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Voyage aux montagnes Rocheuses: Chez les tribus indiennes du vaste territoire de l'Orégon dépendant des Etats-Unis d'Amérique

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Le 1ᵉʳ décembre, je me retrouvai dans la prairie aux Chevaux, au milieu des Kalispels, qui s’y étaient rendus des différentes parties des montagnes pour me voir à mon retour. Je restai trois jours avec eux, les instruisant et les exhortant du matin au soir. Mes dix jeunes Têtes-plates se chargèrent tous des fonctions de catéchistes, et ils mirent un zèle qui ne pu être égalé que par l’assiduité, l’attention et le désir d’apprendre des sauvages qui les écoutaient. Le 3, fête de saint François Xavier, j’y baptisai soixante personnes, dont treize adultes. La nuit précédente avait été très-orageuse, l’enfer s’était comme déchaîné contre nous. Un terrible coup de vent emporta ma loge et la jeta entre les branches d’un gros pin. Ne pouvant la replacer, je me trouvai exposé pour le reste de la nuit aux grêles, à la neige et à la pluie; mais comme tout mal a son remède, j’en trouvai un sous un épais manteau de peau de buffle, où je passai assez agréablement le temps qui me restait à dormir.

Le 8, nous étions de retour dans notre petit établissement de Sainte-Marie, au milieu des salves et des acclamations de nos bons sauvages accourus à notre rencontre.

DIXIÈME LETTRE

À UN PÈRE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

Sainte-Marie des Montagnes Rocheuses,
30 décembre 1841.

Dans ma lettre d’avant-hier, je vous ai raconté les détails de mon voyage au fort Colville; aujourd’hui je vous donnerai les remarques que j’ai faites, et les observations que j’ai pu recueillir dans ce voyage sur les coutumes et les pratiques des Indiens.

Un jour, causant avec sept des Têtes-plates de mon escorte, je leur demandai combien de buffles ils avaient tués entre eux dans leur dernière chasse. La réponse fut cent quatre-vingt-neuf; un seul en avait tué cinquante-neuf pour sa part. Les jeunes gens cherchent à se faire une réputation d’habiles chasseurs par des traits d’agilité, de dextérité et de force. L’un des sept s’était distingué parmi tous ses camarades par trois coups bien remarquables; armé seulement d’une pierre, il avait tué une vache à la course en la frappant entre les deux cornes; il continua sa promenade à pied et en tua une seconde à coups de couteau; enfin il s’empara d’un gros bœuf, l’étreignit et l’étrangla; aussi avait-il tout l’extérieur d’un véritable hercule. Ils eurent ensuite la complaisance de me montrer, à ma demande (car ils ne sont pas vanteurs), les cicatrices des blessures que leur avaient faites les balles et les flèches des Pieds-noirs. L’un avait eu la cuisse percée de part en part de quatre balles; il ne lui en restait qu’un peu de raideur dans la jambe, mais si peu qu’à peine pouvait-on s’en apercevoir. Un autre me montra le bras et la poitrine percés d’une balle. Un troisième, outre quelques coups de couteaux et de lances, avait reçu dans le ventre, à cinq pouces de profondeur, une flèche armée d’une pointe de fer. Un quatrième avait encore deux balles dans le corps. Un cinquième était boiteux; la balle d’un Pied-noir caché dans un trou lui avait cassé la jambe: croiriez-vous que le blessé, sautant sur l’autre jambe, fondit sur son ennemi, et que le trou devint la tombe de l’agresseur? J’exprimai le désir de connaître les remèdes dont ils se servent en pareilles circonstances. Surpris de ma demande, ils me répondirent en riant: «Nous n’y mettons rien, les plaies guérissent d’elles-mêmes.» Ceci me rappelle la réponse que me fit l’année dernière le capitaine Bridger. Il avait eu, pendant quatre ans, deux armures de flèches dans le corps. Interrogé si les blessures avaient longtemps suppuré, il me répondit comiquement: «Dans les montagnes, la viande ne se gâte pas.»

Les habitants des bords de la Rivière-à-Clark sont d’une stature moyenne. Les femmes y sont d’une malpropreté extraordinaire, même parmi les sauvages; leurs jupes de peau, dégoûtantes à voir, leur restent sur le corps jusqu’à ce qu’elles tombent entièrement en lambeaux; à chaque instant elles s’essuient les mains à leur longue chevelure, qui, toujours en désordre, ressemble parfaitement à une brosse remplie de toiles d’araignées. Tous les matins, elles se frottent le visage d’une poudre mêlée de rouge et de brun, qu’elles y font tenir au moyen d’une couche d’huile de poisson. Quoiqu’elles paraissent moins esclaves ici qu’à l’est des montagnes, elles sont pourtant chargées des ouvrages les plus pénibles. Ce sont elles qui cherchent l’eau et le bois, portent les effets dans le déménagement, pagayent le canot, nettoient le poisson lorsqu’on veut s’en donner la peine, car j’ai été dans des loges où j’ai vu le poisson sur les braises tel qu’il était sorti de la rivière. Elles préparent à manger à leurs maris, cueillent les racines et les fruits dans la saison, font des nattes de joncs, des paniers et des chapeaux sans bords, espèces d’omnibus comme je l’ai dit dans le récit de mon premier voyage. Une remarque assez singulière, c’est que les hommes y manient l’aiguille et l’alène plus souvent que les femmes. Au temps de la pêche et de la chasse, ils sont très-actifs à se livrer à ces deux occupations.

L’ophtalmie paraît généralement répandue parmi les habitants de la rivière; on n’entre guère dans une loge sans y voir des borgnes, des aveugles, ou du moins des gens affectés du mal d’yeux. Quelle en est la cause? Peut-être leur assiduité sur l’eau, où ils sont exposés du matin au soir à la réflexion des rayons du soleil; peut-être aussi l’incommodité de leurs basses loges de joncs, où tous se tapissent autour du feu, jour et nuit enveloppés d’une épaisse fumée.

On trouve ici des charlatans aussi bien qu’en Europe. Un ancien commis de la Compagnie de la baie d’Hudson a bien voulu me communiquer son journal; voici ce que j’y trouve au sujet de ces messieurs, qui exercent surtout leur métier au bas du fleuve Columbie et dans les environs. Quelle que soit leur maladie, on étend le patient sur le dos, ses amis se forment en cercle autour de lui, et tiennent d’une main un assez long bâton, et de l’autre un bâton plus court. Le jongleur entonne un air lugubre, et tout le monde le répète après lui en battant la mesure avec les bâtons. Après ce bizarre prélude, il s’approche du malade, se met à genoux devant lui, serre les deux poings et les lui applique sur l’estomac en s’appuyant de toutes ses forces. Comme on s’y attend, cette opération fait jeter les hauts cris au patient; mais ces cris sont bientôt étouffés par ceux du docteur et des assistants, qui se mettent alors à chanter à plein gosier. A la fin de chaque couplet, le médecin joint les deux mains, les approche de ses lèvres et souffle sur le malade. Cette opération se répète jusqu’à ce que, par un tour de sa façon, il lui fait sortir de la bouche une petite pierre blanche ou la griffe d’un oiseau ou de quelque autre animal. Aussitôt il se lève, va d’un air de triomphe montrer sa trouvaille à ceux qui s’intéressent à la santé du sauvage, et les assure de son prochain rétablissement. Au reste, qu’il meure ou qu’il se rétablisse, peu importe, l’essentiel pour le charlatan est toujours, ici comme ailleurs, de se faire bien payer, et il n’y manque pas.

Leurs idées religieuses ne sont pas moins extravagantes et curieuses. Voici ce que croient les Tchinouks, ou du moins ce qu’ils croyaient avant d’être mieux instruits. Selon eux les hommes furent créés par une divinité qu’ils nomment Etala-*passe, mais dans un état très-imparfait; leur bouche et leurs yeux étaient fermés, leurs mains et leurs pieds immobiles; en un mot, c’étaient plutôt des masses vivantes de chair que de véritables hommes. Une seconde divinité qu’ils appellent Ecanuum, moins puissante mais plus bénigne que la première, vit les hommes dans cet état d’imperfection et en eut pitié; elle leur ouvrit la bouche et les yeux avec une pierre aiguë, et donna l’agilité à leurs pieds et à leurs mains. Cette divinité compatissante ne se contenta pas de ces premiers bienfaits; elle enseigna aux hommes à faire des pirogues, des pagayes, des filets, en un mot, tous les ustensiles dont ils se servent pour la pêche, et précipita dans la rivière des rochers pour arrêter les poissons, afin qu’ils pussent en prendre autant qu’il leur en faudrait.

Les cérémonies d’enterrement parmi les Talkotins, qui habitent la nouvelle Calédonie à l’ouest des montagnes, sont bizarres et révoltantes. Le corps du défunt est exposé devant sa loge pendant neuf jours; le dixième, tous les parents et voisins se réunissent dans un endroit élevé; on y place le cadavre sur un bûcher, et l’on y met le feu, au milieu des manifestations de joie des spectateurs. Tout ce que le défunt possédait est placé autour du corps; si c’est un personnage de distinction, ses amis y ajoutent un habillement neuf et complet. Cependant le médecin a recours une dernière fois à tous les sortiléges en usage pour rappeler le défunt à la vie; voyant qu’il ne peut réussir, il étend sur le cadavre une couverture de peau, cérémonie dont le but et l’effet est d’apaiser les parents irrités du mauvais succès de sa cure. Pendant les neuf jours que le cadavre reste exposé, la veuve du défunt est obligée de se tenir auprès, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, quelque temps qu’il fasse, fût-on au plus fort de l’été ou de l’hiver. Sur le bûcher, on l’étend à côté du cadavre; elle y reste jusqu’à ce qu’il plaise au charlatan de la faire retirer, c’est-à-dire jusqu’à ce que de la tête aux pieds elle soit couverte de brûlures. Alors on la force à recueillir avec ses mains du milieu des flammes la graisse qui s’écoule du cadavre, et à s’en frotter le visage et tout le corps. Lorsque les nerfs des jambes et des bras commencent à se contracter, la malheureuse doit retourner sur le bûcher et redresser ses membres. Si la femme a été infidèle à son mari ou négligente à pourvoir à ses besoins, les parents du défunt la jettent sur le bûcher en flammes; les siens l’en retirent, les autres l’y jettent de nouveau; elle est ainsi ballottée jusqu’à ce qu’elle tombe dans un état d’insensibilité complète.

Lorsque le corps est brûlé, la veuve doit ramasser les plus grands os, les envelopper dans une écorce de bouleau et les porter au cou pendant plusieurs années. Dans cet état, on la considère comme esclave; les travaux les plus pénibles deviennent son partage; elle est la servante de toutes les femmes, même des enfants, et la moindre désobéissance de sa part lui attire un châtiment sévère. Les cendres de son mari étant mises en terre, elle est obligée de surveiller l’endroit et d’en ôter les herbes. Souvent les malheureuses veuves se suicident pour éviter tant de cruautés. Au bout de trois ou quatre ans, les parents se concertent pour la relever de son deuil. Ils préparent un grand festin et y invitent tout le voisinage. On introduit la veuve, portant encore les ossements de son mari; on les lui ôte pour les renfermer dans un cercueil qu’on attache à l’extrémité d’un poteau d’environ douze pieds. Les convives célèbrent son veuvage par les plus grands éloges; l’un d’eux lui verse sur la tête un vase plein d’huile, un autre la couvre de duvet. Cette dernière cérémonie lui donne le droit de se remarier; mais comme on peut facilement se l’imaginer, le nombre de celles qui se hasardent une seconde fois est très-petit.

Lorsque je parle en général du caractère et des coutumes des sauvages, j’excepte toujours l’Indien qui habite la frontière de l’homme civilisé, et qui, par le commerce avec ce dernier, est généralement un être abruti. C’est une triste vérité reconnue en Amérique, que là où les blancs sans principes pénètrent avec les boissons enivrantes, bientôt les vices les plus dégradants y règnent.

Le sauvage est circonspect et discret dans ses paroles et dans ses actions: rarement il s’emporte. S’il s’agit des ennemis héréditaires de sa nation, alors il ne respire que haine et vengeance; mais on peut lui appliquer ce qu’un auteur espagnol a dit des Maures: «Que l’Indien ne se venge pas parce que sa colère dure encore, mais parce que sa vengeance seule peut distraire sa pensée du poids d’infamie dont il est accablé; il se venge, parce que, à ses yeux, il n’y a qu’une âme basse qui puisse pardonner les affronts; il nourrit sa rancune, parce que, s’il la sentait s’éteindre, il croirait avoir dégénéré.» Dans toute autre occasion, il est froid et délibéré, étouffant avec soin la moindre agitation. Découvre-t-il, par exemple, que son ami est en danger d’être tué par quelque ennemi aux aguets, on ne le verra pas accourir précipitamment pour le lui annoncer, comme s’il était dominé par le sentiment de la crainte; il lui dira paisiblement: «Mon frère, où vas-tu aujourd’hui?» Sur sa réponse, il ajoutera avec le même air d’indifférence: «Une bête féroce se trouve cachée sur ta route.» Cette allusion suffit, et son ami évite le danger avec autant de soin que s’il avait connu tous les détails relatifs au piége qu’on lui tendait. Si la chasse d’un sauvage a été infructueuse pendant plusieurs jours, et que la faim le dévore, il ne le fera pas connaître aux autres par son impatience ou son mécontentement; mais il fumera son calumet comme si tout lui eût réussi à son gré; agir autrement serait manquer de courage et s’exposer à être flétri par le sobriquet le plus injurieux que puisse recevoir le sauvage, celui de vieille femme.

Dites à un sauvage que ses enfants se sont signalés dans les combats, qu’ils ont enlevé des chevelures, qu’ils emmènent des prisonniers et des chevaux, le père ne montre aucune émotion de joie, et se borne à répondre: «Ils ont bien fait.» Si, au contraire, on lui apprend que ses enfants sont morts ou prisonniers, il se contente de dire: «C’est malheureux.» Pour les circonstances de l’événement, il ne s’en informera que quelques jours après.

L’Indien montre une sagacité étonnante, et apprend avec la plus grande facilité tout ce qui exige l’application de l’esprit. L’expérience et l’observation lui donnent des connaissances que n’a pas l’homme civilisé. C’est ainsi qu’il traversera une forêt ou une plaine de deux cents milles, avec autant de précision qu’un nautonier guidé par sa boussole sillonne l’Océan, sans jamais dévier en rien de la ligne droite. Avec la même justesse, et à quelque heure que ce soit, il vous indiquera le soleil, n’importe l’épaisseur des brouillards ou des nuages qui l’offusquent. A la piste, il découvrira un homme ou un animal, eût-il marché sur des feuilles ou sur l’herbe. Cette merveilleuse perspicacité ne lui vient pas de la nature seule; elle est plutôt le fruit de son application constante à réfléchir sur les connaissances déjà acquises par l’expérience des aïeux; elle tient aussi à une mémoire excellente qui doit suppléer dans les Indiens l’avantage qui leur manque, de fixer comme nous leurs souvenirs sur le papier. Ainsi ils se rappellent, avec une minutieuse exactitude, tous les points des traités conclus entre leurs chefs, et l’époque exacte où les conseils ont été tenus.

Quelques écrivains supposent que les Indiens sont guidés par l’instinct, et que chez eux les enfants trouveraient aussi aisément leur chemin à travers une forêt que les personnes d’un âge plus avancé. C’est une erreur. J’ai interrogé sur ce point des sauvages intelligents, et ils m’ont laissé la conviction que c’est à leur grande attention à la croissance des arbres et à la position du soleil qu’ils doivent cette grande facilité de se guider dans leurs courses. Ils retiennent non-seulement la position de tel ou tel arbre, mais encore sa taille, sa forme, son espèce et sa dimension. Ils savent que, dans tout arbre, le côté tourné au nord a plus de mousse que ceux qui regardent les autres points cardinaux, et que le côté exposé au sud-est est celui qui a les branches les plus fortes et les plus nombreuses. C’est d’après ces observations et d’autres semblables, qu’ils se dirigent dans leur marche; ils ont grand besoin de les inculquer de bonne heure à leurs enfants. Moi-même je me suis souvent servi avec succès de leurs remarques dans mes petites courses à travers la forêt.

Ils mesurent la distance des lieux par journées de marche. D’après toutes les observations que j’ai faites, leur journée équivaut à peu près à cinquante ou soixante milles anglais lorsqu’ils voyagent seuls, et à quinze ou vingt milles seulement lorsqu’ils lèvent leurs camps. Bien qu’ils n’aient aucune connaissance de la géographie et des sciences qui en sont la base, ils font néanmoins avec précision, sur des écorces d’arbres ou sur des peaux, le plan des pays qu’ils ont parcourus, marquant les distances par journées, demi-journées ou quarts de journées. Ces plans leur servent à régler en conseil leurs excursions lointaines pour la guerre ou pour la chasse. Leur seule astronomie consiste à pouvoir montrer l’étoile polaire, qui est leur guide dans les voyages de nuit.

Les songes, chez les Indiens, sont l’objet d’une grande vénération. Selon eux, le songe est la voie ordinaire dont se servent le Grand-Esprit et les manitous pour faire connaître à l’homme leur volonté, pour le guider par des conseils salutaires et pour lui donner l’intuition de l’avenir. Partant de cette idée, et regardant le songe, ou comme un désir de l’âme inspiré par le génie, ou comme un ordre émanant directement de lui, ils établissent en principe que c’est un devoir religieux d’obéir ponctuellement. Un sauvage, dit Charlevoix dans son journal (et j’ai connu des cas semblables), ayant rêvé qu’il se faisait couper un doigt, le fit couper en effet le lendemain, après s’y être préparé par le jeûne. Un autre, s’étant vu prisonnier dans un rêve, ne sut à quoi s’en tenir; il consulta les jongleurs, et, sur leur avis, se fit attacher à un poteau pour être brûlé en différentes parties du corps. Parmi les Corbeaux, j’ai vu un guerrier qui, à cause d’un songe, a pris des vêtements de femme, et s’est assujetti à tous les devoirs et travaux qu’exige un état si humiliant pour un Indien. Au contraire, chez les Serpents, une femme rêva un jour qu’elle était homme et qu’elle tuait les animaux à la chasse. A son réveil, elle se revêtit des habits de son mari, prit son fusil, et alla essayer l’efficacité de son songe; elle tua un chevreuil. Depuis ce temps, elle n’a plus quitté l’habillement d’homme; elle va à la chasse et à la guerre; par quelques coups intrépides, elle a obtenu le titre de brave et le privilége d’être admise à tous les conseils des chefs. Il ne faudrait rien moins qu’un autre rêve pour lui faire reprendre sa jupe.

Les Potowatomies et les sauvages du nord ont la coutume, lorsqu’ils font ou renouvellent des traités de paix, de se présenter un collier fait de coquilles de buccins et qu’ils appellent le wampum. Lorsqu’ils sollicitent l’alliance définitive ou offensive d’une autre nation, ils joignent à l’envoi du wampum un casse-tête teint de sang, invitant leurs voisins à venir boire avec eux le sang de leurs ennemis; expression figurative, mais qui souvent devient une triste réalité.

Chez les nations de l’ouest, c’est le calumet qui sert de wampum, lorsqu’il s’agit de la paix ou de la guerre. Fumer le calumet ensemble, c’est prendre l’engagement solennel de se traiter en amis; celui qui y est infidèle perd toute estime et confiance, est considéré comme infâme et s’expose à la vengeance divine. Lorsqu’on déclare la guerre, le calumet et tous ses ornements sont rouges. Quelquefois il n’est rouge que d’un côté. Cette marque, et les différentes manières d’orner le calumet, font connaître au premier coup d’œil, à quiconque est versé dans leurs usages, les désirs de la nation qui le présente, ou ce qu’elle a résolu de faire.

Le calumet entre dans toutes les cérémonies religieuses; c’est l’instrument par lequel ils préludent à toutes leurs invocations. Fumer est leur préparation prochaine, lorsqu’ils s’adressent au Grand-Esprit, au soleil, à la lune, à la terre et à l’eau, et qu’ils les prennent pour témoins de leur sincérité et pour garants de leurs engagements. Cette coutume des sauvages, quoique ridicule en apparence, a cependant son bon côté. L’expérience leur a appris que fumer tend à dissiper les vapeurs du cerveau, à relever leur courage, à les habituer à penser et à juger avec justesse; c’est pourquoi le calumet est encore introduit dans les conseils comme prologue, et devient le sceau de leurs décrets lorsque les résolutions sont prises. Ils l’envoient comme gage de fidélité et de respect à ceux qu’ils veulent consulter, ou avec qui ils sont en alliance ou en traité.

L’opinion des sauvages sur les bons effets du tabac ne sera peut-être pas admise de tout le monde, car l’expérience semble démontrer que la fumée du tabac agit puissamment sur le système nerveux. Je répondrai pour les sauvages: Si la fumée du tabac est tirée et rejetée par la bouche, elle produit sans doute l’effet d’un narcotique stupéfiant; mais lorsqu’elle est aspirée dans les poumons (et c’est la pratique universelle des sauvages), alors c’est toute autre chose. Qu’on essaie.

ONZIÈME LETTRE

A UN PÈRE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

Sainte-Marie des Montagnes Rocheuses,
31 décembre 1841.

Après vous avoir donné la relation de ma course du mois dernier et les observations que j’y ai recueillies, il me reste encore à vous faire l’exposé de ce qui s’est passé chez les Têtes-plates pendant mon absence, et depuis mon retour jusqu’aujourd’hui, dernier jour de l’an. Les détails dans lesquels je vais entrer sur la situation de notre réduction naissante, sous le rapport tant matériel que spirituel, vous feront voir que les PP. Point et Mengarini ne sont pas restés oisifs, et que tous les résultats obtenus viennent à l’appui de ce que j’ai avancé dans mes lettres précédentes.

Comme le plan de notre réduction était définitivement arrêté, il s’agissait d’en venir, avant l’hiver, à un commencement d’exécution. Ce qui pressait le plus, c’était une clôture qui renfermât le terrain destiné au presbytère et à la ferme, et un bâtiment pouvant servir provisoirement d’église. On se mit à l’œuvre de si bon cœur, que dans l’espace d’un mois tout fut achevé. Les Têtes-plates eurent bientôt coupé dans les forêts deux ou trois mille pieux dont ils firent la clôture; et pendant ce temps, nos bons Frères et les trois charpentiers que nous avions emmenés avec nous construisirent, à l’aide de la hache, de la scie et de la tarière, une chapelle avec fronton, colonnade et galerie, balustrades, stalles, chœur, etc., dans laquelle on put réunir, le jour de saint Martin, 11 novembre, tous les catéchumènes, et continuer à les instruire jusqu’au 3 décembre, jour fixé pour le baptême.

Dans l’intervalle, entre ces deux époques, il y eut tous les jours une instruction de plus, à huit heures du soir, pour les personnes mariées ou en âge de l’être; elle durait ordinairement environ cinq quarts d’heure. Le recueillement de ces bons sauvages, toujours avides de la parole de Dieu, se faisait surtout remarquer le soir, dans le silence de la nuit, et dans l’absence des petits enfants, gardés à la loge par leurs frères et sœurs d’un âge plus avancé. Le bon Dieu exauça si bien leurs désirs, que le jour de saint François Xavier les Pères eurent la consolation de baptiser deux cent deux adultes.

Tant d’âmes ne purent être arrachées au démon sans exciter sa rage; aussi en ressentit-on les effets à Sainte-Marie. Symptômes de défiance et d’autres tentations dans les mieux intentionnés; maladie de l’interprète, du sacristain, du préfet de l’église, lorsque leur concours semblait le plus urgent; les orgues brisées involontairement par les sauvages, au moment même où l’on devait en faire un si bon usage; un ouragan la veille du baptême, le même qui avait renversé ma loge dans la prairie aux chevaux; les arbres déracinés dans la forêt, trois loges emportées par le vent; l’église ébranlée jusque dans ses fondements, et ses fenêtres enfoncées: tout semblait conjurer contre la belle cérémonie du baptême; mais, le jour arrivé, tous les nuages disparurent.

Les Pères s’étaient proposé de faire les mariages le jour même du baptême; mais l’administration de ce premier sacrement s’étant prolongé beaucoup plus longtemps qu’ils ne l’avaient cru, à cause de tout ce qu’il fallait dire ou entendre par interprète, ils furent obligés de remettre les mariages au lendemain, abandonnant à Dieu et aux nouveaux chrétiens la garde de leur innocence baptismale.

Comme aucun des anciens missionnaires n’a rien laissé par écrit sur la conduite à tenir dans les mariages, il sera peut-être utile de rapporter ici celle que nous avons tenue ou établie, afin qu’elle soit redressée, si elle n’avait pas été ce qu’elle aurait dû être.

1º Nous sommes partis du principe que, généralement parlant, il n’y a point de mariages valides chez les sauvages de ces contrées. La raison en est qu’on n’en trouve pas un, même parmi les meilleurs, qui, après le mariage contracté à la façon du pays, ne se croie le droit de renvoyer sa première femme quand il le juge à propos et d’en prendre une autre; plusieurs même se croient le droit d’en avoir plusieurs à la fois. Il est vrai qu’en se mariant ils se promettent parfois qu’ils ne se sépareront qu’à la mort, ou qu’ils ne se marieront jamais à d’autres; mais quel homme ou quelle femme passionnés n’en ont pas dit autant? Peut-on inférer de là que le contrat soit valide quand il est universellement reçu qu’après de telles promesses on ne reste pas moins libre de faire ce qu’on veut si l’on se dégoûte l’un de l’autre? Nous sommes donc convenus sur le principe que, parmi eux, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de mariage, parce qu’ils n’en ont jamais bien connu l’essence et l’obligation. Ne pas supposer cela, serait s’engager dans un labyrinthe dont il serait bien difficile de sortir. C’était, si je ne me trompe, la conduite de saint François Xavier dans les Indes, puisqu’il est dit dans sa vie qu’il louait devant les maris celle de leurs femmes qu’il croyait devoir leur être plus chère, afin qu’ils s’en tinssent plus facilement à une seule.

2º Supposant ensuite que dans l’usage du mariage il n’y avait eu que des fautes matérielles, on n’a parlé de la nécessité de la réhabilitation que pour le temps qui suivrait le baptême.

Après qu’on eut donc pris les informations nécessaires pour reconnaître les degrés de parenté et en donner la dispense, on célébra la cérémonie des mariages le lendemain du baptême; elle contribua beaucoup à donner à la peuplade une haute idée de notre sainte religion. Les vingt-quatre mariages contractés en ce jour offraient ce mélange de simplicité, de respectueuse affection et de joie profonde, qui sont les sûrs indices d’une bonne conscience. Il y avait, parmi les couples, des vieillards des deux sexes; leur présence à l’église pour un tel acte, qui prêterait peut-être à rire en Europe, ne rendait la cérémonie que plus respectable aux yeux de l’assemblée. C’est que chez les Têtes-plates tout ce qui touche à la religion est sacré; malheur à celui qui insinuerait la moindre plaisanterie sur ce sujet. Chacun sortit de la chapelle le cœur gros de ces doux souvenirs, qui, épurés par la grâce, font le charme de la vie et surtout de la société conjugale.

La seule chose qui parût étrange aux Indiens, c’est qu’il fallût prendre les noms des témoins. Mais lorsqu’on leur eut dit que l’Eglise l’ordonnait ainsi pour donner plus de poids et de dignité au contrat de mariage, ils n’y virent plus rien que de raisonnable, et c’était à qui serait témoin pour les autres. Le même étonnement s’était manifesté dans le baptême au sujet des parrains. L’interprète avait rendu le mot de parrain, qui n’est pas de leur langue, par celui de second père. Les pauvres sauvages, ne sachant pas ce que signifiait ce titre, ni quelles obligations il pouvait entraîner, ne se prêtaient volontiers ni à se choisir un parrain ni à l’être pour un autre. Quand on se fut bien entendu, les difficultés s’aplanirent d’autant plus facilement que, pour ne pas multiplier les affinités spirituelles, on donna seulement un parrain aux hommes et une marraine aux femmes, et que, quant aux obligations attachées à ce titre, les Robes-noires promirent de se charger de la plus grande partie du fardeau. Pour les premiers baptêmes, le choix des parrains était fort limité, puisqu’il n’y avait encore que treize chrétiens adultes; mais la section des personnes les plus âgées ayant été baptisée avant les autres, ces nouveaux chrétiens, sans quitter le cierge, symbole de leur foi, furent choisis pour la seconde section, et ainsi de suite jusqu’à la fin.

Venons aux détails des cérémonies. La veille du baptême, les Pères n’avaient plus réuni la peuplade depuis le matin, à cause des préparatifs à faire pour l’ornement de la chapelle et d’une indisposition du P. Mengarini. Le soir, il y eut réunion, mais quel fut l’étonnement de ce bon peuple en voyant la décoration de la chapelle! Quelques jours auparavant, on avait chargé les femmes, les filles et les enfants de faire le plus grand nombre possible de nattes de jonc ou d’autres tissus; toutes avaient concourues à cette bonne œuvre, de sorte qu’on en eut pour couvrir tout le terrain, tapisser le plafond et les murailles, faire des corniches et des lambris, etc. Ces nattes ornées de festons de verdure, de jolies draperies autour de l’autel, un ciel où se trouvait le saint Nom de Jésus, le tableau de la sainte Vierge sur le tabernacle, la porte du tabernacle représentant le saint Cœur de Jésus, les images des stations du chemin de la croix enchâssées dans des cadres rouges, la lumière des flambeaux, le silence de la nuit, l’approche d’un grand jour, le calme du soir après un terrible ouragan: tout cela, avec la grâce de Dieu, disposa si bien les cœurs et les esprits, que je ne crois pas qu’il fût possible de voir sur la terre une assemblée d’hommes plus semblables à la compagnie des saints. C’est là le beau bouquet qu’il fut permis aux Pères d’offrir le lendemain à saint François Xavier. Ce jour, on passa quatorze heures et demie à l’église; depuis huit heures du matin jusqu’à dix heures et demie du soir, il n’y eut qu’un intervalle d’une heure et demie pour le repas. Voici l’ordre suivi: d’abord on baptisa les chefs et les hommes mariés, qui servirent ensuite de parrains aux jeunes et aux petits garçons. Vinrent ensuites les femmes mariées qui conservaient leurs maris, puis les veuves et les femmes délaissées; enfin les jeunes personnes et les petites filles.

Qu’il était beau d’entendre ces bons sauvages répondre avec intelligence à toutes les questions qui leur étaient adressées, réciter leurs prières avec un redoublement de ferveur au moment où on les baptisait, et se retirer ensuite à leurs places, tenant à la main le flambeau, symbole de leur ardente charité!

Je ne parlerai pas de leur exactitude à se rendre aux instructions, de leur avidité pour les entendre, du profit sensible que la peuplade en tira; tout cela est ordinaire dans le cours d’une mission; mais ce qui ne se voit que rarement, ce sont les sacrifices héroïques qui ont été faits. Plusieurs avaient deux femmes: ils ont gardé celle qui avait le plus d’enfants et renvoyé l’autre avec tous les égards possibles. Un soir, l’un d’eux vint trouver un des Pères à la loge qui était en ce moment remplie de sauvages; là, sans respect humain, il exposa sa situation, demanda conseil et fit à l’instant ce qu’on lui conseilla; il renvoya la plus jeune des deux femmes qu’il avait eue, lui donnant ce qu’il aurait souhaité qu’un autre en pareille circonstance eût donné à sa sœur, et se remit avec la plus âgée qu’il avait quittée. A la fin d’une instruction, une jeune femme demanda à parler, et déclara publiquement qu’elle désirait bien ardemment de recevoir le baptême, mais que jusqu’alors elle avait été si méchante qu’elle n’osait pas le demander. Tous auraient voulu faire leur confession en public. Un grand nombre de jeunes mères, mariées à la façon des sauvages et abandonnées de leurs maris qui n’étaient pas des Têtes-plates, y renoncèrent à jamais de tout leur cœur, pour avoir le bonheur d’être baptisées. Voici comment s’y prit une femme déjà âgée pour déterminer son mari qui balançait encore: «Je vous aime bien, lui dit-elle, je sais que vous m’aimez aussi, mais vous aimez l’autre autant que moi. Je suis vieille, elle est jeune: eh bien, laissez-moi avec mes enfants, restez avec elle; par ce moyen nous plairons tous au bon Dieu, et nous pourrons tous être baptisés.» On sera encore plus étonné de les entendre parler ainsi, quand on saura que primitivement, loin de vouloir faire mal en prenant deux femmes, ces pauvres Têtes-plates avaient cru bien faire, quelque méchant leur ayant fait accroire que la chose était méritoire devant Dieu.

Voici le règlement ordinaire que nous suivons dans le village. Lorsque l’Angelus sonne, les Indiens se lèvent; une demi-heure après, on dit en commun les prières du matin; tous assistent à la messe et à l’instruction. Vers le coucher du soleil, on dit de même les prières du soir, puis on fait une seconde instruction d’environ cinq quarts d’heure. A deux heures après-midi, catéchisme, d’obligation pour les enfants, libre pour les grandes personnes. Les enfants sont partagés en deux sections: la première comprend ceux qui savent déjà leurs prières; la seconde, les commençants. Un des Pères fait tous les matins la visite des malades pour leur procurer des remèdes ou les consoler, selon le besoin.

Nous avons adopté le système d’enseignement et de récompense en usage dans les écoles des Frères de la Doctrine chrétienne. Pendant le catéchisme, qui dure environ une heure, il y a récitation, explication et chant de cantiques. Chaque jour, pour chaque bonne réponse, on donne de bonnes notes en plus ou moins grand nombre, selon la difficulté de la question proposée. L’expérience a prouvé que ces notes, données sur le champ, sont moins embarrassantes lorsqu’on les donne de la main à la main, que lorsqu’on les inscrit dans un tableau; cela prend moins de temps, intéresse davantage les enfants et les rend plus attentifs et plus soigneux. Elles servent en même temps de certificat de présence au catéchisme et de marque d’intelligence et de bonne volonté, que les parents sont bien aises de les voir exhiber à leur retour. Aussi ces bons parents, afin de les rendre capables de mieux répondre le lendemain, et en partie pour s’instruire eux-mêmes plus à fond, leur font-ils répéter chez eux tout ce qu’ils ont entendu au catéchisme. Le désir de voir les enfants s’y distinguer y a attiré presque toute la peuplade; aucun des chefs qui a des enfants n’y a manqué, et il n’y a pas moins d’émulation parmi les parents que parmi les enfants.

Ce qui a surtout donné de la valeur aux bonnes notes, c’est l’exactitude et la justice reconnue avec laquelle on récompense ceux qui répondent bien. Les bonnes notes de la semaine sont récompensées le dimanche par des croix, des médailles ou des rubans distribués publiquement à ceux des enfants qui en ont obtenu le plus grand nombre; ils en restent décorés toute la semaine suivante. Le premier dimanche de chaque mois, on distribue à ceux qui ont obtenu le plus de bonnes notes, dans le cours du mois, quelques médailles ou images qui deviennent la propriété de chacun. Ces images conservées avec soin, sont de grands stimulants, non-seulement pour faire apprendre le catéchisme, mais encore pour exciter à la piété. On en conçoit la raison: ce sont des monuments de victoire, des exemples de vertu, des exhortations à la piété, des modèles de perfection. Ce qui leur donne un plus grand prix encore, c’est leur rareté, ce sont les efforts qu’il faut faire pour les mériter. Comme l’amour du travail est surtout ce qu’il faut inspirer aux sauvages qui sont naturellement portés à la paresse, on a jugé à propos de récompenser les petits ouvrages qu’ils sont capables de faire, comme on récompense le catéchisme.

Pour maintenir le bon ordre et favoriser l’émulation, les enfants du catéchisme sont divisés en sept ou huit bandes de six chacune; les garçons d’un côté, les filles de l’autre. A la tête de chaque bande, il y a un chef chargé d’aider les autres à apprendre et à retenir la lettre du catéchisme. Afin que tous puissent nourrir l’espoir de mériter une récompense à la fin de la semaine ou du moins une bonne note, on les a partagés de manière à ce que les concurrents, au nombre de cinq ou six dans chaque bande, soit de force à peu près égale.

Cependant le P. Point, qui devait accompagner à la grande chasse immédiatement après les fêtes de Noël, les camps réunis des Têtes-plates, des Pends-d’oreilles et des Nez-percés, se disposa à sa nouvelle campagne par une retraite de huit jours. Pour moi, dès le lendemain de mon retour du fort Colville, je me remis à l’œuvre. Trente-quatre couples de Têtes-plates avaient voulu attendre mon retour pour recevoir le baptême et réhabiliter leurs mariages; les Nez-percés, encore plus en retard, n’avaient pas même présenté leurs enfants au baptême, et l’on avait admis dans le camp un vieux chef Pied-noir avec sa petite famille, cinq personnes en tout: ils montraient tous le plus grand désir d’être instruits dans la foi chrétienne. Je me mis donc à leur faire trois instructions par jour, outre les catéchismes que leur faisaient les autres Pères. Ils en profitèrent si bien, avec la grâce de Dieu, que je pus admettre aux fonts baptismaux, le jour de Noël, cent quinze Têtes-plates avec trois de leurs chefs, trente Nez-percés avec leur chef, et le chef Pied-noir avec sa famille. Ce jour, je commençai mes messes à sept heures du matin; à cinq heures après-midi, je me trouvais encore dans la chapelle. Je ne puis vous exprimer les consolations que j’éprouvai dans ces heureux moments; rien de plus édifiant que le maintien et la dévotion de ces bons sauvages. Le lendemain, je chantai une messe solennelle en action de grâces pour les insignes faveurs dont le Seigneur avait daigné combler son peuple. Six à sept cents nouveaux chrétiens, en y comprenant les petits enfants, réunis dans une pauvre chapelle couverte de jonc, au milieu d’un désert où peu auparavant le nom du vrai Dieu était à peine connu, y offrant à leur Créateur leurs cœurs régénérés dans les saintes eaux du baptême, et protestant de persévérer jusqu’à la mort dans son saint service: c’était là sans doute une offrande des plus agréables à Dieu, et qui, nous l’espérons, attirera la rosée céleste sur les Têtes-plates et sur les nations voisines.

Le 29, le gros camp, accompagné du P. Point, nous quitta pour la grande chasse des buffles; réunis au camp des Pends-d’oreilles, qui les attendaient à deux journées de marche d’ici, ils seront au delà de deux cents loges. Je suis rempli d’espoir dans l’attente des nouveaux succès par lesquels le Seigneur daignera, je l’espère, récompenser le zèle de ses serviteurs. Dans l’entre-temps, nous nous occupons, le P. Mengarini et moi, à traduire le catéchisme en langue tête-plate, et à préparer à la première communion environ cent cinquante personnes restées à Sainte-Marie. Nos bons Frères et nos charpentiers continuent à entourer tout le terrain de la réduction d’une forte palissade munie de deux bastions. Cet ouvrage est d’une nécessité absolue pour nous mettre à l’abri des incursions furtives des Pieds-noirs, dont nous attendons de jour à autre une visite. Notre confiance à Dieu sera toujours notre bouclier; nous prenons les précautions que dicte la prudence, et nous demeurons sans crainte à notre poste.

Un jeune Simpoil vient d’arriver à notre camp; voici ses paroles mot pour mot: «Je suis Simpoil, ma nation fait pitié; elle m’envoie pour écouter vos paroles et apprendre la prière que vous annoncez aux Têtes-plates; les Simpoils désirent aussi la connaître et imiter leur exemple.» Ce brave jeune homme va passer l’hiver avec nous, et retournera au printemps prochain parmi ses frères, pour y jeter la semence de l’Evangile.

Toute la nation tête-plate convertie, quatre cents Kalispels déjà baptisés, ainsi que quatre-vingts Nez-percés, plusieurs Cœurs-d’alène, Kootenays et Pieds-noirs; les Serpents, les Simpoils, les Chaudières et une foule d’autres peuples qui nous tendent les bras; le gouverneur du fort Van-Couver et le Révérend M. Blanchet, qui demandent avec les plus vives instances que nous venions former un établissement dans cette contrée; en un mot tout un vaste pays qui n’attend que l’arrivée des véritables ministres de Dieu, pour se ranger sous l’étendard de la croix de Jésus-Christ: voilà, mon Révérend Père, le bouquet que nous vous offrons à la fin de 1841! C’est au pied du crucifix que vous cherchez les moyens de procurer le plus grand bien spirituel des âmes confiées à vos enfants. Notre nombre est bien loin de suffire aux besoins pressants et actuels des peuples qui nous appellent à leur secours. La propagande protestante est sur le qui-vive. Envoyez-nous donc au plus tôt des auxiliaires, des Pères et des Frères, et des milliers d’âmes vous béniront au trône de Dieu pendant toute l’éternité!

Copie d’une lettre du révérend M. Blanchet au P. de Smet,
reçue le 1ᵉʳ novembre 1841
[6].

Fort Van-Couver, 28 septembre 1841.

Bénie soit la divine providence du Dieu tout-puissant qui vous a protégé, conservé, ramené au milieu de vos chers néophytes avec un puissant secours!

Je félicite le pays du trésor qu’il possède par l’arrivée et l’établissement des membres de la Compagnie de Jésus. Veuillez bien témoigner aux révérends Pères et Frères ma vénération et mon profond respect. Je prie le Seigneur de bénir vos travaux, de continuer vos victoires et vos succès. Dans peu d’années, vous aurez la gloire et la consolation de voir se ranger sous l’étendard de la croix, par votre entremise, tous les sauvages du haut de la Columbie.

Je ne doute pas que notre excellent gouverneur, M. John Mac-Lauglin, ne vous donne tous les appuis et secours qui seront en son pouvoir. C’est un bonheur pour notre sainte religion que ce grand homme soit à la tête des affaires de l’honorable Compagnie de la baie d’Hudson, à l’ouest des Montagnes Rocheuses; il l’a protégée avant notre arrivée dans le pays; il ne cesse encore de lui donner son appui de paroles, d’exemples et de faits.

Etant dans le même pays, travaillant pour le même but, ayant les mêmes intérêts, le triomphe de la religion catholique dans ce vaste territoire, nous serons sensibles à tout ce qui vous intéressera, M. de Mers et moi; nul doute que tout ce qui nous concerne ne soit aussi l’objet de votre sensibilité.

Voici en peu de mots où nous en sommes. L’établissement catholique de Wallamette renferme près de soixante familles; celui de Cowlitz, cinq seulement; vingt-deux à Nesqually sur le Puget-Sund, à une trentaine de lieues de Cowlitz. En outre nous devons visiter de temps à autre les forts les plus rapprochés, où se trouvent les serviteurs catholiques de la Compagnie. Voilà ce qui absorbe presque tout notre temps. Nous manquons de Frères, de Sœurs religieuses, de maîtres et de maîtresses d’école. Nous avons à remplir le ministère de tous les ordres, outre le soin du temporel qui est un grand fardeau. Les femmes des Canadiens, prises de toutes les parties du pays, apportent la diversité des langues dans les familles. On parle généralement partout un mauvais jargon qui ne peut servir de base à notre instruction publique. De là les obstacles au progrès; nous allons à pas lents. Il faut montrer le français en montrant le catéchisme, ce qui nous prend un temps infini. Nous sommes réellement accablés. Les sauvages nous tendent les bras de tous côtés; mais nous n’avons pas le temps de les cultiver. Nous faisons quelques missions à la hâte parmi eux; nous baptisons les enfants et les adultes en danger de mort. Nous n’avons pas le temps d’apprendre les langues; jusqu’à présent nous avons même manqué d’interprètes pour traduire les prières; ce n’est que depuis peu que j’ai réussi à le faire en langue tchinouk. Les difficultés augmentent par la diversités des langues. Les Kalapouyas du haut de Wallamette, les Tchinouk de la Columbie, les Kayous de Wallawalla, les Nez-percés, les Okinatrines, les Têtes-plates, les Serpents, les Cowlitz, les Klikatas de l’intérieur au nord de Van-Couver, les Tchébélis au nord de l’embouchure de la Columbie, les sauvages de Fesqually et de l’intérieur de la baie de Puget-Sund, ceux de la rivière Travers, les Klalams de la même baie, ceux de l’île Van-Couver, des postes du nord sur le bord de la mer et dans l’intérieur du pays qu’arrosent les sources et les tributaires de la rivière Travers, ont chacun leur langue différente. Voilà les obstacles que nous avons à vaincre tous les jours. Nos entrailles se dessèchent de voir tant d’âmes périr sous nos yeux sans pouvoir leur rompre le pain de la parole de vie.

De plus, nos moyens temporels sont limités. Nous ne sommes que deux; nos valises ne sont point arrivées le printemps dernier par le bâtiment de l’honorable Compagnie; nous avons épuisé nos ressources. Les sauvages, les femmes et les enfants nous demandent en vain des chapelets; nous n’avons plus de catéchismes de notre diocèse à distribuer, point de livres de prières en anglais à donner aux Irlandais catholiques, point de livres de controverse à prêter. Le Ciel semble être sourd à nos besoins, à nos prières, à nos vœux, à nos désirs les plus ardents. Jugez de notre situation, et combien nous sommes à plaindre.

Cependant nous sommes environnés de sectes qui font mille efforts pour répandre le poison de l’erreur, qui tâchent de paralyser le peu de bien que nous faisons. Les méthodistes sont établis en cinq endroits: au Wallamette, à huit milles de notre établissement; chez les Klatsaps, au sud de l’embouchure de la Columbie; à Nesqually sur le Puget-Sund; aux grandes dalles en bas de Wallawalla; enfin à la chute de Wallamette. Les missions presbytériennes sont à Wallawalla et aux environs de Colville.

Au milieu de tant d’ennemis, nous tâchons de tenir ferme, de nous multiplier, de visiter beaucoup de postes, là surtout où le danger est le plus pressant, soit afin de prendre les devants et d’inculquer les principes catholiques, là où le poison n’a pas encore été répandu, soit afin de paralyser les progrès du mal ou d’en tarir la source même. Le combat a été rude; les sauvages semblent maintenant ouvrir les yeux et reconnaître quels sont les véritables ministres de Jésus-Christ. Le Ciel se déclare pour nous. Si nous avions un prêtre pour tenir une mission permanente parmi les sauvages, dans deux ans tout le pays serait à nous. Les missions méthodistes tombent, elles perdent leur crédit et leur peu d’influence. J’ai eu le dessus au Wallamette, par la grâce de Dieu. Ce printemps, M. de Mers et moi, nous avons enlevé aux méthodistes un village entier de sauvages qui se trouve au bout de la chute du Wallamette. M. de Mers a visité les Tchinouks du bas du fleuve Columbie; ils sont disposés pour nous. J’arrive des cascades, à dix-huit lieues de Van-Couver; les sauvages de ce poste avaient résisté jusqu’alors aux insinuations d’un prétendu ministre. C’était une première mission; elle n’a duré que dix jours. Ils ont appris le signe de la croix, l’Offrande du cœur à Dieu, l’Oraison dominicale, la Salutation angélique, le Symbole des apôtres, les dix Commandements de Dieu et ceux de l’Eglise. Je dois les revoir bientôt près de Van-Couver, et en baptiser un bon nombre.

Le révérend M. de Mers est absent depuis deux mois pour le Puget-Sund, où les sauvages le demandent depuis long-*temps. Mes catéchumènes de Flackémar, village converti le printemps passé, n’ont pu être visités depuis le mois de mai. Ils résistent aux discours d’un nommé M. Waller, établi à la chute du Wallamette.

Jugez, monsieur, combien nous avons à faire, et combien il serait à propos d’envoyer un de vos révérends Pères avec un des trois Frères. Dans mon idée, c’est ici qu’il faudrait jeter les fondements de la religion; c’est ici qu’il faudrait établir un collége, un couvent, des écoles; c’est ici qu’un jour un successeur des apôtres viendra de quelque part s’établir, afin de pourvoir aux besoins spirituels d’un vaste pays, qui promet une si abondante moisson; c’est ici que le combat est engagé, et qu’il nous faut vaincre d’abord. Ce serait donc ici qu’il faudrait établir une belle mission; des postes d’en bas, les missionnaires, les révérends Pères iraient dans toutes les directions alimenter les postes éloignés, distribuer le pain de vie aux infidèles encore plongés dans les ombres de la mort. Si vos plans ne vous permettent pas de changer le lieu de votre établissement, du moins voyez le besoin où nous sommes d’un révérend Père et d’un Frère pour nous secourir dans notre détresse.

Les dernières dates des îles Sandwich, 1840, m’apprennent que Mgr Rochure y était arrivé, accompagné de trois prêtres; qu’une vaste église catholique devait être prête pour la célébration des saints mystères l’automne passé, que les naturels se convertissaient en grand nombre, que les temples des ministres protestants étaient presque abandonnés.

Mgr de Juliopolis, de la Rivière-Rouge, me dit que les sauvages des pieds des Montagnes Rocheuses à l’est lui avait député un métis qui vit avec eux, afin d’obtenir de Sa Grandeur un prêtre pour les instruire. Le révérend M. Thibault est destiné pour cette mission.

Agréez, etc.

F. N. Blanchet.

DOUZIÈME ET DERNIÈRE LETTRE

A M. FRANÇOIS DE SMET

Université de Saint-Louis, 3 novembre 1842.

Dans ma dernière lettre, datée du 15 août, je promis à M. le chanoine de la Croix d’écrire de Saint-Louis, si j’avais le bonheur d’y arriver. Le Seigneur m’a ramené sain et sauf, et me voici en devoir de remplir ma promesse. En quittant le P. Point et le camp des Têtes-plates, sur la rivière Madisson, j’étais accompagné de six de nos sauvages. Trois jours après, nous avions déjà franchi deux chaînes de montagnes et parcouru cent cinquante milles dans un pays souvent visité par les Pieds-noirs, sans toutefois les rencontrer.

A l’endroit où la Rivière des vingt-cinq vierges se jette dans la Roche-jaune, nous trouvâmes environ deux cent cinquante loges de sauvages, tous amis des missionnaires, savoir: des Têtes-plates, des Kalispels, des Nez-percés, des Kayuses et des Serpents. Je passai trois jours au milieu d’eux, pour les exhorter à la persévérance et faire les préparatifs de mon long voyage. A mon départ, dix néophytes se présentèrent devant ma loge, pour me servir d’escorte et m’introduire parmi les Corbeaux.

Le soir au lendemain, nous nous trouvâmes au milieu de cette nombreuse peuplade. Ils nous avaient aperçus de loin; quelques-uns d’entre eux me reconnurent. Aux cris la Robe-noire, la Robe-noire! tous, grands et petits, au nombre d’environ trois mille, sortirent de leurs loges comme les abeilles de la ruche. A mon entrée dans le village, je devins le sujet d’une scène assez singulière: les chefs et une cinquantaine des plus signalés entre les braves s’empressèrent de m’entourer et m’arrêtèrent tout court; l’un me tirait à droite, l’autre à gauche; un troisième me tirait par la soutane; un quatrième, aux formes et à la taille athlétiques, voulait m’enlever et me porter dans ses bras; tous parlaient à la fois et semblaient se quereller. Ne comprenant rien à leur querelle, je ne savais trop si je devais être gai ou sérieux. L’interprète vint bientôt me tirer d’embarras, et m’apprit que toute cette confusion n’était qu’un signe de politesse et de bienveillance à mon égard, chacun voulant avoir l’honneur de loger et de nourrir la Robe-noire. Sur son avis, je fis le choix moi-même. Je ne l’eus pas plus tôt indiqué, que les autres me lâchèrent prise, et je suivis le principal chef dans sa loge, la plus grande et la plus belle du camp. Les Corbeaux ne tardèrent pas à s’y rendre en foule, et tous me comblèrent d’amitiés; le calumet social, symbole d’union et de fraternité sauvage, fit le tour sans se refroidir, accompagné de toutes les simagrées dans lesquelles ils excellent parmi toutes les tribus du pays.

De tous les sauvages de l’ouest des montagnes, les Corbeaux sont sans contredit les plus adroits, les plus polis et les plus avides d’instruction; ils professent beaucoup d’amitié et une grande admiration pour les peuples civilisés. Ils me firent mille questions; entre autres ils voulurent savoir quel est le nombre des blancs. «Comptez, leur répondis-je, les brins d’herbe de vos immenses plaines, et vous saurez à peu près ce que vous désirez connaître.» Tous se mirent à rire, en disant que la chose était impossible; mais ils comprirent ma pensée lorsque je leur expliquai la grandeur des villages des blancs (New-York, Philadelphie, Londres, Paris), la multitude de ces grandes loges de pierres (maisons), serrées comme les doigts de la main et entassés (par étages) jusqu’à quatre ou cinq les unes au-dessus des autres; quand je leur appris que quelques-unes de ces loges (en parlant des églises et des tours) étaient aussi hautes que des collines et assez vastes pour contenir tous les Corbeaux réunis, que dans la loge du Conseil (le capitole de Washington) tous les grands chefs de l’univers pourraient fumer le calumet à leur aise et sans se gêner, que les chemins de ces grands villages étaient toujours remplis de passagers qui allaient et venaient plus nombreux que les bandes de buffles paissant par milliers dans quelques-unes de leurs belles prairies, ils ne pouvaient revenir de tant de merveilles.

Mais quand je leur eus fait comprendre la célérité extraordinaire de ces loges mouvantes (wagons) traînées par des machines qui vomissent des flots de fumée et laissent loin derrière elles les coursiers les plus agiles; et ces canots à feu (bateaux à vapeur) qui transportent en peu de jours, avec armes et bagages des villages entiers d’un pays à un autre, traversent des lacs immenses (les mers), remontent et descendent les grands fleuves et les rivières; quand j’ajoutai que j’avais vu des blancs s’élever dans les airs (en ballon) et planer au milieu des nues comme l’aigle dans leurs montagnes, l’étonnement fut à son comble, et tous mirent leur main sur la bouche en poussant un cri d’admiration: «Le Maître de la vie est grand, disait le chef, et les blancs sont ses favoris.»

C’était surtout la prière (la religion) qui paraissait les intéresser; quelle attention ne prêtèrent-ils pas aux vérités que je leur expliquais! Ils en avaient déjà entendu parler; ils savaient, disaient-ils, que cette prière rend les hommes sages et heureux sur la terre, et leur procure ensuite le bonheur de la vie future. Aussi me demandèrent-ils la permission de rassembler tout le camp, pour entendre ces paroles du Grand-Esprit dont on leur avait dit tant de merveilles.

Les trois pavillons que les Etats-Unis leur avaient envoyés furent dressés à l’instant, et trois mille sauvages se trouvèrent réunis; les malades eux-mêmes avaient été apportés sur des peaux. A genoux sous les drapeaux avec mes dix néophytes têtes-plates, et entourés de cette multitude avide d’entendre la bonne nouvelle de l’Evangile, j’entonnai d’abord deux cantiques; vint ensuite la récitation de toutes les prières, qui leur furent interprétées; puis les chants recommencèrent, suivis de l’explication du Symbole des apôtres et des dix Commandements de Dieu. Tous parurent ravis de joie, et déclarèrent que ce jour était le plus beau de leur vie. Ils me supplièrent avec instance de les prendre en pitié, et de rester parmi eux pour leur apprendre, ainsi qu’à leurs petits enfants, la manière de connaître et de servir le Grand-Esprit. Je leur promis qu’une Robe-noire les visiterait, mais à condition que les chefs s’engageraient à faire cesser les vols si communs parmi eux, et s’opposeraient avec vigueur à l’abominable corruption des mœurs qui régnait dans la peuplade.

Croyant que j’étais doué d’un pouvoir surnaturel, ils m’avaient demandé dès le commencement de nos entretiens de faire cesser la maladie qui ravageait le camp, et de leur procurer l’abondance, c’est-à-dire de remplir leurs plaines de gros gibier. Je leur répétai, en terminant mon instruction, que le Grand-Esprit seul pouvait porter remède à leurs maux; que s’il écoute les prières de ceux qui ont un cœur droit et pur, ou qui, détestant leurs péchés, retournent sincèrement à lui, il rejette aussi les demandes des prévaricateurs de sa sainte loi; que, dans sa colère, il avait détruit par le feu du ciel cinq grands villages (Sodome; etc.), à cause de leurs abominations; que les Corbeaux, suivant la même route et livrés à des désordres de tout genre, ne devaient pas se plaindre de ce que le Grand-Esprit semblait les punir par les maladies, par la guerre et par la famine; qu’eux-mêmes étaient les auteurs de toutes ces calamités, et que, loin de les voir diminuer, ils pouvaient s’attendre à les voir augmenter encore, jusqu’à ce qu’enfin des tourments mille fois plus affreux devinssent leur partage pour toujours après leur mort; mais que s’ils voulaient éviter tous ces maux, ils le pouvaient en faisant des efforts pour arrêter et extirper le mal. Le grand orateur du camp fut le premier à répondre: «Robe-noire, je t’entends: tu nous as dit la vérité; de mon oreille tes paroles ont pénétré jusque dans mon cœur: je voudrais que tous pussent le comprendre.» Et, s’adressant à sa nation, il répétait avec force: «Oui, Corbeaux, la Robe-noire nous a dit la vérité; nous sommes des chiens. Changeons de vie, et nous vivrons, nous et nos enfants.»

J’eus ensuite de longues conférences avec tous les chefs réunis en conseil; je leur proposai l’exemple des Têtes-plates et des Pends-d’oreilles, dont les chefs se faisaient un devoir d’exhorter leur peuplade à la pratique des vertus, et ne craignaient pas de déployer au besoin, dans l’intérêt même des coupables, une juste sévérité. Ils me promirent de suivre mes avis, m’assurant que je les trouverais mieux disposés à mon retour. J’ai lieu de croire que cette visite, que le bon exemple de mes néophytes et surtout les prières des Têtes-plates opéreront du changement parmi les Corbeaux. Une de leurs bonnes qualités, sur laquelle je fonde beaucoup d’espérance, c’est qu’ils ont résisté avec courage à l’importation des boissons enivrantes dans leur tribu. «A quoi bon votre eau de feu? disait leur chef aux marchands qui l’importunaient. Elle brûle la gorge et l’estomac; elle rend l’homme semblable à un ours; dès qu’il en a goûté, il mord, il grogne, il hurle, et finit par tomber comme un cadavre. Votre eau de feu ne fait que du mal. Portez-la à nos ennemis, et ils s’entre-tueront, et leurs femmes et leurs enfants feront pitié. Quant à nous, nous n’en voulons pas; nous sommes assez fou sans elle.»

Une scène très-touchante eut lieu pendant que le conseil était réuni. Plusieurs sauvages voulurent examiner ma croix de missionnaire, et j’en pris occasion de leur expliquer les souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la cause de sa mort sur la croix. Ensuite je remis mon crucifix entre les mains du grand chef; il le baisa de la manière la plus respectueuse, et les yeux levés vers le ciel, pressant avec ses deux mains le Christ sur son cœur, il s’écria: «O Grand-Esprit, aie pitié de tes pauvres enfants, et fais-leur miséricorde.» Tous les assistants suivirent son exemple.

Je me trouvais dans le village des Corbeaux, lorsqu’on leur annonça que deux de leurs plus braves guerriers venaient de périr victimes d’une trahison des Pieds-noirs. Des hérauts firent le tour du camp, proclamant à haute voix les circonstances du combat et la fin tragique des deux braves. Un morne silence régnait partout; mais bientôt il fut interrompu par un spectacle aussi hideux pour nous que propre, selon eux, à émouvoir les cœurs les plus insensibles, et exciter dans l’âme des guerriers le sentiment de la vengeance. Les mères, les épouses, les sœurs et les filles des guerriers massacrés se présentèrent tout à coup en public, la tête rasée, le visage ensanglanté. tout le corps couvert de blessures qu’elles s’étaient faites. Dans cet état pitoyable, elles remplissaient l’air de leurs lamentations et de leurs cris, conjurant leurs parents, leurs amis, leurs connaissances d’avoir pitié d’elles, de leur faire la charité, c’est-à-dire de leur procurer une prompte et terrible vengeance, le seul remède à leur affliction. Elles amenaient au milieu du camp tous les chevaux qu’elles possédaient. Un des chefs sauta sur l’un de ces chevaux, et levant son casse-tête en l’air, s’écria qu’il était prêt à aller venger le coup. Aussitôt une foule de jeunes gens se rangèrent à ses côtés; tous ensemble entonnèrent le refrain guerrier, et promettant solennellement qu’ils ne retourneraient pas les mains vides, c’est-à-dire sans chevelures, ils se mirent en route le même jour. Dans ces occasions de deuil, les pauvres parents distribuent aux guerriers tout ce qu’ils possèdent, ne retenant que des haillons pour se couvrir. Le deuil cesse lorsque la vengeance est obtenue. Les guerriers, à leur retour, placent aux pieds des veuves et des orphelins les trophées remportés sur l’ennemi; leurs amis viennent les féliciter et leur offrir des présents. Alors, passant du deuil à l’exaltation, ils jettent les haillons, se lavent, se barbouillent de couleurs, s’habillent de leur mieux, attachent les chevelures conquises au bout des perches, et font le tour du camp, chantant, dansant, et traînant à leur suite tout le village.

Le 25, je fis mes adieux à mes compagnons Têtes-plates et aux Corbeaux; je m’élançai une seconde fois dans les plaines arides de la Roche-jaune, accompagné du fidèle Iroquois Ignace, d’un métis Crie, nommé Gabriel, et de deux braves Américains, qui, bien que protestants, voulurent servir de guides à un pauvre missionnaire catholique. Je ne reviendrai pas sur la description que j’ai déjà faite de ces régions; c’est peut-être le plus dangereux des déserts, et bien certainement le théâtre d’innombrables scènes tragiques, de combats, de stratagèmes, de meurtres, de carnage et de toutes sortes de cruautés. A chaque pas, l’interprète Corbeau, qui avait séjourné onze ans dans le pays, régalait sa petite compagnie de quelque trait de ce genre, montrant du doigt l’endroit même où la chose s’était passée. Dans notre situation présente, ces récits n’avaient guère de quoi m’amuser; tous roulaient sur des massacres et des surprises, et je ne pouvais me défendre de penser qu’à chaque instant nous-mêmes pouvions devenir les victimes d’une attaque semblable. C’est ici principalement que les Corbeaux, les Pieds-noirs, les Scioux, les Sheyennes, les Assiniboins, les Arikaras et les Minatarées vident leurs querelles interminables, se vengeant et se revengeant sans cesse les uns sur les autres.

Après six jours de marche, nous nous trouvâmes sur le lieu même d’un massacre tout récent. Les membres sanglants de dix Assiniboins, tués trois jours auparavant, étaient éparpillés ça et là, et presque toutes les chairs avaient été dévorées par les oiseaux carnassiers. A la vue de ces ossements et des vautours qui planaient au-dessus de nos têtes, j’avoue que le peu de courage dont je me croyais animé sembla entièrement me quitter et faire place à une frayeur secrète que j’essayais toutefois de combattre et de cacher à mes compagnons de voyage. Les circonstances ne semblaient guère propres à nous tranquilliser. Bientôt nous remarquâmes des traces fraîches d’hommes et de chevaux qui ne nous laissèrent aucun doute sur la proximité de l’ennemi; notre guide nous dit même qu’il nous croyait déjà découverts, mais qu’en continuant nos précautions nous parviendrions peut-être à éluder les desseins qu’on pouvait avoir contre nous, car il est rare que les sauvages attaquent en plein jour. Voici donc la marche que nous suivîmes régulièrement jusqu’au 10 septembre. Nous montions à cheval dès l’aurore; vers les dix heures, nous faisions halte pendant une heure et demie, ayant soin de choisir un lieu qui, en cas d’attaque, pût offrir quelque avantage pour la défense. Nous reprenions ensuite le trot jusqu’au coucher du soleil. Après notre repas du soir, nous allumions un grand feu, et nous dressions à la hâte une cabane de branches d’arbres pour faire croire aux ennemis qui pouvaient être aux aguets que nous étions campés là pour la nuit; car dès que leurs vedettes ont découvert une proie, ils en donnent connaissance à tous les sauvages au moyen de signaux convenus, et ceux-ci se rassemblent aussitôt pour concerter leur plan d’attaque. Afin donc de nous mettre à l’abri de toute surprise, nous poursuivions notre route jusqu’à dix ou onze heures du soir, et alors, sans feu, sans abri, chacun se disposait de son mieux au repos.

Il me semble que je vous entends me demander: Mais comment dans ce désert pouviez-vous pourvoir à votre subsistance? Voici un petit extrait de mon journal qui vous délivrera de toute inquiétude à cet égard:

Du 25 août au 10 septembre, nous tuâmes en passant et pour notre usage: 3 belles vaches en fort bon état; 2 gros bœufs, pour la langue et les os à moelle; 2 grands cerfs; 3 cabris; 1 chevreuil à queue noire; 1 grosse-corne ou mouton; 2 ours très-gras; 1 cygne, qui pesait environ 25 livres. Sans parler des faisans et des poules.

Cette petite carte du traiteur doit vous convaincre qu’on ne meurt pas de faim par ici; j’ajouterai que, dans ce pays de gibier, on ne songe guère ni au pain, ni au café, ni à tout ce que vous pouvez appeler les douceurs de la vie; les bosses, les langues et les côtes tiennent lieu de tout cela. Et le lit? Il ne nous embarrasse pas davantage; ici on ne se déchausse pas; on s’enveloppe dans son manteau de buffle, la selle sert d’oreiller, et grâce aux fatigues d’une longue course d’environ quarante milles sous un ciel brûlant, on se couche et on s’endort au même instant.

Les Américains qui habitent le fort Union, à l’embouchure de la Roche-jaune, pour le commerce des pelleteries parmi les Assiniboins, nous reçurent avec beaucoup de politesse et de bienveillance. Nous nous y reposâmes pendant trois jours. Un voyage si long, fait sans interruption à travers un désert où régnait alors la sécheresse et la stérilité, avait beaucoup épuisé nos pauvres montures; une seconde course de 1800 milles ne devait pas s’entreprendre à la légère. Tout bien considéré, je pris la résolution de vendre nos chevaux au commandant du fort, et de me confier dans un esquif, accompagné d’Ignace et de Gabriel, au courant impétueux du Missouri; et bien nous en prit, car le troisième jour de notre descente, à notre grande surprise et satisfaction, nous entendîmes de loin le bruit d’un bateau à vapeur, et bientôt après nous le vîmes s’avancer majestueusement. C’est le premier bateau qui ait jamais essayé de remonter le fleuve de si haut dans cette saison, chargé de marchandises pour la traite des pelleteries. Notre première pensée fut de remercier Dieu de cette nouvelle faveur. Les quatre propriétaires, qui étaient de New-York, et le capitaine, m’invitèrent généreusement à venir à bord; j’acceptai avec d’autant plus d’empressement qu’ils m’assurèrent que plusieurs partis de guerre étaient en embuscade le long du fleuve. Je fus pour ces messieurs l’objet d’une grande curiosité: ma soutane, ma croix, mes longs cheveux excitaient leur attention; il fallut répondre à mille questions et raconter tous les détails de mon long voyage.

Je n’ai plus que quelques mots à ajouter. Depuis ma dernière lettre, j’ai baptisé une cinquantaine de petits enfants, principalement dans les forts. L’eau du fleuve était basse, les bancs de sable et les chicots arrêtaient à chaque instant le bateau et le mettaient parfois en danger d’échouer. Déjà les pointes des rochers cachées sous l’eau l’avaient percé de trous; les innombrables chicots qu’il fallait sauter à tout risque avaient brisé les roues et les parties qui les couvrent; un vent violent avait renversé la cahute du pilote, et l’aurait jetée dans le fleuve si l’on n’eût eu soin de l’attacher avec de gros câbles; enfin le bateau ne présentait plus qu’un squelette, lorsqu’après quarante-six jours de travail pénible plutôt que de navigation, j’arrivai sans autre accident à Saint-Louis. Le dernier dimanche d’octobre à midi, j’étais à genoux au pied de l’autel de la sainte Vierge à la cathédrale, rendant mes actions de grâces au bon Dieu pour la protection qu’il avait accordée à son pauvre et indigne ministre.

A compter du commencement d’avril de cette année, j’ai parcouru cinq milles; j’ai descendu et remonté le fleuve Columbie, vu périr cinq de mes compagnons de voyage dans les dalles de ce fleuve, longé les rives du Wallamette et de l’Orégon, parcouru différentes chaînes des Montagnes Rocheuses, traversé une seconde fois le désert de la Roche-jaune dans toute son étendue, descendu le Missouri jusqu’à Saint-Louis; et dans tout ce long trajet, je n’ai pas une seule fois manqué du nécessaire, je n’ai pas reçu la moindre égratignure.... Dominus memor fuit nostri, et benedixit nobis.

Bien des choses de ma part à la famille et aux amis.

P. J. de Smet, S. J.

Copie d’une lettre du P. Mengarini au P. de Smet.

Sainte-Marie, 28 juin 1842.

Grâces à Dieu, nos espérances commencent à se réaliser. Un changement salutaire s’est visiblement opéré dans notre peuplade, dont les chefs et les membres nous font déjà goûter, par leur conduite vraiment édifiante, les plus douces consolations.

Le jour de la Pentecôte a été pour nous et pour nos chers néophytes un jour de bénédiction et de grâces; quatre-vingts d’entre eux ont eu le bonheur de recevoir pour la première fois le Pain des anges. Leur assiduité pendant un mois aux instructions, que nous leur donnions trois fois par jour, nous avait assurés de leur zèle et de leur ferveur. Une retraite de trois jours, qui a servi de préparation plus immédiate, nous en a convaincus davantage. Dès le matin, de nombreuses décharges de fusil annonçaient au loin l’arrivée du grand jour. Au premier son de la clochette, une foule de sauvages se pressèrent vers notre église. Un des Pères, en surplis et en étole, précédé de trois enfants de chœur dont l’un portait la bannière du Sacré-Cœur de Jésus, alla les recevoir pour les conduire, en ordre de procession et aux chants des cantiques, dans le temple du Seigneur. Quel religieux recueillement parmi cette foule! Tous gardèrent un profond silence; mais en même temps brillait sur les visages l’allégresse qui avait rempli les cœurs. L’ardent amour dont brûlait déjà ces âmes innocentes fut enflammé par les fervents colloques avec Jésus dans son sacrement d’amour, que faisait à haute voix l’un des Pères, en y entremêlant des couplets de cantiques. La tendre dévotion, la foi vive avec laquelle ces sauvages ont reçu leur Dieu, nous a réellement édifiés et touchés. A onze heures du matin, ils ont renouvelé les vœux du baptême, et dans l’après-midi, ils ont fait la consécration solennelle de leurs cœurs à la sainte Vierge, patronne titulaire de ces lieux. Puissent ces pieux sentiments, que seule la vraie religion inspire, se conserver parmi nos chers enfants! Nous l’espérons, et ce qui augmente notre espoir, c’est qu’à l’occasion de cette solennité, environ cent vingt personnes se sont approchées du tribunal de la pénitence, et que, depuis cette époque à jamais mémorable, chaque dimanche nous avons de trente à quarante communions et de cinquante à soixante confessions.

Le jour de la Fête-Dieu a vu une autre cérémonie non moins touchante, et propre à perpétuer la reconnaissance et la dévotion de nos bons sauvages envers notre aimable Reine. Ce fut l’érection solennelle d’une statue de la sainte Vierge, en mémoire de son apparition au petit Paul. Voici une courte description de la fête. Depuis l’entrée de notre chapelle jusqu’à l’endroit où le petit Paul avait reçu la faveur signalée, l’avenue n’était qu’une pelouse verte, que bordaient des deux côtés, dans toute leur longueur, des guirlandes de fleurs pendant en festons. De distance en distance s’élevaient de gracieux arcs de triompha. A l’extrémité, au milieu d’une espèce de reposoir, était le piédestal qui devait recevoir la statue. Au temps marqué, la procession sortit de notre chapelle dans l’ordre suivant: la bannière du Sacré-Cœur en tête, de près suivait le petit Paul, portant la statue, et accompagné de deux enfants de chœur qui jetaient des fleurs sur leur passage. Venaient ensuite les deux Pères, l’un en chape et l’autre en surplis. Enfin la marche était fermée par les chefs et tous les membres de la peuplade, rivalisant d’ardeur à payer leur tribut de remerciements et de louanges à la bonne Mère. Arrivés à l’endroit, l’un des Pères, dans une courte exhortation. où il rappelait le prodige et l’assistance signalée de la Reine des deux, ranima dans le cœur de nos chers néophytes la confiance dans la protection de Marie. Après cette allocution et le chant des litanies de la sainte Vierge, tout le cortége revint à l’église dans le même ordre. Oh! que nous eussions désiré que tous les amis de notre sainte religion fussent témoins de la dévotion et du recueillement des nouveaux fidèles de Sainte-Marie!... Nous aurions aussi souhaité de ne les renvoyer qu’après leur avoir donné la bénédiction du Saint-Sacrement; mais, faute d’ostensoir, nous fûmes obligés de différer cette faveur jusqu’à la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Alors le Saint-Sacrement a été porté en procession solennelle; et depuis, chaque dimanche après vêpres, les fidèles ont le bonheur de recevoir la bénédiction. Puisse-t-elle réellement descendre du ciel sur nous et sur notre peuplade! Nous l’attendons avec le secours de vos prières et de celles de tous nos amis.

Grégoire Mengarini, S. J.

PRIÈRES

EN LANGUE TÊTE-PLATE ET PONDÉRAS

Skest Kyleeyou,Oulsgesees,Oulspagpagt.Komieetzegeel.
Au nom du Père,et du Fils,et du Saint-Esprit.Ainsi soit-il.

PATER NOSTER

Kyleeyou,Itchitchemask,askweeskowaaskshamenshem
Notre Père,du ciel,que votre nomsoit respecté
ailetzemilkouyeelskyloog;ntziezietelletziaspoo oez.
par toutela terre;régnezdans tousles cœurs.
Assinteelsastskole,yelstoloegetzageelItchichemask.
Que votre volontésoit faite,sur la terreainsi quedans le ciel.
Hoogwitziltyettilgwalokaitssiapetzim.Knwaasksmeemiltem
Donnez-nousmaintenanttous nosbesoins.Pardonnez-nous le mal
klotoiye kloistskeyen etzageel kaitsskolgwelem klotoiye
que nous avons commis comme nous pardonnons (le mal)
kloistskwenklielskyloogKoaxalockshitemtakaakskwentem
à ceux quinous ont offensés.Accordez-nousassistancepour éviter
klotaiye;kowaaaksgweeltemklotaiye.Komieetzegeel.
le mal;mais délivrez-nousdu mal.Ainsi soit-il.

AVE MARIA

UytchenkuytesMary;koinkoittzeltzloetgeest,
Je vous salue,Marie;vous êtes richedans tout ce qui est saint,
Kaikolinzoeten,lauoui,koortzinkwentelletzia
le Grand-Espritest avec vous,vous êtes bénieentre toutes
telpelpilgkwe,Jesus skozeestelnowissozitzzegoey.
les femmes,Jésus le fruitde vos entraillesest béni.
Geest Mary,skois Kaikolinzoeten,kailchaussils,kontkoint
Sainte Marie,Mère du Grand-Esprit,priez pour nouspauvres
taieetskweest,yettilgwanekittchittche-ietglollkaakstitte lill...
pécheurs,maintenantet aumomentdenotremort.
Komieetzegeel,
Ainsi soit-il.

CREDO

NoonnegweeneemenKaikolinzoeten,Kylueeyouetzia wetskoolz,
Je crois dansle Grand-Esprit,notre Pèretout-puissant,
cheigloepstskoollotchitchemashkwentiestsloog,Noonnegweenemen
quia crééle cielet la terre.Je crois
Jesus Christ,istchinarkszeoushezees kyeleemigoem,
en Jésus-Christ,son fils uniquenotre Seigneur (chef,)
kolintemPagpagt,steetschmishMary ikolintem,
qui a été conçudu St-Esprit,est né de la viergeMarie;
stoetzemistess shaltemmigg,neyawwilsemPonce Pilate
 qui a souffertsousPonce Pilate,
millchpitpitkomminallkrmmintem,eltelill,laakkentem
a été attachésur unecroix,est mort,a été enseveli;
welkgkoopklotchittay ye,potochalaskwelgwilgwilt
qui est descenduaux enfers,le 3ᵉ jour estressuscité
tiltintimnayweltelschyloog;nowistchillslotchitehemask,
d’entreles morts;qui est montéau ciel,
glaaktschillsilstitzeeetchKolinzoetessleeêouschiimgyst
qui est assisà la droitedu Grand-Esprit,son père,qui est
telletzia;nemeltshoeyogkeoustlouetsgwilgwiltlonets
tout-puissant,d’où il viendrajugerles vivantset les
telil.Noonnegweeneemenouls-Pagpagt,kgloulzen
morts.Je croisau St-Esprit,la Ste Eglise
schaaemen catholique,esttchaustowegwelopagpagt skyiloog,
catholique,la communiondes saints,
klotayye istkwen nemeets kolygwelem,nemetzia tckaltckaitemig
la rémission des péchés,la résurrection de
eltze potske telzenilzielis,Itchitchemask takeepsoylokwengwilgwiltis....
tous les morts,la vie du cielqui ne finira jamais.
Komieetzegeel.
Ainsi soit-il.

FIN

TABLE

PRÉFACE DE L’ÉDITION AMÉRICAINEV
Relation adressée à M. le chanoine de la Croix, à Gand7
PREMIÈRE LETTRE, à MM. Charles de Smet, président du tribunal de Termonde, et François de Smet, juge-de-paix à Gand76
SECONDE LETTRE93
TROISIÈME LETTRE110
QUATRIÈME LETTRE125
CINQUIÈME LETTRE, à M. Rollier, avocat à Opdorp, près de Termonde129
SIXIÈME LETTRE, à madame Rosalie Van-Mossevelde, à Termonde148
SEPTIÈME LETTRE, aux religieuses thérésiennes de Termonde155
HUITIÈME LETTRE, à un Père de la Compagnie de Jésus168
NEUVIÈME LETTRE, à un Père de la Compagnie de Jésus173
DIXIÈME LETTRE, à un Père de la Compagnie de Jésus189
ONZIÈME LETTRE, à un Père de la Compagnie de Jésus199
Copie d’une lettre du révérend M. Blanchet au P. de Smet, reçue le 1ᵉʳ novembre 1841209
DOUZIÈME ET DERNIÈRE LETTRE, à M. François de Smet214
Copie d’une lettre du P. Mengarini au P. de Smet224
PRIÈRES EN LANGUE TÊTE-PLATE ET PONDÉRAS. Pater noster. Ave Maria. Credo227

—Lille. Typ. J. Lefort. 1875

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Merveilles de la vie dans le corps des animaux; par le même. in-18 jésus1 50
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Apparition du Pontmain (l’); par Mᵐᵉ de Gaulle, in-12» 60
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En envoyant le prix en un mandat de poste ou en timbres-poste, on recevra franco à domicile.

—Lille. Typ. J. Lefort

NOTES:

[1] Cette préface nous semble très-propre à faire apprécier de nos lecteurs les travaux du R. P. de Smet. Les sentiments qu’y expriment les Américains trouveront certainement de l’écho dans les pays catholiques de l’Europe.

[2] Traduction de l’anglais.

[3] La Columbie est le réservoir commun de toutes les eaux de l’Orégon. Le Rio-Colorado, après avoir traversé le désert le plus affreux, va ensuite fertiliser la plus belle partie de la Californie.

[4] Après la petite lettre qui suit, le P. de Smet a interrompu sa relation, pour donner successivement différents détails sur les productions des contrées qu’il a traversées, sur les dangers qu’il a courus, sur les dispositions morales des tribus sauvages, sur le plan qu’il se propose de suivre pour assurer et consolider leur conversion et leur civilisation, sur le lieu qu’il a choisi pour leur résidence permanente, sur les coutumes qu’il y a introduites, sur un voyage qu’il a fait dans l’intérêt de sa peuplade, enfin sur ce qui s’est passé dans la réduction pendant qu’il faisait ce voyage. Il n’a repris la suite de sa narration que l’année suivante, dans sa relation d’une année de séjour aux Montagnes Rocheuses, adressées à M. le chanoine de la Croix.

(Note de l’éditeur.)

[5] Lettre III. p. 118.

[6] Les parties du vaste territoire de l’Orégon qui avoisinent l’océan Pacifique, le fleuve Columbie et les rivières navigables que reçoit ce fleuve, sont exploitées par la Compagnie anglaise de la baie d’Hudson, établie dans plusieurs forts sur les bords des rivières. Ses agents y achètent aux sauvages leurs pelleteries, et leur fournissent en échange des armes, de la poudre, du tabac et autres marchandises. Comme un grand nombre d’employés subalternes de cette Compagnie sont des Canadiens catholiques, elle s’est concertée au Canada avec Mgr l’évêque de Juliopolis, qui y a envoyé deux prêtres, MM. Blanchet et de Mers. Ces dignes missionnaires résident, depuis la fin de 1838, aux forts de Cowlitz et de Wallamette, situés à peu de distance l’un de l’autre sur les rivières du même nom, à environ vingt-deux lieues du fort Van-Couver, et à cinquante lieues de l’océan Pacifique. Ils s’y livrent avec le plus grand zèle aux pénibles fonctions de leur ministère. Ils font aussi de fréquentes excursions dans l’intérieur du pays pour visiter les forts de la Compagnie, et profitent de toutes les occasions pour propager la foi catholique parmi les nations sauvages. M. Blanchet vient d’être élevé à la dignité épiscopale. C’est auprès de lui que se rendent les sept Sœurs de Notre-Dame qui se sont embarquées dernièrement à Anvers avec le P. de Smet, à bord du brick belge l’Infatigable.


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