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Chroniques de J. Froissart, tome 01/13, 1re partie : $b 1307-1340 (Depuis l'avénement d'Édouard II jusqu'au siége de Tournay)

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TROISIÈME PARTIE.

DE LA VALEUR HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE DU PREMIER LIVRE.

CHAPITRE I.

DE LA PARTIALITÉ ET DE LA SINCÉRITÉ DE L'AUTEUR DES CHRONIQUES.

Froissart a donné à ses récits le titre qui leur convient réellement en les appelant des Chroniques: c'est ce qu'il ne faut pas perdre un seul instant de vue lorsqu'on veut l'apprécier équitablement, car on ne saurait sans injustice demander à un écrivain autre chose que ce qu'il a voulu faire. S'entourer de tous les renseignements, peser tous les témoignages, les contrôler les uns par les autres, essayer d'y démêler la part de la vérité et celle de l'erreur: c'est le devoir, c'est l'honneur de l'historien vraiment digne de ce beau nom. Froissart n'eut jamais une ambition aussi élevée, et l'on peut ajouter qu'il eut raison de ne pas l'avoir. Le clerc de la reine Philippe, le curé des Estinnes-au-Mont, le chapelain de Gui de Blois vécut toujours dans une position plus ou moins subalterne qui ne lui assurait pas l'indépendance absolue ni peut-être les ressources matérielles indispensables de son temps pour se placer dans les conditions où l'histoire proprement dite peut éclore et fleurir. En outre, la plus grande partie de ses Chroniques est consacrée à la narration des événements contemporains; or il est impossible, quand il s'agit de faits trop rapprochés, d'atteindre l'harmonie de la composition, la justesse des proportions par où se manifeste, dans la forme en même temps que dans le fond, cet esprit de justice distributive qui est l'âme de l'histoire. Pour atteindre ou plutôt pour poursuivre sûrement un but si difficile, la prudence commande d'attendre que les événements se soient massés dans la perspective des siècles. Soit donc que Froissart ait obéi à la nécessité, soit qu'il ait suivi son instinct, soit même, si l'on veut, qu'ayant surtout égard à sa commodité, il ait cédé à des calculs plus ou moins égoïstes, on ne serait nullement fondé à lui reprocher, dès l'instant où il s'appliquait au récit des faits contemporains, de n'avoir écrit que des Chroniques.

Les obligations qui incombent à l'annaliste sont beaucoup moins sévères et moins étroites que celles auxquelles est astreint l'historien véritable. Enregistrer pour ainsi dire au jour le jour les événements les plus marquants tels qu'il les entend raconter autour de lui: là se borne la tâche modeste du chroniqueur. Aussi, tandis que la sincérité de l'historien ne va pas sans l'impartialité et sans la critique judicieuse des divers témoignages, il suffit au chroniqueur, pour être sincère, de ne pas transmettre un écho trompeur, mensonger, des bruits d'alentour: la fidélité de la reproduction est tout ce que l'on attend de sa bonne foi.

A ce point de vue, qui est le seul équitable, on doit rendre hommage à la sincérité de Froissart. Dans les récits qu'il fait de première main, on admire généralement, avec la fidélité en quelque sorte minutieuse de certains détails, cette fidélité plus haute et vraiment supérieure qui reproduit jusqu'à la couleur des temps et des lieux, jusqu'au geste et à l'accent des personnages et qui est le privilége des grands artistes.

Non-seulement le chroniqueur n'a pas besoin, comme l'historien, de concilier, de fondre dans une harmonie générale les diverses parties de son œuvre, mais encore il n'est pas tenu à la rigueur de mettre d'accord les récits différents qu'il donne du même fait, pourvu qu'il rapporte fidèlement dans chacun d'eux ce qu'il a entendu raconter. En d'autres termes, plus heureux que l'historien qui doit s'efforcer de dégager la vérité, l'annaliste n'a qu'à transmettre exactement l'information telle qu'il l'a reçue, si incomplète, si partiale qu'elle puisse être, pour s'acquitter envers son lecteur.

Froissart a largement usé et parfois, il faut bien en convenir, un peu abusé de ces immunités du genre inférieur qu'il avait adopté. Avec un courage, une persévérance infatigables, il a composé à d'assez longs intervalles trois rédactions de son premier livre profondément distinctes les unes des autres, mais il paraît n'avoir jamais songé à faire ce qu'on appellerait aujourd'hui la critique comparée de ces différentes rédactions. Il ne tente nulle part de les confronter, de les rapprocher ou de les opposer entre elles. Qu'elles se confirment ou qu'elles se contredisent, on dirait que peu lui importe. Il raconte le même événement une seconde, une troisième fois, avec une allure aussi dégagée et sans plus de souci de ses récits antérieurs que quelqu'un qui y serait complétement étranger. Cette habitude est constante, et l'on ne peut guère citer comme exception qu'un curieux passage du manuscrit de Rome, c'est-à-dire de la troisième rédaction où Froissart, non content d'adopter une version tout à fait contraire à celle qu'on trouve dans les deux rédactions précédentes, prend la peine de reproduire sa première version pour la contredire et y opposer le démenti le plus formel [156].

On n'aurait le droit d'adresser des reproches à l'auteur des Chroniques que s'il avait voulu donner le change sur le caractère borné, exclusif, intéressé et par suite plus ou moins partial des témoignages qui ont servi de base à ses récits. Ne semble-t-il pas avoir prévu cette objection lorsque, dans la première rédaction, avant de raconter la bataille de Crécy, il prévient loyalement le lecteur qu'il est surtout redevable de sa narration à des chevaliers du parti anglais? «Il n'est nulz homs, tant fust presens à celle journée, ne euist bon loisir d'aviser et ymaginer toute la besongne ensi que elle ala, qui en seuist ne peuist imaginer ne recorder le verité, especialement de le partie des François, tant y eut povre arroy et ordenance en leurs conrois. Et ce que j'en sçai, je le seuch LE PLUS par les Englès qui imaginèrent bien leur couvenant [157].» Au contraire, l'auteur de la seconde rédaction fait douter de sa parfaite bonne foi quand, après avoir décrit la journée de Crécy dans un tableau dont les traits principaux trahissent une origine purement française, il ajoute néanmoins les lignes suivantes: «... Si comme cil le tesmoingnent qui y furent tant d'ung lés comme de l'autre, et par lesquelx le pure verité en est escripte [158].» Mais ces cas sont rares, et d'ordinaire nul défaut de sincérité ne vient altérer la fidélité pure et simple de reproduction qui recommande les Chroniques, alors même que l'auteur a composé sa narration sous la dictée de témoins intéresses, par conséquent avec un caractère de partialité plus ou moins notoire.

Il ne faudrait pas se méprendre sur le caractère habituel des variantes plus ou moins importantes qu'on remarque entre les diverses rédactions. Ce n'est pas précisément que Froissart dise blanc dans l'une après avoir dit noir dans l'autre: ce qui ressort surtout de ces divergences, c'est que les témoins dont le chroniqueur a successivement reproduit la version, placés dans des camps opposés, ont envisagé le même fait d'un point de vue différent. L'infatigable auteur des trois rédactions du premier livre visait sans doute beaucoup moins à représenter toutes les faces de la réalité historique qu'à plaire aux maîtres et seigneurs dont il a recueilli les bienfaits tour à tour; mais qu'importe, puisque, si, comme nous le croyons, il a été chaque fois un narrateur aussi fidèle que partial, le résultat est le même pour la postérité! Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son, dit le proverbe. Froissart a frappé à toutes les cloches et nous fait entendre ainsi tous les sons. Son premier livre si riche, si touffu, avec ses rédactions différentes et parfois contradictoires, avec ses variantes infinies, rappelle tout à fait ces carillons fameux des Flandres qui ébranlent les airs par une cadence à la fois si variée et si profonde. Seulement, à la différence des carillonneurs de Bruges ou d'Anvers, l'auteur des Chroniques n'essaye pas de fondre sous son clavier tant de timbres, tant de bruits divers: il se contente de les noter fidèlement pour les transmettre à la postérité, laissant à celle-ci le soin d'en dégager cette harmonie de l'histoire qui s'appelle la vérité.

Cette fidélité de reproduction a été d'autant plus facile à Froissart qu'il ne paraît animé d'aucun sentiment de haine contre quelqu'un ou contre quelque chose: il ignore toute espèce de fanatisme; il n'est obsédé d'aucune de ces passions de caste ou de nationalité qui offusquent la vue et troublent le jugement. S'il n'avait eu soin de nous dire qu'il fut prêtre, on l'aurait deviné difficilement en lisant ses Chroniques [159]; né dans les rangs du peuple, il se préoccupe de la noblesse outre mesure et montre pour elle une complaisance, une indulgence parfois excessive; s'il aime avec une tendresse particulière et vraiment filiale le Hainaut sa patrie, une prédilection si naturelle ne le rend point injuste pour les autres pays. A le bien prendre, notre chroniqueur porte en son âme un idéal qui est l'unique objet de son culte, qui lui dicte ses jugements sur les faits ainsi que sur les individus: cet idéal, moins étroit que le patriotisme, presque aussi ardent que la foi religieuse, c'est l'esprit chevaleresque.

Cet esprit chevaleresque, qui a constitué tout à la fois l'une des grandeurs et l'une des faiblesses du moyen âge en général et du quatorzième siècle en particulier, est aussi la source des meilleures qualités et des défauts les plus saillants qu'on remarque dans les Chroniques. Si, comme on l'a dit plus haut, Froissart néglige de mettre de l'unité dans ses diverses rédactions, c'est qu'évidemment, malgré la curiosité naturelle de son esprit, il n'attache qu'un prix assez médiocre aux circonstances accessoires, aux détails de la narration: ce qui l'intéresse, ce qui l'émeut, ce qui le passionne par-dessus tout, c'est l'idéal même qui a été le principe vivifiant des hauts faits qu'il raconte, c'est-à-dire la chevalerie. Aussi, l'on remarquera que notre chroniqueur s'écarte volontiers de sa réserve habituelle pour juger les faits ou les hommes et manifester ses propres sentiments si l'honneur chevaleresque est sérieusement en jeu, et dans ce cas on peut avoir toute confiance en son impartialité.

C'est en effet la gloire du quatorzième siècle, de ce siècle d'ailleurs si misérable, que l'esprit magnanime, héroïque de la chevalerie, y exerça dans l'opinion sinon dans les actes un empire incontesté et reconnu de tous. En s'inspirant de cet esprit, un chroniqueur placé comme Froissart dans une position dépendante pouvait prononcer un jugement sévère sur tel ou tel grand personnage sans encourir la disgrâce des protecteurs puissants qui se trouvaient plus ou moins directement atteints par ce jugement. Pour s'en convaincre, il suffit de lire plus loin ce que Froissart dit à plusieurs reprises de la déloyauté de Jean III duc de Brabant envers Philippe de Valois, déloyauté dont un brave chevalier nommé Léon de Crainhem fut si honteux d'avoir été l'instrument qu'il en mourut. Rien assurément ne forçait notre chroniqueur à emprunter à Jean le Bel le récit de cette vilaine action; et pourtant dans ses deux premières rédactions, composées à une époque où il avait tout intérêt à ménager la fille de Jean III, Jeanne, femme de Wenceslas, dont il recevait annuellement les bienfaits, il a fait ressortir, il a flétri avec une certaine insistance la mauvaise foi du père de la duchesse de Brabant [160]. Appliquées aux jugements rendus à ce point de vue élevé, les protestations d'indépendance [161] que l'auteur des Chroniques a pris soin de renouveler dans les diverses parties de son ouvrage, méritent une entière créance. Robert de Namur, Wenceslas, Gui de Blois étaient, comme Froissart lui-même, trop animés de l'esprit de leur temps pour avoir seulement l'idée d'exercer une influence, une pression quelconque sur leur protégé en ce qui touche à la chevalerie et à l'honneur chevaleresque.

Lors donc que Froissart a varié dans ses sentiments, dans ses jugements soit sur les individus, soit sur les peuples, on peut être sûr qu'il a modifié sa manière de voir en toute liberté, en toute sincérité. Rien n'est plus curieux à cet égard que le changement qui s'est opéré dans les dispositions de notre chroniqueur à l'endroit des Anglais: après les avoir admirés d'abord presque sans réserve, notamment dans la première rédaction de son premier livre, il finit par les juger dans la troisième rédaction de ce même livre avec la sévérité la plus perspicace. On se rendra aisément compte de ce changement si l'on se rappelle ce que nous disions tout à l'heure, à savoir que l'auteur des Chroniques se place toujours, pour juger les peuples aussi bien que les individus, au point de vue de la chevalerie.

La première rédaction où Froissart exalte surtout les Anglais, a été composée, comme on l'a vu plus haut, de 1369 à 1373. A cette époque, Froissart venait de passer huit années à la cour d'Édouard III comme clerc de Philippe de Hainaut, sa compatriote et sa protectrice, qui l'avait comblé de faveurs. Toutefois, on se tromperait sans nul doute en attribuant seulement à la reconnaissance personnelle l'enthousiasme pour l'Angleterre qui éclate à toutes les pages de la première rédaction: cet enthousiasme a une autre cause plus noble encore et surtout plus désintéressée. La première rédaction ne comprenait, du moins sous sa seconde forme, que la partie du règne d'Édouard III antérieure à 1373, et l'on sait que cette brillante période, signalée par les victoires de Crécy et de Poitiers, marque l'apogée de la gloire et de la puissance anglaise. Durant le même temps, la noblesse normande, transplantée de l'autre côté du détroit, lutta d'esprit chevaleresque non moins que de courage avec la noblesse française; et quand on vit le jeune vainqueur de Poitiers servir à table son royal prisonnier, un tel acte de courtoisie souleva l'admiration de l'Europe entière. Comment Froissart, l'historien, j'allais dire, le chantre de la chevalerie, n'aurait-il pas ressenti, lui aussi, pour l'Angleterre d'Édouard III et du Prince Noir, un enthousiasme qui ne fut jamais ni plus légitime ni plus universel?

Tout était bien changé lorsque, trente ans plus tard, notre chroniqueur, devenu chanoine de Chimay, entreprit d'écrire la troisième rédaction de son premier livre. L'infortuné Richard II, dépouillé de sa couronne par un usurpateur, venait de périr misérablement après avoir subi les plus indignes traitements; et Froissart avait dû éprouver une profonde douleur en voyant disparaître dans la personne de ce prince, qui l'avait si bien accueilli lors de son dernier voyage en Angleterre, le petit-fils de Philippe de Hainaut, le fils du Prince Noir, le rejeton d'une dynastie qu'il aimait [162]. D'ailleurs, comme ces tempêtes qui soulèvent jusqu'à la surface les monstres endormis au sein des mers, les troubles précurseurs de la déposition, de la mort de Richard avaient mis à nu et pour ainsi dire déchaîné ce fond d'égoïsme effréné, indomptable, barbare au besoin, que recouvre d'ordinaire le flegme de la race anglo-saxonne. A partir de ce moment, il est visible que l'Angleterre cesse d'apparaître à notre chroniqueur comme la terre chevaleresque par excellence. Froissart se dégoûte du pays des Lancastre et de leurs sicaires sous l'empire du même sentiment qui le remplissait naguère d'admiration pour la patrie des Chandos; et s'il continue de rendre justice dans sa troisième rédaction aux fortes qualités de la nation anglaise, on s'aperçoit aisément qu'il ne lui accorde plus comme autrefois sa sympathie.

Il est une nation au sujet de laquelle les sentiments de Froissart n'ont jamais varié: c'est la nation allemande pour laquelle il laisse percer partout l'aversion la plus profonde. Il importe d'autant plus de constater ici ce fait qu'on y trouve l'occasion de signaler un trait saillant du caractère de notre chroniqueur qui n'est pas une des moindres garanties de sa sincérité, je veux dire le désintéressement. Il n'y eut jamais d'âme plus française que celle de Froissart, parce qu'il n'y eut jamais d'âme plus chevaleresque et plus désintéressée. Admirer le courage, l'honneur, la générosité, la magnificence, la beauté et faire partager, en les racontant dignement, cette admiration à la postérité: tel semble avoir été le but dominant du chroniqueur d'un bout à l'autre de sa carrière; le souci de sa personne, de ses intérêts ne paraît avoir joué dans sa vie qu'un rôle tout à fait secondaire. Froissart sait joindre, comme les génies vraiment français, à l'activité féconde, à l'inspiration créatrice, au labeur tenace, l'esprit de désintéressement et l'absence de préoccupation personnelle, tandis que dans d'autres pays, l'égoïsme plus ou moins âpre des artistes hors ligne est presque toujours le principal ressort de leur force. Il ne faut donc pas s'étonner si l'auteur des Chroniques juge sévèrement les Allemands et s'il saisit toutes les occasions d'exprimer cette sévérité. Ce qu'il leur reproche avec insistance, c'est d'être dévorés d'une convoitise insatiable, c'est de présenter dans leur caractère un mélange inouï d'insolence et de platitude, c'est de faire prendre en dégoût les qualités mêmes qui les distinguent, en les mettant toujours au plus offrant et dernier enchérisseur [163]. Du reste, le mépris pour la bassesse et la vénalité tudesques n'est pas moins marqué dans la chronique de Jean le Bel [164]. Cet esprit désintéressé, chevaleresque, constituait évidemment, dès le quatorzième siècle, une sorte de courant moral qui creusera toujours, qu'on ne l'oublie pas, un fleuve cent fois plus large et plus profond que le Rhin entre l'Allemagne et la France de l'Escaut ou de la Meuse. Toutefois, Jean le Bel et Froissart ont peut-être conclu un peu vite du particulier au général; ils se seraient montrés plus justes en admettant des circonstances atténuantes: l'âpreté au gain est le défaut des races laborieuses et intelligentes, mais pauvres. Quant à la servilité obséquieuse, elle est la dépravation du penchant le plus profond, le plus caractéristique des natures germaniques qui les porte à l'enthousiasme en présence de toutes les manifestations de la force. L'Allemagne est essentiellement naturaliste: elle n'a pas seulement le génie, elle a le culte de la force. La France, au contraire, est humaine par excellence: sans doute elle est loin de manquer de ce génie de la force sans lequel il n'y a point de grande race, mais elle y joint une adoration de la faiblesse, du malheur qui va parfois jusqu'à je ne sais quelle folie sublime. Aussi, je le dis avec une conviction moins ardente que raisonnée, le jour où notre généreuse nation disparaîtrait de la scène du monde, c'est le cœur même de l'humanité qui aurait cessé de battre.

Soit que l'on compare les diverses rédactions du premier livre au point de vue de leurs ressemblances, soit qu'on les confronte sous le rapport de leurs divergences, on voit que l'esprit désintéressé, chevaleresque de Froissart et la fidélité, sinon l'impartialité de ses récits, ressortent victorieusement de cette comparaison. Les limites imposées à cette Introduction ne permettent pas d'entreprendre ici un pareil travail qui trouverait mieux sa place dans les dissertations critiques dont le plan a été esquissé plus haut [165]. Cette publication, on peut le dire dès maintenant, confirmera pleinement, au point de vue de la sincérité des sentiments et des jugements, le témoignage que Froissart se rend à lui-même, lorsqu'il dit dans le prologue de la première rédaction revisée: «.... J'ai ce livre hystoriiet et augmenté.... à le relation et conseil des dessus dis, sans faire fait, ne porter partie, ne coulourer plus l'un que l'autre, fors tant que li biens fais des bons, de quel pays qu'il soient, qui par proèce l'ont acquis, y est plainnement veus et cogneus, car de l'oublier ou esconser, ce seroit PECHIÉS [166]....»

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