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Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 19

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OPINION DE LA PRESSE
SUR
PIERRE ET JEAN.

Le Temps, 15 janvier 1888 (Anatole France), La Vie littéraire, II, C. Lévy, éditeur.

«La théorie de M. de Maupassant, si je l’ai bien comprise, revient à ceci: Il y a toutes sortes de manières de faire de bons romans; mais il n’y a qu’une seule manière de les estimer. Celui qui crée est un homme libre, celui qui juge est un ilote...

«Laissez-la donc libre [la critique], puisqu’elle est innocente. Elle a quelque droit, ce semble, aux franchises que vous lui refusez si fièrement quand vous les accordez avec une si juste libéralité aux œuvres dites originales. N’est-elle point fille de l’imagination comme elles? N’est-elle pas, à sa manière, une œuvre d’art?...

«Eh bien, sans me faire la moindre illusion sur la vérité absolue des opinions qu’elle exprime, je tiens la critique pour la marque la plus certaine par laquelle se distinguent les âges vraiment intellectuels... Je la tiens pour un des plus nobles rameaux dont soit décoré, dans l’arrière-saison, l’arbre chenu des lettres.

«Maintenant, M. Guy de Maupassant me permettra-t-il de dire, sans suivre les règles qu’il a posées, que son nouveau roman, Pierre et Jean, est fort remarquable et décèle un bien vigoureux talent?... La vérité est que M. de Maupassant a traité ce sujet ingrat avec la sûreté d’un talent qui se possède pleinement. Force, souplesse, mesure, rien ne manque plus à ce conteur robuste et magistral. Il est vigoureux sans effort. Il est consommé dans son art... Quant à la langue de M. de Maupassant, je me contenterai de dire que c’est du vrai français, ne sachant donner une plus belle louange.»

Revue Bleue, 14 janvier 1888 (Maxime Gaucher).

«Pourquoi ce roman très bien fait—que l’auteur ne proteste pas, lui qui s’indigne contre les romans bien faits!—est-il précédé d’une préface absolument inutile?... La seule chose que je veux retenir de cette préface, c’est qu’il n’y aurait aucun signe auquel pût se reconnaître un roman bien fait; c’est que ça n’existe pas un roman bien fait.—Eh bien, si, et le roman bien fait, c’est Pierre et Jean.

L’Écho de Paris, 16 janvier 1888 (Edmond Lepelletier).

 

«Tout ce que nous pouvons constater, c’est que tenants de la nouvelle ou partisans du roman seront obligés de tomber d’accord sur ce point, que Pierre et Jean est un livre excellent, d’un style pur, aux mailles solides, forgé sur la bonne enclume et fait de main d’ouvrier...

«Lisez et relisez Pierre et Jean, lecteurs. Contentez-vous de lire la préface.»

L’Illustration, 21 janvier 1888 (L. P.).

«... C’est une étude d’âme, mais où l’auteur ne songe pas à se montrer psychologue. Les personnages en sont tous bien vivants, d’une vie bien intense où le corps aussi tient sa place.

«Avec M. Guy de Maupassant, on ne risque guère de tomber dans l’abstraction. Il a le don de la vie, et ce don il le possède aussi bien dans son style que dans ses personnages... Mais n’allons-nous pas mériter les sévérités de M. de Maupassant à l’égard des critiques, lesquels, le plus souvent, nous dit-il, gourmandent à faux les artistes, ou les complimentent sans réserve et sans mesure? Cela est à craindre...»

Revue des Deux-Mondes, Bulletin bibliographique, 15 janvier 1888.

 

«Il faut lire ce petit roman, car l’auteur nous fait assister avec beaucoup de talent à tous les combats qui se livrent dans l’esprit de Pierre...

«On peut regretter que M. de Maupassant mette dans la bouche de ses personnages quelques expressions que l’on penserait ne pas y rencontrer, et il nous semble que le récit aurait gagné quelque chose à cette épuration; mais il paraît que l’école à laquelle appartient M. Guy de Maupassant tient absolument à cette manière de dire.»

Journal des Débats, 11 février 1909 (André Heurteau).

«... Pour nous, et peut-être aussi pour beaucoup de lecteurs, l’effet produit par la lecture de Pierre et Jean, ce n’est pas seulement un malaise et une tristesse, c’est aussi une sorte de dépression morale...

«Toute une portion de l’humanité, qui ne se compose pas uniquement d’artistes et d’esthéticiens, trouve ce langage un peu rude. Elle souhaiterait qu’on lui parlât de ses souffrances, de ses infirmités et même de ses vices, sur un autre ton, avec un autre accent. Un très grand talent, une plume très habile, un style puisé aux meilleures sources de la langue, vigoureux et ferme, d’une souplesse admirable—M. de Maupassant possède tous ces dons—suffisent peut-être aux jouissances d’un dilettantisme raffiné. Certaines grossièretés voulues flattent sans doute le goût moins délicat d’un public moins restreint. D’autres lecteurs, en assez grand nombre, demandent encore autre chose qu’ils ne trouvent point dans la dernière œuvre, si remarquable, d’ailleurs, de M. de Maupassant.»

L’Événement, 19 janvier 1888 (Charles Viguier).

«Parmi les écrivains de quarante ans, ceux qu’on appelle les jeunes à succès, M. de Maupassant vaut d’être placé premier avec quelques pas d’avance. Des académiciens me l’ont dit, avec eux maints esthètes un peu râblés, et je le pense aussi. Les cent pages qui commencent Une Vie, trois ou quatre de ses nouvelles frisent le chef-d’œuvre.

«Cette qualité essentielle au romancier digne de ce nom, cette qualité majeure qui permet de créer en dehors de soi, c’est-à-dire non à la semblance de soi, des personnages doués de vie, M. de Maupassant la possède. Il excelle, sinon à restituer dans son intégrité la vie de ses personnages, du moins à offrir l’apparence de la vie. Je veux dire que l’auteur de l’histoire émouvante et simple de Pierre et Jean se préoccupe surtout de définir ses personnages par une série d’actes congrus et qu’il néglige—volontairement, je crois—d’expliquer le mobile de ces actes...»

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