'avant, on accroche le croc de chaque poulie double à la boucle de brague, et le croc de la poulie simple au piton. On raidit chaque palan de côté, on passe ensuite un tour de garant sur la queue des flasques, et deux au croc. Quand le troisième tour est achevé sur la queue des flasques, on passe le bout du garant entre le tour du même garant, et le dessus de la queue des flasques de dessous en dessus; ensuite on fait trois tours de bridure, entre la cheville à piton et le dernier adent, puis trois autres tours en allongeant de manière à ramener le dernier à la queue de la poulie simple, où l'on emploie le reste du garant. Il faut éviter que les tours de garant passés à la queue des flasques, ne frottent contre les roues.

Observation générale. Si un canon de gros calibre se démarre et obéit au roulis, il ne faut pas briser les roues; on jette sur son passage quelque sacs à valets. Quatre hommes saisissent un levier chacun, et ils engagent le sifflet sous les roues, ce qui donne le temps de saisir le canon avec des cordages pour le ramener à bord.

Amarrage des caronades. On maintient les caronades à brague fixe, en raidissant leurs bragues et en contenant leurs affûts par des aiguillettes passées dans les pitons de derrière du châssis, et dans les boucles fixées sur le pont.


CHAPITRE VII.

Pointage au tir.

La ligne qui joindrait le point le plus élevé de la plate-bande de culasse avec le point le plus élevé du bourrelet, et qu'on peut imaginer prolongée indéfiniment au-delà de la volée, est ce qu'on appelle la ligne de mire.

C'est celle par laquelle le canonnier vise pour pointer, c'est-à-dire pour donner à la pièce la direction qu'il juge convenable pour atteindre le but.

La ligne passant par le milieu de l'âme, c'est-à-dire son axe, qui est en même temps l'axe de la pièce, et qu'on peut imaginer prolongée indéfiniment au-delà de la bouche, est ce qu'on appelle la ligne de tir.

C'est celle que suit sensiblement le boulet à son départ, et qu'il suivrait indéfiniment s'il pouvait se mouvoir en ligne droite.

Comme le canon a plus de grosseur ou de diamètre à la culasse qu'à la volée, il est clair que la ligne de mire et la ligne de tir sont plus rapprochées à la volée qu'à la culasse, et que leurs prolongemens doivent se rencontrer à une certaine distance de la bouche; de sorte que la ligne de mire, qui était d'abord au-dessus de la ligne de tir, est ensuite en dessous, et que l'écartement de l'une à l'autre devient d'autant plus grand qu'on les imagine prolongées davantage.

Ce qui précède doit faire concevoir comment il arrive que le boulet, qui était d'abord au-dessus de la ligne de mire, est bientôt au-dessous. C'est pour exprimer cette circonstance du tir, que le canonnier dit: qu'en partant, le coup relève. On voit donc que si le boulet allait en ligne droite, il faudrait diriger la ligne de mire au-dessous du but, toutes les fois que celui-ci se trouverait plus éloigné que la distance assez petite (de 15 à 25 pieds dans les canons) où la ligne de mire et la ligne de tir se rencontrent.

Chacun a pu remarquer qu'une pierre lancée dans l'espace ne se mouvait pas en ligne droite, mais qu'elle décrivait une courbe très-sensible à l'œil. Toutefois on a dû observer que la courbure de la ligne suivie par la pierre était d'autant moins grande que la pierre avait été lancée avec plus de force ou de vitesse. Cette courbure est due à l'action de la pesanteur, qui tend à rapprocher tous les corps du centre de la terre, et qui les en rapproche effectivement quand ils ne sont pas supportés ou suspendus. Cette action de la pesanteur qui fait décrire une courbe à une pierre lancée à la main ou avec une fronde, fait aussi que le boulet lancé par le canon décrit une ligne dont la courbure, quoique moins sensible à l'œil, n'en est pas moins réelle, et le boulet s'écarte d'autant plus de la ligne de tir en dessous, qu'il s'éloigne davantage du canon.

Cette courbe décrite par le boulet se nomme trajectoire.

Puisque le boulet, après s'être élevé par-dessus la ligne de mire, se baisse ensuite en dessous la ligne de tir par l'action de la pesanteur qui le rapproche de la surface de la terre, il y aura un moment où il viendra couper une seconde fois la ligne de mire; de sorte que, pour atteindre un but placé à la distance, soit du premier, soit du second point où le boulet coupe la ligne de mire, il faut viser sur lui comme si le boulet se mouvait en ligne droite, et qu'il dût suivre la ligne de mire. Ces deux points portent l'un et l'autre le nom de but-en-blanc. Mais comme le premier est peu utile pour le tir du canon, on ne s'occupe guère que du second, qu'on appelle but-en-blanc naturel quand la ligne est horizontale, ou simplement, dans les autres cas, but-en-blanc; et l'on appelle pointer de but-en-blanc, l'action de viser directement par la ligne de mire sur un point éloigné.

Nous avons dit que la ligne de tir et la ligne de mire se coupaient à une certaine distance de la bouche du canon. L'ouverture de ces lignes, ou l'inclinaison de l'une à l'égard de l'autre, est ce qu'on appelle l'angle de mire. On voit que la grandeur de cet angle dépend de la différence de grosseur et de diamètre de la culasse et de la volée du canon, ainsi que de sa longueur.

Comme le boulet a dû s'élever d'autant plus au-dessus de la ligne de mire que l'angle de mire est plus grand, et que la trajectoire a d'autant moins de courbure que la poudre imprime plus de vitesse au boulet, il est évident que la vitesse du but-en-blanc dépend 1º de l'angle de mire; 2º de la force de la poudre, tant sous le rapport de sa quantité que de sa qualité, ou plutôt de la vitesse qu'elle peut communiquer au boulet.

On appelle portée d'une pièce, la distance à laquelle elle peut chasser son projectile. Cette distance varie pour une même bouche à feu, suivant la charge de poudre employée, suivant la forme, la grosseur et le poids de son projectile, et surtout suivant l'inclinaison de l'axe de la pièce ou de la ligne de tir, par rapport au niveau ou à l'horizon. Cette inclinaison de l'axe avec l'horizon est ce qu'on appelle l'angle de projection.

On concevra facilement que plus cet angle sera grand, toutes choses étant égales d'ailleurs, plus la portée sera étendue, et réciproquement. Toutefois ce n'est vrai que dans de certaines limites; car si l'angle de projection était plus grand qu'un demi-angle droit, le contraire aurait lieu; la portée recommence même à diminuer passé 42°⅓ pour les canons, et 28° pour les fusils. (Pour les positions de ces diverses lignes et de ces angles, voyez la figure V.)

Ce qui précède fait concevoir que si le point que l'on veut frapper est à la distance du but-en-blanc, il faut diriger sur ce point la ligne de mire, comme si le boulet devait suivre cette même ligne de mire; que si le point que l'on veut battre est plus éloigné que le but-en-blanc, il faut diriger la ligne de mire par-dessus, ce qui vient à augmenter l'angle de projection. Il faut diriger la ligne de mire par dessous, dans le cas contraire, à moins pourtant que ce point ne soit très-rapproché du premier but-en-blanc, auquel cas il faudrait encore pointer en dessus. La distance de ce premier but-en-blanc varie, ainsi qu'on l'a déjà dit, de 15 à 25 pieds.

L'angle de mire est d'environ 1°½ pour les canons, et 3°½ pour les caronades.

La distance du but-en-blanc, avec la charge ordinaire du combat (d'après les expériences les plus récentes), est environ de 4 encâblures pour les canons de 18 et au-dessus; de 4½ encâblures pour les caronades de 24 et au-dessus: les uns et les autres étant chargés avec des boulets ronds. Les mêmes distances sont plus petites d'un tiers à peu près si les pièces sont chargées avec des boulets ramés, et de moitié si elles sont chargées avec des mitrailles.

La difficulté du tir consiste à déterminer de combien la ligne de mire doit être plus élevée que le point qu'on veut battre, quand celui-ci est plus éloigné que le but-en-blanc, ou de combien elle doit être plus basse dans le cas contraire. Pour cela, des instrumens ont été imaginés, proposés ou exécutés; des tables ont été dressées pour faire connaître les angles sous lesquels il fallait pointer, suivant les distances; mais ces moyens, plus ou moins ingénieux, ont été généralement peu utiles à cause des difficultés qu'il y a à les employer à la mer.

On a donc cherché un autre moyen qui pût frapper les yeux, en présentant les hauteurs respectives des coques et des mâtures des divers navires, et en plaçant à côté une échelle que nous nommerons de pointage, qui indique d'une manière suffisamment exacte, suivant les distances, les hauteurs où il faut pointer pour atteindre les bâtimens aux points voulus. Par ce moyen, il suffira qu'on fasse connaître, dans les batteries, la distance où se trouve l'ennemi, et s'il faut tirer soit à couler bas, soit aux gaillards, ou à démâter.

L'officier commandant la batterie indiquera alors aux chefs de pièces à quelle hauteur ils doivent viser, et pour donner cette indication il pourra se servir, dans le premier cas, de la planche nº 1;

Dans le second cas, de la planche nº 2;

Et dans le troisième cas, de la planche nº 3.

Dans chaque planche la flèche ou le zéro indique la hauteur où il faut atteindre le bâtiment, et celle où il sera frappé si, étant à la distance du but-en-blanc on vise à cette hauteur. Le chiffre placé sur l'échelle, à la hauteur du zéro, indique cette distance en encâblures, pour chaque calibre et dans chaque espèce de pièces en usage dans la marine.

Les autres chiffres portés sur les échelles, soit plus haut, soit plus bas que la flèche, sont placés à la hauteur du point de la mâture ou de la coque où il faut viser, quand on est placé à la distance qu'ils expriment pour frapper le bâtiment à la hauteur de zéro.

Ainsi, pour pointer à couler bas par la ligne de mire naturelle, à 5 encâblures par exemple, il faut viser un peu au-dessus des bastingages des vaisseaux à trois ponts, ou à la hauteur des filets de casse-tête de ceux à deux ponts, ou au quart à peu près de la distance qui sépare les bastingages et la grande hune des frégates. (Planche nº 1.)

Pour pointer aux gaillards, à la distance de 4½ encâblures, il faut viser à la hune des grands mâts des vaisseaux; à la moitié du ton des frégates, et d'une quantité égale à la moitié du ton, au-dessus du chouquet du grand mât des corvettes. (Planche nº 2.)

Enfin, pour pointer aux trelingages, c'est-à-dire à démâter, à la distance de 6 encâblures par exemple, il faut viser au-dessus du chouquet du grand mât de hune des vaisseaux; au capelage du grand mât de perroquet des frégates, et à la pomme des corvettes (Planche nº 3), et ainsi de suite.

Les exemples précédens ne s'appliquent qu'au cas où l'on tire avec des boulets ronds; mais de semblables échelles ont été dressées pour les boulets ramés et pour les grappes de raisin ou mitrailles. Toutefois ces dernières échelles n'indiquent pas les distances au-delà de deux encâblures pour les mitrailles, parce que, passé ces distances, le tir de ces projectiles est trop incertain pour qu'on doive en faire usage.

Le tir à double charge de projectiles ne devant avoir lieu qu'à moins d'une encâblure pour les boulets ronds, et d'une demi-encâblure pour les mitrailles, on pourra, pour ainsi dire, pointer toujours alors de but-en-blanc, attendu que les gargousses, ayant dû être saignées, n'ont pu communiquer qu'une petite vitesse aux deux projectiles, en sorte qu'ils doivent bientôt s'abaisser et se rapprocher de la ligne de mire.

Si le vaisseau était toujours parfaitement tranquille, et le pont parfaitement de niveau, on aurait marqué sur la plate-bande de culasse et sur le bourrelet, les deux points qui déterminent, dans tous les cas, la ligne de mire; mais il n'en est point ainsi. Le tangage est cause que les points les plus élevés de la culasse et de la volée changent à tous momens, ce qui rend le pointage beaucoup plus difficile. C'est donc à l'intelligence du pointeur à remédier à cet inconvénient, en suivant le mouvement de la pièce; et il y parvient en plaçant toujours son œil dans la direction de la ligne de mire, variable en ce qu'elle doit toujours passer par les points les plus élevés de la plate-bande de culasse et du bourrelet.

Le roulis fait aussi changer à chaque instant l'angle que l'axe de la pièce fait avec l'horizon; d'où il suit qu'on ne peut réellement pointer les pièces sur les points indiqués par les planches 1, 2 et 3, au moment où l'on doit faire feu. Mais on remédie à cet inconvénient en donnant d'avance aux pièces, comme on l'a indiqué dans l'exercice, une hauteur convenable pour qu'au roulis le point sur lequel la ligne de mire doit être dirigée puisse se présenter dans le prolongement de cette ligne; et il faut que le canonnier sache saisir ce moment pour faire partir le coup, ce qui demande beaucoup d'intelligence et d'habileté.

Enfin, lorsque la marche du navire est très-grande, la vitesse acquise par le boulet comme par tous les corps qui sont à bord, vient encore modifier la direction du projectile au sortir de la pièce, en sorte que celui-ci doit arriver un peu avant du point qu'on voulait frapper. Mais cet effet est assez peu sensible, et il est rare qu'il y ait lieu de le prendre en considération, d'autant que la marche du vaisseau ennemi en corrige l'inconvénient si, comme il arrive ordinairement, il suit la même route, et s'il a un sillage à-peu-près égal.

Comme il est impossible que les canonniers puissent lever toutes les difficultés que les mouvemens du vaisseau apportent au pointage, il est à propos de faire remarquer que les boulets qui arrivent plus haut qu'on ne voulait, peuvent ne pas être perdus et atteindre les mâts les plus élevés ainsi que leur gréement, et que ceux qui sont pointés trop bas peuvent ricocher et frapper la coque de l'ennemi.

Il semble donc qu'il convient de faire feu pendant que le vaisseau se relève, si l'on tire en plein bois, à démâter, à boulet ramé ou à mitraille; et pendant qu'il s'abaisse, si la mer n'est pas trop grosse, et que l'on tire à couler bas.

On a supposé jusqu'ici que le boulet devait atteindre le but de plein-fouet, c'est-à-dire sans sauts ou ricochets; mais comme le tir à ricochets, quand la mer est belle, présente lui-même des chances beaucoup plus nombreuses pour frapper un bâtiment ennemi, il est utile d'entrer dans quelques explications.

On appelle ricochets, les sauts et les bonds que fait un boulet pendant sa course lorsqu'à terre il vient à rencontrer le sol, et à la mer la surface des eaux; il n'est pas de marin qui n'ait été à même de remarquer cet effet.

Sur mer, pour qu'un boulet puisse ricocher (et il ne s'agit ici que des boulets ronds), il faut que l'angle de projection soit au-dessous de sept degrés, et que d'ailleurs la mer soit belle; dans le cas pourtant où il y a quelque agitation, la forme des lames, qui sont toujours plus couchées du côté du vent que du côté de dessous le vent, rend les ricochets plus faciles ou plus fréquens lorsqu'on tire contre un bâtiment sous le vent, que contre un bâtiment au vent.

Observons actuellement les effets du ricochet dans un boulet de moyen calibre, lancé horizontalement sur une belle mer, et partant d'un canon de première batterie de vaisseau: ce boulet parcourt environ 150 toises du premier jet; il se relève de 6 pieds environ par son premier ricochet, il parcourt ensuite 225 toises sous une élévation qui atteint encore environ 6 pieds; le troisième ricochet est de 150 toises et de 10 pieds d'élévation; la portée s'achève enfin par plusieurs bonds inégaux et incertains. On comprend facilement que l'angle de chute d'un projectile étant toujours plus grand que celui de projection, et que chaque angle de réflexion étant à-peu-près égal à celui de chute, les derniers ricochets doivent être plus élevés que les premiers.

On voit donc que si le tir de plein-fouet présente des difficultés qui croissent en raison de la distance, laquelle est elle-même fort difficile à estimer[9], il n'en est pas de même du tir à ricochets, puisque sous les conditions énoncées, et même celle d'une charge de poudre diminuée d'un tiers, on peut espérer d'atteindre souvent le but, sans autre exactitude que celle d'un bon pointage latéral.

Il reste à faire observer que les ricochets n'altèrent sensiblement ni la portée ni la force des projectiles, et à ajouter que plus l'angle de projection est petit, plus le ricochet est rasant: il est convenable, s'il y a du roulis, de tirer alors de préférence quand le bâtiment s'abaisse du côté où l'on tire.

L'efficacité du tir à ricochets peut se démontrer par plusieurs expériences; on ne citera que celle-ci: sur 180 boulets de 12, lancés à terre de plein-fouet, aucun n'a souvent atteint le but de 200 pieds de longueur, sur 6 de hauteur, et placé à 900 toises de distance; tandis que sous le même nombre de boulets lancés sous le pointage de la ligne de mire horizontale, ceux qui frappent ce but sont moyennement de 36.

Quant aux moyens de pointage par lesquels on peut obtenir le tir à ricochets, on peut donner, comme pouvant servir d'indication, celui de faire partir la pièce lorsque la ligne de mire est en direction de la flottaison d'un bâtiment éloigné de 1½ à 2 encâblures. Des guidons de mire, ou fronteaux de volée, qui ont été proposés pour égaliser le rayon de la volée avec celui de la culasse, seraient, dans le cas dont il s'agit, très-avantageux, si l'on parvenait à les fixer solidement; il suffirait alors de pointer par la ligne de mire sur un point placé à une hauteur du bord ennemi correspondant à celle d'où l'on tire[10].

Il ne reste plus qu'à ajouter quelques règles particulières: les canonniers devront toujours charger, pointer et tirer avec calme et sans précipitation; jamais une pièce ne devra faire feu sans qu'elle ait été dirigée sur un point bien reconnu, ou au moins sans qu'on soit fixé sur la véritable position de l'ennemi, soit qu'on l'aperçoive réellement, soit qu'on distingue où il est par la lueur de son feu, par l'épaisseur ou la direction de la fumée qui sort de son bord, etc.

La distance de l'ennemi doit être annoncée par les officiers; dans le cas contraire, le chef de pièce devra l'apprécier le mieux qu'il lui sera possible, pour pointer le plus juste qu'il pourra; il convient à cet effet qu'il s'exerce d'avance à bien juger des distances.

Si l'on doit dépasser l'objet sur lequel on veut tirer, ou qu'on doive être dépassé par lui, il est convenable de pointer, dès que la chose est possible, pour être dans le cas de faire feu de nouveau avant que l'ennemi soit hors de direction; mais si l'on prévoit ne pas avoir le temps de tirer une seconde fois, le chef de pièce doit pointer à-peu-près en belle, et attendre dans cette position l'instant où le vaisseau ennemi se présentera.

Quand il y a des mouvemens fréquens d'aulofée et d'arrivée, on doit pointer dans une direction moyenne à ces mouvemens, et saisir le moment favorable pour faire feu.

Un tir oblique est susceptible de causer un surcroît de fatigue aux boucles et aux crocs; cependant il n'altère pas la justesse du coup, et on ne doit pas hésiter à s'en servir dans l'occasion.

Si par l'effet de la marche du navire, ou d'une évolution, on peut prévoir que le vaisseau ennemi cessera bientôt d'être dans une direction convenable, il faut accélérer un peu le feu pour ne pas perdre une occasion de lui nuire.

Remarques.
Du but-en-blanc.

On considère deux espèces de lignes dans le tir des armes à feu: la ligne de mire, qui est le rayon visuel dirigé le long de la surface supérieure du canon vers l'objet qu'on veut atteindre; la ligne de tir, qui est la courbe que décrit le projectile lorsqu'il est lancé hors du tube par l'explosion de la poudre. Cette courbe serait une parabole, si l'élasticité et la ténacité de l'air n'opposaient de la résistance au mobile.

Par la construction des armes en général, la ligne de tir et celle de mire forment entre elles, au-delà de la bouche, un angle plus ou moins ouvert, suivant l'épaisseur à la culasse et celle à l'extrémité opposée. Le projectile, à sa sortie du cylindre, coupe d'abord, et à peu de distance de la bouche, la ligne de mire, passe au-dessus d'elle, et, forcé par l'action de sa pesanteur, il se rapproche de cette ligne, la coupe une seconde fois, et achève de décrire sa courbe jusqu'à sa chute. Ce second point d'intersection est ce qu'on appelle le but-en-blanc; il est plus ou moins éloigné de l'extrémité de l'arme, selon le nombre de degrés de l'angle sur lequel on tire.

Ainsi, 1º pour frapper un but qui serait entre le bout du canon et la première intersection, il faudrait pointer au-dessus; 2º si le but était entre les deux intersections, il faudrait pointer au-dessous; 3º si le but était à une des intersections, il faudrait y viser directement pour l'atteindre; 4º enfin s'il était au-delà de la seconde intersection, il faudrait pointer au-dessus[11].

Les projectiles de différentes espèces n'ont pas une même portée, quoique tirés avec la même pièce et dans les circonstances semblables; la mitraille va moins loin, toutes choses d'ailleurs égales, que le boulet. Quant au boulet ramé, les expériences prouvent que sa portée est à-peu-près un terme moyen entre celles du boulet et de la mitraille. En conséquence, chacune de ces trois espèces de projectiles a un but-en-blanc très-distinct, dont la distance varie encore beaucoup, si l'on tire avec plusieurs projectiles à la fois. On ne peut donc indiquer un seul but-en-blanc aux canonniers pour chaque arme.

Table donnée dans les règles de pointage du capitaine Montgéry.

DÉSIGNATION DES BOUCHES A FEU. ANGLE DE MIRE, conformément au dernier réglement. BUT-EN-BLANC
du Boulet. du Boulet ramé. de la grosse mitraille.
            Encâblures. Encâblures. Encâblures.
Canons de36  32'16" 3  2¼ 1½
24  12848 3  2¼ 1½
18  12940 3  2¼ 1½
12  12451 2¾ 2  1½
8long. 11014 2½ 1¾ 1¼
8court. 12221 2¾ 2  1½
6long. 11637 2½ 1¾ 1¼
6court. 12711 2¾ 2  1¼
4long. 11114 2¼ 1½ 1 
4court. 11935 2½ 1¾ 1¼
Caronade de36  34324 4¼ 3  2¼
24  31840 3¾ 2¾ 2 
Table donnée par le réglement de 1834.
            BOULETS RONDS. BOULETS RAMÉS. MITRAILLES.
Canons de36   }  4 encâblures. 2½ encâblures. 2 encâblures.
30
24
18
Caronade de36   }  4½ encâblures. 3 encâblures. 2¼ encâblures.
30
24   

Cette différence considérable qui existe entre ces deux tables provient probablement de la différence des pièces avec lesquelles ont été faites les expériences. On doit donc accorder plus de confiance à celle du tableau de 1834, puisqu'on a dû se servir des pièces plus récemment en usage.

L'angle de mire des caronades de 36, 30 et 24, dont on se sert ordinairement, étant très-ouvert, il s'ensuit nécessairement que lorsqu'on tire à une portée moindre que celle du but-en-blanc, c'est-à-dire de 1 à 4 encâblures, le boulet passera bien au-dessus du point qu'on veut battre, puisque, terme moyen, la trajectoire, dans ces circonstances, s'élèvera de quarante pieds au-dessus de la ligne de mire. Pour y remédier on a imaginé d'appliquer à la volée un morceau de bois ou de métal, appelé fronteau de mire, gradué pour les distances de 1 à 4 encâblures.

Du Pointage et du Tir.

La difficulté d'obtenir un bon pointage des canonniers, puisqu'il faut qu'occupés à manœuvrer leur pièce, ils estiment la distance à laquelle ils sont du navire ennemi, et qu'ils calculent ensuite quelle est l'élévation ou l'abaissement à donner au canon, d'après cette distance, pour atteindre le but, a fait imaginer plusieurs moyens pour éviter cette opération, le plus souvent impraticable, et dont les résultats sont presque toujours incertains.

Mais tous ces moyens, réels en théorie, ont offert dans la pratique des inconvéniens si graves, qu'ils ont été abandonnés presque aussitôt mis en usage.

Les échelles données par l'instruction de 1834 ont présenté un résultat plus avantageux sans doute, mais non encore exempt d'inconvéniens nombreux.

L'instruction dit: pour pointer à couler bas par la ligne de mire naturelle, à 5 encâblures par exemple, il faut viser un peu au-dessus des bastingages des vaisseaux à trois ponts, ou à la hauteur du filet de casse-tête de ceux à deux ponts, ou au quart à-peu-près de la distance qui sépare les bastingages et la grande hune des frégates, etc.

Supposons qu'une appréciation exacte de la distance à laquelle on est de l'ennemi, parvienne du pont aux chefs des batteries, et qu'ils ordonnent aux chefs de pièces de pointer à hauteur des filets de casse-tête, ou au quart à-peu-près de la distance qui sépare le bastingage et la grande hune; est-il probable que ce point pourra être aperçu des chefs, lorsque souvent il est difficile de distinguer l'ennemi enveloppé de fumée, surtout si l'on combat au vent? N'est-il pas à craindre que les chefs, pour ne pas encourir le reproche de manquer d'ardeur, ne tirent leur coup au hasard?

Le moyen qui, jusqu'ici, nous paraît remplir le mieux toutes les conditions, est l'emploi des hausses, qui n'exige que l'appréciation de la distance, laquelle donnée aux chefs de pièces par les chefs des batteries, réduit le tir à celui du but-en-blanc.

Ce système se compose de deux pièces: l'une, appelée masse de mire, est un morceau de métal qui s'adapte, au moyen d'un cercle en fer à écrou, au renfort de la volée; la seconde, d'une espèce de boîte en cuivre, renfermant un montant mobile qui s'adapte par deux vis sur le champ de lumière à l'arrière de la plate-bande de culasse. Le montant mobile est gradué sur ses faces avant et arrière de ½ à 6 encâblures pour les charges au tiers et au quart; une vis de pression le rend immobile, lorsque le chef de pièce l'a mis à la hauteur convenable.

La distance du but-en-blanc dépendant, non-seulement de la courbure de la trajectoire, mais encore du plus ou moins d'ouverture de l'angle de mire, on diminue cet angle en ajoutant à la volée la masse de mire; et comme sa hauteur rend le demi-diamètre de la pièce à ce point égal au demi-diamètre de la culasse, on le réduit à zéro. Par là on diminue la distance du but-en-blanc, parce que la ligne de mire s'écartant moins dans le principe de la trajectoire, en est plus promptement rencontrée une seconde fois. Mais l'application du montant ou hausse à la culasse produit un effet contraire et réduit par conséquent le pointage pour toutes les distances graduées sur le montant, à celle du but-en-blanc, c'est-à-dire que le chef pointe, en mettant dans le même alignement son œil, le point le plus élevé du montant et celui de la masse de mire.

Les expériences faites avec ces hausses ont donné les résultats les plus avantageux; sur cent boulets lancés de 2 à 3 encâblures, plus de la moitié auraient porté dans la coque d'un navire ayant 10 pieds d'œuvres-mortes, l'autre moitié n'aurait pas dépassé la grande hune.


CHAPITRE VIII.

Manœuvres de Force relatives au Canonnage.

Embarquement et débarquement d'un affût. L'affût se saisit par les fusées de l'essieu de derrière; on le hisse le long et au haut du mât du ponton qui l'a porté; on y a accroché d'avance le palan d'étai du bord, et, en halant sur celui-ci, l'affût arrive à l'appel du grand panneau par où on l'introduit à bord; c'est à l'aide des mêmes moyens, mais dans un ordre inverse, qu'on le débarque. Au lieu d'un ponton, on peut employer la chaloupe mâtée du bâtiment, ou le palan de bout de vergue.

Embarquement d'un canon. Si la pièce est de gros calibre, on aiguillette une caliorne à la grande vergue, de manière que le point de suspension corresponde à 2 ou 3 pieds en dehors de la préceinte; on brasse la vergue pour que cette caliorne se trouve en direction du sabord par où l'on veut faire passer la pièce, et l'on adapte une fausse balancine, que l'on raidit ainsi que les drosses et les bras.

La pièce est supposée dans un chalan ou sur un quai le long du bord, vis-à-vis du sabord désigné; on la saisit par une élingue à canon, que l'on passe d'abord au bouton de culasse, et qu'on élonge ensuite par ses doubles sur la pièce, en remontant jusqu'à la volée, à laquelle elle est saisie en avant des tourillons par plusieurs tours d'aiguillette. On accroche à la boucle que forment les doubles de l'élingue en dehors de l'aiguilletage, la caliorne frappée à la vergue, et dont le courant du garant est dirigé et enroulé au cabestan.

On vire au cabestan jusqu'à ce que la pièce soit arrivée à la hauteur du sabord; on introduit un anspect ou levier dans l'âme pour servir à diriger la pièce qui doit entrer horizontalement dans le sabord, la culasse la première; à cet effet, on se sert aussi d'un palan croché dans l'intérieur de la batterie, et qui, sortant par ce sabord, s'accroche près du bouton de culasse. On hale sur le garant de ce palan; et avec ces moyens on appelle et on place la pièce sur son affût, que l'on présente au sabord. On mollit la caliorne à mesure qu'on amène, et on la mollit encore pour la décrocher; on en fait autant du palan, on défrappe l'élingue; on roule cet affût à un autre sabord, et l'on y en présente un nouveau pour recevoir un autre canon par le même procédé.

On peut en outre frapper une estrope sur la volée pour y crocher le palan de la candelette, ce qui donne un surcroît de force et un moyen de direction. On peut aussi enlever le croissant de l'affût pour rapprocher celui-ci du bord. L'affût est préalablement amarré au sabord, ou bien on en cale les roues, suivant les cas, pour l'empêcher de bouger.

Il est préférable que l'estrope de la poulie inférieure de la caliorne soit à œillet, parce qu'après l'avoir passée dans l'élingue de la pièce on y introduit un burin pour la retenir contre celle-ci; le burin détériore moins le cordage qu'un croc.

Lorsque la pièce est de petit calibre, ou s'il s'agit d'une caronade, il suffit d'employer le palan de bout de vergue et le palan d'étai; et si cette pièce est destinée pour les gaillards, on la fait passer par-dessus le bastingage; chaque canon s'amène alors directement sur son affût, que l'on présente sous les palans dès que l'affût précédemment présenté a reçu sa pièce et a été éloigné.

Débarquement d'un canon. On dépasse la brague, si elle se trouve par-dessus la culasse, on retient l'affût au bord, ou l'on en cale les roues; et dans un ordre inverse de celui de l'embarquement, mais à l'aide des mêmes procédés, on opère le débarquement du canon.

Si le bâtiment est désarmé ou démâté, on le conduit sous une grue, ou bien l'on se sert de mâts de charge, de bigues ou de cabres.

Changement d'affût d'un canon à bord. Il y a plusieurs moyens d'exécuter cette manœuvre; ils vont être indiqués afin qu'on puisse employer le plus avantageux, relativement aux attirails dont on est pourvu et à la position des canons.

Premier moyen. Par la machine dite à monter et à démonter les canons, et formée de deux civières à canon, garnies chacune de deux poulies simples, proportionnées à la grosseur des itagues, et dont les caisses ont le moins de longueur possible. Deux estropes garnies de même, et quatre itagues proportionnées aux calibres des canons, ayant un bout garni d'une cosse, et l'autre en queue de rat. On se sert de deux boucles placées au barrot, l'une à environ 3 pieds, et l'autre à 9.

On dispose le canon de manière que sa culasse et sa volée soient sous les deux boucles du barrot; on passe une estrope dans chacune; elle tient d'un côté à une poulie simple qui y est immédiatement fixée, et dès que l'autre bout est passé dans la boucle, on y amarre solidement une autre poulie, mais de manière qu'on puisse la démarrer facilement lorsque la manœuvre est finie.

On saisit le canon à la volée et à la culasse avec les deux civières qui doivent faire tour mort autour du canon; les poulies simples, dont chacune est garnie, doivent se présenter de chaque côté de la pièce et à égale hauteur. On passe chaque itague dans une poulie de l'estrope de la boucle, puis dans celle correspondante de la civière; et l'on ramène son bout pour le fixer par un dormant à la boucle.

Les quatre poulies doubles des quatre palans sont accrochées aux quatre cosses des itagues; quant à leurs poulies simples, celles des palans de derrière le sont aux boucles des palans de retraite des canons voisins, et celles de devant, aux boucles fixées à la serre-gouttière, et, à leur défaut, dans celles placées pour fausses bragues, immédiatement sur le derrière des affûts voisins ou autres qui se trouveraient dans la direction et à la distance convenables. Les palans de devant sont dirigés à droite et à gauche de la pièce, perpendiculairement à son axe, et ceux de derrière le sont en éventail en arrière du canon.

On ôte les sus-bandes, et au commandement ferme! les hommes agissent ensemble pour élever la pièce jusqu'à ce qu'on puisse ôter l'affût. Ce moyen exige deux équipages de canon, mais il est sûr et il convient dans les gros temps.

Deuxième moyen. Sans machine. On saisit solidement la pièce à la boucle de serre par le raban de volée; on passe ensuite le milieu d'un bon cordage sous le collet du bouton, et ses bouts dans la boucle de dessus; on ôte les sus-bandes; on place sous le bouton deux forts leviers sur lesquels on fait effort pour élever le canon jusqu'à ce qu'on puisse retirer l'affût de dessous. A mesure qu'il s'élève, on embraque le cordage sous le collet du bouton, et dès qu'il est assez élevé, on fait une quantité de tours suffisans pour en supporter le poids pendant qu'on change l'affût.

Troisième moyen. Lorsque l'affût à changer est sous les passe-avants ou sur les gaillards, on transporte la pièce sous les caliornes ou candelettes du vaisseau, et à leur aide on enlève et on replace le canon.

Quatrième moyen. Si l'affût est brisé, et le canon tellement placé qu'on ne puisse employer aucun des moyens précédens, on l'élève sur deux chantiers en disposant la lumière en dessous; on pose l'affût nouveau sans roues sur le canon, de manière que toutes leurs parties se correspondent; on met les sus-bandes et les clavettes en place; on passe deux trévires, une sous le ceintre de l'affût, et l'autre en avant de l'essieu de devant: elles embrassent le canon et son affût par plusieurs tours; on passe ensuite un levier dans l'âme de la pièce, au moyen duquel et des trévires on commence à renverser le canon. Dès que les fusées des deux essieux touchent le pont, on y cloue un cabrion pour les empêcher de glisser; on place des cordages de retenue du côté opposé à celui des trévires, pour modérer l'effort du choc sur le pont, lorsqu'il tombe sur sa base; on embarre des pinces et des leviers à mesure que l'élévation de l'affût le permet; puis faisant effort à la fois sur les leviers, sur la bouche, sur les trévires, en garnissant le dessous de l'affût à mesure que le canon s'élève, maintenant avec force, pendant ces opérations, les cordages de retenue pour retenir l'affût lorsqu'il tombera sur la base, on achève de remettre le canon dans sa position ordinaire. On place ensuite les roues de l'affût, et on le conduit au sabord.

Dans le cas où, faute d'affût de rechange, on est obligé de descendre le canon sur le pont, alors, s'il fait mauvais temps, on le place sur deux chantiers, et l'on a soin de le bien saisir au moyen de quatre mains de fer ou galoches placées de chaque côté de la culasse et de la volée, et clouées solidement sur le pont; elles serviront à passer de bonnes aiguillettes dont les tours seront assez multipliés autour du canon pour être certain qu'il ne peut se démarrer.

Jeter les canons à la mer. Cette opération a lieu lorsque le vaisseau est vieux, délié, que l'artillerie le fatigue beaucoup, ou que le temps est très-mauvais. Il faut élever la culasse du canon autant que possible; on retire alors les sus-bandes, en ne laissant à la pièce qu'un ou deux tours de raban; on passe une pince sous chaque tourillon, puis deux anspects un peu en arrière, et à l'instant où le roulis est favorable, on fait force sur tous ces leviers à la fois, et, en ouvrant les mantelets, on débarque les canons.

Remarques.

En général, pour ne pas fatiguer les basses vergues par l'embarquement des canons, les pontons sont munis d'un mât à appareil, et la caliorne de l'appareil se vire sur le cabestan du ponton; deux forts palans crochés dans l'intérieur de la batterie servent à diriger le canon et à le faire entrer lorsque la caliorne l'a élevé un peu au-dessus de la hauteur du sabord.

En embarquant l'artillerie, on doit avoir soin de la répartir d'une manière uniforme en allant du centre aux extrémités, pour ne pas fatiguer le bâtiment. Le poids de chaque pièce étant connu, on doit aussi le répartir de manière que la somme des poids soit la même pour les deux bords.


CHAPITRE IX.

Mise hors de Service, Enclouage et Désenclouage des Bouches à feu.

Le meilleur moyen de mettre les bouches à feu hors de service, consiste à leur casser un tourillon; mais ce moyen serait, sinon impossible, au moins bien difficile pour les pièces en bronze. Quant aux canons en fer coulé, on en détache assez facilement un tourillon en le frappant fortement à faux, principalement sur l'arête, et toujours dans le même sens, avec une masse ou un fort marteau. Il faut, après chaque coup, maintenir la masse sur le point frappé.

S'il s'agit d'évacuer un arsenal, et qu'il y ait des pièces en bronze rangées sur les chantiers, on allume sous ces pièces un bon feu de charbon, et quand elles sont chaudes, on les frappe fortement sur la volée pour les faire plier.

On peut encore chauffer fortement un tourillon et essayer de le casser, ou au moins de le faire plier en le frappant.

On tire aussi quelquefois les pièces en bronze avec une forte charge de poudre, en remplaçant le projectile par des fragmens de boulets à arêtes vives, lesquels produisent des éraflemens qui dégradent promptement l'âme.

On tire également quelquefois un coup de canon à bout portant contre la volée de la pièce qu'on veut mutiler; mais ce moyen ne serait pas toujours sans danger, si l'on n'avait l'attention de communiquer le feu avec une mèche lente, qui donne aux canonniers le temps de se retirer avant l'explosion. Cette mèche lente peut être faite avec un morceau d'amadou de 15 lignes de longueur et traversant un morceau de papier qui couvre l'amorce. On fait éclater une bombe ou un obus bien éclissé dans un mortier, ou dans un obusier, pour le mettre hors de service.

A défaut des moyens ci-dessus, on encloue les pièces; pour y parvenir, on emploie des vis en acier trempé; après les avoir enfoncées le plus possible, on les casse au ras de la pièce. Quand on n'a pas de vis, on enfonce dans la lumière un clou carré d'acier, dont les arêtes ont été entaillées de différentes coches, ayant leur ouverture tournée vers le gros bout. Ces clous doivent être trempés et avoir leur pointe recuite pour pouvoir être rivés en dedans. Après les avoir enfoncés à grands coups de marteau, on casse l'excédant de ces clous en dehors. On met au fond de la pièce de la terre glaise, et quelquefois par-dessus un cylindre de bois dur qui ne doit pouvoir entrer qu'avec beaucoup d'efforts. Dans tous les cas, on place par-dessus un boulet de calibre enveloppé de feutre ou de plomb, et enfoncé avec beaucoup de force. Dans un moment pressé, on peut se contenter d'introduire dans l'âme un boulet ainsi forcé.

S'il s'agit au contraire de désenclouer les pièces, voici comment on peut y parvenir.

Quand le clou n'est pas vissé et que les obstacles qui se trouvaient dans l'âme ont été retirés, on charge la pièce au tiers ou à moitié du poids du boulet; on emploie une tringle de bois de quelques lignes d'équarrissage, ayant une rainure dans sa longueur, et dans cette rainure une mèche dite cravate d'étoupilles, communiquant à la charge. On bourre le canon avec des bouchons de vieilles cordes, bien refoulés avec un levier ou un anspect, et l'on met le feu à l'étoupille. Il faut souvent plusieurs coups pour faire sauter le clou.

Si le clou qui est dans la lumière est vissé, il faut s'assurer s'il ne serait pas en fer ou en acier pur trempé, parce qu'avec un petit burin en bon acier on pourrait peut-être fendre sa tige, et le retirer avec un tournevis.

Il convient encore, lorsque tout autre moyen a échoué, de gratter un peu le métal de la pièce autour du clou, d'y faire un petit godet en cire, et d'emplir ce godet d'acide nitrique ou d'acide sulfurique, qu'on renouvelle de temps en temps. Il arrive quelquefois que l'acide s'introduit par l'effet de la capillarité entre le clou et la pièce, et qu'il ronge le métal, au point qu'il est facile de faire sauter le clou avec une charge de poudre assez faible.

Si les obstacles qui se trouvaient dans l'âme n'ont pu être enlevés immédiatement, on perce une nouvelle lumière à côté de la première, on introduit un peu de poudre par cette lumière, et l'on fait sauter les obstacles en enflammant cette poudre.


CHAPITRE X.

Des Soutes à Poudre.

On appelle ainsi le lieu où on enferme les poudres à bord. La place occupée par les soutes à poudre varie suivant le rang des navires. Les vaisseaux et frégates en ont deux, l'une appelée grande soute, située de l'arrière de la cale au vin, et la seconde sur l'avant du magasin général.

Dans la construction, le plancher inférieur des soutes est élevé de quelques pieds au-dessus de la carlingue, afin que l'eau ne puisse l'atteindre dans les circonstances ordinaires. Les cloisons avant et arrière sont formées par deux rangs de bordages, dont l'intervalle est rempli par une maçonnerie, pour résister autant que possible à l'action du feu.

Pour noyer les poudres en cas d'incendie, lorsqu'on craint de ne pouvoir s'en rendre maître, on ouvre les robinets placés en abord et renfermés dans des caisses en chêne, doublées en plomb, dont la clef est entre les mains du second du bâtiment.

Les soutes sont éclairées par un ou deux fanaux, suivant leurs dimensions, placés à l'extérieur de la cloison avant ou arrière. Deux fortes glaces encastrées dans la cloison laissent passer la lumière et isolent le fanal de la soute.

Le long des cloisons on pratique des armoires, dont les portes sont à caille-botis ou à grillage en fil de laiton, pour laisser circuler l'air, dans lesquelles on range sur des étagères, et par calibre, les gargousses pleines ou l'apprêtée. La poudre en baril est arrimée bâbord et tribord dans la soute.

Dans le lieu le plus éclairé de la soute on place l'auge ou pétrin, pour confectionner les gargousses. C'est dans ce pétrin qu'on vide la poudre contenue dans les barils, puis des canonniers munis d'une mesure la remplissent exactement et la versent dans une gargousse dont on amarre le collet. Chaque calibre a sa mesure particulière.

L'apprêtée faite avant le départ du port, doit être au moins du tiers de la poudre embarquée.

L'adoption des caisses en cuivre a changé la disposition des soutes et simplifié le service des poudres.

Ces caisses, qui sont de différentes dimensions pour chaque calibre, ne sont pas à couvercle, mais à calotte vissée sur la face supérieure au moyen d'une clef mobile. Elles sont de forme quadrangulaire légèrement coupée sur les angles, et sont garnies d'anses. Sur le couvercle on indique, en grosses lettres, l'espèce de bouche à feu, son calibre, et l'espèce de charge.

Les soutes sont alors divisées en compartimens propres à recevoir les caisses placées les unes à côté des autres, mais sur un seul rang. L'apprêtée faite à terre est envoyée à bord dans les caisses qui sont immédiatement arrimées par calibre, et par espèce de charge; c'est-à-dire que le 36 charge au tiers, est séparé du 36 charge au quart, et ainsi pour les autres calibres. Pour que les hommes chargés du passage des gargousses ne puissent pas se tromper, quoique chaque caisse porte sur son couvercle l'indication du calibre et l'espèce de charge, chaque compartiment porte encore un écriteau qui indique le calibre, l'espèce de charge et leur nombre.

Sur le pont supérieur de la soute, aussi près que possible du lieu où l'on a placé les caisses d'un même calibre, mais si on le peut en dehors de leur direction, on perce deux écoutillons, dont un reçoit une manche en toile dans laquelle on jette les gargoussiers vides qui tombent ainsi dans la soute; et le second sous lequel on place un reposoir, sert au passage de la gargousse pleine. De cette manière chaque calibre a un passage particulier, ce qui évite la confusion.

Les gargoussiers vides, avant d'être envoyés dans les soutes, sont secoués dans une baille pleine d'eau, placée dans l'entre-pont à côté de la manche par où ils se rendent des batteries.

Il suffit, dans chaque soute, de deux hommes par calibre, plus un novice ou un mousse pour ramasser les gargoussiers vides et les remettre à l'homme chargé d'y poser la gargousse.

On dépose aussi dans les soutes à poudre, les boîtes à cartouches pour fusils et pistolets, ainsi que les barils à bourse pour l'approvisionnement des hunes et des embarcations.

Description de la Hausse Marine.

Ce système de hausse se compose de deux pièces principales: la masse de mire, la hausse.

La masse de mire est une pièce de fer ou de cuivre bronze, placée vers l'extrémité supérieure du renfort, et fixée à la bouche à feu par deux boulons à vis. La partie supérieure est arrondie par un arc de cercle dont le centre est pris sur l'axe de la bouche à feu.

La hausse est composée de deux pièces, la boîte, le curseur.

La boîte est en cuivre, elle est fixée par trois petits boulons à la culasse de la bouche à feu; c'est dans cette boîte que glisse le curseur.

Une vis la maintient à différentes hauteurs. Pour faire tourner cette vis, on se sert de clef, et pour que le chef de pièce en fasse usage à volonté, elle tient au cabillot placé au bout du cordon du percuteur.

Le curseur en fer forgé est composé d'une tige carrée et d'un chapeau; le dessus du chapeau est terminé par un arc de même rayon que celui de la masse de mire.

Deux faces de la tige sont divisées chacune par six profondes rainures horizontales. La face qui est du côté du bouton est divisée pour la charge au quart, celle opposée pour la charge au tiers.

Pointage au moyen de cette Hausse.

Pour pointer le canon à bout portant, on place la tête du curseur sur la boîte; à 200 mètres, il suffit d'élever le curseur de manière que la première rainure soit à la hauteur de la boîte.

A 400 mètres, on place le curseur à la 2me division, et ainsi de suite jusqu'à la 6me qui est la hauteur à donner pour obtenir la portée de 1,200 mètres.

Installation du système de Hausse.

Pour que le système de hausse soit bien placé, il faut: 1º que la ligne qui passe par le point le plus élevé du chapeau (celui posé sur la boîte) et le point le plus élevé de la masse de mire, soient parallèles à l'axe de la bouche à feu. Si la masse de mire se trouvait trop haute, il faudrait la limer; si elle était trop basse, on l'élèverait en mettant une cale entre elle et la pièce. 2º Qu'un plan vertical, passant par le centre du curseur et par le milieu de la masse de mire, passe aussi par l'axe de la bouche à feu, lorsque les tourillons sont placés horizontalement.

3º Il faut que la distance du milieu du curseur au milieu de la masse de mire soit exactement celle portée pour chaque pièce dans le tableau ci-joint. Ce tableau contient aussi les hauteurs à donner aux divisions des hausses, pour toutes les bouches à feu de la marine.

Quand les canons ont des anneaux de brague, la boîte des hausses est attachée à la partie inférieure par un boulon qui traverse cet anneau, comme on le voit pour les caronades.

Le dessus du chapeau et de la masse de mire sont peints en bandes noires et blanches, afin de guider le canonnier pour le rayon visuel.

 

Tableau faisant connaître les distances entre les masses de mire et les hausses, ainsi que les graduations de ces dernières.

DÉSIGNATION des BOUCHES A FEU. DISTANCE entre les axes du curseur et de la masse de mire. Espèces de projectiles. Charges de poudre. DISTANCES DE LA BATTERIE AU BUT ET GRADUATION A CHACUNE DE CES DISTANCES.
200 m. 400 m. 600 m. 800 m. 1000 m. 1100 m. 1200 m.
  pplp   k        
Canon-obusier de 80.[12] 3.6.6.0.—1,1506. Creux. 3,92 0,00950,02060,03360,04820,0047 0,0735 
        1,4 0,00850,01840,02960,04230,0563»0,0716
  pplp            
Canon 36 long.3.10.5.9.—1,2581. Plein. 1,3 0,00770,01670,02690,03830,0510»0,0649
        1,4 0,00820,01780,02900,04180,0558»0,0714
  pplp            
Canon 24 long. 3.8.1.3.—1,1966. id. 1,3 0,00740,01620,02630,03780,0506»0,0647
        1,40,00780,01720,02310,04060,0545»0,0701
  pplp            
Canon 18 long. 3.5.9.3.—1,1307. id. 1,3 0,00710,01560,02550,03680,0495»0,0636
  pplp            
Caronade 36. 2.2.8.6.—0,7230. id. 1,96 0,00860,01850,02980,04250,0566»0,0721

Table servant à déterminer la distance d'un Bâtiment à un autre, au moyen de la hauteur angulaire des mâts.

Distances en encâblures. Vaisseaux à 3 ponts et de 80. Vaisseaux de 74, et grandes frégates. Frégates de 44. Corvettes de 24 à 32. Corvettes de 20 à 24. Bricks de 16 à 20.
   °' °' °' °' °' °'
  ½ 2439 2221 1837 1625 1522 1444
1   1256 1138 933 823 749 722
1 ½ 341 80 624 537 515 456
2   629 552 449 413 356 342
2 ½ 514 442 351 322 39 258
3   422  4 313 230 237 228
3 ½ 345 322 245 225 215 27
4   317 257 225 26 158 151
4 ½ 255 237 29 154 145 139
5   238 221 156 141 134 129
5 ½ 223 29 145 132 126 121
6   211 21 136 124 119 114
                    
Hauteur du capelage du grand mât de perroquet. 165 p. 162 126 106 99 55
Observation.
Les angles sont mesurés à partir de la flottaison jusqu'au capelage du grand mât de perroquet des bâtimens anglais, dont la mâture est d'un douzième moins élevée que celle des bâtimens français du même rang; ainsi qu'on le voit dans les Tables de M. Gicquel des Touches.

FIN.


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