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Recueil de chansons en patois de la Bresse

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The Project Gutenberg eBook of Recueil de chansons en patois de la Bresse

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Title: Recueil de chansons en patois de la Bresse

Author: P.-C. de La Gelière

Release date: January 9, 2015 [eBook #47919]
Most recently updated: October 29, 2021

Language: French

Credits: Claudine Corbasson and Hans Pieterse

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK RECUEIL DE CHANSONS EN PATOIS DE LA BRESSE ***

Au lecteur

Table

RECUEIL
DE
CHANSONS
EN
PATOIS DE LA BRESSE

PAR
P. C. de la Gelière

Viriat 1898

PREMIÈRE PARTIE

IMPRIMERIE LOUIS CHADUC
CHATILLON-SUR-CHALARONNE & BELLEY
1899

ERRATA

Le tirage de la première partie de ce recueil ayant eu lieu, en ce qui concerne le chant, par suite de malentendus, sans que les épreuves aient été préalablement corrigées par l'auteur, je me trouve dans la regrettable nécessité d'ajouter cette feuille d'errata.

Je fais appel à l'extrême indulgence et bonne volonté des personnes qui désireront apprendre les chansons en les priant de vouloir bien, auparavant, faire à la main les corrections principales indiquées ci après:

PAGESPORTÉESMESURESNOTESA LA PLACE DEMETTRE
6145noirecroche
622 et 3 à diviser par une barre de mesure
6321noirenoire pointée
6353noirecroche
6421crochenoire
6424si
8151noirenoire pointée
821 et 2 à diviser par une barre de mesure
8241noirenoire pointée
8251noirenoire pointée
8331 et 2noire et crochenoire pointée et noire
14241crochenoire
14251noire pointéenoire point. et croche liées
14321noire pointéenoire point. et croche liées
14331double crochenoire
14342crochenoire
14351crochenoire
17121noirenoire pointée
17142noirecroche
17232noirecroche
17331noire pointéenoire
21121noirenoire pointée
2223 soupirdemi-soupir
22423crochedouble croche
22434double crochecroche
22441sisol
22443double crochecroche
22635crochedouble croche
23122dosi
24131noirenoire et demi-soupir
24332 et 3do réla si
24334crochenoire pointée
2512 et 33crochenoire
2523 et 43crochenoire
25424fa
26111 et 5noirescroches
27231crochenoire pointée
28121double crochecroche
2812 et 3 à diviser par une barre de mesure
29111noire pointéenoire
29244 et 5noirescroches
29262lado
43131 et 3noirenoire pointée et croche
50161noirecroche

M. de la GIRODIÈRE

AVANT-PROPOS

Cet ouvrage qui s'adresse particulièrement aux enfants de la Bresse, mes compatriotes, a pour but de faire revivre les vieilles coutumes locales et de perpétuer le souvenir de nos pères.

C'est un recueil de chansons patoises sur les sujets, les mœurs et les usages les plus caractéristiques de la Bresse. Quelques-unes m'ont été inspirées par mes relations fréquentes avec les rares familles qui ont su conserver à peu près intactes les vieilles traditions de nos aïeux, tandis que d'autres font déjà partie du répertoire populaire. Seulement ces dernières ont subi de telles altérations, en passant par les âges, que, écrites comme elles se chantent actuellement, leurs auteurs ne les reconnaîtraient peut-être plus. C'est pourquoi j'ai voulu essayer de les reconstituer pour les rendre plus compréhensibles.

Elles sont écrites en patois avec la traduction française en regard: traduction littérale qui demande bien souvent l'emploi de mots vicieux et d'expressions triviales. De plus j'ai dû négliger complétement l'orthographe pour m'attacher spécialement à rendre la prononciation plus facile, aussi, malgré la différence de consonnance qui existe entre les divers parlés de la Bresse, de commune à commune, voire même d'un hameau à l'autre, j'espère être lu et compris par la majeure partie des Bressans.

Il y a deux sons cependant qui rendent l'écriture du patois fort difficile parce qu'ils n'existent pas dans la langue française—Pour faciliter la lecture j'ai toujours représenté par «sh» celui que l'ont produit en appuyant la langue contre les dents supérieures et en sifflant comme pour prononcer s., et par «zh» celui que l'on produit en appuyant la langue de la même façon et en sifflant comme pour prononcer z.

La partie de chant est l'œuvre d'un ami, pur Bressan aussi, M. de la Girodière, qui a bien voulu, sur ma demande se charger de noter ces chansons telles qu'elles se chantent dans nos campagnes, sans-souci des règles musicales.

P. C. de la Gelière.

LA BRACHE

LA BRESSE

Air de «Béranger à l'Académie»


1

Qué l'étrèzhi que travache la Fronche

Treuve on pays fenamè cultivau;

Qué y va de recoulte é n'abondanche

Dé tui leu shamp, dé le tarre, dé leu prau;

Qué y va de béte de toutes raches

Allé, veniè de la buzhe u pauqui,

I da che dezhe: Sé vramè tië la Brache

Oh qué pays! Oh qué fameux pays.  bis

1

Quand l'étranger qui traverse la France

Trouve un pays, finement cultivé;

Quand il voit des récoltes en abondance

Dans tous les champs, dans les terres, dans les prés

Quand il voit des bêtes de toutes races

Aller, venir, de l'étable au pâturage

Il doit se dire: si c'est vraiment là la Bresse

Oh quel pays! Oh quel fameux pays.  bis

2

Pèdè que leu cavës n'ont que jo cauve,

Pe tout étreteni dè la majon

Leu Brachon ont, sè parlau de le rauve,

A ramachau touta la grè sajon,

U renouvé, é leur sho, le navete.

Qué vin juillet y machounon leu blau,

Vé la Teussè y font d'autre récolte:

Leu Brachon machounon touta l'ènau.  bis

2

Pendant que les cavets n'ont que leurs caves

Pour tout entretenir dans la maison

Les Bressans ont, sans parler des raves

A ramasser toute la grande saison

Au renouveau, c'est le chou, la navette

Quand vient juillet, ils ramassent les blés

Vers la Toussaint, ils font d'autres récoltes

Les Bressans moissonnent toute l'année.  bis

3

Bon travaillon, intriguè, économe,

Lou Brachon cha treye parti de tout,

Quemè pre lui jamais l'euvra ne chaume,

L'arzhè vé lui abonde azhi touzhou;

Quasi pretou l'entretien du moin-nazhou

Che treuve su la vêta dé shapon,

Le béte font pe la sècha leu gazhou,

Pi lou greni pe couliau lou bouchon.  bis

3

Bon travailleur, intrigant, économe

Le Bressan sait tirer parti de tout

Comme pour lui jamais le travail ne chôme

L'argent chez lui abonde aussi toujours

Presque partout l'entretien du ménage

Se trouve sur la vente des chapons

Les bêtes font pour la ferme, les gages

Puis le grenier pour gonfler le bourson.  bis

4

Pe leu Brachon que, chon loin de le vele

N'a-t-eu pau toute seurte d'agrémè?

L'ont pe s'y raidre de bene vatezhe,

Pi de shevaux que vont quemè lou vè,

Tui leu grè zhou neutre brauve Brachonde

Peurton jo shapè brachon garni d'eu,

Rè què vayè che le figuzhe fronshe

Cè vous revellie l'ama dè lou cœu.  bis

4

Pour les Bressans qui sont loin des villes

N'y a-t-il pas toutes sortes d'agréments?

Ils ont pour s'y rendre de bonnes voitures

Puis des chevaux qui vont comme le vent

Tous les grands jours nos jolies Bressannes

Portent leurs chapeaux bressans garnis d'or

Rien qu'en voyant ces figures franches

Cela vous réveille l'âme dans le cœur.  bis

5

Pe complétau cho tablau de la Brache

De davou dezhe que tout vra Brachon,

Dé vio Gaulois, l'homeu de neutra rache,

Cha coucharvau le meliou tradition;

Tout u deva, jamais y ne parjuzhe,

La foi, l'honeu se leïon su chon fron,

Pichque vé nou jamais nion ne recule

Amis shétin don: Vive leu Brachon.  bis

5

Pour compléter ce tableau de la Bresse

Je dois vous dire que tout vrai Bressan

Des vieux Gaulois, l'honneur de notre race

Sait conserver les meilleures traditions

Tout au devoir jamais il ne parjure

La foi, l'honneur se lisent sur son front

Puisque chez nous jamais personne ne recule

Amis chantons donc: «Vivent les Bressans.»  bis

LA LIAUDIN-NA ANCIENNE

LA CLAUDINE


1

Què d'ezha amau de ma Liaudinna,

Rè ne mèquove a meu dési,

Che pinne fajon bin me pinne,

Seu plasi ézhon meu plasi,

Nou nou dijin dechou lou chozhou

Que nou nou j'amezhin touzhou.

Vouzhe le me lache pe notrou,

Alle eubleïe neutreu j'amou.

1

Quand j'étais aimé de ma Claudine,

Rien ne manquait à mes désirs,

Ses peines faisaient bien mes peines,

Ses plaisirs étaient mes plaisirs,

Nous nous disions dessous le saule,

Que nous nous aimerions toujours.

Maintenant elle me laisse pour un autre.

Elle oublie nos amours.

2

Tui leu matin dè la preleia

Nou menovin neutreu moton,

Me chetova prè de ma meïa,

Nou quemèchovin na shèchon,

Pi aprè cètië nou dèchovon

E nou teniè tui deu la mon,

De plasi leu moton chotauvon

Mè le ne vin pau mé è shon.

2

Tous les matins dans la prairie

Nous menions nos moutons

Je m'asseyais près de ma mie

Nous commencions une chanson,

Puis après cela nous dansions

En nous tenant tous deux la main

De plaisir les moutons sautaient

Mais elle ne vient plus au champ.

3

La lou pië megnon, la mon blanshe,

Lou pa touzhou biè trenatau,

Le drate, prema su le j'ansche,

Pi ma fa brovamè meudau

La leu zu nea tout quemè d'ècrou,

Le dè blanshe quemè on papi,

Le rouzhaye quemè on combrou

Mè pe notrou l'brauva auzhourdi.

3

Elle a le pied mignon, la main blanche

Les cheveux toujours bien tressés

Elle est droite, fine sur la hanche

Et ma foi, joliment modée

Elle a les yeux noirs comme de l'encre

Les dents blanches comme un papier

Elle est rouge comme un cambre

Mais pour un autre elle est belle aujourd'hui.

4

La mê d'esprit que lou ra mémou

Tout le mondou ène-t-ébahi,

Le vou parle avoua tè d'émou,

Lè fa vreïe la téta à tui,

Le rèvelia quemè na rata,

Le shète quemè on reucenieu,

Mè le me méprije la shata

De notrou le fa lou beneu.

4

Elle a plus d'esprit que le roi même

Tout le monde en est ébahi

Elle vous parle avec tant d'âme

Qu'elle en fait tourner la tête à tous

Elle est réveillée comme une rate

Elle chante comme un rossignol

Mais elle me méprise la chatte

D'un autre elle fait le bonheur.

5

Tui leu cha chou lou mémou chozhou

U nou j'in tè dècha tui deu,

Te vindrè choule peuvrou Liaudou

Te vindrè bélau ton malheu;

Tou lou mondou chazha ta pin-na

Te shétezhé cè tin qu'u zhou

Pau mé ne m'ame ma Liaudinna

Mé ma de l'amezhe touzhou.

5

Tous les soirs sous le même saule

Où nous avons tant dansé tous deux

Tu viendras seul pauvre Claude

Tu viendras bêler ton malheur

Tout le monde saura ta peine

Tu chanteras cela jusqu'au jour

Plus elle ne m'aime ma Claudine

Mais moi je l'aimerai toujours.

LA LIAUDIN-NA NOUVELLE

LA CLAUDINE

(Sur le même air)


1

D'amou ma petita Liaudin-na

Che dègredia, che rèvelia,

Qu'è n'a pau dè touta la plin-na

Na fellie ple brauva que lia;

L'a lou pa na, la bena mena,

De trai que seureïon touzhou,

Avoué cè l'a la taille fena

Pi de zu brajaye d'amou.

1

J'aime une petite Claudine

Si dégourdie, si réveillée

Qu'il n'y a pas dans toute la plaine

Une fille plus jolie qu'elle

Elle a les cheveux noirs elle a bonne mine

Des traits qui sourient toujours

Avec ça elle a la taille fine

Et les yeux «braisayant» d'amour.

2

Le bin che viva che frequéta

Le ch'abelië avoua tè de goû,

Que le mè fa vreië la téta

Ne pèchou qu'à lia tou lou zhou;

Pi quemè la nai dè meu chonzhou

Me crayou touzhou pré de lia,

De dremou contè quemè n'onzhou

Què bin si choule dè mon lia.

2

Elle est bien si vive si friquette

Elle s'habille avec tant de goût

Qu'elle m'en fait tourner la tête

Je ne pense qu'à elle tout le jour

Puis comme la nuit dans mes songes

Je me crois toujours près d'elle

Je dors content comme un ange

Quand même je suis seul dans mon lit.

3

Mé lou matin què me réveliou

S'è von meu révou de beneu,

Pichqu'ézhou me livou, m'hadeliou

Mé l'ènui me crive lou cœu.

Quemè n'ai rè pe me distraizhe

Que rè ne peut me conchoulau.

Pi que n'éfè qu'a perdu cha mèzhe

De bélou touta la zhournau.

3

Mais le matin quand je me réveille

S'en vont mes rêves de bonheur

Puisqu'il fait jour je me lève, je m'habille

Mais l'ennui me crève le cœur

Comme je n'ai rien pour me distraire

Que rien ne peut me consoler

Pire qu'un enfant qui a perdu sa mère

Je pleure toute la journée.

4

Dé mon tourmé pe va ma blonde

L'a sheurshezha sè m'arrétau.

Pe lamè mamau cha man blanshe

De baillezha bin mon grè prau,

De l'amou tè que rè su tarra

Ne vaut pre ma che n'amitia,

Pe la va d'azardezha me n'ama

Pe l'a va de vèdra ma via.

4

Dans mon tourment pour voir ma blonde

Je la chercherais sans m'arrêter

Pour seulement baiser sa main blanche

Je donnerais bien mon grand pré

Je l'aime tant que rien sur terre

Ne vaut pour moi son amitié

Pour la voir j'hasarderais mon âme

Pour l'avoir je vendrais ma vie.

5

Mé, oh qué beneu! ma Liaudin-na

A vu meu tourmè, ma douleu,

Ch n'ama a compris la min-na

Chon bon cœu a compris mon cœu,

Pichque pe zh' adoci me pin-ne

Le vu bin partazhie mon seu,

Que che voulétau cheyon le min-ne

Chon beneu fazha mon beneu.

5

Mais oh! quel bonheur! ma Claudine

A vu mes tourments, ma douleur

Son âme a compris la mienne

Son bon cœur a compris mon cœur

Puisque pour adoucir mes peines

Elle veut bien partager mon sort

Que ses volontés soient les miennes

Son bonheur fera mon bonheur.

L'ÉBAUDA

L'ÉBAUDE


1

Uvre me don ta peurta

Uvre me don Meïon,

E pleu quemé na queurda.

On ne sin paumé nion,

Etéte chouliau l'euzha.

De greloutou de fra,

Aqueurde me don n'ozha

A pachau avoué ta.

1

Ouvre-moi donc ta porte

Ouvre-moi donc Mion,

Il pleut comme une corde.

On ne sent plus personne,

Entends-tu souffler le vent.

Je grelotte de froid,

Accorde-moi donc une heure

A passer avec toi.

2

E chetivoui ta féta

Pourre te bin dremi,

Què dechou ta fenétra

Choupizhe te n'ami,

Fa te don va la téta

Pe me parlau Meïon,

Te va bin que chou l'étra

Avouai ma é n'a nion.

2

C'est aujourd'hui ta fête

Pourrais-tu bien dormir,

Quand sous ta fenêtre

Soupire ton ami,

Fais-toi donc voir la tête

Pour me parler Mion,

Tu vois bien que sous l'hangar

Avec moi il n'y a personne.

3

Boncha mon peuvrou Liaudou

Ne fin pau trou de via,

Mon pèzhe è de pau n'autrou

Revozhe dè chon lia;

Eye bin va que t'amou

Mé te n'eu dezhé pau,

Che nou parlin mariazhou

Té sui d'ètre èconviau.

3

Bonsoir mon pauvre Claude

Ne faisons pas trop de vie,

Mon père, ce n'est pas un autre

Bouge dans son lit;

C'est bien vrai que je t'aime

Mais tu ne le diras pas,

Si nous parlons de mariage

Tu es sûr d'être renvoyé.

4

Sé ne tin qu'à ton paizhe

De t'époujau Meïa,

De m'énizhe te braizhe

Lou réchtou de ma via,

L'é vedre on ple reshou

Preté lou bin ne l'eu

Meïa te gazhètashou

Ne fon pau lou beneu.

4

S'il ne tient qu'à ton père

De t'épouser Mie,

Je m'en irai te braire

Le restant de ma vie,

Il en voudrait un plus riche

Pourtant le bien ni l'or

Mie, je te le garantis

Ne font pas le bonheur.

5

Lou deri mou de Liaudou

N'ézhe pau abadau,

Qu'arrevi tou de quatrou

Lou paizhe pe leu z'égrau,

Meïon teu qu'éya pretië

Que t'épashe de dremi?

—Eye l'euzha que seulië

Que fa pretou creci.

5

Le dernier mot de Claude

N'était pas sorti,

Qu'arriva tout de quatre

Le père par l'escalier,

Mion, qu'y a-t-il par là

Qui t'empêche de dormir?

—C'est le vent qui souffle

Qui fait partout craquer.

6

—Te me di qu'éye l'euzha

Meïon cè ne pau va,

D'étédou à la peurta

Caujelië avouai ta;

Y peu che prède garda

Cho que m'a fai levau,

Che d'attrapou n'éparra

De mé vai l'écegau.

6

—Tu me dis que c'est le vent

Mion cela n'est pas vrai,

J'entends à ta porte

Causer avec toi;

Il peut prendre garde

Celui qui m'a fait lever,

Si j'attrape une trique

Je m'en vais «le faire partir».

7

Què l'ètedi lou paize

Lou galon déquèpi

Pi che meti à braizhe

N'euzhé peu reveni.

Pédè que cha maîtréche

Grelauve dè chon lia,

De la po de chon paizhe

Que l'ave révelia.

7

Quand il entendit le père

Le galant décampa

Puis se mit à braire

N'osant pas revenir.

Pendant que sa maîtresse

Grelottait dans son lit,

De la peur de son père

Qu'elle avait réveillé.

8

Equetau zheune fellië

Pi vou zheunou gachon,

De cho que vou conchellië

Reteni la leçon:

Che jamais dè on carou

Vou z'éte on rendez-vou,

Assuriau-vou davêchou

Sé n'a nion deri vou.

8

Écoutez jeunes filles

Et vous jeunes garçons,

De celui qui vous conseille

Retenez la leçon:

Si jamais dans un coin

Vous avez un rendez-vous,

Assurez-vous d'avance

Qu'il n'y ait personne derrière vous.

ÉBAUDA NOUVALLA

ÉBAUDE NOUVELLE

(Sur le même air)


1

O don boncha ma meïa

Vramé té cru cushia,

Pichque devé la leîa

On ne va point de foua:

Mais à étèdre brizhe

Meïon dè ta maijon

De pèchou que te file

U foua d'on bon tijon.

1

O donc bonsoir ma mie

Vraiment je t'ai cru couchée,

Puisque, vers la barrière

On ne voit point de feu:

Mais à entendre bruire

Mion dans ta maison

Je pense que tu files

Au feu d'un bon tison.

2

Allon depi ta shombra

Equeta dè la cou

Cho que dè la nai chombra

Vin te fauzhe l'amou

Etète ma peteta

Lou dreulou menétri

Pin-neau dè cha mezeta

Pe te pra-ye d'uvri.

2

Allons, depuis ta chambre

Écoute dans la cour

Celui qui dans la nuit sombre

Vient te faire l'amour

Entends-tu ma petite

Le drôle ménétrier

Souffler dans sa musette

Pour te prier d'ouvrir.

3

Pichqu'é demon ta féta

T'apeurtou on bouque

Fait de fleu de zhenéta

Pi de brauvou mougue,

Che te vu ma coulomba

M'àccourdau la faveu

De pachau dè ta shombra

Lou mettre su ton cœu.

3

Puisque c'est demain ta fête

Je t'apporte un bouquet

Fait de fleurs de genêts

Puis de jolis muguets,

Si tu veux ma colombe

M'accorder la faveur

De passer dans ta chambre

Je le mettrai sur ton cœur.

4

Voua uvra ta fenétra

De ma pré don pedia

De zhelou shou te n'étra

Touta la grè velia:

Te chau bin que ne vivou

Meïon rè que pre ta

Che te n'uvre pau vitou

De moure chou ton ta.

4

Oui ouvre ta fenêtre

De moi prends donc pitié

Je gèle sous le hangar

Toute la grande veillée:

Tu sais bien que je ne vis

Mion rien que pour toi

Si tu n'ouvres pas vite

Je mourrai sous ton toit.

LA VOUGUA DE CRAU

LA VOGUE DE CRAS


1

Eye t'a la vougua de Crau,

Qué ne faut pau allau mianau,

Y chon na troupa,

Cashia chou leu zégrau

Qu'on bu la goutta,

Pe pouva miau grippau.

1

C'est à la vogue de Cras,

Qu'il ne faut pas aller miauler,

Ils sont une troupe,

Cachés sous les escaliers

Qui ont bu la goutte,

Pour pouvoir mieux griffer.

2

Eya n'ènau qu'y chou étau

Leu gachon de Monlafretau,

A la Bavizhe

Préchau pe cé de Crau,

Dè la Revizhe

Et fossi tui chautau.

2

Il y a une année qu'y sont allés

Les garçons de Malafretaz,

A la Bévière

Pressés par ceux de Cras,

Dans la rivière

Ils durent tous sauter.

3

Mé cé d'Etrez pessizhon mio

Pe ne pau recheva de co,

Que l'ètèdizhon

Peteau de tui leu lion,

Y che cashizhon

Chou lou pont de Barton.

3

Mais ceux d'Etrez pensèrent mieux

Pour ne pas recevoir des coups,

Quand ils entendirent

Taper de tous côtés,

Ils se cachèrent

Sous le pont de Barton.

4

Pe què té vaillè de Marbeu

Qu'avons tui è possè leu beu

Pri de reïeuté

Pe pazhau cé de Crau

L'on, su le queute,

Reçu de co de pau.

4

Pour quand aux vaillants de Marboz

Qui avaient tous en passant les bois

Pris des grosses verges

Pour parer ceux de Cras

Ils, sur les côtes,

Reçurent des coups de pieux.

5

Eyia azhi cé de Tenia

Que n'ont pau mau étau quenia,

De la Pienizhe,

A galou pe leu prau.

A le Bodizhe

Y fuzhon couratau.

5

Il y a aussi ceux d'Attignat

Qui n'ont pas mal été cognés,

De la Peignière,

Au galop par les prés.

Aux Baudières

Ils furent couratés.

6

Pe què ta cé de Sê Martin

Qu'on voulu fauzhe dé malin,

Tuinqu'a la varna

Depi lou bou de Crau,

A co d'épara,

Che chon t-y fait couliau.

6

Pour quand à ceux de St Martin

Qui voulurent faire les malins.

Jusqu'à la Verne

Depuis le bourg de Cras,

A coup d'éparre,

Se sont-ils fait gonfler.

7

Tout pédè che la sharpelia,

Su lou marronni biè cashia,

De compeujauva,

Sé fauzhe poin de via,

De chela vouga

La shèchon que vetia.

7

Tout pendant ce chamaillis,

Sur le marronnier bien caché,

Je composais,

Sans faire point de vie,

De cette vogue

La chanson que voici.

LE FELLIË DE VERIA

LES FILLES DE VIRIAT

Air de «La vougua de Crau»


1

Eye le fellië de Veria,

Surtou le z'ene qu'é y a,

Le chon frequette

L'amon greu leu gachon

Mé biè de mézhe

Ne treuvon pau cè bon.

1

Ce sont les filles de Viriat,

Surtout les unes qu'il y a,

Elles sont friquettes

Elles aiment gros les garçons

Mais toutes les mères

Ne trouvent pas ça bon.

2

Què leu magna velion le va

Y che rezhouënion deu-z-u tra,

Von à la peurta

Creïon: live te don

Nou j'in na liota

Pe faushe on rigoudon.

2

Quand les magnats veulent les voir

Ils se rejoignent deux ou trois,

Vont à la porte

Crient: lève toi donc

Nous avons une flûte

Pour faire un rigodon.

3

Cheteu la fellie révellia

L'a bin viton déferouilla

Su cha shemije

Efile on coutelion,

Pi sè lemizhe

Seu parlau è gachon.

3

Sitôt la fille réveillée

Elle a bien vite déverrouillé

Sur sa chemise

Enfile un cotillon,

Puis sans lumière

Sort parler aux garçons.

4

On co qu'y l'on tui ébracha

La fellie di: zheunou magna

Dè la grè buzhe

Alin nou j'amouje

Lé nion n'y cushe

Nou z'y pourin dèche.

4

Une fois qu'ils l'ont tous embrassée

La fille dit: jeunes magnats

Dans la grande étable

Allons nous amuser

Là personne n'y couche

Nous y pourrons danser.

5

Pretè cè fameu rendez-vous

Ne reuchashon po teu touzhou

De sai na mézhe

Que s'étè rèvelia,

Deci u pézhe:

Cou don va che qu'éya.

5

Pourtant ces fameux rendez-vous

Ne réussissent pas tôt toujours

Je sais une mère

Qui s'étant réveillée,

Dit au père:

Cours donc voir ce qu'il y a.

6

Lou pèzhe è n'ètèdè cho bri

Prè on pau, cou â l'équezhi.

Preni vou garda

Chaprè grè poulichon

Zhé tie n'éparra

Que n'éparmazha nion.

6

Le père en entendant ce bruit

Prend un pieu, court à l'écurie.

Prenez-vous garde

Sapré grands polissons

J'ai là une éparre

Qui n'épargnera personne.

7

L'azhon bin voulu s'échcujau

Dezhe, nou ne fin poin de mau

Mé cho vio pèzhe

Ezhe bin che montau

Bin sè coulèzhe

Qui leu j'a tui conliau.

7

Ils auraient bien voulu s'excuser

Dire: nous ne faisons pas de mal

Mais ce vieux père

Était bien si monté

Bien si en colère

Qu'il les a tous gonflés.

8

Pe què t'a vou zheunou magna

Pe ne pau étre éparaïa,

Què veutra Liauda

Che treuvezha cushia

Rèviau l'ébauda

A nautra sèpelia.

8

Pour quand à vous jeunes magnats

Pour ne pas être éparrayés

Quand votre Claudine

Se trouvera couchée

Renvoyez l'ébaude

A une autre occasion.

LA VOUGUA DE VERIA

LA VOGUE DE VIRIAT

Air de «Blonde ou Brune»


1 1
On parle de le vougue, On parle des vogues,
De Crau pi de Tenia, De Cras et d'Attignat,
Mè avè toute, Mais avant toutes,
Et oncouzhe à Veria C'est encore à Viriat
De tui leu j'allètou, De tous les alentours,
Mémou pleteu qu'à Bou Même plutôt qu'à Bourg
Qu'on vin de prefezhonche, Qu'on vient de préférence,
A neutron rendez-vous A notre rendez-vous
Fauzhe bombonche.(bis) Faire bombance.(bis)
2 2
Dè toute le famellie Dans toutes les familles
Pe fétau cé zhou tie Pour fêter ce jour-là
E faut qu'é brellie Il faut que ça brille
Du ron u seurdellie. Du balai au ciel de lit.
On saigne de poulë, On saigne des poulets,
De vé mémou de bouë; Des veaux même des bœufs;
On rèpla la futaille On remplit la futaille
Pi de Bu é Grefouë Puis de But aux Greffets
Tout fa ripaille.(bis) Tout fait ripaille.(bis)
3 3
Sé fa bon pe la vougua, S'il fait bon pour la vogue,
Què on a biè gueutau, Quand on a bien dîné,
On va è troupa On va en troupe
U bou che premenau, Au bourg se promener,
Lè des tenio de jeu, Là, des teneurs de jeux,
Que pipon neutreu seu, Qui pipent nos sous,
Et faut va lou ramazhou, Il faut voir le ramage,
Vé leu shevau de beu, Vers les chevaux de bois,
Tout fa tapazhou.(bis) Tout fait tapage.(bis)
4 4
Pédè que leu vio shéton Pendant que les vieux chantent
L'atou des shépenon Autour des chopinons
Leu zheunou dèchon Les jeunes dansent
Pi che font de bon chon. Et se font du bon sang.
Lou cha què é fa bon Le soir quand il fait beau
Deu-ja-deu y s'è von Deux à deux ils s'en vont
Choule pe le sharrizhe, Seuls par les charrières,
Què l'ombra des boïchons Quand l'ombre des buissons
Cha de lemizhe.(bis) Sert de lumière.(bis)
5 5
E pre cè que le vougue C'est pour cela que les vogues
Font a n'è pau doutau Font à n'en pas douter
Fauzhe de nouches Faire des noces
Qu'on ne comptauve pau; Qu'on ne comptait pas;
Mais malhezheujemè Mais malheureusement
De fellie, biè chouvè Des filles, bien souvent
Pe zh ava voulu rizhe Pour avoir voulu rire
On fauta devè n'è Ont faute avant un an
De na brelizhe.(bis) D'une berceuse.(bis)

LA PRAŸZHE DU PAŸJON

LA PRIÈRE DU PAYSAN

Air: «Le Credo du Paysan»


1 1
Dieu tou puissè, Dieu de mizèzhicœurde, Dieu tout puissant, Dieu de miséricorde,
Vou que depi d'amon lou pazhadi, Vous que du haut du Paradis,
Gouvarnau tou che que la tarra peurte, Gouvernez tout ce que la terre porte,
Lou firmamè, tout l'univers èti; Le firmament, tout l'univers entier;
Què lou matin, l'atou de neutra frema, Quand le matin, autour de notre ferme,
L'arba du zhou quemèche à yalenau, L'aube du jour commence à éclairer,
Réveliau me, meu servetio, ma fena Réveillez-nous, mes serviteurs, ma femme
Tui biè pourtè pe zh allau u travau. Tous bien portants pour aller au travail.
Refrain Refrain
Dieu tout puissè, don réque la péssizhe Dieu tout puissant, dont rien que la pensée
A suffi pe creïau touta l'humanitau, A suffi pour créer toute l'humanité,
Pédè la via a ma famellië ètizhe} bis Pendant la vie, à ma famille entière,} bis
Prétau benea saitau, la paix, la libretau. Prêtez bonne santé, la paix, la liberté.
2 2
Baillau azhi pe toute le recoulte Donnez aussi pour toutes les récoltes
Lou tin qu'é fau pe le fauzhe levau, Le temps qu'il faut pour les faire lever,
De tè z'è tin na reujau quauque goutte, De temps en temps une rosée, quelques gouttes,
On bon chelo, pe le fauzhe mozhau; Un bon soleil pour les faire mûrir;
Faite azhi mé que vé nou la vremena, Faites aussi que chez nous la vermine,
Leu pinzhon, leu lapin, leu ca-yons grau, Les pigeons, les lapins, les cochons gras,
Leu shevau, leu vé, la greucha bouvenea, Les chevaux, les veaux, la grosse bovine,
Tout fache arzhé, tou fache ben ènau. Tout fasse argent, tout fasse bonne année.
3 3
Prejarvau nou pre cé, dé gre plouvaizhou, Préservez-nous, pour çà des grandes pluies,
De le choitië, des mauvai j'ouragan, Des sécheresses, des mauvais ouragans,
De le grè fra dé grè co de tounaizhou Des grands froids des grands coups de tonnerre
Qu'amoin-non la grela su le machon; Qui amènent la grêle sur les moissons;
Prejarvau nou du malheu de la garra Préservez-nous du malheur de la guerre
Que chouvè lou ple tériblou de tui, Qui est souvent le plus terrible de tous,
Pichqu'y nou prè leu produit de la tarra Puisqu'il nous prend les produits de la terre
Neutreu z'éfè pi rouin-ne lou pays. Nos enfants, puis ruine le pays.
4 4
Prejarvau-nou de le mauvaije béte Préservez-nous des mauvaises bêtes
Que ne sheurshon qu'à nou fauzhe de mau, Qui ne cherchent qu'à nous faire du mal,
Depi lou leo tin qu'à le greuche guépe Depuis le loup jusqu'aux grosses guêpes
Surtout de le charpès évezhounau. Surtout des serpents venimeux.
Faite que de la rache faramena Faites que de la race faramine
Nion de vé nou ne chaye dévouzhau Personne de chez nous ne soit dévoré
Epargnau-nou la pechta, la famena, Épargnez-nous la peste, la famine,
Pi tè de mau que pourron arrevau. Puis tant de maux qui pourraient nous arriver.
5 5
Faite azhi mé gré Dieu que ma famelië Faites aussi, grand Dieu, que ma famille
Ne chaye pau tracacha des esprits, Ne soit pas tracassée par les esprits,
Des diabloutins que trouméton le fellië, Des diablotins qui tourmentent les filles,
De le féteume, des folë, des chouci; Des fantômes, des follets, des sorciers;
Faite que jamais dè le seneguougue, Faites que jamais, dans les synagogues,
Que cè reveniès font pe nous têtau, Que ces revenants font pour nous tenter,
Qué bin ces damnau vindront de grè troupe Quand même ces damnés viendraient de grandes troupes
Que nion vé nous ne s'y laiche ètrin-nau. Que personne de chez nous ne se laisse entraîner.
6 6
Mais che pretè pèdè me n'existanche Mais si pourtant pendant mon existence
E vou plaije mon Dieu pe m'éprouvau, Il vous plaisait mon Dieu pour m'éprouver,
De m'accablau de pinne, de chouffranches, De m'accabler de peines, de souffrances,
De grè shagrin, de terriblou fléau, De grands chagrins, de terribles fléaux,
Loin de grondau contre cho que gouvarne, Loin de gronder contre celui qui gouverne,
A deux zheno devè vou de dezha: A deux genoux devant vous je dirai:
De gràce épargnau me don tè d'alarmes De grâce épargnez-moi tant d'alarmes
Dieu de bontau, preni pedia de ma. Dieu de bonté, prenez pitié de moi.
Refrain Refrain
Dieu tout puissè, don réque la pessizhe Dieu tout puissant, dont rien que la pensée
A suffi pe creïau touta l'humanitau, A suffi pour créer toute l'humanité,
Apré ma meu, u dela de la bizhe} bis Après ma mort, au delà de la bière} bis
Baillau me u pazhadi, via pe l'éternitau. Donne-moi, au paradis, vie pour l'éternité.

LA GRÈ VELIA

LA GRANDE VEILLÉE


1

Vé zé Peré à la grè velia,

Què yè na qu'on don avu fra.

Ey a vede brove fellië

Maularèzhia,

Que leu gachon d'vonagneula

Ont bin guétia.

1

Chez Joseph Perret à la grand'veillée,

Qu'il y en a qui ont donc eu froid.

Il y avait de belles filles,

Mal arrangées,

Que les garçons de vacagnole

Ont bien regardées.

2

Leu magna pe che dévreti,

Fuzhon quezhi on menétri;

Toute le felië de la zelize

Ont greu dèchà.

Pèdè que d'autre Caillassizhe

Le jon guétià.

2

Les magnats, pour se divertir,

Furent quérir un ménétrier;

Toutes les filles de la Gelière

Ont gros dansé.

Pendant que d'autres Caillassières

Les ont regardées.

3

E y ave latië de Pelo

Qu'azhe voulu baill'on bon co,

Mé le s'ène, quemè biè d'autres,

Vra bin pachau;

Quèbin l'ave che brauve shauche,

L'na pau trouvau.

3

Il y avait celle du Pêloux

Qui aurait voulu donner un bon coup,

Mais elle s'en est, comme bien d'autres,

Vrai bien passé;

Quand même elle avait ses jolis bas,

Elle n'a pas trouvé.

4

Mè la ple fouala des gachon,

Ye bin Meïon du Shavaton;

Què lè sin yon dè neutron carou,

L'y vin tou drà,

Qué cheye Zhon, Liaudou u Piarou,

Le vu lou và.

4

Mais la plus folle des garçons,

C'est bien Mion du Chavaton;

Quand elle en sent un dans notre quartier,

Elle y vient tout droit,

Que ce soit Jean, Claude ou Pierre,

Elle veut le voir.

5

E la Marlà, lou freguelion,

Que sè va pe zhè gaugnië yon.

Et fau la va me pe le sharizhe,

Che dèvenië,

Eya de qua vous fozhe rizhe

De la guétië.

5

C'est la Merle, le freguillon,

Qui s'en voit pour en gagner un.

Il faut la voir par les charrières,

Se démener,

Il'y a de quoi vous faire rire

De la regarder.

6

Qu'a compoujau che la séchoun?

Eye Perè lou farnézhou.

On zhou pèdè que l'ègrenauve

On chà de pon,

Pi que la Meïon abouquauve

Seu greu shapon.

6

Qui a composé cette chanson?

C'est Perret le «farnairon»[1].

Un jour pendant qu'il engrenait

Un sac de pain,

Puis que la Mion embecquait

Ses gros chapons.

[1] Meunier.

LEU GACHON DE VERIA

LES GARÇONS DE VIRIAT

Air de «La Grè Velia»


1

On shète le fellië de Veria,

Mè vè vous shètau leu magna

Dè vio gachon, quemè dè zheunou,

De parlezhe,

Sè ébleië quèque bon j'oumou

Dé meu couple.

1

On chante les filles de Viriat,

Je m'en vais vous chanter les magnats

Des vieux garçons, comme des jeunes,

Je parlerai,

Sans oublier quelques bons hommes

Dans mes couplets.

2

Pe ne point fauzhe de zhelo,

Queméchin va pe leu ple vio:

On dit que cho de la Zhelizhe

Va quauque co

E queuté vè de Caillassizhe

Que n'on pau po.

2

Pour ne pas faire de jaloux,

Commençons voir par les plus vieux:

On dit que celui de la Gelière

Va quelque fois

Voisiner chez des Caillassières

Qui n'ont pas peur.

3

Nou j'in n'autrou fameu pailla,

A l'étrau dé shon de Veria,

Qu'ave bin na brauva métrèche

Vè shemesi;

Mè deri leu beu de le Baiche,

Lou leo l'a pri.

3

Nous avons un autre fameux paillard,

A l'entrée des champs de Viriat,

Qui avait bien une jolie maîtresse

Vers les Merciers;

Mais derrière les bois des Baisses,

Le loup l'a pris.

4

Velivou on bon breïaudi?

Nou z'ènin yon à Shemessi,

Pe tourtellië le zheune fellië,

Le dè premi;

Pe zhouïe na paucha de guellië,

Contau su lui.

4

Voulez-vous un bon dégourdi?

Nous en avons un aux Merciers,

Pour tortiller les jeunes filles,

C'est un des premiers;

Pour jouer une partie aux quilles,

Comptez sur lui.

5

A yé crazhe la Rénoumau

Shaution fazhe on peu de mau;

She bin qu'è Grefouë, on zheun'oumou,

A che qu'on cra,

Ballië de fameu co de chabrou,

Dè chon contra.

5

A en croire la renommée

Chacun ferait un peu de mal;

Si bien qu'aux Greffets, un jeune homme,

A ce que l'on croit,

Donne des fameux coups de sabre,

Dans son contrat.

6

E che t'azhi de, pe Liazha,

D'on greu tartazhé qu'é y a,

Que pe desènouye cha fena,

Y va tou dra,

S'égauniaïe vè cha vézena

Quê vint lou cha.

6

Il s'est aussi dit, par Fleyriat,

D'un gros «tartaré»[2] qu'il y a,

Que pour désennuyer sa femme,

Il va tout droit,

S'étendre chez sa voisine

Quand vient le soir.

7

Nou z'in nautrou zheunou mariau

Qu'ame greu leu brovou shevau;

L'ame de mémon de fremizhe,

Dit-on vé nou,

A Têvou, à la Bretenizhe,

L'é n'a pretou.

7

Nous avons un autre jeune marié

Qui aime gros les beaux chevaux;

Il aime de même des fermières,

Dit-on chez nous,

A Tanvol, à la Bretonnière,

Il en a partout.

8

Mé lou ple fricouti de tui,

E zhouzè lou cabazhati,

E n'a cozi pau zheuna fena

Dè lou paï,

Que n'a vio lou bé de cha plema

Dè seu papi.

8

Mais le plus fricotteur de tous,

C'est Joseph, le cabaretier,

Il n'y a presque pas de jeune femme

Dans le pays,

Qui n'ait vu le bec de sa plume

Dans ses papiers.

9

Nou j'in azhi on tabati

Qu'à chouvè chon ciga èpri;

On menizi qu'à cha varloupa

Touzhou montau;

On marshau qu'a na piëche shauda

Touta l'ênau.

9

Nous avons aussi un marchand de tabac

Qui a souvent son cigare allumé;

Un menuisier qui a sa varlope

Toujours montée;

Un maréchal qui a une pièce chaude

Toute l'année.

10

E y èna pretè yon u bou

Que vin on peu moin avoué nou,

Mè che l'ebleye neutra bèda,

L'a che rèyon:

E que l'a na brauva serveta,

Dè cha méjon.

10

Il y en a pourtant un au bourg

Qui vient un peu moins avec nous,

Mais s'il oublie notre bande,

Il a ses raisons:

C'est qu'il a une jolie servante,

Dans sa maison.

11

Pe què à cè de Thèvenon,

Si che retizhon tout de bon:

L'azhon compris qu'è mariazhou,

Sè biè seurti,

On peu vra bin dè chon moin-nazhou,

Che dèvreti.

11

Pour quant à ceux de Thevenon,

S'ils se retirent pour tout de bon:

Ils auront compris qu'en mariage,

Sans beaucoup sortir,

On peut très bien dans son ménage,

Se divertir.

12

Pe présidau che l'assêblau,

Nou j'in neutre n'ami Putau,

Cho qu'à dix leïes à la reïonda

Ye renoumau

Pe le z'ébaude, pe la vougua,

Pi pe troutau.

12

Pour présider cette assemblée,

Nous avons notre ami Puthod,

Celui qu'à dix lieux à la ronde

Est renommé

Pour les ébaudes, pour la vogue,

Puis pour trotter.

13

Pe trouvau cè que zh'ai shètau,

Sheurshau dè leu bon décidau:

Eye na troupa de bon bizou

Sè leu vaitau.

Que rèdon greu mè de servichou

Qu'on ne di pau.

13

Pour trouver ceux que j'ai chanté,

Cherchez parmi les bons décidés:

C'est une troupe de «forts lurons»

Qui rendent gros plus de services

Qu'on ne dit pas.

[2] Tartaré—homme solide.

LA VIA DES PAŸJONS

LA VIE DES PAYSANS

Sur l'air de «Béranger»


1

De vu shètau lou mondou de quèpagne,

De vu shetau la via des payjons;

Ne courriashè pau cè de la montagne,

De parlezhe lamè des bons Brachons;

De shètezhe che le zheunes Brachondes

Què brede rouzhes, brovou chabou blanc,

Chavon têtau, le brene pi le blonde,

Seu grès monsus quemè leu payjons.  (bis)

1

Je veux chanter le monde de la campagne,

Je veux chanter la vie des paysans;

Ne connaissait pas ceux de la montagne,

Je parlerai seulement des bons Bressans;

Je chanterai ces jeunes Bressannes

Qui ont brides rouges, jolis sabots blancs,

Savent tenter les brunes et les blondes,

Les grands messieurs comme les paysans.  (bis)

2

Che leu Brachon ont chouvè gros de pinne,

Lont bin azhi jo moumès de plasi:

U zhou de l'è, lou tin de le z'étrinne,

Tui leu magnas vont shourshië de geni.

Vinr Carmètrê. Vè l'atië qui courtije,

Shauque galan va brulau son foulieu:

L'a fa dèche latou de ia bodizhe

E l'y parlè de che mariau jo deu.  (bis)

2

Si les Bressans ont souvent gros de peine,

Ils ont bien aussi leurs moments de plaisir:

Au jour de l'an, le temps des étrennes,

Tous les magnats vont chercher du «gèni».

Vient Carnaval. Chez celle qu'il courtise,

Chaque galant va brûler son faulieu:

La fait danser autour du brasier

En lui parlant de se marier eux deux.  (bis)

3

On peu ple tar, qu'è revenion le vougue,

Leu vra Brachon chavon che dèvreti;

Aprè machon; y font pretou de couque

Què chon bredau le meïe, leu pali.

Vint Sè Meshië, leu vashi, le vashizhe

U prau nous font mèzhië leu matafon;

Pi Sé Martin, è ramenè la bize,

Dè servetio vint garni lou bouchon.  (bis)

3

Un peu plus tard, quand reviennent les vogues,

Les vrais Bressans savent se divertir;

Après moissons, ils font partout des coques

Quand sont bridés les meules, les paillers.

Vient St Michel, les vachers, les vachères

Au pré nous font manger des matefins;

Puis St Martin en ramenant la bise,

Des serviteurs vient garnir le gousset.  (bis)

4

N'assuizhe pau sè parlau de le nouche

Quemè chavon le fauzhe leu Brachons;

Y font, cé zhons, è guija de breïoushe,

De grè fournè de tautres de pounions;

E t'adon qué fauva, prè de le felliës,

Leu dégredis, pourtios de dezhon-nons,

Chotau, dèche, déconliau le boutelliës,

E shète tui: Vive leu Payjons.  (bis)

4

Je ne finirai pas sans parler des noces

Comme savent les faire les Bressans;

Ils font, ces jours, en guise de brioches,

Des grandes fournées de tartes de pognons;

C'est alors qu'il faut voir près des filles,

Les dégourdis porteurs de déjeuners,

Sauter, danser, dégonfler les bouteilles,

En chantant tous: Vive les Paysans.  (bis)

5

Vetia quemè, loin du bri de la vela,

Pache cha via, l'honête payjon.

Che du monsu, y n'a pau la pè fena,

Y n'a pau teu moins de queu, moins de chang;

Si ne seutin ne ra, ne république,

E fau lou va défèdre cha Patrie;

E tin de pai, touta cha politique

Ye de répli che cauve, seu greni.  (bis)

5

Voilà comment, loin des bruits de la ville,

Passe sa vie, l'honnête paysan.

Si du monsieur, il n'a pas la peau fine,

Il n'a pas moins de cœur, moins de sang;

S'il ne soutient ni roi, ni république,

Il faut le voir défendre sa Patrie;

En temps de paix, toute sa politique

Est de remplir ses caves, ses greniers.  (bis)

6

Bons payjons, pe gardau l'Espezhanche,

Gardins la foi dè cha simplicitau;

Pe mezetau de tui la confianche,

Gardin nous biè de mèti, de trompau;

Pe zh'ètre amau, ne sheurshin pau la gara;

A cè qu'on fon, baillin on peu de pon;

Efin pe zh'étre èdèpèdè su tara,

Meu bon j'amis, demeuzhin payjon.  (bis)

6

Bons Paysans, pour garder l'Espérance,

Gardons la foi dans sa simplicité;

Pour mériter de tous la confiance,

Gardez-nous de mentir, de tromper;

Pour être aimé, ne cherchons pas la guerre;

A ceux qui ont faim, donnons un peu de pain;

Enfin pour être indépendant sur terre,

Mes bons amis, restons paysan.  (bis)

LOU BATÉMOU D'ON GACHON

LE BAPTÊME D'UN GARÇON


1 1
De plazi de pardou la téta De plaisir je perds la tête
On me bateye on greu gachon, On me baptise un gros garçon,
E fau qu'on fache tui biè la fèta, Il faut qu'on fasse tous bien la fête,
Api qu'on bave ou plein pouchon. Et puis qu'on boive un plein tonneau.
Refrain Refrain
Leu bon brachon font la ripaille Les bons bressans font la ripaille
Pe lou batémou d'on gachon, Pour le baptême d'un garçon,
Pe tui biè fauzhe bredifaille, Pour tous bien faire bredifaille,
Que la vieula ch'aqueurde } bis Que la vieille s'accorde } bis
Avoua neutra shèchon. Avec notre chanson.
2 2
Quezenizhe qu'on che dèpashe Cuisinières que l'on se dépêche
D'allau quezhi vé lou beushi, D'aller chercher vers le boucher,
Reuti de vé, frecacha de vashe, Rôti de veau, fricassée de vache,
Pi de poulaille u poulali. Puis des poules au poulailler.
3 3
Pe cheti voui, point de quatrouille, Pour aujourd'hui point de pommes de terre,
Point de pa, point de j'hazbicau, Point de pois, point d'haricots,
Point d'échcargou, point de renouille Point d'escargots, point de grenouille
Et faut qu'on reboute u fricau. Il faut qu'on «reboute»[3] au fricot.
4 4
De j'ole chon rèzhia è fache Des marmites sont rangées en face
Du foua, d'on grou fagou bredau, Du feu, d'un gros fagot bridé,
Etèdivou frejoulau la cache, Entendez-vous rissoler la poèle,
La frecacha vou monte u nau. La fricassée vous monte au nez.
5 5
Zheunou magna, zeune female, Jeunes magnats, jeune femelles,
Shètau, dêchau, faite des fos, Sautez, dansez, faites les fous,
Pèdè qu'allietau su jo chale, Pendant que collés sur leur chaise,
Tin qu'à demon bezhon leu vios. Jusqu'à demain boiront les vieux.
6 6
Coumèzhe, aku don de froumaille Commère, jette donc des dragées
Su la marmaille, à plin-ne mon; Sur la marmaille, à pleines mains;
Pi l'è que vin à neutre z'époujaille, Puis l'an qui vient à nos épousailles,
Y dèchezhon lou rigoudon. Ils danseront le rigodon.

[3] «Rebouter»—renoncer pour ne plus pouvoir manger.

LEU PAŸON VAILLON BIN LEU MONSU

LES PAYSANS VALENT BIEN LES MESSIEURS


1

On di qu'è ya de monsu pe zh'a prède

D'è mou é fo de ruja è crétins.

E païjon pe pouva è revèdre,

E fau ma fa che révelie matin.  (bis)

Honnête et franc, méprijè la carrouta,

Pre lui l'honneu pache avè leu z'écu.

Pi sé chazi de baille na calouta,

Leu payjons vaillon bin leu monsu.

1

On dit qu'il y a des messieurs pour apprendre

De l'esprit aux fous de la ruse aux crétins.

Aux paysans pour pouvoir en revendre,

Il faut ma foi se réveiller matin.  (bis)

Honnête et franc, méprisant la carrotte,

Pour lui l'honneur passe avant les écus.

Puis s'il s'agit de donner une calotte,

Les paysans valent bien les messieurs.

2

Qué, à douje è d'allauva à l'écœula,

D'apreniva, lou valin dé shemin,

A goulattau à biè fauzhe la reuva;

Què on monsu me traiti de gamin.  (bis)

Y m'appeli: Païjon la beshache.

L'y répondi: te m'au l'air d'on canu.

On s'épegni tui deu pe la tegnache,

Leu païjon vaillon bin leu monsu.

2

Quand, à 12 ans, j'allais à l'école,

J'apprenais, le long des chemins,

A colleter à bien faire la roue;

Quand un monsieur me traita de gamin.  (bis)

Il m'appela: Paysan la besace.

Je lui répondis: Tu m'as l'air d'un canut.

On s'empoigna tous deux par la tignasse,

Les paysans valent bien les messieurs.

3

Vé meu quinjê, d'ava zhia lou vezazhou

Garni de pa, nazhayè chou lou nau;

E n'ave pau, dè tou lou vezenazhou,

On ga ple dra, on cadé mio plètau.  (bis)

De pourtauva mon shapé su l'ourellie,

Mio qu'on préfet ne peurte chon cournu;

Sè le parlau, d'amauva zhia fellie.

Leu païjon vaillon bin leu monsu.

3

Vers mes quinze ans, j'avais déjà le visage

Garni de poils, noircissant sous le nez;

Il n'y avait pas dans tout le voisinage,

Un gars plus droit, un cadet mieux planté.  (bis)

Je portais mon chapeau sur l'oreille,

Mieux qu'un préfet ne porte son cornu;

Sans leur parler, j'aimais déjà les filles.

Les paysans valent bien les messieurs.

4

Mé à vingt è, é fu bin autre seuje;

N'ava biè sui pau mon métie à Pazhi.

De fu noumau pe ma taille, ma feuche,

Lou peurte-drapeau des conchcri du paï  (bis)

De tui leu lion, toute le zheune fellie

E me va-yé m'avalauvon dè z'u,

Ne sezhe t'eu que pe zhouhie à le guellie,

Leu païjon vaillon bin leu monsu.

4

Mais à vingt ans, ce fut bien autre chose;

Je n'avais bien sûr pas mon maître à Paris.

Je fus pommé pour ma taille, ma force,

Le porte-drapeau des conscrits du pays  (bis)

De tout côté, toutes les jeunes filles

En me voyant m'avalaient des yeux,

Ne serait-ce que pour jouer aux quilles,

Les paysans valent bien les messieurs.

5

On peu ple ta, què vin sizhon le garre,

Qu'on éclatau, pe la révolution;

E combattè, dè toute le bagarre,

D'ézha touzhou placha u premi ron  (bis)

Pédè cho tin, è deri le vatezhe

Sharrayovon leu monsu trou vètru,

Dè leu comba lèchau me vou zeu dezhe,

Leu païjon vaillon bin leu monsu.

5

Un peu plus tard, quand arrivèrent les guerres,

Qui ont éclaté, pour la Révolution;

En combattant dans toutes les bagarres,

J'étais toujours placé au premier rang  (bis)

Pendant ce temps, en arrière, les voitures

Traînaient les messieurs trop ventrus,

Dans les combats, laissez-moi vous le dire,

Les paysans valent bien les messieurs.

6

Mé, meu z'éfè, la feuche, lou couzhazhou,

Qu'avon de ma fè on preu, on vaillè

Ou déclinau, de sintou que de plaïou

Chou mon pa blanc, chou meu quatrou-vin-z è  (bis)

Mé che pretè quèbrin zh'ai de bequellie,

Quéque monsu me dije: T'é foutu;

D'amezha greu li fretau le j'ouzhellie.

Leu païjon vaillon bin leu monsu.

6

Mais, mes enfants, la force, le courage,

Qui avaient de moi fait un preu, un vaillant

Ont décliné, je sens que je plie

Sous mes cheveux blancs, sous mes 80 ans  (bis)

Mais si pourtant, quoique j'aie des béquilles,

Quelque monsieur me disait: Tu es fichu;

J'aimerais bien lui frotter les oreilles.

Les paysans valent bien les messieurs.

LA CHOUP' È VIN

LA SOUPE AU VIN


1

L'èzhon bin nava tra coumèzhe

Vè la Maria, vè la Maria,

Que che dejon yena à l'autra,

Eya pedia, éya pedia

Eya pri mau à la Liaudinna,

Cheti matin, cheti matin,

Fin li don vivamè na choup'è,

Na choup'è vin, na choup'è vin.

1

Elles étaient une fois trois commères

Chez la Maria, chez la Maria,

Qui se disaient l'une à l'autre,

Il y a pitié, il y a pitié

Il a pris mal à la Claudine,

Ce matin-ci, ce matin-ci,

Faisons lui vivement une soupe,

Une soupe au vin, une soupe au vin.

2

Commèze, de si bin malada,

Eya grè tein, éya grè tein,

E me fa greu mau dè l'estouma,

Pi dè le rein, pi dè le rein;

Pretè ne vu ne médecena,

Ne médecin, ne médecin;

D'amezha mio n'écouala plin-na

De choup'è vin, de choup'è vin.

2

Commère, je suis bien malade,

Il y a longtemps, il y a longtemps,

Il me fait grand mal dans l'estomac,

Puis dans les reins, puis dans les reins;

Pourtant je ne veux ni médecine,

Ni médecin, ni médecin;

J'aimerais mieux une écuelle pleine

De soupe au vin, de soupe au vin.

3

L'è buzhon shotiëna d'écouala,

Dra lou matin, dra lou matin;

A midi l'è buzon encouzhe

Ne sai combin, ne sai combin.

Lou chà, metizhon su la traubla

Lou grè tepin, lou grè tepin,

Pi lou buzhon bien plein shotiëna

De choup'è vin, de choup'è vin.

3

Elles en burent chacune une écuelle,

Dès le matin, dès le matin;

A midi elles en burent encore

Je n' sais combien, je n' sais combien.

Le soir, elles mirent sur la table

Le grand pot, le grand pot,

Puis le burent plein chacune

De soupe au vin, de soupe au vin.

4

A ta sétau, neutra vézenà,

Ba on bon co, ba on bon co,

Pi que le rein, pi que l'estoumà

Che peurte mio, che peurte mio.

Vramè, què dèvale la goutta,

Le fa de bin, le fa de bin;

Pe la sétau, vive l'écouala

De choup'è vin, de choup'è vin.

4

A ta santé, notre voisine,

Bois un bon coup, bois un bon coup,

Puis que les reins, puis que l'estomac

Se portent mieux, se portent mieux.

Vraiment, quand descend une goutte,

Elle fait du bien, elle fait du bien;

Pour la santé, vive l'écuelle

De soupe au vin, de soupe au vin.

5

Le che dijon, pe le sharizhe,

E s'én 'alè, è s'èn' alè:

Cheu co nou chin vramè trou grije,

Tenien nou biè, tenien nou biè,

De nou, tou lou mondou ch'amouije

Què nou brèlin pe leu shemin.

Nou z-é che bin vedià l'écouala

De choup'è vin, de choup'è vin.

5

Elles se disaient, par les charrières,

En s'en allant, en s'en allant:

Cette fois nous sommes vraiment trop grises,

Tenons-nous bien, tenons-nous bien,

De nous, tout le monde s'amuse

Quand nous branlons par les chemins.

Nous avons si bien vidé l'écuelle

De soupe au vin, de soupe au vin.

6

Pretè, che quauthion nou demède

D'u nou venien, d'u nou venien,

Nou chazhin pro que leu repondre,

Nou leu dezhin, nou leu dezhin:

Eya pri mau à la Liaudin-na,

Cheti matin, cheti matin;

L'ezhe fouthia sè che n'écouala

De choup'è vin, de choup'è vin.

6

Pourtant, si quelqu'un nous demande

D'où nous venons, d'où nous venons,

Nous saurons assez que leur répondre,

Nous leur dirons, nous leur dirons:

Il y a pris mal à la Claudine,

Ce matin, ce matin;

Elle était fichue sans son écuelle

De soupe au vin, de soupe au vin.


LA BOUILLAUDA DE SÈ NEZI

LA BOUILLAUDE DE ST NIZIER

1

A Sè Nezi on dit qu'èya

Na bouillauda malada

Alle malada dè chon lia,

Sè chava la rajon prequa.

1

A Saint-Nizier on dit qu'il y a

Une bouillaude malade

Elle est malade dans son lit,

Sans savoir la raison pourquoi.

2

Et faut allau à Shalamon

Pe quezhi monsu Marlou,

Cho mèdecin cougnatra bin

Tie que la maladie che tin.

2

Il faut aller à Chalamont

Pour quérir Monsieur Merle,

Ce médecin connaîtra bien

Où la maladie se tient.

3

Què monsu Marlou l'u toteau

Y di à la bouillauda,

Che n'ami vou ja margoutau

E lui qu'azha fait tout lou mau.

3

Quand Monsieur Merle l'eut tâtée

Il dit à la bouillaude,

Si un ami vous a margottée

C'est lui qui aura fait tout le mal.

4

Ne crayou pau que me n'ami

M'aïe rèdia malada,

Depi si ma que le moudau

Ne l'y ai jamai reparlau.

4

Je ne crois pas que mon ami

M'ait rendue malade,

Depuis six mois qu'il est parti

Je ne lui ai jamais reparlé.

5

Ne sezhe teu pau de cho tein

Que la maladi poche?

Contau me cè, ne cashau rien,

De vu chava de qui le vin.

5

Ne serai-ce pas de ce temps

Que la maladie pousse?

Contez-moi ça, ne cachez rien,

Je veux savoir d'où elle vient.

6

E lou cha de la sè nezi

Que deri neutra buzhe

Pe pouva mio nou margouton

Nou j'allizhin nou premenau.

6

C'est le soir de la St Nizier

Que derrière notre écurie

Pour pouvoir mieux nous margoter

Nous allâmes nous promener.

7

Qué y m'u margoutau chon seu

Y me cali pe tarra,

Pi s'y cali tou quemè ma

Sè dezhe la rajon prequa.

7

Quand il m'eut margottée son saoul

Il me jeta par terre,

Puis s'y jeta tout comme moi

Sans dire la raison pourquoi.

8

Eye sè que d'ava pèchau

Marmouti monsu Marlou,

Pe mezhi sè n'a pau de mau

Eyè n'a greu pe vou mariau.

8

C'est ce que j'avais pensé

Marmotta Monsieur Merle,

Pour mourir, il n'y a pas de mal

Il y en a gros pour vous marier.

9

De cho que vou j'a cazhècha

Faut dèveni la fena

N'autrou sezhe pézhe è tra ma

Sè chava la rajon prequa.

9

De celui qui vous a caressée

Faut devenir la femme

Un autre serait père en trois mois

Sans savoir la raison pourquoi.

10

Què vou z'izha vou premenau,

Vou j'autre, zheune felie,

Ne vou lachau pau margoutau

E n'a rè que fa té de mau.

10

Quand vous irez vous promener,

Vous autres, jeunes filles,

Ne vous laissez pas margotter

Il n'y a rien qui fasse tant de mal.

TRAVAS DU MARIAZHOU

TRAVERS DU MARIAGE

1

Dè lou tin que d'ezha servaita,

D'ava toute seurte d'amis;

Lou cha venivon à ma peurta,

Leu z'ébaudis, leu menétris.

Mè depi que de si mariau

Pleni me peuvra Liauda,

La nai, lou zhou dai la téta cachau,

Eya don bin shezhia d'ébauda.

1

Dans le temps que j'étais servante,

J'avais toutes sortes d'amis;

Le soir venaient à ma porte,

Les ébaudis, les ménétriers.

Mais depuis que je suis mariée

Plaignez-moi pauvre Claudine,

La nuit, le jour j'ai la tête cassée,

Cela a bien changé d'ébaude.

2

Tui leu matin què de me livou,

Què bin n'ai ré dremi la nai,

E faut que me dépasha vitou

A levau tui meu cachcazhè.

Eya de mardea leu plein lia,

Dè leu crë, su la traubla;

Eya on zhou que d'ava fournaya,

L'on sheyà dè ma pauta.

2

Tous les matins, quand je me lève,

Quand même je n'ai rien dormi de la nuit,

Il faut que je me dépêche vite

A lever tous mes marmots.

Il y a de la m... les pleins lits,

Dans les berceaux, sur la table;

Il y a un jour que je faisais au four,

Ils ont ch... dans ma pâte.

3

Cheteu levau, che la marmaille

Brame la cha, brame la fon;

On che quere va na bataille

A leur va chautau su lou pon,

Leu jon demêdon de paria,

D'autrou vedron de tautra;

L'avalezhon de mardea frecacha

Chon deje qué de dauba.

3

Sitôt levée, cette marmaille

Pleure la faim;

On croirait voir une bataille

En les voyant sauter sur le pain,

Les uns demandent de la confiture,

D'autres voudraient de la tarte;

Ils avaleraient de la ... fricassée

Si on disait que c'est de la daube.

4

Pe comblou de malheu, zh'ai n'houmou

Que ne déjartzhe jamais.

Touta la zhournau, l'a lou coudou

Su le trauble dè cabazhé;

N'ai pau cheteu deu seu gaugna,

Qu'y pachon pe cha gueula.

Hola! grè Dieu, de ma prenni pedia,

De si trou malezheuja.

4

Pour comble de malheur, j'ai un homme

Qui ne désaltère jamais.

Toute la journée, il a le coude

Sur les tables des cabarets;

Je n'ai pas sitôt deux sous gagnés,

Qu'ils passent par sa gueule.

Hélas! grand Dieu de moi prenez pitié,

Je suis trop malheureuse.

5

Equetau bié, zheune female

Che troumètau de vous mariau,

Ne chayau don pau mé che fouale,

Evio cè galons premenau,

Pèdè qu'y vou parlon d'amou,

E n'a rè de ple chazhou;

On co mariau, che fouton bien de vou,

Pi de veutron moin-nazhou.

5

Écoutez bien, jeunes femmes

Si tourmentées de vous marier,

Ne soyez donc pas si folles,

Envoyez ces galants promener,

Pendant qu'ils vous parlent d'amour,

Il n'y a rien de plus sage;

Une fois marié, ils se fichent de vous,

Et puis de votre ménage.


LOU BOUË DE NOUYÉ

LE BŒUF DE NOËL

Air: «La grè velia»


1

Nou zin on grè beuschi vè nou,

Quemè è né n'a po pretou,

Ne tuvè jamé que de vache,

Lou bon gachon

Achoume chele peuvre carnes

A co de ron.

1

Nous avons un grand boucher chez nous

Comme il n'y en a pas partout,

Ne tuant jamais que des vaches,

Le bon garçon

Assomme ces pauvres carnes

A coup de balais.

2

Che t'eyè, pe fozhe Nouyé,

L'a tiau; u mouatè de la nai,

On boue, qu'a ètèdre seu dezhe,

Ezhe she greu

Qui pourre ferni tra quemenes

Quemè Marbeu.

2

Cette année, pour faire Noël,

Il a tué, au milieu de la nuit,

Un bœuf, qu'a entendre son dire,

Etait si gros

Qu'il pourrait fournir trois communes

Comme Marboz.

3

On co cho fameu bouë saigna,

Conlio pèdu, pi depouilla,

Y l'uvrit vitou la vètraille.

Peuvrou nouyé!

N'ave t'y po dê le z'étrailles

On pete vè.

3

Une fois ce fameux bœuf saigné,

Gonflé, pendu et dépouillé,

Il lui ouvrit vite la ventraille.

Pauvre noël!

N'avait-il pas dans les entrailles

Un petit veau.

4

Non pau d'écroutau cho meurnè,

I fu découpo ê moucè,

Pi debraye dê na chodizhe

Avouai leu bouè

Pe z'ètre betau è chaussiches,

E n'autezhé.

4

Au lieu d'enfouir ce mort-né,

Il fut découpé en morceaux,

Puis broyé dans une chaudière

Avec les boyaux

Pour être mis en saucisses,

En fricandeaux.

5

On co que tout fu fabreco;

Y couzhi fozhe tebourno,

Que cè qu'on fauta de zhezheule

Alon vé lui;

Y leu z'è vêdra de fameuje,

L'ê-na pre tui.

5

Une fois que le tout fut fabriqué;

Il courut faire tambourner,

Que ceux qui ont besoin de saucisses

Aillent chez lui;

Il leur en vendra des fameuses,

Il en a pour tous.

6

Lou lèdemon, tout cho fricau,

Pe lou paï fut débito.

L'è vèdi à toute le fene

Dé z'èvezhon;

Pe zh'étre mezhia dè le freme,

U rèvelion.

6

Le lendemain, tout ce fricot,

Par le pays fut débité.

Il en vendit à toutes les femmes

Des environs;

Pour être mangé dans les fermes,

Au réveillon.

7

Avouai l'équema du belion,

Ecrim-mo su che l'avourton,

Neutron beuschi, houmou pratique

E-n'a fondu

De grè cizhou qua la fabrique,

L'a tui vèdu.

7

Avec l'écume du bouillon,

Ecrémée sur cet avorton,

Notre boucher, homme pratique

En a fondu

De grands cierges qu'à la fabrique,

Il a tous vendus.

8

La servèta qu'ave tout vu

N'è pouvè po crazhe seu zu,

Pe lou bou raconti la seujha,

Sè mau pècho,

Sè comprede que sha pazheula

Sezhe péjo.

8

La servante qui avait tout vu

N'en pouvant pas croire ses yeux,

Par le bourg raconta la chose,

Sans mal penser,

Sans comprendre que sa parole

Serait pesée.

9

Dhotion bin libaou de seu gout,

Mè d'espézhon greu que vè nous,

On frecachezha de catrouille

A l'aveni,

Pleteu qu'alo a la fripouille

Vé lou beuchi.

9

Chacun est bien libre de ses goûts,

Mais j'espère fort que chez nous,

On fricassera des pommes de terre

A l'avenir,

Plutôt que d'aller à la fripouille

Chez le boucher.

10

Quy teu qu'a fait chela sèchon?

E yon que n'a po leu blévon,

Po lamê leu fils à la lingua

Què é shazi

De fozhe paschau la verguinnea

D'on greu beuschi.

10

Qui est-ce qui a fait cette chanson?

C'est un qui n'a pas les blevons[4],

Ni même les fils à la langue

Quand il s'agit

De faire passer la rancune

D'un gros boucher.

[4] Mal de gorge et de la langue.

PETITE SCÈNE DE LA VIE

Vé lou Barbi

Allon meu j'ami, quemè è vous voyé bauliau vous éte l'air de vou j'amouije su veutre chale quemè ch'amouijezhon na frelia de gouafon qu'on fazhe banië dè on leni d'étale, é fau que vous raconta quauque seuja pe zh'assuizhe de vou j'èdremi.

Me n'affauzhe che pache vè on barbi—de Veria.

Pe pouva, à tui, vou fauzhe avalau mon boucon sè trou vou freni de chocha, è fau que de vou deya que neutron barbi, on grè dépèdia de zhèzheule ch'apale Grégueula (on niom que convin vra bien a chela seurta de profession tië, pichqu'éye convenu, dè tou pay, qu'on rajo de pauva parlau leu zhou èti sè lamè prède lou tein de che moushië d'on bin d'allau chequeurre cha quelauta).

D'ézha don vè lui dimeshe matin pe m'y fauzhe émoutau pe lou premi co, leu deu z'u tra pa fo que me catelion la pé chou lou nau, què Liaudou Troupréchau, Bena Binlaizi, Piarou Crainlabise, Tienou Goubaleuzha, pi na troupa d'autrou que ne cougnashon pau l'amè y étrizhon azhi pe che fauzhe décayonnau devè la grèmecha.

Allon, vetia don mon Grègueula que, pe ne pau lèche èdremi tui cè j'houmou su chon bon, quemèche, quemè font touzhou cè que velion parlau pe ne rè dezhe, à parlau de la plouzhe pi du bon tin, deyè quemè cè, è che veriè du lion de la peurta pe zh'i consultau lou tin qu'éyave l'air de fauzhe: Eh bin! que dit-on de cho tin, é dè lou ca de fauzhe bon cheti voui sé ne pleut pau.

—Oh! éyeu faudre bin que repond lon pézhe Crainlafra, éye greu ple dreulou de chequeurre la pocha de cha quelauta que de rauliau la gueullie de che caboute.

—Oh! bon pe la pocha, que reprè Baptista Quamerizhe, mè à part cè, ma vou deyon que na peteta reujau shauda fa touzhou de bin tie que le déroushe: de pourra mèmou vou z'en prouvau pichque la derizhe qu'à deravatau vè nou a fait repochau tin qu'à le poume rin-nette de neutra métrecha—quemê vou zete vu sê douta.

1er Refrain

Dè tou pays què la dimèshe
On tin d'aprède lou nouvé
Vé lou barbi è faut che rèdre } bis
E vé lui qu'è s'è di lou mé.

SCÈNE II

Allon pèzhe Binlaisi de crayou qu'éye t'a veutron tou; veni va que de vou rauselia on peu che la vieillie pé de beya pédé que Piarou Crainlabise va nou dezhe s'èye vra va qui che décide cheu co à mariau cha fellie.

—Oh! oh! qu'y repond, è seureyè dè cha barba que frije quemè le dé d'on pienou à dèquati le z'étoupe. Sè ne chazive que de mariau, è sezhe bin éja vé nou, è ne pau leu galon que mèquon, éyè n'a petétre bin mé de quinje que bûlon latou de Claudine quemè na troupa de bourdon nea latou de na greucha boja fréshe. Mé é ne pau tou de bourdou-nau latou é chazi de betau la mon dessu; pi vou peute contau qu'éyè faudra on dégredi pe pouva y arrevau...

—Voua, é pazha bin que ne pau vra la premizhe venia que repond Grégueula que raboutauve lou pèzhe Binlaisi è lou teniè pe lou nau de la mon gaushe quemin neutra fena tin seu poule pe la créta que le leu j'abouque.

—La premizhe venia que reprè vitou Crainlabise, oh non va vou z'eu peute crazhe, touta zheuna que le, le ne che zhin-ne pau greu pe repondre marda à cha mézhe. Avouai cè pe na fellie peupra comptau qu'eyène yena. Cè ne che moushe touzhou rèqu'avoua leu da pe ne pau chauli chon moushio de cafa. Pi pe l'économie on n'è parle pau, é ne la zhin-ne pau de pachau leu ma èti sè che lavau lou nau rèque pe zh'éparmau lou chavon. Mais è ne pau tou... che vou deja que le fa épeli leu juë réqu'è leu pourtè dè che cafe, què dezhau-vou hein? Eye pretè taulou que de vou z'eu deyou. Betin che vou veli qu'é ne pau brauvou à ma de vou z'eu dezhe mais qu'épeurte, è n'èpashe pau que pe na femala tein de mariau contau qu'eyène yena.

2e Refrain.—(air de la Liaudin-na)

La lou chon ple shau que la brauja
Leu z'u ple brelliè que lou foua
Le cha menau lou dar, la paula
L'écoucho, la shoucha, lou goua
Le raupelië mio que na fouin-na
Le ple rujau qu'on vio rena
Le chaute leu boichon sè pin-na
Le cou mio que neutron shin-na.

SCÈNE III

Mais à prepeu de mariazhou, vou, pézhe Goubaleuzha qu'éte azhi on gachon que ne pau nomple lou vra premi venu, n'è pourrau-vous pau fauzbe n'appla avoua Claudine Crainlabise? E me sèble qu'y fazhon on brauvou zho lui deux.—Qu'è dete-vous?

—D'è deyou que què la fauta de mariau l'y troutezha pe lou vètrou, mon gachon azha bin l'émou d'eu cougnatre sè que l'y deya le bin pro malin pre cètie,—Lamé, sè ava l'air de voula cayounau Claudine Crainlabize, de peuvou vou dezhe que che dégredia que le pouiche étre, de ne la crayou pau teu de taille à pouva figuzhau avoua neutron Bena, quemé vous pourra vou z'è rèdre comptou pe l'affauzhe que de vai vous racontau.

—Eya pretië on cha de la chemon-na pachau que cha mézhe, ènouya de touzhou vèlau le po chouleta, l'y deci quemè cè è choupè—Bena quemè rèque è te vayè rouzhayë lou blan des u, pi garlayë lou fon de ta quelauta què te moude, de cougnashou qu'é te vetia dravouzhe tin de mariau, de te premashou t'ashetau on boune bardou lou premi co que lou meci repassezha vé nou che te vu me premi d'allau courtijè Benate Coutouzhou qua a chequ'on de le lavezhi de beya deu pea de pinzhon na pourtau de lapin, pi na brauva camiseula de lon-na verda, sè parlau de le j'autr berneguije que le pourra ava è mariazhou—Qu'è dite? Che té che dégredi qué sèble, fa z'eu va—Oh! qu'y l'y repondi apré ava chonzhia on moumè è che grattè l'ourellie, pe zhon boune bardou ne me dérèzhezhe pau, mais che vou veli me premi na cachquette à bequa, de veu courtije dra vouzhe—Eh bin qu'è chaye—Allon bon lou vetia parti vé chon croufou, éfile seu guétron neuvou, cha berjellie blanshe pi che meton-ne, pi lou vetia ébarquau avoua on bon vizha-shin à la mon pi na pipa de boui à la gueurzhe—Eyazhe fallu lou va moudau, on azhe de lou marquis de Caraba s'èbarquè à la garra—Quemè é ne pau vra loin pe zh'allau vé leu Coutouzhou è paucè pe la travacha, l'y arrevi justou quemè y quemèchauvon à blayë après choupau.

—Boncha Bena que l'y deci lou pézhe Coutouzhou è lou vayè ètrau, t'arreve justou pe nou j'adië à blayë, prè don na chala—Mais à prepeu, te ne sezhe pretè pau venu pe courtije neutra Benate que té che biè arrezhia cheti cha—Chefai que l'y repon Bena' de n'air décidau quemè cho du greu shin de la Zhelizhe que meuh tui cé que pâchon—de si venu pe courtije veutra Benate, che vou veli me la ballie, balliau me la, pi che vou ne veli pau la mariau, gardau la, de ne si pau ple fo de lia que na marda—Pi lou vetia reparti è fassè bodaye cha pipa sè lamè ava ballia à Coutouzhou lou tin de repondre.

—Eh bin qu'è dete vou de che la courtija? pèchau-vou qui chon oncouzhe biè épais leu gachon dégredi quemè chotië? E n'èpashe pau que depi cho cha lé lou tin duzhe bin tellemè de Bena à chela peuvra Benate que l'è réle tou lou grè zhou quemè on vé qu'on détreyë.

—Mè l'azha biau bramau pi bio rélau, le ne lou tin poncouzhe la peuvra fellie va! è faudra bin na gaillarda oncouzhe ple réshodau que l'atie pe dézhelau chomagna, contau z'i.....

3eme Refrain, sur l'air de la Liaudinna.

Depi qui venu de la gara
De l'ila de Mezhagaspa
Mon Bena ple feu que na barra
Y caujé quemè n'avouca
Toute le fellië du vellazhou
Ne couzhon qu'aprè cho gailla
Le che vèdron bin tout'u grè diablou
Si pouve le z'y fauzhe ava.

SCÈNE IV.

Ardi pézhe Sinlourinchou, que dit tout pe zhon co la mèze Grègueula que chavounove lou nau de zè Crinlafra, raconto nous va azhi lou nouvè de veutron carrou.

Ma, vous racontau de nouvé, mé vous plaizètau mèzhe Grégeula; vous sète bin que n'è sai point.

De chava de nouvè é bon a vous que teni na che brova peteta betequa su lou devè pe zh'atreye leu j'houmou qu'on fauta de rajo pi qu'on che bin laizi de vous leu raconto ê n'atèdè jo tou de pouva plètau lou maiton dê veutron plat à barba. Mé ma que n'ai, quemê vous saite, pe louzhemè qu'on chaulou pete goule prelai su lou deri, que veliuous que d'aprenia de nouvè pischque jamè nion ne vint betau lou nau dê cho goule beurniou sè ne pau leu shin predu pi quoque travesi que sheurshons louzhemè à bon marshia.

Pretê, quemè n'ai rè à vous refujo mezhe Grègueula, pisque lou pezhe Groubaleuzha vint tié de vou betau la gueurzhe è bon gout ê vous parlè de la mardea, è fau bin que me déboutouna tê se peu, quemè on dit vè nous, pe taye de vous servi azhi on moucè arezhia à la mèma chocha.—Pi aprè tout n'azhe pau pre cè fauta de biê me fourche leu bouè de la téta pisque d'ai n'ébauda touta neuva à vous raconto quemè vous jalo va sè vous beushie le j'ouzhelie.....

Què nous j'alizin devê-t-ye a cha à la buzhe pe zétreni apré velia, nous trouvizhin neutra vashe barda troumèto du vé apeuprè quemé sezhe neutron gré vaule pe zh'allau a le z'ébaude—vetia que biê—nous l'y fuzhin tout de suite na bena paille, pi, quemè neutra servèta ame greu s'équipau de chela seurta de mécanique tié, è fut don convenu qué sezhe lia que velliezhe chela vashe.

Le s'ézhe don bravamè instalo é-n'arret deri chelà bête e-n'atèdè—«On azhe de on rena ê-n'arret deri na darbounize è-n'attèdè que lou darbon venie» que tout pe zhon co le vi veni quoque seuja ne ressèblê ê rê leu liapon d'on vé quemè é deve ètre.—Allons, sè lamé prède lou tein de biè che rèdre contou de che que chauve po, vetia ma grè bardala de serveta que vinsi u grê galou creyau a la peurta de la maijon: Maître, maître, livau vous don pe veni va, de crayou qu'é ton bouquin que la barda vu fauzhe, on l'y va zhia la barba!...

D'azha bin voulu coure va chela bête, mais lou coualion de ma shemije se trouvi bin che biê êtrefeshia dê cho moumê avouai cho de neu tra cha maître que ne poussi pô me relevau tout de suite.

Pédê cho tein la servèta ézhe recouria à chon peustou pe zhatêdre l'évenemê. Mé cho diablou de và ne venive touzhou pau à shavon!—Que fauzhe?—Enouya de touzhou attêdre, ma benea gaillarda de servèta prit tout simplamê l'idè de treye chela petetea bête ê l'ou preniê pe che que le prenive pe de barba pi que n'ezhe autre sheuje que lou shavon de la couva du vé.

Ah, mé le ne perdi pau chon tein..... Tout pe zhon co che l'ênimea de vé que venive u mondou lou petreyau lou premi che meti a trompetau ê possê cho foutu èshali que l'étrenive tê lou vètrou, pedè qu'è memou tein, pe che déconliau sè douta, l'èviy na bardelia de n'espèche de pau belete è plin vezazhou de ma zhauna de servéta que lou tezhauve pe la couva è reyè touta chouleta à grê gueurzhe déplaya....

Che de vou dija que l'è na mèzhia de che le po de qua ly servi de dezhon lou lédemon matin, de mêtron petétre omp eu, mé pe lou sui l'è na pauchablamè avalau pisqu'é l'y é seurtive oncouzhe pe le j'ouzhellie pi pe lou nau devè que le che décayouniche cheti matin pe veni a la grê mecha—vous demèdou ompeu che nous zé n'in ri vé nous!....

4eme refrain, sur l'air du refrain de ma babé.

Ami qu'amau le po belete
Vous n'a don qu'a betau lou nau
U cu d'on vé què y trompete } bis
Vou sezha servu quemé fau.

DEUXIÈME PARTIE

LA GUARRA

LA GUERRE

Air: de l'«Abdication de Napoléon 1er»


1

Qué l'Allemand, seurtè de la Baviézhe,

E l'énau mil vouë cè choicèté-di,

Passi lou Rhin, traveci la frontiézhe,

Pe veni ravazhië neutron pays,

De tui leu lion la trompeta d'alarme,

De la Fronche, neutra mézhe patri,

Rappeli tui seu z'éfè sous le j'arme

Pe delivrau lou pays évahi.  (bis)

1

Quand l'Allemand, sortant de la Bavière,

En l'année mil huit cent soixante dix,

Passa le Rhin, traversa la frontière,

Pour venir ravager notre pays,

De tous les côtés la trompette d'alarme,

De la France, notre mère patrie,

Rappela tous ses enfants sous les armes

Pour délivrer le pays envahi.  (bis)

2

Mais cé gari, ènivrau de couzhazhou,

Ont biau che battre quemé de leyon,

Que pouvon t-y luttè yon contre quatrou,

Mèquè de pon, mèquiè de munition;

Mau quemèdau, écrajau pe lou nombrou,

Biè che fou thiau pleteu que requelau,

Pleteu qu'ava leu déjoneu, u l'hontou

D'abédounau on carrou du drapeau.  (bis)

2

Mais ces guerriers, enivrés de courage,

Ont beau se battre comme des lions,

Que pouvaient-ils un contre quatre,

Manquant de pain, manquant de munitions,

Mal commandés écrasés par le nombre,

Beaucoup se font tuer plutôt que de reculer,

Plutôt que d'avoir le déshonneur, la honte

D'abandonner un coin du drapeau.  (bis)

3

De cé héros, victime de la garra,

De cé vaillè meu devè l'ennemi;

Leu nion écri su de plaque de marbra

Sezhon, dé tui leu quèton du pays;

Pe rappelau à la nouvala Fronche

Cé frézhe meu défèdè la Patri,

E n'attèdè l'hozha de la vèzhonche

De cé j'ami gardin lou souveni.  (bis)

3

De ces héros, victimes de la guerre,

De ces vaillants morts devant l'ennemi;

Les noms écrits sur des plaques de marbre

Seront, dans tous les cantons du pays;

Pour rappeler à la nouvelle France

Ces frères morts défendant la Patrie,

En attendant l'heure de la vengeance

De ces amis gardons le souvenir.  (bis)

LA SÊ MARTIN

LA SAINT MARTIN

(Revue et complétée) air connu.


1

Vetia la sê Martin qu'apruushe

Neutron vole dà s'ênalo,

Che nous pardin neutron vole

Nous pardin tout,

Nous fazhin mauvais moineazhou

Ma pis vous.

Tralalalala, lalalalala

Tralalalala lalalalala.

1

Voilà la St Martin qui approche

Notre valet doit s'en aller,

Si nous perdons notre valet

Nous perdons tout,

Nous ferons mauvais ménage

Moi et vous.

 

 

2

Vu-t-on chava che que nous mèzhin

Quê nous sint tui vé la maijon,

Lou vole pi neutra maitrecha

Ont de pon blan;

Lou minnou nea quemê de trefa

Peuvrou Zhon!

2

Veut-on savoir ce que nous mangeons

Quand nous sommes tous à la maison,

Le valet et notre maîtresse

Ont du pain blanc;

Le mien est noir comme du tourteau

Pauvre Jean!

3

Vu-t-on chav ache que nous bavin

Quê nous chin tui vé la maijon,

Lou vole pi neutra maitrecha

Vont u ponchon;

Ma de bavou à la chelieta

Peuvrou Zhon!

3

Veut-on savoir ce que nous buvons

Quand nous sommes tous à la maison,

Le valet et notre maîtresse

Vont au tonneau;

Moi je bois à la seillette

Pauvre Jean!

4

Querau vous bin quemê nous cushin,

Quê nous sint tui vè la maijon,

Lou vole pi neutra maitrecha

Ont de lia blanc;

Pi ma de cushou su la mata

Peuvrou Zhon!

4

Croiriez-vous bien comment nous couchons,

Quand nous sommes tous à la maison,

Le valet et notre maîtresse

Ont des lits blancs;

Et moi je couche sur la mate

Pauvre Jean!

5

Apre cè saite-vous la sheuja

Que me crive lou mé lou cœu,

Et quê lou vole pi la maitrecha,

Font ê chœur,

Femau lou fregon, la panoucha

L'amadeu.

5

Après cela savez-vous la chose

Qui me crève le plus le cœur,

C'est quand le valet et la maîtresse,

Font en chœur,

Fumer le fourgon, la panosse

Et l'amadou.

6

Vouzhêdra vous tui que m'équetau

Reteni biê chela leçon:

Cozi toujhou là laide fena

Tin chon rang,

Tie que de che n'oumou, la brova

Fa on Zhon!

6

Maintenant tous qui m'écoutez

Retenez bien cette leçon:

Presque toujours la laide femme

Tient son rang,

Là où de son mari, la belle

Fait un Jean!

NA BATAILLIE DE FELLIE

UNE BATAILLE DE FILLES
ou
LES FILLES DE BOISSEY ET DE CHEVROUX


1

Ne sai pau vra biè shètau,

Mè vous contezhe na seu-ja,

Que vin l'amè d'arrevau,

Pi que ne pau biè mau dreula,

Vou j'allau va que le fellië,

De Boicha pi de Shievro,

N'èparmon pau jo guenellië,

Pau lamè leu co d'etrellië,

Qué lon bio jo pete co.

1

J'ne sais pas vrai bien chanter,

Mais j'vous conterai une chose,

Qui vient seulement d'arriver,

Puis qui n'est pas bien mal drôle,

Vous allez voir que les filles,

De Boissey et de Chevroux,

N'épargnent pas leur guenille,

Pas seulement les coups d'étrille,

Quand elles ont bu leur petit coup.

2

Què vin lou Vendredi-Chin,

E faudre va che le zête,

Pe zhallau à Donmartin

E viazhou pe toute béte:

Le che pienon, le che frijon,

Le che lavon bien lou nau,

Le che bredon, le che mirion,

Le che nipon, le ch'ajuston,

Le che monton quemé faut.

2

Quand vient le Vendredi Saint,

Il faudrait voir ces Josephtes,

Pour aller à Dommartin

En voyage pour toutes bêtes:

Elles se peignent, elles se frisent,

Elles se lavent bien le nez,

Elles se brident, elles se mirent,

Elles se nippent, elles s'ajustent,

Elles se montent comme il faut.

3

Chete yè su leu Pelo,

Le fameuje Boichatizhe

Prizhon on brondai de bio,

Y pèdizhon de Brouyzhe.

—Biè pêchau, deci Claudine,

E sèblezha on drapeau,

Vedre-te bin Madeline

Me prétau ta capeline

Pe zh'on peu mio lou marquau.

3

Cette année sur le Peloux,

Les fameuses Boissatières

Prirent une branche de bouleau,

Y pendirent des bruyères.

Bien pensé, dit Claudine,

Ça semblera un drapeau,

Voudrais-tu bien Madeline

Me prêter ta capeline

Pour un peu mieux le marquer.

4

Mais é beu de Dommartin,

Arrevizhon le premizhe,

Ushè quemè de lutin,

Le terrible shievroutizhe.

You hi hi, tra la la lire

Vive le fellie de shievro!

Veni don grè Boichatizhe

Qu'on piene veutre brouyzhe,

Qu'on vous trenate on bon co.

4

Mais au bois de Donmartin,

Arrivèrent les premières,

Huchant comme des lutins,

Les terribles Chevroutières.

You hi hi, tra la la lire

Vivent les filles de Chevroux!

Venez donc grandes Boissatières

Qu'on peigne vos bruyères,

Qu'on vous tresse un bon coup.

5

Shievroutizhe, couajau vou,

Repondon le Boichatizhe,

Nou chavin bin que cho zhou

Vou fazhau quauque bétije;

Dè touta neutra paroushe

On ne parle que de vou,

On dit que, greuche guenioushe,

Vous faites chounau le lioushe

Mè que le fene de vè nou.

5

Chevroutières, taisez-vous,

Répondent les Boissatières,

Nous savions bien que ce jour

Vous feriez quelques bêtises;

Dans toute notre paroisse

On ne parle que de vous,

On dit que, grosses godiches,

Vous faites sonner les cloches

Plus que les femmes de chez nous.

6

Que peut-on dezhe de vou?

Reprenion le shievroutizhe

On cha bin qu'aqueuta nou

Vou n'ète que de vashizhes.

Pédè qu'à trava lou mondou

Nou chin renoumau pretou,

E n'a pau lamè velazhou

E defeu de veutron carou

Qu'on ne che mouque de vou.

6

Que peut-on dire de vous?

Reprennent les Chevroutières

On sait bien, qu'à côté de nous

Vous n'êtes que des vachères.

Pendant qu'à travers le monde

Nous sommes renommées partout,

Il n'y a pas seulement un village

En dehors de votre quartier

Où l'on ne se moque de vous.

7

Voua vous été renoumau.

Pi de na dreula manièzhe,

Pichqu'èye pe petioulau

Ple chouvè que veutre mézhe.

Che vou j'avo ompeu d'hontou

N'izhau vou pau vou cashie

Què é che di pe lou mondou

Que dèche de mézhe caïe

Ne chon brauve qu'à la chou.

7

Oui, vous êtes renommées.

Mais d'une drôle manière,

Puisque c'est pour faire des petits

Plus souvent que vos mères.

Si vous aviez un peu de honte

N'iriez-vous pas vous cacher

Quand il se dit par le monde

Qu'ainsi des mères truies

Ne sont belles qu'à la porcherie.

8

S'éya de caïe vé nou,

Ne t'eu pàu què vous y éte,

Què leu magna vont vé vou

On cha bin quemè vous faite:

Que l'achon lou tâ, la raushe

Tui leu j'houmou vou chon bon

Pessè dè privau le j'autre

Vous éte toute pro chaule

Pe n'è pau refujau yon.

8

S'il y a des truies chez nous,

N'est-ce pas quand vous y êtes,

Quand les magnats vont chez vous

On sait bien ce que vous faites:

Qu'ils aient le «tâ»[5] la «ràche»[6]

Tous les hommes vous sont bons

Pensant d'en priver les autres

Vous êtes toutes assez sales

Pour n'en pas refuser un.

9

Aprè s'étre tout creïau,

Le quemèchon la bataille;

Le gauge, leu co de pau

Veulon quemè la mitraille;

Le s'èpenion, che débourlon,

Le ch'attrapon pe lou nau.

Chela bèda de female

Quin-non quemè de cavales

Qu'on vint lamè d'abadau.

9

Après s'être tout crié,

Elles commencent la bataille;

Les gazons, les coups de pieux

Volent comme la mitraille;

Elles s'empoignent, se dépeignent,

Elles s'attrapent par le nez.

Cette bande de femelles

Cuinent comme des juments

Qu'on vient seulement de mettre en liberté.

10

Le fajon bin tè de train,

Que dè tou lou vézenazhou

Tin qu'u bou de Dommartin

On cru qu'é yézhe lou diablou,

Lou maizhe pri che n'écharpa,

Tui leu pompier jo fezi

Et creïè pretou à l'ârma!

Preni garda, è la gara,

Nou z'étèdin l'ennemi.

10

Elles faisaient bien tant de train,

Que dans tout le voisinage

Jusqu'au bourg de Donmartin

On crut que c'était le diable,

Le maire prit son écharpe,

Tous les pompiers leur fusil

En criant partout: Aux armes!

Prenez garde, c'est la guerre,

Nous entendons l'ennemi.

11

Aprè cè, chon ne vu pau

Fauzhe frapau de médaille,

Que l'on pretè mezhetau,

Dè che l'étrèzha bataille,

E faudre à che le fellie

Qu'avon bu on che greu co

Fauzhe èviau quauque boutellié,

De bon vin vio que petellie,

Pe refauzho notrou co.

11

Après cela, si on ne veut pas

Faire frapper de médailles,

Qu'elles ont pourtant méritées,

Dans cette étrange bataille,

Il faudrait à ces filles

Qui avaient bu un si gros coup

Faire envoyer quelques bouteilles,

De bon vin vieux qui pétille,

Pour refaire une autre fois.

[5] Tâ—sang vicié.

[6] Rache—sorte de gale.

LA VIA DU MONDOU

LA VIE DU MONDE


1

L'èfè dessus la tarra

Ne pau cheteu venu

Qu'y bèle creie à l'arma,

Devè d'uvri leu zu,

On dezhe qui sin zhia

Lou troumè de la via.

1

L'enfant dessus la terre

N'est pas sitôt venu

Qu'il pleure, crie aux larmes,

Avant d'ouvrir les yeux,

On dirait qu'il sent déjà

Les tourments de la vie.

2

Què l'on di-z'è le fellië

Parlon de le poupé,

Leu gachon de le guellië

Dé shevau, dé Joizé,

A cho tein leu z'éfè

Révon l'amujemè.

2

Quand elles ont dix ans, les filles

Parlent de leur poupée,

Les garçons de leurs quilles

Des chevaux, des oiseaux;

A ce temps les enfants

Rêvent l'amusement.

3

A vingt è la jeunesse

Ne chonzhe qu'é plaizi:

Parlau galon, métréche,

Vetia tou chon seuci;

Mé lou tein dé j'amou

Ne duzhe pau touzhou!

3

A vingt ans la jeunesse

Ne songe qu'au plaisir:

Parler galants, maîtresses,

Voilà tout leur souci;

Mais le temps des amours

Ne dure pas toujours!

4

A trête è fleu de l'azhou

Eye tein d'éparmau

Seu revenu, seu gazhou,

Chon pèche à che mariau,

Què on vu che montau

Eya greu à comptau.

4

A trente ans, fleur de l'âge

Il est temps d'économiser

Ses revenus, ses gages,

Si l'on pense se marier,

Quand on veut se monter

Il y a gros à compter.

5

E vé la quazhètin-na

Que cé que chon mariau

Ont chouvè mé de pin-na,

E fau touzhou gretau,

Mé dè lou céliba

On a moins de traca.

5

C'est vers la quarantaine

Que ceux qui sont mariés

Ont souvent le plus de peines,

Il faut toujours bercer,

Mais dans le célibat

On a moins de tracas.

6

Què vint la chinquètin-na,

Enouya du beneu,

On ne craint pau la pin-na

On sheurshe leu j'honeu,

Sheution vedre vé lui

Etre mézhe u marli.

6

Quand vient la cinquantaine,

Ennuyé du bonheur,

On ne craint pas la peine

On cherche les honneurs,

Chacun voudrait chez lui

Etre maire ou marguillier.

7

Mé què la tra vingt n'houmou

Dit: zhé pro travailla,

Pe zh'étre pre trèquilou

Lou réchtou de cha via,

Cède tout è z'éfè

Pe vivre sè tourmè.

7

Mais quand il a trois vingt l'homme

Dit: J'ai assez travaillé,

Pour être plus tranquille

Le reste de sa vie,

Cède tout aux enfants

Pour vivre sans tourment.

8

Què vint la septètin-na

On a biau che dreci,

Rentier, cho qu'a de pin-na

Quemèchon a croubi

Pretè leu jon qu'èya

Font touzhou leu gailla.

8

Quand vient la septantaine

On a beau se redresser,

Rentier, celui qui a de la peine

Commencent à se courber

Pourtant les uns qu'il y a

Font toujours les gaillards.

9

A quatrou-vingt lou tarmou

De la via ne pau loin,

Leu feu quemè leu fablou

Appreushon de la fin:

E fau bon grè mau grè

Prepazhau chon paquet.

9

A quatre-vingt le terme

De la vie n'est pas loin,

Les forts comme les faibles

Approchent de la fin:

Il faut bon gré mal gré

Préparer son paquet.

10

Pischque su che la tarra

Tui leu pau qu'on y fa

Nou moin-non vè la tomba

Que da nou recheva:

Vivin don quemè fau

Ne fint jamè lou mau.

10

Puisque sur cette terre

Tous les pas qu'on y fait

Nous mènent vers la tombe

Qui doit nous recevoir:

Vivons donc comme il faut

Ne faisons jamais le mal.

LEU DOUJE MA DE L'ÈNAU

LES DOUZE MOIS DE L'ANNÉE

Sur l'air du roi Dagobert


1

E janvier, mà de fra

On ne seu pau trou de vè cha,

De nezhe de verlia

Touta la quèpagne crevia;

Pèdè la zhournau

On fa la méliau,

Pe che réshodau

On va u fourniau,

Mé lou cha, la vellia,

Qu'on ne tui rezhoin près du foua,

On brache leu jatou

Chouvè tin qu'à l'arba du zhou.

1

En janvier, mois de froid

On ne sort pas trop de chez soi,

De la neige, du verglas

Toute la campagne est couverte;

Pendant la journée

On fait la mêlée,

Pour se réchauffer

On va au fourneau,

Mais le soir la veillée,

Quand on est tous rejoint près du feu,

On brasse les atouts

Souvent jusqu'à l'aube du jour.

2

E fevri lou chelo

Che fa va lou nau quauque co,

Pe veni ranimau

Carmètrè si ne pau zhelau;

Et faut va cho zhou

Fait pe leu j'amou,

Tui leu rendez-vou

Qui cashe pretou,

Leu zheunou deu-j-à deu

Vont fozhe brulau jo faulieu,

Pèdé qu'à la méjon

On prepazhe leu matafon.

2

En février le soleil

Se fait voir quelque fois,

Pour venir ranimer

Carnaval s'il n'est pas gelé;

Il faut voir ce jour

Fait pour les amours,

Tous les rendez-vous

Qu'il cache partout,

Les jeunes deux à deux

Vont faire brûler leur folieux[7]

Pendant qu'à la maison

On prépare les matefins.

3

E mars la shoucha

Qu'on ave étouya tout l'eva,

Sé ne fa pau mé fra

Quemèche à trache quauque rat;

Mé le zhèboulé

Dè lou renouvé,

Epashon chouvè

Dè fauzhe biè grè,

On ne t'ècazhin-nau

De zhon-nau lou vètrou fa mau,

Mé à Pauque chounau

Shaution pourra che rattrapau.

3

En mars, la charrue

Qu'on avait rentrée tout l'hiver,

S'il ne fait pas trop froid

Commence à tracer quelques raies;

Mais les giboulées

Dans le renouveau,

Empêchent souvent

D'en faire bien long,

On est «encarêmé»

Déjeuner le ventre fait mal,

Mais à Pâques sonné

Chacun pourra se rattraper.

4

Avri on co venu

Qu'on a ètèdu lou coucu,

Tout quete la majon

Sè va travaille dè leu shon;

Eye dè cho mà

Qu'on ba leu tremà

Tui leu payjon

Chenon à plin mon

Dè leu beu, leu boichon

Tui leu j'oizé, tinqu'u bushon,

N'aréton de shètau

Pédé qu'y senion jo couvau.

4

Avril une fois venu

Qu'on a entendu le coucou,

Tout quitte la maison

S'en va travailler dans les champs;

C'est dans ce mois

Qu'on fait les semis

Tous les paysans

Sèment à pleine main

Dans les bois les buissons

Tous les oiseaux jusqu'au «buchon»,

N'arrêtent de chanter

Pendant qu'ils soignent leur couvée.

5

Mé de tui, éye mai

Lou ma lou ple biau, lou ple gai,

Dè cho tin de fleu

Tout vit de plasi, de beneu.

Dè tui leu verzhi

Leu j'abrou à fri,

Che sharzhon de lio

De toutes coulo,

Depi lou biau vashi

Tinqu'u grè vaule, u bouvi,

Shotion ressin l'ardeu,

L'amou, reveni dè chon cœu.

5

Mais de tous, c'est mai

Le mois le plus beau, le plus gai,

Dans ce temps des fleurs

Tout vit de plaisir, de bonheur.

Dans tous les vergers

Les arbres à fruits,

Se chargent de fleurs

De toutes couleurs,

Depuis le beau vacher

Jusqu'au grand valet, au bouvier,

Chacun ressent l'ardeur,

L'amour revenu dans son cœur.

6

Qué vint lou ma de juin

Arreve lou moumè dé fein,

U prau du grè matin

On ne t'ashevau su l'èdin;

Efau va cho fein

Què é fa bon tein

Chon lou fa chautau

Touta la zhournau,

Pretè chartin j'ouvri

Ebleyon quauque co l'oti,

Sé ya de fenezhi

Dé leu prau pe le dèvreti.

6

Quand vient le mois de juin

Arrive le moment des foins,

Au pré du grand matin

On est à cheval sur l'andain;

Il faut voir ce foin

Quand il fait beau temps

Si on le fait sauter

Toute la journée,

Pourtant certains ouvriers

Oublient quelquefois l'outil,

S'il y a des faneuses

Dans les prés pour les divertir.

7

E juillet la machon

Qu'a mozhau depi la Sè zhon,

Amin-ne dè leu shon

Tout lou mondou de la méjon,

Avoua qué plasi

Leu bon machouni,

Meurdon u chelion

De quauque sezon,

Cho qu'attrappe la crui

L'habelie dé ple biau z'épi

Què on prè lou rena

On ushe à gueurzhe déplaya.

7

En juillet la moisson

Qui a mûri depuis la St Jean,

Amène dans les champs

Tout le monde de la maison,

Avec quel plaisir

Les bons moissonneurs,

Mordent au sillon

De quelque Suzon,

Celui qui attrape la croix

L'habille des plus beaux épis

Quand on prend le renard

On huche à gorge déployée.

8

Mé de touta l'ènau

Eye lou ma d'eu lou ple shau,

Qu'on che fa don trauchau

Chon n'équeu touta la zhournau,

On co chon pali

Pienau, biè bredau,

Pi su chon greni

Chon blau tou queblau,

Tout contè lou fremi

Rassèble tui seu machouni,

On fa leu matafon

On shète, on chequeu lou ponchon.

8

Mais de toute l'année

C'est le mois d'août le plus chaud,

Qu'on se fait donc suer

Si on bat toute la journée,

Une fois le pailler

Peigné, bien bridé,

Puis sur le grenier

Le blé tout criblé,

Tout content le fermier

Rassemble tout ses moissonneurs,

On fait les matefins

On chante, on secoue le tonneau.

9

Septembre leu raijin

Que nous baillon de che bon vin,

Pe nous fauzhe shètau

Chon mo, è fau leu ramachau.

Dè cho mèmou tein

On fa leu revein,

Pi cé qu'on lési

Prenion on fesi

Mè chouvè lou premi

Ne cha qu'à shourshië na gebi,

Qu'on ne tuve pau teu

Què bin le trouvau dè leu beu.

9

Septembre, les raisins

Qui nous donnent du si bon vin,

Pour nous faire chanter

Sont mûrs, il faut les ramasser.

Dans ce même temps

On fait les regains,

Puis ceux qui ont le loisir

Prennent un fusil

Mais souvent le permis

Ne sert que pour chercher un gibier,

Qu'on se garde bien de tuer

Quand même on le trouve dans le bois.

10

E n'octobre leu zhou

On zhia greu dèfourzhia vé nou,

Preté leu payjon

On greu d'euvra de tui leu lion,

Et fau ramachau

Pe pouva femau,

Vitou labouzhau

Pe coure chenau,

E fau ètre pretou,

A la mèjon, é shon u fou

Chouvè è fau vellië

Tinqu'à minai pe dépellië.

10

En octobre les jours

Ont déjà gros diminué chez nous,

Pourtant les paysans

Ont beaucoup d'ouvrage de tous côtés,

Il faut ramasser

Pour pouvoir fumer,

Vite labourer

Puis courir semer,

Il faut être partout,

A la maison, aux champs, au four

Souvent il faut veiller

Jusqu'à minuit pour défeuiller.

11

E novembre leu zhou

Devenion mauvais quemè tout,

On ne va que brouilla

Que chon chouvè brovamè fra.

Què bin dè leu shon

E n'y fa pau bon,

E fau s'y teni

Crevi leu ravi,

E n'a pau mé de shau

Le nai quemèchon à zhelau,

La nezhe, leu zhevrin

Suivont de prè la Sê Martin.

11

En novembre, les jours

Deviennent mauvais comme tout,

On ne voit que brouillard

Qui sont souvent joliment froids.

Lors même que dans les champs

Il n'y fait pas bon,

Il faut s'y tenir

Couvrir ses raviers,

Il n'y a plus de chaleur

Les nuits commencent à geler,

La neige, les givres

Suivent de près la St Martin.

12

E décembre assui tout

La shau, leu travau, leu biau zhou,

Cho ma na que Nouyè

Pe nou rèdre on peu de gaîté,

Què vin la minai

Dè che la grê nai,

Shaution de tou cœu

Fète lou sauveu,

Pachau cho zhou l'ènau

Sè va dèclinè à grê pau,

Sêblé nou dezhe à tui

Quemè tout pache, tout assui!

12

En Décembre finit tout

Le chaud, les travaux, les beaux jours,

Ce mois n'a que Noël

Pour nous rendre un peu de gaîté,

Quand vient la minuit

Dans cette grande nuit,

Chacun de tout cœur

Fête le Sauveur,

Passé ce jour, l'année

S'en va déclinant à grands pas,

Semblant nous dire à tous

Comme tout passe! comme tout finit!

[7] Folieux ou brandon.


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