← Retour
Des bonnes moeurs et honnestes contenances que doit garder un jeune homme, tant à table qu'ailleurs, avec autres notables enseignemens: Oeuvre composé premierement en latin par M. Jean Sulpice de Saint-Alban, dit Verulan. Et
16px
100%
Addition, somet et couronne aux precedens enseignements, faict premierement en Latin par maistre Bade Ascence, & apres traduit en rime Françoise par le mesme traducteur en vers Alexandrins.
Si n'est-ce pas assez d'estre coint & joly
Estre à la table assis, mignon, net & poly
Ce ne seroit pas tout d'avoir ces moeurs en somme,
Si tu n'estois trouvé en tous actes prud'homme,
Parquoy mon fils je veux presentement t'instruire,
A vivre selon Dieu, sans à ton prochain nuire,
Reçoy ces miens precept' & les mets en memoyre.
Car ils te conduiront en l'eternelle gloire.
Au lever de ton lict ton dieu adoreras
De coeur humble & entier, & luy presenteras
La devote oraison que son fils Jesus Christ
En son sainct Evangile à laissé par escrit,
En faisant dessus toy le signe de la croix:
C'est l'oraison de Dieu le pere en qui tu crois.
Apres salueras la douce Vierge mere
De Jesus, qui pour nous endura mort amere:
En disant tout d'un train à jeun propice
Humblement à genoux tout ton divin service.
Quand de tous points auras ton service achevé
Et que tu te seras de l'oraison levé,
Si tu as pere & mere à eux t'adresseras,
Et par humble salut bon jour leur donneras:
Autant en feras tu, tout d'un train droitement,
A ceux qui ont de toy charge & gouvernement.
Et si tu vois passer quelque homme venerable,
Prestre ou Religieux, un tien parent notable
Quelque bonhomme vieux, quelcun bien renommé
Digne d'honneur, & bien en vertu consommé,
Un Juge ou Magistrat ayant Royal office,
Un Consul, gouverneur de ville & de police,
Ou comment qu'il en soit homme d'authorité,
Comme il en est plusieurs en bourg, ville & cité
Si tu es lors assis quand passer le verras,
Lieve toy promptement du siege ou tu seras,
Ou si tu es debout venant au rencontrer,
Tu n'oublieras point à humble te monstrer,
Luy donnant ton salut le bonnet à la main,
L'un des genoulx baissé comme doux & humain:
Ton precepteur aussi en tous endroits revere,
A qui tu dois honneur comme à ton propre pere:
A luy sois attentif, ton esprit eslevé
Pour ouyr sa leçon tant qu'il ait achevé,
Tenant les yeux sur luy & ouverte l'oreille
Pour apprendre vertu qui n'a point de pareille.
Et si le cas estoit qu'en faisant sa lecture,
Il ne t'avoit donné la parfaicte ouverture
De quelque enseignement que tu n'as entendu,
Viens à tes compagnons, les priant en temps deu
Te donner & monstrer la vraye intelligence
De ce que tu n'as sçeu comprendre en sa presence:
Et lors que tu l'auras parfaitement comprins
A fin de n'oublier ce que tu as apprins,
Prend ta plume à la main & d'encre à l'escritoyre,
Et l'escris tout d'un train pour en avoir memoire,
En un certain livret de papier blanc expres,
Que tu liras souvent & le tiendras de pres.
Et lors que tu seras docte suffisamment,
Bien instruit à vertu pour vivre honnestement,
Il te faut avoir soing solicitude & cure
De vivre selon Dieu, sans faire à nul injure,
Rendre à chacun le sien, & ne faire à l'autruy
Ce que tu ne voudrois que te fust fait par luy,
Faisant participant de tes moeurs & science
Ceux que tu cognoistras en avoir indigence:
Ausquels tu monstreras de bon coeur en tout lieu
Tout le bien que tu sçais, & que tu tiens de Dieu.
Fin.
Note du transcripteur
On a conservé l'orthographe (incluant les cédilles, accents et apostrophes) et la ponctuation de l'original. On a néanmoins résolu les abréviations par signes conventionnels (par exemple «Cõme» transcrit «Comme»), et distingué i/j et u/v selon l'usage.
Chargement de la publicité...