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Au pays des pardons

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN
LE PARDON DE LA MONTAGNE

A José-Maria de Heredia.

I

Qui n’a présente à la mémoire la jolie page, d’une si railleuse bonhomie, que l’auteur des Souvenirs d’enfance et de jeunesse a consacrée à l’humoristique saint Ronan, ancêtre patronymique du clan des Renan dans la Bretagne armoricaine ?

« Entre tous les saints de Bretagne, il n’y en a pas de plus original. On m’a raconté deux ou trois fois sa vie, et toujours avec des circonstances plus extraordinaires les unes que les autres. Il habitait la Cornouailles, près de la petite ville qui porte son nom (Saint-Renan). C’était un esprit de la terre plus qu’un saint. Sa puissance sur les éléments était effrayante. Son caractère était violent et un peu bizarre ; on ne savait jamais d’avance ce qu’il ferait, ce qu’il voudrait. On le respectait ; mais cette obstination à marcher seul dans sa voie inspirait une certaine crainte ; si bien que, le jour où on le trouva mort sur le sol de sa cabane, la terreur fut grande alentour. Le premier qui, en passant, regarda par la fenêtre ouverte et le vit étendu par terre, s’enfuit à toutes jambes. Pendant sa vie, il avait été si volontaire, si particulier, que nul ne se flattait de pouvoir deviner ce qu’il désirait que l’on fît de son corps. Si l’on ne tombait pas juste, on craignait une peste, quelque engloutissement de ville, un pays tout entier changé en marais, tel ou tel de ces fléaux dont il disposait de son vivant. Le mener à l’église de tout le monde eût été chose peu sûre. Il semblait parfois l’avoir en aversion. Il eût été capable de se révolter, défaire un scandale. Tous les chefs étaient assemblés dans la cellule autour du grand corps noir, gisant à terre, quand l’un d’eux ouvrit un sage avis : « De son vivant nous n’avons jamais pu le comprendre ; il était plus facile de dessiner la voie de l’hirondelle au ciel que de suivre la trace de ses pensées ; mort, qu’il fasse encore à sa tête. Abattons quelques arbres ; faisons un chariot, où nous attellerons quatre bœufs. Il saura bien les conduire à l’endroit où il veut qu’on l’enterre. » Tous approuvèrent. On ajusta les poutres, on fit les roues avec des tambours pleins, sciés dans l’épaisseur des gros chênes, et on posa le saint dessus.

» Les bœufs, conduits par la main invisible de Renan, marchèrent droit devant eux au plus épais de la forêt. Les arbres s’inclinaient ou se brisaient sous leurs pas avec des craquements effroyables. Arrivé enfin au centre de la forêt, à l’endroit où étaient les plus grands chênes, le chariot s’arrêta. On comprit ; on enterra le saint et on bâtit son église en ce lieu. »

La légende populaire, plus fruste sans doute, ne laisse pas d’avoir aussi son charme. J’en ai recueilli les principaux épisodes dans le pays même où le saint passa la plus grande partie de sa vie. On y trouvera précisées quelques-unes des circonstances extraordinaires auxquelles M. Renan s’est contenté de faire allusion.

Ronan eut pour patrie d’origine l’Hibernie[61], berceau traditionnel de la plupart des thaumaturges celtiques. Je demandais un jour à une vieille femme de Bégard :

[61] L’Irlande.

— Où donc la situez-vous, cette Hibernie dont le nom revient si fréquemment sur vos lèvres ?

— J’ai ouï dire — me répondit-elle — que c’était un lambeau détaché du paradis. Dieu en fit une terre abrupte et solitaire qu’il ancra, avec des câbles de diamant, dans des régions de la mer inconnues des navigateurs. Dès qu’elle eut touché les eaux, celles-ci perdirent toute amertume, et, dans un rayon de sept lieues à la ronde, devinrent douces à boire comme du lait. L’île était dérobée à tous les yeux par un brouillard impénétrable qui flottait en cercle autour d’elle, mais une lumière paisible, toujours égale, en éclairait l’intérieur. Là voletaient, sous la forme de grands oiseaux blancs, les âmes prédestinées des saints ; de là elles partaient, au premier signal, pour aller évangéliser le monde. Je me suis laissé dire qu’elles étaient primitivement au nombre de onze cent mille. Quand l’heure du départ eut sonné pour la onze cent millième, les câbles de diamant se rompirent et l’île remonta au ciel avec la légèreté d’un nuage.

En ces temps-là, on pêchait la morue au large des côtes bretonnes, et il n’était pas rare que l’on séjournât des semaines entières sur les lieux de pêche. Une nuit que les hommes dormaient, étendus au fond des barques, il se fit dans la mer un grand remous. Le matelot de quart éveilla ses compagnons. « Voyez donc ! » dit-il. Ils virent une chose étrange. Un rocher s’avançait, fendant les eaux et traînant derrière lui un long sillage harmonieux, comme si les vagues, à son contact, eussent vibré. Il était fleuri de goémons d’une espèce inconnue qui dégageaient un parfum si délicieux et si fort que toute l’atmosphère, que la mer même en étaient embaumées. Sur le sommet du roc, une figure agenouillée priait, le front auréolé d’un nimbe dont s’illuminait au loin la nuit. C’était saint Ronan qui abordait aux rivages d’Armorique.

Il prit terre dans un des havres du Léon. Il ne pouvait pas tomber plus mal. Le littoral de ce canton était alors habité par une population de forbans, naufrageurs et pilleurs d’épaves. Ils adoraient des divinités farouches, qu’ils identifiaient avec les chênes des bois et les écueils de l’Océan. Ils ne dépouillèrent pas le saint, dont tout l’avoir consistait en une robe de bure trop sordide pour exciter leur convoitise, mais ils ne manquèrent aucune occasion de lui témoigner combien sa présence parmi eux leur était désagréable ; et, quand il voulut leur parler de la loi nouvelle, de la loi que Christ avait scellée de son sang, ils lui tournèrent le dos avec mépris, en le traitant de rêveur, ce qui dans leur bouche était la pire des injures. Ronan dut renoncer à convertir ces barbares : désespérant d’adoucir leurs mœurs, il résolut du moins d’en atténuer par tous les moyens possibles les effets. Les saints hibernois ne voyageaient jamais sans être munis d’une cloche portative dont le son, entre autres vertus, avait la propriété de se faire entendre distinctement jusqu’aux plus extrêmes confins du monde. Ronan se servit de la sienne pour avertir en temps de brume les navires égarés et leur signifier qu’ils eussent à s’éloigner de la côte. Ainsi les naufrages devinrent fort rares, en dépit des feux que les indigènes ne se faisaient pas faute d’allumer sur les hauteurs. Ces derniers en conçurent une violente indignation. Les femmes surtout étaient très montées.

— Jusqu’à présent, disaient-elles, la mer avait été pour nous une nourrice aux mamelles inépuisables ; les cadavres aux beaux bijoux abondaient sur nos grèves ; l’orage était notre pourvoyeur : chaque aube apportait avec elle sa moisson. Rappelez-vous, ô hommes, les tonneaux de vin doré où vos lèvres ont bu tant de fois une ivresse mystérieuse qui décuplait vos forces et de surprenants délires qui nous rendaient plus belles et plus désirables à vos yeux. Que ces choses sont déjà anciennes ? Du jour où l’anachorète étranger a paru au milieu de nous, la fortune a changé. Ce doit être quelque enchanteur pervers : il nous a jeté un sort, il a juré de nous faire périr de misère. Qu’attendez-vous pour nous débarrasser de lui ?

Ces paroles arrivèrent aux oreilles du saint. Pour n’avoir pas à châtier les gens qui les avaient proférées, il décida de s’enfoncer plus avant dans les terres et, ayant retroussé les pans de sa robe d’ermite, il se mit en route vers d’autres climats. Le rocher sur lequel il avait traversé les flots et qu’il appelait sa « jument de pierre » le suivit dans ce nouvel exode. Ils franchirent des rivières encore innomées, s’engagèrent dans de ténébreuses forêts dont les arbres se souvenaient d’avoir été des Dieux. Parfois, des fourrés inextricables entravaient leur marche. Ronan faisait alors tinter sa clochette et les ronces, pâmées, se désenlaçaient d’elles-mêmes. Ils parvinrent, au sortir des bois, dans une région haute et découverte, semée seulement de bruyères et d’herbes odoriférantes, que dominait une montagne nue, arrondie, pareille à la coupole d’un temple. Ronan planta en terre son bâton de pèlerin, et le bâton aussitôt se transforma en une croix de granit, pour lui marquer que ce lieu était celui où il se devait arrêter. La « jument de pierre » se coucha sur le sol ; le saint se mit en prière. C’était l’heure du soir, si particulièrement douce en Bretagne. Au pied du ménez, vers l’occident, des campagnes heureuses étaient comme blotties. Des toits invisibles, voilés de feuillage, exhalaient dans l’air de calmes famées. Plus loin, la mer s’éteignait ; dans ses eaux, grises comme des cendres, les dernières lueurs du soleil disparu achevaient de mourir.

— Que la paix demeure à jamais en cette solitude ! murmura le saint.

Son vœu a été exaucé. Nulle part au monde peut-être le silence n’est plus grand, plus profond, plus apaisant que sur cette humble cime bretonne. Elle a conservé son aspect primitif, son air inviolé d’autrefois. On y peut voir des troncs de genêts plusieurs fois séculaires. Les bestiaux y viennent brouter l’herbe de printemps, mais l’homme n’a pas encore osé désaffecter cette terre : elle est restée ce qu’elle était il y a douze cents ans, une colline vierge, une sorte d’oasis du rêve.

Ronan y passa des jours exquis, en tête à tête avec les vents qui, soufflant parfois du côté de l’Hibernie, lui apportaient jusqu’en ce désert d’Armorique le parfum de son île lointaine. Il s’était construit là un pénity, une maison de pénitence, grossièrement faite de quelques branches liées entre elles à l’aide d’un peu de mortier. Il n’y demeurait d’ailleurs que la nuit, pour réciter ses vigiles et pour dormir. Le reste du temps il vivait dehors. Dès l’aube il était sur pied, pèlerinant par les sentiers de la montagne. Il avait adopté un circuit qu’il accomplissait ponctuellement deux fois par jour, sans dévier d’une semelle, le matin, dans le sens du soleil et, le soir, à rencontre de l’astre. La pluie même ne l’arrêtait point : elle l’arrosait sans le mouiller. Le tour qu’il décrivait sur les flancs du ménez comportait plusieurs lieues. Il cheminait des heures entières, conversant avec les choses dont le muet langage lui était familier. Les bêtes aussi lui étaient chères. Elles le lui rendaient. Du plus loin qu’elles le voyaient venir, elles accouraient à lui. Pour leur inspirer plus de confiance, il s’amusait souvent, dit-on, à revêtir leur forme. Il apprivoisait les plus féroces et les moralisait. Un loup qui l’avait en grande vénération s’imagina lui être agréable en déposant, un jour, à ses pieds un pauvre agnelet tout pantelant. Le saint commença par ressusciter l’innocente victime et tint ensuite au ravisseur un discours si touchant qu’il le convertit pour jamais. C’est depuis lors qu’on a coutume de dire : « Doux comme le loup de saint Ronan ».

S’il recherchait le commerce des animaux et s’il se plaisait même en la compagnie des plantes, en revanche il fuyait les hommes. Il avait gardé de sa première rencontre avec eux, sur les rivages inhospitaliers du Léon, un souvenir amer mêlé peut-être de quelque mépris. S’il lui arrivait d’en croiser un sur son chemin, il le regardait avec des yeux si terribles que le malheureux, saisi d’épouvante, en demeurait hébété pendant des semaines. C’était un avertissement, que le saint leur donnait, qu’ils eussent à laisser libre la voie où il était désormais résolu de marcher seul. Il y gagna de n’être plus diverti dans ses promenades, mais sa réputation en souffrit. Une légende redoutable se créa autour de sa personne. On le soupçonna d’être sorcier et nécromancien ; des pâtres affirmèrent l’avoir vu, déguisé en bête, courir le garou ; on l’accusa de semer mille maux par le pays. On le rendit responsable de tous les méfaits des éléments, auxquels il était censé commander. Un ouragan de grêle dévastait-il les moissons dans la plaine, une tourmente subite, bouleversant la mer, faisait-elle voler en éclats les barques des pêcheurs, c’étaient là autant d’effets de la pernicieuse magie de Ronan.

Il faut avouer que, non content d’inquiéter l’opinion, il semblait parfois avoir pris à tâche de l’exaspérer. Un jour qu’il se promenait sous les ombrages touffus de la forêt de Névet, proche de son ermitage, il aperçut un bûcheron en train d’abattre un chêne. Chaque coup de hache arrachait à l’arbre une plainte sourde qui retentissait douloureusement dans le cœur du solitaire.

— Qu’as-tu donc à maltraiter ainsi ce vieillard des bois ? demanda-t-il, courroucé.

— J’ai, répondit l’homme, que j’en veux faire des planches pour mon grenier.

— A moins que ce ne soit pour ton cercueil ! répartit le saint.

Au même instant le chêne tombait, écrasant le bûcheron dans sa chute. Que Ronan fût le vrai coupable, cela ne fit de doute pour personne : on ne songea plus, dans toute la contrée, qu’aux moyens de se débarrasser de lui. Des conciliabules secrets furent tenus dans les clairières, à la pâle lumière de la lune, déesse des entreprises nocturnes, que ces païens adoraient. Déjà l’on ne parlait de rien moins que d’aller surprendre l’anachorète dans sa hutte de branchages et de le frapper traîtreusement en plein sommeil, quand le chef du manoir de Kernévez, homme sage et tolérant, intervint dans la discussion en faisant observer combien une pareille conduite serait non seulement criminelle, mais périlleuse.

— De deux choses l’une, conclut-il : ou bien Ronan n’a pas la puissance néfaste que vous lui attribuez ; et alors pourquoi violer, en le massacrant, les lois divines et humaines ? — ou bien il la possède en réalité, et, dans ce cas, que peuvent contre lui vos misérables embûches ? S’il est l’enchanteur que vous dites, il n’a rien à craindre de vos rancunes, tandis que vous, si vous l’irritez, vous avez tout à craindre de sa colère.

Cette argumentation refroidit le zèle des plus ardents.

— A votre place, continua le maître de Kernévez, je déléguerais vers lui quelqu’un pour lui soumettre nos doléances. Entre nous soit dit, je ne le crois pas aussi méchant que vos imaginations vous le représentent. Il m’est arrivé quelquefois de le suivre à distance, dans ses tournées du matin. Savez-vous à quoi je l’ai toujours vu occupé ? A délivrer les mouches de ces trames légères que les araignées de nuit tissent dans les ajoncs !… Un esprit démoniaque n’a point de ces sollicitudes.

Une voix dans l’assistance cria :

— Sois donc notre envoyé et plaide auprès de lui notre cause !

— J’allais vous le proposer, répondit le chef de maison, le penn-tiern, avec la simplicité et le calme qui lui étaient habituels.

Sans plus tarder, il se mit en route pour la montagne. La lune s’était couchée ; mais, au sommet du ménez, la cellule de l’ermite brillait comme un sanctuaire mystérieux. Ronan dormait, allongé sur la terre nue, les mains en croix, la tête éclairée d’une lumière étrange. Ses pieds dépassaient le seuil de la hutte, que ne fermait aucune porte. Le maître de Kernévez s’assit dans l’herbe pour attendre le réveil du saint. Il se sentait le cœur vaguement troublé et, dans sa cervelle de barbare, des idées singulières se remuaient qui lui étaient un objet d’étonnement et d’effroi.

Cependant l’aube commençait à poindre. Dès que le premier rayon eut caressé l’échiné de la jument de pierre, celle-ci poussa un hennissement très doux, et tout aussitôt l’anachorète ouvrit les yeux. Il ne témoigna nulle surprise de voir le penn-tiern à quelque pas de l’ermitage dans l’attitude d’un suppliant, mais, étant allé à lui, il lui commanda de se lever et de le suivre. Ils se mirent à cheminer ensemble à travers la haute solitude. Leur vue s’étendait au loin sur les campagnes et sur la mer que le soleil naissant baignait d’une vapeur de pourpre et où des harmonies ineffables flottaient suspendues. Le maître de Kernévez avait toujours vécu dans ce site : il le connaissait en ses moindres détails, mais, pour la première fois, le sens intérieur lui en était révélé. Il lui sembla qu’il le contemplait avec des yeux nouveaux et plus parfaits. Et il versa des larmes d’attendrissement, sans savoir pourquoi, comme un enfant ou comme un homme ivre. Ronan lui dit :

— Pleure, pleure. C’est Dieu qui entre en toi.

Autour d’eux, les fougères embaumaient ; des haleines tièdes et suaves se jouaient dans les transparences de l’air. Jamais aurore n’eut plus de grâce et ne para le monde d’une plus exquise séduction. Quand Ronan jugea l’âme de son compagnon suffisamment ameublie, détrempée, et prête à recevoir la bonne semence, il commença de lui conter la merveilleuse histoire de Jésus qui consacra le désert comme un lieu de prière, de Jésus qui prêcha du haut des monts, avec la mer à ses pieds, et enseigna aux fils des hommes l’amour universel. L’anachorète qu’on avait dépeint d’humeur si farouche parlait avec tant d’onction et de charme, les récits qu’il faisait de l’ère galiléenne étaient par eux-mêmes si captivants que le chef laboureur en oublia tout le reste. Le saint dut le congédier, en lui montrant l’aile grise du soir qui déjà s’éployait dans le ciel.

— Que t’a dit le personnage de là-haut ? interrogèrent les gens de la plaine, pâtres et pêcheurs, quand le maître de Kernévez fut redescendu parmi eux.

Il leur répéta mot pour mot les discours de Ronan qu’il portait gravés dans sa mémoire, s’efforça d’en reproduire jusqu’à l’accent. Il fut éloquent avec simplicité. Plus d’un dans l’auditoire se laissa toucher. Mais les autres, le grand nombre, après l’avoir écouté non sans stupeur, ne tardèrent pas à murmurer contre lui et à échanger à son sujet des propos amers. Ils ne pouvaient s’expliquer qu’un homme aussi avisé que le penn-tiern se fût fait tout à coup l’apôtre de nouveautés impies, subversives des anciens cultes. Ils ne doutèrent point que l’ermite ne l’eût ensorcelé. Leur haine contre Ronan s’en accrut ; et, quant au maître de Kernévez dont ils avaient si longtemps vénéré la sagesse, ils n’eurent dorénavant pour lui que la superstitieuse pitié dont on entoure en Bretagne les innocents et les fous.

Il ne s’en émut ni ne s’en plaignit. Il vit s’écarter de lui ses amis les plus chers, sans en éprouver de ressentiment. N’étaient-ce pas, au dire de Ronan, les conditions ordinaires de tout début dans l’apprentissage de la sainteté ? Il ne se passait point de jour qu’il ne se rendît auprès du solitaire, dans un lieu dont ils étaient convenus, sur la lisière du domaine de Kernévez, à mi-pente de la montagne. Une haie de prunelliers sauvages les mettait à l’abri des regards indiscrets ; des pins parasols ombrageaient leur tête, et la mer, par une éclaircie, s’étalant devant eux à perte de vue, ouvrait à leurs pensées, à leurs méditations en commun, le champ de son immensité. Là, le fruste disciple de Ronan s’initia aux séductions de la vie contemplative. Il y prit un tel goût qu’il en vint bientôt à considérer tout autre soin comme indigne qu’on s’y appliquât. A savourer les secrètes voluptés de la conscience, ce paysan dépouilla jusqu’à la passion de la terre. Lui qu’on citait naguère comme le modèle des laboureurs, il se désintéressa de ses cultures, cessa de surveiller son personnel, laissa les domestiques agir en maîtres. On en jasa dans la contrée. Finalement, sa femme fut avertie.

Vivant dehors par métier, tandis qu’elle était retenue à l’intérieur du logis par ses devoirs de ménagère, il avait pu lui dérober quelque temps ses pieuses escapades et fréquenter le saint sans éveiller ses soupçons. Mais il prévoyait bien qu’un jour ou l’autre tout lui serait dévoilé. Des commères complaisantes s’en chargèrent. Comme il revenait un soir à la ferme, au sortir d’une entrevue avec Ronan, il trouva sur le chemin sa femme qui l’attendait, blême de colère.

— Ainsi, cria-t-elle, voilà comment vous vous comportez ! J’en apprends de belles sur votre compte ! On vous croit au travail avec les serviteurs, et vous fainéantez là-haut en compagnie d’un être louche qui est l’opprobre et la terreur du pays. Avez-vous donc juré de mettre vos enfants sur la paille et, moi, de me faire mourir de désespoir ?…

La légende, qui pratique la sélection à sa façon, n’a pas retenu le nom du maître de Kernévez ; mais elle nous a transmis celui de sa femme. Elle s’appelait Kébèn. M. de la Villemarqué a voulu voir en elle une sorte de druidesse farouche, reine de la forêt sacrée[62]. Le peuple s’en fait une image moins noble, mais plus voisine peut-être de la réalité. C’était tout bonnement une fermière économe, un peu serrée, dure à elle-même et dure aux autres, uniquement préoccupée d’arrondir son pécule et de léguer à ses enfants un bien solide, exempt d’hypothèques. D’un caractère très entier, elle menait sa maison au doigt et à l’œil. Au reste, femme entendue et capable, ne commandant jamais rien que de sensé. Son mari s’était toujours effacé devant elle. On conçoit sa fureur, quand elle s’aperçut qu’il lui échappait. Elle le somma de rompre avec le thaumaturge ; pour la première fois de sa vie, il lui tint tête, opposant à toutes ses objurgations, à toutes ses invectives, une douceur tranquille et obstinée.

[62] Cf. Barzaz-Breiz, Légende de saint Ronan, notes.

A partir de ce moment, le manoir de Kernévez, jusque-là si ordonné, si paisible, devint un enfer.

Du matin au soir, Kébèn tournait dans la vaste cuisine comme une louve en cage, grinçant des dents et hurlant. Les enfants se fourraient dans les coins, derrière les meubles, et pleuraient en silence, n’osant plus approcher leur mère. Valets et servantes quittèrent la maison l’un après l’autre : le domaine tomba en friche, les troupeaux dont nul ne prenait soin vaguèrent dans les champs, à l’abandon. L’homme continuait de se rendre à la montagne, auprès du saint, indifférent au spectre de la ruine qui de toutes parts commençait à se dresser autour de lui. Il n’avait plus de souci des choses terrestres. Il habitait dans son rêve comme dans une tour très haute d’où il ne voyait que du ciel.

Un vertige d’une autre sorte égarait l’esprit de Kébèn. Son idée fixe était de se venger de Ronan, qu’elle appelait le débaucheur d’hommes. Elle s’aboucha avec les ennemis du thaumaturge. On sait qu’ils étaient nombreux. Des réunions clandestines se tinrent à Kernévez, pendant les absences du mari. On y buvait de l’hydromel dans des cornes d’auroch. Au bout de quelques jours de ce régime, Kébèn, devant une assemblée de fanatiques exaltés jusqu’au délire, déclara qu’il fallait cette nuit même, à la faveur des ténèbres, marcher à la hutte de l’ermite, y mettre le feu et l’y brûler vif.

— Allons ! s’écrièrent-ils d’une seule voix.

Mais leur enthousiasme dura peu. A la fraîcheur nocturne leur ivresse s’était dissipée, faisant place, chez les plus hardis, à de mystérieuses appréhensions. Ils crurent ouïr dans le vent des paroles de menace. Les bruyères où leurs pieds s’empêtraient leur semblèrent un filet magique tendu sous leurs pas. Une étrange apparition acheva de les terrifier. La forme démesurée d’une bête venait de surgir debout sur le sommet de la montagne, et, par trois fois, un hennissement épouvantable déchira la nuit. Toute la bande se dispersa comme un vol de moineaux. Seule, Kébèn demeura : sa haine la cuirassait contre la peur. A l’appel de la jument de pierre, Ronan était sorti de son oratoire. Il s’avança vers la mégère et lui dit :

— Garde-toi de franchir l’enceinte marquée par des houx. C’est ici un lieu interdit aux femmes.

Kébèn, ramassée sur elle-même, s’apprêtait à lui sauter au visage ; mais, quand elle voulut s’élancer, une force surnaturelle la cloua sur place et ses jambes se raidirent sous elle, comme pétrifiées. Alors, dans l’impuissance de sa rage, elle vomit un flot d’injures, traitant le saint des noms les plus odieux.

— Ah ! oui, — hurlait-elle, — tu interdis aux femmes l’accès de ton repaire, mais tu y attires les hommes, sorcier de malheur !… Réponds, qu’as-tu fait du maître de Kernévez ? Quel philtre de démence lui as-tu versé ?… Nous ne te cherchions point : pourquoi nous es-tu venu trouver ?… Regarde ce manoir, là-bas, sous les hêtres. On y travaillait dans la joie et dans la concorde. Une fumée heureuse s’élevait du toit comme une perpétuelle action de grâces aux dieux d’en haut. Eh bien ! tes artifices en ont chassé la prospérité pour y installer la ruine. Où régnait la paix des âmes, tu as déchaîné la guerre conjugale. Par le soleil et par la lune, sois maudit !

Le saint, les yeux au firmament, priait. Son oraison finie, il prononça :

— Femme, je te rends l’usage de tes membres ; retourne vers tes enfants à qui tu n’as pas donné à manger ce soir et dont le gémissement m’a empêché d’entendre tes paroles.

Une plainte, en effet, une plainte discrète et continue sanglotait dans le vent de la mer.

— Nous nous rencontrerons encore ! grommela Kébèn d’un ton de défi.

— Dieu fasse que ce soit au ciel ! répondit Ronan.

La femme de Kernévez rentra au logis, l’âme ulcérée. Pendant plusieurs jours elle resta accroupie sur la pierre de l’âtre, sans qu’on pût lui arracher un mot ni la décider à s’étendre dans un lit. Elle méditait, dans l’immobilité et le silence, quelque horrible dessein. Une nuit enfin, après s’être assurée qu’autour d’elle chacun dormait, elle se leva et pénétra dans la pièce où les enfants étaient couchés. Là reposait, parmi ses frères, Soëzic, la fille aînée, à peine âgée de huit ans : petite blondinette, jolie et délicate comme un ange, la préférée de son père à cause de sa gentillesse et de sa douceur. Kébèn la prit dans ses bras avec précaution, pour ne la point réveiller, et s’achemina sans bruit vers la grange. Il y avait dans un coin de cette grange, dissimulé derrière un tas de fagots, un vieux bahut hors de service, fait d’un énorme tronc de chêne creusé au feu, avec des parois aussi épaisses que celles des sarcophages en granit où l’on avait coutume d’ensevelir les chefs de clan. La mère dénaturée déposa l’enfant au fond du coffre, rabattit le lourd couvercle, ferma la serrure à double tour, puis, ayant repris sa place sur le foyer, se mit tout à coup à pousser des cris atroces, des cris de bête qu’on égorge.

Le maître de Kernévez sauta à bas du lit, épouvanté :

— Qu’y a-t-il, femme ? Au nom de Dieu, qu’y a-t-il ?

Elle lui montrait la porte de la chambre des enfants. Il alla voir, constata que la fillette avait disparu. Déjà des voisins étaient accourus au bruit : la cuisine fut bientôt pleine de curieux. Alors seulement Kébèn parla.

Depuis sa querelle avec le thaumaturge, elle s’attendait, déclara-t-elle, à quelque événement de ce genre. Il l’en avait menacée, et c’est pourquoi tous ces temps-ci elle avait tenu à rester sur ses gardes. Or, voilà que cette nuit, comme elle s’assoupissait de fatigue, elle avait été réveillée en sursaut par une voix qui geignait faiblement : « Mamm ! Mamm ! » Elle avait essayé de se lever, mais en vain. Un sortilège la paralysait. Au même moment, la forme monstrueuse d’un homme-loup passait devant elle, emportant en travers dans sa gueule le corps ensanglanté de Soëzic.

Évidemment, cet homme-loup ne pouvait être que Ronan. Tel fut l’avis unanime. Le mari voulut intervenir, risquer une observation. Mais on était fixé sur la valeur de ses conseils ! L’assistance entière lui ferma la bouche. Il fut arrêté, séance tenante, qu’on se rendrait à Quimper de ce pas, pour dénoncer au roi Gralon-Meur l’abominable crime et demander justice contre le malfaiteur.

Le cortège, grossi de village en village, accompagna Kébèn jusque dans le palais du roi. Gralon-Meur fut ému par une manifestation aussi imposante ; il dépêcha des archers vers le saint, avec ordre de le lui amener sur le champ. En le voyant paraître, il ne douta point que la populace n’eût dit vrai. Avec sa face velue, avec ses ardentes prunelles d’ascète, ombragées d’épais sourcils, avec sa houppelande de bure grossière, salie, usée, effilochée, jaunie, pareille à la fourrure d’un fauve et nouée aux reins par une ceinture d’écorce, avec ses pieds souillés de boue, avec ses doigts aux ongles pointus et noirs comme des griffes, le solitaire avait les dehors d’un animal sauvage plutôt que d’un être humain.

— Nous allons bien savoir s’il participe de la nature de l’homme ou de celle du loup, — prononça Gralon. — J’ai là deux dogues qui nous renseigneront à cet égard.

Les terribles bêtes furent lâchées sur Ronan ; mais, au lieu de le mettre en pièces, elles se couchèrent docilement à ses pieds, léchant ses haillons, implorant de lui une caresse.

Il y eut dans la foule une grande stupeur. Gralon-Meur, s’étant avancé vers l’anachorète, s’inclina et dit :

— Pour que mes chiens t’aient respecté, il faut qu’un pouvoir singulier soit en toi. Parle donc et confonds tes accusateurs, afin que justice soit faite.

— Je parlerai, — répondit Ronan, — non à cause de moi qui n’ai de comptes à rendre qu’à Dieu, mais à cause de l’enfant, victime innocente de cette odieuse machination ; commande, ô roi, qu’on apporte ici le coffre qui est à Kernévez, dans la grange, derrière un tas de fagots.

Il fut fait selon sa volonté. Quand on ouvrit le bahut de chêne, on y trouva la fillette, blanche comme cire ; elle était étendue sur le côté, morte. Dur eût été de cœur celui qui n’eût pleuré en la voyant. Ronan lui-même, pour la seule fois de sa vie, dit-on, donna des marques d’attendrissement. Il se pencha au-dessus du cadavre et, l’appelant par son nom, d’une voix très douce, il murmura :

— Petite Soëzic, fleurette jolie, tes yeux se sont clos avant l’heure. Dieu veut que tu les rouvres et qu’ils contemplent longtemps encore le soleil béni.

Il dit. Les fraîches couleurs de l’enfance reparurent aussitôt sur le visage de la morte, et elle se leva du coffre en souriant.

La foule, transportée à la vue du miracle, trépignait d’allégresse, exaltant les vertus du saint, criant qu’il fallait lapider Kébèn. Mais Ronan :

— J’entends — fit-il — que cette femme s’en retourne chez elle saine et sauve.

A partir de ce jour, le solitaire vécut honoré de tous dans la contrée qui jusque-là lui avait été si marâtre. La religion qu’il professait supplanta les anciens cultes. Toutefois il ne changea rien à ses habitudes, s’abstint comme par le passé de tout commerce direct avec les hommes, si même il ne se montra pas encore plus secret ; de sorte que la vénération qu’il inspirait resta mêlée de quelque crainte. On le suivait du regard, de loin, dans sa promenade quotidienne, mais on n’aurait jamais eu la hardiesse de l’aborder. Quand on s’adressait à lui, c’était par l’intermédiaire du maître de Kernévez, la seule créature humaine qu’il accueillît sans répugnance et dont il écoutât volontiers les propos. Saint Corentin vint un jour lui faire visite à son oratoire, dans le dessein, à ce que l’on prétend, de se démettre en sa faveur de son épiscopat de Quimper ; il trouva la porte fermée par une simple toile d’araignée, voulut passer au travers et ne put réussir à rompre la trame ; il comprit que Ronan refusait de le recevoir et rebroussa chemin, non sans dépit.

C’est au printemps, la veille du vendredi saint, que mourut le thaumaturge de la montagne. Sitôt qu’il eut rendu l’âme, de grands nuages aux formes bizarres et tourmentées accoururent de tous les points de l’horizon et se rassemblèrent autour de la cime, étendant un voile de ténèbres sur le pays environnant, tandis que de l’oratoire s’élevait vers le ciel une longue colonne de fumée blanche. Par ces signes on fut averti que Ronan n’était plus ; mais on attendit au troisième jour, avant de franchir l’enceinte des houx sacrés. L’humeur du saint était à redouter même après sa mort. Il fallut que le penn-tiern entrât le premier dans la cellule. Le cadavre ne présentait aucune trace de décomposition ; il était couché dans la posture qui, de son vivant, lui était familière, ses pieds de marcheur obstiné dépassant le seuil ; les mèches hérissées de ses cheveux étaient lumineuses comme des flammes ; d’une main il pressait sur sa poitrine un livre aux fermoirs richement ouvragés, sans doute un répertoire de formules magiques, pensèrent les paysans ; dans l’autre il tenait la clochette, compagne mélodieuse de ses migrations.

On a vu de quelle façon il fut procédé aux funérailles. Dès que le corps eut été placé sur le chariot, les bœufs se mirent en marche et la clochette de fer commença d’elle-même à tinter. Pendant toute la durée du trajet, elle sonna ainsi, à petits coups grêles et lents, comme un glas. L’attelage s’était immédiatement engagé dans la sente que Ronan avait accoutumé de parcourir chaque matin et chaque soir. En traversant les terres de Kernévez, il arriva près d’un lavoir où Kébèn lavait. Cette femme singulière, depuis l’aventure du coffre, n’avait plus fait parler d’elle ; mais elle ne s’était ni amendée, ni assagie. La clémence de Ronan, au lieu d’apaiser sa haine, l’avait exacerbée. Lorsqu’elle apprit sa mort, elle eut un tel accès de joie cynique que momentanément on la crut folle. Non seulement elle refusa de prendre le deuil avec les autres ménagères du quartier ; mais elle choisit le jour des obsèques pour faire sa lessive, commettant de la sorte un double scandale, puisqu’en ce même jour se célébrait la fête de Pâques.

Le cortège s’avançait dans un recueillement silencieux, au son de la petite clochette, quand, parmi des bruits de battoir, une chanson narquoise s’éleva de derrière les saules qui bordaient l’étang :

Bim baon, cloc’hou !
Marw ê Jégou
Gant eur c’horfad ywadigennou[63] !…

[63] C’est un refrain populaire très répandu en Bretagne et que l’on chante aux enfants pour les bercer.

Bim baon, les cloches !
Il est mort, Jégou,
D’une ventrée de boudin !

Ainsi chantait, à voix haute et stridente, Kébèn l’effrontée. Les bœufs cependant débouchaient dans le pré ; et ils cheminaient droit devant eux, sans souci du linge qui séchait étalé sur l’herbe. Déjà ils piétinaient de leurs durs sabots les nappes de toile fine. Kébèn, du coup, cessa de chanter. Échevelée, noire de fureur, elle se jeta à la tête des animaux :

— Arrière, sales bêtes ! — cria-t-elle.

Et, brandissant son battoir, elle les en frappa avec une telle violence qu’elle écorna l’un d’eux. Ils n’en continuèrent pas moins leur route, de leur bonne allure tranquille. Alors la rage de Kébèn se tourna contre le cadavre. Elle s’était cramponnée au chariot, au risque de se faire écraser ; et, à chaque tour de roue, des paroles insensées, des injures inexpiables s’échappaient de ses lèvres.

— Va, charogne, va rejoindre dans le charnier où elle pourrit la louve qui fut ta mère !… Tu dois être content, fléau des ménages !… Grâce à toi, la plus belle lessive du pays est en pièces… Ris donc, artisan de malices, fourbe des fourbes, nuisible jusque dans la mort !… Ha ! Ha ! Et dire qu’il y a des benêts qui te pleurent !… Quant à moi, tiens, voilà mon adieu !

Horrible profanation ! Elle venait de lui cracher à la figure. Ce fut du reste son dernier outrage. Le sol au même instant s’entre-bâilla sous elle et l’engloutit.

Au bout de trois heures de marche, la clochette s’étant tue, les bœufs s’arrêtèrent. On était en pleine forêt, sur le versant occidental de la montagne. Une fosse fut bientôt creusée, mais, lorsqu’il s’agit d’y descendre le corps du saint, les efforts réunis de vingt hommes demeurèrent impuissants à le soulever. « Peut-être ne veut-il pas qu’on l’enterre », opina quelqu’un ; « laissons-le en cet état, et attendons les événements. » Or, il advint une chose extraordinaire. Dans l’espace d’une nuit, le cadavre se pétrifia, ne fit plus qu’un avec la table du chariot transformée en dalle funéraire, et apparut comme une image éternelle sculptée dans le granit d’un tombeau. Les arbres d’alentour étaient eux-mêmes devenus de pierre ; ils s’élançaient maintenant avec une sveltesse de piliers, entre-croisaient là-haut en guise de voûte les nervures hardies de leurs branches. Tel fut, d’après la légende, le premier schème de l’église de Locronan et du cénotaphe qui s’y voit encore, dans la chapelle du Pénity.

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