Rose Perrin : $b roman
DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE PREMIER
— Rose, j’ai vu le docteur Beauchamp.
— Alors, mademoiselle ?
— Il vous trouve beaucoup mieux, mais il ordonne que vous partiez à la campagne pour achever votre guérison… Vous partirez demain.
Les yeux de Rose s’ouvrent pleins d’étonnement :
— Où cela, mademoiselle ?… A la campagne ?… Je ne connais personne…
— Vous partirez demain avec Pascal, le cocher. Il va à Vauclair conduire le cheval de M. Jacques, qui a besoin d’être mis au vert.
— C’est comme moi alors, dit Rose, en agitant dans un rire les petits grelots autour de son front. Pourtant, mademoiselle… vous êtes si bonne !… Trop ! Trop ! Qu’est-ce que je vais faire là-bas sans mademoiselle ?
La petite lingère courba la tête sur la chemisette de batiste où elle faisait des « jours ».
Aussitôt les grelots s’allongèrent en clochettes et deux ou trois larmes brillantes glissèrent le long de ses joues.
Mlle de Trivières répondit sans la regarder, d’un ton qu’elle voulait rendre impassible :
— C’est pour votre santé, ma fille… Et, de plus, nous avons besoin d’une lingère à Vauclair pour tout cet été.
« La femme de charge du château devient vieille, elle a de mauvais yeux ; pour certains travaux délicats, il faut là-bas une bonne lingère.
Un regard à l’adresse de la bonne lingère qui a des larmes plein les yeux.
— A moins que cela ne vous contrarie et que vous ne préfériez me quitter…
— Quitter mademoiselle !… Quand mademoiselle m’a sauvé la vie !… Ah ! bien, alors ! A moins que mademoiselle n’ait assez de moi…
Un hochement de tête désolé, et Rose enfouit sa figure et ses frisettes dans ses mains et sanglote.
Un petit silence.
Mlle de Trivières contemple d’un air embarrassé cette image de la désolation qui profère des mots entrecoupés.
— Moi qui m’étais si bien habituée… Qu’est-ce que je deviendrais sans mademoiselle ? Elle a tout fait pour moi !… Oui, tout !… Jusqu’à l’huile de foie de morue que mademoiselle m’a forcée d’avaler… malgré que ça me fait mal au cœur…! Mon Dieu ! Mon Dieu !
Mlle de Trivières interrompt les lamentations en disant d’une voix douce et contenue :
— Rose, vous n’êtes pas plus raisonnable qu’un enfant ! Vous savez que, dans deux mois à peine, nous serons tous à Vauclair, vous voyez donc qu’il n’y a pas lieu… puisque je dois passer l’été là-bas…
L’ouvrière relève son front et sa physionomie changeante passe aussitôt à l’expression de la joie.
— Mademoiselle viendra !… tout l’été. Ah ! quel bonheur !
— Allez préparer vos affaires… Laissez cela ; Marie le finira. Rentrez chez vous, faites vos paquets et soyez prête pour le train de 8 h. 15 demain matin, à la gare d’Orsay. Vous y trouverez Pascal… Il vous indiquera l’endroit.
— Je ne verrai donc plus mademoiselle aujourd’hui ?
— Je vais au Bois ce matin. Vous pourrez me voir un moment ce soir, avant le dîner. Je vous donnerai des instructions pour votre travail là-bas. Mais j’exige avant tout que vous vous reposiez… que vous évitiez toute fatigue. Vous m’obéirez, n’est-ce pas ?
— Oui, mademoiselle.
L’ouvrière pliait avec soin la chemisette commencée. Tout à coup elle s’écria, en regardant par la fenêtre au delà du jardin, avec cette liberté de langage que Mlle de Trivières lui avait laissé prendre bon gré mal gré :
— Ah ! voilà la Bretonne du cinquième qui secoue par la fenêtre un dolman d’officier… Elle le secoue tellement fort… Elle va le lâcher !… Là !… Qu’est-ce que j’avais dit ! Où va-t-il tomber maintenant ?… Oh ! la Bretonne se penche ! Elle va y passer aussi ! Non ! elle se décide à descendre.
« Si mademoiselle permet, j’irai le lui ramasser… Il est tombé dans le jardin.
— Allez, Rose.
Mlle de Trivières jeta un dernier coup d’œil à la glace, pour voir si sa nouvelle amazone lui allait bien ; elle prit sur son bureau sa cravache et ses gants et descendit.
Il était à peine dix heures, elle avait déjà terminé sa tournée charitable.
Par cette matinée d’avril ensoleillée, le Bois serait d’une fraîcheur délicieuse.
Elle traversait le jardin pour se rendre aux écuries, lorsqu’elle rencontra Rose Perrin qui rentrait.
— Eh bien, vous avez rendu ce vêtement ?
— Oui, mademoiselle. Je l’ai donné à la Bretonne. C’est à son maître, un officier qui vient d’arriver en convalescence.
Diane passa et se dirigea vers la cour à droite. Le vieux Pascal, prêt à l’accompagner, finissait de vérifier les attaches de sa selle.
Diane caressa du plat de sa main l’encolure de la vieille jument que la réquisition lui avait laissée, puis jetant par hasard un regard du côté des stalles, elle fut surprise d’y voir un beau cheval bai-brun qu’elle ne connaissait point.
— Quel est ce cheval ? dit-elle, étonnée.
Pascal rougit et se pencha davantage en rebouclant la sous-ventrière. Il balbutia :
— Mademoiselle… c’est le cheval d’un officier qui est arrivé hier dans la maison de devant. Il n’avait pas d’endroit pour loger son cheval. Alors, comme il doit rester un bout de temps — deux mois au moins — Moreau (c’était le portier) et moi, nous avons pensé qu’on pouvait offrir à ce monsieur une petite place…
— Dans nos écuries ? Sans notre autorisation ? Sans celle de ma mère ?
— Mme la marquise est absente, reprit le cocher, penaud… Madame aurait sûrement permis… L’écurie est vide.
Il ne convenait point au cocher d’avouer que l’officier en question avait donné à Moreau une bonne gratification dont lui-même, Pascal, avait bénéficié et que, tous deux avaient affirmé au propriétaire du cheval que Mme la marquise permettait, que cela ne faisait pas un pli, etc.
Diane ignorait cette petite histoire. Elle dit, de son ton le plus autoritaire :
— Et moi, ne suis-je pas ici ? Et ne pourriez-vous me consulter avant d’accorder à n’importe qui le droit d’entrer dans les dépendances de l’hôtel à toute heure du jour ?
« Ce monsieur a accepté, sans notre permission ? Vraiment, c’est d’un sans-gêne qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer ! »
Mlle de Trivières tournait le dos à la cour, elle élevait la voix et n’entendit point un pas d’homme qui se rapprochait.
A peine avait-elle fini de parler qu’une voix, dont l’accent indiquait une colère contenue, répondit :
— Cet homme n’est pas en faute, mademoiselle. Il croyait bien faire…
L’inconnu salua :
— Mlle de Trivières, je crois ? C’est moi qui n’aurais pas dû accepter avec un pareil « sans-gêne » l’offre de votre portier.
« Croyez que je regrette vivement. Toutes mes excuses… Viens, Farfadet, débarrassons les lieux…
« Vous pouvez vous tenir pour assurée, mademoiselle, que mon cheval ne rentrera plus ici… »
Diane interdite serrait nerveusement le manche de sa cravache… Ses yeux étincelants ne quittaient pas l’officier.
Celui-ci, un lieutenant de haute taille, en tenue de campagne bleu horizon, faisait sortir son cheval, qu’il avait sellé avec l’adresse d’un homme habitué à se servir lui-même.
L’étranger salua encore en partant, d’un geste cérémonieux. Son œil bleu, profond, rencontra le regard hautain de la jeune fille.
Arrivé au milieu de la cour, il sauta en selle avec aisance, tourna la tête du côté de Mlle de Trivières et dit, d’un ton ironique, en soulevant son képi :
— Il ne me reste plus, mademoiselle, qu’à vous remercier de votre gracieuse hospitalité.
L’officier enleva sa bête et disparut. Depuis son arrivée, Mlle de Trivières n’avait plus prononcé un mot. Seulement, elle avait pâli en recevant son dernier salut et, comme elle se mettait en selle, ses traits prirent une expression de froideur méprisante.
En sortant de la maison, elle aperçut de loin la haute silhouette de l’officier qui tournait le coin de la place du Trocadéro. Il allait prendre l’avenue Henri-Martin.
Elle observa sa direction.
Il lui aurait fortement déplu de le rencontrer de nouveau.
Diane changea ses habitudes et, tournant la tête de sa bête, dans la direction opposée, elle se dirigea vers l’avenue du Bois.
Elle se sentait mécontente d’elle-même et furieuse contre l’officier.
Il avait eu l’audace de se moquer d’elle… Rien que cette pensée fouettait le sang à son visage… Elle avait senti son orgueil cinglé par ses dernières paroles… et elle s’en voulait de n’avoir rien su trouver à lui répondre.
Ce monsieur s’était permis de lui donner une leçon, à elle, Diane de Trivières, elle, dont les jeunes gens se disputaient, naguère, les rares sourires !
Elle frémissait en se rappelant le ton sec, froid et ironique avec lequel il avait relevé ses paroles… Elle était d’autant plus agacée de la leçon qu’elle comprenait l’avoir méritée.
— Il est vrai, se disait-elle, que ma mère eût accordé cette autorisation, mais il aurait pu se déranger pour la demander lui-même !… C’est aux petits détails qu’on reconnaît un homme bien élevé… Des petites gens, sans doute !
Elle se souvint de la réflexion de Rose, tout à l’heure, et de l’incident du dolman tombé dans le jardin.
« Un officier en convalescence arrivé la veille… au cinquième étage… »
Il devait faire partie de ceux qui n’avaient pas soldé leur loyer… Un parent de la vieille dame aveugle ou de la veuve chargée de famille qui lui avaient déjà valu une admonestation de son tuteur.
Ces gens-là ne lui occasionneraient que des ennuis ! Ils ne payaient pas leurs dettes et ils trouvaient le moyen de s’imposer aux autres !
Diane essaya de chasser de son esprit le souvenir désagréable de cet incident, mais malgré elle, il revenait sans cesse l’importuner. Elle abrégea sa promenade.
En revenant dans sa chambre, elle eut une petite impression de regret en apercevant, dans son cabinet de toilette, la place vide auprès de la fenêtre.
Rose n’était plus là…
Diane songea que, pendant plusieurs semaines, elle ne rencontrerait plus à cette même place la petite figure sympathique, toujours ébouriffée, et les beaux yeux gris au regard dévoué, levés sur elle en quête d’un sourire ou d’une parole. Mais c’était pour son bien.
Beauchamp avait garanti la guérison certaine à cette condition de longs mois d’air pur et de repos… Ainsi, la petite lingère reviendrait à la vie avec du sang neuf, régénéré.
Diane eut un petit sourire en pensant avec plaisir que c’était son œuvre ; l’intérêt qu’elle avait témoigné à cette humble fille l’avait sauvée, car, elle le savait par le médecin, sans son intervention, elle était perdue…
Tout ceci ne s’était point passé sans risques pour elle-même, mais elle avait tenu à garder la jeune fille auprès d’elle afin de la surveiller… Elle en avait conçu un orgueil intime, et s’était attachée à la petite ouvrière, qui, heureusement, ignorait les réflexions de la Paméla de Richardson, quand celle-ci disait : « S’il ne s’agissait que de sauver ma vie, je ne voudrais exposer qui que ce fût au monde pour une pauvre et indigne créature comme moi ; mais mon âme est d’une aussi grande importance que celle d’une princesse. »
Mlle de Trivières avait fini par se pénétrer de cette vérité sublime : c’est pourquoi elle avait poursuivi son œuvre et sauvé la petite créature dont l’âme charmante, naïve et pure, s’était dévoilée à elle malgré les vulgarités de son enveloppe.
Et puis, elle sentait en cette fille une admiration et une affection sans bornes pour elle-même et elle en était secrètement flattée.
Il arrivait ainsi quelquefois à Mlle de Trivières, depuis cette histoire des lettres, de rapprocher sa façon de penser de celle de la lingère, ou de chercher, sans en avoir l’air, à connaître le jugement de Rose, toujours droit ou spontané, sur telle ou telle question.
Depuis que Diane avait appris à connaître la vie des humbles, son cœur, volontairement endurci jusque-là, s’ouvrait à la divine pitié et à mille autres sentiments encore confus.
Sur bien des sujets auxquels elle eût autrefois dédaigné d’arrêter sa pensée, elle réfléchissait maintenant et son jugement était plus indulgent.
Privée des services du vieux cocher parti avec Rose au château de Vauclair, dans la Sarthe, la jeune fille pria son frère de prendre chaque jour deux ou trois heures sur le temps de son travail pour l’accompagner dans ses promenades du matin.
La santé du jeune homme, surmenée par sa préparation aux examens, se trouverait bien d’un exercice régulier.
C’était le moment propice des vacances de Pâques.
Depuis leur petite enfance, Diane n’avait jamais vécu très intimement avec son frère, que ses études et ses distractions éloignaient de la maison.
La nouveauté de leur tête-à-tête, depuis le départ en Suisse de leur mère, les rapprocha et leur permit de se connaître mieux.
Bien que ressemblant beaucoup à la marquise, Jacques de Trivières avait plus d’un point de ressemblance avec sa sœur ; il tenait de son père une nature sérieuse, un esprit ferme et droit, une intelligence mûrie par les événements. Persuadé jusque-là que Diane, qu’il jugeait coquette et frivole, était incapable d’apprécier une conversation autre que celles qui avaient trait à ses plaisirs futiles, il n’avait jamais eu l’idée d’aborder avec elle un de ces sujets profonds qui, traités avec une entière liberté de pensée, font que deux personnes se pénètrent parfois davantage en une heure qu’elles ne l’ont fait durant des années.
Ce fut ce qui arriva ce jour-là au déjeuner. Au dessert, après une longue causerie, Diane pria Jacques de l’accompagner dans ses promenades, l’absence de Pascal la laissant sans escorte, et cette question lui rappelant la scène qui s’était passée la veille elle la raconta sans en rien omettre.
— Je n’admets pas qu’on se permette de parler à une femme de la sorte, acheva-t-elle.
— Avoue que c’était bien ta faute, Diane ? Je suis sûr que ce monsieur n’a pas eu un seul instant la pensée qu’il pouvait être indiscret en acceptant, pour son cheval, une place dans nos écuries. En somme, c’est une histoire plutôt ennuyeuse… Il s’agissait d’un officier… Refuser en ce moment un léger service, c’est se faire mal juger sans motif.
— Nous nous soucions peu de l’opinion de ces gens.
— Pourtant, fit le jeune homme, en souriant, il faut que l’opinion de cet officier que tu ne connais pas ne te soit pas si indifférente, tu en parles avec une rancune…
— Il a voulu me donner une leçon… Il s’est moqué de moi !… C’est intolérable !…
— Oh ! tu exagères… Sais-tu ce que je pense que nous lui devons, à ce monsieur ?
— Des excuses, peut-être ?
— Parfaitement ! de plates excuses… Quand je le rencontrerai… Un officier blessé, tu dis ?… Arrivé d’hier. Je demanderai à Moreau de qui il s’agit…
— Et, tu as l’intention de lui offrir les stalles de nos écuries pour tous les chevaux qu’il voudra ?
— Je le dois, Diane. Comprends donc les choses… C’est bien le moins que nous ayons quelque complaisance pour des hommes qui se battent pour nous…
— Oh ! si tu le prends sur ce ton !… Fais comme tu voudras. Mais si je le rencontre dans la cour, je ne le salue pas…
— Allons, tu te fais plus mauvaise que tu n’es.
Trois ou quatre jours plus tard, le frère et la sœur débouchaient d’une allée du bois, quand ils virent venir à leur rencontre deux cavaliers.
— Tiens, dit Jacques, voici M. de Roysel, je ne savais pas qu’il était à Paris.
— Oh ! fit Diane avec un léger sursaut, sais-tu avec qui il est ?
— Non.
— Avec notre locataire, l’officier blessé, tu sais ?… Regarde, il a le bras droit bandé…
— Eh bien ! mais, fit Jacques, voici l’occasion. Arrêtons-nous. Parlons-leur.
— Tu veux lui parler… à lui ?
— A ton ennemi ?… peut-être. A Roysel, d’abord. Écoute, Diane, fais un petit effort ! Dis-lui quelques mots. S’il est galant homme, il acceptera n’importe quelle excuse venant de toi…
— Des excuses, de moi à lui ? Jacques, tu es fou !
Pendant ce colloque, Roysel disait à son compagnon :
— Je vois venir le petit Trivières avec sa sœur.
— Vous les connaissez ? demanda très vite le lieutenant de Kéravan. Si vous avez l’intention de vous arrêter, je…
Roysel regarda son ami en disant :
— Vous aussi, vous les connaissez ?
— Non… non, du tout !
— Ah ! fit l’autre en riant, vous auriez pu être l’une des nombreuses victimes de Mlle Diane… Mais pourquoi auriez-vous de la répugnance à lui être présenté ?
— J’ai horreur des nouvelles connaissances.
— Vous avez tort, mon ami. Mlle de Trivières est une de nos héritières les plus en vue…
— Les héritières ne sont point mon fait ! Arrêtez-vous pendant que je m’esquiverai à l’anglaise.
— Trop tard ! murmura Roysel.
En effet, Jacques de Trivières avait devancé sa sœur et piquait sur eux, la main tendue.
Roysel présenta son ami.
— Un de mes camarades du front : le lieutenant de Kéravan.
Très raide, l’officier salua…
En relevant les yeux, son regard rencontra le regard glacial de la jeune fille ; elle détourna la tête.
Pendant ce temps, Jacques disait :
— Nous allons retourner aussi. Je serai content de causer un moment avec vous, Roysel…
Ils prirent les devants.
Diane se trouva ainsi un peu en arrière au côté de son « ennemi ».
Ils gardèrent d’abord un silence embarrassé, puis Diane, faisant un effort sur elle-même, se décida à parler la première.
— Ce n’est pas la première fois, monsieur, que nous nous rencontrons, quoique vous ne m’ayez pas encore été présenté.
— Il me semble, en effet, mademoiselle, répondit-il d’un air détaché, avoir eu déjà l’honneur de vous parler…
Au souvenir de ce qu’il lui avait dit en cette occasion, Diane se sentit rougir et pressa un peu l’allure de son cheval.
— C’est un souvenir qui n’a pas dû vous laisser une impression très… agréable, dit-elle.
Elle s’arrêta, attendant un mot…
Elle le regarda, il avait toujours son air lointain, regardant droit devant lui avec ce petit sourire ironique qui l’avait tant blessée déjà.
Cependant, pour être agréable à son frère, elle ajouta :
— Nous sommes désolés, monsieur, de n’avoir pas été prévenus à l’avance. Mon frère et moi, nous nous serions fait un plaisir de vous offrir…
Il ne la laissa pas achever et répondit d’un ton glacial :
— Je vous suis reconnaissant, mademoiselle, ainsi qu’à monsieur votre frère. Je vous remercie infiniment. Mais j’ai pris, en ce qui concerne mon cheval, d’autres dispositions.
« L’orgueilleux ! » pensa Diane.
Elle poussa son cheval du côté de son frère, tandis que l’officier prenait la droite de Roysel.
A l’entrée de l’avenue du Bois, la petite troupe se sépara en deux parties.
Kéravan, après avoir salué cérémonieusement, s’apprêtait à suivre son ami, quand Jacques, se rapprochant de lui, tendit sa main d’un geste aimable en disant :
— Enchanté d’avoir fait votre connaissance, monsieur. Nous sommes voisins, je crois. S’il vous était agréable de loger votre cheval dans nos écuries, elles sont à votre disposition.
— Merci, monsieur, répondit l’officier d’un ton moins maussade devant l’affabilité du jeune homme, je vous suis très obligé de votre aimable intention, mais j’ai déjà répondu à mademoiselle votre sœur que j’avais pris d’autres dispositions.
— Ah ! je regrette.
Après un dernier échange de saluts, Jacques rejoignit sa sœur, qui l’attendait à quelques pas. Diane lui dit avec vivacité :
— Pourquoi as-tu insisté ? C’était maladroit… Il avait déjà refusé.
— Je l’ignorais… J’ai cru bien faire.
— Oui, il avait refusé avec un air de dédain insupportable… Nous en avons fait assez, je pense… Qu’il n’en soit plus question !
Cependant, le lendemain soir, à l’heure du dîner, Jacques revint en disant :
— Décidément, Diane, il était écrit que je devais faire la connaissance de ton ennemi ; si je ne voulais pas te faire bondir, je dirais même que je le trouve extrêmement sympathique…
Non seulement c’est un homme d’une bravoure incontestable — Roysel m’a parlé de lui — mais il est fort intelligent… très agréable causeur dans l’intimité.
— Tu es déjà de ses intimes ?… Je t’en fais mon compliment.
— Nous nous sommes rencontrés chez Roysel, qui m’avait invité à venir voir ses trophées… Il a un casque allemand, une carabine et des grenades d’un nouveau modèle que j’étais curieux de voir… Pendant que j’y étais, M. de Kéravan est venu pour le charger de quelques commissions pour leurs amis communs. Tu sais qu’il retourne au front après-demain ? Et M. de Kéravan et lui sont du même régiment, de la même compagnie ; ils font popote ensemble avec les autres officiers. Oh ! à propos tu te souviens du neveu de bon ami, Hubert de Louvigny ? Ils ont parlé de lui. C’est aussi un de leurs amis. C’est pour lui que M. de Kéravan avait une commission : une jumelle qu’il s’était chargé de lui acheter… Quel garçon adorable et sympathique !
— De qui parles-tu ? D’Hubert ?
Diane avait eu un léger mouvement en entendant prononcer le nom de son correspondant ou plutôt de celui de Rose Perrin.
Elle eut une seconde la pensée de se confier à son frère, de lui montrer ses lettres…
Puis elle se demanda comment il jugerait la chose ; il la blâmerait, discuterait, ne comprendrait pas les raisons qui l’avaient fait écrire sous un faux nom… Décidément il valait mieux ne rien dire.
Pendant que ces réflexions lui traversaient l’esprit, Jacques répondait :
— Je parle de M. de Kéravan ; nous avons passé ensemble une bonne demi-heure, et comme il rentrait chez lui en sortant de chez Roysel, je lui ai offert une place dans l’auto…
— Qu’il a acceptée ?
— Qu’il a acceptée en me faisant grand plaisir. Nous avons continué à causer ; je le trouve tout à fait charmant. Il m’a parlé de son temps de Saint-Cyr ; il m’a donné des conseils pour mon examen et il veut même me recommander à un vieux bonze qu’il connaît.
— Nous n’avons pas besoin de lui, fit Diane d’un ton de mauvaise humeur. Pour cela bon ami suffira…
— Allons ! je vois que tu lui en veux toujours… Moi, je t’avertis que si nous rencontrons le lieutenant de Kéravan, au Bois ou ailleurs, je n’ai pas l’intention de lui tourner le dos.
— Maman sera enchantée de voir que tu te lies avec des étrangers… des gens qui ne sont pas de notre monde !
— Roysel m’en a fait le plus grand éloge. Et il est calé sur le d’Hozier… Il paraît que ces Kéravan portent l’un des noms les plus anciens de Bretagne. S’il ne fait pas partie de notre monde, c’est parce qu’il n’a pas voulu s’y faire présenter… Il ne sort jamais, paraît-il, il n’a jamais invité qui que ce soit à aller chez lui, ni accepté aucune invitation… C’est un…
— Un ours !
— Non, un timide.
— Il ne m’a pas fait cet effet.
— C’est depuis qu’ils sont au front tous ensemble, que Roysel, Louvigny et les autres l’ont mieux connu. Il se bat comme un lion, et Roysel m’a appris que c’est en sauvant la vie d’Hubert de Louvigny, qu’il a ramené sur son dos, presque asphyxié, alors qu’il se tenait à peine debout lui-même, que Kéravan a gagné sa croix, à la dernière attaque par les gaz… Il paraît que ce sont les plus terribles…
— Il s’est vanté, devant toi, d’avoir sauvé son camarade ?
— Jamais de la vie ! J’ai voulu y faire allusion, comme nous rentrions en voiture, mais il a aussitôt détourné la conversation, et j’ai vu qu’il était contrarié que Roysel m’en eût parlé.
— Enfin, c’est un héros ! Tout cela est très bien, mais je ne tiens pas à faire plus ample connaissance.
— Diane… tu réfléchiras ! Crois-tu qu’avec la vie qu’ils mènent ils ont le temps de s’arrêter à des vétilles ? Ils ont pu oublier quelques-unes des conventions de notre monde…
— Un homme bien élevé reste bien élevé malgré tout. A moi, ton « héros » me déplaît fortement, et, comme je ne suis point obligée de le voir…
— Si nous le rencontrons, j’espère, du moins, que tu seras polie ?
Diane ne répondit pas…
Au fond, elle lui en voulait moins depuis qu’elle avait appris que Kéravan avait sauvé la vie de son ami au péril de la sienne, de cet Hubert de Louvigny, qui écrivait à Rose Perrin des lettres pleines d’agrément.
Il lui parut aussi que Jacques n’avait pas tout à fait tort en disant que les « héros » de notre belle et vaillante armée ont le droit d’oublier certaines conventions… quand ils paient ce droit de leur sang…
Aussi, lorsque, deux jours plus tard, en faisant leur promenade matinale, Jacques lui dit tout à coup :
— Tiens, voici le baron de Kéravan arrêté devant Bagatelle, je vais lui dire bonjour… Viens-tu ?
Elle répondit :
— Allons… Mais c’est bien pour te faire plaisir.
Et elle rendit assez gracieusement son salut au lieutenant.
Kéravan accepta, au grand plaisir de Jacques, de faire route ensemble…
C’était une aubaine pour le jeune garçon que d’entendre parler du sujet qui le passionnait, surtout par un des acteurs du grand drame qui en rapportait des impressions toutes fraîches.
Et Diane qui, jusqu’alors, s’était fort peu préoccupée de la guerre — Paris était loin du front et dans un certain milieu les privations étaient alors si peu sensibles ! — écouta avec un intérêt croissant le lieutenant raconter les attaques nocturnes sous les rafales d’artillerie, les sombres jours de la retraite que l’officier avait opérée depuis Charleroi jusqu’à la Marne, — six jours sans vivres ! harcelés par l’ennemi et la rage au cœur !
Il parlait de ce temps avec une émotion contenue qui altérait par instants le son de sa voix et qui affirmait mieux que des déclamations enthousiastes son ardent amour pour la France.
La jeune fille s’étonnait que de tels événements, d’une horreur tragique, se fussent déroulés à quelques lieues de Paris, que des Français en eussent souffert jusqu’au dernier degré de la misère humaine, alors que d’autres et elle-même, en particulier, n’en avaient pas été autrement troublés…
L’égoïsme humain lui parut laid tout à coup… Elle ressentit une sorte d’humiliation intérieure en face de ce héros de la Grande Épopée qui racontait les choses si simplement.
Le lendemain matin, Diane elle-même dit à son frère :
— Allons nous promener devant Bagatelle au même endroit qu’hier, M. de Kéravan nous a dit qu’il y allait tous les jours… Puisqu’il t’intéresse…
— Il me semble que tu te réconcilies.
Elle avoua en souriant :
— Moi, oui. Mais lui, je crois qu’il m’en veut toujours. As-tu remarqué qu’il ne s’adresse jamais à moi ? Il a l’air de parler pour toi seul comme si je ne comptais pas. C’est à peine poli !
— Cela te change des fadeurs de tes amoureux, dit Jacques en riant.
— Ah ! oui, je peux dire que celui-là ne ressemble guère aux autres. Je suis bien sûr qu’il ne me fera jamais la cour.
— Cela te vexe ?
— Du tout ! Avec lui je n’ai pas peur de voir surgir un compliment à chaque tournant de phrase. Et puis… je me demande s’il saurait ?
Il était même évident que leur nouvelle connaissance savait à peine parler aux femmes.
Il était peut-être moins timide en leur écrivant, mais, de cela, Rose Perrin même ne se doutait pas !
Il répondait avec une contrainte marquée aux questions que Diane plaçait de temps à autre dans leurs conversations.
Il ne la regardait jamais en face, strictement poli, mais ne devenant franchement aimable et naturel qu’avec Jacques.
Les promenades à cheval se renouvelèrent presque chaque jour.
Par un accord tacite, sans s’être donné de rendez-vous, les cavaliers se retrouvaient dans l’avenue Henri-Martin, à la même heure, et ils partaient ensemble, tantôt dans une direction, tantôt dans une autre.
Ils choisissaient les chemins ombreux et discrets auxquels la solitude presque totale du Bois laissait tout leur charme.
Au commencement de mai, ils purent suivre d’un jour à l’autre les progrès du printemps.
C’était un arbre qu’ils avaient remarqué la veille et dont tous les bourgeons avaient éclaté à la fois… C’était une allée qui leur avait paru, deux jours plus tôt, triste et dénudée, et qu’ils retrouvaient baignée dans une ombre verte où passaient des rameaux empanachés ; c’était, sous les sabots des chevaux, l’herbe fine pointant de plus en plus touffue ; c’était encore le soleil plus chaud, la clarté plus lumineuse.
En nul autre endroit la beauté de Diane ne pouvait paraître plus à son avantage que parmi les bois, dans ces matins printaniers d’une lumière si pure…
Son habit d’amazone soulignait la ligne souple de son buste… Elle paraissait vraiment dans le cadre fait pour elle lorsque, très droite en selle, sa tête fine campée en arrière, son teint, pâle habituellement, rosé par l’ardeur de la course, sa poitrine ronde soulevée par la respiration, ses yeux animés, sa svelte silhouette se profilait sur l’horizon des verdures nouvelles.
Plusieurs fois, soit qu’il la vît arriver de loin avec son frère, soit qu’il osât porter les yeux sur elle quand, arrêtés tous trois dans une clairière, ils discutaient sur le chemin à prendre, Hervé de Kéravan n’avait pu s’empêcher de donner à ses yeux ce régal de beauté.
Mais le guerrier au cœur sage tournait bien vite son regard vers des aspects de la nature inanimée moins dangereux pour son repos.
Les millions de la belle Diane suffisaient à écarter de lui à tout jamais les velléités de plaire.
« Quelques jours agréables et vite passés, raisonnait-il, en chevauchant aux côtés de la jeune fille, et ce sera tout ! J’irai me replonger dans la fournaise. Elle gardera peut-être le souvenir vague d’un pauvre officier bien peu intéressant qu’à défaut d’autres elle a daigné accepter comme cavalier… Allons, mon vieux, ajoutait-il, en s’admonestant lui-même, cette belle héritière n’est pas pour toi !… Crains les déceptions, les désillusions… ferme les yeux, ferme ta bouche, ferme ton cœur.
Malgré sa résolution, il ne pouvait s’empêcher d’y penser même, et surtout, en son absence…
« Quelle femme est-elle au fond ? se demandait-il. Quelle surprise réserve cette magnifique énigme ?
« Élevée dans un milieu ultra-mondain, uniquement formée pour plaire et ne connaissant d’autre loi que son caprice et nulle limite à ses volontés… elle n’est point la compagne désirable d’un homme habitué à un autre genre de vie, aux goûts sérieux, à l’esprit simple et modeste.
« Allons, concluait-il, en sortant avec effort de ses dangereuses rêveries, je suis insensé de m’arrêter, même un instant, à ces idées. Heureusement que chaque jour me rapproche de mon départ et de notre séparation… Je serai là-bas bien à l’abri et je reprendrai tranquillement ma correspondance avec ma petite amie Rose… Celle-là n’est pas dangereuse ! »
Ce qui lui plaisait surtout dans ses relations avec Rose, ce qui était bien conforme au fond idéaliste de sa nature de Breton, c’était la condition expresse qu’elle lui avait imposée de ne jamais chercher à percer le voile de l’anonymat dont elle avait voulu se couvrir.
Hervé s’était rappelé la légende de la fée des Korrigans, que lui contait Corentine quand il était petit.
La fée aux voiles blancs, qui punissait de mort l’être humain assez audacieux pour s’aventurer dans la lande au douzième coup de minuit, et chercher à surprendre les divertissements des fées et des gnomes dansant sous les rayons de lune.
Il ne verrait jamais Rose Perrin, mais leur correspondance lointaine suffirait à donner un aliment aux aspirations sentimentales dont ses vingt-huit ans lui troublaient parfois le cœur ou l’esprit, et il se tiendrait toujours éloigné de la lande mystérieuse où son cœur courait un mortel danger…
Voilà pourquoi Hervé de Kéravan demeurait circonspect et glacé en la présence de Diane.
Celle-ci prenait son attitude pour un reste de rancune ou de méfiance. Pourtant, ces manières distantes irritaient l’orgueil de la jeune fille, et la pensée de l’officier l’occupait plus qu’elle n’eût voulu se l’avouer.
Elle était étonnée et irritée à la fois de constater qu’un homme pouvait rester insensible au pouvoir de ses charmes. Et il fallait que ce fût ce Breton, si pauvre, si sauvage, qu’il n’admettait personne dans son intimité, qui opposât une froideur glaciale aux avances dont elle daignait l’honorer ! Depuis longtemps, Diane ne se souvenait pas d’avoir fait autant de frais, d’avoir été aussi naturelle, aussi aimable, en pure perte.
— Quel entêté ! Quel orgueilleux !
Le granit des rochers de son pays n’était pas plus dur à entamer que cette nature obstinée, rebelle à toute emprise !
Diane, dépitée, se reprochait d’y trop penser et de négliger le souvenir d’Hubert, lui qui, certes, pensait-elle, eût été trop heureux de lui payer son tribut d’admiration.
« Je devrais supprimer ces promenades, se disait-elle, mais Jacques y tient, il lui reste si peu d’amis ! Il partira dans quelques semaines et je l’oublierai. Pourquoi Hubert n’écrit-il plus ? Est-il fatigué de notre correspondance ou a-t-il été blessé ? »
Cette question l’inquiétait.
Un jour — ils se promenaient à pied dans la roseraie de Bagatelle, ayant laissé leurs chevaux à la grille — Diane profita de ce que son frère était un peu éloigné, occupé à causer avec un jardinier, pour demander au lieutenant, qui continuait à marcher auprès d’elle avec l’air contraint qu’il gardait toujours :
— Je crois que vous connaissez le lieutenant de Louvigny ?
— Oui, mademoiselle, Hubert de Louvigny et moi sommes très liés. Vous le connaissez aussi ?
— C’est un de nos anciens camarades de jeux. Je me souviens à peine de lui. Il venait autrefois à la maison, pendant qu’il faisait ses études, avec son oncle, qui se trouve être notre tuteur à mon frère et à moi. N’a-t-il pas été blessé ?
— Il avait subi un grave commencement d’asphyxie pendant la dernière attaque… Il a eu la chance d’en sortir.
Diane jeta un regard involontaire sur la croix qui étoilait la poitrine de l’officier ; mais, sachant qu’il ne souffrait pas d’allusion à sa bravoure, elle se contenta de dire :
— Il était très gai autrefois. Comment est-il devenu ?
— Toujours le même, c’est un si excellent garçon, plein d’entrain, d’une santé resplendissante et le plus joyeux compagnon de notre popote ! Rien de pareil à la gaieté communicative de Louvigny pour éloigner le cafard… Avec cela, c’est le meilleur et le plus serviable des amis… Et son courage égale sa bonté. Il est aussi réconfortant de le voir au combat que de l’entendre à table.
Ils s’étaient arrêtés au détour de l’allée pour attendre leur compagnon. Mlle de Trivières considérait avec étonnement la physionomie du lieutenant pendant qu’il faisait l’éloge de son ami.
Ainsi, cet homme froid était donc susceptible d’éprouver de l’amitié ?… Comment la gaieté exubérante d’Hubert cadrait-elle avec le flegme imperturbable du rude Breton ? Encore un mystère de la loi des contrastes.
Cependant, elle lui sut gré de son attachement sincère pour celui auquel elle se croyait destinée.
Diane réfléchissait souvent à la situation qu’elle s’était créée par sa correspondance avec le neveu de son tuteur…
Lorsque, la comédie jouée, elle enlèverait son masque, Hubert n’aurait plus qu’à tomber à ses genoux en lui jurant un amour éternel. Mme de Trivières, ainsi que le général, assisteraient au dénouement et viendraient à point pour donner leur bénédiction en feignant une grande stupéfaction, ainsi qu’il est de règle au troisième acte de toute comédie bien conduite.
Le plan en était tracé d’avance. Pas de surprise ! Rien à craindre !… que la balle ou l’éclat d’obus qui pouvaient interrompre le cours de la pièce en supprimant le héros.
Et ce danger constamment suspendu sur sa tête rendait celui-ci encore plus intéressant.
Diane était satisfaite du portrait qu’en faisait de Kéravan ; elle n’y trouvait qu’une seule chose à reprendre : c’est que ce portrait ne s’accordait nullement avec celui qu’elle s’était plu à imaginer.
Le correspondant de Rose Perrin, d’après ses lettres, lui paraissait plutôt sentimental.
Il se disait lui-même : « Gai rarement, triste le plus souvent. »
Elle le voyait, ce fin psychologue, d’esprit sérieux, réfléchi, plutôt penchant du côté de la mélancolie que de la gaieté ; sans doute était-il très différent dans sa correspondance, ou bien sa gaieté habituelle n’était-elle qu’en surface et voulait-il donner à ses camarades l’exemple d’un entrain nécessaire…
Quoi qu’il en fût, Diane n’hésitait pas dans son choix ; entre ces images différentes elle s’avoua que l’auteur des lettres à Rose Perrin emportait ses sympathies…