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Adrienne Lecouvreur

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Pendant que les dames entrent par le fond, plusieurs seigneurs sortent de l’appartement à droite, avec Le Prince; la Marquise, la Princesse, la Baronne, l’Abbé, Athénaïs. Les autres dames qui sont entrées par la porte du fond vont s’asseoir sur des fauteuils placés à gauche; les seigneurs qui sont entrés avec le prince se tiennent debout devant elles.

LE PRINCE, à droite

Oui, messieurs, la nouvelle est authentique... (Saluant les dames.) et je puis vous attester qu’à l’heure où je vous parle il est libre, complètement libre...

ATHÉNAÏS, placée à l’extrême gauche

Et qui donc?

LE PRINCE

Le comte de Saxe!

LA PRINCESSE, à part

Maurice! ô ciel!

LA MARQUISE

Ah! vous savez aussi la nouvelle! c’est très-désagréable... je croyais être seule!

LA BARONNE

En effet, le bruit courait ce matin que le futur souverain de Courlande était retenu prisonnier pour une somme très-considérable... ce n’est donc pas vrai?

LA MARQUISE

Eh! mon Dieu! si.

ATHÉNAÏS

Alors comment est-il libre?

LA BARONNE, gaiement

Un roman... un enlèvement, et comme il lui en arrive toujours, une aventure...

LA MARQUISE

La plus simple du monde... et la plus bourgeoise... on a payé ses dettes!

LA BARONNE

Oui-dà, marquise! et vous ne trouvez pas cela une aventure extraordinaire?

LA PRINCESSE

Si, vraiment, mais ces dettes, qui les a payées?

LA MARQUISE

Demandez à M. le prince, car, pour moi, l’histoire s’arrête là... on ne m’a rien dit de plus.

LE PRINCE, gravement

Et moi, mesdames...

TOUT LE MONDE

Eh bien?

LE PRINCE, de même

Je n’ai pu en savoir davantage... ce qui prouve bien...

L’ABBÉ

Que cela n’est pas! je le saurais... Or, je ne le sais pas, donc cela n’est pas!

LA MARQUISE

Cela est, je le tiens d’une amie intime du comte de Saxe.

LE PRINCE

Moi, je le tiens de Florestan lui-même, qui a vu Maurice, à telles enseignes qu’il a été de sa part défier le comte de Kalkreutz.

(Au nom de Florestan, Athénaïs fait un mouvement que la princesse remarque.)

L’ABBÉ

Celui qui a livré sa créance à l’ambassadeur moscovite?

LE PRINCE

Précisément.

ATHÉNAÏS

Action déloyale, indigne d’un gentilhomme!

LE PRINCE

Et dont le comte de Saxe lui a demandé raison... ils ont dû se battre.

LA PRINCESSE

Et sait-on l’issue du combat?

LE PRINCE

Pas encore! mais ce pauvre Maurice qui devait nous venir ce soir...

ATHÉNAÏS

Ne craignez rien... il viendra!

LA PRINCESSE, l’observant avec jalousie

Vous croyez, madame?

SCÈNE IX

Les Mêmes; un Domestique

LE DOMESTIQUE, annonçant

Mademoiselle Lecouvreur et monsieur Michonnet, de la Comédie-Française!

L’ABBÉ

Ah! enfin!

(Tout le monde va au-devant d’Adrienne.)

LA MARQUISE, qui est restée avec la baronne sur le devant du théâtre, à droite

Il paraît que nous aurons ce soir la tragédie.

LA BARONNE

Et la comédie.

LA MARQUISE

Le prince l’aime beaucoup.

LA BARONNE

Et la princesse donc!

LE PRINCE, redescendant en donnant la main à Adrienne

Combien je vous remercie, mademoiselle, de l’honneur que vous voulez bien nous faire, à madame de Bouillon et à moi!

ATHÉNAÏS, à la princesse

Daignez, princesse, me nommer à mademoiselle. Il y a si longtemps que je l’admire de loin, que je suis bien aise de le lui dire de près!

LA PRINCESSE, présentant la duchesse

Madame la duchesse d’Aumont, mademoiselle...

(La princesse fait passer Adrienne près d’Athénaïs, de la marquise et de la baronne, qui l’entourent; le prince et l’abbé se rapprochent d’elles. Michonnet est presque seul à l’extrême droite, pendant que la princesse descend à gauche au bord de la scène et devant les dames qui sont assises.)

ADRIENNE

En vérité, mesdames, je suis confuse de tant d’honneur!

MICHONNET, à part

Ce n’est que justice! je vous demande si elle ne figure pas aussi bien qu’elles toutes dans un salon!

ADRIENNE

Vous avez voulu, vous et les nobles dames qui daignent m’accueillir...

LA PRINCESSE, frappée du son de voix et écoutant

O ciel!

ADRIENNE

Donner à l’humble artiste l’occasion d’étudier ce ton exquis, ces manières élégantes que vous seules possédez...

LA PRINCESSE, de même

Qu’entends-je?... cette voix...

ADRIENNE

Aussi je vais bien regarder... pour tâcher de copier fidèlement... certaine de réussir, pour peu que je sois ressemblante.

LA PRINCESSE

Plus je l’entends, plus il me semble... Non, non, ce n’est pas possible, c’est un rêve!... ce n’est pas à mon oreille, c’est dans mon imagination seule que retentit et vibre encore ce son de voix qui me poursuit toujours. (Athénaïs et les autres dames se sont emparées d’Adrienne, la font asseoir auprès d’elles et causent avec elle à voix basse pendant que le prince et les autres seigneurs entourent son fauteuil. La princesse souriant avec ironie.) Quelle idée... en effet, que cette rivale qu’il me préfère soit une femme de théâtre... une comédienne... Et pourquoi non?... n’ont-elles point un charme, un prestige qui n’appartient qu’à elles, le talent et la gloire qui enivrent et ajoutent à la beauté? (Regardant Adrienne que tous les seigneurs entourent.) Dans ce moment encore ne sont-ils pas là tous à l’admirer, à l’adorer?... Pourquoi n’aurait-il pas fait comme eux? Ah! ce doute est insupportable... et je veux à tout prix confirmer ou détruire mes soupçons. (Se retournant vers le prince qui vient de quitter le fauteuil d’Adrienne et qui s’approche d’elle.) Eh bien! ne commençons-nous pas?

(Adrienne se lève en signe d’assentiment et passe à droite près de Michonnet.)

LE PRINCE

Il nous faut attendre le comte de Saxe, puisqu’on assure qu’il viendra.

LA PRINCESSE, regardant du côté d’Adrienne

Je crois que vous nous flattez d’un vain espoir, il ne viendra pas. (A part.) Elle a tressailli... elle écoute...

LE PRINCE

Qui vous le fait croire?... qui vous l’a dit? puisqu’il est libre... libre par les mains de l’amour.

LA PRINCESSE, à part, observant Adrienne

Elle tressaille encore! serait-ce elle qui l’aurait délivré? (Haut.) Je n’ai pas voulu tout à l’heure troubler vos espérances, ni attrister ces dames, mais vous savez qu’il s’est battu.

ADRIENNE, à part

Battu!

LA PRINCESSE, à part

Elle se rapproche. (Haut.) Et l’abbé, qui sait tout, m’a dit... que le comte était blessé dangereusement.

L’ABBÉ, étonné

Moi!

LA PRINCESSE, bas à l’abbé

Taisez-vous! (Poussant un cri et courant près d’Adrienne qui vient de tomber évanouie dans un fauteuil.) Mademoiselle Lecouvreur se trouve mal!

MICHONNET, se précipitant vers elle

Adrienne!

LA BARONNE et LA MARQUISE, passant derrière le fauteuil d’Adrienne

Ah! mon Dieu!

ADRIENNE, revenant à elle

Ce n’est rien... l’éclat des lumières... la chaleur du salon. (A la princesse qui lui fait respirer un flacon que l’abbé vient de lui donner.) Merci, madame, que de bontés! (Rencontrant ses yeux.) Quel regard!

UN DOMESTIQUE, annonçant

Monsieur le comte de Saxe.

(Tout le monde pousse un cri de surprise; les dames quittent le fauteuil d’Adrienne et vont au-devant du comte.)

ADRIENNE, faisant un geste de joie

Ah!

(Elle veut s’élancer vers lui, Michonnet la retient par la main; la princesse et Adrienne restent un moment les yeux fixés l’une sur l’autre.)

MICHONNET, à voix basse

Prends garde!... la joie trahit encore plus que la douleur.

(Les seigneurs et les dames qui étaient allés au-devant de Maurice redescendent avec lui.)

LE PRINCE, à Maurice

Que nous disait donc l’abbé, que vous étiez blessé?

L’ABBÉ

Permettez, je réclame.

MAURICE

Bah! depuis Charles XII, la Suède ne sait plus se battre.

LE PRINCE, riant

Ainsi, ce comte de Kalkreutz...

MAURICE

Désarmé à la seconde passe. (Le prince, l’abbé et Athénaïs remontent le théâtre et vont causer avec les autres dames et seigneurs. Maurice se trouve sur le devant de la scène près de la princesse et lui dit à demi-voix sans la regarder:) Vous disiez vrai, princesse, en disant que vous me ramèneriez.

LA PRINCESSE, avec joie

O ciel!

MAURICE, de même

Je voulais partir sans vous voir, mais après le service que vous venez de me rendre, service que, du reste, je n’accepte pas... je...

ADRIENNE, à droite et à quelques pas d’eux, les suivant des yeux

Il lui parle bas!... si c’était cette grande dame... si c’était elle!...

LA PRINCESSE, continuant à causer avec Maurice

Que voulez-vous dire?

MAURICE, toujours bas à la princesse

Il faut absolument que je vous parle.

LA PRINCESSE, de même

Ce soir, quand tout le monde sera parti.

MAURICE, de même

Soit! (La princesse remonte le théâtre à gauche du spectateur; Maurice se retourne et aperçoit à droite Adrienne, il la salue profondément.) Mademoiselle Lecouvreur!

(Il fait quelques pas pour aller près d’elle; le prince, qui avait remonté le théâtre, le redescend et prend Maurice par-dessous le bras au moment où il s’approche d’Adrienne.)

LE PRINCE

A propos de la Suède, mon cher comte, j’ai à vous demander...

(Il s’éloigne avec lui en causant et en remontant le théâtre; ils disparaissent tous deux quelques moments dans d’autres salons. Pendant ce temps, la marquise et la baronne se sont rapprochées d’Adrienne; Michonnet, qui était à l’extrême droite, a remonté le théâtre, est resté quelque temps au fond, puis est redescendu à l’extrême gauche.)

L’ABBÉ, à la princesse à demi-voix

Je vous demanderai maintenant, princesse, pourquoi, tout à l’heure, vous m’accusiez ainsi de...

LA PRINCESSE, à voix haute

Pourquoi?... parce que vous n’êtes jamais au fait des choses. (Se retournant en riant vers les deux dames qui sont à sa gauche.) Imaginiez-vous, mesdames...

(L’abbé quitte la droite de la princesse, remonte le théâtre, et va se placer entre les deux dames comme pour se justifier près d’elles.)

LA PRINCESSE, continuant sa phrase

Imaginez-vous que le pauvre abbé court vainement depuis hier à la découverte d’un secret! Une belle inconnue qu’adore le comte de Saxe... Mais, j’y songe... (Se retournant vers Adrienne.) Mademoiselle Lecouvreur pourrait peut-être nous éclairer sur ce mystère...

ADRIENNE

Moi, madame!

LA PRINCESSE

Sans doute!... on assure dans le monde que l’objet de cet amour est une personne de théâtre.

L’ABBÉ

Laissez donc...

ADRIENNE

C’est étrange! on assurait au théâtre que cette maîtresse en titre était une grande dame...

L’ABBÉ, regardant Athénaïs

Je le croirais plutôt!

LA PRINCESSE

Ma chronique parlait même d’une certaine rencontre nocturne...

ADRIENNE

Et la mienne d’une visite dans une petite maison.

ATHÉNAÏS

Mais c’est très-intéressant!

LA PRINCESSE

On disait que la comédienne y avait été surprise par une rivale jalouse.

ADRIENNE

On affirmait que la grande dame en avait été chassée par un mari indiscret.

ATHÉNAÏS

Que vous semblez bien instruites toutes deux!...

L’ABBÉ

Plus que moi, j’en conviens!

ATHÉNAÏS

Mais pour nous mettre à même de prononcer, qui nous donnera des preuves?

LA PRINCESSE

La mienne est un bouquet que la belle a laissé aux mains de son vainqueur... bouquet de roses, attaché par un ruban soie et or!

ADRIENNE, à part

Mon bouquet!

ATHÉNAÏS, à Adrienne

Et votre preuve, à vous... mademoiselle!...

ADRIENNE

La mienne?... la mienne, c’est que la grande dame a laissé tomber en s’enfuyant dans le jardin...

ATHÉNAÏS

Comme Cendrillon, sa pantoufle de verre...

ADRIENNE

Non, mais un bracelet de diamants...

LA PRINCESSE, à part

Mon bracelet!

L’ABBÉ

Un conte des Mille et une nuits!

ADRIENNE

Non, vraiment, une réalité!... car ce bracelet on me l’a apporté... on me l’a laissé... (Le montrant.) Le voici!

L’ABBÉ, prenant le bracelet, et le montrant à la marquise et à la baronne, entre lesquelles il est placé

Superbe! voyez donc, mesdames.

LA PRINCESSE, jette un regard sur le bracelet et dit froidement

Admirable!... c’est travaillé avec un art!

(Elle avance la main pour le prendre, mais le prince, qui depuis quelques instants est rentré dans le salon avec Maurice, s’est approché du groupe, se place entre la princesse et la marquise. La princesse s’éloigne et se rapproche d’Athénaïs qui venait aussi pour regarder le bracelet.)

LE PRINCE

Qu’est-ce donc? qu’admirez-vous ainsi?

L’ABBÉ

Ce bracelet!...

LE PRINCE

Celui de ma femme!

TOUS, avec un accent différent

Sa femme!

LE PRINCE, remontant le théâtre et montrant à tout le monde le bracelet avec un air de satisfaction

Il est de bon goût, n’est-ce pas?

ADRIENNE, à part

C’était elle!...

(Pendant le désordre produit par cet incident, Athénaïs, la princesse, le prince et les autres dames ont remonté le théâtre. Adrienne, qui était à l’extrême droite, traverse la scène avec agitation, et va se placer à gauche près de Michonnet.)

LA PRINCESSE, au milieu du théâtre et mettant à son bras son bracelet que son mari vient de lui rendre

Eh bien! maintenant que M. le comte de Saxe est décidément des nôtres, si mademoiselle Lecouvreur était assez bonne pour nous dire quelques vers...

ADRIENNE, hors d’elle

Des vers!... moi!... en ce moment! (Les dames qui étaient assises à gauche se lèvent et se dirigent vers la droite du salon. A part.) Ah! c’est trop d’impudence...

MICHONNET, à gauche, près d’elle

Calme-toi et étudie!... il y a dans le monde de plus grands comédiens que nous!

(Les dames et seigneurs se sont placés à droite devant les deux rangées de fauteuils qui garnissent ce côté du salon.)

MAURICE, qui a redescendu le théâtre

Quoi, mademoiselle... vous daigneriez...

ADRIENNE, froidement

Oui, monsieur le comte!

LA PRINCESSE, d’un air gracieux

Quel bonheur!... asseyons-nous, mesdames... (A Maurice.) monsieur le comte, auprès de moi...

ADRIENNE, à part

Les voir là, sous mes yeux, tous les deux ensemble... comme pour me braver!... mon Dieu, donnez-moi la force de me contraindre...

LE PRINCE

Que nous direz-vous?

ATHÉNAÏS

Le Songe de Pauline.

LA MARQUISE

Hermione.

LA BARONNE

Ou Camille des Horaces.

LA PRINCESSE, avec ironie

Ou plutôt le monologue d’Ariane abandonnée.

ADRIENNE, à part, se contenant à peine

Ah! c’en est trop!

ATHÉNAÏS, qui est assise à la droite de la princesse, s’écrie

Non, non! Phèdre, que vous avez si bien jouée avant-hier.

ADRIENNE, vivement

Phèdre soit.

TOUS

Écoutons...

(Tout le monde est rangé à droite. Michonnet, assis à gauche, a tiré plusieurs brochures de sa poche; il prend celle de Phèdre, et s’apprête à souffler. Adrienne est seule debout au milieu du théâtre.)

ADRIENNE, récitant avec une agitation et une fièvre toujours croissantes, les yeux fixés sur la princesse, qui se penche plusieurs fois sur l’épaule de Maurice et lui parle bas avec affectation

... Juste ciel! qu’ai-je fait aujourd’hui?
Mon époux va paraître, et son fils avec lui.
Je verrai le témoin de ma flamme adultère
Observer de quel front j’ose aborder son père!
Le cœur gros de soupirs qu’il n’a point écoutés,

(Regardant Maurice.)

L’œil humide de pleurs par l’ingrat rebutés.
Penses-tu que, sensible à l’honneur de Thésée,
Il lui cache l’ardeur dont je suis embrasée?
Laissera-t-il trahir et son père et son roi?
Pourra-t-il contenir l’horreur qu’il a pour moi?

(Regardant Maurice, qui vient de ramasser l’éventail que la princesse avait laissé tomber, et qui le lui remet d’un air galant.)

Il se tairait en vain! je sais mes perfidies,
Œnone, et ne suis point de ces femmes hardies...

(Hors d’elle-même et s’avançant vers la princesse.)

Qui, goûtant dans le crime une honteuse paix,
Ont su se faire un front qui ne rougit jamais!...

(Elle a continué à s’avancer vers la princesse, qu’elle désigne du doigt, et reste quelque temps dans cette attitude, pendant que les dames et seigneurs, qui ont suivi tous ses mouvements, se lèvent comme effrayés de cette scène.)

LA PRINCESSE, avec calme

Bravo! bravo! admirable!

TOUS

Admirable!

MICHONNET, bas à Adrienne

Malheureuse!... qu’as-tu fait?...

ADRIENNE

Je me suis vengée!

LA PRINCESSE, hors d’elle-même

Un tel affront!... je le lui ferai payer cher!...

ADRIENNE, au prince, qui la félicite

Déjà souffrante et fatiguée, je vous demanderai la permission de me retirer...

LA PRINCESSE, bas à Maurice, qui fait un pas vers Adrienne

Restez!

LE PRINCE, à Adrienne

Quelque envie que nous ayons de vous retenir... nous n’osons insister... (Remontant le théâtre et parlant à des domestiques qui sont au fond.) La voiture de mademoiselle Lecouvreur...

(Pendant le temps où le prince remonte le théâtre, la princesse fait quelques pas à droite, et Maurice se rapproche d’Adrienne qui est à gauche.)

ADRIENNE, à demi-voix

Suivez-moi...

MAURICE, de même

Impossible ce soir! Vous saurez pourquoi!... Mais...

ADRIENNE

Il suffit...

(En ce moment le prince, qui a redescendu le théâtre, offre sa main à Adrienne. Elle remonte avec lui vers la porte du fond. Les hommes groupés à gauche de la porte et les femmes debout à droite la saluent. Adrienne jette sur Maurice un dernier regard de reproche et de douleur, et s’éloigne pendant que la princesse la regarde sortir d’un œil menaçant.)

ACTE CINQUIÈME

L’appartement d’Adrienne: à gauche, une cheminée; près de la cheminée, un fauteuil et une table; porte au fond; deux portes latérales; fauteuils au fond et à droite

SCÈNE PREMIÈRE

Michonnet, à la porte du fond, parlant à une femme de chambre, puis Adrienne, sortant de la porte à gauche

MICHONNET

Oui, je sais que sa porte est fermée et qu’il est onze heures! Mais si elle n’est pas encore déshabillée... vous lui direz que c’est moi, Michonnet!...

ADRIENNE, l’apercevant et courant à lui

Ah!... je vous attendais!...

MICHONNET, à la femme de chambre qui se retire

Vous voyez bien!

ADRIENNE

Je souffrais tant!

MICHONNET

Et moi donc!... Je ne pouvais pas rentrer sans savoir comment tu te trouvais... je n’aurais pu dormir...

ADRIENNE

Depuis que vous êtes là... je suis mieux!

MICHONNET

Et moi aussi!... Après t’avoir reconduite, je suis passé au théâtre, d’où je viens!

ADRIENNE

Le spectacle est-il terminé?

MICHONNET

Nous en avons encore pour une heure.

ADRIENNE

Tant mieux!... Je suis si souffrante que je voulais faire dire au théâtre qu’il me sera impossible de jouer demain.

MICHONNET

Je vais y passer... J’arrangerai cela et je viendrai te rendre réponse.

ADRIENNE

Que de peines je vous donne!...

MICHONNET

Allons donc!... moi, qui demeure dans ta maison, ne me voilà-t-il pas bien malade!... ce n’est pas cela qui m’inquiète!

ADRIENNE

Qu’est-ce donc?...

MICHONNET

La scène de ce soir... chez cette grande dame! crois-tu donc, qu’excepté son mari, tout le monde n’ait pas compris l’allusion... à commencer par elle...

ADRIENNE

Je l’espère bien! Je l’ai blessée à mort, n’est-ce pas?... Quelle joie! c’est le seul moment de bonheur que j’aie éprouvé après tant de souffrance! A chaque mot de ces derniers vers... il me semblait lui enfoncer un poignard dans le cœur! Et puis, avez-vous lu la terreur sur tous les visages? Avez-vous entendu ce silence? L’avez-vous vue elle-même, en dépit de son audace, pâlir sous mes regards? Ah! j’avais marqué d’une tache ineffaçable:

Ce front qui ne rougit jamais!

MICHONNET

Voilà justement ce qui m’effraie!... C’était trop bien... c’était trop fort!... Ces grandes dames, si belles et si gracieuses avec leurs guirlandes de fleurs et leurs robes de gaze, c’est vindicatif... c’est méchant... tout leur est permis... et elles osent tout! celle-là surtout... à qui justement hier je proposais de jouer le rôle de Cléopâtre... elle a toutes les qualités de l’emploi: elle ne reculera devant aucun moyen... pour se venger d’un affront ou se débarrasser d’une rivale...

ADRIENNE

Eh! que m’importe?... Quel mal peut-elle me faire désormais qui égale les tourments renfermés dans cette pensée... dans ce mot: Aimée!... elle est aimée!... Cette blessure faite par moi, il la guérit par ses paroles d’amour!... Ses larmes, si elle en répand, il les essuie sous ses baisers!... Et maintenant même... maintenant que mon cœur se brise... elle est heureuse... elle est près de lui... Vous ne savez donc pas que je l’ai supplié, à voix basse, de me suivre, tandis qu’elle lui ordonnait de ne pas la quitter!...

MICHONNET

Eh bien?...

ADRIENNE

Il est resté!... resté avec elle!... Ah! c’en est trop! je n’y résiste plus!

(Faisant un pas pour sortir et remontant le théâtre.)

MICHONNET

Où vas-tu?

ADRIENNE

Me jeter entre eux... les frapper... et après... qu’on fasse de moi ce qu’on voudra!

MICHONNET

Y penses-tu?

ADRIENNE, redescendant le théâtre et allant se jeter dans un fauteuil à droite

Cela ne vaut-il pas mieux que de mourir ici de jalousie et de désespoir... car, je le sens, j’en mourrai!

MICHONNET

Non! non! par malheur tu t’abuses encore!... c’est une fièvre qui ne vous quitte pas, une douleur aiguë de tous les instants... on souffre... on est bien malheureux... mais on n’en meurt pas!... Tu vois bien que j’existe encore!

ADRIENNE, le regardant avec étonnement

Vous!

MICHONNET

Ah! cela t’étonne, n’est-ce pas?... Tu ne peux croire que sous cette épaisse enveloppe il y ait un cœur qui souffre comme le tien... qui aime... qui saigne comme le tien...

ADRIENNE

Quoi! ces tourments, vous les avez éprouvés?

MICHONNET

Oui... autrefois... il y a bien longtemps... Crois-moi, on s’habitue à tout... même à être malheureux!

ADRIENNE

Ah! cette force que je ne vous soupçonnais pas... ce courage que j’admire en vous!... je l’imiterai!... je l’égalerai, si je le puis... Je triompherai d’une passion insensée dont maintenant je rougis!

MICHONNET, avec joie

Dis-tu vrai?

ADRIENNE

Vous voyez bien que je parle de lui sans haine et sans colère... que le souvenir de ses outrages me laisse calme et tranquille... que son nom même ne m’émeut plus!...

(Adrienne traverse le théâtre et va se placer près du fauteuil à gauche, entre la cheminée et la table. La porte du fond s’ouvre.)

SCÈNE II

Adrienne, Michonnet, Une Femme de Chambre

LA FEMME DE CHAMBRE

Un coffret qu’on apporte pour madame.

ADRIENNE

Qui l’a apporté?

LA FEMME DE CHAMBRE

Un domestique sans livrée, qui a dit seulement: De la part de M. le comte de Saxe.

ADRIENNE, poussant un cri

De lui!... (Prenant le coffret des mains de la femme de chambre.) Laissez-nous... laissez-nous... (La femme de chambre sort et Adrienne pose le coffret sur la table et s’assied toute tremblante.) Ah! mon Dieu!... que peut-il me vouloir? ma main tremble... et je ne puis ouvrir...

MICHONNET, à part

Et elle croit qu’elle ne l’aime plus!...

ADRIENNE, vivement

Voyons! voyons! (Poussant un cri de douleur.) Ah!

MICHONNET, vivement

Qu’est-ce donc?...

ADRIENNE

En ouvrant ce coffret... j’ai éprouvé une sensation douloureuse... un souffle glacial qui parcourait mes sens... c’était comme un présage du coup qui m’attendait...

MICHONNET

Que contient donc cette boîte?

ADRIENNE

Mon bouquet! (Le prenant à la main.) Je le reconnais... celui qu’hier je tenais à la main lors de son arrivée! demandé par lui... donné par moi comme un gage d’amour... il pouvait le dédaigner, l’oublier, le jeter à l’écart! mais me le renvoyer... exprès!... mais joindre l’affront au mépris...

MICHONNET

Cela ne vient pas de lui, c’est cette rivale qui l’aura forcé!

ADRIENNE, se levant avec indignation

Devait-il obéir? et tout esclave qu’il est, ne devait-il pas se révolter à l’idée seule d’insulter celle qu’il a aimée! (Retombant sur le fauteuil près de la cheminée en tenant à la main le bouquet de fleurs qu’elle regarde quelque temps en silence.) Fleurs d’un jour, hier si éclatantes, aujourd’hui flétries, vous qui aurez duré plus longtemps encore que ses promesses! pauvres fleurs, reçues par lui avec tant d’ivresse et de joie, vous ne pouviez plus rester sur ce cœur où il vous avait placées et dont une autre m’a bannie! Exilées et dédaignées comme moi, je cherche en vain sur vos feuilles la trace des baisers qu’il y imprimait!... que celui-ci soit le dernier que vous recevrez, celui d’un adieu éternel! (Elle porte avec force le bouquet à ses lèvres.) Oui... oui... il me semble que c’est celui de la mort! et maintenant... qu’il ne reste plus rien de vous, ni de mon amour...

(Elle jette le bouquet dans la cheminée.)

MICHONNET

Adrienne!... Adrienne!...

ADRIENNE, se levant et s’appuyant sur le marbre de la cheminée

Ne craignez rien! (Portant la main à son cœur.) Cela va mieux! (Regardant du côté de la cheminée.) Je suis forte maintenant... je n’y pense plus!...

SCÈNE III

Adrienne, Michonnet, Maurice, se précipitant par la porte du fond

MAURICE, à la cantonade et comme parlant à la femme de chambre qui veut le retenir

Elle y sera pour moi, vous dis-je! (Courant à Adrienne.) Adrienne!...

ADRIENNE, se jetant involontairement dans ses bras

Maurice!... (Voulant se dégager de ses bras.) Ah! qu’ai-je fait?... laissez-moi! laissez-moi!

MAURICE

Non, je viens tomber à tes pieds! je viens implorer mon pardon! si je ne t’ai pas suivie quand tu me l’ordonnais... c’est que j’étais retenu par le devoir, par l’honneur... par un bienfait dont le poids m’accablait... je le croyais du moins! et je ne voulais pas laisser finir cette journée sans dire à la princesse: «Je ne puis accepter votre or, car je ne vous aime pas, car je ne vous ai jamais aimée, car mon cœur est à une autre!...» Mais juge de ma surprise!... aux premiers mots que je lui adresse... en m’écriant: «Je sais tout! je sais tout!...» tremblante... éperdue... elle, qui ne tremble jamais... tombe à mes pieds et avec des larmes feintes ou véritables m’avoue que l’amour et la jalousie l’ont égarée, qu’elle seule est la cause de ma captivité!... elle ose me l’avouer... à moi qui pensais lui devoir ma délivrance...

ADRIENNE

O ciel!...

MAURICE, continuant avec chaleur

A moi qui, honteux et désespéré de ses bienfaits, venais implorer seulement quelques jours pour m’acquitter, dussé-je jouer mon sang et ma vie!... et j’étais libre... libre de la mépriser, de la haïr... de l’abandonner! libre de courir vers toi et de me réfugier à tes pieds!... ma protectrice, mon bon ange... m’y voici! (Tombant à ses genoux.) Ne me repousse pas!

ADRIENNE

Faut-il te croire?

MAURICE

Par le ciel... et l’honneur! je t’ai dit la vérité... quelque difficile qu’elle soit à expliquer... car, renversé du haut de mes espérances, arrêté, jeté dans un cachot, j’ignore encore quelle main m’a délivré et j’ai beau chercher, je ne puis découvrir par qui me sont rendus ma liberté, mon épée, et un glorieux avenir peut-être; le sais-tu? peux-tu m’aider à le deviner?

ADRIENNE, baissant les yeux

Je ne sais!... je ne puis dire...

MICHONNET, qui pendant la tirade précédente a remonté le théâtre, passe vivement entre eux deux.

Que c’est elle!... elle-même!...

ADRIENNE, vivement

Taisez-vous! taisez-vous!

MICHONNET, avec chaleur

C’est elle qui a engagé pour vous sa fortune, ses diamants, tout ce qu’elle avait... et plus encore!...

ADRIENNE

Ce n’est pas vrai!

MICHONNET, de même, avec force

C’est vrai!... et s’il faut en donner des preuves, apprenez qu’elle a emprunté... emprunté à quelqu’un... (Se reprenant.) que je ne connais pas, mais vous pouvez m’en croire, moi!... qui ne veux que son repos... son bonheur... moi qui l’aime comme un père, (Vivement.) oh! oui... comme un père!

ADRIENNE, vivement

Vous pleurez?

MICHONNET

De contentement, d’émotion... Adieu... tu sais qu’on m’attend au théâtre, et j’y dois être avant la fin du spectacle... adieu... adieu...

(Il se précipite vers la porte du fond.)

SCÈNE IV

Adrienne, Maurice

MAURICE

Ainsi, Adrienne, c’était toi?...

ADRIENNE, montrant de la main Michonnet, qui vient de sortir

Et lui, mon meilleur ami, lui qui m’est venu en aide... mais ne parlons plus de cela... tu as accepté...

MAURICE

A une condition... c’est qu’à ton tour tu ne refuseras rien de moi! J’ignore l’avenir qui m’est réservé, j’ignore si je dois, sur le champ de bataille, gagner ou perdre la couronne ducale que les états de Courlande m’ont décernée; mais vainqueur, je jure de partager avec toi le duché que tu m’aides à conquérir, de te donner le nom que tu m’aides à immortaliser!

ADRIENNE

Ta femme! moi!

MAURICE

Toi! reine par le cœur et digne de commander à tous! Qui a grandi mon intelligence? Toi. Qui a épuré mes sentiments? Toi. Qui a soufflé dans mon sein le génie des grands hommes, dont tu es l’interprète?... Toi! toujours toi!... Mais, ô ciel! tu pâlis!

ADRIENNE

Ne crains rien... tant de bonheur succédant à tant de désespoir aura épuisé mes forces.

MAURICE, l’aidant à s’asseoir sur le canapé

Tu chancelles!

ADRIENNE

En effet, un trouble étrange, une douleur sourde et inconnue s’est emparée de moi... depuis quelques moments... depuis celui où j’ai porté à mes lèvres ce bouquet.

MAURICE

Lequel?

ADRIENNE

Ingrate! je le prenais pour un adieu de départ, et c’était un message de retour!

MAURICE

Que veux-tu dire?

ADRIENNE

Ces fleurs... envoyées par toi dans ce coffret...

MAURICE, passant près de la table

Moi! je ne t’ai rien envoyé... ce bouquet, où est il?

ADRIENNE

Brûlé! je croyais que tu nous avais tous deux repoussés et dédaignés... il était comme moi, il ne pouvait plus vivre!

MAURICE, avec tendresse

Adrienne! mais ta main tremble... tu souffres beaucoup...

ADRIENNE

Non, non, plus maintenant. (Montrant son cœur.) La douleur n’est plus là... (Portant la main à sa tête.) mais là... C’est singulier, c’est bizarre... mille objets divers et fantastiques passant devant moi... se succèdent confusément et sans ordre... (A Maurice.) Où étions-nous? qu’est-ce que je te disais? je ne sais plus... Il me semble que mon imagination s’égare... et que ma raison, que je cherche à retenir, va m’abandonner... (Vivement.) Je ne le veux pas... en la perdant, je perdrais mon bonheur... Oh! non... non... je ne le veux pas! pour lui d’abord, pour Maurice, et puis pour ce soir... On vient d’ouvrir, et la salle est déjà pleine! Je conçois leur curiosité et leur impatience; on leur promet depuis si longtemps la Psyché du grand Corneille!... oh! oui, depuis longtemps... depuis les premiers jours où je vis Maurice... On ne voulait pas remonter l’ouvrage... C’est trop vieux, disait-on... mais, moi, j’y tenais... j’avais une idée... Maurice ne m’a pas encore dit: Je vous aime! ni moi non plus... je n’ose pas... et il y a là certains vers que je serais si heureuse de lui adresser, à lui, devant tout le monde sans que personne s’en doute...

MAURICE

Mon amie, ma bien-aimée, reviens à toi!

ADRIENNE

Tais-toi donc!... il faut que j’entre en scène. Oh! quelle nombreuse, quelle brillante assemblée! Comme tous ces regards tournés vers moi suivent chacun de mes mouvements!... Ils sont bons, de m’aimer ainsi... Ah! il est dans sa loge... c’est lui... il me sourit... (Murmurant entre ses lèvres.) Bonjour, Maurice... A toi, Psyché, voici ta réplique.

Ne les détournez pas, ces yeux qui me déchirent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux,
Qui semblent partager le trouble qu’ils m’inspirent.
Hélas! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m’attacher sur eux!
Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois?
Moi, de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que l’amour m’expliquât le trouble où je vous vois;
Vous soupirez, seigneur, ainsi que je soupire;
Vos sens, comme les miens, paraissent interdits.
C’est à moi de m’en taire, à vous de me le dire,
Et cependant c’est moi qui vous le dis!

MAURICE, lui prenant la main

Adrienne! Adrienne! elle ne me voit plus... ne m’entend plus... Mon Dieu, l’effroi me glace... que faire?...(Il agite la sonnette qui est sur la table; paraît la femme de chambre.) Votre maîtresse est en danger... courez!... des secours!... Moi, je ne la quitte plus... (La femme de chambre sort.) Ma présence et mes soins lui rendront peut-être le calme... (Prenant la main d’Adrienne.) Écoute-moi, de grâce!

ADRIENNE, avec égarement

Regarde... regarde donc!... Qui entre dans sa loge? qui s’assied près de lui?... Je la reconnais, quoiqu’elle cache son visage! c’est elle!... il lui parle!... (Avec désespoir.) Maurice!... il ne me regarde plus!... Maurice!...

MAURICE

Il est près de toi...

ADRIENNE, sans l’écouter

Ah! voilà leurs yeux qui se rencontrent, leurs mains qui se pressent! voilà qu’elle lui dit: Restez!... Et moi, il m’oublie! il me repousse... il ne voit pas que je me meurs!

MAURICE

Adrienne!... par pitié!

ADRIENNE, avec fureur

De la pitié!

MAURICE

Ma voix n’a-t-elle donc plus de pouvoir sur ton cœur?

ADRIENNE

Que me voulez-vous?

MAURICE

Que tu m’écoutes un seul instant! que tu me regardes, moi... Maurice!

ADRIENNE, le regardant avec égarement

Maurice!... non... il est près d’elle... il m’oublie!... Va-t’en! va-t’en!

(Poursuivant Maurice, qui recule d’effroi.)

Va lui jurer la foi que tu m’avais jurée,
Les dieux, les justes dieux... n’auront pas oublié
Que les mêmes serments avec moi t’ont lié...
Porte... porte aux autels... un cœur qui m’abandonne...
Va, cours, mais crains encor...

(Poussant un cri et reconnaissant Maurice.)

Ah! Maurice!...

(Elle se jette dans ses bras.)

MAURICE

Mon Dieu... venez à mon aide!... et pas de secours!... pas un ami... (Apercevant Michonnet.) Ah! je me trompais!... en voici un!

SCÈNE V

Maurice, Adrienne, Michonnet

MICHONNET, entrant vivement

Ce qu’on m’a dit est-il vrai? Adrienne en danger!

MAURICE

Adrienne se meurt!

MICHONNET, approchant le fauteuil de droite, qu’il place au milieu du théâtre, et sur lequel Maurice dépose Adrienne à moitié évanouie

Non... non... elle respire encore!... tout espoir n’est pas perdu...

MAURICE, s’approchant de l’autre côté du fauteuil

Elle ouvre les yeux!

ADRIENNE

Ah! quelles souffrances!... Qui donc est près de moi?... (Avec joie.) Maurice! (Se retournant et voyant Michonnet.) Et vous aussi!... dès que je souffrais, vous deviez être là... Ce n’est plus ma tête, c’est ma poitrine, qui est brûlante... j’ai là comme un brasier... comme un feu dévorant qui me consume...

MICHONNET, s’adressant à Maurice

Mais tout me prouve... ne voyez-vous pas comme moi les traces du poison... d’un poison actif et terrible...

MAURICE

Quoi!... tu pourrais soupçonner...

MICHONNET, avec fureur

Je soupçonne tout le monde... et cette rivale... cette grande dame!...

MAURICE, poussant un cri d’effroi

Tais-toi!... tais-toi!...

ADRIENNE

Ah! le mal redouble... Vous qui m’aimez tant, sauvez-moi, secourez-moi... Je ne veux pas mourir!... Tantôt j’eusse imploré la mort comme un bienfait... j’étais si malheureuse!... mais à présent je ne veux pas mourir... Il m’aime!... il m’a nommée sa femme!

MICHONNET, étonné

Sa femme!

ADRIENNE

Mon Dieu! exaucez-moi!... mon Dieu! laissez-moi vivre... quelques jours encore... quelques jours près de lui... Je suis si jeune, et la vie s’ouvrait pour moi si belle!

MAURICE

Ah! c’est affreux!

ADRIENNE

La vie!... la vie!... Vains efforts!... vaine prière!... mes jours sont comptés!... je sens les forces et l’existence qui m’échappent!... (A Maurice.) Ne me quitte pas... bientôt mes yeux ne te verront plus... bientôt ma main ne pourra plus presser la tienne!...

MAURICE

Adrienne!... Adrienne!...

ADRIENNE

O triomphes du théâtre! mon cœur ne battra plus de vos ardentes émotions!... Et vous, longues études d’un art que j’aimais tant, rien ne restera de vous après moi... (Avec douleur.) Rien ne nous survit à nous autres... rien que le souvenir... (A ceux qui l’entourent.) le vôtre, n’est-ce pas? Adieu, Maurice... adieu, mes deux amis!...

MICHONNET, avec désespoir et tombant à ses pieds

Morte... morte!...

MAURICE

O noble et généreuse fille! si jamais quelque gloire s’attache à mes jours, c’est à toi que j’en ferai hommage, et toujours unis, même après la mort, le nom de Maurice de Saxe ne se séparera jamais de celui d’Adrienne!

NOTES

Frontispiece.Fimes en 1690”: probably an error. See Introduction.

Page 2, 2. Maurice, comte de Saxe, Maréchal de Saxe, was born at Gotzlar, Germany, October 28, 1696. He was a natural son of Frederick Augustus II (1670-1733), Elector of Saxony, and king of Poland (1697-), after the death of Jean Sobieski. His mother was Maria Aurora (1670-1728), sister of Count Philip Christopher, of Königsmark, Sweden. She was noted for her accomplishments and beauty.

The Maréchal de Saxe was one of the greatest generals of the century. His most brilliant and memorable victory was at Fontenoy, May 11, 1745. In recognition of his achievements, he was made Marshal-General of France.

He died November 30th, 1750, at the château de Chambord, which had been given him by Louis XV.

10. Adrienne Lecouvreur. See Introduction.

At the opening presentation of the play, Adrienne Lecouvreur, at the Théâtre-Français, April 14, 1849, the title rôle was taken by Mlle Rachel. See below.

Rachel: Élisa-Rachel Félix, called Rachel, a celebrated French actress, was born at Munf, in Switzerland, February 28, 1820. She excelled in leading tragic rôles, and by her extraordinary success and popularity she exerted a powerful influence in restoring to favor the great classic dramas of Corneille and Racine, which had been temporarily neglected during the Romantic movement. She also created the title rôles of a number of plays written especially for her, including Adrienne Lecouvreur. The talent of Mlle Rachel was strikingly similar to that of her illustrious predecessor. Moreover, there were many similarities in their experiences and artistic triumphs. It was very natural therefore that Rachel played the rôle of Adrienne Lecouvreur with remarkable fidelity and power.

Mlle Rachel died at Cannet, near Toulon, Jan. 3, 1858.

ACTE PREMIER

3, 2. chez la princesse de Bouillon. The former hôtel de Bouillon, built in the eighteenth century, has a large courtyard, present No. 17, on the quai Malaquais, Faubourg St. Germain. It was near the rue des Marais, now rue Visconti, on which was the home of Mlle. Lecouvreur.

Scène Première

5. La Princesse: Marie-Charlotte Sobieska, granddaughter of Jean Sobieski, king of Poland. She married, in 1724, Charles Godefroi de la Tour d’Auvergne, prince de Bouillon. In the play she has been given the rôle of the duchesse de Bouillon.

The latter was Louise-Henriette-Françoise de Lorraine (Mlle de Guise), daughter of the prince and princesse d’Harcourt. She became, in 1725, the fourth wife of Emmanuel-Théodose de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon. She is said to have been very beautiful but unscrupulous. She died at Paris, March 31, 1737, at the age of thirty.

9. scandale. It was a period of intrigue and frivolity.

13. Votre état est perdu: ‘Your profession is ruined.’ The abbé represents a certain type of men who frequented the homes of the nobility and who were expected to maintain themselves in favor by continually supplying the latest bits of gossip. Owing to their position as confidants of the public in questions of morality, the members of the clerical profession were supposed to be particularly well informed on such matters.

16. boîte à mouches: ‘patch box.’ Small bits of black taffetas were placed on the face (“beauty spots”) by many fashionable ladies of the seventeenth and eighteenth centuries.

23. Bajazet: a tragedy (1672) by Jean Racine. The scene is in Constantinople.

4, 5. ne m’en veut pas de ma franchise: ‘will pardon my frankness.’

7. système des mouches: ‘custom of wearing bits of taffetas on the face.’

19. est d’autant plus piquante: ‘will excite the greater interest.’

5, 10. Des scrupules... à vous!You have scruples!

16. Sobieski: Jean Sobieski, king of Poland; born in Galicia in 1629, died at Warsaw in 1696. He performed important service for Europe by repelling invasions of the Turks.

17. notre reine. The queen of France at this time was Marie Leczinska, daughter of Stanislas I Leczinski (1677-1766), king of Poland.

19. rivale: i.e. for the love of her husband.

6, 11. la Grange-Batelière: a street in the northern part of Paris, just north of the Boulevard Montmartre. The name was originally “Grange Bataillière,” and is supposed to have designated the site of a champ de Mars or military drill field of the ninth century. In the eighteenth century the rue de la Grange-Batelière was one of the most fashionable in Paris.

19. le dernier règne: the Regency.

24. Régent: Philippe II, duc d’Orléans. He was regent of France from the death of Louis XIV, in 1715, till the majority of Louis XV, in 1723. The Regency was a period of financial difficulties and immorality.

27. Il souffle et il cuit: ‘He blows (with a blowpipe) and melts.’

7, 2. Voltaire (1694-1778), one of the greatest French authors of the eighteenth century.

3. le bourgeois gentilhomme. An allusion to the famous comedy of this name by Molière (1622-1673).

4. maître de philosophie. M. Jourdain, the “bourgeois gentilhomme” of Molière, engaged a “master of philosophy” and various other tutors to train him for the aristocratic society which he desired to cultivate.

7. il n’avait garde d’oublier: ‘he was careful not to forget.’

12. me tient au fait de tout: ‘keeps me informed about everything’.

19. Ce que j’y gagne? In repeating a question just asked by another person, the French put it in the indirect form.

20. la petite fille de Sobieski. See note to page 5, line 16.

26. une infidélité d’une haute portée et d’un grand rapport: ‘an infidelity of high import and great advantages.’

8, 4. rien autre chose: ‘nothing else.’

6. Si: ‘Yes.’ Si is used instead of oui as an affirmation in contradiction to a preceding negation.

11. vous ne vous en doutez pas: ‘you do not suspect it.’

22. je suis de toutes ses parties: ‘I join in all his pleasure parties.’

23. l’Opéra. The grand opera house was from 1683 to 1787 at the Palais Royal, later at the Porte St. Martin, and from 1821 to 1874 in the rue Le Peletier. The present splendid edifice, at the Place de l’Opéra, was begun in 1861 and completed in 1874.

24. l’Académie des Sciences: one of the five academies of the Institut de France. These five “academies” or associations of savants include the Académie Française, the Académie des Inscriptions et Belles Lettres, the Académie des Sciences, the Académie des Beaux-Arts, and the Académie des Sciences Morales et Politiques.

9, 11. l’on vous a souvent donné, à vous autres abbés de boudoir: ‘favors have often been granted to you boudoir abbés.’ Notice the idiomatic use of autres, which is not to be translated.

12. dussiez-vous crier à l’ingratitude: ‘even if you must complain of my ingratitude.’

28. C’est jouer de malheur: ‘You are unlucky.’

Scène II

10, 15. le cardinal de Fleury: André-Hercule (1653-1743). In 1726 he succeeded the duc de Bourbon as prime minister of France.

22. Voltaire. The comment ascribed to Voltaire is, of course, sarcastic, as is the remark of the princess, “moi aussi.”

24. je le crois de bonne foi: ‘I believe he is sincere.’

11, 12. poudre dite de succession: ‘so-called inheritance powder.’ The practice of poisoning spread from Italy to France. During the latter part of the reign of Louis XIV there were numerous cases of poisoning among the French nobles. The name “inheritance powder” was applied to poison used to remove a person in order to gain possession of his inheritance.

13. le grand roi: Louis XIV.

14. chevalier d’Effiat: Antoine de Ruze, marquis d’Effiat (1638-1719). He was an equerry of Monsieur, brother of Louis XIV, and later held the same position under the Regent. He was accused of being one of the murderers of Madame, Henrietta of England. Louis XIV is said to have had proof of his guilt but to have permitted his escape.

22. rien qu’une pincée de cette poudre. Compare the symptoms produced by this poison, which is now available to the princess, with the account of the death of Adrienne (Act V, Scenes II-V.)

13, 20. Allez toujours: ‘Continue, however.’

14, 13. mon oncle le cardinal. See note to p. 10, l. 15.

22. quoique je ne partage pas votre enthousiasme. From the beginning of the play, the princess is not favorably inclined toward Adrienne, but prefers her rival, Mlle Du Clos, in spite of the latter’s intimacy with the prince.

25. un engouement!... ‘an infatuation! all the aristocratic circles vie with one another in entertaining Mlle Lecouvreur.’

15, 16. ses ajustements: ‘her articles of dress.’

20. Monsieur de Bourbon: the duc de Bourbon (1692-1740). He was succeeded as prime minister of France, in 1726, by Cardinal Fleury.

16, 1. Monsieur d’Argental: a lifelong friend of Mlle Lecouvreur. True to her memory and to their mutual friendship, he composed for her, in 1786, fifty-six years after her death, an epitaph in verse which was inscribed on a marble tablet still preserved at Paris. The first four lines of this are given in the Introduction of the present volume.

5. ce prétendu bon mot: ‘that supposed witticism.’

8. elle sent tellement sa véritable princesse: ‘it is so evident that it was written by a real princess.’

13. Mais le moyen: ‘But how could I?’ The grace and charm of this letter, attributed to Mlle Lecouvreur, were indeed characteristic.

17, 2. restituer l’esprit de son fils: ‘restore his son to his senses.’ Many letters passed between d’Argental fils and Mlle Lecouvreur. Upon learning that his mother viewed their friendship with displeasure, Adrienne wrote to her (March 22, 1721) a very dignified and kindly letter which is included in the published collection of her letters.

7. coadjuteur: ‘bishop coadjutor.’

22. les foudres de l’Église... aussi qu’elle ne s’avise pas de mourir: ‘the denunciation of the church... Therefore, let her take care not to die!’ This refers to the strong opposition of the clergy at that time to members of the theatrical profession. For this reason Molière and later Adrienne herself were refused interment in consecrated ground.

18, 14. roi de Pologne: Augustus II, who succeeded Jean Sobieski in 1697.

14. comtesse de Koenigsmarck: Maria Aurora, a woman of great talent and beauty (1670-1728).

20. Permettez! le bruit en a couru, etc.: ‘Pardon me, that report has been circulated, but it is not true.’

22. Florestan de Belle-Isle. There seems to be here a reference also to one of Scribe’s contemporaries, Florestan de Bel-Montet, who was of a Bonapartist family. He had tried to secure for Napoleon III, in 1831, the crown of Poland. Napoleon III himself had been given the name of “Florestan” in a novel by Disraeli.

24. Courlande: a province of Russia in Europe, south of the Gulf of Riga; population about 673,000.

20, 3. Arminius: (Hermann), leader of the German army which destroyed the Roman legions under Varus in 9 A.D.

17. Malplaquet: a town in northern France, scene of the victory of the Duke of Marlborough (John Churchill, 1650-1722) and Prince Eugène over Marshal Villars, Sept. 11, 1709.

17. le prince Eugène: Eugène de Savoie, a celebrated general (1663-1736).

18. Pierre le Grand: Peter the Great, Czar of Russia from 1682 to 1725.

18. Stralsund: in Pomerania, on the Baltic. Charles XII of Sweden was besieged there.

Scène III

23, 7. Sa Majesté Très Chrétienne: ‘His Most Christian Majesty,’ Louis XV, king of France.

17. Menzikoff: Mentchikof (Alexandre-Danilovitch) (1672-1729), prime minister of Russia under Peter the Great and Catherine I. He took an important part in the victory over Charles XII of Sweden, at Pultava, in 1709.

18. Mittau: a city of Courlande in Russia. Louis XVIII of France resided there from 1798 to 1807.

24, 2. A la Charles XII: ‘like Charles XII’ (1682-1718), king of Sweden, a very warlike and adventurous ruler who fought against the Danes, Russians, Poles, and Turks.

3. Bender: a city of European Russia, where Charles XII, after his defeat by the Russians at Pultava, was besieged by the Turks.

5. Cela me va! ‘That suits me!’

25, 27. le cardinal de Fleury. See note to p. 10, l. 15.

26, 13. le vainqueur de Menzikoff. There may be here a hidden reference also to another of similar name—the prince Martznikoff, who was, in 1845-46, one of the best known admirers of the actress, Mlle Rachel. Napoleon III, whose experiences resembled in many particulars those of Maurice de Saxe, had, at the time the play of Adrienne Lecouvreur was presented (1849), superseded Martznikoff as the protector of Rachel.

27, 6. déclamation emphatique: ‘affected, or overdrawn, elocution.’

14. Arma virumque cano: ‘Arms and the man I sing.’ The beginning of Vergil’s Æneid.

18. C’est de l’Horace ou du Virgile: Even the abbé appears none too sure in literary questions.

24. C’est sans réplique: ‘It cannot be contested.’

28, 2. je m’en rapporte à: ‘I leave it to.’

10. Laissez donc! ‘Nonsense!’

10. que vous vous formez: ‘that you are improving.’

Scène IV

30, 8. Ayant l’air de chercher: ‘Apparently trying to recollect.’

8. Le cardinal-ministre: Fleury. See note to p. 10, l. 15.

31, 25. tenir au courant: ‘keep informed.’

32, 9. l’enceinte de Paris: ‘the Paris walls’: really a circle of fortifications immediately surrounding the city.

14. raison de plus: ‘all the better.’

Scène V

33, 16. qui est remontée: ‘who has gone to the rear of the stage.’

21. à plusieurs reprises: ‘repeatedly.

22. redescendant le théâtre: ‘returning to the front of the stage.’

34, 2. la fille du czar. Probably a reference to the Duchess Anna Ivanova, niece of Peter the Great. She became Czarina in 1730.

35, 8. par état: ‘by profession.’

Scène VI

36, 16. “Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.” Quotation from Corneille’s Le Cid, Act V, Scene I. It is Chimène herself who speaks these words to Don Rodrigue—the Cid.

37, 22. je tiendrais à savoir: ‘I am anxious to know.’

23. actuelle: ‘present.’

25. Je te saurai cela: ‘I will find that out for you.’

38, 14. Bajazet: a play by Jean Racine (1672).

39, 7. C’est impayable: ‘It is a capital joke.’

9. Impayable? Here the word is used in its literal sense: ‘Can’t be paid for.’

ACTE II

18. pénètre sur le théâtre: ‘reaches the stage.’

24. Baron: Michel Boyron, called Baron, a celebrated French actor and dramatic author (1653-1729). He belonged to the troupe of Molière.

24. la Champmeslé: Marie Desmares, a well-known French actress (1642-1698), wife of Charles Champmeslé, also an actor and dramatist. She attained her highest eminence in the tragedies of Racine, in which Racine himself entrusted her with the leading rôles.

27. Folies amoureuses: a three-act comedy in verse, by Jean-François Regnard (1655-1709). Regnard excelled in amusing intrigues.

40, 4. Acomat: grand vizir in Bajazet.

5. Crispin: name of the valet of Éraste in Regnard’s Les Folies amoureuses.

Scène I

41, 12. me suis mis sur le pied: ‘have imposed upon myself the task.’

14. Hippolyte: hero of Racine’s famous tragedy, Phèdre.

42, 2. la reine. See note to p. 5, l. 17.

4. À ce qu’elle dit: ‘So she says.’

8. Il n’y a pas de quoi: ‘There is no occasion for it.’

12. appointements: ‘salary.’

15. Qu’est-ce à dire? ‘What do you mean?’

23. Échec et mat: ‘Checkmate.’

23. Vous n’êtes pas de force: ‘You are no match for me.’

Scène II

44, 12. Bonsoir, vizir: (because of Quinault’s rôle in Bajazet).

21. Roxane: the rôle of Adrienne in Bajazet. Roxane is the favorite sultana.

24. Par exemple! ‘Nonsense!’

Scène III

46, 5. s’en défaire: ‘part with them.’

23. difficile: ‘critical.’

49, 3. Après cela: ‘After all.’

50, 5. Je me suis toujours défié de: ‘I have always distrusted.’

Scène IV

26. fais les confidents: ‘have played the part of confidant.’

51, 5. rue Férou: a street running north from the Luxembourg Gardens.

14. livres tournois: ‘livres of Tours.’ Their value was three-fourths that of the livre of Paris or “livre parisis.”

18. Pas tant tant mieux: ‘Not entirely so much the better.’

52, 11. Phèdre: title rôle of the masterpiece of Racine (1677).

53, 15. une force surnaturelle. Maurice de Saxe is said to have been able to break a horseshoe in his hands.

21. vous me rendrez raison: ‘you shall give me satisfaction.’

25. vous serez aux premières loges: ‘You will be in the first row of boxes,’ i.e., in a splendid position to see the fight.

26. allons, en scène: ‘come, let us make our appearance on the stage,’ i.e., begin the fight.

54, 2. en se jouant: ‘easily turning aside.

6. “Paraissez Navarrois, Maures et Castillans,” etc.: quoted from Corneille’s Le Cid (1636), Act V, Scene I.

12. “Et le combat finit faute de combattants”: from the Cid, Act IV, Scene III.

17. s’informer de mes nouvelles: ‘to inquire about me.’

55, 23. se possédera: ‘will be self-possessed.’

56, 17. l’emportait sur toi: ‘should excel you.’

57, 5. “N’aurais-je tout tenté que pour une rivale”: Bajazet, Act III, Scene VII.

21. Allons, j’ai beau faire: ‘Come, it is useless for me to try.’

Scène V

58, 8. “Mes brigues,” etc.: Bajazet, Act III, Scene VII.

14. Rien qu’en traversant... on sent: ‘One needs but to pass thru to feel.’

59, 2. ou peu s’en faut: ‘or nearly so.’

5. clerc de procureur: ‘attorney’s clerk.’

8. s’y connaissent aussi bien: ‘are as good judges.’

17. une façon de gentilhomme: ‘a kind of nobleman.’

18. On ne passe pas: ‘No admittance.’

60, 12. s’il n’avait tenu qu’à moi: ‘if it had depended only on me.’

61, 1. les chemins qui s’élèvent: ‘the uphill roads.’

10. je vis au milieu des héros de tous les pays. She refers to the heroes of the drama.

12. je ne sais quoi qui sent son Rodrigue et son Nicomède: ‘something which resembles Rodrigue and Nicomède.’ Rodrigue, the hero of the Cid, by Corneille. Nicomède, the hero of the play of the same name, also by Corneille.

13. aussi, vous arriverez: ‘accordingly you will make your mark.’

62, 14. rire aux larmes: ‘laugh till I cried.’

15. une orthographe d’une invention! ‘such original spelling!’

17. être de l’Académie: ‘be a member of the French Academy.’ See note to p. 8, l. 24.

21. mon Sarmate: ‘my Sarmatian’ (an old name for Polander).

63, 8. à telles enseignes: ‘so much so.’

15. la fable des Deux pigeons: Livre IX, Fable II, by La Fontaine.

64, 19. après? ‘what next?

21. Avec finesse: ‘Archly.’

65, 8. “Tenez-vous lieu de tout”: ‘be all in all to each other.’

66, 5. Aux premières: ‘In the first row of boxes.’

Scène VI

19. humeur: ‘ill humor.’

20. Que trop: ‘Only too true!’

Scène VII

67, 25. notre pari de tantôt: ‘our recent wager.’

68, 6. Preuve de plus! ‘One more proof!’

18. il ne te reste plus... qu’à t’exécuter: ‘you have only to pay the bet.’

69, 4. le plus rigoureux tête-à-tête: ‘the strictest privacy.’

13. ne fait rien à la chose: ‘is of no consequence.’

70, 4. éclat: ‘exposure.’

18. toujours: ‘in any case.’

24. Prévenez-la: ‘Get the start of her.’

71, 4. Raison de plus: ‘All the more reason.’

14. coup de théâtre: ‘theatrical effect.’

17. Mars et Vénus: a reference to an incident related in Homer’s Odyssey, Book VIII.

19. Surpris par... (S’interrompant.): The abbé interrupts himself because he recollects that it was the lame Vulcan who surprised the lovers and he does not wish to compare the prince with him.

23. Toi, du tien: ‘You on your side.’

24. un succès d’enthousiasme: ‘an enthusiastic success.’

72, 3. ne sait déjà plus où elle en est: ‘already doesn’t know what she is about.’

Scène VIII

24. C’est bien heureux: ‘It was high time.’

73, 10. la lettre de Zatime: Bajazet, Act IV. Zatime is the slave of the sultana.

14. cela ne se remet point par la petite poste: ‘that must be sent by a special messenger.

Scène IX

21. maudit soit le duché de Courlande. He says this because his political schemes interfere with his love for Adrienne.

74, 16. Encore un: ‘One more’ (who is interested).

75, 4. Acomat: the grand vizir in Bajazet.

4. mon bon: ‘my good fellow.’

8. Je vous trouve plaisant: ‘You are ridiculous.’

23. Tu as beau faire: ‘It doesn’t make any difference what you do.’

76, 1. palsambleu: (par le sang de Dieu) ‘by Jove!’

6. Bajazet: brother of the sultan.

10. “Écoutez, Bajazet,” etc.: Bajazet, Act II, Scene I.

23. qui est fort bien: ‘who is very good looking.’

25. votre entrée: ‘your cue.’

77, 14. Dieu! quel effet! elle a tressailli. The real effect of the words of Maurice, denying her the interview that evening, are taken by Michonnet and the audience as merely a part of her acting.

Scène X

78, 21. Vous êtes des nôtres: ‘You are coming to our party.’

80, 3. cavalier: ‘escort.’

12. Ma voisine. Mlle Lecouvreur lived on the rue des Marais, next to the home of Mlle Du Clos. The house of the former is now No. 21 rue Visconti. It had been the home of Racine, who died there in 1699. Mlle Du Clos soon moved to the rue Mazarine.

81, 16. pour me donner la main: ‘as my escort.’

82, 16. on ne s’y reconnaît plus: ‘one doesn’t know what he is about.’

17. À votre réplique: ‘Your cue.’

21. “Qu’à ces nobles seigneurs,” etc.: adaptation from Bajazet.

ACTE III

83, 3. en pan coupé: ‘crosswise of the corner.’

5. sur le premier plan: ‘on the first wing.

Scène I

10. “J’ai failli attendre”: ‘I came near waiting.’ A famous saying attributed to Louis XIV and indicative of his punctilious and exacting nature.

Scène II

86, 15. Ils se feront tuer: ‘They will get killed.’

21. vous faire appréhender au corps: ‘have you arrested.’

87, 19. en gage: ‘a hostage.’

88, 20. la Moscovie: ‘Russia.’

89, 4. n’auront pas beau jeu: ‘will not have an easy time.’

11. je vais toujours: ‘I shall continue in spite of it.’

21. Permettez: ‘Pardon me,’ or, ‘I beg to differ.’

27. C’est bien le moins que vous y restiez: ‘The least you can do is to remain here.’

91, 25. dussé-je vous perdre: ‘even if I must ruin you.’

92, 9. ne s’en aviserait pas: ‘would not think of such a thing.’

93, 8. C’est fait de moi! ‘I am lost!’, ‘done for!’ or, ‘it is all over with me!’

Scene III

94, 5. l’on vous y prend: ‘you are caught.’

14. la Saxe aux prises: ‘Saxony at war.’

19. nous sommes au fait: ‘we know how matters stand.’

21. à huis clos: ‘secretly,’ ‘behind closed doors.’

95, 3. le bruit: ‘gossip,’ ‘scandal.’

9. le costume n’y fait rien: ‘his (clerical) costume makes no difference.’

19. Nous ne tenons pas à en finir: ‘We do not wish to end it.’

23. Rameau: Jean Philippe (1683-1764), a French musician and composer.

96, 17. Que je ne tiens plus à ses charmes: ‘That I am no longer infatuated with her.’

23. une querelle d’Allemand: ‘a senseless quarrel.’

97, 12. de vous donner la main: ‘to shaking hands.’

17. “Soyons amis, Cinna,” etc.: from the tragedy of Cinna, Act V, Scene III, by Corneille.

98, 21. second plan: ‘rear section of the wings.

101, 19. qu’il n’avait que la cape et l’épée: ‘that his sword was his only fortune.’

102, 7. cela me regarde: ‘they are my affair.’

Scène V

103, 10. avec explosion: ‘enthusiastically.’

Scène VI

108, 21. Melpomène: the muse of tragedy.

109, 13. Vous en êtes convenu: ‘You admitted it.’

Scène VII

111, 15. gagner: ‘win over.’

15. faire sauter: ‘blow up.’

Scène IX

117, 2. Il ne faut pas, nous autres comédiens, nous jouer aux grands seigneurs: ‘We comedians must not meddle with the affairs of great nobles.’

15. comment veux-tu ainsi t’y reconnaître: ‘how do you expect to see what you are doing?’

Scène X

118, 20. Mais, par exemple: ‘But that is not enough.’

120, 19. Plus que vous, à coup sûr: ‘A greater person than you, that is certain.’

ACTE IV

125, 2. chez la princesse de Bouillon. See note to p. 3, l. 2.

Scène I

9. Godefroy de Bouillon (1058-1100), duc de Basse-Lorraine, leader of the First Crusade, and first king of Jerusalem.

14. répétition: ‘rehearsal.’

16. Je me derange: ‘I am becoming irregular.’

18. Elle y tenait tant! ‘She insisted so much upon it!

Scène II

126, 4. Que devenez-vous donc: ‘What can you be doing?’

15. des diamants: ‘for the diamonds.’ See Act II, Scene III.

20. C’était assez bien tourné: ‘It was adroitly worded.’

127, 1. tu ne m’as pas fait part: ‘you have not told me.’

3. un bon sur la caisse des fermiers généraux: ‘a check on the treasury of the Farmers-General.’ The Farmers-General were various privileged financiers who farmed or leased the public revenues of France before the Revolution.

129, 4. souscrite à: ‘endorsed to.’

Scène III

22. Si, vraiment: ‘Yes, indeed.’

130, 2. fanatiques: ‘admirers.’

25. par-dessous main: ‘secretly.’

131, 21. a dénoncé ce fait à l’ambassadeur tartare: ‘announced this fact to the Russian ambassador.’

Scène IV

133, 7. Si: ‘Yes, I can.’

134, 15. Bien cela! ‘Well said!’

135, 3. “Comblé de mes bienfaits...”: adapted from Corneille’s Cinna, Act V, Scene III.

Scène V

26. je suis tenté de lui en vouloir... à lui: ‘I am almost indignant at him.’

Scène VI

136, 24. n’en fait jamais d’autres: ‘never does otherwise.’

25. vienne l’occasion: ‘if the opportunity presents itself.’

137, 18. la récompense promise. See Act I, Scene I, also Act I, Scene V.

138, 18. à coup sûr: ‘certainly.

Scène VII

141, 23. Je répétais: ‘I was rehearsing.’

142, 6. Gardez-vous en bien! ‘No, don’t refuse to speak!’

10. je n’en puis venir à bout: ‘I cannot say it right.’

20. Oui-dà! ‘Oh, of course!’ (ironical).

Scène VIII

145, 7. cela n’est pas. ‘that is not true.’

10. Cela est: ‘It is true.’

14. à telles enseignes: ‘so much so.’

14. de sa part: ‘in his name.’

14. défier: ‘challenge’ (to a duel).

26. lui a demandé raison: ‘has demanded satisfaction.’

Scène IX

147, 2. Et la princesse donc: ‘And the princess still more.’

8. me nommer: ‘introduce me.’

23. si elle ne figure pas aussi bien: ‘if she does not appear as well.’

148, 11. pour peu que je sois ressemblante: ‘provided I resemble you, even a little.’

150, 6. se trouve mal: ‘has fainted.’

151, 9. Permettez, je réclame: ‘Allow me to protest.’

153, 7. vous n’êtes jamais au fait des choses: ‘you are never informed about things.’

16. Mais, j’y songe: ‘But now that I think of it.’

26. Laissez donc: ‘Nonsense.’

154, 2. cette maîtresse en titre: ‘his acknowledged ladylove.’

24. pour nous mettre à même de prononcer: ‘to enable us to decide.’

155, 13. Cendrillon: ‘Cinderella.’

19. Mille et une nuits: ‘Arabian Nights.’

157, 4. est décidément des nôtres: ‘is really our guest.’

158, 4. Le Songe de Pauline. Pauline is the heroine of the tragedy of Polyeucte by Corneille.

6. Hermione: daughter of Helen, in Andromaque (1667) by Racine.

8. Camille: heroine in the tragedy of Horace (1640) by Corneille.

10. Ariane abandonnée: a reference to the mythological story of Ariane, daughter of Minos. She gave to Theseus the thread by means of which he was able to find his way out of the Labyrinth, after having slain the Minotaur. She was abandoned by him in the island of Naxos and cast herself from a rock into the sea.

10. Ariane: the best tragedy (1672) by Thomas Corneille.

14. Phèdre: tragedy (1677) by Racine.

21. brochures: ‘copies of plays.’

22. à souffler: ‘to prompt.’

159, 1. “Juste ciel!” etc. These words are spoken, in the play of Racine, by Phèdre, as her conscience accuses her of her passion toward Hippolytus, her stepson, and she fears the wrath of his father, Theseus, king of Athens. The expression, “une honteuse paix” is “une tranquille paix” in Racine, having been intentionally strengthened by Scribe. Phèdre, Act III, Scene III.

In reality this scene occurred, not in the hôtel de Bouillon, but at a public presentation of Phèdre at the Comédie-Française, probably on the tenth of November, 1729. The love of Mlle Lecouvreur and Maurice de Saxe was then at an end and he had abandoned the actress for the duchesse de Bouillon. The attempted poisoning of Mlle Lecouvreur by the duchess had occurred the preceding summer. It was while playing the title rôle in Phèdre that Mlle Lecouvreur directed these scathing words to the duchess, as the latter was seated in her box. The audience is said to have fully understood the bearing of the denunciation and to have frantically applauded.

ACTE V

Scène I

162, 13. Le spectacle est-il terminé? ‘Is the play over?’

27. ne me voilà-t-il pas bien malade! ‘Wouldn’t that harm me tho!’ (sarcastic).

163, 23. c’est vindicatif... c’est méchant: ‘they are vindictive... they are mean.

26. toutes les qualités de l’emploi: ‘all the qualities needed to play the rôle.’

165, 6. tu t’abuses encore: ‘you are mistaken again.’

25. que je ne vous soupçonnais pas: ‘that I did not suspect that you possessed.’

27. Je triompherai d’une passion: ‘I shall overcome a passion.’

Scène II

167, 10. une sensation douloureuse. Cf. Act I, Scene II, p. 11, ll. 11-27.

Scène III

170, 6. dussé-je jouer mon sang et ma vie: ‘even if I must risk my life.’

Scène IV

174, 16. Psyché: a tragi-comédie-ballet by Corneille, Molière, and Quinault (1671). Psyché speaks thus to Amour, Act III, Scene III. The wording has been slightly changed.

18. remonter: ‘bring out again.’

177, 1. avec égarement: ‘delirious.’

5. “Va lui jurer la foi,” etc. From Andromaque (1667), Act IV, Scene V, by Racine.

Scène V

178, 1. approchant le fauteuil: ‘bringing the armchair.’


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