Sais-tu? Oui.--Retiens. Non.--Apprends.: Recueil de poésies simples et faciles destinées à servir d'exercices élémentaires de mémoire
Le bien de la fortune est un bien périssable;
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable.
Plus on est élevé plus on court de dangers;
Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête,
Et la rage des vents brise plutôt le faîte
Des maisons de nos rois, que les toits des bergers.
O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire,
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, loin, retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison content de sa fortune,
A selon son pouvoir mesuré ses désirs.
Il laboure le champ que labourait son père.
Il ne s'informe point de ce qu'on délibère
Dans ces graves conseils d'affaires accablés.
Il voit sans intérêt la mer grosse d'orages,
Et n'observe des vents le sinistre présage
Que pour le soin qu'il a du salut de ses blés.
Roi de ses passions, il a ce qu'il désire,
Son fertile domaine est son petit empire,
Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau;
Ses champs et ses jardins sont autant de provinces,
Et sans porter envie à la pompe des princes,
Se contente chez lui de les voir en tableau.
Il voit de toutes parts prospérer sa famille,
La javelle à plein poing tomber sous sa faucille,
Le vendangeur ployer sous le faix des paniers;
Il semble qu'à l'envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons et les grasses campagnes,
S'efforcent à remplir sa cave et ses greniers.
Il soupire en repos l'ennui de sa vieillesse
Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse
A vu dans le berceau ses bras emmaillotés.
Il tient par les moissons registre des années,
Et voit de temps en temps leurs courses enchaînées
Vieillir avecque lui les bois qu'il a plantés.
Il ne va point fouiller aux terres inconnues,
A la merci des vents et des ondes chenues,
Ce que nature avare a caché de trésors;
Et ne recherche point, pour honorer sa vie,
De plus illustre mort ni plus digne d'envie
Que de mourir au lit où ses pères sont morts.
Il ne possède point ces maisons magnifiques,
Ces tours, ces chapiteaux, ces superbes portiques
Où la magnificence étale ses attraits,
Il jouit des beautés qu'ont les saisons nouvelles;
Il voit de la verdure et des fleurs naturelles
Qu'en ces riches lambris l'on ne voit qu'en portraits.
Crois-moi, retirons-nous hors de la multitude,
Et vivons désormais loin de la servitude
De ces palais dorés où tout le monde accourt:
Sous un chêne élevé les arbrisseaux s'ennuient.
Et devant le soleil tous les astres s'enfuient
De peur d'être obligés de lui faire la cour.
Après qu'on a suivi sans aucune assurance
Cette vaine faveur qui nous plaît d'espérance,
L'envie en un moment tous nos desseins détruit;
Ce n'est qu'une fumée, il n'est rien de si frêle;
Sa plus belle moisson est sujette à la grêle,
Et souvent elle n'a que des fleurs pour du fruit.
Agréables déserts, séjour de l'innocence,
Où, loin des vanités de la magnificence,
Commence mon repos et finit mon tourment;
Vallon, fleuve, rochers, plaisante solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,
Soyez-le désormais de mon contentement.
LES CHATEAUX EN ESPAGNE
Chacun fait des châteaux en Espagne;
On en fait à la ville ainsi qu'à la campagne;
On en fait en dormant, on en fait éveillé.
Le pauvre paysan sur sa bêche appuyé,
Peut se croire, un moment, seigneur de son village.
Le vieillard oubliant les glaces de son âge,
Se figure aux genoux d'une jeune beauté,
Et sourit; son neveu sourit de son côté,
En songeant qu'un matin du bonhomme il hérite.
Telle femme se croit sultane favorite;
Un commis est ministre, un jeune abbé, prélat;
Le prélat... Il n'est pas jusqu'au simple soldat,
Qui ne se soit un jour cru maréchal de France;
Et le pauvre, lui-même, est riche en espérance,
Et chacun redevient Gros-Jean comme devant.
Eh bien! chacun, du moins, fut heureux en rêvant.
C'est quelque chose encore que de faire un beau rêve:
A nos chagrins réels c'est une utile trêve.
Nous en avons besoin: nous sommes assiégés
De maux, dont à la fin nous serions surchargés
Sans ce délire heureux qui se glisse en nos veines.
Flatteuse illusion! doux oubli de nos peines,
Oh! qui pourrait compter les heureux que tu fais!
L'espoir et le sommeil sont de moindres bienfaits.
Délicieuse erreur! tu nous donnes d'avance
Le bonheur, que promet seulement l'espérance.
Le doux sommeil ne fait que suspendre nos maux,
Et tu mets à la place un plaisir: en deux mots,
Quand je songe, je suis le plus heureux des hommes;
Et dès que nous croyons être heureux, nous le sommes.
Il est fou... là... songer qu'on est roi! seulement!
On peut bien quelquefois se flatter dans la vie.
J'ai par exemple, hier, mis à la loterie;
Et mon billet enfin pourrait bien être bon.
Je conviens que cela n'est pas certain: oh! non;
Mais la chose est possible, et cela doit suffire.
Puis, en me le donnant on s'est mis à sourire,
Et l'on m'a dit: «Prenez, car c'est là le meilleur.»
Si je gagnais pourtant le gros lot! quel bonheur!
J'achèterais d'abord une ample seigneurie...
Non, plutôt une bonne et grasse métairie,
Oh! oui! dans ce canton, j'aime ce pays-ci;
Et Justine, d'ailleurs, me plaît beaucoup aussi.
J'aurais donc, à mon tour, des gens à mon service!
Dans le commandement je serai peu novice;
Mais je ne serai point dur, insolent, ni fier,
Et me rappellerai ce que j'étais hier,
Ma foi, j'aime déjà ma ferme à la folie.
Moi, gros fermier!.. j'aurai ma basse-cour remplie
De poules, de poussins que je verrai courir!
De mes mains, chaque jour, je prétends les nourrir;
C'est un coup d'œil charmant! et puis cela rapporte.
Quel plaisir, quand le soir, assis devant ma porte,
J'entendrai le retour de mes moutons bêlants,
Que je verrai de loin revenir à pas lents,
Mes chevaux vigoureux et mes belles génisses!
Ils sont nos serviteurs, elles sont nos nourrices.
Et mon petit Victor, sur son âne monté,
Fermant la marche avec un air de dignité!
Je serai plus heureux que Monsieur sur un trône.
Je serai riche, riche, et je ferai l'aumône.
Tout bas, sur mon passage, on se dira: «Voilà
«Ce bon monsieur Victor»; cela me touchera.
Je puis bien m'abuser; mais ce n'est pas sans cause:
Mon projet est au moins fondé sur quelque chose,
(Il cherche.)
Sur un billet. Je veux revoir ce cher... Eh! mais...
Où donc est-il? Tantôt encore je l'avais,
Depuis quand ce billet est-il donc invisible?
Ah! l'aurais-je perdu? serait-il bien possible?
Mon malheur est certain: me voilà confondu.
(Il crie.)
Que vais-je devenir? hélas! j'ai tout perdu.
COLLIN D'HARLEVILLE.
MOISE SAUVÉ DES EAUX
«Mes sœurs, l'onde est plus fraîche aux premiers feux du jour.
«Venez: le moissonneur repose en son séjour;
«La rive est solitaire encore;
«Memphis élève à peine un murmure confus;
«Et nos chastes plaisirs, sous ces bosquets touffus,
«N'ont d'autre témoin que l'aurore.
«Au palais de mon père on voit briller les arts;
«Mais ces bords pleins de fleurs charment plus mes regards
«Qu'un bassin d'or ou de porphyre;
«Ces chants aériens sont mes concerts chéris;
«Je préfère aux parfums qu'on brûle en nos lambris
«Le souffle embaumé du zéphire!
«Venez: l'onde est si calme et le ciel est si pur!
«Laissez sur ces buissons flotter les plis d'azur
«De vos ceintures transparentes;
«Détachez ma couronne et ces voiles jaloux,
«Car je veux aujourd'hui folâtrer avec vous
«Au sein des vagues murmurantes.
«Hâtons-nous... Mais parmi les brouillards du matin,
«Que vois-je? Regardez à l'horizon lointain...
«Ne craignez rien, filles timides!
«C'est sans doute, par l'onde entraîné vers les mers,
«Le tronc d'un vieux palmier, qui, du fond des déserts,
«Vient visiter les pyramides.
«Que dis-je? si j'en crois mes regards indécis,
«C'est la barque d'Hermès ou la conque d'Isis,
«Que pousse une brise légère.
«Mais non; c'est un esquif où, dans un doux repos,
«J'aperçois un enfant qui dort au sein des flots,
«Comme on dort au sein de sa mère.
«Il sommeille, et de loin, à voir son lit flottant,
«On croirait voir voguer sur le fleuve inconstant
«Le nid d'une blanche colombe.
«Dans sa couche enfantine il erre au gré du vent;
«L'eau le balance, il dort, et le gouffre mouvant
«Semble le bercer dans sa tombe!
«Il s'éveille: accourez, ô vierges de Memphis!
«Il crie... Ah! quelle mère a pu livrer son fils
«Au caprice des flots mobiles?
«Il tend les bras; les eaux grondent de toute part,
«Hélas! contre la mort il n'a d'autre rempart
«Qu'un berceau de roseaux fragiles.
«Sauvons-le... C'est peut-être un enfant d'Israël;
«Mon père les proscrit, mon père est bien cruel
«De proscrire ainsi l'innocence!
«Faible enfant! ses malheurs ont ému mon amour,
«Je veux être sa mère: il me devra le jour,
«S'il ne me doit pas la naissance.»
Ainsi parlait Iphis, l'espoir d'un roi puissant,
Alors qu'aux bords du Nil son cortège innocent
Suivant sa course vagabonde;
Et ces jeunes beautés, qu'elle effaçait encor,
Quand la fille des rois quittait ses voiles d'or,
Croyaient voir la fille de l'Onde.
Sous ses pieds délicats déjà le flot frémit;
Tremblante, la pitié vers l'enfant qui gémit
La guide en sa marche craintive;
Elle a saisi l'esquif fière de ce doux poids,
L'orgueil sur son beau front pour la première fois
Se mêle à la pudeur naïve.
Bientôt, divisant l'onde et brisant les roseaux,
Elle apporte à pas lents l'enfant sauvé des eaux
Sur le bord de l'arène humide;
Et ses sœurs tour à tour au front du nouveau-né,
Offrant leur doux sourire à son œil étonné,
Déposaient un baiser timide.
Accours, toi qui, de loin, dans un doute cruel,
Suivant des yeux ton fils sur qui veillait le ciel,
Viens ici comme une étrangère;
Ne crains rien: en prenant Moïse entre tes bras,
Tes pleurs et tes transports ne te trahiront pas;
Car Iphis n'est pas encor mère!
Alors, tandis qu'heureuse et d'un pas triomphant,
La vierge au roi farouche amenait l'humble enfant,
Baigné des larmes maternelles.
On entendait en chœur, dans les cieux étoilés,
Des anges, devant Dieu, de leurs ailes voilés,
Chanter les lyres éternelles.
«Ne gémis plus, Jacob, sur la terre d'exil;
«Ne mêle plus tes pleurs aux flots impurs du Nil;
«Le Jourdain va t'ouvrir ses rives.
«Le jour enfin approche où vers les champs promis
«Gessen verra s'enfuir, malgré leurs ennemis,
«Les tribus si longtemps captives.
«Sous les traits d'un enfant délaissé sur les flots,
«C'est l'élu du Sina, c'est le roi des fléaux
«Qu'une vierge sauve de l'onde.
«Mortels, vous dont l'orgueil méconnaît l'Éternel,
«Fléchissez: un berceau va sauver Israël,
«Un berceau doit sauver le monde!»
VICTOR HUGO.
JEANNE D'ARC
Silence au camp! la vierge est prisonnière;
Par un injuste arrêt Bedfort croit la flétrir:
Jeune encore elle touche à son heure dernière...
Silence au camp! la vierge va périr.
Des pontifes divins, vendus à la puissance,
Sous les subtilités des dogmes ténébreux
Ont accablé son innocence;
Les Anglais commandaient ce sacrifice affreux:
Un prêtre en cheveux blancs ordonna le supplice;
Et c'est au nom d'un Dieu par lui calomnié,
D'un Dieu de vérité, d'amour et de justice,
Qu'un prêtre fut perfide, injuste et sans pitié.
A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers?
Pour qui ces torches qu'on excite?
L'airain sacré tremble et s'agite...
D'où vient ce bruit lugubre? Où courent ces guerriers,
Dont la foule à longs flots roule et se précipite?
La joie éclate sur leurs traits;
Sans doute l'honneur les enflamme;
Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais:
Non, ces guerriers sont des Anglais
Qui vont voir mourir une femme.
Qu'ils sont nobles dans leurs courroux!
Qu'il est beau d'insulter au bras chargé d'entraves!
La voyant sans défense, ils s'écriaient, ces braves:
Qu'elle meure; elle a contre nous
Des esprits infernaux suscité la magie...
Lâches! que lui reprochez-vous?
D'un courage inspiré la brûlante énergie,
L'amour du nom français, le mépris du danger,
Voilà sa magie et ses charmes;
En faut-il d'autres que des armes
Pour combattre, pour vaincre et punir l'étranger?
Du Christ avec ardeur Jeanne baisait l'image;
Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents;
Au pied de l'échafaud, sans changer de visage,
Elle s'avançait à pas lents.
Tranquille elle y monta; quand, debout sur le faîte,
Elle vit ce bûcher qui l'allait dévorer,
Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête,
Sentant son cœur faillir elle baisa la tête,
Et se prit à pleurer.
Ah! pleure, fille infortunée!
Ta jeunesse va se flétrir,
Dans sa fleur trop tôt moissonnée!
Adieu, beau ciel, il faut mourir.
Tu ne reverras plus tes riantes montagnes,
Le temple, le hameau, les champs de Vaucouleurs,
Et ta chaumière et tes compagnes,
Et ton père expirant sous le poids des douleurs.
Après quelques instants d'un horrible silence,
Tout à coup le feu brille; il s'irrite, il s'élance...
Le cœur de la guerrière alors s'est ranimé:
A travers les vapeurs d'une fumée ardente,
Jeanne encore menaçante,
Montre aux Anglais son bras à demi consumé.
Pourquoi reculer d'épouvante?
Anglais, son bras est désarmé.
La flamme l'environne, et sa voix expirante
Murmure encore: «O France! ô mon roi bien-aimé!»
Que faisait-il, ce roi? Plongé dans la mollesse,
Tandis que le malheur réclamait son appui,
L'ingrat, il oubliait, aux pieds d'une maîtresse,
La vierge qui mourait pour lui!
Ah! qu'une page si funeste
De ce règne victorieux,
Pour n'en pas obscurcir le reste,
S'efface sous les pleurs qui tombent de nos yeux.
Qu'un monument s'élève aux lieux de ta naissance,
O toi qui des vainqueurs renversas les projets!
La France y portera son deuil et ses regrets,
Sa tardive reconnaissance;
Elle y viendra gémir sous de jeunes cyprès;
Puissent croître avec eux sa gloire et sa puissance!
Que sur l'airain funèbre on grave des combats,
Des étendards anglais fuyant devant tes pas,
Dieu vengeant par tes mains la plus juste des causes.
Venez, jeunes beautés; venez, braves soldats;
Semez sur son tombeau les lauriers et les roses!
Qu'un jour le voyageur, en parcourant ces bois,
Cueille un rameau sacré, l'y dépose et s'écrie:
«A celle qui sauva le trône et la patrie,
«Et n'obtint qu'un tombeau pour prix de ses exploits!»
CASIMIR DELAVIGNE.
LES CATACOMBES DE ROME
Sous les remparts de Rome, et sous ces vastes plaines,
Sont des antres profonds, des voûtes souterraines,
Qui, pendant deux mille ans, creusés par les humains,
Donnèrent leurs rochers aux palais des Romains.
Avec ses monuments et sa magnificence,
Rome entière sortit de cet abîme immense.
Depuis, loin des regards et du fer des tyrans,
L'Église encor naissante y cacha ses enfants,
Jusqu'au jour où, du sein de cette nuit profonde,
Triomphante, elle vint donner des lois au monde,
Et marqua de sa croix les drapeaux des Césars.
Jaloux de tout connaître, un jeune amant des arts,
L'amour de ses parents, l'espoir de la peinture,
Brûlait de visiter cette demeure obscure,
De notre antique foi vénérable berceau.
Un fil dans une main et dans l'autre un flambeau,
Il entre, il se confie à ces voûtes nombreuses,
Qui croisent en tous sens leurs routes ténébreuses.
Il aime à voir ce lieu, sa triste majesté,
Ce palais de la nuit, cette sombre cité,
Ces temples où le Christ vit ses premiers fidèles,
Et de ces grands tombeaux les ombres éternelles.
Dans un coin écarté se présente un réduit,
Mystérieux asile où l'espoir le conduit.
Il voit des vases saints et des urnes pieuses,
Des vierges, des martyrs dépouilles précieuses.
Il saisit ce trésor, il veut poursuivre: hélas!
Il a perdu le fil qui conduisait ses pas.
Il cherche, mais en vain: il s'égare, il se trouble;
Il s'éloigne, il revient, et sa crainte redouble;
Il prend tous les chemins que lui montre la peur.
Enfin, de route en route et d'erreur en erreur,
Dans les enfoncements de cette obscure enceinte
Il trouve un vaste espace, effrayant labyrinthe,
D'où vingt chemins divers conduisent à l'entour.
Lequel choisir? lequel doit le conduire au jour?
Il les consulte tous: il les prend, il les quitte;
L'effroi suspend ses pas, l'effroi les précipite;
Il appelle: l'écho redouble sa frayeur;
De sinistres pensers viennent glacer son cœur.
L'astre heureux qu'il regrette a mesuré dix heures
Depuis qu'il est errant dans ces noires demeures.
Ce lieu d'effroi, ce lieu d'un silence éternel,
En trois lustres entiers voit à peine un mortel
Et, pour comble d'effroi, dans cette nuit funeste
Du flambeau qui le guide il voit périr le reste.
Craignant que chaque pas, que chaque mouvement,
En agitant la flamme en use l'aliment,
Quelquefois il s'arrête et demeure immobile.
Vaines précautions! tout soin est inutile;
L'heure approche, et déjà son cœur épouvanté
Croit de l'affreuse nuit sentir l'obscurité.
Il marche, il erre encor sous cette voûte sombre;
Et le flambeau mourant fume et s'éteint dans l'ombre.
Il gémit; toutefois, d'un souffle haletant,
Le flambeau ranimé se rallume à l'instant.
Vain espoir! par le feu la cire consumée,
Par degrés s'abaissant sur la mèche enflammée,
Atteint sa main souffrante, et de ses doigts vaincus
Les nerfs découragés ne la soutiennent plus;
De son bras défaillant enfin la torche tombe,
Et ses derniers rayons ont éclairé sa tombe.
L'infortuné déjà voit cent spectres hideux:
Le délire brûlant, le désespoir affreux,
La mort... non cette mort qui plaît à la victoire,
Qui vole avec la foudre, et que pare la gloire;
Mais lente, mais horrible, et traînant par la main
La faim, qui se déchire et se ronge le sein.
Son sang, à ces pensers, s'arrête dans ses veines,
Et quels regrets touchants viennent aigrir ses peines!
Ses parents, ses amis qu'il ne reverra plus!
Et ces nobles travaux qu'il laisse suspendus!
Ces travaux qui devaient illustrer sa mémoire,
Qui donnaient le bonheur et promettaient la gloire!
Et celle dont l'amour, celle dont le souris
Fut son plus doux éloge et son plus digne prix!
Quelques pleurs de ses yeux coulent à cette image,
Versés par le regret, et séchés par la rage.
Cependant il espère; il pense quelquefois
Entrevoir des clartés, distinguer une voix.
Il regarde, il écoute... Hélas! dans l'ombre immense
Il ne voit que la nuit, n'entend que le silence;
Et le silence encore ajoute à sa terreur.
Alors, de son destin sentant toute l'horreur,
Son cœur tumultueux roule de rêve en rêve;
Il se lève, il retombe, et soudain se relève,
Se traîne quelquefois sur de vieux ossements,
De la mort qu'il veut fuir horribles monuments!
Quand, tout à coup, son pied trouve un léger obstacle.
Il y porte la main. O surprise! ô miracle!
Il sent, il reconnaît le fil qu'il a perdu,
Et de joie et d'espoir il tressaille éperdu.
Ce fil libérateur, il le baise, il l'adore,
Il s'en assure, il craint qu'il ne s'échappe encore;
Il veut le suivre, il veut revoir l'éclat du jour.
Je ne sais quel instinct l'arrête en ce séjour.
A l'abri du danger, son âme encor tremblante
Veut jouir de ces lieux et de son épouvante.
A leur aspect lugubre, il éprouve en son cœur
Un plaisir agité d'un reste de terreur.
Enfin tenant en main son conducteur fidèle,
Il part, il vole aux lieux où la clarté l'appelle.
Dieux! quel ravissement, quand il revoit les cieux,
Qu'il croyait pour jamais éclipsés à ses yeux!
Avec quel doux transport il promène sa vue
Sur leur majestueuse et brillante étendue!
La cité, le hameau, la verdure, les bois,
Semblent s'offrir à lui pour la première fois;
Et, rempli d'une joie inconnue et profonde,
Son cœur croit assister au premier jour du monde.
DELILLE.
PRIÈRE ENFANTINE
Notre père des cieux, père de tout le monde,
De vos petits enfants c'est vous qui prenez soin;
Mais à tant de bonté vous voulez qu'on réponde,
Et qu'on demande aussi dans une foi profonde,
Les choses dont on a besoin!
Vous m'avez tout donné, la vie et la lumière,
Le blé qui fait le pain, les fleurs qu'on aime à voir,
Et mon père et ma mère, et ma famille entière,
Moi je n'ai rien pour vous, mon Dieu, que ma prière
Que je vous dis matin et soir.
Notre père des cieux, bénissez ma jeunesse;
Pour mes parents, pour moi, je vous prie à genoux;
Afin qu'ils soient heureux donnez-moi la sagesse;
Et puissent leurs enfants les contenter sans cesse,
Pour être aimés d'eux et de vous.
Mme AMABLE TASTU.
LA CIGALE ET LA FOURMI
La cigale ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue:
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle:
Je vous paîrai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La fourmi n'est pas prêteuse;
C'est là son moindre défaut:
«Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
—Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
—Vous chantiez! j'en suis fort aise.
Hé bien! dansez maintenant.»
LA FONTAINE.
LA RENONCULE ET L'ŒILLET
La renoncule un jour dans un bouquet
Avec l'œillet se trouva réunie:
Elle eut le lendemain le parfum de l'œillet.
On ne peut que gagner en bonne compagnie.
BÉRANGER.
LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS
(Voyez page 134.)
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent les deux amis.
Le régal fut fort honnête
Rien ne manquait au festin:
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit:
Le rat de ville détale;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire:
Rats en campagne aussitôt;
Et le citadin de dire:
«Achevons tout notre rôt.
—C'est assez, dit le rustique:
Demain vous viendrez chez moi;
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi,
Mais rien ne vient m'interrompre,
Je mange à tout loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre!»
LA FONTAINE.
LE CHÊNE ET LE ROSEAU
Le chêne, un jour, dit au roseau:
«Vous avez bien sujet d'accuser la nature;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau;
Le moindre vent qui, d'aventure,
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête;
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête,
Tout vous est Aquilon; tout me semble Zéphir.
Encor, si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir;
Je vous défendrais de l'orage:
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
—Votre compassion, lui répondit l'arbuste,
Part d'un bon naturel; mais quittez ce souci:
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez, jusqu'ici,
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos,
Mais attendons la fin.» Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'arbre tient bon; le roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.
LA FONTAINE.
LE CHEVAL S'ÉTANT VOULU VENGER DU CERF
De tous temps les chevaux ne sont nés pour les hommes.
Lorsque le genre humain de glands se contentait,
Ane, cheval et mule, aux forêts habitait;
Et l'on ne voyait point, comme au siècle où nous sommes,
Tant de selles et de bâts,
Tant de harnais pour les combats,
Tant de chaises, tant de carrosses;
Comme aussi ne voyait-on pas
Tant de festins et tant de noces.
Or, un cheval eut alors différend
Avec un cerf plein de vitesse;
Et, ne pouvant l'attraper en courant,
Il eut recours à l'homme, implora son adresse.
L'homme lui mit un frein, lui sauta sur le dos,
Ne lui laissa point de repos
Que le cerf ne fût pris et n'y laissât la vie.
Et cela fait le cheval remercie
L'homme son bienfaiteur, disant: Je suis à vous;
Adieu, je m'en retourne en mon séjour sauvage.
Non pas cela, dit l'homme, il fait meilleur chez nous:
Je vois trop quel est votre usage.
Demeurez donc; vous serez bien traité,
Et jusqu'au ventre en la litière.
Hélas! que sert la bonne chère
Quand on n'a pas la liberté?
Le cheval s'aperçut qu'il avait fait folie;
Mais il n'était plus temps; déjà son écurie
Était prête et toute bâtie,
Il y mourut en traînant son lien:
Sage s'il eût remis une légère offense.
Quel que soit le plaisir que cause la vengeance,
C'est l'acheter trop cher que l'acheter d'un bien
Sans qui les autres ne sont rien.
LA FONTAINE.
LE LIÈVRE ET LA PERDRIX
Il ne se faut jamais moquer des misérables:
Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux?
Le sage Ésope dans ses fables,
Nous en donne un exemple ou deux.
Celui qu'en ces vers je propose,
Et les siens, ce sont même chose.
Le lièvre et la perdrix, concitoyens d'un champ,
Vivaient dans un état, ce semble, assez tranquille;
Quand une meute s'approchant,
Oblige le premier à chercher un asile:
Il s'enfuit dans son fort, met les chiens en défaut,
Sans même en excepter Briffaut;
Enfin il se trahit lui-même
Par les esprits sortant de son corps échauffé.
Miraut, sur leur odeur ayant philosophé,
Conclut que c'est son lièvre, et, d'une ardeur extrême,
Il le pousse; et Rustaut, qui n'a jamais menti,
Dit que le lièvre est reparti.
Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte.
La perdrix le raille et lui dit:
Tu te vantais d'aller si vite!
Qu'as-tu fait de tes pieds?.. Au moment qu'elle rit,
Son tour vient; on la trouve. Elle croit que ses ailes
La sauront garantir à toute extrémité;
Mais la pauvrette avait compté
Sans l'autour aux serres cruelles.
LA FONTAINE.
LA ROBE DE L'INNOCENCE
Ayant perdu sa robe, on dit que l'Innocence
En vain pour la chercher courut chez le Plaisir,
Chez la Fortune et la Puissance.
Qui la lui rapporta?—Ce fut le Repentir.
LACHAMBAUDIE.
LE SINGE ET LE LÉOPARD
Le singe avec le léopard
Gagnaient de l'argent à la foire.
Ils affichaient, chacun à part.
L'un d'eux disait: «Messieurs, Mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu: le roi m'a voulu voir;
Et, si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau, tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée!
Et vergetée, et mouchetée!»
La bigarrure plaît: partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait; bientôt chacun sortit.
Le singe, de sa part, disait: «Venez, de grâce,
Venez, messieurs; je fais cent tours de passe-passe.
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin léopard l'a sur soi seulement;
Moi je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du pape, en son vivant,
Tout fraîchement, en cette ville,
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler;
Car il parle; on l'entend; il sait danser, baller,
Faire des tours de toute sorte,
Passer en des cerceaux; et le tout, pour six blancs?..
Non, messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents,
Nous rendrons à chacun son argent à la porte.»
Le singe avait raison. Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me plaît; c'est dans l'esprit:
L'une fournit toujours des choses agréables;
L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants.
Oh! que de grands seigneurs, au léopard semblables,
N'ont que l'habit pour tous talents.
LA FONTAINE.
LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT
Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait,
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue, elle allait à grands pas,
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l'argent,
Achetait un cent d'œufs, faisait triple couvée:
La chose allait à bien par son soin diligent.
«Il m'est, disait-elle, facile
D'élever des poulets autour de ma maison...
Le renard sera bien habile
S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son;
Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable:
J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau?»
Perrette là-dessus saute aussi, transportée:
Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvée.
La dame de ces biens, quittant d'un œil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s'excuser à son mari,
En grand danger d'être battue.
Le récit en farce en fut fait;
On l'appela le Pot au lait.
LA FONTAINE.
LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés;
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie;
Nul mets n'excitait leur envie;
Ni loups, ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie;
Les tourterelles se fuyaient;
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil et dit: «Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux.
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements.
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait? nulle offense.
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut, mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi;
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fîtes, seigneur,
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au berger, l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Étant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.»
Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour, et dit: «J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots, on cria haro sur le baudet.
Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable!
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait. On le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc et noir.
LA FONTAINE.
LES DEUX PIGEONS
Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre.
L'un d'eux s'ennuyant au logis,
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L'autre lui dit: «Qu'allez-vous faire?
Voulez-vous quitter votre frère?
L'absence est le plus grand des maux:
Non pas pour vous, cruel! Au moins, que les travaux,
Les dangers, les soins du voyage,
Changent un peu votre courage:
Encor si la saison s'avançait davantage!
Attendez les zéphyrs: qui vous presse? un corbeau
Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau.
Je ne songerai plus que rencontre funeste,
Que faucons, que réseaux. Hélas! dirai-je, il pleut:
Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,
Bon souper, bon gîte, et le reste?»
Ce discours ébranla le cœur
De notre imprudent voyageur:
Mais le désir de voir et l'humeur inquiète
L'emportèrent enfin, il dit: «Ne pleurez point:
Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite.
Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes aventures à mon frère,
Je le désennuîrai. Quiconque ne voit guère
N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint
Vous sera d'un plaisir extrême.
Je dirai: j'étais là; telle chose m'advint:
Vous y croirez être vous-même.»
A ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu.
Le voyageur s'éloigne, et voilà qu'un nuage
L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.
Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage
Maltraita le pigeon en dépit du feuillage.
L'air devenu serein, il part tout morfondu,
Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,
Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,
Voit un pigeon auprès; cela lui donne envie;
Il y vole, il est pris, ce blé couvrait d'un lacs
Les menteurs et traîtres appâts.
Le lacs était usé: si bien que de son aile,
De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin:
Quelque plume y périt; et le pis du destin
Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle
Vit notre malheureux, qui, traînant la ficelle
Et les morceaux du lacs qui l'avait attrapé,
Semblait un forçat échappé.
Le vautour s'en allait le lier, quand des nues
Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.
Le pigeon profita du conflit des voleurs,
S'envola, s'abattit au pied d'une masure,
Crut pour le coup que ses malheurs
Finiraient par cette aventure.
Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié,
Prit sa fronde et du coup tua plus d'à moitié
La volatile malheureuse,
Qui, maudissant sa curiosité,
Traînant l'aile et tirant le pied,
Demi-morte, demi-boiteuse,
Droit au logis s'en retourna:
Tant bien que mal elle arriva
Sans autre aventure fâcheuse.
Voilà nos gens rejoints: et je laisse à juger
De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.
LA FONTAINE.
LE COCHE ET LA MOUCHE
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un coche.
Femmes, moines, vieillards, tout était descendu:
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une mouche survient et des chevaux s'approche,
Prétend les animer par son bourdonnement,
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
Qu'elle fait aller la machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du cocher.
Aussitôt que le char chemine
Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire,
Va, vient, fait l'empressée; il semble que ce soit
Un sergent de bataille, allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens et hâter la victoire.
La mouche en ce commun besoin,
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin,
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le moine disait son bréviaire:
Il prenait bien son temps! Une femme chantait:
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait!
Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail, le coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la mouche aussitôt:
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Çà, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires;
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.
LA FONTAINE.
LE VIEILLARD ET LES TROIS JEUNES HOMMES
Un octogénaire plantait.
«Passe encor de bâtir; mais planter à cet âge!»
Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage:
Assurément il radotait.
«Car, au nom des dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir?
Autant qu'un patriarche il vous faudrait vieillir.
A quoi bon charger votre vie
Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous?
Ne songez désormais qu'à vos erreurs passées:
Quittez le long espoir et les vastes pensées;
Tout cela ne convient qu'à nous.
Il ne convient pas à vous-mêmes,
Repartit le vieillard. Tout établissement
Vient tard et dure peu. La main des Parques blêmes
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d'un second seulement?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage:
Eh bien! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d'autrui?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui:
J'en puis jouir demain et quelques jours encore,
Je puis enfin compter l'aurore
Plus d'une fois sur vos tombeaux.»
Le vieillard eut raison: l'un des trois jouvenceaux
Se noya dès le port, allant à l'Amérique;
L'autre afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars servant la république,
Par un coup imprévu vit ses jours emportés;
Le troisième tomba d'un arbre
Que lui-même il voulut enter:
Et, pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.
LA FONTAINE.
LES DEUX CHÈVRES
Dès que les chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté
Leur fait chercher fortune: elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains.
Là, s'il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C'est où ces dames vont promener leurs caprices:
Rien ne peut arrêter cet animal rampant.
Deux chèvres donc s'émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche,
Quittèrent les bas prés: chacune de sa part,
L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre et pour pont une planche;
Deux belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont;
D'ailleurs, l'onde rapide et le ravin profond
Devaient faire trembler de peur ces amazones.
Malgré tant de dangers, l'une de ces personnes
Pose un pied sur la planche, et l'autre en fait autant.
Je m'imagine voir, avec Louis le Grand,
Philippe quatre qui s'avance
Dans l'île de la Conférence.
Ainsi s'avançaient pas à pas,
Nez à nez, nos aventurières,
Qui, toutes deux étant fort fières,
Vers le milieu du pont ne se voulurent pas
L'une à l'autre céder. Elles avaient la gloire
De compter dans leur race, à ce que dit l'histoire,
L'une certaine chèvre, au mérite sans pair,
Dont Polyphème fit présent à Galathée;
Et l'autre la chèvre Amalthée
Par qui fut nourri Jupiter.
Faute de reculer, leur chute fut commune:
Toutes deux tombèrent dans l'eau.
Cet accident n'est pas nouveau
Dans le chemin de la fortune.
LA FONTAINE.
LE CORBEAU ET LE RENARD
Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage:
«Hé! bonjour, monsieur du Corbeau;
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.»
A ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie;
Et, pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s'en saisit, et dit: «Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.»
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
LA FONTAINE.
L'ANE ET LE CHIEN
Il se faut entr'aider: c'est la loi de nature.
L'âne un jour pourtant s'en moqua,
Et ne sais comme il y manqua,
Car il est bonne créature.
Il allait par pays accompagné du chien,
Gravement, sans songer à rien;
Tous deux suivis d'un commun maître.
Ce maître s'endormit. L'âne se mit à paître:
Il était alors dans un pré
Dont l'herbe était fort à son gré.
Point de chardons pourtant; il s'en passa pour l'heure:
Il ne faut pas toujours être si délicat,
Et, faute de servir ce plat,
Rarement un festin demeure.
Notre baudet s'en sut enfin
Passer pour cette fois. Le chien, mourant de faim,
Lui dit: Cher compagnon, baisse-toi, je te prie:
Je prendrai mon dîner dans le panier au pain.
Point de réponse; mot: Le roussin d'Arcadie
Craignit qu'en perdant un moment
Il ne perdît un coup de dent.
Il fit longtemps la sourde oreille;
Enfin il répondit: «Ami, je te conseille
D'attendre que ton maître ait fini son sommeil,
Car il te donnera, sans faute, à son réveil,
Ta portion accoutumée;
Il ne saurait tarder beaucoup.»
Sur ces entrefaites, un loup
Sort du bois, et s'en vient, autre bête affamée.
L'âne appelle aussitôt le chien à son secours.
Le chien ne bouge, et dit: «Ami, je te conseille
De fuir en attendant que ton maître s'éveille;
Il ne saurait tarder: détale vite et cours.
Que si ce loup t'atteint, casse-lui la mâchoire:
On t'a ferré de neuf; et, si tu veux m'en croire,
Tu l'étendras tout plat. Pendant ce beau discours,
Seigneur loup étrangla le baudet, sans remède.
Je conclus qu'il faut qu'on s'entr'aide.
LA FONTAINE.
LE LOUP ET LA CIGOGNE
Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement,
Qu'il en pensa perdre la vie:
Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une cigogne.
Il lui fait signe; elle accourt.
Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l'os; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
«Votre salaire! dit le loup:
Vous riez, ma bonne commère!
Quoi! ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou!
Allez, vous êtes une ingrate:
Ne tombez jamais sous ma patte.»
LA FONTAINE.
LE LABOUREUR ET SES ENFANTS
Travaillez, prenez de la peine;
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche laboureur sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
«Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit, mais un peu de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.
Creusez, bêchez, fouillez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
De ça, de là, partout; si bien qu'au bout de l'an,
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort,
Que le travail est un trésor.
LA FONTAINE.
LE COCHET, LE CHAT ET LE SOURICEAU
Un souriceau tout jeune, et qui n'avait rien vu,
Fut presque pris au dépourvu.
Voici comme il conta l'aventure à sa mère:
«J'avais franchi les monts qui bornent cet Etat,
Et trottais comme un jeune rat
Qui cherche à se donner carrière,
Lorsque deux animaux m'ont arrêté les yeux:
L'un doux, bénin et gracieux,
Et l'autre turbulent, et plein d'inquiétude;
Il a la voix perçante et rude,
Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s'élève en l'air,
Comme pour prendre sa volée,
La queue en panache étalée.»
Or, c'était un cochet dont notre souriceau
Fit à sa mère le tableau
Comme d'un animal venu de l'Amérique.
«Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,
Faisant tel bruit et tel fracas,
Que moi, qui, grâce aux dieux, de courage me pique,
En ai pris la fuite de peur,
Le maudissant de très bon cœur.
Sans lui, j'aurais fait connaissance
Avec cet animal qui m'a semblé si doux:
Il est velouté comme nous,
Marqueté, longue queue, une humble contenance,
Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant.
Je le crois fort sympathisant
Avec messieurs les rats, car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat,
L'autre m'a fait prendre la fuite.
—Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat,
Qui, sous son minois hypocrite,
Contre toute ta parenté
D'un malin vouloir est porté.
L'autre animal, tout au contraire,
Bien éloigné de nous mal faire,
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.
Garde-toi tant que tu vivras
De juger les gens sur leur mine.
LA FONTAINE.
LE LION MALADE ET LE RENARD
De par le roi des animaux,
Qui dans son antre était malade,
Fut fait savoir à ses vassaux
Que chaque espèce, en ambassade,
Envoyât gens le visiter,
Sous promesse de bien traiter
Les députés, eux et leur suite,
Foi de lion! très bien écrite:
Bon passeport contre la dent,
Contre la griffe tout autant.
L'édit du prince s'exécute:
De chaque espèce on lui députe.
Les renards gardant la maison,
Un d'eux en dit cette raison:
«Des pas empreints sur la poussière
Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour,
Tous, sans exception, regardent sa tanière;
Pas un ne marque le retour:
Cela nous met en méfiance.
Que Sa Majesté nous dispense:
Grand merci de son passeport.
Je le crois bon; mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l'on entre,
Et ne vois pas comme on en sort.»
LA FONTAINE.
LE VILLAGEOIS ET LE FROMAGE
Un rustre en son buffet avais mis un fromage,
Lorsque par une fente il aperçoit un rat;
Vite, il y fait entrer son chat,
Afin d'empêcher le dommage:
Mais notre Mitis, aux aguets,
Mange le rat d'abord, et le fromage après.
LE BAILLY.
L'AVEUGLE ET LE PARALYTIQUE
Aidons-nous mutuellement,
La charge de nos maux en sera plus légère;
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit: suivons tous sa doctrine.
Pour la persuader aux peuples de la Chine,
Il leur contait le trait suivant:
Dans une ville de l'Asie
Il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au ciel de terminer leur vie;
Mais leurs vœux étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique,
Couché sur un grabat dans la place publique,
Souffrait sans être plaint; il en souffrait bien plus.
L'aveugle à qui tout pouvait nuire,
Etait sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour il arriva
Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue,
Près du malade se trouva;
Il entendit ses cris, son âme en fut émue.
Il n'est tels que les malheureux
Pour se plaindre les uns aux autres.
«J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres;
Unissons-les, mon frère, ils seront moins affreux.
—Hélas! dit le perclus, vous ignorez, mon frère,
Que je ne puis faire un seul pas,
Vous-même vous n'y voyez pas:
A quoi nous servirait d'unir notre misère?
—A quoi? répond l'aveugle, écoutez: à nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire:
J'ai des jambes et vous des yeux;
Moi, je vais vous porter, vous, serez mon guide:
Vos yeux dirigeront mes pas mal assurés;
Mes jambes, à leur tour, iront où vous voudrez.
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.
FLORIAN.
LE
DANSEUR DE CORDE ET LE BALANCIER
Sur la corde tendue un jeune voltigeur
Apprenait à danser; et déjà son adresse,
Ses tours de force, de souplesse,
Faisaient venir maint spectateur.
Sur son étroit chemin on le voit qui s'avance,
Le balancier en main, l'air libre, le corps droit,
Hardi, léger autant qu'adroit,
Il s'élève, descend, va, vient, plus haut s'élance,
Retombe, remonte en cadence,
Et semblable à certains oiseaux
Qui rasent en volant la surface des eaux,
Son pied touche sans qu'on le voie,
A la corde qui plie et dans l'air le renvoie.
Notre jeune danseur, tout fier de son talent,
Dit un jour: A quoi bon ce balancier pesant
Qui me fatigue et m'embarrasse?
Si je dansais sans lui, j'aurais bien plus de grâce,
De force et de légèreté.
Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté,
Notre étourdi chancelle, étend les bras et tombe.
Il se casse le nez, et tout le monde en rit.
Jeunes gens, jeunes gens, ne vous a-t-on pas dit
Que sans règle et sans frein tôt ou tard on succombe?
La vertu, la raison, les lois, l'autorité,
Dans vos désirs fougueux vous causent quelque peine?
C'est le balancier qui vous gêne,
Mais qui fait votre sûreté.
FLORIAN.
LE GRILLON
Un pauvre petit grillon,
Caché dans l'herbe fleurie,
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L'insecte ailé brillait des plus vives couleurs,
L'azur, le pourpre et l'or éclataient sur ses ailes:
Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles.
«Ah! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents! Dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.
Je n'ai point de talent, encor moins de figure.
Nul ne prend garde à moi, l'on m'ignore ici-bas;
Autant vaudrait n'exister pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d'enfants.
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper.
L'insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps;
Un troisième survient, et le prend par la tête.
Il ne fallait pas tant d'efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh! oh! dit le grillon, je ne suis plus fâché;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde!
Pour vivre heureux vivons caché.
FLORIAN.
LE ROI ALPHONSE
Certain roi qui régnait sur les rives du Tage,
Et que l'on surnomma le Sage,
Non parce qu'il était prudent,
Mais parce qu'il était savant,
Alphonse, fut surtout un habile astronome:
Il connaissait le ciel bien mieux que son royaume,
Et quittait son conseil
Pour la lune ou pour le soleil.
Un soir qu'il retournait à son observatoire,
Entouré de ses courtisans:
«Mes amis, disait-il, enfin j'ai lieu de croire
Qu'avec mes nouveaux instruments
Je verrai cette nuit des hommes dans la lune.
—Votre Majesté les verra,
Répondait-on; la chose est même trop commune.
Pendant tous ces discours, un pauvre dans la rue,
S'approche, en demandant humblement chapeau bas,
Quelques maravédis; le roi ne l'entend pas,
Et sans le regarder son chemin continue.
Le pauvre suit le roi, toujours tendant la main,
Toujours renouvelant sa prière importune;
Mais les yeux vers le ciel, le roi, pour tout refrain,
Répétait: «Je verrai des hommes dans la lune.»
Enfin le pauvre le saisit
Par son manteau royal, et gravement lui dit:
«Ce n'est pas de là-haut, c'est des lieux où nous sommes
Que Dieu vous a fait souverain.
Regardez à vos pieds: là vous verrez des hommes,
Et des hommes manquant de pain.
FLORIAN.
LE HIBOU, LE CHAT, L'OISON ET LE RAT
De jeunes écoliers avaient pris dans un trou
Un hibou,
Et l'avaient élevé dans la cour du collège.
Un vieux chat, un jeune oison,
Nourris par le portier, étaient en liaison
Avec l'oiseau; tous trois avaient le privilège
D'aller et de venir par toute la maison.
A force d'être en classe
Ils avaient orné leur esprit,
Savaient par cœur Denis d'Halicarnasse,
Et tout ce qu'Hérodote et Tite-Live ont dit.
Un soir, en disputant, des docteurs c'est l'usage,
Ils comparaient entre eux les peuples anciens.
«Ma foi, disait le chat, c'est aux Égyptiens
Que je donne le prix: c'était un peuple sage,
Un peuple ami des lois, instruit, discret, pieux,
Rempli de respect pour ses dieux;
Cela seul à mon gré lui donne l'avantage.
—J'aime mieux les Athéniens,
Répondit le hibou: que d'esprit! que de grâce!
Et dans les combats quelle audace.
Que d'aimables héros parmi leurs citoyens!
A-t-on jamais plus fait avec moins de moyens?
Des nations c'est la première.
—Parbleu, dit l'oison, en colère,
Messieurs, je vous trouve plaisants:
Et les Romains que vous en semble?
Est-il un peuple qui rassemble
Plus de grandeur, de gloire et de faits éclatants?
Dans les arts, comme dans la guerre,
Ils ont surpassé vos amis.
Pour moi ce sont mes favoris:
Tout doit céder le pas aux vainqueurs de la terre.»
Chacun des trois pédants s'obstine en son avis,
Quand un rat, qui de loin entendait la dispute,
Rat savant qui mangeait des thèmes dans sa hutte,
Leur cria: «Je vois bien d'où viennent vos débats:
L'Égypte vénérait les chats,
Athènes les hiboux, et Rome, au Capitole,
Aux dépens de l'État nourrissait des oisons:
Ainsi notre intérêt est souvent la boussole
Que suivent nos opinions.»
FLORIAN.
LA BREBIS ET LE CHIEN
La brebis et le chien, de tous les temps amis,
Se racontaient un jour leur vie infortunée.
Ah! disait la brebis, je pleure et je frémis
Quand je songe aux malheurs de notre destinée.
Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,
Toujours soumis, tendre et fidèle,
Tu reçois pour prix de ton zèle
Des coups et souvent le trépas.
Moi qui tous les ans les habille,
Qui leur donne du lait et qui fume leurs champs,
Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille
Assassiné par ces méchants.
Leurs confrères, les loups, dévorent ce qui reste.
Victimes de ces inhumains,
Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,
Voilà notre destin funeste!
Il est vrai, dit le chien! mais crois-tu plus heureux
Les auteurs de notre misère?
Va, ma sœur, il vaut encor mieux
Souffrir le mal que de le faire.
FLORIAN.
LE PACHA ET LE DERVIS
Un Arabe, à Marseille, autrefois m'a conté
Qu'un pacha turc, dans sa patrie,
Vint porter certain jour un coffret cacheté
Au plus sage dervis qui fût en Arabie.
Ce coffret, lui dit-il, renferme des rubis,
Des diamants de très grand prix:
C'est un présent que je veux faire
A l'homme que tu jugeras
Être le plus fou de la terre.
Cherche bien, tu le trouveras.
Muni de son coffret, notre bon solitaire
S'en va courir le monde. Avait-il donc besoin
D'aller si loin?
L'embarras de choisir était sa grande affaire:
Des fous toujours plus fous venaient de toutes parts
Se présenter à ses regards.
Notre pauvre dépositaire,
Pour l'offrir à chacun, saisissait le coffret:
Mais un pressentiment secret
Lui conseillait de n'en rien faire,
L'assurant qu'il trouverait mieux.
Errant ainsi de lieux en lieux,
Embarrassé de son message,
Enfin, après un long voyage,
Notre homme et le coffret arrivent un matin
Dans la ville de Constantin.
Il trouve tout le peuple en joie:
«Que s'est-il donc passé?—Rien, lui dit un iman;
C'est notre grand-vizir que le sultan envoie,
Au moyen d'un lacet de soie,
Porter au prophète un firman.
Le peuple rit toujours de ces sortes d'affaires;
Et, comme ce sont des misères,
Notre empereur souvent lui donne ce plaisir.
—Souvent?—Oui.—C'est fort bien. Votre nouveau vizir
Est-il nommé?—Sans doute, et le voilà qui passe.»
Le dervis à ces mots court, traverse la place,
Arrive, et reconnaît le pacha son ami.
«Bon! te voilà, dit celui-ci,
Et le coffret?—Seigneur, j'ai parcouru l'Asie:
J'ai vu des fous parfaits, mais sans oser choisir.
Aujourd'hui ma course est finie;
Daignez l'accepter, grand-vizir.»
FLORIAN.
LE COLIMAÇON
Sans ami, comme sans famille,
Ici-bas vivre en étranger;
Se retirer dans sa coquille
Au signal du moindre danger;
S'aimer d'une amitié sans bornes;
De soi seul emplir sa maison;
En sortir, suivant la saison,
Pour faire à son prochain les cornes;
Signaler ses pas destructeurs
Par les traces les plus impures;
Outrager les plus belles fleurs
Par ses baisers ou ses morsures;
Enfin, chez soi comme en prison,
Vieillir de jour en jour plus triste;
C'est l'histoire de l'égoïste,
Et celle du colimaçon.
ARNAULT.
L'ANE ET LA FLUTE
Les sots sont un peuple nombreux,
Trouvant toutes choses faciles;
Il faut le leur passer: souvent ils sont heureux:
Grand motif de se croire habiles.
Un âne, en broutant ses chardons,
Regardait un pasteur jouant, sous le feuillage,
D'une flûte dont les doux sons
Attiraient et charmaient les bergers du bocage.
Cet âne mécontent disait: «Ce monde est fou!
Les voilà tous, bouche béante,
Admirant un grand sot qui sue et se tourmente
A souffler dans un petit trou.
C'est par de tels efforts qu'on parvient à leur plaire
Tandis que moi... Suffit... Allons-nous-en d'ici:
Car je me sens trop en colère.»
Notre âne en raisonnant ainsi,
Avance quelques pas, lorsque sur la fougère,
Une flûte, oubliée en ces champêtres lieux
Par quelque pasteur amoureux,
Se trouve sous ses pieds. Notre âne se redresse,
Sur elle de côté fixe ses deux gros yeux;
Une oreille en avant, lentement il se baisse,
Applique son museau sur le pauvre instrument,
Et souffle tant qu'il peut; oh! hasard incroyable!
Il en sort un son agréable.
L'âne se croit un grand talent.
Et, tout joyeux, s'écrie, en faisant la culbute:
«Eh! je joue aussi de la flûte.»
FLORIAN.
LES DEUX RATS
(Voir page 105.)
Certain rat de campagne, en son modeste gîte,
De certain rat de ville eut un jour la visite;
Ils étaient vieux amis: quel plaisir de se voir!
Le maître du logis veut, selon son pouvoir,
Régaler l'étranger; il vivait de ménage,
Mais donnait de bon cœur, comme on donne au village.
Il va chercher, au fond de son garde-manger,
Du lard qu'il n'avait pas achevé de ronger,
Des noix, des raisins secs; le citadin, à table,
Mange du bout des dents, trouve tout détestable.
«Pouvez-vous bien, dit-il, végéter tristement,
Dans un trou de campagne enterré tout vivant?
Croyez-moi, laissez là cet ennuyeux asile;
Venez voir de quel air nous vivons à la ville.
Hélas! nous ne faisons que passer ici-bas;
Les rats petits et grands marchent tous au trépas;
Ils meurent tout entiers, et leur philosophie
Doit être de jouir d'une si courte vie,
D'y chercher le plaisir. Qui s'en passe est bien fou.»
L'autre, persuadé, saute hors de son trou.
Vers la ville à l'instant ils trottent côte à côte;
Ils arrivent la nuit; la muraille était haute;
La porte était fermée; heureusement nos gens
Entrent sans être vus, sous le seuil se glissant.
Dans un riche logis nos voyageurs descendent;
A la salle à manger promptement ils se rendent.
Sur un buffet ouvert trente plats desservis
Du souper de la veille étalaient les débris.
L'habitant de la ville, aimable et plein de grâce,
Introduit son ami, fait les honneurs, le place;
Et puis, pour le servir, sur le buffet trottant,
Apporte chaque mets, qu'il goûte en l'apportant.
Le campagnard, charmé de sa nouvelle aisance,
Ne songeait qu'au plaisir et qu'à faire bombance,
Lorsqu'un grand bruit de porte épouvante nos rats:
Ils étaient au buffet, ils se jettent en bas,
Courent, mourant de peur, tout autour de la salle;
Pas un trou!... De vingt chats une bande infernale
Par de longs miaulements redouble leur effroi.
«Oh! oh! ce n'est pas là ce qu'il me faut à moi,
Dit le rat campagnard; mon humble solitude
Me garantit du bruit et de l'inquiétude;
Là je n'ai rien à craindre, et si j'y mange peu,
J'y mange en paix du moins; et j'y retourne... adieu.»
ANDRIEUX.
L'HORLOGE ET LE CADRAN SOLAIRE
Un jour la montre au cadran insultait,
Demandant l'heure qu'il était.
«Je n'en sais rien, dit le greffier solaire.
—Et que fais-tu donc là si tu n'en sais pas plus?
—J'attends, répondit-il, que le soleil m'éclaire,
Je ne sais rien que par Phébus.
—Attends-le donc; moi je n'en ai que faire,
Dit l'horloge; sans lui je vais toujours mon train.
Tous les huit jours un tour de main,
C'est autant qu'il m'en faut pour toute ma semaine.
Je chemine sans cesse et ce n'est point en vain
Que mon aiguille en ce rond se promène.
Ecoute; voilà l'heure»; elle sonne à l'instant:
Une, deux, trois et quatre. «Il en est tout autant»,
Dit-elle. Mais tandis que la montre décide,
Phébus, de ses ardents regards
Chassant nuages et brouillards,
Regarde le cadran, qui fidèle à son guide,
Marque quatre heures et trois quarts.
«Mon enfant, dit-il à l'horloge,
Va-t'en te faire remonter.
Tu te vantes, sans hésiter,
De répondre à qui t'interroge:
Mais qui t'en croit peut bien se mécompter.
Je te conseillerais de suivre mon usage:
Si je ne vois bien clair, je dis: je n'en sais rien.
Je parle peu, mais je dis bien;
C'est le caractère du sage.»
LAMOTTE.
L'ABEILLE ET LA MOUCHE
L'abeille, par un beau matin,
Picorant sur sa route et la rose et le thym,
S'en alla visiter sa parente la mouche.
Celle-ci relevait de couche,
Et, seule dans un coin, avait le cœur chagrin,
N'ayant causé depuis la veille;
Mais elle se remit voyant venir l'abeille.
Pattes dessus, pattes dessous.
Elle lui fait mille caresses.
Hé! bonjour, cousine; est-ce vous?
Quel bon vent, dites-moi, vous amène chez nous?
La faiseuse de miel lui rend ses politesses,
Caresse pour caresse, et caquet pour caquet,
Ainsi qu'il se pratique entre bonnes amies.
Ayant mis fin à leurs cérémonies,
L'abeille lui parla d'un miel qu'elle avait fait;
C'était un miel exquis, parfait,
A son gré préférable à celui de l'Hymette.
«Il faut, dit-elle, il faut que je vous en remette,
Pour vos maux de poitrine il sera souverain:
Et d'abord, apprenez comment je le compose:
De serpolet, de romarin
Je mélange un extrait avec du suc de rose,
Ensuite j'y joins une dose.....»
La mouche l'interrompt enfin.
«Cousine, parlons d'autre chose;
Croit-on que l'été sera chaud?
—Ah! reprit l'abeille aussitôt,
On craint bien que le miel ne manque cette année:
Heureusement j'en suis approvisionnée,
Et pour passer l'hiver j'aurai ce qu'il m'en faut,
Pour peu qu'à travailler mon essaim s'évertue.
—Je n'y tiens plus, l'ennui me tue,
Reprit l'autre: sortons; je reprends mes vapeurs.
—Des vapeurs! Ah! ma sœur, y seriez-vous sujette?
J'ai pour ce mal une recette
Excellente, et qu'en vain vous chercheriez ailleurs;
Et je vais d'abord vous la dire:
D'un extrait de mon miel avec un peu de cire....,
—Eh! de grâce, à la fin laissez là votre miel,
Reprit la mouche impatiente:
Je ne crois pas que sous le ciel
Jamais bavarde impertinente
Ait tenu des propos d'un ennui plus mortel.
Adieu; partez: de votre vie
Ne remettez les pieds chez moi.»
Il faut en toute compagnie
Le moins qu'on peut parler de soi.
GRENUS.
LE LABOUREUR
Allons bœuf, et toi, bouvillon,
Aimez-vous mieux, cœur sans courage,
Toujours provoquer l'aiguillon
Que d'avancer ce labourage?
Le jour s'en va; voici le tard,
Et ces maudits n'ont pas en somme,
De l'arpent sillonné le quart.
Il faut demain qu'on les assomme.
Dieu soit loué! dit le plus vieux,
Aussi bien ce travail nous tue,
Une mort prompte nous plaît mieux
Que votre éternelle charrue.
La maudite au pauvre animal
Attire et menace et piqûre:
Parlez-lui: je ferais gageure
Que c'est elle ici qui va mal.
«Eh! bien, dit l'homme, allez, charrue!
Allez donc! N'entendez-vous pas?
Devant, derrière on s'évertue,
Et vous ne pouvez faire un pas!
—On se plaint de moi! Quelle injure!
Répondit-elle en gémissant,
Je vais de mon mieux, je vous jure.
Voyez ce fer obéissant!
Il est poli comme une glace,
Et brûlait moins sous le marteau,
Mais comment emporter morceau
D'un sol si dur et si tenace?
—Ainsi, champ fatal, c'est donc toi
Que devrait punir ma colère!
Dit le rustre en frappant la terre;
Songe un peu que je suis ton roi!
Pourquoi ces barbares caprices?
Toujours trempé de mes sueurs,
Tu veux l'être encor de mes pleurs,
Et mon sang ferait tes délices.»
A ces mots, du sein des guérets,
Une voix s'élève et lui crie:
«Mets donc un terme à ta furie,
Ou je retire mes bienfaits.
Insensé, tes bœufs, ta charrue,
Ton champ, font très-bien leur devoir;
Les défauts qu'en eux tu crois voir,
C'est chez toi qu'ils frappent ma vue.
Tu veux gronder? Apprends d'abord,
Apprends des experts du village
A bien guider ton attelage,
Et tais-toi, car toi seul as tort.»
J-J. PORCHAT.
LA SOURIS BLOQUÉE
Une souris de campagne
Choisit pour cantonnement
Un vaste champ de froment:
C'était pays de Cocagne.
Dans son trou dès le matin
Par la faim sollicitée
D'un riant espoir flattée,
Elle courait au butin.
Du lendemain n'avait cure,
Faisant ses quatre repas,
Puis courant à ses ébats:
Bref tout aux lois d'Épicure
Dans le fond de son réduit
Jamais de graine amassée;
Un peu de paille entassée,
Voilà tout; c'était son lit.
Devers son manoir tranquille
Un maudit chat vint rôder;
Elle, habile à s'évader,
D'un saut gagna son asile.
Soit! nous reviendrons demain,
Dit-il faisant la grimace:
Puis observant bien la place,
Il poursuivit son chemin.
Le matois dès l'aube arrive;
Mais il a beau se blottir,
La souris près de sortir,
L'aperçoit, rentre et s'esquive.
Oh! dit-il, un peu confus,
Celle-ci me fait la nique!
Nous l'aurons, et je m'en pique!
Changeons le siège en blocus.
Aussitôt devant la porte
Vient se camper le matou,
Les yeux fixés sur le trou.
Qu'elle paraisse, elle est morte!
Il faudra faire une fin,
Dit-il, petite rebelle.
Choisissez, mademoiselle,
De ma gueule ou de la faim.
L'autre de terreur glacée,
Et tremblante au fond du nid,
De jeûner bientôt lassée,
En pleurant mangea son lit.
Vain secours, faible ressource.
Ah! que n'a-t-elle amassé
Tant de froment dispersé
Sans profit dans mainte course!
Dans son gîte elle pourrait
Du chat braver la menace.
Tant qu'enfin de cette place
L'appétit le chasserait.
Cependant l'âpre famine
Ronge, affaiblit la souris.
Pour échapper du logis,
Ouvrons, dit-elle, une mine.
Mais vit-on jamais quelqu'un
Travailler sans nourriture!
Hélas! la terre est si dure,
Quand l'estomac est à jeun!
Elle cesse, elle succombe
Et dit: Je n'ai plus d'espoir,
C'en est fait et dès ce soir,
Ma maison sera ma tombe.
Ah! plutôt sortons d'ici.
Puisqu'il faut que je périsse,
Pour abréger mon supplice,
Rendons-nous à l'ennemi.
Vers lui la pauvrette avance,
De l'œil encor l'implorant;
Le chat sur elle s'élance,
Et la croque en murmurant:
Du sage l'on compte en somme
Mille définitions,
Le sage pour moi c'est l'homme
Qui fait des provisions.
J.-J. PORCHAT.
TABLE
| Préface | 3 | |
| Le Père et l'Enfant | J.-J. Porchat | 5 |
| Une bonne semaine | Mme Amable Tastu | 6 |
| Aux jeunes Gens.—Sonnet | Drelincourt | 6 |
| La Feuille du chêne | Millevoye | 7 |
| Le séjour dans le pays natal | A. Vinet | 8 |
| Prière d'Esther | Racine | 9 |
| Les Hirondelles | Béranger | 11 |
| La pauvre Fille | A. Soumet | 12 |
| Le Colporteur vaudois | G. de Félice | 13 |
| La pauvre Veuve malade | G. de Félice | 15 |
| Le départ du petit Savoyard | A. Guiraud | 17 |
| Le petit Savoyard à Paris | A. Guiraud | 19 |
| Le retour du petit Savoyard | A. Guiraud | 20 |
| L'Écolier | Mme Debsordes-Valmore | 22 |
| Les dix francs d'Alfred | A. Guérin | 25 |
| La Vache perdue | Casimir Delavigne | 27 |
| Athalie interrogeant Joas | Racine | 30 |
| Bonheur de l'Enfant pieux | J. Racine | 35 |
| L'Enfant et la Fauvette | L. Tournier | 36 |
| L'Hirondelle | Th. Gontard | 36 |
| Elégie | André Chénier | 37 |
| Le petit Enfant | L. Tournier | 38 |
| Le petit Espiègle | Mme Desbordes-Valmore | 39 |
| L'Enfant aveugle | J.-F. Chatelain | 40 |
| L'Enfant du soldat | 41 | |
| Consolation | Malherbe | 42 |
| L'Ange et l'Enfant | Reboul | 43 |
| La Fauvette et ses Petits | Aubert | 45 |
| Adieux à la vie | Gilbert | 46 |
| Christophe Colomb | Casimir Delavigne | 47 |
| L'Aumône | Victor Hugo | 49 |
| La Chute des feuilles | Millevoye | 50 |
| Le Coin du grand-père | L. Tournier | 51 |
| Hymne de l'enfant | Lamartine | 53 |
| Dernier chœur d'Esther | J. Racine | 54 |
| Le Nid | E. Souvestre | 57 |
| Le Montagnard émigré | Chateaubriand | 58 |
| Le Retour dans la patrie | Béranger | 59 |
| Ah! si j'étais petit oiseau! | Mlle Isabelle Rodier | 61 |
| Une Promenade de Fénelon | Andrieux | 64 |
| Quatrains moraux | 69 | |
| Le bon Emploi du Temps | Mme Amable Tastu | 70 |
| Le Cèdre du Liban | Le Brun | 70 |
| La Feuille | Arnault | 71 |
| Le plus doux nom | Th. Gontard | 71 |
| Dandolo | E. Legouvé | 72 |
| L'Oreiller d'une petite fille. | Mme Desbordes-Valmore | 73 |
| Paraphrase du ps. CXLVI | Malherbe | 74 |
| Le bonheur du chrétien | A. Monod | 75 |
| Le Nid de Fauvettes | Berquin | 76 |
| A mes Oiseaux | L. Tournier | 77 |
| Le vaisseau Le Vengeur | E. Le Brun | 78 |
| La Mort des Templiers | Raynouard | 80 |
| La sainte Alliance | Béranger | 81 |
| Mort de Coligny | Voltaire | 83 |
| Le Meunier Sans-Souci | Andrieux | 85 |
| Le Chien coupable | Florian | 87 |
| Stances | Racan | 90 |
| Les Châteaux en Espagne | Colin d'Harleville | 92 |
| Moïse sauvé des eaux | Victor Hugo | 94 |
| Jeanne d'Arc | Casimir Delavigne | 97 |
| Les Catacombes de Rome | Delille | 100 |
| Prière enfantine | Mme Amable Tastu | 103 |
| La Cigale et la Fourmi | La Fontaine | 104 |
| La Renoncule et l'Œillet | Bérenger | 104 |
| Le Rat de ville et le Rat des Champs | La Fontaine | 105 |
| Le Chêne et le Roseau | Id | 106 |
| Le Cheval s'étant voulu venger du Cerf | Id | 107 |
| Le Lièvre et la Perdrix | Id | 108 |
| La Robe de l'Innocence | Lachambaudie | 109 |
| Le Singe et le Léopard | La Fontaine | 109 |
| La Laitière et le Pot-au-lait. | Id | 110 |
| Les Animaux malades de la peste | Id | 111 |
| Les deux Pigeons | Id | 113 |
| Le Coche et la Mouche | La Fontaine | 115 |
| Le Vieillard et les trois Jeunes Hommes | Id | 116 |
| Les deux Chèvres | Id | 117 |
| Le Corbeau et le Renard | Id | 119 |
| L'Ane et le Chien | Id | 119 |
| Le Loup et la Cigogne | Id | 121 |
| Le Laboureur et ses Enfants | Id | 121 |
| Le Cochet, le Chat et le Souriceau | Id | 122 |
| Le Lion malade et le Renard | Id | 123 |
| Le Villageois et le Fromage | Le Bailly | 124 |
| L'Aveugle et le Paralytique | Florian | 124 |
| Le Danseur de Corde et le Balancier | Id | 126 |
| Le Grillon | Id | 127 |
| Le roi Alphonse | Id | 128 |
| Le Hibou, le Chat, l'Oison et le Rat | Florian | 129 |
| La Brebis et le Chien | Id | 130 |
| Le Pacha et le Dervis | Id | 131 |
| Le Colimaçon | Arnault | 132 |
| L'Ane et la Flûte | Florian | 133 |
| Les deux Rats | Andrieux | 134 |
| L'Horloge et le Cadran solaire | La Motte | 135 |
| L'Abeille et la Mouche | Grenus | 136 |
| Le Laboureur | J.-J. Porchat | 138 |
| La Souris bloquée | Id | 140 |
Coulommiers.—Typog. P. BRODARD et GALLOIS.