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Chroniques de J. Froissart, tome 8.1 : $b 1370-1377 (Depuis le combat de Pontvallain jusqu'à la prise d'Ardres et d'Audruicq)

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The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 8.1

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 8.1

1370-1377 (Depuis le combat de Pontvallain jusqu'à la prise d'Ardres et d'Audruicq)

Author: Jean Froissart

Editor: Siméon Luce

Release date: August 9, 2024 [eBook #74208]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 8.1 ***

Note sur la transcription.

Le tome VIII des Chroniques de J. Froissart a été publié en deux parties. Une Table de cette première partie a été insérée à la fin de ce volume, basée sur la Table complète contenue dans la deuxième partie. Cette deuxième partie peut être consultée à l'adresse gutenberg.org/ebooks/74209.

Ce volume contient de nombreuses références au tome VII des Chroniques. Cet ouvrage peut être consulté à l'adresse gutenberg.org/ebooks/73967.

L’orthographe d’origine a été conservée et n’a pas été harmonisée, mais quelques erreurs introduites par le typographe ou à l'impression ont été corrigées.

Les notes de bas de page ont été renumérotées et rassemblées à la fin du volume.

Table

CHRONIQUES
DE
J. FROISSART


9627.—PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9


CHRONIQUES
DE
J. FROISSART

PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE


TOME HUITIÈME
1370-1377

(DEPUIS LE COMBAT DE PONTVALLAIN JUSQU’A LA PRISE D’ARDRES ET D’AUDRUICQ)


PREMIÈRE PARTIE
SOMMAIRE ET COMMENTAIRE CRITIQUE

PAR SIMÉON LUCE

[Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

A PARIS
LIBRAIRIE RENOUARD
(H. LAURENS, SUCCESSEUR)
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6


M DCCC LXXVIII

EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en assurer l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.


Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VIII de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.

Fait à Paris, le 1er décembre 1887.

Signé L. DELISLE.

Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.

SOMMAIRE.


CHAPITRE XCVIII

1370, 4 décembre. COMBAT DE PONTVALLAIN.19 décembre. MORT DU PAPE URBAIN V. 30 décembre. ÉLECTION DE GRÉGOIRE XI.1371, avant le 15 janvier. AGGRAVATION DE LA MALADIE ET RETOUR EN ANGLETERRE D’ÉDOUARD, PRINCE D’AQUITAINE ET DE GALLES.1370, 1ers jours de décembre à 1371, fin de février. SIÈGE ET PRISE DE MONTPONT, EN PÉRIGORD, PAR JEAN, DUC DE LANCASTRE.1371, août et septembre. SIÈGE ET PRISE DE MONCONTOUR, EN POITOU, PAR JEAN, DUC DE LANCASTRE, ET THOMAS DE PERCY, SÉNÉCHAL DE POITOU.1371, fin de janvier et février. EXPÉDITION DE BERTRAND DU GUESCLIN EN VUE DE LA LEVÉE DU SIÈGE DE MONTPONT ET SIÈGE D’USSEL.1371, 1er août. COMBAT NAVAL DE LA BAIE DE BOURGNEUF. 22 août. BATAILLE DE BASTWEILER.1372, premiers mois. RETOUR EN ANGLETERRE DE JEAN, DUC DE LANCASTRE ET MARIAGE DE CE PRINCE AVEC CONSTANCE DE CASTILLE, FILLE AÎNÉE DE D. PÈDRE, D’EDMOND, COMTE DE CAMBRIDGE, FRÈRE DE JEAN, AVEC ISABELLE, SŒUR DE CONSTANCE.1372, 13 janvier. MORT DE GAUTIER DE MASNY (§§ 669 à 686).

Aussitôt[1] après sa promotion à la dignité de connétable de France, Bertrand du Guesclin entreprend une chevauchée contre Robert Knolles, qui ravageait alors les marches d’Anjou[2] et du Maine; il vient tenir garnison au Mans[3]; Olivier de Clisson, compagnon d’armes de Bertrand, occupe une forteresse voisine. Jean de Menstreworth[4], l’un des chevaliers de l’armée anglaise d’invasion, combat tous les plans de Robert Knolles. Cette armée est divisée en deux corps dont le premier, sous les ordres de Robert Knolles et d’Alain de Buxhull, est déjà arrivé aux environs du Mans[5], tandis que le second corps, commandé par Thomas de Granson, resté plus en arrière, est séparé du premier par une journée de marche environ. Aussitôt qu’il est informé des projets des Français, Robert Knolles prend des mesures pour opérer la concentration des forces anglaises; il mande à Thomas de Granson, à Hugh de Calverly, capitaine de Saint-Mor-sur-Loire[6], à Robert Briquet, à Robert Cheyne et à Jean Cressewell de venir le rejoindre en toute hâte. Au moment où Thomas de Granson, à la tête de deux cents lances, exécute une marche de nuit pour répondre à l’appel de Robert Knolles, il est attaqué à l’improviste près de Pontvallain[7] par Bertrand du Guesclin et Olivier de Clisson, qui ont sous leurs ordres environ quatre cents lances. Cette bataille se livre le 10[8] octobre 1370. Les Anglais sont défaits. Les Français vainqueurs ramènent au Mans[9] leurs prisonniers. A cette nouvelle, le reste des forces anglaises se disperse; Hugh de Calverly, Robert Briquet, Robert Cheyne et Jean Cressewell retournent précipitamment dans leurs garnisons. Robert Knolles lui-même court s’enfermer en toute hâte dans son château de Derval, et Alain de Buxhull vient passer ses quartiers d’hiver à Saint-Sauveur-le-Vicomte. P. 1 à 5, 255 à 257.

Après la victoire de Pontvallain, Bertrand du Guesclin et Olivier de Clisson amènent leurs prisonniers[10] à Paris; et loin de les charger de chaînes, ainsi que font les Allemands, ils les prennent à rançon courtoise et les mettent en liberté sur parole. Pendant ce temps, le prince de Galles et le duc de Lancastre, revenus de l’expédition de Limoges, se tiennent à Cognac[11].—Le pape Urbain V meurt à Avignon vers la fête de Noël[12]. Grâce à l’entremise de Louis, duc d’Anjou[13], qui se trouve sur les lieux pendant la réunion du conclave, le cardinal de Beaufort est élu souverain pontife sous le nom de Grégoire XI.—Eustache d’Auberchicourt est fait prisonnier en Limousin par un homme d’armes breton nommé Thibaud du Pont, capitaine d’un château appartenant au seigneur de Pierre-Buffière[14]; condamné à verser une rançon de douze mille francs, il en paye comptant quatre mille et donne son fils François en otage pour le reste; puis il va occuper la forteresse de Carentan[15], en basse Normandie, que lui a donnée le roi de Navarre et où il devait mourir.—Sur ces entrefaites, le vieil Arnoul d’Audrehem, qui avait été si longtemps maréchal de France, meurt à Paris[16] où l’on célèbre ses obsèques. P. 5, 6, 257 à 259.

Raymond de Mareuil, chevalier du Limousin[17], qui avait abandonné le parti anglais pour le parti français[18], un certain jour qu’il revenait de Paris dans son pays natal, est fait prisonnier par les gens d’armes de Hugh de Calverly[19] et enfermé dans une forteresse appartenant à Geoffroi d’Argenton[20]. Édouard III, qui veut punir Raymond de sa défection, offre six mille francs à celui qui l’a pris à condition que l’on remettra le prisonnier entre ses mains. Informé des intentions du roi d’Angleterre, Raymond de Mareuil parvient à s’échapper par une nuit d’hiver et gagne une forteresse française de l’Anjou[21] située à plus de sept lieues du lieu de sa détention, grâce à la complicité de l’écuyer anglais qui le garde et auquel il a promis la moitié de ce qu’il possède. Rentré chez lui, il veut tenir sa promesse, mais l’écuyer anglais qui a facilité son évasion ne consent à accepter que deux cents livres de revenu. P. 6 à 9, 259, 260.

Le fils aîné d’Édouard, prince de Galles, meurt à Bordeaux[22]. Sur le conseil de ses médecins et de ses chirurgiens, le prince de Galles, atteint d’une maladie qui s’aggrave de jour en jour, prend la résolution de retourner en Angleterre. Après avoir convoqué à Bordeaux les barons de Gascogne, de Saintonge et de Poitou et leur avoir fait prêter serment de féauté et d’hommage entre les mains de son frère le duc de Lancastre, il s’embarque sur la Garonne en compagnie de la princesse de Galles, de leur jeune fils Richard, d’Edmond, comte de Cambridge[23], son frère, de Jean, comte de Pembroke, et fait voile pour l’Angleterre. Débarqué à Southampton[24], il va passer quelques jours à Windsor, à la cour du roi son père, puis il fixe sa résidence à Berkhampstead[25], à vingt lieues de Londres. P. 9, 10, 261 à 263.

Jean, duc de Lancastre, fait célébrer à Bordeaux les obsèques de son neveu Édouard, fils du prince de Galles, son frère aîné. Sur ces entrefaites, Guillaume de Montpont livre son château de Montpont[26] aux hommes d’armes bretons qui tiennent garnison à Périgueux pour Louis, duc d’Anjou. A cette nouvelle, le duc de Lancastre[27], à la tête d’une armée de sept cents lances et de cinq cents archers où figurent les principaux seigneurs de Gascogne, va mettre le siège devant Montpont. Guillaume de Montpont, craignant de tomber entre les mains des Anglais, laisse son château sous la garde des Bretons qu’il y a appelés et court se mettre en sûreté derrière les remparts de Périgueux. P. 10 à 13, 263, 264.

Le duc de Lancastre emploie vingt jours à combler les fossés qui entourent le château de Montpont avec des fascines, de la paille et de la terre; cela fait, il livre cinq ou six assauts tous les jours. Les assiégés repoussent vigoureusement ces assauts. Deux écuyers bretons nommés Jean de Malestroit et Silvestre Budes, qui commandent la garnison de Saint-Macaire[28], forteresse située à peu de distance de Montpont, se disputent à qui ira porter secours à leurs compatriotes assiégés par le duc de Lancastre; ils tirent à la plus longue paille. Le sort favorise Silvestre Budes, qui monte aussitôt à cheval et amène à la garnison de Montpont un renfort de douze hommes d’armes, sa personne comprise. P. 13 à 15, 264, 265.

Les fossés une fois comblés au ras du sol, les assiégeants peuvent s’avancer jusqu’au pied des remparts dont ils font tomber à coups de pic une largeur de quarante pieds. Les archers anglais entrent par cette brèche et font pleuvoir une grêle de traits sur les assiégés. Les quatre principaux chefs de la garnison, Guillaume de Longueval[29], Alain de la Houssaye[30], Louis de Mailly[31], et le seigneur d’Arsy[32], envoient un de leurs hérauts en parlementaire vers le duc de Lancastre. Celui-ci, irrité de la résistance des assiégés qui lui tiennent tête depuis onze semaines, fait répondre par Guichard d’Angle, maréchal d’Aquitaine, qu’il exige qu’on lui livre préalablement Guillaume de Montpont, afin qu’il fasse justice de ce traître, et que les assiégés se rendent sans condition. Les chevaliers bretons déclarent qu’ils ne savent ce qu’est devenu Guillaume de Montpont et qu’ils se feront tuer jusqu’au dernier, si le duc ne s’engage à les prendre à rançon. Sur les instances de Guichard d’Angle, du captal de Buch et du seigneur de Mussidan, le duc de Lancastre consent enfin à recevoir à composition les assiégés. Il prend possession de la forteresse de Montpont[33], dont il confie la garde à une garnison de quarante hommes d’armes et de quarante archers placés sous les ordres du seigneur de Mussidan et du soudich de Latrau. Ces deux seigneurs, opérant de concert avec la garnison anglaise de Bourdeilles[34], se livrent à toute sorte d’hostilités contre les habitants de Périgueux[35]. P. 15 à 17, 265 à 268.

Au retour du siège de Montpont, les seigneurs de Gascogne sont en butte aux incursions du comte d’Armagnac et du seigneur d’Albret. C’est principalement sur la frontière du Poitou que les hostilités sont poussées avec le plus de vigueur. Pierre de la Grézille[36] et Jourdain de Coulonges[37] commandent la garnison du château de Moncontour[38], situé à quatre lieues de Thouars et à six lieues de Poitiers[39]; Charnel[40] occupe Châtellerault avec cinq cents Bretons; et les garnisons françaises de la Roche-Posay[41] et de Saint-Savin[42] inspirent une telle frayeur que les Anglais n’osent chevaucher dans ces parages que sous bonne escorte. P. 17, 18, 277.

Grâce aux démarches de Louis de Saint-Julien et du vicomte de Rochechouart, le seigneur de Pons[43], un des plus puissants barons de Poitou, se rallie au parti français, tandis que sa femme la dame de Pons et aussi les bourgeois de sa ville de Pons restent dans le parti anglais. Le duc de Lancastre institue Amanieu du Bourg capitaine de Pons, pour défendre cette forteresse contre les incursions du seigneur transfuge. Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, réunit à Poitiers un corps d’armée de cinq cents lances et de deux mille brigands munis de pavois pour mettre le siège devant Moncontour[44]. Noms des principaux seigneurs, soit poitevins, soit anglais, qui composent ce corps d’armée. P. 18 à 20, 277.

Trois capitaines de compagnies, Jean Cressewell, David Holegrave et Gautier Hewet, viennent renforcer l’armée assiégeante. Après dix jours de siège, une tranchée est ouverte, et les Anglais emportent d’assaut la forteresse de Moncontour[45]. La garnison tout entière est passée au fil de l’épée, excepté Pierre de la Grézille, Jourdain de Coulonges et cinq ou six hommes d’armes que l’on prend à merci. Thomas de Percy, Guichard d’Angle et Louis de Harcourt confient la garde de Moncontour à Hewet, à Cressewell et à Holegrave, qui disposent de cinq cents combattants et ne cessent de faire des courses en Anjou et dans le Maine. P. 20, 21, 277, 278.

Après la Chandeleur[46], Bertrand du Guesclin, qui se tient à Paris depuis sa victoire de Pontvallain, entreprend une expédition contre les Compagnies anglaises qui ravagent le Poitou, le Quercy et le Rouergue. Noms des principaux seigneurs qui prennent part à cette expédition. Apprenant qu’un capitaine anglais nommé Jean Devereux s’est emparé du château d’Ussel[47], Bertrand assiège cette forteresse. Après quinze jours de siège[48] et plusieurs assauts où Waleran de Ligny[49], fils du comte de Saint-Pol, court un grand péril, le connétable continue sa chevauchée et entre en Rouergue. Quelques-uns des plus grands seigneurs du corps d’armée français vont à Avignon présenter leurs hommages au nouveau pape Grégoire XI et au duc d’Anjou qui se trouve à ce moment de passage à la cour papale[50]. Dans le cours de sa chevauchée à travers le Rouergue, Du Guesclin se fait rendre par Thomas de Walkefare[51] les deux forteresses de Millau[52] et de la Roque-Valsergue[53] et quelques autres châteaux situés sur les frontières du Limousin. Après quoi, le connétable de France, les ducs de Berry et de Bourbon reviennent mettre de nouveau le siège devant Ussel, en s’aidant de puissants engins de guerre qu’ils avaient eu soin de faire venir de Riom et de Clermont. P. 21 à 23, 270 à 274.

Reddition d’Ussel[54]. La garnison a la vie sauve et peut se retirer avec armes et bagages à Sainte-Sévère[55]. Bertrand du Guesclin revient en France[56].—Robert Knolles, qui s’est enfermé dans son château de Derval après sa défaite à Pontvallain, a encouru la disgrâce d’Édouard III; il envoie alors deux de ses écuyers d’honneur présenter ses excuses au roi d’Angleterre; ces excuses, appuyées par Alain de Buxhull, sont agréées[57]. Jean de Menstreworth, convaincu de haute trahison, subit le dernier supplice[58]. P. 23, 24.

Édouard III s’assure l’alliance des ducs de Gueldre[59], de Juliers[60] et dépêche le comte de Hereford[61] vers le duc de Bretagne.—Bataille navale livrée dans un havre de Bretagne, nommé la Baie[62], entre les Anglais et les Flamands; les Flamands ont le dessous et sont tous tués ou faits prisonniers.—Bataille [de Bastweiler] livrée dans la nuit de la Saint-Barthélemy[63] 1371 entre Wenceslas de Luxembourg, duc de Brabant, d’une part, Édouard, duc de Gueldre, et le duc de Juliers, d’autre part. Défaite des Brabançons. Le duc de Brabant, tous les enfants de Namur[64], le comte de Salm[65], Jacques de Bourbon[66], Waleran de Ligny, fils de Gui, comte de Saint-Pol[67], sont faits prisonniers; Gui, père de Waleran, est tué sur le champ de bataille. P. 25, 26, 274 à 276, 279.

Nouvelles escarmouches sur mer entre les Anglais et les Flamands; ceux-ci se décident à faire la paix avec le roi d’Angleterre[68]. P. 26, 27, 280 à 282.

Le roi de Majorque[69], fait prisonnier par D. Enrique de Trastamar, roi de Castille, recouvre la liberté moyennant le payement d’une rançon de cent mille francs[70] fournie par la reine de Naples, sa femme, et la marquise de Montferrat, sa sœur[71]. A peine remis en liberté, le roi de Majorque, soutenu par le pape Grégoire XI, prend à sa solde des gens des Compagnies et surtout des Bretons, traverse la Navarre avec l’assentiment du roi de ce pays, et déclare la guerre au roi d’Aragon[72] qui avait tué son père et l’avait dépouillé de son royaume; les hostilités sont poussées avec beaucoup d’acharnement de part et d’autre. Ce fut pendant le cours de cette guerre que Jacques, roi de Majorque, mourut[73] au val de Soria; les gens des Compagnies qu’il avait enrôlés rentrent alors en France. P. 27, 28, 276.

Jean, duc de Lancastre, lieutenant d’Édouard III à Bordeaux, est veuf; il a perdu sa première femme Blanche[74], duchesse de Derby et de Lancastre. Les deux filles de D. Pèdre[75], roi de Castille, après la mort de leur père, ont cherché un refuge à Bayonne. Sur le conseil des barons de Gascogne, le duc de Lancastre se remarie à l’aînée nommée Constance, et la cérémonie des fiançailles a lieu à Roquefort[76], village situé près de Bordeaux. L’arrivée dans cette ville de la jeune princesse et de sa sœur donne lieu à des fêtes magnifiques. P. 28 à 30, 282 à 284.

Ces nouvelles parviennent en Castille, où D. Enrique de Trastamar apprend à la fois que l’aînée de ses nièces, Constance, est mariée au duc de Lancastre, et que la cadette, Isabelle, doit épouser le comte de Cambridge. Il envoie aussitôt des ambassadeurs vers le roi de France, en leur donnant mission de conclure un traité d’alliance offensive et défensive avec Charles V. Ce traité[77] est conclu par l’entremise de Bertrand du Guesclin, qui aime beaucoup le roi de Castille. Après avoir ainsi accompli leur mission, les ambassadeurs de D. Enrique retournent auprès de leur maître, qui tient alors sa cour dans la ville de Léon. P. 30, 31, 286, 287.

Vers la Saint-Michel 1371[78], le duc de Lancastre s’embarque à Bordeaux pour retourner en Angleterre après avoir institué divers grands seigneurs pour gouverner la Gascogne, le Poitou et la Saintonge pendant son absence. Débarqué à Southampton, il se rend à la cour du roi son père, qui donne des fêtes en l’honneur de la duchesse de Lancastre, sa belle-fille, et fait grand accueil à Guichard d’Angle, chevalier poitevin que le duc de Lancastre a emmené avec lui.—Sur ces entrefaites, Gautier de Masny meurt[79] à Londres et l’on dépose ses cendres dans un couvent de Chartreux qu’il avait fait construire dans un faubourg de cette ville; Édouard III et ses enfants, les prélats et les barons d’Angleterre assistent aux obsèques de ce vaillant chevalier. Jean, comte de Pembroke, marié à Anne de Masny[80], hérite des seigneuries[81] de Gautier situées en Hainaut, pour lesquelles il prête serment de foi et hommage à Aubert, duc de Bavière, qui tient alors à bail le comté de Hainaut. P. 31 à 33, 284, 285, 287, 288.

CHAPITRE XCIX

1372, 23 juin. DÉFAITE DE LA FLOTTE ANGLAISE DEVANT LA ROCHELLE.Juillet. SIÈGE DE MONCONTOUR ET DE SAINTE-SÉVÈRE; REDDITION DE CES DEUX PLACES AUX FRANÇAIS.7 août. REDDITION DE POITIERS.Du 22 au 23 août. DÉFAITE ET CAPTURE DE JEAN DE GRAILLY, CAPTAL DE BUCH, CONNÉTABLE D’AQUITAINE ET DE THOMAS DE PERCY, SÉNÉCHAL DE POITOU, DEVANT SOUBISE; REDDITION DE CETTE PLACE.REDDITION D’ANGOULÊME (8 septembre), DE SAINT-JEAN-D’ANGELY (20 septembre), DE TAILLEBOURG, DE SAINTES ET DE PONS.—REDDITION DES CHÂTEAUX DE SAINT-MAIXENT (4 septembre), DE MELLE ET DE CIVRAY.—8 septembre. REDDITION DE LA ROCHELLE.15 septembre. PRISE DU CHÂTEAU DE BENON ET REDDITION DE MARANS.—19 septembre. REDDITION DE SURGÈRES.9 et 10 octobre. REDDITION DE LA VILLE ET PRISE DU CHÂTEAU DE FONTENAY-LE-COMTE.—1er décembre. REDDITION DE THOUARS ET SOUMISSION DES PRINCIPAUX SEIGNEURS DU POITOU ET DE LA SAINTONGE.—SIÈGE DE MORTAGNE.1373, 21 mars. DÉFAITE DES ANGLAIS A CHIZÉ.27 mars. OCCUPATION DE NIORT.REDDITION DES CHÂTEAUX DE MORTEMER ET DE DIENNÉ (§§ 687 à 723).

Les Anglais se préparent à envahir la France de deux côtés à la fois, par la Guyenne et par Calais[82]. Charles V, que ses espions tiennent au courant de tous les projets d’Édouard III[83], a soin de faire mettre en bon état de défense les places de son royaume, particulièrement en Picardie. Guichard d’Angle est fait chevalier de la Jarretière le jour Saint George dans une fête solennelle de l’Ordre qui se tient au château de Windsor. Sur les instances du dit Guichard, Jean de Hastings, comte de Pembroke, gendre d’Édouard III, est nommé lieutenant du roi d’Angleterre en Guyenne[84]. P. 33 à 35, 288 à 291.

Jean, comte de Pembroke[85], accompagné de Guichard d’Angle et d’un chevalier d’outre-Saône nommé Othe de Granson[86], met à la voile à Southampton pour se rendre en Guyenne; outre le corps d’armée embarqué sur la flotte anglaise, le comte emporte de quoi payer la solde de trois mille combattants pendant un an. Prévenue par le roi de France de la prochaine arrivée des Anglais, une flotte espagnole, envoyée par D. Enrique[87], roi de Castille, et composée de 40 gros navires et de 13 barges[88], se tient à l’ancre devant le havre de la Rochelle; cette flotte est placée sous les ordres d’Ambrosio Boccanegra[89], de Cabeça de Vaca[90], de D. Ferrand de Pion[91] et de Radigo le Roux[92] ou de la Roselle. La rencontre des deux flottes a lieu dans les eaux de la Rochelle la veille de la Nativité de saint Jean-Baptiste 1372[93]. Inférieurs en nombre à leurs adversaires, dont les navires plus grands et plus élevés au-dessus de la ligne de flottaison[94] sont en outre pourvus d’abris et armés d’arbalètes ainsi que de canons, les Anglais et les Anglo-Gascons n’en soutiennent pas moins avec beaucoup de vigueur l’attaque des Espagnols; lorsque le reflux de la mer et la tombée de la nuit mettent fin au combat, ils n’avaient encore perdu que deux de leurs navires chargés de provisions[95] sur les quatorze[96] dont se composait leur flottille. P. 36 à 39, 292 à 295.

Malgré les instances du sénéchal Jean Harpedenne, Jean Chauderier, maire de la Rochelle[97], et les habitants de cette ville refusent de porter secours aux Anglais que vont renforcer pendant la nuit le dit Jean Harpedenne, le seigneur de Tonnay-Boutonne, Jacques de Surgères et Mauburni de Lignières[98]. Le lendemain matin, à la mer montante, les Espagnols attaquent de nouveau les Anglais, dont ils accrochent les navires avec de grands crocs et des grappins retenus par des chaînes. Le comte de Pembroke se voit entouré par quatre navires ennemis placés sous les ordres de Cabeça de Vaca et de D. Ferrand de Pion, tandis qu’Othe de Granson et Guichard d’Angle sont aux prises avec Boccanegra et Radigo le Roux. Après une résistance désespérée, tous les Anglais et les Anglo-Gascons sont tués ou faits prisonniers. Au nombre des prisonniers figurent le comte de Pembroke, Guichard d’Angle, Othe de Granson, le seigneur de Poyanne[99], le seigneur de Tonnay-Boutonne, Jean Harpedenne, Robert Twyford, Jean de Gruyères, Jacques de Surgères, Jean de Courson, Jean Trussell et Thomas de Saint-Aubin[100]. Aimeri de Tarde, chevalier gascon, Jean de Langton, Simon Hansagre, Jean de Mortain et Jean Touchet sont tués. P. 38 à 42, 295 à 299.

La nef qui portait l’argent destiné à la solde des hommes d’armes de Guyenne avait été coulée bas pendant l’action, et le précieux chargement englouti au fond de la mer[101]. Les habitants de la Rochelle, informés de la défaite des Anglais par Jacques de Surgères qui avait obtenu sa mise en liberté moyennant le payement d’une rançon de trois cents francs, s’en réjouissent plus qu’ils ne s’en affligent. Le jour Saint-Jean-Baptiste, après nonne, la flotte espagnole victorieuse lève l’ancre et cingle vers la haute mer pour regagner les côtes de Galice. Le soir de ce même jour, six cents hommes d’armes anglais et anglo-gascons arrivent à la Rochelle sous la conduite de Thomas de Percy, de Gautier Hewet, de Jean Devereux, de Jean de Grailly, captal de Buch, et du soudich de Latrau; ils sont consternés en recevant la nouvelle de la défaite et de la prise du comte de Pembroke. P. 42 à 44, 299, 300, 302 et 303.

Owen de Galles, appartenant à la famille des princes de Galles dépossédés par Édouard Ier, a cherché un refuge en France et s’est mis à la solde de Charles V qui, dans l’été de 1372[102], confie à l’écuyer gallois le commandement de trois mille combattants et le charge de faire des courses sur mer contre les Anglais. Owen, après avoir réuni une flottille à Harfleur, opère une descente dans l’île de Guernesey[103], dont Aymon Rose, écuyer d’honneur d’Édouard III, est capitaine. Ce capitaine parvient à rassembler une troupe d’environ huit cents combattants[104] et livre à Owen un combat où il est vaincu; il se réfugie derrière les remparts de l’imprenable forteresse de Château Cornet, devant laquelle le vainqueur vient mettre le siège. Sur ces entrefaites, Charles V reçoit la nouvelle de la défaite du comte de Pembroke et de l’anéantissement de la flotte anglaise devant la Rochelle. Les Anglo-Gascons restant par suite de cette défaite sans souverain capitaine, le roi de France se décide à profiter de circonstances aussi favorables pour faire envahir par son connétable le Poitou, la Saintonge et le Rochellois, bien convaincu qu’il suffira de quelques succès remportés par ses troupes pour faire rentrer les villes sous son obéissance. C’est pourquoi il donne l’ordre à Owen de Galles de se rendre en Espagne pour prier D. Enrique, roi de Castille, d’envoyer de nouveau sa flotte sur les côtes de France mettre le siège par mer devant la Rochelle. Owen lève donc le siège de Château Cornet et retourne à Harfleur, d’où il se dirige avec sa flottille vers l’Espagne; il jette l’ancre dans un port de Galice nommé Santander[105]. P. 44 à 47, 300 à 302.

A la première nouvelle de la défaite et de la prise du comte de Pembroke, Édouard III veut envoyer en Guyenne le comte de Salisbury avec cinq cents hommes d’armes et un égal nombre d’archers, mais bientôt les arrangements qu’il est amené à conclure avec le duc de Bretagne[106] l’empêchent de mettre ce projet à exécution.—Pendant ce temps, la flotte de D. Enrique, ralentie par des vents contraires, n’arrive à Santander qu’un mois après son départ de la Rochelle; les Espagnols ont chargé de chaînes leurs prisonniers à la manière des Allemands. Owen de Galles, débarqué à Santander[107] le matin même du jour où la flotte espagnole y vient jeter l’ancre, rencontre à l’hôtel où il est descendu le comte de Pembroke, prisonnier des amiraux D. Ferrand de Pion et Cabeça de Vaca; il lui adresse des reproches au sujet de seigneuries que le comte possède dans la principauté de Galles et dont les rois anglais ont dépouillé Owen après avoir fait périr son père Edmond de Galles. Un chevalier de la suite du comte de Pembroke, nommé Thomas de Saint-Aubin, provoque en duel Owen, qui refuse de se battre avec un prisonnier. Les quatre amiraux espagnols ne tardent pas à conduire leurs prisonniers à Burgos[108], en Castille, où D. Enrique, qui avait envoyé au-devant d’eux son fils aîné D. Juan, les accueille avec une courtoisie vraiment chevaleresque. P. 47 à 49, 302.

Les Anglo-Gascons, venus à la Rochelle sous la conduite de Thomas de Percy et de Jean de Grailly, captal de Buch, confient la garde du château de la Rochelle à Jean Devereux et se dirigent avec environ quatre cents lances vers Soubise[109]; dans la région située aux environs de cette forteresse, ils délogent les Bretons à la solde du roi de France d’un certain nombre de petites places et d’églises fortifiées.—Sur les marches de l’Anjou, du Berry et de l’Auvergne se tient alors un corps d’armée français composé de plus de trois mille lances sous les ordres de Bertrand du Guesclin[110], connétable de France, des ducs de Berry et de Bourbon accompagnés du comte d’Alençon, du dauphin d’Auvergne, de Louis de Sancerre, d’Olivier, seigneur de Clisson, de Jean, vicomte de Rohan, de Gui, seigneur de Laval, de Jean, seigneur de Beaumanoir, et d’une foule d’autres grands seigneurs. Ce corps d’armée s’empare successivement de Montmorillon[111], de Chauvigny[112] et de Lussac[113]. Une fois maîtres de ces trois places, les Français contournent Poitiers et viennent mettre le siège devant le château de Moncontour[114] dont la garnison, composée de soixante compagnons pleins d’audace et commandée par Jean Cressewell et David Holegrave, tient sous sa merci les marches d’Anjou et de Touraine. P. 50, 51, 302 à 304.

Bertrand du Guesclin, Louis II, duc de Bourbon, Pierre, comte d’Alençon, et Olivier, seigneur de Clisson, après six jours de siège pendant lesquels ils ont fait combler les fossés avec des troncs d’arbres et des fascines, montent à l’assaut de la forteresse. Jean Cressewell et David Holegrave parviennent à repousser cet assaut; mais craignant d’être mis à mort par Bertrand, s’ils prolongent la résistance, ils prennent le parti de se rendre, à la condition d’avoir la vie sauve et d’emporter l’or ou l’argent qu’ils possèdent. Une fois maître du château de Moncontour, le connétable de France en fait réparer les fortifications et y met garnison. P. 51 à 53, 304 et 305.

Jean Devereux, sénéchal de la Rochelle, laisse cette place sous la garde d’un écuyer nommé Philippot Mansel et va, à la tête de cinquante lances, renforcer la garnison de Poitiers. Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, quitte également le captal de Buch, en compagnie duquel il vient de faire une expédition du côté de Soubise, et court avec une compagnie de cinquante hommes d’armes s’enfermer dans Poitiers. Après la reddition de Moncontour, Bertrand du Guesclin[115] opère sa jonction avec Jean, duc de Berry; leurs forces réunies s’élèvent à quatre mille hommes d’armes. Bertrand et le duc mettent le siège devant Sainte-Sévère[116], petite place appartenant à Jean Devereux et dont la garnison a pour chefs Guillaume de Percy, Richard Gilles et Richard Holme. A cette nouvelle, Jean Devereux et Thomas de Percy quittent Poitiers pour aller porter secours à la garnison de Sainte-Sévère; en chemin, ils rencontrent Jean de Grailly, captal de Buch, auquel ils persuadent d’appeler sous les armes tous les chevaliers et écuyers du Poitou comme de la Saintonge, pour contraindre les Français à lever le siège de Sainte-Sévère. Le corps d’armée ainsi réuni se compose de neuf cents lances et de cinq cents archers, parmi lesquels on remarque le seigneur de Parthenay, Louis de Harcourt, Hugues de Vivonne, Perceval de Coulonges, Aimeri de Rochechouart, Jacques de Surgères, Geoffroi d’Argenton, les seigneurs de Cousan, de Roussillon et de «Crupegnach», Jean d’Angle et Guillaume de Montendre. Ce corps d’armée occupe l’abbaye de Charroux[117], sur les marches du Limousin. P. 53 à 57, 303 à 307.

Bertrand du Guesclin, connétable, et Louis de Sancerre, maréchal de France, font donner l’assaut à la forteresse de Sainte-Sévère. Les ducs de Berry, de Bourbon et le comte dauphin d’Auvergne s’avancent jusqu’aux fossés de la place et encouragent par leur exemple les assaillants, parmi lesquels on ne compte pas moins de quarante-neuf chevaliers bannerets. Guillaume de Percy, Richard Gilles et Richard Holme, capitaines de la garnison, ignorant que le corps d’armée qui vient leur apporter du secours est arrivé à moins de dix lieues de Sainte-Sévère, ouvrent les portes de cette forteresse[118] aux assiégeants, à la condition qu’on leur laissera la vie sauve. Informé de l’approche des Anglais, Bertrand tient ses troupes rangées en bataille jusqu’au soir; mais le captal de Buch, Thomas de Percy et Jean Devereux, ayant reçu sur ces entrefaites la nouvelle de la reddition de Sainte-Sévère, jugent inutile d’aller plus avant et jurent de tenir la campagne jusqu’à ce qu’ils aient réussi à prendre leur revanche. P. 58 à 60, 307.

Les habitants de Poitiers sont divisés en deux partis. Le commun, les gens d’Église et plusieurs riches bourgeois sont d’avis d’appeler les Français, tandis que Jean Renaud, maire de la ville, les fonctionnaires nommés par le prince de Galles et quelques-uns des plus puissants personnages de la bourgeoisie veulent rester Anglais; les premiers invitent Du Guesclin à venir prendre possession de Poitiers, promettant de lui en ouvrir les portes. Le connétable, qui se tient alors en Limousin, se met à la tête de trois cents hommes d’armes, tous gens d’élite et bien montés, avec lesquels, en une demi-journée et en une nuit, il franchit une distance de trente lieues qui le sépare de Poitiers. Le maire de cette ville adresse, de son côté, un appel analogue à Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, qui, sur le conseil du captal de Buch, envoie Jean d’Angle avec une compagnie de cent lances prêter main-forte au maire ainsi qu’aux bourgeois partisans des Anglais. Arrivé à une lieue de Poitiers, Jean d’Angle apprend que le connétable de France a pris possession de cette ville[119] et retourne vers Thomas de Percy. P. 60 à 62, 307.

Découragés par la nouvelle de la prise de Poitiers, les principaux chefs qui composent le corps d’armée du captal de Buch estiment que ce qu’ils ont de mieux à faire, c’est de se séparer afin que chacun aille tenir garnison dans la forteresse confiée à sa garde; lorsqu’une occasion favorable se présentera de se remettre en campagne, ils se le feront savoir les uns aux autres. En attendant, les Poitevins prennent le chemin de Thouars, les Anglo-Gascons se dirigent vers Saint-Jean-d’Angely et les Anglais vers Niort. Les manants de cette dernière ville veulent en refuser l’entrée aux nouveaux arrivants, mais les Anglais emportent d’assaut la place, qu’ils mettent au pillage après en avoir massacré les défenseurs. P. 62 à 64.

D. Enrique, roi de Castille, accueille favorablement la demande de Charles V transmise par Owen de Galles. Par l’ordre de ce prince, D. Radigo le Roux[120], grand amiral de Castille, réunit une flotte composée de quarante gros navires, de huit galées et de treize barges, et va jeter l’ancre devant la ville de la Rochelle qu’il soumet à un étroit blocus. Le château de cette ville est toujours occupé par une garnison anglaise, et la crainte de s’exposer aux représailles de cette garnison empêche seule les bourgeois, qui sont Français de cœur, de se soumettre au roi de France; ils conviennent avec les Espagnols de s’abstenir, pendant la durée du blocus, de tout acte d’hostilité les uns envers les autres.—A peine maître de Poitiers, Bertrand du Guesclin envoie trois cents hommes d’armes bretons et picards sous les ordres de Renaud, seigneur de Pons et de Thibaud du Pont, mettre le siège devant le château de Soubise. La dame de Soubise fait demander du secours au captal de Buch qui tient alors garnison à Saint-Jean-d’Angely. Jean de Grailly concentre dans cette dernière ville des détachements des garnisons anglaises de Saintes, d’Angoulême, de Niort et de Lusignan pour aller renforcer la dame de Soubise et obliger le seigneur de Pons à lever le siège de cette place. Informé de ces préparatifs, Owen de Galles, embarqué sur un des navires de la flotte espagnole[121] à l’ancre devant la Rochelle, va s’embosser à l’embouchure de la Charente en face du château de Soubise[122] avec treize barges montées par quatre cents armures de fer. P. 64 à 67, 307, 308.

Le captal de Buch, apprenant que le seigneur de Pons n’a pas plus de cent lances devant Soubise, renvoie la moitié de ses gens et ne garde que deux cents lances; il réussit à surprendre les assiégeants, les met en déroute et fait prisonniers le seigneur de Pons et Thibaud du Pont; mais il se laisse à son tour surprendre par Owen de Galles, les frères Jacques et Morelet de Montmor[123], qui taillent en pièces les Anglais. Le captal de Buch est pris par un écuyer picard de la compagnie d’Owen de Galles, nommé Pierre d’Auvillers[124], et Thomas de Percy, sénéchal de Poitou, par le chapelain gallois d’Owen, nommé David House[125]. Henri Hay, sénéchal d’Angoulême, Maurice Wis, homme d’armes de la garnison de Lusignan, sont également faits prisonniers. Gautier Hewet et Petiton de Curton, capitaines de Lusignan, Guillaume de Faringdon, capitaine de Saintes, Jean Cressewell, l’un des capitaines de Niort, se sauvent à grand’peine au moyen d’une planche que leur jettent les assiégés pour traverser le fossé et d’une poterne par laquelle ils parviennent à se réfugier dans la forteresse de Soubise. P. 67 à 69, 308.

Le lendemain de ce combat livré dans la saison d’été, au mois d’août[126], par une nuit fort obscure et pendant la décroissance de la lune[127], Owen de Galles fait donner l’assaut au château. La dame de Soubise consulte les capitaines anglais qui, jugeant la résistance impossible, se décident à entrer en négociations avec les assiégeants et se font délivrer des sauf-conduits pour se retirer en Poitou et en Saintonge. D’après leur conseil, la châtelaine rend sa forteresse aux vainqueurs et rentre sous l’obéissance du roi de France. Après ce succès, Owen de Galles, qui ne veut se dessaisir du captal son prisonnier[128] que sur l’ordre exprès de Charles V, regagne le gros de la flotte ancrée devant la Rochelle, dont les Français et les Espagnols continuent le blocus. P. 69 à 71, 308.

Encouragée par ce succès, une troupe de Bretons et de Poitevins, forte de cinq cents hommes d’armes et placée sous les ordres de Renaud, seigneur de Pons, d’Olivier, seigneur de Clisson, de Jean, vicomte de Rohan, de Gui, seigneur de Laval, de Jean, seigneur de Beaumanoir, et de Thibaud du Pont, s’empare successivement d’Angoulême[129], de Saint-Jean-d’Angely[130], de Taillebourg[131], et va mettre le siège devant la cité de Saintes. Guillaume de Faringdon, sénéchal de Saintonge, se met en mesure d’opposer une vigoureuse résistance aux assiégeants; mais les bourgeois de Saintes, sur le conseil de leur évêque, partisan du roi de France[132], menacent de tuer Guillaume s’il ne les laisse conclure un arrangement avec les Français; le sénéchal y consent à la condition qu’on ne le fera point figurer dans l’acte de capitulation. P. 71 à 73, 308.

Le jour même où les vainqueurs font leur entrée dans la cité de Saintes[133], Guillaume de Faringdon et ses gens prennent le chemin de Bordeaux. Après s’être reposés trois jours, les Français se dirigent vers la forteresse de Pons, restée anglaise, quoique Renaud, qui en est le seigneur, se soit rallié au roi de France, et défendue par une garnison dont Amanieu du Bourg est capitaine. Cette place se rend sans résistance sous la seule condition que le capitaine Amanieu et tous ceux qui voudront rester Anglais pourront se retirer à Bordeaux. Renaud, seigneur de Pons, qui s’était promis de faire trancher la tête à soixante de ses gens pour les punir de leur désobéissance, leur pardonne à la prière du seigneur de Clisson. P. 74, 75, 308.

Les habitants de la Rochelle, qui ont noué des intelligences avec Owen de Galles et aussi avec Bertrand du Guesclin, dès lors maître de Poitiers, voudraient bien se tourner français, mais ils sont retenus par la crainte de la garnison anglaise qui occupe leur château. Pendant l’absence du capitaine Jean Devereux, parti de la Rochelle pour répondre à l’appel du maire de Poitiers, cette garnison est commandée par un écuyer nommé Philippot Mansel[134], homme d’armes d’une grande bravoure, mais d’une intelligence très bornée. Voici la ruse qu’imagine Jean Chauderier, maire de la Rochelle[135], pour s’emparer du château et en expulser les Anglais. Un jour, il invite à dîner Philippot Mansel et feint pendant le repas d’avoir reçu une lettre du roi d’Angleterre lui ordonnant de passer en revue les soudoyers de la garnison, qui sont au nombre de soixante, et de payer leurs gages échus depuis trois mois. Le lendemain, pendant que le maire passe en revue ces soudoyers sur une des places de la Rochelle, deux mille bourgeois armés leur coupent la retraite et se rendent maîtres du château resté sans défense. Les Anglais sont arrêtés, désarmés et enfermés deux par deux en divers endroits de la ville. P. 75 à 80, 308.

Les ducs de Berry, de Bourbon et de Bourgogne, qui s’étaient tenus très longuement sur les marches de l’Auvergne et du Limousin[136] à la tête de deux mille lances, lorsqu’ils apprennent que les habitants de la Rochelle ont chassé les Anglais, se dirigent vers Poitiers, où ils vont rejoindre le connétable de France. Chemin faisant, ils s’emparent des châteaux de Saint-Maixent[137], de Melle et de Civray. P. 80, 81, 309.

De Poitiers où ils se tiennent[138], les trois ducs de Berry, de Bourgogne, de Bourbon et le connétable de France envoient des messagers à la Rochelle s’enquérir des dispositions des bourgeois de cette ville; ceux-ci font savoir qu’ils sont et seront bons Français, pourvu que Charles V fasse droit à leurs demandes, mais qu’en attendant ils prient le duc de Berry et le connétable Bertrand de se tenir et de tenir leurs gens d’armes éloignés de la Rochelle. Ils envoient douze d’entre eux à Paris exposer au roi de France leurs conditions; ils exigent: 1o le rasement du château[139]; 2o la réunion irrévocable de leur ville au domaine de la Couronne; 3o la création d’un hôtel des monnaies à la Rochelle; 4o l’exemption de toute taille, gabelle, louage, subside, aide ou imposition qui n’aurait pas été levée avec leur assentiment; 5o une sentence du pape les relevant du serment de fidélité qu’ils avaient prêté au roi d’Angleterre. Charles V, qui estime que la Rochelle est de toutes les villes de cette partie de son royaume celle dont la possession lui importe le plus, accorde aux députés des Rochellais tout ce qu’ils lui demandent[140]; il les comble même de cadeaux et de joyaux qu’il les charge d’offrir de sa part à leurs femmes. P. 81 à 83, 309.

Les bourgeois de la Rochelle s’empressent de raser leur château[141], dont ils ne laissent pas pierre sur pierre et dont ils emploient les débris au pavage de leurs rues; cela fait, ils informent le duc de Berry qu’ils sont tout prêts à le recevoir au nom du roi de France. Par l’ordre du duc, Bertrand du Guesclin part de Poitiers avec une compagnie de cent lances et va prendre possession de la Rochelle[142]. Après cette prise de possession, Radigo le Roux, amiral de Castille, et ses marins, ayant reçu le payement de leurs gages[143], lèvent l’ancre et reprennent le chemin de l’Espagne. Quant à Owen de Galles, il se dirige vers Paris, où il amène au roi le captal de Buch[144]. Charles V fait le meilleur accueil à Jean de Grailly, qu’il espère attirer dans son parti; mais le captal reste insensible à ces avances; il offre seulement de se racheter en payant cinq ou six fois plus que son revenu annuel. Le roi de France, à son tour, repousse cette offre et tient son prisonnier enfermé au château du Louvre. P. 83 à 85, 309.

Les châteaux de Marans, de Surgères, de Fontenay-le-Comte sont toujours occupés par les Anglais, qui font des incursions jusqu’aux portes de la Rochelle. Après avoir réuni sous leurs ordres un corps d’armée de deux mille lances, les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, le connétable et les maréchaux de France, Béraud, dauphin d’Auvergne, et Louis, seigneur de Sully, quittent Poitiers[145] et vont mettre le siège devant le château de Benon[146]. Guillonet de Pau[147], écuyer d’honneur du comte de Foix, et un chevalier napolitain connu sous le nom de «messire Jacques» ont été mis par le captal à la tête de la garnison de ce château. Les Français livrent sans résultat deux ou trois assauts. Vers le milieu de la nuit, un détachement de la garnison anglaise de Surgères[148] tombe à l’improviste dans le camp des assiégeants et tue un écuyer d’honneur[149] du connétable de France. Furieux de la mort de cet écuyer, Bertrand du Guesclin emporte d’assaut le château de Benon, dont il fait passer la garnison au fil de l’épée. P. 85 à 87, 309.

Les Français assiègent ensuite le château de Marans[150], situé à quatre lieues de la Rochelle et où des Allemands tiennent garnison sous les ordres d’un certain Wisebare. Ces Allemands, craignant qu’on ne les traite comme les soudoyers de Benon, s’empressent de rendre leur forteresse et s’enrôlent au service du roi de France à la seule condition qu’ils seront payés de leurs gages. Arrivé devant Surgères[151], le connétable trouve ce château complètement vide; la garnison s’est enfuie à son approche. Il l’occupe et chevauche vers Fontenay-le-Comte[152], où la femme[153] de Jean Harpedenne dirige la résistance. P. 87, 88, 309.

Les assiégés ont des vivres et des munitions en abondance, mais ils savent qu’aucun secours ne peut leur être porté avant trois ou quatre mois[154]; et comme en outre on les menace de ne leur faire aucun quartier s’ils prolongent la défense, ils prennent le parti de se rendre[155]. Le connétable leur permet d’emporter tout ce qu’ils possèdent et de se retirer avec leur dame à Thouars, où tous les chevaliers du Poitou, partisans des Anglais, ont cherché un refuge. Les Français confient la garde de la forteresse de Fontenay-le-Comte à Renaud «de Lazi»[156] et retournent à Poitiers. P. 88, 89, 309.

Après s’être reposés quatre jours à Poitiers, les seigneurs de France vont mettre le siège devant Thouars[157] avec trois mille lances, chevaliers et écuyers, et quatre mille fantassins y compris les Génois. La place est trop forte et trop bien défendue pour être prise d’assaut; aussi, les assiégeants se contentent de la bloquer, espérant en avoir raison par la famine. Les principaux défenseurs de Thouars sont Louis de Harcourt[158], le seigneur de Parthenay[159], le seigneur de Thors[160], Hugues de Vivonne, Aimeri de Rochechouart, Perceval de Coulonges, Regnault de Thouars, le seigneur de Roussillon[161], Guillaume de «Crupegnach[162]», Geoffroi d’Argenton, Jacques de Surgères, Jean d’Angle, Guillaume de Montendre et Mauburni de Lignières. D’après le conseil de Perceval de Coulonges, les assiégés concluent, après quinze jours de pourparlers, une trêve avec les assiégeants. En vertu de cette trêve qui doit durer jusqu’au jour Saint-Michel[163] suivant, les défenseurs de Thouars s’engagent à rendre cette place et à se mettre en l’obéissance du roi de France si Édouard III ou l’un de ses fils ne vient pas dans l’intervalle contraindre les Français à lever le siège. En prévision de cette éventualité, Charles V profite de la trêve pour envoyer des renforts considérables aux assiégeants. P. 89 à 93, 310.

Les seigneurs poitevins enfermés dans Thouars dépêchent des messagers en Angleterre pour solliciter l’envoi d’une armée de secours. Édouard III s’empresse de réunir cette armée[164] dont Édouard, prince de Galles, veut faire partie malgré le mauvais état de sa santé, et qui s’élève à quatre mille hommes d’armes et à dix mille archers. Le roi anglais, prévoyant le cas où il viendrait à mourir pendant le cours de l’expédition, institue son héritier Richard[165], fils aîné du prince de Galles, et fait jurer à ses trois fils, Jean, duc de Lancastre[166], Edmond[167] et Thomas[168], de le reconnaître comme tel. Il s’embarque à Southampton[169], où il a réuni une flotte de quatre cents vaisseaux pour le transport de ses troupes, et cingle vers les côtes de Poitou; mais des vents contraires le retiennent sur mer pendant neuf semaines[170] et soufflent avec une telle violence qu’il ne peut aborder ni en Poitou, ni en Rochellois[171], ni en Saintonge. Le terme de Saint-Michel fixé pour l’expiration de la trêve[172] vient à échoir sur ces entrefaites, et force est à Édouard III de regagner les côtes d’Angleterre sans avoir porté le moindre secours à ses gens d’armes assiégés dans Thouars[173]. A peine les Anglais sont-ils descendus de leurs vaisseaux qu’un vent favorable commence à souffler[174] et permet à deux cents navires qui vont charger des vins en Guyenne d’entrer dans le havre de Bordeaux, et l’on en conclut que Dieu favorise le roi de France. P. 93 à 96, 310.

Informé des conditions de la trêve et du message transmis au roi son maître par les Poitevins assiégés dans Thouars, Thomas de Felton, sénéchal de Bordeaux[175], s’empresse de réunir, de son côté, un petit corps d’armée pour leur porter secours. En passant par Niort, ce corps d’armée se grossit d’une partie des hommes d’armes de la garnison de cette place et aussi de quelques seigneurs tels que Aimeri de Rochechouart, Geoffroi d’Argenton, Mauburni de Lignières et Guillaume de Montendre, qui ont mieux aimé quitter Thouars que de signer la trêve conclue avec les assiégeants. Thomas de Felton se trouve ainsi à la tête de douze cents lances et n’attend que l’arrivée d’Édouard III pour joindre ses forces à celles du roi d’Angleterre. Charles V, qui n’ignore pas les préparatifs des Anglais, a mis sur pied, pour tenir tête à ses adversaires, une armée considérable où l’on ne compte pas moins de quinze mille hommes d’armes et de trente mille fantassins[176]. Il n’en éprouve pas moins la joie la plus vive lorsqu’il apprend que le terme de la Saint-Michel est échu et la trêve expirée sans que l’on ait eu des nouvelles du roi d’Angleterre. P. 96 à 98, 310, 311.

Les douze cents Anglais et Anglo-Gascons, rassemblés à Niort, voyant approcher le terme de Saint-Michel sans qu’il arrive aucun renfort du roi d’Angleterre ou de l’un de ses fils, proposent aux gentilshommes assiégés dans Thouars de faire une sortie pour se joindre à eux et offrir la bataille aux Français. Le seigneur de Parthenay est d’avis d’accepter cette proposition et déclare que son intention est de rester attaché, quoi qu’il arrive, au parti anglais; mais les seigneurs de Poyanne et de Tonnay-Boutonne parviennent à le convaincre que l’on ne peut accepter l’offre transmise par les messagers envoyés de Niort et que l’honneur commande aux assiégés de tenir les engagements pris avec les Français. C’est pourquoi, au terme fixé, les seigneurs poitevins de la garnison de Thouars invitent les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon ainsi que le connétable de France à venir prendre possession de la forteresse qu’ils occupent et se remettent sous l’obéissance du roi de France[177]. P. 98 à 101, 311.

Toutes les places du Poitou reconnaissent l’autorité du roi de France, sauf Niort, Chizé[178], Mortagne[179], Mortemer[180], Lusignan[181], Château-Larcher[182], la Roche-sur-Yon, Gençay[183], la Tour de Broue[184], Merpins[185], Dienné[186]. Après la prise de possession de Thouars, les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon se dirigent vers Paris, et le connétable de France retourne à Poitiers[187]. Quant à Olivier, seigneur de Clisson, il va mettre le siège devant Mortagne[188] avec tous les hommes d’armes bretons de sa compagnie. Un écuyer anglais nommé Jacques Clerch, capitaine de la garnison de Mortagne, envoie demander du secours aux Anglais et aux Anglo-Gascons qui tiennent garnison à Niort. Ceux-ci répondent à l’appel de Jacques par l’envoi d’un détachement de cinq cents lances; mais Olivier, averti à temps par un de ses espions, lève précipitamment le siège et regagne Poitiers, laissant entre les mains de l’ennemi son matériel de campement et ses provisions qui servent à ravitailler la garnison de Mortagne. P. 101 à 103, 311.

Aux approches de l’hiver, les Anglais ou Anglo-Gascons qui étaient venus à Niort pour essayer de faire lever le siège de Thouars, prennent le parti de retourner à Bordeaux; chemin faisant, ils mettent au pillage les possessions du seigneur de Parthenay. Jean Devereux, chevalier anglais, Jean Cressewell et Daghori Seys continuent de tenir garnison à Niort,—Robert Grenacre, chevalier anglais, à la Roche-sur-Yon,—Thomas de Saint-Quentin, à Lusignan,—la dame de Mortemer, à Mortemer,—Jacques Taylor, écuyer anglais, à Gençay,—Robert Morton et Martin Scott à Chizé. Ces capitaines font des courses de côté et d’autre et rançonnent tellement le plat pays qu’ils font place nette partout où ils passent. Bertrand du Guesclin, qui se tient à Poitiers pendant tout cet hiver, n’attend que le retour de la belle saison pour faire rendre gorge aux Anglais et les expulser des places qui leur restent. P. 104, 311.

Jean de Montfort, duc de Bretagne, fait de vains efforts pour attirer les prélats, les barons et les bonnes villes de son duché dans le parti du roi d’Angleterre[189]; celui-ci envoie quatre cents hommes d’armes et quatre cents archers tenir garnison à Saint-Mathieu[190] en Bretagne. P. 104 à 107, 311.

Au retour de la belle saison, Bertrand du Guesclin[191] met le siège devant Chizé[192]. Robert Morton et Martin Scott, chefs des assiégés, appellent à leur secours les Anglais de Niort. Devereux[193], Daghori Seys et Cressewell qui commandent ces Anglais, renforcés par les garnisons de Lusignan et de Gençay[194], réunissent sous leurs ordres sept cents hommes d’armes et marchent contre le connétable de France; mais au moment où les assiégés, qui ne sont que soixante armures de fer, vont recevoir ce secours, ils font une sortie et sont écrasés par les Français. P. 107 à 110, 311.

Robert Morton et Martin Scott sont faits prisonniers. Trois cents pillards, Bretons et Poitevins, que les Anglais ont lancés en avant pour attirer les Français hors de leurs retranchements, passent dans les rangs de ces derniers. Du Guesclin fait scier à ras de terre les palissades qui entourent son camp et attaque les Anglais après avoir formé trois corps de bataille; il commande celui du milieu et met ses deux ailes sous les ordres d’Alain de Beaumont et de Geoffroi de Kerimel; chacun des trois corps ne compte pas moins de trois cents hommes d’armes. Geoffroi Richou, Éven de Lacouet, Thibaud du Pont, Silvestre Budes et Alain de Saint-Pol font dans cette journée des prodiges de valeur. Les Anglais, de leur côté, déploient une grande bravoure et remportent quelque temps l’avantage; mais enfin la victoire reste aux Bretons, qui font trois cents prisonniers. P. 111 à 114, 312.

Cette défaite achève de ruiner la domination anglaise en Poitou; elle est suivie de la reddition immédiate de la ville et du château de Chizé[195]. Bertrand du Guesclin se rend ensuite à Niort[196], dont il prend possession au nom du roi de France et où il fait reposer ses troupes pendant quatre jours. Puis, il chevauche vers le beau château de Lusignan[197] d’où la garnison anglaise qui l’occupait a décampé aussitôt qu’elle a appris que son capitaine Robert Grenacre avait été fait prisonnier à Chizé. Le connétable de France confie la garde de ce château à un certain nombre de gens d’armes placés sous les ordres d’un châtelain et se dirige vers Château-Larcher[198], défendu par la dame de Pleumartin[199], mariée à Guichard d’Angle. Arrivé sur ces entrefaites à Poitiers, le duc de Berry y reçoit avec une grande joie la nouvelle de la victoire de Chizé. P. 114, 115, 312.

La dame de Pleumartin sollicite et obtient de Bertrand du Guesclin un sauf-conduit pour se rendre à Poitiers auprès du duc de Berry. En l’absence de Guichard d’Angle son mari, prisonnier en Espagne de D. Enrique, roi de Castille, elle prie le duc de la considérer comme une veuve restée sans défense et de ne point lui faire la guerre, promettant que de son côté elle s’abstiendra de tout acte d’hostilité. Le duc accueille favorablement sa supplique et transmet au connétable des ordres en conséquence. Du Guesclin et ses gens vont ensuite assiéger le château de Mortemer[200] que rend la dame du lieu, ainsi que toute sa terre et le château de Dienné[201]. Il ne reste plus en Poitou de garnisons anglaises qu’à Mortagne[202], à Merpins[203] et à la Tour de Broue[204]; la Roche-sur-Yon, que les Anglais occupent encore, est sur les marches et du ressort d’Anjou. P. 115 à 117, 312.

CHAPITRE C

1373, fin d’avril, mai et juin. EXPÉDITION DE LOUIS, DUC DE BOURBON, ET DE BERTRAND DU GUESCLIN EN BRETAGNE; DÉPART DE JEAN DE MONTFORT POUR L’ANGLETERRE; OCCUPATION DE RENNES, DE DINAN, DE SAINT-MALO, DE VANNES ET D’UN CERTAIN NOMBRE DE PLACES DE MOINDRE IMPORTANCE; PRISE D’HENNEBONT; SIÈGES DE LA ROCHE-SUR-YON, DE DERVAL ET DE BREST; OCCUPATION DE NANTES; GRANDS PRÉPARATIFS EN ANGLETERRE DES DUCS DE LANCASTRE ET DE BRETAGNE POUR ENVAHIR LA FRANCE A LA TÊTE D’UNE ARMÉE CONSIDÉRABLE; PRISE DE CONQ PAR L’ARMÉE FRANCO-BRETONNE.6 juillet. TRAITÉ DE CAPITULATION DE BREST ET LEVÉE DU SIÈGE DE CETTE PLACE PAR LES FRANCO-BRETONS QUI VONT RENFORCER LES GENS D’ARMES CAMPÉS DEVANT DERVAL.Fin de juillet. DÉBARQUEMENT A CALAIS DE L’ARMÉE RASSEMBLÉE PAR LES DUCS DE LANCASTRE ET DE BRETAGNE.Du 4 août au 8 septembre. MARCHE ET OPÉRATIONS DE CETTE ARMÉE A TRAVERS L’ARTOIS, LA PICARDIE, LE VERMANDOIS ET LE SOISSONNAIS; COMBAT DE RIBEMONT.9 septembre. COMBAT D’OULCHY.29 septembre. EXÉCUTION DEVANT DERVAL PAR LE DUC D’ANJOU DES OTAGES LIVRÉS NAGUÈRE AUX FRANCO-BRETONS EN VERTU DU TRAITÉ DE CAPITULATION DE CETTE PLACE, AUQUEL ROBERT KNOLLES A REFUSÉ DE SOUSCRIRE.10 septembre. ARRIVÉE A PARIS DU DUC D’ANJOU, DE DU GUESCLIN ET DE CLISSON, QUI ASSISTENT A UN GRAND CONSEIL DE GUERRE TENU PAR CHARLES V ET Y DONNENT LEUR AVIS.—(1375, 16 avril. MORT DU COMTE DE PEMBROKE, PRISONNIER DU ROI DE CASTILLE, LIVRÉ PAR LE DIT ROI A DU GUESCLIN EN PAYMENT D’UNE SOMME DE 120 000 FRANCS DUE POUR LE COMTÉ DE SORIA RACHETÉ PAR D. ENRIQUE DE TRASTAMAR; RACHAT PAR CE MÊME ROI DU COMTÉ D’AGREDA MOYENNANT LA CESSION D’UN AUTRE DE SES PRISONNIERS, GUICHARD D’ANGLE, A OLIVIER DE MAUNY.)—1373, du 11 au 26 septembre. LES ANGLAIS EN CHAMPAGNE; ARRIVÉE DES LÉGATS DU PAPE A TROYES; ÉCHEC SUBI SOUS LES MURS DE CETTE VILLE PAR LES ENVAHISSEURS.Du 26 septembre au 25 décembre. MARCHE PÉNIBLE ET MEURTRIÈRE DE L’ARMÉE DU DUC DE LANCASTRE A TRAVERS LA BOURGOGNE, LE NIVERNAIS, LE BOURBONNAIS, L’AUVERGNE, LE LIMOUSIN ET LE PÉRIGORD; ARRIVÉE A BORDEAUX (§§ 723 à 748).

Un corps d’armée d’environ dix mille hommes à la solde du roi de France met le siège devant la forteresse de Bécherel[205] où les Anglais tiennent garnison. Noms des principaux seigneurs de Normandie et de Bretagne qui composent ce corps d’armée. Du Guesclin ayant reconquis presque entièrement le Poitou, va rejoindre à Poitiers les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon; il donne congé à ses gens d’armes dont la plupart, surtout les Bretons et les Normands, vont renforcer le siège de Bécherel. La garnison de cette place a pour capitaines deux chevaliers anglais, Jean Appert et Jean de Cornouaille. Les Anglais tiennent également la forteresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie, dont le capitaine est, depuis la mort de Jean Chandos[206], Alain de Buxhull. Celui-ci a pour lieutenant Thomas de Catterton. Les trois ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, Bertrand du Guesclin et Olivier, seigneur de Clisson, quittent le Poitou et retournent à Paris, où le roi Charles V et le duc d’Anjou son frère les accueillent avec de grandes démonstrations de joie. Par l’entremise de Guillaume de Dormans et du comte de Saarbruck, une paix[207] est conclue entre Charles V et Charles, roi de Navarre, qui se tient alors à Cherbourg. Le connétable de France se rend à Caen au-devant du roi de Navarre et lui fait escorte jusqu’à Paris; Louis, duc d’Anjou, qui ne veut pas se rencontrer avec le Navarrais, va visiter sa terre de Guise en Thiérache. Charles le Mauvais passe une douzaine de jours à la cour du roi de France, qui comble son beau-frère d’attentions et de cadeaux. Le roi de Navarre consent à laisser auprès de Charles V ses deux fils Charles et Pierre[208], qui doivent partager l’éducation du dauphin Charles, fils aîné du roi de France, et de Charles d’Albret, et l’on verra qu’il eut lieu de se repentir par la suite de cette résolution. P. 117 à 120, 312.

Le roi de Navarre, après avoir visité le château, les tours et les hautes murailles que Charles V fait construire au bois de Vincennes, prend congé du roi de France et se dirige vers Montpellier[209] dont la baronnie lui appartient.—Sur ces entrefaites, David Bruce, roi d’Écosse, meurt dans une abbaye située près d’Édimbourg, et on l’enterre auprès du roi Robert son père à l’abbaye de Dunfermline[210]; il a pour successeur son neveu Robert Bruce, auparavant sénéchal d’Écosse. Robert manque de bravoure personnelle, mais il a onze beaux-fils, tous bons hommes d’armes; Guillaume, comte de Douglas, et Archibald Douglas, que David Bruce avait poursuivis de sa haine, rentrent en grâce auprès du nouveau roi. Les trêves, conclues entre les deux royaumes d’Angleterre et d’Écosse, doivent encore durer quatre ans; les chevaliers et les écuyers des deux pays observent ces trêves, mais les vilains de la frontière se font un jeu de les violer et ne cessent de se combattre, de se piller les uns les autres. P. 120 à 121, 312.

Édouard ne tarde pas à apprendre que le Poitou, la Saintonge et le pays de la Rochelle sont perdus pour lui; il sait en outre que les Français sont maîtres de la mer et que leur flotte, composée de cent vingt gros vaisseaux[211] et placée sous les ordres d’Owen de Galles[212], de Radigo le Roux[213] amiral de D. Enrique, roi de Castille, de Jean de Rye[214] et de Jean de Vienne[215], menace les côtes d’Angleterre. Il se décide alors à envoyer en France un corps d’armée de deux mille hommes d’armes et de deux mille archers, dont il donne le commandement au comte de Salisbury[216], à Guillaume de Nevill[217] et à Philippe de Courtenay[218]. Ce corps d’armée s’embarque en Cornouaille et se dirige vers la Bretagne, dont le roi d’Angleterre veut attirer les barons dans son alliance. Les Anglais débarquent à Saint-Malo de l’Ile, où ils trouvent à l’ancre sept navires marchands de Castille[219]; ils brûlent ces navires, massacrent les équipages et prennent possession de la ville de Saint-Malo, dont ils ravagent et pillent les environs. Le bruit se répand aussitôt en Bretagne que ces Anglais ont été attirés par le duc et par Robert Knolles, et puisque Jean V livre ainsi son pays à des étrangers, beaucoup d’habitants du duché estiment qu’il a encouru la peine de déchéance. Aussi, chacun se met-il de lui-même en bon état de défense, et l’on garnit d’artillerie ainsi que de provisions les cités, les villes et les châteaux. Le duc de Bretagne se tient alors à Vannes, où sa présence inquiète plus qu’elle ne rassure les habitants de la cité et du bourg. Quant à Robert Knolles, après avoir entassé dans son château de Derval toute sorte de provisions et d’artillerie, il en confie la garde à Hue Browe et va renforcer la garnison du château de Brest, un des plus forts du monde, que commande le seigneur de Nevill[220], d’Angleterre, débarqué à Saint-Mathieu l’année précédente. P. 121 à 123, 312, 313.

Les barons et les seigneurs de Bretagne invitent Charles V à envoyer un corps d’armée prendre possession du duché et à le confisquer pour crime de forfaiture avant que les Anglais aient eu le temps d’établir partout des garnisons. Le roi de France s’empresse de répondre à l’appel de ses partisans et charge Bertrand du Guesclin de diriger l’expédition. Le connétable réunit à Angers[221] un corps d’armée de quatre mille lances et de dix mille gens de pied[222] et chevauche vers la Bretagne. Louis, duc de Bourbon, Pierre, comte d’Alençon, Robert d’Alençon, comte du Perche, Béraud, comte dauphin d’Auvergne, Jean, comte de Boulogne, Bernard, comte de Ventadour, Bouchard, comte de Vendôme, Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, Jean, seigneur de Beaumanoir, Gui, seigneur de Rochefort, tous les barons de Bretagne en général font partie de ce corps d’armée. A la nouvelle de l’approche des Français, le duc de Bretagne, se voyant abandonné par ses propres sujets, quitte précipitamment Vannes et se rend au château d’Auray, où il passe six jours. Puis, laissant dans ce château la duchesse sa femme sous la garde d’un chevalier nommé Jean Austin[223], il gagne la forteresse de Saint-Mathieu dont la garnison refuse l’entrée au duc fugitif. Jean V, ne trouvant plus dans son duché un seul asile sûr, s’embarque à Conq[224] et cingle vers l’Angleterre. Débarqué en Cornouaille, il se rend à Windsor à la cour d’Édouard III. Il reçoit le meilleur accueil de ce prince, qui s’engage à ne conclure aucune paix avec son adversaire de France tant que Jean V n’aura point été réintégré dans son duché. Pendant son séjour en Angleterre, le duc institue Robert Knolles son lieutenant en Bretagne. P. 123 à 126, 313.

Le connétable de France et ses gens d’armes ne prennent point le chemin de Nantes, mais celui de la bonne cité de Rennes[225] et de la Bretagne bretonnante qui a toujours été plus attachée au parti du comte de Montfort que la douce Bretagne. Ils occupent successivement Rennes, Dinan[226] et Vannes, qui ouvrent leurs portes sans résistance. Après s’être reposé quatre jours dans cette dernière ville, Du Guesclin va assiéger le château de Sucinio[227], défendu par des Anglais à la solde du duc de Bretagne. Ce château est emporté d’assaut après quatre jours de siège. Le connétable fait passer la garnison au fil de l’épée et confie la garde de Sucinio à l’un de ses écuyers nommé Éven de Mailly. Il soumet à l’obéissance du roi de France Jugon[228], Coët-la-Forêt[229], la Roche-Derrien[230], Ploërmel, Josselin[231], le Faouet[232], Guingamp, Saint-Mathieu[233], Guérande[234], Quimperlé et Quimper-Corentin. Effrayés par ces succès et craignant que les flottes réunies de France et d’Espagne ne les attaquent par mer, le comte de Salisbury, Guillaume de Nevill et Philippe de Courtenay, qui se tiennent à Saint-Malo, abandonnent cette place après l’avoir brûlée et livrée au pillage, pour aller se mettre en sûreté dans le château de Brest, défendu par le seigneur de Nevill et Robert Knolles. Dans le trajet de Saint-Malo à Brest, ils mouillent pendant un jour à Hennebont[235] et jettent l’ancre dans le havre de Brest au moment où Bertrand du Guesclin, qui croit les surprendre, arrive devant Saint-Malo dont il prend possession au nom du roi de France. Furieux d’avoir ainsi laissé échapper ses adversaires, le connétable va mettre le siège devant les château et ville d’Hennebont, où le comte de Salisbury vient de laisser en passant une garnison de cent vingt Anglais sous les ordres d’un écuyer nommé Thomelin West[236]. P. 126 à 129, 313.

L’armée assiégeante est forte de vingt mille combattants. Avant de monter à l’assaut, Du Guesclin s’avance jusqu’aux barrières et prévient les habitants d’Hennebont qu’ils seront tous massacrés jusqu’au dernier si un seul d’entre eux est trouvé les armes à la main dans les rangs des combattants. Se voyant réduits à eux-mêmes et se jugeant incapables de résister à des forces aussi considérables, les Anglais de la garnison sollicitent un sauf-conduit pour venir jusqu’aux barrières parlementer avec les assiégeants. A la faveur de ce sauf-conduit, Thomelin West et quatre de ses compagnons ont une entrevue avec les chefs de l’armée assiégeante et s’engagent à livrer la ville et le château d’Hennebont moyennant qu’ils auront la vie sauve et pourront se retirer à Brest avec armes et bagages. Ce fut ainsi que, sans recourir à la force des armes, le connétable réussit à s’emparer par ruse d’une place dont il n’aurait pas échangé la possession contre une somme de cent mille francs. P. 129 à 131, 313.

Du Guesclin met une garnison dans le château d’Hennebont et se dirige vers Nantes et les bords de la Loire, réduisant sous l’obéissance du roi de France tous les endroits par où il passe. En même temps, Louis, duc d’Anjou[237], rassemble toutes ses forces en vue d’une expédition projetée contre la forteresse de la Roche-sur-Yon[238], située sur les marches de son duché et occupée par les Anglais. En apprenant ces nouvelles, le comte de Salisbury et les autres Anglais qui ont quitté Saint-Malo pour venir s’enfermer dans le château de Brest, laissant ce château sous la garde de Robert Knolles, se rembarquent sur leur flotte et cinglent vers Redon et Guérande. Dans le trajet d’Hennebont à Nantes, le connétable de France met le siège devant le château de Derval[239], appartenant à Robert Knolles, qui en a confié la garde à deux frères, ses cousins, Hue et Renier Browe[240]. A ce moment, mille hommes d’armes et quatre mille archers, sous les ordres de Jean de Beuil, de Guillaume des Bordes, de Louis de Saint-Julien et d’Éven Charuel, se détachent du corps d’armée de Du Guesclin pour aller rejoindre le duc d’Anjou devant la Roche-sur-Yon. Un autre détachement, composé de mille lances et commandé par Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, les seigneurs de Léon, de Beaumanoir, de Rais, de Rieux, d’Avaugour, de Malestroit, du Pont et de Rochefort, va mettre le siège devant Brest[241] afin d’empêcher Robert Knolles de venir au secours de sa forteresse de Derval. C’est ainsi que les partisans du roi de France assiègent à la fois quatre places, les Normands Bécherel, les Bretons Brest et Derval, les Poitevins et les Angevins la Roche-sur-Yon. P. 131 à 134, 313.

Après avoir repoussé plusieurs assauts, les frères Browe, capitaines de Derval, voyant qu’ils ne peuvent informer Robert Knolles de l’extrémité où ils sont réduits, proposent à Du Guesclin un arrangement en vertu duquel ils s’engagent à rendre la place s’ils ne sont pas secourus dans un délai de quarante jours. Le connétable de France prend l’avis du duc d’Anjou, qui lui conseille d’accepter cette proposition, à la condition que les assiégés livreront des otages; les frères Browe livrent donc deux chevaliers et deux écuyers que Bertrand envoie à la Roche-sur-Yon vers le duc d’Anjou. En attendant l’expiration de la trêve de quarante jours, Du Guesclin laisse devant Derval quatre mille combattants de Bretagne, de Limousin, d’Auvergne et de Bourgogne, et chevauche vers Nantes avec cinq cents lances. P. 134, 135, 313.

A la nouvelle de l’approche du connétable de France, les bourgeois de Nantes ferment devant lui les portes de leur ville et ne consentent à le recevoir qu’à des conditions déterminées. S’ils veulent rester Français et sont bien décidés à ne laisser pénétrer aucun Anglais dans leur cité, ils ne tiennent pas moins à garder le serment de fidélité qu’ils ont prêté à Jean V, duc de Bretagne, leur seigneur immédiat. Sous ces réserves dont il reconnaît la légitimité, Du Guesclin fait son entrée dans Nantes, où il passe huit jours; le neuvième jour, il quitte cette ville et va habiter un manoir du duc de Bretagne situé dans les environs, sur le bord de la Loire, où il se tient en communication constante avec le roi de France, ainsi qu’avec les chefs des divers corps d’armée qui prennent part aux opérations, et notamment avec le duc d’Anjou qui assiège la Roche-sur-Yon. P. 135, 136, 313.

Sur les instances du duc de Bretagne réfugié à la cour d’Angleterre, Édouard III met sur pied un corps d’armée de deux mille armures de fer et de quatre mille archers. Sous les ordres de Jean, duc de Lancastre, fils du roi anglais, et du duc Jean V, ce corps d’armée doit passer la mer, débarquer au havre de Calais, envahir la France par la Picardie, s’avancer entre Seine et Loire et finalement pénétrer en Normandie et en Bretagne afin de faire lever les sièges de Bécherel, de Saint-Sauveur-le-Vicomte, de Brest et de Derval. On a préparé longtemps à l’avance le matériel de l’expédition, les voitures de transport, les moulins à main pour moudre le blé et autres grains, ainsi que les fours portatifs pour cuire le pain[242]. Trois ans auparavant, le duc de Lancastre avait déjà projeté une expédition du même genre pour laquelle les ducs de Gueldre et de Juliers avaient promis de lui fournir douze cents lances l’année même où ils livrèrent bataille au duc de Brabant; mais la mort d’Édouard, duc de Gueldre, et des embarras de tout genre survenus au duc de Juliers avaient fait obstacle à l’accomplissement de ce projet. Le roi d’Angleterre et le duc de Lancastre n’en avaient pas moins continué leurs préparatifs. Édouard III offrit alors de prendre à sa solde tous les chevaliers de Flandre, de Brabant, de Hainaut et d’Allemagne qui voudraient bien entrer à son service moyennant finance; le duc de Lancastre, de son côté, avait réussi par ce moyen à enrôler bien trois cents hommes d’armes écossais. Le rendez-vous général avait été fixé à Calais, où tous les hommes d’armes étrangers, après avoir été payés de leurs gages pour six mois, devaient attendre l’arrivée des ducs de Lancastre et de Bretagne; et cette attente fut longue, parce qu’il fallut beaucoup de temps pour transporter de Douvres à Calais les provisions et le matériel de l’expédition[243]. A la nouvelle de ces préparatifs, Charles V fait presser les opérations en Bretagne et mettre en bon état de défense les places de Picardie qu’il sait devoir être exposées les premières aux attaques de l’ennemi; en même temps, il donne des ordres pour que les habitants du plat pays transportent dans les villes fermées ce qu’ils possèdent de plus précieux et pour que l’on détruise tout ce qui pourrait tomber entre les mains des envahisseurs.—Les gens de Louis, duc d’Anjou, continuent d’assiéger la Roche-sur-Yon en l’absence de leur duc retourné à Angers. Un chevalier anglais, nommé Robert Grenacre, capitaine de la garnison de cette forteresse, s’engage à la livrer à ces gens d’armes s’il n’est pas secouru dans le délai d’un mois, à la condition que lui et ses soudoyers auront la vie sauve et pourront, moyennant un sauf-conduit, se retirer à Bordeaux avec tout ce qui leur appartient. A l’expiration du terme fixé, Grenacre n’ayant reçu aucun secours, ouvre les portes de la Roche-sur-Yon aux gens du duc d’Anjou et s’achemine en compagnie de tous les siens vers Bordeaux. P. 137 à 139, 314.

Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, Gui, seigneur de Rochefort, et Jean, seigneur de Beaumanoir, se détachent un jour avec cinq cents lances du corps d’armée qui assiège Brest et vont attaquer Conq[244], petite forteresse située sur le bord de la mer, dont la garnison a pour capitaine un chevalier anglais de l’hôtel du duc de Bretagne nommé Jean Lakyngeth[245]. Ils emportent d’assaut cette forteresse et tuent tous les Anglais qu’ils y trouvent, à l’exception du capitaine et de six hommes d’armes qu’ils retiennent prisonniers[246]; et après avoir remis en état les fortifications de Conq et y avoir établi garnison, ils retournent au siège de Brest. P. 139, 140, 314.

L’expédition contre Conq ayant amené une diversion et rendu moins étroit le blocus de Brest, un messager envoyé par les frères Browe pour informer Robert Knolles de la situation critique où se trouvent réduits les défenseurs de son château de Derval, réussit à s’introduire un soir dans la place assiégée. Knolles imagine alors de proposer aux assiégeants de leur rendre Brest s’il ne reçoit pas de secours dans le délai d’un mois. Avant de rien décider, Clisson et les autres grands seigneurs bretons veulent avoir l’avis du connétable qui se tient alors près de Nantes[247], et chargent le chevalier et les deux écuyers, porteurs de la proposition du capitaine de Brest, d’aller moyennant un sauf-conduit la soumettre à Bertrand du Guesclin. Celui-ci conseille de l’accepter, à la condition toutefois que Robert Knolles livrera de bons otages[248]. Les otages une fois livrés, Clisson et les autres barons lèvent le siège de Brest et vont rejoindre le connétable près de Nantes, en attendant le moment fixé pour la reddition de Derval et de Brest. Quant à Knolles, il s’empresse de profiter de la levée du siège pour se bouter dans son château de Derval[249], ce qui éveille à juste titre la défiance de Du Guesclin, puisqu’il était convenu avec Hue Browe, capitaine de cette forteresse, que les Anglais ne pourraient lui porter secours qu’après avoir offert la bataille aux Français et les avoir vaincus. P. 140 à 142, 314.

Avant de quitter Brest, Robert Knolles fait savoir au comte de Salisbury[250], capitaine de la flotte anglaise alors ancrée dans le port de Guérande, la teneur du traité de capitulation; aux termes de ce traité, il faut se mettre en mesure d’offrir la bataille aux Français dans le délai d’un mois si l’on ne veut être réduit, dès que ce délai sera expiré, à leur livrer la place de Brest. Le comte de Salisbury lève aussitôt l’ancre et vient mouiller en face des remparts de cette place. Ayant fait débarquer et mettre en ligne deux mille hommes d’armes et autant d’archers, il envoie prévenir Du Guesclin et Clisson qu’il les attend pour leur livrer bataille sous les murs de Brest, afin de dégager cette forteresse et de recouvrer les otages qui ont été livrés. Le connétable de France fait répondre au commandant de la flotte anglaise qu’il l’invite à marcher à sa rencontre. Le comte de Salisbury renvoie un héraut dire à Du Guesclin que lui et les siens sont des marins dépourvus de cavalerie, mais qu’ils ne demandent pas mieux que d’aller au-devant des Français si ceux-ci veulent leur prêter des chevaux. Le connétable, Clisson et les autres barons de France et de Bretagne, ayant réuni un corps d’armée de quatre mille lances et de quinze mille gens de pied, se décident à venir camper à la distance d’une journée de la forteresse de Brest, à la place même qu’occupaient les assiégeants au moment où le traité de capitulation avait été conclu; et sur le refus des Français de faire encore la moitié du chemin qui les sépare du corps d’armée anglais, le comte de Salisbury prétend qu’il leur a offert en vain la bataille et les somme[251] en conséquence de renvoyer les otages livrés par Robert Knolles. P. 142 à 146, 314.

Cela fait, les Anglais, après avoir ravitaillé le château de Brest et renforcé la garnison, se rembarquent, lèvent l’ancre et cinglent vers Saint-Mathieu; le défaut de cavalerie ne leur permet pas de marcher au secours de Derval et d’ailleurs Knolles leur a mandé qu’il n’a besoin de l’assistance de personne et se charge bien tout seul de tenir tête à ses adversaires. Le départ des Anglais rend inutile la prolongation de séjour des Français et des Bretons, qui se retirent emmenant avec eux les otages de Brest. Le connétable et les siens vont alors camper devant Derval pour tenir leur journée; mais Robert Knolles leur fait dire qu’ils n’ont que faire d’attendre la reddition du château, car il tient le traité de capitulation pour nul et non avenu, et la raison en est qu’il ne reconnaît pas à ses gens le droit de conclure un arrangement quelconque sans son assentiment. Grand est l’étonnement du connétable, du seigneur de Clisson, des barons de France et de Bretagne en recevant cette notification qu’ils se hâtent de transmettre au duc d’Anjou; celui-ci part aussitôt d’Angers et arrive devant Derval. P. 146, 147, 314.

Sur ces entrefaites, Jean, duc de Lancastre, et Jean V, duc de Bretagne, débarquent à Calais[252] avec une armée composée de trois mille hommes d’armes, de six mille archers et de deux mille autres combattants. Le connétable de cette armée est Édouard Spencer, et les maréchaux sont Thomas, comte de Warwick, et Guillaume, comte de Suffolk. Noms des principaux barons d’Angleterre qui prennent part à cette expédition. Nicolas de Tamworth est alors capitaine de la garnison de Calais. Les ducs de Lancastre et de Bretagne quittent cette ville un mercredi matin, passent devant Guines[253] où commande Jean de Harleston, devant Ardres[254] dont Jean, seigneur de Gommegnies, est capitaine, devant la Montoire[255] dont la garnison est placée sous les ordres d’un chevalier picard nommé Honnecourt; et, sans livrer assaut à cette dernière forteresse, ils se viennent loger sur les bords de la belle rivière qui court à Ausques[256] et leurs lignes se développent sur une telle largeur qu’elles s’étendent depuis Balinghem[257] jusqu’à l’abbaye de Licques[258]. Le second jour, ils contournent la ville de Saint-Omer, bien défendue par le vicomte de Meaux[259], et campent le soir sur les hauteurs de Helfaut[260]. Le troisième jour, ils passent à côté de Thérouanne[261] où les seigneurs de Sempy[262], de Brimeux[263], de Poix[264], et Lionel d’Airaines[265] commandent une garnison de deux cents lances. Ils chevauchent en trois batailles, ne faisant pas plus de trois ou quatre lieues par jour, se logeant de haut jour, se retrouvant ensemble tous les soirs et chaque corps ou bataille ayant toujours soin de rester en contact avec les deux autres. Les maréchaux commandent le premier corps; les deux ducs de Lancastre et de Bretagne, le second; puis vient le charroi contenant les approvisionnements; enfin, le connétable fait l’arrière-garde. Ces trois corps se rejoignent et aucun ne s’écarte de la voie qui lui a été assignée, de même qu’aucun chevalier ni écuyer ne se permet de rompre les rangs et de se séparer de sa compagnie sans en avoir reçu l’ordre des maréchaux. Aussitôt que le roi de France est informé de la marche en avant de cette armée d’invasion, il rappelle en France quelques-uns des chevaliers qui guerroient en Bretagne, notamment Olivier, seigneur de Clisson[266], Jean, vicomte de Rohan, Jean de Beuil, Guillaume des Bordes et Louis de Saint-Julien, car il veut faire poursuivre les Anglais. Le connétable Du Guesclin[267], Louis, duc de Bourbon, Pierre, comte d’Alençon, restent seuls auprès du duc d’Anjou jusqu’à ce que l’on en ait fini avec ceux de Derval. Pendant que les seigneurs mandés par Charles V font leurs préparatifs et se rendent de Bretagne en France, les ducs de Lancastre et de Bretagne mettent au pillage le pays qu’ils traversent sur une largeur de six lieues, faisant main basse sur tout ce qu’ils trouvent et ne recourant à leurs approvisionnements qu’à défaut de vivres pris sur le pays. P. 147 à 151, 314, 315.

Les Anglais passent devant Aire[268], allument partout l’incendie en traversant le comté de Saint-Pol[269] et livrent un assaut infructueux à la ville de Doullens[270]. Ils font halte à l’abbaye du Mont-Saint-Éloi[271], située à deux petites lieues d’Arras, et s’y reposent un jour et deux nuits; puis ils se dirigent vers Bray-sur-Somme[272], dont la garnison, composée de chevaliers et d’écuyers du pays[273], repousse victorieusement toutes leurs attaques; à l’assaut de l’une des portes de cette forteresse, le Chanoine de Robersart[274] fait merveille d’armes et sauve la vie à l’un de ses écuyers. En quittant Bray, les envahisseurs se dirigent vers Saint-Quentin et entrent dans le beau et riche pays de Vermandois[275]. Guillaume des Bordes, envoyé par le roi de France à Saint-Quentin en qualité de capitaine, prête dix arbalétriers à Baudouin, seigneur de Bousies, qui se rend à Ribemont[276] pour aider Gilles, seigneur de Chin[277], dont il a épousé la fille, à garder cette forteresse. Arrivé à deux lieues de Saint-Quentin sur la route de Laon, Baudouin fait la rencontre de Jean de Beuil, qui va de la part de Charles V se mettre à la tête de la garnison de Laon. Ces deux chevaliers surprennent à une demi-lieue de Ribemont le charroi ainsi que les bagages de Hugh de Calverly; et après avoir tué les valets qui les conduisent, ils s’emparent de ces bagages et les emportent dans Ribemont en guise de butin. Peu de temps avant leur arrivée, Gilles, seigneur de Chin, avait amené un renfort de soixante lances, et parmi les seigneurs de cette marche et de la vallée de l’Oise qui sont venus s’enfermer dans Ribemont, on distingue Jean de Fosseux[278], les seigneurs de Soize[279] et de Clary[280]. P. 151 à 153, 315.

Gilles, seigneur de Chin, capitaine de la garnison de Ribemont[281], apercevant dans un terrain défriché et nouvellement mis en labour un détachement d’une centaine d’hommes d’armes anglais, fait une sortie contre eux et les taille en pièces; jeté deux fois à bas de son cheval dans la mêlée, il est relevé par un de ses bâtards. Les Français vainqueurs rentrent dans Ribemont avec de nombreux prisonniers. Le soir même du jour où ce combat s’était livré, le gros de l’armée anglaise vient camper en vue de Ribemont. Le lendemain matin, les ducs de Lancastre et de Bretagne, sans rien tenter contre cette place, prennent le chemin de Laon. Dès qu’ils ont levé leur camp, quelques-uns des défenseurs de Ribemont qui ont pris part au combat de la veille, notamment Jean de Beuil, Gérard de Lor et le seigneur de Soize, sortent par une des poternes de la place, s’engagent dans un chemin détourné et vont renforcer la garnison de la montagne de Laon. P. 153 à 155, 315.

Les ducs de Lancastre et de Bretagne se reposent trois jours à Vaux-sous-Laon[282], dans un pays plantureux et où l’on trouve toute espèce de denrées, car on est à l’époque des vendanges, et les habitants des villages, pour se racheter de l’incendie, apportent à l’ennemi bœufs et moutons, barriques de vin et sacs de pain en abondance. Les Anglais n’ont qu’un désir, c’est d’en venir aux mains avec les Français; mais Charles V, qui ne veut point s’exposer aux chances d’une bataille, se contente de faire harceler les envahisseurs par un corps d’armée de cinq ou six cents lances qui les serre de très près et ne leur permet pas de se déployer. Aussi, les trois cents hommes d’armes bretons et français qui tiennent garnison à Laon[283] laissent les Anglais camper tranquillement au-dessous d’eux à Vaux sans faire aucune sortie ni de jour ni de nuit pour les réveiller. Ce que voyant, les ducs et leurs gens s’acheminent vers Soissons[284] en suivant le cours des rivières et en s’avançant toujours à travers les vallées les plus plantureuses. Les quatre cents hommes d’armes français qui ne cessent de surveiller et d’inquiéter les Anglais les serrent[285] parfois de si près que des conversations s’établissent entre les uns et les autres. Dialogue échangé entre Henri de Percy[286], l’un des plus grands barons de l’armée anglaise, et Aimeri, dit le bâtard de Namur, fils de Guillaume, comte de Namur[287], l’un des hommes d’armes à la solde du roi de France. Des deux côtés on épargne d’un commun accord la terre du seigneur de Coucy[288], alors absent de son pays et qui avait voulu rester neutre dans cette guerre à cause de son mariage avec Isabelle, l’une des filles du roi d’Angleterre. P. 155 à 157, 315.

Dans une escamourche qui a pour théâtre le village d’Oulchy[289], dans la marche de Soissons, cent vingt hommes d’armes français commandés par Jean de Vienne, Jean de Beuil[290] et Robert de Béthune, vicomte de Meaux, surprennent à la pointe du jour les sentinelles de l’armée anglaise, et Gautier Hewet, l’un des plus illustres vétérans de cette armée, se fait tuer en s’efforçant, quoiqu’il fût à moitié désarmé, de repousser une attaque aussi inopinée. Les Français vainqueurs dans cette rencontre ramènent dans leur camp un certain nombre de prisonniers, tandis que les Anglais, affligés de la perte d’un de leurs plus vaillants chevaliers, se mettent en marche dans la direction de Reims en suivant le cours de la Marne. P. 157, 158, 315, 316.

Pendant ce temps, Louis, duc d’Anjou, et Bertrand du Guesclin, connétable de France, se tiennent devant le château de Derval[291], et somment à plusieurs reprises Robert Knolles de leur rendre ce château conformément au traité de capitulation conclu avec les frères Browe, lieutenants du dit Robert et naguère capitaines de la dite place. Knolles refuse obstinément d’obtempérer à ces sommations; il prétend que les frères Browe ont agi sans son autorisation et qu’en conséquence l’arrangement dont ils ont pris l’initiative doit être considéré comme nul et non avenu. Irrité de ces refus, le duc d’Anjou menace de mettre à mort les quatre otages livrés par les Browe en garantie de l’accomplissement des engagements stipulés dans le traité de capitulation[292]. Robert Knolles répond que, dans ce cas, il fera périr un égal nombre de chevaliers français qui sont ses prisonniers. Le duc d’Anjou est tellement exaspéré par cette réponse, qu’il se décide à mettre sa menace à exécution. Il fait amener les quatre otages de Derval, deux chevaliers et deux écuyers, et les fait mettre à mort séance tenante. Robert Knolles, qui a vu l’exécution de ces otages des fenêtres de son château, donne aussitôt l’ordre d’attacher au sommet et à l’extérieur des remparts une longue table; puis, il fait amener successivement sur cette table trois chevaliers et un écuyer, ses prisonniers, dont il avait refusé dix mille francs, et là un bourreau, après leur avoir tranché la tête, précipite ces cadavres mutilés et ces têtes coupées au fond des fossés de Derval. P. 138 à 160, 316.

Aussitôt après ces cruelles exécutions, le duc d’Anjou et le connétable, informés que les ducs de Lancastre et de Bretagne ont envahi le royaume et sont déjà arrivés sur les bords de la Marne, lèvent le siège de Derval pour se rendre en toute hâte à Paris auprès du roi de France. Là, Charles V réunit en Conseil[293] ses trois frères, les ducs d’Anjou, de Berry et de Bourgogne, Bertrand du Guesclin son connétable et Olivier, seigneur de Clisson, qu’il a mandé tout exprès, pour inviter chacun à dire son avis sur la manière dont il convient de combattre les Anglais, car il y a des barons, des chevaliers et aussi des bonnes villes qui murmurent de ce que l’on reste sur la défensive et qui prétendent que c’est une honte pour la noblesse de France de laisser ainsi les Anglais traverser le royaume tout à leur aise, sans marcher à leur rencontre et leur tenir tête. P. 160, 161, 316.

Du Guesclin, invité à parler le premier, conseille de ne livrer bataille aux Anglais que si l’on a sur eux l’avantage du nombre et de la position, et appelle en témoignage son compagnon d’armes le seigneur de Clisson, qui a été nourri dès l’enfance et a fait ses premières armes avec les envahisseurs. Celui-ci approuve le conseil du connétable et dit que, sans offrir le combat aux Anglais dont l’audace naturelle est encore accrue par une longue série de victoires, il faut se tenir prêt à profiter de toutes les fautes qu’ils pourront commettre; ce système de temporisation a trop bien réussi depuis un certain nombre d’années pour que l’on ne continue pas de le suivre. Charles V déclare se ranger à ces avis et veut désormais confier à Du Guesclin et à Clisson la défense de son royaume. Le duc d’Anjou donne son assentiment à cette résolution du roi et ajoute qu’il compte bien, avec l’aide de ces deux capitaines, expulser à bref délai les Anglais de l’Aquitaine et de la Haute Gascogne. Après ce conseil, Du Guesclin et Clisson, ayant réuni un corps d’armée de cinq cents lances, se dirigent vers Troyes à la poursuite des Anglais. Les deux ducs de Lancastre et de Bretagne venaient de passer devant Épernay[294] et Vertus[295], non sans avoir rançonné et fourragé tout le pays situé aux environs de ces deux villes, ainsi que la belle et riche vallée de la Marne; puis ils contournent Châlons[296] en Champagne, mais sans s’en approcher de trop près, et prennent le chemin de Troyes. Au moment où ils arrivent sous les murs de cette cité, Du Guesclin, Clisson, les ducs de Bourgogne et de Bourbon sont déjà venus renforcer la garnison de cette place[297], dont l’effectif ne compte pas moins de douze cents lances. P. 161 à 164, 316.

Bertrand du Guesclin rend au roi de Castille la terre de Soria, rapportant bien dix mille francs de revenu annuel, dont il avait été gratifié en récompense de ses services, et le roi de Castille donne en échange au connétable de France Jean, comte de Pembroke, fait prisonnier par les Espagnols dans le combat naval livré devant la Rochelle[298]. Le comte s’engage à payer à Bertrand, par les mains des Lombards de Bruges, une rançon de cent vingt mille francs[299]; et cette somme ne doit être versée que le jour où le prisonnier aurait été reconduit sain et sauf à Calais. Or, il arrive que le comte de Pembroke, au moment où il se rend d’Espagne dans cette ville en traversant la France à la faveur d’un sauf-conduit délivré par le connétable, est pris de maladie et meurt à Arras, et Du Guesclin perd ainsi tout à la fois son prisonnier et sa rançon[300]. Olivier de Mauny, neveu du connétable, gratifié naguère par le roi de Castille de la terre d’Agreda, d’un revenu annuel de quatre mille francs, échange aussi cette terre contre un autre prisonnier de D. Enrique nommé Guichard d’Angle[301], et pour obtenir la mise en liberté de ce chevalier ainsi que de Guillaume, neveu de Guichard, Édouard III consent à rendre le seigneur de Roye[302], qu’il garde comme otage en Angleterre. Ces deux échanges ont été la condition mise au mariage d’Olivier de Mauny[303] avec la fille du seigneur de Roye, qui doit hériter après la mort de son vieux père d’une fortune évaluée à trois mille francs de revenu annuel. Guichard d’Angle, admis au nombre des conseillers d’Édouard III, mande à sa femme et à ses enfants de venir le rejoindre en Angleterre, où il s’établit définitivement, et déclare renoncer à la possession de tous les fiefs qu’il tient en Poitou du duc de Berry, auquel il adresse des remerciements pour avoir daigné laisser en paix sa femme et ses enfants pendant son absence. P. 164 à 166, 316.

Sur ces entrefaites, le pape Grégoire XI envoie d’Avignon à Paris deux légats, l’archevêque de Ravenne et l’évêque de Carpentras, pour traiter de la paix entre les rois de France et d’Angleterre. Charles V et le duc d’Anjou invitent ces légats à se rendre à Troyes pour entamer des pourparlers, d’une part, avec le connétable et le seigneur de Clisson, d’autre part, avec les ducs de Lancastre et de Bretagne. Ces derniers viennent camper devant Troyes[304] trois jours après l’arrivée des deux légats dans cette ville. Les deux maréchaux de l’armée anglaise escarmouchent jusqu’aux barrières, tandis que le connétable, Édouard Spencer, fait merveille d’armes à la porte de Bourgogne[305]. Pendant ces escarmouches, les deux légats se rendent aux tentes des ducs de Lancastre et de Bretagne, auxquels ils exposent l’objet de leur mission. Les ducs font à ces légats un accueil courtois, mais il leur est absolument interdit de s’immiscer dans des négociations de ce genre. P. 166 à 168, 316.

Il est, en effet, d’usage en Angleterre que les chefs d’une expédition, surtout lorsque cette expédition doit avoir lieu en France, prêtent serment: 1o de ne mettre bas les armes qu’après avoir achevé ce qu’ils ont entrepris; 2o de garder un secret inviolable sur leurs projets; 3o d’observer une discipline rigoureuse et de ne jamais laisser la désunion ni la révolte se mettre dans les rangs de leurs soldats. Les ducs de Lancastre et de Bretagne n’ont donc point qualité pour répondre aux propositions des légats ni même pour accorder une trêve ou une abstinence de guerre quelconque. Aussi continuent-ils, nonobstant les démarches de ces légats, de mettre le feu aux maisons isolées, aux villages et aux petits forts, de rançonner les habitants du plat pays et les abbayes[306]. Ils ne cessent pas non plus un seul instant de chevaucher en ordre de bataille. D’un autre côté, mille lances d’élite commandées par Du Guesclin, Clisson, les vicomtes de Rohan et de Meaux poursuivent les envahisseurs l’épée dans les reins et les serrent de si près qu’ils n’osent développer leurs lignes, car les Français se tiennent à portée et en mesure de profiter de la première occasion favorable qui s’offrira pour l’attaque. P. 168 à 170, 316, 317.

C’est ainsi que les ducs de Lancastre et de Bretagne traversent la France de part en part, offrant toujours la bataille, sans jamais trouver à qui parler. Les Français qui les poursuivent en les harcelant, tantôt sur leur aile droite, tantôt sur leur aile gauche, suivant la direction du cours des rivières, se logent presque tous les soirs à leur aise dans des forteresses ou de bonnes villes, tandis que les Anglais sont réduits à planter leurs tentes en rase campagne, où ils souffrent de la disette de vivres et, quand l’hiver est arrivé, de la rigueur du froid; ils ont en outre à traverser des pays très pauvres tels que l’Auvergne[307], le Limousin[308], le Rouergue[309], l’Agenais, où les plus grands seigneurs sont parfois cinq ou six jours sans manger de pain, car vers la fin de leur chevauchée ils n’ont pas moins de trois mille lances à leur poursuite et n’osent fourrager les uns sans les autres. C’est dans ces conditions défavorables qu’ils franchissent la Loire, l’Allier, la Dordogne, la Garonne ainsi que plusieurs autres grosses rivières qui descendent des montagnes d’Auvergne. Aussi, c’est à peine s’ils ont conservé le tiers de leur charroi lorsqu’ils arrivent à Bordeaux; ils ont laissé le reste en route, soit faute de chevaux pour le traîner, soit parce que l’on n’a pu le transporter à travers les défilés des montagnes. Comme ils ne rentrent à Bordeaux qu’après Noël[310], c’est-à-dire en plein hiver, plusieurs gentilshommes succombent en chemin à l’excès du froid ou des privations, et d’autres, tels que le connétable Édouard Spencer[311], y contractent le germe du mal qui doit les emporter plus tard. P. 170, 171.

CHAPITRE CI

1373, 28 octobre-1374, 8 janvier. RETOUR DU DUC D’ANJOU A TOULOUSE PAR AVIGNON.1373, juin et juillet. TRAITÉ DE CAPITULATION DE BÉCHEREL. EXPÉDITION DU DUC D’ANJOU EN BIGORRE; REDDITION DE SAINT-SEVER; PRISE DE LOURDES.1374, commencement d’avril. JOURNÉE DE BATAILLE ASSIGNÉE PRÈS DE MOSSAIC ENTRE LES DUCS D’ANJOU ET DE LANCASTRE; DÉFAUT A CE RENDEZ-VOUS DE LANCASTRE, QUI PART DE BORDEAUX ET RETOURNE EN ANGLETERRE.21 mai. EXPIRATION DE LA TRÊVE CONCLUE PAR DU GUESCLIN AVEC LE DUC DE LANCASTRE.Juin et juillet. SOUMISSION DU VICOMTE DE CASTELBON. EXPÉDITION DE DU GUESCLIN ET DU DUC D’ANJOU, D’ABORD DANS LE BAS LANGUEDOC CONTRE LES COMPAGNIES, ENSUITE SUR LES CONFINS DE L’AGENAIS ET DU BORDELAIS CONTRE LES ANGLAIS; SIÈGE ET PRISE DE LA RÉOLE, DE LANGON, DE SAINT-MACAIRE, DE SAINTE-BAZAILLE ET DES PLACES AVOISINANTES.2 octobre. RETOUR DE DU GUESCLIN A PARIS ET DU DUC D’ANJOU A TOULOUSE.août et septembre. SIÈGE DE SAINT-SAUVEUR-LE-VICOMTE; REDDITION DE BÉCHEREL, DONT LA GARNISON VA RENFORCER CELLE DE SAINT-SAUVEUR.—1375, premiers mois. DÉFAITE DES FRANÇAIS DANS UNE RENCONTRE ENTRE LIQUES ET TOURNEHEM; CAPTURE DU COMTE DE SAINT-POL, EMMENÉ EN ANGLETERRE.—OUVERTURE DES NÉGOCIATIONS A BRUGES ENTRE LES AMBASSADEURS DE FRANCE ET D’ANGLETERRE.—RETOUR EN FRANCE DU DUC DE BRETAGNE ET DU COMTE DE CAMBRIDGE AVEC UN CORPS D’ARMÉE CONSIDÉRABLE; DÉBARQUEMENT A SAINT-MATHIEU; PRISE DE SAINT-POL DE LÉON; SIÈGE DE SAINT-BRIEUC.21 mai. TRAITÉ DE CAPITULATION DE SAINT-SAUVEUR.—LEVÉE DU SIÈGE DE SAINT-BRIEUC PAR LES ANGLAIS, ET DU SIÈGE DU NOUVEAU FORT PAR LES FRANÇAIS, QUE LES ANGLAIS ACCOURUS DE SAINT-BRIEUC POURSUIVENT JUSQU’A QUIMPERLÉ OÙ ILS LES ASSIÈGENT.27 juin. TRÊVE D’UN AN ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET D’ANGLETERRE CONCLUE A BRUGES; LEVÉE DU SIÈGE DE QUIMPERLÉ.3 juillet. REDDITION DE SAINT-SAUVEUR AU ROI DE FRANCE (§§ 749 à 768).

Après cette grande chevauchée, le duc d’Anjou regagne Toulouse[312] en compagnie du connétable de France[313] et donne rendez-vous à ses gens d’armes pour le terme de Pâques de l’année suivante. Les légats du pape continuent de s’entremettre auprès des ducs d’Anjou et de Lancastre pour amener la conclusion d’un traité de paix entre les rois de France et d’Angleterre. Le duc d’Anjou passe tout l’hiver à faire des préparatifs en vue d’une expédition projetée dans la Haute Gascogne, où il veut contraindre tous les possesseurs de fiefs et d’arrière-fiefs à reconnaître la suzeraineté du roi de France dont le comte de Foix prétend que ses hommes ne relèvent en rien non plus que du roi d’Angleterre. P. 171, 172, 317.

Peu après Pâques, le duc d’Anjou réunit à Périgueux[314] une armée composée de dix mille hommes d’armes, dont mille étaient des Bretons, et de trente mille fantassins, dont quinze cents étaient des arbalétriers génois. Noms des principaux seigneurs enrôlés dans les rangs de cette armée. Le duc d’Anjou et le connétable de France inaugurent la campagne en mettant le siège devant l’abbaye de Saint-Sever[315]. L’abbé s’empresse de faire sa soumission et de livrer des otages que l’on envoie à Périgueux. Après quinze jours de siège, les Français emportent d’assaut le château de Lourdes[316], et Pierre Arnaud de Béarn, capitaine de cette place pour le comte de Foix, se fait tuer en défendant la forteresse confiée à sa garde. La ville est livrée au pillage et les bonshommes que l’on y trouve sont massacrés ou mis à rançon. P. 172, 174, 317.

Après la prise de Lourdes, les gens d’armes du duc d’Anjou ravagent les terres du vicomte de Castelbon[317], des seigneurs de Castelnau[318] et de Lescun[319], et mettent le siège devant le fort château de Sault[320], défendu par un homme d’armes du comté de Foix nommé Guillonet de Pau. Le comte de Foix prend l’engagement, par l’entremise de l’abbé de Saint-Sever et du seigneur de Marsan, tant en son nom qu’au nom de ses feudataires, de reconnaître soit la suzeraineté du roi de France, soit celle du roi d’Angleterre, selon que l’un ou l’autre des deux rois sera vainqueur à la journée assignée à la mi-août[321] devant Moissac. Sur les instances de l’archevêque de Ravenne et de l’évêque de Carpentras, légats[322] du pape Grégoire XI, le duc de Lancastre, qui se tient alors à Bordeaux avec le duc de Bretagne, envoie quatre de ses chevaliers à Périgueux vers le duc d’Anjou et le connétable de France. Tous ces pourparlers aboutissent à la conclusion d’une trêve[323] qui doit durer jusqu’au dernier jour du mois d’août. P. 174 à 176, 317.

Aussitôt après la conclusion de cette trêve, le duc de Lancastre[324] fait voile pour l’Angleterre en compagnie du duc de Bretagne, auquel il tarde de réunir une armée pour repasser dans son duché et faire lever le siège de Bécherel. Avant de quitter Bordeaux, le duc de Lancastre institue Thomas de Felton[325] grand sénéchal de cette ville et du Bordelais, en enjoignant aux barons de Gascogne d’obéir pendant son absence au dit Thomas comme à son lieutenant. Assiégés et bloqués depuis plus d’un an par les Français, Jean Appert et Jean de Cornouaille, capitaines de la garnison anglaise de Bécherel, lassés d’attendre en vain du secours et craignant de manquer de vivres, font proposer par un héraut de livrer cette forteresse s’ils ne reçoivent pas, dans le délai de la Toussaint, des renforts suffisants pour combattre les Français. Mouton de Blainville et Louis de Sancerre, maréchaux de France, qui commandent les assiégeants, après en avoir référé au roi de France, acceptent les ouvertures des assiégés, signent une trêve[326] qui doit durer jusqu’à la Toussaint et se font livrer des otages. Les capitaines de Bécherel profitent de cette trêve pour solliciter du roi d’Angleterre et du duc de Bretagne un envoi immédiat de secours. P. 176 à 178, 317, 318.

Trois jours avant la mi-août[327], Charles V et le duc d’Anjou réunissent à Moissac une armée de quinze mille hommes d’armes et de trente mille fantassins. Au jour fixé, aucun Anglais ne se présente pour tenir la journée contre les Français. Thomas de Felton vient trouver le duc d’Anjou après la mi-août et prétend que les ducs de Lancastre et de Bretagne ont toujours considéré la trêve comme devant s’appliquer à la journée de Moissac[328]. Quoi qu’il en soit, suivant l’engagement pris, le comte de Foix[329], les prélats, les barons et autres feudataires de son comté prêtent serment de foi et hommage au roi de France entre les mains du duc d’Anjou, qui renvoie au dit comte les otages gardés à Périgueux et retourne à Toulouse après avoir pris possession des ville et château de Moissac[330]. P. 178 à 180, 318.

Pendant la première quinzaine de septembre 1374, Louis, duc d’Anjou, part de Toulouse[331] avec un corps d’armée pour faire une chevauchée du côté de la Réole et d’Auberoche. L’abbé de Saint-Sever, le vicomte de Castelbon, les seigneurs de Castelnau, de Lescun et de Marsan font partie de cette expédition. La Réole[332], Langon[333], Saint-Macaire[334], «Condon[335]», Sainte-Bazeille[336], «Prudaire[337]», «Mautlion[338]», «Dion[339]», «Sebillach[340]», Auberoche[341] et une quarantaine de villes fermées ou de forts châteaux se rendent aux Français. Pendant ce temps, les deux légats du Saint-Siège, l’archevêque de Ravenne et l’évêque de Carpentras, de retour à Saint-Omer, ne cessent de s’entremettre et d’envoyer messages sur messages tant en France qu’en Angleterre pour faire accepter une trêve par les belligérants. Édouard III, qui voit ses possessions au delà du détroit lui échapper les unes après les autres et qui éprouve une peine profonde de n’avoir pu secourir plus efficacement le duc de Bretagne chassé de ses États à cause de son attachement au parti anglais et menacé de perdre son héritage, se montre tout disposé à accueillir favorablement les ouvertures des deux prélats; il décide en conséquence que son fils le duc de Lancastre passera la mer et viendra à Calais pour s’aboucher avec les ambassadeurs du roi de France. Celui-ci, de son côté, finit par consentir à envoyer à Saint-Omer son frère Louis, duc d’Anjou, en lui donnant pour instructions de se laisser gouverner et conduire par les deux légats, et l’on arrête une entrevue pour la Toussaint suivante entre le duc de Lancastre, débarqué à Calais, et le duc d’Anjou, qui ne doit pas tarder à se rendre à Saint-Omer. Les barons de Bretagne, en particulier, se préoccupent vivement de ce qui doit être décidé dans cette entrevue au sujet de l’affaire de Bécherel. Pour se conformer aux ordres de Charles V, Louis, duc d’Anjou, Bertrand du Guesclin, connétable de France, et Olivier, seigneur de Clisson, s’éloignent du Rouergue[342], licencient leurs gens, ne retiennent à leur service que les Bretons et, sans retourner à Toulouse[343], reviennent en France. P. 180 à 182, 318.

Les places françaises des marches de Picardie sont alors pourvues de bonnes garnisons. La garnison d’Abbeville, entre autres, a pour capitaine Hue de Châtillon[344], maître des arbalétriers de France, débarqué récemment de Boulogne et ne respirant que le désir de la vengeance; car, pris en embuscade aux alentours d’Abbeville par Nicole de Louvain qui avait refusé de le prendre à rançon, il avait été réduit à se faire enlever sur les marches du Northumberland, où on le tenait en captivité, par un marinier de l’Écluse, qui l’avait ramené en Flandre. Rétabli dans son office de maître des arbalétriers aussitôt après son retour en France, il commande la garnison d’Abbeville, d’où il fait des chevauchées aux environs. Du côté des Français, Henri des Iles[345], Jean de Longvillers[346], Guillaume de Nesle, le Châtelain de Beauvais, capitaines de Dieppe, de Boulogne, de Montreuil-sur-Mer et de Rue, sont opposés à Jean de Burleigh, à Jean de Harleston, à Jean, seigneur de Gommegnies, capitaines anglais de Calais, de Guines et d’Ardres. A Calais, le lieutenant du capitaine est Walter Devereux. Un jour, Walter Devereux, Jean de Harleston et le seigneur de Gommegnies rassemblent de très grand matin environ cent soixante lances dans la bastille d’Ardres et partent en expédition du côté de Boulogne. Ce même jour, Jean de Longvillers, à la tête d’environ soixante lances, fait route en sens contraire dans la direction de Calais. A deux lieues de Boulogne, il rencontre la petite troupe conduite par le seigneur de Gommegnies. Les Anglais attaquent les Français et font quatorze prisonniers. Le reste se sauve et rentre à Boulogne. Sitôt qu’ils sont revenus de cette poursuite, les vainqueurs se disposent à regagner Ardres en ligne directe par le beau chemin vert, dit de Leulinghe, qui traverse le pays d’Alequine. Ce même jour aussi, Hue de Châtillon ou monseigneur le Maître, comme on a coutume de l’appeler, s’est mis en campagne, de son côté, à la tête de quatre cents lances. Chemin faisant, il est rejoint par le jeune comte de Saint-Pol, Waleran de Luxembourg, qui, revenu depuis quelques jours seulement de ses possessions de Lorraine à Saint-Pol, s’est remis en route pour aller en pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne. Hue et Waleran, une fois réunis, ne sachant rien de la chevauchée des Anglais, et les croyant toujours enfermés dans Ardres, vont courir jusque sous les fortifications de cette place et, après avoir fait une démonstration devant les barrières, rebroussent chemin et se dirigent vers Licques et vers Tournehem. P. 182 à 184, 318.

Un Anglais de la garnison d’Ardres sort de cette forteresse et va à la dérobée prévenir le seigneur de Gommegnies, Walter Devereux et Jean de Harleston de la présence des Français dans ces parages. Les trois chevaliers anglais marchent aussitôt à la rencontre de leurs adversaires qu’on leur dit être arrivés entre Licques et Tournehem. Ceux-ci, de leur côté, sitôt qu’ils sont avisés de la marche des Anglais, mettent trois cents lances en embuscade dans un petit bois près de Licques sous les ordres de Hue de Châtillon, tandis que le comte de Saint-Pol continue de s’avancer avec cent lances à la rencontre de l’ennemi. L’avant-garde anglaise ne se compose que d’une quinzaine de lances, et Jean de Harleston, qui commande cette avant-garde, a reçu l’ordre de faire semblant de fuir, aussitôt qu’il se trouvera en présence des Français, et de regagner le plus vite possible la haie derrière laquelle se tient le gros des forces anglaises. La feinte réussit, et l’avant-garde française donne la chasse aux Anglais jusqu’à cette haie où le combat s’engage. Le comte de Saint-Pol et ses gens ne tardent pas à avoir le dessous. Le comte est fait prisonnier[347] par un écuyer du duché de Gueldre ainsi que soixante autres, tant chevaliers qu’écuyers, entre autres les seigneurs de Poix[348], de Clary[349], Guillaume de Nesle, Charles de Châtillon, Lionel d’Airaines, Jean, seigneur de Chepoix[350], Guillaume, châtelain de Beauvais, les frères Henri et Jean des Isles et Gauvinet de Bailleul[351]. P. 184 à 187, 318.

Hue de Châtillon et les trois cents lances, qui se tenaient en embuscade, surviennent au moment où le combat dure encore; mais, au lieu de se porter au secours de leurs compagnons d’armes, le seigneur de Châtillon et ses gens donnent de l’éperon à leurs chevaux et s’éloignent précipitamment du champ de bataille. Embarrassés du grand nombre de prisonniers qu’ils ont faits, les Anglais ne s’acharnent point à la poursuite des fuyards et rentrent le soir même à Ardres. Après souper, Jean, seigneur de Gommegnies, achète le comte de Saint-Pol à l’écuyer qui l’avait fait prisonnier au prix de dix mille francs. Le lendemain, Jean de Harleston retourne à Guines et Walter Devereux à Calais. A la nouvelle de ce succès, Édouard III, roi d’Angleterre, fait venir auprès de lui au château de Windsor, où il se trouve alors, le seigneur de Gommegnies, capitaine d’Ardres, qui amène le comte de Saint-Pol son prisonnier et le donne au monarque anglais. Le roi est bien aise de se faire livrer ce prisonnier pour deux raisons: d’abord, parce qu’il garde rancune au comte Gui de Luxembourg, père de Valeran, de ce qu’il s’était évadé d’Angleterre sans congé et n’avait rien négligé pour rallumer la guerre entre ce pays et la France; ensuite, parce qu’il espère pouvoir échanger le comte de Saint-Pol contre le captal de Buch détenu dans la tour du Temple à Paris. En retour de la cession du comte, le seigneur de Gommegnies reçoit du roi d’Angleterre un présent de vingt mille francs. Le prisonnier est traité avec courtoisie. On le laisse aller et venir dans l’intérieur du château de Windsor, mais il ne peut franchir le seuil de la porte de ce château sans le congé de ses gardiens. De retour à Ardres, le seigneur de Gommegnies gratifie de nouvelles sommes d’argent l’écuyer de Gueldre qui avait pris Valeran de Luxembourg, seigneur de Ligny et comte de Saint-Pol. P. 187 à 192, 319.

Les rois de France et d’Angleterre concluent une trêve[352] qui ne s’appliquait à l’origine qu’au pays situé entre Calais et la rivière de Somme; cette trêve ne fut point observée dans les anciennes marches, notamment en Normandie et en Bretagne. Louis, duc d’Anjou[353], arrive à Saint-Omer en compagnie de deux légats[354]. L’escorte du duc se compose d’environ mille lances de Bretons dont Bertrand du Guesclin, connétable de France, Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, Gui, comte de Laval[355], les seigneurs de Beaumanoir et de Rochefort sont les chefs. Ces gens d’armes, logés au plat pays aux environs de Bailleul et de la Croix en Flandre, touchent une solde avec laquelle ils payent tout ce qu’ils prennent sans grever l’habitant; mais ils se tiennent prêts à prendre l’offensive et n’ont qu’une médiocre confiance dans les Anglais.—Sur ces entrefaites, Jean de Vienne[356], amiral de France, met premièrement par mer le siège devant la forteresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en basse Normandie. Owen de Galles et le seigneur de Rye prennent part à ce siège où la flotte de D. Enrique, roi de Castille, est commandée par Radigho de Rous.—Gui, comte de Blois, vient rejoindre à Saint-Omer Louis, duc d’Anjou, avec une suite de trente chevaux au lieu de treize seulement sur lesquels comptait le dit duc. Jean, duc de Lancastre, arrive de son côté à Calais et ne peut s’empêcher de témoigner sa surprise en voyant la marche de Saint-Omer occupée par un si grand nombre de gens d’armes bretons. Cependant les deux légats vont de l’un à l’autre duc pour les amener à une entente et les décider à conclure, sinon un traité de paix, au moins une prorogation de la trêve.—Le terme fixé dans le traité de capitulation de Bécherel pour la reddition de cette place approchant, Charles V écrit à Bertrand du Guesclin, connétable de France, et à Olivier, seigneur de Clisson, pour réclamer leur présence à cette journée à la tête de forces imposantes; car, si les Anglais tentent de faire lever le siège de Bécherel, le roi de France veut être en mesure de s’y opposer. Du Guesclin et Clisson prennent donc congé du duc d’Anjou et conduisent devant Bécherel, avant le jour fixé pour la reddition, plus de dix mille lances. Le bruit s’était répandu que le duc de Bretagne Jean de Montfort et le comte de Salisbury amenaient par mer aux assiégés un secours de dix mille hommes; mais ce secours, la garnison de Bécherel l’attendit en vain et se plaignit amèrement de ce qu’après une défense de quinze mois elle eût été ainsi abandonnée à ses seules forces. Aux termes du traité de capitulation, les assiégés rendent au jour convenu la place aux Français. Les deux capitaines de la garnison, Jean Appert et Jean de Cornouaille, s’éloignent de Bécherel avec armes et bagages; puis, à la faveur d’un sauf-conduit qui leur avait été délivré par Bertrand du Guesclin, connétable de France, ils vont renforcer la garnison anglaise de Saint-Sauveur-le-Vicomte. P. 190 à 192, 319.

Aussitôt après la prise de possession de Bécherel, le connétable de France[357], le seigneur de Clisson et les deux maréchaux de France viennent mettre le siège devant le château de Saint-Sauveur-le-Vicomte dont on fait le blocus par terre et par mer. Thomas de Catterton, nommé capitaine de la garnison par Alain de Buxhull, a mis la forteresse en bon état de défense. Thomas Trevet, Jean de Burgh, Philippe Pickworth et les trois frères de Maulevrier sont au nombre des assiégés auxquels Jean Appert, Jean de Cornouaille et les compagnons partis de Bécherel ont apporté un si utile renfort. La garnison de Saint-Sauveur est encouragée à la résistance par l’espoir que le duc de Bretagne la viendra secourir par mer ou tout au moins qu’elle sera comprise dans la trêve qui se négocie entre Louis, duc d’Anjou, établi à Saint-Omer, et Jean, duc de Lancastre, débarqué à Calais. Cet espoir soutient les assiégés pendant tout le cours de l’hiver, où leurs remparts et même leurs habitations ont beaucoup à souffrir du jet des pierres énormes[358] lancées par les machines de guerre des Français. P. 192 à 194, 319.

Les négociations entamées entre les ducs d’Anjou et de Lancastre n’aboutissant, malgré l’entremise des deux légats, à aucun résultat par suite de la trop grande distance entre Saint-Omer et Calais, les deux princes conviennent d’une entrevue directe et personnelle qui doit avoir lieu à Bruges. Le duc de Bretagne, qui s’était rendu à Calais en compagnie du duc de Lancastre, retourne en Angleterre, où Édouard III met à sa disposition un corps expéditionnaire de deux mille hommes et de quatre mille archers pour l’aider à reconquérir son duché. Quelques-uns des plus grands seigneurs d’Angleterre font partie de ce corps d’armée, notamment Edmond, comte de Cambridge[359], Edmond de Mortimer, comte de March, Thomas Holland, fils aîné du premier lit de la princesse de Galles, depuis comte de Kent, et Édouard Spencer qui mourut au retour de cette expédition[360]. Les Anglais s’embarquent à Southampton et font voile vers Saint-Sauveur, où ils veulent attaquer les navires du roi de France ancrés devant cette place, mais ils sont poussés par les vents contraires sur les côtes de Bretagne et débarquent devant Saint-Mathieu. Ils s’emparent de cette place, dont ils passent la garnison au fil de l’épée. A cette nouvelle, le connétable, les barons de France, de Normandie et de Bretagne, qui bloquent étroitement Saint-Sauveur-le-Vicomte, détachent du gros de leurs forces une colonne de trois ou quatre cents lances, commandée par Olivier, seigneur de Clisson, Jean, vicomte de Rohan, Jean, seigneur de Beaumanoir, et Gui, seigneur de Laval, qui va tenir garnison à Lamballe pour faire frontière contre les Anglais. Ceux-ci, continuant leur marche en avant, prennent d’assaut Saint-Pol de Léon et viennent mettre le siège devant Saint-Brieuc. P. 194 à 196, 319.

Les Anglais, bloqués dans Saint-Sauveur-le-Vicomte, apprenant le débarquement en Bretagne de forces aussi considérables, ne doutent pas que le duc et le comte de Cambridge viennent bientôt à leur secours et forcent les Français à lever le siège. Le jet des machines de guerre des assiégeants incommode de plus en plus la garnison. Une pierre, lancée par une de ces machines, fait un jour irruption dans une chambre où le capitaine Catterton est couché malade, enfonce le plancher de cette chambre et ne s’arrête qu’à l’étage inférieur[361]. Les assiégés se décident à demander une trêve, et pour l’obtenir Thomas Trevet et Jean de Burgh entrent en pourparlers avec le connétable de France[362] et le duc de Bourbon. On convient de cesser les hostilités de part et d’autre depuis la mi-carême jusqu’à Pâques, et si dans cet intervalle la forteresse de Saint-Sauveur n’est pas secourue par le duc de Bretagne en personne, elle sera livrée aux Français, auxquels seront remis de bons otages en garantie de cette reddition[363]. Sur ces entrefaites, les négociations se poursuivent à Bruges entre les ducs d’Anjou et de Lancastre sans aboutir à aucun résultat, parce que les affaires de Bretagne et de Castille font obstacle à une entente. D’une part, en effet, le duc de Lancastre n’est disposé à consentir à un arrangement qu’à une condition, c’est que le duc de Bretagne rentre en possession de son duché tout entier, y compris la partie dont le roi de France s’est emparé et qu’il a réunie au domaine de sa Couronne. D’un autre côté, Charles V s’est engagé solennellement à ne conclure aucun traité de paix sans y faire comprendre D. Enrique de Trastamar, roi de Castille, son allié; et Jean, duc de Lancastre, qui se prétend héritier de Castille du chef de sa femme, fille de D. Pèdre, répugne à accepter une clause où l’on ne manquerait pas de voir une renonciation indirecte à ses prétentions. Les deux légats ne s’entremettent pas moins entre les négociateurs et ne désespèrent pas, malgré la gravité de ces difficultés, de les faire arriver à une entente. P. 196 à 199, 319.

En prévision d’une tentative faite par les Anglais débarqués en Bretagne pour débloquer Saint-Sauveur-le-Vicomte, Charles V fait renforcer le corps d’armée qui assiège cette forteresse[364]. Les assiégés envoient des messagers demander du secours à Jean de Montfort, duc de Bretagne, à Edmond, comte de Cambridge, et aux barons d’Angleterre campés devant Saint-Brieuc. Ces messagers arrivent au moment où les remparts de cette place sont déjà tellement minés que la résistance ne peut plus se prolonger au delà de quelques jours. Les assiégeants décident donc de ne répondre à l’appel de la garnison de Saint-Sauveur et de ne lui porter secours qu’après la reddition de Saint-Brieuc. P. 199 à 201, 319.

Jean Devereux[365], qui occupe l’île de Quimperlé[366], fortifie une motte située à environ deux lieues de cette ville, que l’on appelle le Nouveau Fort. La garnison de ce Nouveau Fort commet tant d’exactions et se livre à de tels désordres dans tout le pays d’alentour que les jeunes gens et les fillettes de Bretagne en font une chanson. Olivier, seigneur de Clisson, le vicomte de Rohan, les seigneurs de Laval et de Beaumanoir entreprennent de réprimer ces brigandages. Ils chevauchent à la tête d’environ deux cents lances vers le Nouveau Fort et livrent à la garnison de cette petite place un grand assaut qui se prolonge pendant trois jours; les assiégés réussissent à repousser cet assaut grâce surtout à leur bonne artillerie. P. 201 à 204, 319.

Le duc de Bretagne, le comte de Cambridge et les barons d’Angleterre qui assiègent Saint-Brieuc reçoivent en même temps la triple nouvelle: 1o de la perte d’une mine pratiquée par leurs gens sous les remparts de Saint-Brieuc et de la nécessité d’en refaire une nouvelle; 2o de la conclusion d’une trêve entre les ducs de Lancastre et d’Anjou, cette dernière nouvelle apportée de Bruges par le héraut Chandos, dépêché par Jean, duc de Lancastre, vers son frère Edmond, comte de Cambridge; 3o du siège mis devant le Nouveau Fort, dont Jean Devereux commande la garnison, par les seigneurs de Clisson, de Rohan, de Beaumanoir, de Laval et de Rochefort. Jean de Montfort, duc de Bretagne, dit qu’il aurait plus chère la prise de ces cinq chevaliers que de n’importe quelle ville ou cité de son duché. C’est pourquoi il lève aussitôt le siège de Saint-Brieuc pour marcher au secours de Jean Devereux et à la rescousse du Nouveau Fort. P. 204, 205, 320.

Avertis à temps, Clisson et les autres seigneurs de Bretagne qui sont venus mettre le siège devant le Nouveau Fort, se sentant très inférieurs en nombre à leurs adversaires, se sauvent de toute la vitesse de leurs chevaux dans la direction de Quimperlé. Trouvant les portes de cette ville tout ouvertes, ils s’y précipitent, puis ferment les barrières derrière eux pour interdire le passage aux Anglais qui n’ont pas cessé de les poursuivre. Le duc de Bretagne renonce à grand’peine à donner l’assaut et fait loger ses gens tout autour de Quimperlé. P. 205 à 217, 320.

Après deux jours qui se passent en assauts continuels, les assiégés envoient vers le duc de Bretagne un héraut chargé de négocier les conditions auxquelles ils seraient disposés à se rendre. Jean de Montfort exige qu’ils se rendent sans condition. Ils font alors proposer au duc de faire leur reddition au bout de quinze jours, si dans l’intervalle ils ne sont pas secourus. Les assiégeants se décident à accepter cette nouvelle proposition, à la condition toutefois que les quinze jours de répit demandés seront réduits à huit. P. 207 à 210, 320.

Le roi de France a cinq ou six coureurs à cheval qui vont et viennent jour et nuit de Paris en Bretagne et de Bretagne à Paris, et qui, du jour au lendemain, lui apportent des nouvelles de ce qui se passe à cent ou quatre-vingts lieues loin. De même, entre Bruges et Paris, il a organisé un service de messagers qui le tiennent au courant jour par jour de toutes les phases des négociations. Aussi, à peine est-il informé de l’affaire de Quimperlé qu’il mande en toute hâte au duc d’Anjou de conclure dans le plus bref délai possible et, coûte que coûte, une trêve avec les Anglais, trêve qui devra avoir son effet dans toute l’étendue du royaume de France. Par l’entremise des légats qu’il a réussi à mettre dans ses intérêts, le duc d’Anjou fait accepter cette trêve[367] qui doit durer jusqu’au 1er mai 1376; et l’on fixe à Bruges pour la Toussaint suivante un rendez-vous entre les trois ducs d’Anjou, de Lancastre et de Bretagne afin de poser les bases d’un accord entre Charles V et Jean de Montfort au sujet de la succession du duché. Les deux chevaliers anglais, chargés de notifier au duc de Bretagne les clauses de l’arrangement intervenu entre les ducs de Lancastre et d’Anjou, font une diligence telle qu’ils ne mettent que cinq jours à parcourir la distance entre Bruges et Quimperlé. Ils arrivent devant cette place la veille du jour où la reddition doit avoir lieu. Le résultat immédiat des nouvelles apportées de Bruges est de forcer les Anglais à lever le siège. Aussi, ces nouvelles comblent de joie les cinq seigneurs bretons qui s’étaient renfermés dans Quimperlé et par contre excitent au plus haut degré le mécontentement du duc de Bretagne, qui regagne Saint-Mathieu-Fin-de-Terre où la flotte anglo-bretonne était restée à l’ancre. P. 210 à 212, 320, 321.

La levée du siège de Quimperlé est suivie du licenciement de l’armée du duc de Bretagne. Les comtes de Cambridge, de March et le seigneur Spencer retournent en Angleterre. Le duc de Bretagne, après avoir fait visite à la duchesse au château d’Auray où il l’avait laissée plus d’un an auparavant, l’emmène avec lui au delà du détroit. Le duc de Lancastre, revenu de Bruges à Calais, prend le même chemin, tout en se réservant de revenir à Bruges à la Toussaint suivante. Quant au duc d’Anjou, il retourne à Saint-Omer, d’où il ne s’absente que pour passer quelque temps en Thiérache auprès de la duchesse sa femme, qui a reçu la terre de Guise en héritage. Seuls, les légats envoyés par le Saint-Siège en vue de la conclusion d’un traité de paix continuent de séjourner à Bruges.—Dans l’opinion des Anglais, la trêve de Bruges, qui a amené la levée du siège de Quimperlé, doit entraîner également celle du siège de Saint-Sauveur-le-Vicomte; mais les Français, qui ont forcé la garnison de cette dernière place à capituler et qui voient approcher le jour fixé pour la reddition, ne l’entendent pas ainsi[368] et n’ont pas réuni moins de dix mille lances devant la forteresse pour le cas où le duc de Bretagne viendrait, au jour marqué par le traité de capitulation, leur offrir la bataille pour les forcer à lever le siège. Ils menacent de faire mourir les otages qui leur ont été remis et, si on les réduit à emporter la place d’assaut, de ne faire quartier à personne. Ces menaces décident Catterton et les gens d’armes placés sous ses ordres à effectuer la reddition du château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, dont le connétable prend possession au nom du roi de France. Après cette reddition, la garnison anglaise s’embarque[369] pour retourner en Angleterre, tandis que les gens des compagnies se dirigent vers la Bretagne et les bords de la Loire, en attendant que Charles V leur transmette de nouveaux ordres. P. 212 à 214, 321.

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