Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 16
II
Ils sont délicieux pourtant, délicieux surtout, parce qu’en les caressant, alors qu’ils se frottent à notre chair, ronronnent et se roulent sur nous en nous regardant de leurs yeux jaunes qui ne semblent jamais nous voir, on sent bien l’insécurité de leur tendresse, l’égoïsme perfide de leur plaisir.
Des femmes aussi nous donnent cette sensation, des femmes charmantes, douces, aux yeux clairs et faux, qui nous ont choisis pour se frotter à l’amour. Près d’elles, quand elles ouvrent les bras, les lèvres tendues, quand on les étreint, le cœur bondissant, quand on goûte la joie sensuelle et savoureuse de leur caresse délicate, on sent bien qu’on tient une chatte, une chatte à griffes et à crocs, une chatte perfide, sournoise, amoureuse ennemie, qui mordra lorsqu’elle sera lasse de baisers.
Tous les poètes ont aimé les chats. Baudelaire les a divinement chantés. On connaît son admirable sonnet:
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux, et comme eux sédentaires.
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres.
L’Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin.
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.