Du service des postes et de la taxation des lettres au moyen d'un timbre
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Title: Du service des postes et de la taxation des lettres au moyen d'un timbre
Author: A. Piron
Release date: November 30, 2006 [eBook #19984]
Language: French
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DU
SERVICE DES POSTES
ET DE LA
TAXATION DES LETTRES
AU MOYEN D'UN TIMBREPAR
M.A. PIRON
SOUS-DIRECTEUR DES POSTES
PARIS
IMPRIMERIE DE H. FOURNIER ET Cie
RUE DE SEINE, 14 BISM DCCC XXXVIII
SOMMAIRE.
CHAPITRE PREMIER.
Considérations générales sur le produit des postes, page 1.
Il est d'un haut intérêt d'augmenter le nombre des lettres en circulation en France, p. 1.--L'accroissement dans le nombre des lettres suit toujours l'accélération donnée à la marche des courriers; exemples pris dans la correspondance de Paris avec Marseille, p. 3.--Dans le service journalier, p. 6.--Dans le service rural, ibid.--Proposition de l'établissement de doubles courriers partant de Paris, p. 8.--Proposition d'un emploi mieux entendu des facteurs ruraux, p. 11.--Le tarif des postes est trop élevé. Considérations morales et financières à ce sujet, p. 16.--Transports frauduleux, p. 21.
CHAPITRE II.
Appréciation des frais.--Projet de réduction de 50 p. 100 sur le tarif actuel, page 27.
Quel est le prix du service rendu, p. 27.--Frais du transport des correspondances administratives, p. 30.--Frais du transport des journaux et imprimés taxés, p. 32.--Coût du transport d'une lettre ou d'un imprimé par la poste, p. 33.--Taux moyen de la taxe d'une lettre, p. 34.--Proposition de supprimer la taxe du service rural, p. 37.--Résultats financiers d'un abaissement de 50 p. 100 sur le tarif actuel des postes, p. 42.
CHAPITRE III. Examen du tarif actuel, proposition d'un nouveau tarif réduit, mais encore basé sur le poids des lettres et sur la distance qu'elles doivent parcourir, page 45.
Examen du tarif actuel, p. 45.--Considérations sur la lettre simple, p. 47.--Tableaux représentant les taxes proposées, p. 48 à 54.--Examen des tableaux: taxes de distance, p. 55.--Nouvelle échelle de poids, p. 58.--Le poids de la lettre simple fixé à 15 gram., p. 59.--Nombre des lettres pesantes en circulation dans le service des postes, p. 63.--Résultats financiers du tarif proposé, p. 64.
CHAPITRE IV.
Des avantages de la taxe fixe comparée au système actuellement en usage, page 67.
La taxe actuelle n'est pas proportionnelle au prix du service rendu, . 67.p--Les frais de transport n'entrent que pour moitié dans les frais généraux d'exploitation, p. 72.--Si la taxe fixe était adoptée, la taxation des lettres deviendrait plus facile, p. 74.--Le compte des taxes et la vérification des dépêches se ferait plus rapidement, p. 75.--Il pourrait être dressé un compte numérique des lettres en circulation, p. 80.--La distribution serait plus prompte, p. 81.--Avantage des lettres franches dans le service des postes, p. 82.--Examen de la taxe des lettres de la ville pour la ville, p. 84.--De la taxe des lettres pour les sous-officiers et soldats, p. 86.--De la taxe des avis de mariage et de décès, p. 87.--Des lettres de et pour l'étranger, ibid.--Si le nombre des lettres augmentait considérablement, les frais de transport en malle-poste et par entreprise ne s'élèveraient pas en proportion, p. 88.--Dépenses et recettes possibles d'un service en malle-poste de Paris à Marseille, p. 89.--Les autres frais d'exploitation n'augmenteraient pas, p. 92.--Proposition d'une réduction de la taxe de toutes les lettres à 1 déc. et à 2 déc., ibid.--Résultats financiers, p. 93.
CHAPITRE V.
De l'emploi d'un timbre sec pour l'application de la taxe, p. 95.
L'usage d'un timbre de taxe existait en 1653, p. 96.--Notes de Pélisson, ibid.--Brochure de M. Hill, p. 98.--De la composition et de l'application des timbres, p. 99---Timbres de taxe adoptés dans l'hypothèse de la réduction du tarif à 6 degrés de poids et à 6 degrés de distance, ibid.--Application du timbre à la taxe fixe de 1 déc. et de 2 déc., p. 102.--Modèles de timbres, p. 103.--De l'application des timbres, p. 105.--Les lettres réexpédiées ne supporteront pas d'augmentation de taxe, p. 106.--Les lettres trop pesantes, eu égard au timbre, seront mises aux rebuts, ibid.--Avantages de l'emploi des timbres, p. 107.--Il y aura plus de rapidité dans le service des postes, p. 109.--Il y aura diminution des lettres en rebut, p. 110.--Il y aura moins d'occasions de démoralisation pour les commissionnaires chargés des affranchissements, p. 112.--Il y aura extrême simplification dans la perception des recettes générales, p. 113.--Objections qu'on pourrait présenter.--Résultats de la nécessité de l'affranchissement préalable, ibid.--De la possibilité de la falsification des enveloppes timbrées, p. 117.--Application des timbres sur des papiers volants, p. 119.--Des garanties de fidélité dans la remise des lettres à domicile, p. 120.--Proposition d'étendre le service des lettres recommandées, p. 121.--Temps employé et dépenses résultant du timbrage des lettres, p. 123.--Dispositions transitoires, p. 124.
CHAPITRE VI.
Conclusions, p. 125
PIÈCES A L'APPUI.
Note n° 1, p. 139
Note n° 2, p. 144
Note n° 3, p. 146
Note n° 4, p. 147
Note n° 4 bis. p. 148
Note n° 5, p. 149
INTRODUCTION.
L'idée du nouveau système de taxation des lettres, au moyen d'un timbre, que je vais présenter ici, ne m'appartient pas 1. Je l'ai entendu développer par plusieurs personnes à Paris, et, tout récemment, j'ai trouvé ce sujet très-méthodiquement traité dans une brochure relative à des projets d'améliorations à apporter dans le service du post-office en Angleterre 2.
J'ai cherché à suppléer, par les développements dans lesquels je suis entré, à ce que les propositions qui ont été faites en France m'ont semblé avoir d'incomplet sous le rapport de l'exécution; et d'autre part, l'auteur anglais, qui a eu le premier, que je sache, le mérite d'exposer son système par écrit, en présente une application que je n'ai pas cru devoir adopter entièrement non plus. Cependant, en présence de ces différents projets qui tous tendaient à la réforme du mode de taxation actuellement en usage, j'ai pensé qu'il pourrait être utile de développer clairement ici le plan dont il est question, lequel m'a semblé, d'ailleurs, se prêter merveilleusement bien aux exigences du service des postes.
Je crois que si les raisonnements et les exemples sur lesquels j'ai cherché à appuyer cette opinion pouvaient être goûtés, on jugerait que l'abaissement du tarif, et la taxation des lettres au moyen d'un timbre, augmenteraient les recettes des postes, en même temps qu'ils rendraient plus promptes et plus sûres les opérations intérieures de la manipulation des lettres.
J'ai fait précéder cette proposition de quelques considérations générales sur le service des postes en France, afin de mieux motiver l'utilité d'une réforme à ce sujet.
CHAPITRE PREMIER.
Considérations générales sur le produit des postes.
Si l'on considère le service des postes, non pas seulement sous le rapport du produit de trente-six millions 3 qu'il donne annuellement au trésor, en taxe de lettres, mais sous les rapports bien autrement intéressants des facilités qu'il procure partout au commerce, des relations de famille et d'amitié qu'il entretient, enfin du développement de la morale et de l'éducation publique qu'il favorise, on reconnaîtra que l'augmentation de ses produits est moins importante peut-être que celle des lettres qu'il transporte, et qu'il est du devoir d'un gouvernement prévoyant et sagement libéral de viser à accroître et à étendre le nombre des correspondances par tous les moyens qui sont en son pouvoir.
Sous ce point de vue, en effet, le service des postes acquiert un caractère plus important, et son utilité fiscale elle-même ne doit plus être appréciée en raison du produit seul de la taxe des lettres, mais aussi en raison du puissant secours que la poste prête à toutes les autres branches du revenu public.
Ces deux intérêts sont tellement liés qu'on pourrait dire que si le bien-être du pays et la prospérité du commerce augmentent le nombre des lettres et le produit des postes, d'autre part, un service de poste fréquent et rapide, en multipliant les occasions d'écrire, est un élément de prospérité pour le commerce, et une cause de bien-être pour le pays.
Et, en effet, une lettre n'est jamais indifférente à la fois pour celui qui la reçoit et pour celui qui l'écrit; elle sert de préliminaire à un marché, à une transaction, à une affaire quelconque; car les lettres de famille ou d'amitié entrent pour un très-petit nombre dans la recette des postes, et les lettres d'affaires et de commerce y sont comptées pour la presque totalité.
L'expérience de toutes les époques prouve que les produits de poste augmentent toujours en proportion des facilités que l'on donne au public pour sa correspondance. Que ces facilités lui viennent, soit d'une plus grande fréquence d'ordinaires, soit d'une accélération nouvelle dans la marche des courriers, il y a toujours ou presque toujours augmentation immédiate dans les produits.
Il semble, en effet, que le public soit toujours prêt à écrire, qu'il saisisse toutes les occasions qui lui sont offertes, et qu'il envoie une lettre chaque fois qu'un courrier part, se hâtant d'écrire encore de nouveau lorsqu'une combinaison plus heureuse des services, ou une accélération dans la marche des courriers au retour, lui apporte plus tôt une réponse.
Un seul exemple pris dans la correspondance de Paris avec Marseille, expliquera plus clairement notre pensée. Avant 1828, les lettres de Paris pour Marseille, dirigées par Lyon, partaient à six heures du soir, et arrivaient à leur destination le sixième jour, à deux heures après midi; soit les lettres de Paris du lundi qui arrivaient à Marseille le samedi; c'était cent dix-huit heures employées pour le parcours. Au retour, les lettres de Marseille repartaient à deux heures du soir, et arrivaient à Paris le sixième jour à six heures du matin, ou cent douze heures pour le parcours au retour, ou deux cent trente heures pour le parcours à l'aller et au retour. Mais comme les lettres arrivaient à Marseille à deux heures, et que le courrier pour Paris repartait au même moment, les dépêches arrivantes n'étaient, la plupart du temps, ouvertes qu'après le départ du courrier, et, dansIl fallait donc, avant 1828, dix jours et quatorze heures pour avoir à Paris une réponse de Marseille. Mais une rapidité plus grande ayant été donnée aux malles dans le cours des années 1828 et suivantes, et un service direct en malle-poste de Paris à Marseille par Saint-Étienne ayant été établi au mois de juin 1835, la marche des correspondances s'est trouvée successivement accélérée sur cette ligne, à tel point qu'aujourd'hui les lettres de Paris arrivent à Marseille en soixante-huit heures à peu près. En effet, les lettres de Paris parties à six heures du soir, arrivent à Marseille le quatrième jour à deux heures du soir; soit les lettres du lundi le jeudi à deux heures, ou soixante-huit heures pour le parcours; ces lettres sont distribuées, et on peut y répondre le jour même; enfin les correspondances repartent à six heures du matin pour arriver à Paris le quatrième jour aussi à six heures du matin, et on trouvera qu'il ne faut plus aujourd'hui pour recevoir une réponse de Marseille que cent cinquante-six heures ou six jours et douze heures. L'accroissement des recettes a suivi l'amélioration du service: le produit de la taxe des lettres entre Marseille et Paris, qui était en 1827 de 110,500 francs, s'est élevé en 1832 à 172,248 francs, et en 1837 à 229,196 francs.
Mais si en 1827 il fallait à Paris dix jours et quatorze heures pour avoir une réponse de Marseille, et qu'il ne faille plus aujourd'hui que six jours et douze heures, et si la marche des correspondances s'est ainsi accélérée sur toute la route dans la proportion de dix à six à peu près, le public a dû en obtenir les résultats suivants:
1° Les négociants de Paris, qui attendent pour donner des ordres d'achat à Marseille une réponse à des demandes de renseignements, ont fait leurs affaires quatre dixièmes de fois plus vite, et par conséquent ont pu faire quatre dixièmes d'affaires de plus. 2° Les négociants, dont la correspondance est continue et qui n'attendent pour écrire de nouveau que la réponse à leurs premières lettres, ont fait effectivement quatre dixièmes d'acquisitions ou de transactions de plus; et si leurs affaires ont été fructueuses, ils ont réalisé quatre dixièmes de bénéfices nouveaux, ou, en d'autres termes, ils ont vu leurs bénéfices annuels s'augmenter dans la proportion de quarante pour cent. 3° Enfin, si la vie commerciale d'un négociant est supposée de vingt années de travail, et que l'accélération dans la marche des lettres soit supposée là même dans toutes les directions, elle peut se trouver ainsi abrégée de huit ans; c'est-à-dire qu'au moyen de la rapidité de la correspondance, il peut faire en douze années autant d'affaires qu'il en faisait en vingt ans avant 1828; ou que, s'il croit devoir travailler vingt ans comme précédemment, ses spéculations à la fin de sa carrière commerciale, supposées aussi heureuses qu'elles auraient pu l'être avant 1828, auraient été pour lui la source de bénéfices plus élevés dans la proportion de quarante pour cent.
Nous pourrions pousser plus loin nos suppositions, et nous trouverions partout la preuve de ce que nous avons avancé, que l'accélération de la marche des lettres ou l'augmentation du nombre des ordinaires, c'est-à-dire des départs et des arrivées des courriers, est une source d'avantages pour le commerce et d'accroissement dans les produits réalisés par l'État.
La marche des correspondances entre Paris et Marseille nous a servi d'exemple pour démontrer les avantages financiers d'une accélération des courriers; nous trouverons, dans l'établissement du service journalier de 1828 et du service rural, des exemples de l'accroissement de produits qui résulte de l'augmentation dans le nombre des ordinaires.
En effet, les services de transport des lettres, qui ne marchaient que trois ou quatre fois par semaine, particulièrement sur les routes du midi et de l'ouest de la France, furent rendus journaliers à partir du 1er janvier 1828; cette mesure entraîna une dépense d'à peu près 3 millions et, dès la fin de la première année (1828), les produits de la taxe des lettres s'étaient accrus de 2,500,000 fr. 5 Mais si les dépenses faites par le trésor se sont trouvées aux trois quarts couvertes dès la première année, ce n'est pas là que se sont bornés les avantages de la mesure: la recette a augmenté encore de 3 millions de 1828 à 1830, de 1 million de 1830 à 1832, et enfin de 4,557,000 fr. de 1832 à 1836.
Ces 2,500,000 fr. d'augmentation de produits de poste en 1828 représentent à peu près cinq millions de lettres nouvelles écrites en France, par conséquent un nombre d'affaires, de transactions de toute espèce, entre particuliers, en rapport avec le nombre des lettres écrites; ne pourrait-on pas affirmer que ces affaires et ces transactions ont fait rentrer dans les coffres de l'État des droits de diverses sortes, dont le montant a été bien supérieur, sans doute, aux produits que la poste a réalisés?
Dix-huit mois plus tard, une loi du 3 juin 1829 créa le service rural. La dépense de premier établissement fut de 3,500,000 fr. Ce service qui avait commencé le 1er avril 1830, combiné avec le service journalier, donna, dès la fin de cette première année 1830, c'est-à-dire en neuf mois seulement, une augmentation de produits de 3 millions 6.
Dans cette augmentation de recette de 3 millions, 935,000 fr. à peu près, produit de la taxe supplémentaire du décime rural, ont été perçus sur des lettres qu'on peut supposer avoir existé dans le service général des postes indépendamment de l'établissement du service rural, lettres qui précédemment pouvaient être portées des bureaux de postes dans les campagnes par des messagers particuliers; mais les 2,064,000 fr. formant l'autre partie de la recette, sont évidemment le produit de lettres nouvelles entrées dans le service des postes par le fait de la collection de ces lettres dans les campagnes, combinée avec les avantages d'un départ journalier de chacun des bureaux de poste où elles étaient portées.
Concluons donc de tout ce que nous venons de dire: 1° que le nombre des lettres s'augmente toujours en proportion de la célérité de la marche des courriers, de la fréquence des ordinaires et enfin de la sûreté et de la rapidité des moyens employés pour la distribution; 2° que le gouvernement doit soutenir et augmenter encore cet accroissement dans le nombre des lettres, puisqu'il est toujours exonéré par les recettes des frais que lui cause l'augmentation du nombre des facteurs et des courriers, et que, d'autre part, cette augmentation dans le nombre des lettres est une source nouvelle de produits pour les autres branches du fisc.
Et pendant que nous sommes sur ce chapitre, et avant de passer à une autre série d'observations, disons que cet accroissement dans le nombre des lettres pourrait être puissamment favorisé par divers moyens puisés dans ce service même; nous ne parlerons ici, dans ce moment, que de l'établissement de doubles courriers partant de Paris, et d'un meilleur emploi à faire des facteurs ruraux.
L'établissement de doubles courriers par jour, non-seulement sur quelques points importants en France, mais sur toutes les lignes aboutissant à Paris, est un besoin de service et une source de recettes clairement indiqués. En effet, il arrive à Paris tous les matins par les malles-postes environ quinze à seize mille lettres qui sont destinées à d'autres villes et qui ne doivent que traverser la capitale. Ces lettres séjournent dans les bureaux de la poste depuis quatre heures du matin jusqu'à six heures du soir, c'est-à-dire environ quatorze heures, et ce retard frappe sur la correspondance de beaucoup de villes importantes par leur commerce; soit, par exemple, les lettres de Lyon, de Saint-Étienne, de Marseille, de Toulouse, de l'Italie, de l'Espagne, pour Saint-Quentin, Bruxelles, Lille, Rouen, le Havre, la Prusse, la Belgique, l'Angleterre, etc.; et, vice versa, de tous ces derniers points pour le midi de la France. Ceci est un inconvénient grave; car, si l'accélération de la marche des courriers est, comme nous l'avons dit, une cause d'accroissement dans les produits, les lenteurs et les séjours en route ne doivent-ils pas produire un effet contraire? On parerait à cet inconvénient en établissant un double départ de courriers de Paris; les uns, expédiés le matin, emporteraient les lettres arrivées des départements, les journaux publiés à Paris et les lettres écrites dans la soirée de la veille; les autres, partant à six heures du soir, seraient chargés des lettres de Paris même et des correspondances administratives faites pendant la journée. Les courriers seraient plus rapides parce qu'ils seraient moins chargés, et beaucoup d'imprimés qui intéressent le service public, ne seraient jamais retardés pendant plusieurs jours faute de place, ce qui arrive quelquefois dans l'ordre actuel du service.
Si l'on objectait que les dépenses qu'entraînerait cette disposition seraient hors de proportion avec les produits que l'on pourrait en espérer, nous répondrions: 1° que cela pourrait ne point être exact, même dès l'origine, sur tous les points; 2° que bientôt après l'accroissement des lettres en transit par Paris couvrirait et au-delà la dépense 7; 3° et qu'enfin, sauf quelques routes où un double service en malle-poste pourrait être nécessaire, rien ne s'opposerait à ce que les transports du matin fussent confiés à des entreprises particulières de diligences, services que, selon leur importance, on pourrait faire surveiller par un courrier de l'administration, chargé d'accompagner les dépêches et de les distribuer aux bureaux de poste de la route. Ces doubles courriers devraient être établis sur toutes les lignes où se trouveraient des villes qui pourraient recevoir ainsi leurs lettres des départements en transit par Paris, le jour même de leur arrivée à Paris, ou le lendemain avant le passage de la malle-poste partie de Paris le soir du même jour. Les transports de dépêches par entreprises sont à bon compte généralement en France 8, et le trésor serait bientôt payé avec usure des frais de ces nouveaux services par l'accroissement du nombre des Lettres.
Note 8: (retour) Le terme moyen du prix d'un service par entreprise en France, est de 1647 fr. En effet, le nombre des entreprises est de 1700 environ, et la dépense annuelle est de 2,800,000 fr. (Voir comptes définitifs de 1836.) Le nombre des lieues parcourues par an par tous ces courriers d'entreprises réunis étant d'environ 7,800,000, le prix du transport des dépêches par entreprises est en France de 36 c. par lieue à peu près.Il existe, il est vrai, déjà aujourd'hui des services supplémentaires de transport de lettres et de journaux pour la banlieue de Paris; mais, indépendamment de ce que ces services, tels qu'ils sont, laissent beaucoup à désirer dans leur exécution, ils parcourent de trop courtes distances, et ils ne peuvent atteindre le but que nous proposons par les courriers du matin. Ces courriers du matin, au contraire, feraient le transport des lettres de Paris pour la banlieue, et arriveraient plus vite que les voitures auxquelles ce transport est actuellement confié.
L'autre source toute nouvelle de produits dont nous avons parlé se trouverait dans un emploi mieux entendu du service des facteurs ruraux 9.
On n'a pas assez pensé, jusqu'à ce jour, aux moyens de rendre ces facteurs des agents plus actifs de bien-être et de civilisation dans les communes qu'ils parcourent. La loi de poste 10, qui fixe à cinq pour cent le prix du transport de l'argent, et assujettit en même temps les envoyeurs au paiement d'une reconnaissance timbrée et le destinataire à la nécessité de se transporter au bureau de poste pour toucher son mandat, ne permet guère aux habitants des campagnes d'envoyer ou de recevoir de petites sommes d'argent par la poste. Si les facteurs ruraux étaient autorisés à recueillir dans les communes ces petites sommes d'argent, montants de quittances qui auraient été envoyées administrativement aux directeurs, et sur lesquelles le bureau de poste chargé de l'encaissement percevrait le droit proportionnel de cinq pour cent, les communes trouveraient enfin le moyen de se mettre en rapport avec les grands sièges de fabrication et s'approvisionneraient à Paris de beaucoup d'objets à bas prix, mais de première nécessité; ils connaîtraient enfin l'usage de ces choses qui donnent aux habitants, même pauvres, des grandes villes tant de supériorité de civilisation sur les habitants des campagnes, choses qu'on ne peut pas fabriquer dans les petites villes, parce qu'il n'y a qu'une immense consommation qui puisse compenser les frais de la fabrication et surtout le bas prix auquel on veut les avoir; objets enfin que, de tous les points de la France, on ferait venir de Paris, sans la difficulté, insurmontable jusqu'à présent, de la part du fournisseur, de s'en faire payer le prix 11. En effet, le consommateur placé aux environs de Toulon, par exemple, qui aurait une somme de 11 fr. nette à faire toucher au fabricant à Paris devrait payer à la poste d'abord cinq pour cent de 11 fr. ou 55 c.; le prix de la reconnaissance timbrée ou 35 c.; enfin le port de la lettre, 1 fr.: total 1 fr. 90 c., c'est-à-dire, plus de dix-huit pour cent de la somme à envoyer. Pour l'envoi d'une somme de 1 fr. de Bayonne à Paris, il en coûte 1 fr. 05 c., savoir: 1 fr. pour le port de la lettre, et 0,05 c. pour le droit de cinq pour cent 12 ou cent cinq pour cent de la valeur envoyée; l'opération n'est donc pas faisable, et si le particulier qui doit payer habite la campagne, elle est impossible; car il faudrait qu'il se transportât au bureau de poste, et dans ce cas il faut ajouter à tous les frais ci-dessus les dépenses résultant de son déplacement, de la perte de son temps, etc., etc.
Note 11: (retour) Que l'on considère combien l'intelligence et les connaissances du peuple des campagnes pourraient être hâtées par la jouissance de nouvelles choses utiles à la vie, par ce premier luxe pour ainsi dire de nécessité, par la mise à sa portée d'objets utiles, de meubles à bon marché, de livres, d'instruments domestiques qu'il ne connaît même pas aujourd'hui, parce que, bien qu'on puisse les lui faire parvenir, le prix en serait plus que quadruplé par les frais à faire dans la législation actuelle pour en opérer la rentrée; et l'on sera porté à désirer vivement que la modification si simple dans le service des articles d'argent, dont il est question ici, puisse s'opérer un jour.Il suit de là que les demandes de marchandises de peu de valeur des provinces à Paris doivent être très-rares; et il paraîtrait cependant que les besoins à ce sujet sont bien grands, puisque, malgré toutes les difficultés du recouvrement, il se trouve encore environ 2000 quittances expédiées par jour de Paris pour les départements; ce chiffre nous a été donné par une personne très-bien placée pour le connaître, et nous y ajoutons toute créance.
Ces quittances, faites aujourd'hui en général pour paiement du prix d'objets de librairie ou de journaux, ne sont pas confiées à la poste; elles sont réunies par plusieurs personnes qui font commerce de ces espèces de recouvrements, triées, mises en paquets pour chaque chef-lieu de département, accompagnées d'un bordereau, et enfin expédiées par les diligences aux receveurs généraux et d'arrondissement.
Mais les percepteurs, entre les mains desquels il faut que ces billets arrivent définitivement, ne font leur tournée qu'une fois par mois; mais les rentrées sont tardives; mais les frais sont considérables 13. L'administration pourrait faire par ses facteurs ce recouvrement tous les jours. Chaque envoyeur de bons semblables paierait volontiers cinq pour cent de commission, s'il n'y avait que cinq pour cent à payer. Or, 2000 quittances par jour font 730,000 quittances par an: en les supposant de 15 fr. l'une, on aurait à opérer une recette de 10,950,000 fr., qui, à raison de cinq pour cent, produiraient à l'État 547,500 fr. dès la première année, et cela en supposant que le nombre des quittances restât le même; mais cette facilité donnée au commerce par l'administration des postes, augmenterait en peu de temps le nombre des quittances, et l'opinion de la personne de qui nous tenons ces renseignements était que, dès la première année, leur nombre devrait plus que doubler. La recette du droit serait donc de 1,095,000 fr.
Et qu'on ne s'effraie pas du supplément de travail que devrait causer aux employés des postes la transmission des quittances des mains des particuliers aux mains des agents de l'administration centrale, et de ceux-ci aux directeurs des départements et aux facteurs ruraux; cette transmission serait simple et facile, et pourrait s'opérer sans augmentation sensible dans les frais de perception.
Qui peut dire cependant combien la civilisation gagnerait dans l'avenir à ce surcroît de bien-être que les habitants des campagnes retireraient du plan proposé; combien le commerce, à ce nouveau et immense débouché; combien, enfin, le trésor public, par la perception du droit de cinq pour cent indépendamment du nombre des lettres nouvelles qui accompagneraient l'établissement du nouveau service et que nous supposons devoir être considérable!
Or, maintenant, que l'on veuille donc considérer le service des postes comme un élément de prospérité sociale ou financière, on sera conduit à conclure qu'il laisse quelque chose à désirer, tant que l'administration investie du privilége ne transporte pas l'universalité des lettres que les particuliers ont intérêt à écrire.
Et ce résultat peut être amené par deux causes, soit que l'administration ne puisse les transporter assez fréquemment ou assez rapidement, soit qu'elle ne les transporte pas à assez bon marché.
Nous avons vu que, dans le cours des vingt années qui viennent de s'écouler, l'administration des postes avait multiplié le nombre de ses courriers et accéléré la marche des lettres par les divers moyens qui étaient en son pouvoir. Elle a fait le service journalier en 1828, le service rural en 1829; plus récemment encore, elle a régularisé la marche des correspondances sur divers points, et elle a multiplié le nombre des bureaux de poste: toutes choses qui tendaient à ce résultat, d'augmenter le nombre des lettres en circulation. Cependant, nous ne pensons pas qu'on écrive à beaucoup près encore en France autant qu'on pourrait écrire; l'accroissement du nombre des lettres devrait être plus grand.
Plusieurs causes, en effet, depuis plus de quinze ans, semblent concourir en France à l'augmentation des correspondances; l'instruction primaire plus généralement propagée, l'accroissement de la population, la division des fortunes, les entreprises industrielles de toutes sortes, le commerce plus répandu, mais aussi plus partagé, moins productif peut-être pour chacun, mais exigeant des efforts plus constants et une activité plus grande de la part de tous; enfin, tout, dans l'état actuel du pays, paraît devoir concourir à augmenter le nombre des lettres et les produits de poste. Nous avons indiqué, il est vrai, et indiquerons bientôt encore quelques améliorations importantes à faire dans le service, en ce qui touche la réception des dépêches et la distribution des lettres; car il ne suffit pas que les courriers marchent vite, si les agents des postes ne sont pas en mesure de distribuer les lettres avec une égale rapidité; mais, en somme, le principal obstacle à l'augmentation du nombre des lettres nous paraît résulter beaucoup moins de l'exploitation du service en général que de l'élévation du tarif, et peut-être aussi des formes et des proportions d'après lesquelles ce tarif est appliqué.
Il faut certainement qu'un service public soit exact et rapide, et qu'il se trouve en tout lieu sous la main de celui qui a intérêt à l'employer; mais, pour être universellement adopté, il faut encore qu'il soit offert à bon marché.
Le prix du port des lettres est trop élevé en France, et le fait peut être démontré sous le rapport moral, comme sous le rapport financier.
En effet, on peut remarquer que le transport des personnes et des marchandises en France se rencontre à tout prix; chaque besoin, chaque fortune en trouve à sa portée. Le service des postes, qui est l'objet d'un besoin plus fréquemment senti, le plus impérieux peut-être après celui des choses de première nécessité, est au même prix pour tous; il est donc juste et moral qu'il soit fixé au plus bas prix possible.
Supposons un ouvrier venant du département de l'Ariège s'employer à Paris: il lui sera presque interdit, dans l'ordre de choses actuel, de communiquer avec sa famille; car le port d'un franc dont sera frappée sa lettre, à chaque fois qu'il écrira, représentera la journée de travail de son père ou de son frère 14.
Note 14: (retour) Si un franc pour un ouvrier représente, par exemple, une demi-journée de travail en France, le paiement de la taxe d'une lettre sera pour lui une dépense égale à celle de 137 fr., pour un particulier qui jouirait d'un revenu de 10,000 fr., par an. Cependant, demandez une somme de 137 fr., pour le transport d'une lettre, à un propriétaire ou à un industriel, comme une taxe au marc le franc de son revenu de 274 fr., par jour, et vous entendrez sans doute de très-vives réclamations. Elles seraient justes, mais celles de l'ouvrier le seront au même titre jusqu'à ce que la taxe soit réduite au prix réel du service rendu.
Cependant les personnes qui ont occasion de juger des progrès moraux des jeunes gens de cette classe, savent que, lorsque le fils devient négligent à correspondre avec sa famille, lorsque la fille, éloignée de sa mère, cesse de lui écrire régulièrement, quand ses lettres deviennent courtes et rares, la démoralisation de l'absent est un fait sinon accompli, au moins très-prochain, et la société (dit un auteur anglais) qui tient en réserve les travaux forcés pour le commis dépositaire infidèle, et l'infamie pour la fille qui a failli, doit à sa propre justice de ne pas briser des communications préservatrices et de resserrer au contraire, autant que possible, des rapports de famille qui sont la garantie de moralité la plus sûre.Sous le rapport financier, on peut apercevoir que les produits des postes n'ont pas augmenté dans une proportion suffisante avec l'accroissement du commerce et de la population, à la suite de vingt années de paix. Le droit du dixième perçu sur le prix de transport des voyageurs dans les voitures publiques, s'est élevé de 1816 à 1836, de 1,669,367 fr. à 4,305,369 fr., c'est-à-dire a triplé. Le produit de la taxe des lettres n'a pas pris le même accroissement: la recette nette de 1816 a été de 19,825,000 fr., et la recette de 1836 de 35,600,000 fr., c'est-à-dire qu'elle a doublé seulement et cependant la recette des postes eût dû s'élever dans une proportion bien plus considérable que le 10e du produit des places des voyageurs, parce que l'envoi d'une lettre est un besoin bien plus général, plus fréquent et plus à la portée de tous, que le transport des personnes.
S'il y avait à opérer une réduction sur une taxe quelconque, ne conviendrait-il pas de choisir d'abord celle dont l'abaissement donnerait la plus grande somme d'avantages au public, avec la moindre perte pour le trésor? Or, l'impôt qui se prête le mieux à l'accomplissement de ces deux conditions, est la taxe des lettres; car, si le revenu des postes devait, en définitive, supporter une réduction, il serait encore douteux de savoir si la transmission des lettres à un plus bas prix ne développerait pas si puissamment les diverses sources de produits, que les autres branches de revenu public indemnisassent largement le trésor public de la diminution des recettes des postes.
Mais il en est autrement; les recettes augmentent, et l'accroissement trop faible encore, quoique progressif, de ce produit indique des besoins nouveaux de la part du public, besoins qui seraient plus complètement satisfaits si les bénéfices annuels de l'administration étaient moins considérables, ou, en d'autres termes, si le prix du transport, auquel le commerce est obligé d'avoir recours, était moins élevé.
Ne semble-t-il pas juste, d'ailleurs, qu'à mesure que les communications deviennent plus fréquentes, le prix de transport s'abaisse? et ne doit-on pas être porté à croire que l'administration des postes se récupérerait plus complètement des frais d'exploitation par le plus grand nombre de lettres que cette diminution de la taxe ferait rentrer dans son service? Les chemins de fer viennent en preuve à cette opinion; si l'administration était conduite à employer plus généralement cette voie, le moyen de transport de dépêches le plus rapide et le plus fréquent de tous, et, par cela même, le plus productif pour l'administration, ne coûterait rien ou presque rien; le tarif des postes, là au moins, ne devrait-il pas être abaissé?
Mais c'est partout qu'il devrait être abaissé, car il est partout trop élevé. Aujourd'hui, dans le commerce, un négociant défend à son correspondant de lui écrire toutes les fois qu'il n'a pas quelque chose d'important à lui dire; car le port de la lettre est toujours là entre eux comme une gêne et comme un obstacle. Si l'opération qui doit faire l'objet de la lettre ne présente pas un bénéfice clair et certain, la lettre n'est pas écrite, l'opération n'est pas tentée, et la faute en est à la taxe de la lettre qui, dans tous les cas, est une dépense que l'on craint, et que l'on évite le plus souvent qu'on peut.
La poste, qui devrait se présenter toujours comme une grande route ouverte, facile et presque gratuite pour le transport de ces premiers germes de commerce et d'industrie, se trouve là tout d'abord comme une dépense et comme un obstacle.
Qu'arrive-t-il de cela, cependant? si le particulier trouve le port de sa lettre trop élevé, ou absolument, ou relativement à l'opération qu'il tente, il la fera transporter en fraude, où il ne l'écrira pas. Dans le premier cas, la taxe, quelque minime qu'elle eût été, dans l'hypothèse d'une réduction de nature à faire rentrer la lettre dans le service, est perdue pour le trésor; et, dans le second cas, il y a perte pour tout le monde, savoir: 1º pour le particulier qui se prive d'écrire; 2º pour la recette des postes à laquelle échappe et le port de la lettre et le port de la réponse que cette lettre aurait pu amener; 3º enfin, pour les autres branches de revenu public qui auraient profité des transactions ou des consommations que cette correspondance aurait pu faire naître.
Celui qui soustrait sa lettre au service des postes, en effet, est guidé par l'un de ces deux motifs: ou il espère faire transporter cette lettre plus rapidement, ou il désire éviter tout ou partie du prix de transport.
Or, si le service que fait la poste n'est pas le plus fréquent transport qui s'opère sur certaines routes, au moins est-il à peu près partout le plus rapide, et nous ne craindrons pas de nous tromper en disant que, sur dix envois de lettres en fraude, neuf au moins sont déterminés par le désir de se soustraire au paiement d'une taxe trop forte eu égard aux frais moins élevés que comporte le transport en fraude auquel les particuliers ont recours; et, tout d'abord, il y a donc présomption que si le prix de transport par la poste était diminué, le nombre des lettres confiées au service augmenterait.
Le nombre des lettres transportées en fraude en France est et a toujours été considérable. Il y a vingt ans, on estimait que le nombre des lettres envoyées en dehors de la poste était égal à celui des lettres que transportait l'administration. Depuis ce temps, la marche des courriers a été successivement accélérée, et l'administration a pu regagner ainsi une grande partie des lettres qui lui échappaient par suite de la lenteur relative de la marche de ses dépêches; mais la taxe n'a pas diminué, elle a même été plutôt élevée que réduite par le tarif du 15 mars 1827, et les lettres qui échappaient au service des postes à cause de l'élévation du prix de transport, lui échappent probablement encore.
La fraude pour le transport des lettres se fait en tous temps, en tous lieux, et se reproduit sous mille formes diverses. Le public est naturellement ingénieux quand il s'agit de trouver les moyens d'éviter de payer les ports de lettres; tantôt c'est une enveloppe dont la suscription seule, le timbre ou l'écriture suffisent au destinataire, qui, après l'avoir regardée, la refuse aussitôt 15; tantôt c'est un journal ou un imprimé sur lequel quelques phrases sont soulignées, piquées ou arrachées 16.
Note 16: (retour) Notre auteur anglais donne un exemple assez curieux d'une fraude faite en Angleterre. Nous traduisons littéralement:
«Il y a quelques années, lorsqu'il était reçu qu'on pouvait opérer le transport d'un journal en franchise, en apposant le nom d'un membre du parlement sur l'adresse, un de mes amis, au moment de partir pour un voyage en Écosse, arrêta avec sa famille un plan au moyen duquel il donnerait exactement des nouvelles de sa marche et de l'état de sa santé, sans que ni lui ni elle fussent assujétis à la désagréable obligation d'acquitter des ports de lettres. Il prit avec lui une grande quantité de vieux journaux, et chaque jour il en jetait un dans la boîte du bureau de poste de la ville où il se trouvait. Le timbre du départ était pour la famille un certificat officiel de son itinéraire et l'état de sa santé était exprimé par l'état connu de la santé du membre du parlement dont il empruntait ce jour-là le nom pour opérer la franchise. Sir Francis Burdett, par exemple, pour exprimer une santé vigoureuse, etc., etc.» Voir aux pièces à l'appui (Note nº 2) le détail d'une autre espèce de fraude.Le nombre des objets saisis annuellement en fraude est cependant peu élevé; en 1837, on n'a pas saisi plus de huit cent soixante-onze lettres; et ce nombre n'indique rien, si ce n'est l'impossibilité d'exercer tous les jours une surveillance qui, en définitive, ne paraît pas être le meilleur moyen de réprimer l'abus. Qu'importe, en effet, au particulier que sa lettre soit saisie? c'est le messager tenté par le gain qu'il retire de son industrie, qui paie l'amende; mais pour l'envoyeur il n'y perd que sa lettre, et le lendemain la question du port à payer se représente de nouveau pour lui, en même temps que le désir de se soustraire à la taxe. Si ce n'est pas alors le même messager qu'il emploiera, ce sera un autre moyen; car il y en a mille, lorsque la personne qui écrit ne croit pas que sa lettre vaille le prix de la taxe. Mais le danger même de voir une lettre saisie en fraude est très-rare. Ces huit cent soixante-onze lettres saisies en 1837 ont été le résultat de deux cent soixante-trois procès-verbaux de visites seulement, faites sur des entrepreneurs de diligences ou autres. Or il y a douze cents services par entreprises de transports de dépêches journaliers en France, et plus du double de diligences, de messagers, de pourvoyeurs, etc., marchant régulièrement de ville à ville ou de provinces à provinces; soit deux mille quatre cents, et avec les services d'entreprise de poste, trois mille six cents courriers, messagers, etc., marchant tous les jours. Ces courriers et messagers font ensemble deux millions six cent vingt-huit voyages par an, en comptant l'aller et le retour. C'étaient donc deux millions six cent vingt-huit mille occasions de fraude, et je crois que nous sommes ici plutôt au-dessous qu'au-dessus du vrai nombre. Combien l'administration a-t-elle opéré de fois? deux cent soixante-trois, c'est une fois sur dix mille. Il y a donc dix mille chances à parier contre une qu'un messager en fraude ne sera pas saisi, et si on multipliait par dix mille le nombre de lettres saisies en 1837, on obtiendrait huit millions sept cent dix mille lettres, ou environ 4,350,000 fr. de produits qui ont ainsi échappé à la taxe.
Il faut cependant tenir compte encore de l'abus du contre-seing et de la franchise des fonctionnaires, qui est assez considérable, et de la fraude faite par les voyageurs de commerce ou autres, lesquels prennent aussi des lettres de leurs maisons, de leurs amis, de leurs compatriotes, d'inconnus même, qu'ils remettent ensuite plus ou moins exactement, il est vrai, mais qui dans tous les cas échappent à la taxe 17. Or les moyens de transport et de communication de toute sorte se multiplient chaque jour en France, et ouvrent de nouvelles et faciles voies à la fraude de la taxe des lettres.
Note 17: (retour) Si chaque voyageur en France est chargé seulement d'une lettre, et cette proportion est bien peu élevée, car chacun sait que bon nombre de voyageurs en emportent un très-grand nombre, on aura plusieurs millions de lettres transportées de cette manière seulement. En effet, il y a à Paris trois grandes entreprises qui desservent chaque jour plus de quinze routes, et qui, à raison de 12 voyageurs par voitures, transportent plus de 1000 voyageurs par jour, retour compris, ou 360,000 par an. Les autres diligences, ou messageries de ville à ville, que nous avons estimé devoir faire au moins 2,600,000 voyages par an, à raison de 4 voyageurs seulement, nous donneraient 10,400,000 voyageurs et avec les 360,000 de Paris, 10,760,000 voyageurs, ou 10,760,000 lettres transportées en fraude, c'est-à-dire encore 5,380,000 fr. de perte pour le trésor. Si la taxe était réduite à un prix très modique, la plus grande partie de ces lettres rentrerait dans le service des postes.Nous avons dit que la répression est difficile; elle serait souvent trop rigoureuse dans l'exécution. L'administration des postes ne saisit pas les lettres sur les particuliers qui se chargent accidentellement de leur transport. Les messagers, les conducteurs de diligences, les fraudeurs d'habitude, ceux enfin qui tirant parti de ce transport, sont seuls l'objet de ses investigations et de ses poursuites; et, en effet, le privilége des postes doit être avant tout profitable au public et aux relations de toute sorte qu'il entretient, et son service ne doit pas être une gêne, même pour les affaires qui n'emploient pas son intermédiaire. Là où l'administration des postes ne fait pas de service du tout, comme là où son courrier, ne marchant qu'une fois par jour, se trouve en concurrence avec d'autres services particuliers partant ou arrivant trois ou quatre fois, l'administration ne devrait pas saisir les lettres en fraude.
Les tribunaux semblent partager ce sentiment; ils ont déjà permis à l'industrie particulière de s'immiscer dans le transport des journaux et des imprimés dans Paris. Il est vrai que l'administration des postes pouvait conserver ce transport exclusif, et qu'elle le pourrait encore; il ne faudrait pour cela que faire ce transport plus exactement et à meilleur marché que personne, et elle en a les moyens.
Diminuez les taxes, et le prix de port d'une grande partie de ces lettres en fraude reviendra au trésor public. Essayons de traduire ceci par des chiffres.
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Le nombre des lettres soumises à la taxe a été en 1836 de soixante-dix-neuf millions 18. Supposons que le nombre des lettres transportées en fraude ait été des quatre cinquièmes de celui des lettres taxées, il y a eu soixante-trois millions deux cent mille lettres transportées en fraude, ci Otons un dixième de ces lettres que nous supposons avoir été confiées à des transports plus prompts ou plus fréquents que la poste, et qui dans tous les cas eussent échappé au service. Reste qui représentent le nombre des lettres qui ont été soustraites au service public pour éviter la taxe. Supposons qu'un cinquième de ces lettres ait été écrites en prévision d'un port gratuit, attendu que l'importance des affaires traitées ne comportait pas le paiement d'une taxe quelconque; ci Il restera encore lettres qui étaient assez intéressantes pour comporter une taxe, mais une taxe moins élevée que la taxe actuelle, et qui seraient probablement rentrées dans le service des postes si le tarif eût été moins élevé. |
63,200,000 6,320,000 ------------ 56,880,000 11,376,000 ------------ 45,504,000 |
CHAPITRE II.
Appréciation des frais.--Projets de réduction.
Nous avons cherché à démontrer que le prix du transport des lettres en France était trop élevé en général; nous allons examiner maintenant cette taxe en elle-même, les bases sur lesquelles elle a été établie, et les divers moyens de la modifier ou de la réduire.
On a dit souvent, pour motiver l'élévation du port des lettres, que cette taxe était le prix d'un service rendu. Mais toute autre espèce d'impôt est aussi le prix d'un service rendu: seulement, comme l'emploi de l'impôt n'est pas partout immédiatement applicable à l'exploitation du service même sur lequel l'impôt est prélevé, le contribuable ne suit pas la somme perçue jusqu'à l'application de cette somme à un service public qui lui est profitable, et paie à regret et sans reconnaissance. Il est cependant très-vrai que l'impôt des portes et fenêtres, par exemple, paie l'entretien des routes ou la garde des frontières, au même titre et à peu près de la même manière que la taxe des lettres paie les frais des malles-postes, et le salaire des courriers et des facteurs.
Or, si la taxe des lettres est le prix du service rendu par l'État aux particuliers, le prix doit-il s'élever, et dans quelle proportion doit-il s'élever au-dessus des dépenses de l'exploitation? C'est ce qu'il convient d'examiner.
Nous avons entendu quelque part défendre cette opinion, que le produit de la taxe des lettres ne devait être considéré comme le prix d'un service rendu que pour la partie de ce produit qui représentait les dépenses d'exploitation, et que, pour le surplus de la recette, c'était un impôt qui devait, comme les autres impôts, être réparti également entre tous les citoyens.
En effet, disait-on, si la taxe des lettres est le prix d'un service exécuté, cette taxe est complètement perçue lorsque toutes les dépenses d'exploitation sont couvertes: l'excédant de la recette, s'il en existe, devrait donc être supprimé, et les taxes diminuées dans une égale proportion; ou, si l'impôt est nécessaire, il devrait être perçu comme tout autre impôt, c'est-à-dire par parties égales entre tous les particuliers. Or supposons la recette des postes de 40 millions 19, et les dépenses de 20 millions de francs tant en matériel qu'en personnel: la différence, c'est-à-dire la somme de 20 millions de francs, est un impôt, et cet impôt semble très-injustement réparti; car l'habitant de Toulon, par exemple, le supporte dans une proportion cinq fois plus grande que l'habitant de Versailles. En effet, la taxe de Paris à Versailles est de 2 décimes par lettre simple, et celle de Paris à Toulon est de 10 décimes; toutes les taxes de poste de France ayant donné 40 millions, et la dépense étant de la moitié, les frais du service rendu sont pour la correspondance de Versailles de 1 décime par lettre simple, et pour Toulon de 5 décimes, c'est-à-dire, pour chacune, moitié de la taxe totale. Si l'excédant est un impôt, il est ainsi réparti: Versailles paie 1 décime d'impôt par lettre simple, et Toulon 5 décimes, c'est-à-dire cinq fois davantage. De là découlait la proposition de soumettre toute lettre à deux taxes: 1º à la taxe proportionnelle aux frais d'exploitation; 2º à une taxe fixe dont le montant serait égal à l'excédant des recettes sur les dépenses, divisé par le nombre des lettres en circulation.
A ce raisonnement, cependant, on pourrait objecter que, si une lettre de Paris pour Toulon paie 10 décimes dont 5 décimes d'impôt, Paris paie aussi 5 décimes d'impôt pour la lettre venant de Toulon, et tous les destinataires de lettres en France paient à leur tour, lorsqu'ils reçoivent des lettres, un impôt proportionné à la distance qu'a parcourue la lettre qui leur est remise: les petites distances, il est vrai, paraissent, dans la répartition de l'impôt, avoir l'avantage du nombre sur les grandes; mais, comme toutes les villes de France peuvent entretenir des relations à de longues comme à de courtes distances, il s'ensuit que les avantages et les inconvénients du mode de taxe sont balancés pour toutes les villes, et que l'impôt se trouve égal pour tous.
Mais revenons à l'appréciation du service rendu, et au prix actuel de revient du transport d'une lettre en France.
Or, le nombre et le poids des lettres administratives transportées en franchise par le service des postes est difficile à constater exactement. Il faudrait, pour arriver rigoureusement à ce résultat, qu'à l'arrivée et au départ des dépêches, et pendant un temps assez long, les lettres administratives fussent taxées fictivement, et cette taxe constatée sur des états particuliers. Cette opération serait longue, parce que l'appréciation du poids de paquets d'un volume souvent considérable, et toujours différent des lettres ordinaires, entraînerait un délai qui serait de nature à retarder l'expédition des courriers ou la distribution des lettres. Ce travail s'est fait sous l'ancienne administration, il est vrai; mais, outre qu'il a été entaché d'inexactitude au moment même où il s'opérait, depuis ce temps, l'augmentation du nombre des lettres franches a été telle, que l'ancien travail serait aujourd'hui plus nuisible qu'utile.
L'augmentation des correspondances administratives est due à notre système de centralisation, qui amène à Paris des renseignements écrits et des pièces de toute nature, des points les plus éloignés du centre, et qui fait que c'est aussi de Paris que se répandent partout en France jusqu'aux formules imprimées dont font usage cent mille payeurs, percepteurs et fonctionnaires de toute espèce; et comme cette centralisation s'opère d'abord au chef-lieu de chaque département, les mêmes pièces et les mêmes renseignements passent deux fois par le service des postes, savoir: de Paris aux chefs-lieux et des chefs-lieux aux communes, et au retour des communes aux chefs-lieux et des chefs-lieux à Paris.
L'augmentation du nombre des paquets administratifs ne résulte pas seulement des formes si satisfaisantes, mais si multipliées, de notre comptabilité centrale, mais aussi des renseignements statistiques qui se réunissent et s'emploient maintenant partout, des justes exigences de la cour des comptes, des justifications à fournir aux chambres, enfin des rapports plus nombreux chaque jour des diverses administrations publiques avec tous les particuliers en France. Toutes ces causes, qui sont inhérentes à la forme de notre gouvernement et aux besoins de notre comptabilité, font que non-seulement le nombre des dépêches circulant en franchise à Paris et en province entre fonctionnaires de tous grades est devenu considérable, mais que le poids de presque toutes ces lettres dépasse de beaucoup celui des plus gros paquets soumis à la taxe; en sorte que, si celles-là étaient taxées selon l'échelle de poids et de distance fixée par le tarif, la somme de produits qu'ils donneraient dépasserait de beaucoup les produits ordinaires des lettres. Nous ne craignons pas de nous tromper en disant que le montant de cette taxe serait de cent cinquante pour cent plus élevé que le produit total des lettres taxées circulant en France, soit la somme de 54,000,000 fr. au lieu de 36,000,000 fr. 20; ou, pour traduire cette proportion par un nombre de lettres simples, si le nombre des lettres taxées circulant dans le service est annuellement de soixante-dix-neuf millions 21, le nombre de lettres administratives circulant en franchise en France, considérées comme simples, serait d'environ cent dix-huit millions cinq cent mille.
La taxe moyenne des postes sera encore affectée par une autre nature de correspondance; nous voulons parler des journaux.
Si les correspondances administratives ne paient aucun port, les journaux paient un port réduit qui ne suffirait pas aux frais de leur transport et de leur distribution et que compense encore le montant de la taxe des lettres des particuliers.
Le nombre des journaux et imprimés taxés transportés par la poste en France est annuellement de quarante-six millions deux cent trente mille 22. Le produit de la taxe n'est que de 1,800,000 fr. par an. Le prix du port de ces imprimés est de 4 c. ou de 2 c. 1/2 ou de 1 c. 1/4 par feuille, selon leur dimension, et nous verrons tout à l'heure que le prix moyen de transport et de distribution d'une lettre ou d'un journal est plus élevé.
Ces données obtenues, pour trouver le prix moyen du transport et de la distribution d'une lettre ou d'un journal circulant par la poste, nous procéderons ainsi qu'il suit:
|
Le nombre des lettres taxées qui ont circulé en France
par le service des postes en 1836 est de: Le nombre des journaux et autres imprimés taxés: Le nombre des lettres en franchise: Total du nombre de lettres et d'imprimés circulant dans le service des postes en un an: |
79,000,000 46,250,000 118,500,000 ------------- 243,750,000 |
23 24 |
Les dépenses de toute espèce de l'administration des postes en 1836 ont été de 19,409,701 fr. 25.
Note 25: (retour) Voir le compte définitif des dépenses de l'administration des finances en 1836 distribué aux chambres en 1838:
Chap. 21. Personnel à Paris,
Chap. 20. Personnel en province,
Chap. 41. Transport des dépêches sur terre,
Chap. 46. Restitutions,443,712
9,509,295
9,449,194
7,500fr. ![]()
19,409,701
19,409,701 fr. divisés par 243,750,000 fr. égalent 0fr.,0796. En conséquence, le prix du transport et de la distribution d'une lettre, d'un journal ou d'un imprimé, y compris tous les frais de la rentrée des produits, a été en 1836 de 0fr.,0796, ou un peu moins de 0,08 c., et encore il convient de remarquer que dans cette dépense de 19,409,701 fr., nous avons compris des frais de personnel à Paris et en province, qui servent en même temps à la rentrée de certains produits étrangers au transport des lettres, tels que la recette du prix des places des voyageurs dans les malles et dans les paquebots et le droit de cinq pour cent sur les articles d'argent, produits qui seuls se sont élevés en 1836 à 2,500,000 fr. 26; et nous n'avons pu faire autrement, parce que les mêmes employés sont chargés en même temps de ces diverses Recettes.
Maintenant que nous avons vu ce que coûte au trésor public le transport d'une lettre ou d'un journal, cherchons quel est le taux moyen du produit de l'objet taxé.
Si on divise la recette nette du produit de la taxe des lettres et des journaux en 1836 par le nombre des lettres et des journaux qui ont été taxés en France pendant la même année, on obtiendra le résultat suivant:
Les recettes nettes de la taxe des lettres en 1836, sont à peu près de 36,000,000 fr. qui, divisés par cent vingt-cinq millions deux cent cinquante mille lettres ou imprimés taxés, donnent 0,28 c. 1/3 à peu près pour moyenne de la taxe d'une lettre ou d'un imprimé taxé en 1836.
Mais comme la taxe des imprimés est de 0,4 c. par feuille, il s'ensuit que les quarante-six millions deux cent cinquante mille imprimés qui ont circulé dans le service des postes en 1836, ont dû donner seulement une recette de 1,850,000 fr. 27, et que la taxe des lettres a produit l'excédant des recettes, c'est-à-dire 34,150,000 fr. Nous sommes donc conduits à diviser la somme de 34,150,000 fr. par le nombre des lettres taxées, afin d'avoir le taux moyen de la taxe des lettres: et nous trouverons que le prix de port moyen d'une lettre taxée en France est d'environ 0,43 c. 1/4 28.
Note 28: (retour) Nous supposons que le nombre de 79,000,000 de lettres porté à l'Annuaire de 1838, est un peu exagéré, et que le taux moyen de la taxe d'une lettre est de 50 c. environ. C'est ainsi qu'on le compte dans les postes, et nous nous croyons suffisamment autorisé à prendre dans la suite cette somme de 50 c. pour base de nos calculs.
Mais la somme de ces taxes a donné au gouvernement le moyen de transporter, avec un grand rabais, les imprimés de toute espèce, et gratuitement toute la correspondance administrative.
Or, si les frais de transport d'une lettre sont en réalité de 0,08 c. et le produit d'une lettre taxée (taux moyen), de 0,43 c. la recette est donc de cinq cent trente pour cent plus élevée que le prix du service rendu; enfin la partie de ces produits qui peut être considérée comme prix du service rendu est de 6,320,000 fr. et celle qu'on peut appeler un impôt, est de 29,980,000 fr.
D'autre part, la dépense effective résultant du transport des dépêches administratives, est de 9,480,000 fr., c'est-à-dire, qu'il y a cent dix-huit millions cinq cent mille lettres simples, à raison de 0,08 c. l'une, et cela si l'on n'a égard qu'aux frais réels d'exploitation; car le transport de cette correspondance administrative représenterait un emploi de 50,955,000 fr. si la dépense était calculée à raison de 0,43 c. par lettre, taux moyen de la taxe dont sont frappées les lettres des particuliers.
On voit donc dès à présent que la taxe des lettres devrait être réduite en France de cinq cent trente pour cent, si on voulait la mettre en rapport exact avec la dépense réelle causée par le transport et la distribution des seules lettres des particuliers, et de cinquante pour cent à peu près si on voulait mettre la recette en rapport avec la dépense réellement faite pour le transport et la distribution de toutes les lettres, journaux et imprimés taxés envoyés par les particuliers ou circulant en franchise, pour le service du gouvernement.
Avant que de traiter de la réduction possible de la taxe des lettres en général, il convient de parler d'abord de la taxe du service rural en particulier, et de la nécessité de supprimer le décime supplémentaire appliqué aux lettres distribuées ou recueillies dans les communes.
L'établissement du service rural est un des grands bienfaits de la précédente administration des postes. En rendant tout d'un coup journaliers au 1er janvier 1828 tous les services de transport de dépêches en France, dont un grand nombre ne marchaient précédemment que trois ou quatre fois par semaine, l'administration s'était imposé l'obligation de faire mieux encore. Par suite du service journalier, la position des communes qui ne possédaient pas de bureaux de poste devenait comparativement plus mauvaise chaque jour; car, sur trente-huit mille communes dont se compose la France, deux mille se trouvaient recevoir exactement leurs lettres tous les jours, et trente-six mille autres ne les recevaient pas du tout. L'administration a donc sollicité, comme nous l'avons dit, et obtenu des chambres en 1829 un nouveau crédit de trois millions pour payer des facteurs chargés de distribuer des lettres dans les communes privées de bureaux de poste. La loi du 3 juin 1829 disait que ce service serait fait au moins de deux jours l'un; depuis 1830 il a été organisé journalièrement dans beaucoup de communes importantes, et chaque jour l'administration est entraînée vers le moment où il deviendra journalier partout.
Nous avons vu comment cette communication journalière entre les communes rurales et la ville principale qui les avoisine, pourrait être utilisée de manière à produire des résultats beaucoup plus avantageux. Ces messagers obligeants, par devoir et par intérêt, qui apportent jusque dans les fermes les plus éloignées, tous les produits de l'intelligence des villes, sont appelés à modifier un jour la condition des campagnes. Nous avons dit comment nous comprenons que ce résultat pourrait être obtenu 29; mais la cause qui nuirait toujours à ce développement, c'est la taxe du service rural.
En effet, la perception d'un décime supplémentaire sur la taxe ordinaire des lettres distribuées dans les campagnes, est injuste, et elle est improductive.
Elle est injuste: 1º parce qu'il n'est pas équitable, dans l'ordre naturel des idées, qu'un particulier qui reçoit sa lettre tous les deux jours et par un piéton qui arrive plus tardivement, paie un port plus élevé que celui qui, dans une ville, est servi tous les jours, et reçoit sa lettre immédiatement après l'arrivée du courrier; 2º parce que, d'après l'esprit qui a présidé au système général de la taxation des lettres, depuis la loi du 15 mars 1827, les lettres qui parcourent un plus grand trajet en ligne droite, doivent supporter une taxe plus considérable, et qu'ici très-souvent dans l'exécution le décime rural se trouve appliqué sur des lettres qui ont parcouru ou dû parcourir en ligne droite une distance moindre que celle qu'ont parcourue les lettres qui ne supportent pas cette taxe. Soit le cas très-fréquent où la commune dans laquelle est distribuée la lettre, se trouve plus rapprochée du point de départ, que le bureau de poste où elle est déposée par le courrier. Et ici, il y a double injustice; car la commune que traverse le courrier en se rendant au bureau, ne reçoit souvent par le facteur rural ses lettres que le lendemain du jour où elle eût pu les recevoir si le courrier les avait déposées à son passage, et cette commune paie un décime de plus, tandis que la ville plus éloignée où le courrier s'est arrêté, a reçu ses lettres un jour auparavant, et n'a pas payé de supplément de taxe.
Elle est relativement improductive: 1º parce que les particuliers habitant la campagne, qui ont des relations suivies avec les villes (et ce sont ceux qui reçoivent le plus de lettres), entretenant un service particulier pour le transport de leurs provisions, se font adresser leurs lettres poste restante, et ne paient pas le supplément de droit.
2º Parceque parmi les communes soumises au décime rural, les plus importantes, telles que les chefs-lieux de canton, qui donnent la plus grande part des produits ruraux, deviennent successivement bureaux de poste elles-mêmes, et ne paient plus le droit supplémentaire; et l'administration se trouve ainsi placée entre le désir de conserver des produits, et le devoir de faciliter la marche générale des correspondances par la création de nouveaux bureaux. Il faut cependant lui rendre ici cette justice, qu'elle a cédé jusqu'à présent plutôt à ce dernier sentiment qu'au premier.
3º Parce qu'enfin la rentrée de cette espèce de produit ne peut se contrôler que très difficilement: en effet, les facteurs ruraux sont abandonnés à eux-mêmes pour la perception de la taxe qu'ils frappent et qu'ils réalisent dans le cours de leurs tournées. Ils sont placés, pour la perception de leurs autres recettes, sous les ordres d'un directeur qui, de son côté, n'est appelé à verser que le montant des sommes résultant de ses propres déclarations. Les éléments de contrôle employés ailleurs qui résultent de la mise en charge d'un agent par un agent correspondant, au moyen d'une feuille d'avis officielle envoyée plus tard à l'administration, manquent ici. Les moyens de comparaison puisés dans les recettes de même nature obtenues dans les autres bureaux, seraient d'ailleurs très peu satisfaisants, parce que deux bureaux semblables par le commerce de leur ville et par leur population, peuvent être très-différents sous le rapport des produits ruraux. Une seule fabrique importante dans les environs d'une ville, par exemple, doit faire quadrupler les produits du décime rural: qui peut dire alors, si le directeur a effectivement fait une recette plus ou moins élevée? Et le mal d'un semblable ordre de choses est que les premières erreurs coupables ou involontaires des préposés, passent forcément inaperçues; que les préposés s'habituent à ces petits détournements des décimes ruraux, à ces grapillages; que les produits baissent; ce qui est plus grave encore, que les agents se démoralisent et s'encouragent à commettre des détournements plus grands. Peut-être ne serions-nous pas taxé d'exagération, si nous disions qu'un tiers des produits du décime rural est absorbé de cette manière, et se trouve perdu pour l'État.
4º La taxe du service rural perçue d'après une règle injuste, puisqu'elle n'est en proportion, ni avec les frais du service rendu, ni avec le poids des lettres, ni avec la distance parcourue, est improductive encore en ceci, qu'elle gêne la circulation des lettres, et nuit à l'accroissement des produits généraux; et ceci est prouvé par l'expérience du service qui compte déjà sept années d'existence. Le produit net du décime rural, qui était en 1831 de 1,400,000, n'avait atteint en 1836 que le chiffre de 1,900,000, quoique la dépense se fût chaque année considérablement accrue 30, et que le nombre des facteurs ruraux, qui était de 4,500 dans l'origine, se fût élevé à plus de 8,000 31. Il est vrai que la recette nette du produit ordinaire de la taxe des lettres s'est élevée de 29 millions à 33,700,000 de 1830 à 1836, et que le service de la distribution des lettres dans les communes, peut se glorifier justement d'avoir été en partie la source de ces produits, par les facilités qu'il a données aux particuliers habitant des campagnes, d'écrire commodément à tous les points du royaume et de l'étranger; aussi, c'est de cette augmentation même dans la masse générale des recettes que nous tirons l'induction fondée, que les nouvelles facilités données par la suppression du décime rural, contribueraient plus puissamment encore à l'accroissement des produits généraux.
C'est donc avec raison que nous avons dit que la taxe du service rural était injuste et relativement improductive 32. Le devoir de l'administration des Postes est de transporter et de faire distribuer dans des conditions égales, selon leur poids et la distance parcourue, toutes les lettres à leur destination. Si les moyens lui ont manqué pendant longtemps pour compléter ce service à l'égard des habitants des campagnes, il y avait lacune, le service des postes était incomplet. Aujourd'hui que la loi du 3 juin 1829 a amené cette heureuse amélioration, il n'est pas juste de séparer en deux catégories les destinataires des lettres et de placer ceux des campagnes dans des conditions doublement défavorables. Le service rural doit être considéré comme la continuation du service ordinaire; son nom de rural doit disparaître, c'est un service de distribution au même titre et dans les mêmes conditions que celui qui se fait dans les villes, et les lettres ainsi transportées doivent être soumises à la taxe ordinaire réglée d'après leur poids et la distance parcourue de bureau de poste à bureau de poste.
Nous croyons en avoir déjà dit assez à l'examen du prix du service rendu, pour prouver qu'un abaissement dans le tarif, fût-il même de 50 p. 0/0, s'il diminuait momentanément les produits des postes, n'exposerait cependant pas le gouvernement à la nécessité de transporter à titre onéreux les correspondances administratives et particulières. Mais si les recettes résultant de la taxe des lettres en circulation, devaient diminuer, d'autre part, une source toujours abondante de produits nouveaux serait ouverte par l'abaissement même qu'on aurait opéré sur le tarif; nous voulons parler de l'augmentation du nombre des lettres qui accompagne toujours l'abaissement de la taxe.
Essayons de supputer quelles seraient cette diminution et cette augmentation, si l'on abaissait le tarif de 50 p. 0/0.
|
La recette nette en port de lettres a été en 1836 de
Otons la recette du décime rural dont nous proposons la suppression. Reste. Un abaissement supposé de 50 p. 0/0 sur toutes les taxes de lettres, réduirait encore cette recette à: |
35,665,732 1,932,476 ---------- 33,733,256 16,866,628 |
fr. |
Mais cette réduction serait atténuée:
1º Du produit nouveau résultant des 45,504,000 lettres qu'un abaissement du tarif doit enlever à la fraude, et faire rentrer dans le service des postes 33. Ces 45,504,000 lettres taxées d'après le tarif réduit de 50 p. 0/0, c'est-à-dire, en moyenne, à 25 cent. au lieu de 50 cent., donneraient une augmentation de recette de 11,376,000 fr.
2º De l'augmentation de 547,500 fr., montant du droit de 5 p. 0/0, sur les quittances transportées 34.
3º De l'augmentation probable du nombre de lettres résultant du nouveau transport des petites sommes d'argent, par les facteurs ruraux 35, pour mémoire.
4º Enfin de l'augmentation dans le nombre général des lettres circulant par la poste, augmentation qui doit résulter de la réduction même de 50 p. 0/0 sur la taxe. Cette augmentation doit être considérable si l'on considère que la taxe rurale supplémentaire serait entièrement supprimée et le prix du transport des lettres réduit au prix du service rendu. Mais n'estimons cette augmentation de recette qu'au cinquième de la recette totale opérée aujourd'hui, et nous aurons en produits nouveaux le cinquième de 35,600,000 fr. ou 7,100,000 fr.
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En résumé la recette totale ou 35,666,000 fr., réduite
par l'abaissement de la taxe à 16,866,000
donne une perte annuelle de Les produits nouveaux seraient: 1º Diminution de la fraude. 2º Droit de 5 p. 0/0 sur les quittances transportées. 3º L'accroissement du nombre de lettres résultant de l'envoi des quittances, pour mémoire. 4º Augmentation générale dans les recettes résultant de la diminution du tarif. Total. La perte annuelle était L'augmentation probable des recettes, dès la première année, serait donc |
11,376,000 547,500 7,100,000 ---------- 19,023,000 |
fr. |
19,023,000 18,800,000 -------------- 223,000 |
fr. fr. |
18,800,000 |
Si nos chiffres ne paraissaient pas trop arbitrairement réglés, et qu'on pût être persuadé que les recettes des postes ne diminueraient pas dans la première année, par suite des abaissements proposés dans le tarif, à plus forte raison croirait-on que dans les années suivantes, les produits iraient toujours en augmentant, car l'accroissement successif du nombre des lettres, comme conséquence de l'abaissement du tarif, est un principe qui ne sera nié par personne 36.
Note 36: (retour) La taxe des lettres n'ayant pas été réduite en France depuis longues années, nous ne pouvons pas donner, par des chiffres, la preuve de ce fait; mais nous trouverons cette preuve dans la comparaison des recettes en port de lettres faites en Angleterre en 1710 et 1754. (Voir aux pièces à l'appui, Note nº 4.)
Cependant après un plus mûr examen, il serait facile d'apercevoir que cette réduction générale de cinquante pour cent sur les taxes de toutes distances et de tous poids, ne serait pas le plus avantageux de tous les modes de réduction qu'on pourrait opérer sur le tarif des postes. Ce n'est pas également, en effet, que les taxes devraient être réduites: il est des correspondances dont le prix de transport doit être allégé de beaucoup dans l'intérêt de la diminution de la fraude et de l'augmentation du nombre des lettres; et d'autres taxes, au contraire, qui, si la forme actuelle d'application du tarif était conservée, pourraient être maintenues à leur taux sans qu'il en résultât une gêne aussi sensible pour les particuliers.
C'est ce que nous nous proposons de développer maintenant; et de l'examen des taxes actuelles, nous ferons ressortir la nécessité d'un tarif plus simple dans ses combinaisons, plus modéré et plus facile dans son application.
CHAPITRE III.
Examen du tarif actuel.--Proposition d'un nouveau tarif basé sur le poids des lettres, et sur la distance qu'elles doivent parcourir.
La taxe des lettres procède actuellement selon deux conditions: d'abord, d'après la distance que la lettre doit parcourir en ligne droite dans le royaume; et ensuite, d'après son poids 37.
L'échelle des distances varie de 40 kilomètres à 80, de 80 k. à 150, de 150 k. à 220, de 220 k. à 300, de 300 k. à 400, de 400 k. à 500 et ainsi de suite, et la taxe d'un décime à l'origine, s'accroît à chaque échelon d'un décime additionnel.
L'échelle du poids procède ainsi: la lettre est simple jusqu'à 7 grammes 1/2, et elle paie le prix que nous venons d'indiquer; au-dessus de 7 gr. 1/2 jusqu'à 10 gr., elle doit un demi-port simple de plus; de 10 gr. à 15 gr., elle doit deux fois le port; de 15 gr. à 20 gr., deux fois et demi le port; de 20 gr. à 25 gr., trois fois le port, et ainsi de suite, en augmentant d'un demi-port par chaque 5 grammes en sus.
Il suit de cette échelle si serrée des degrés de distance et de pesanteur, que les diverses taxes à apposer sur les lettres sont infinies dans leurs combinaisons; qu'il faut en composer une spéciale à chaque lettre qui passe dans le service; qu'enfin cette opération de la taxe est longue, difficile et sujette à erreur.
Mais comme les degrés, tant de distance que de poids, sont plus serrés dans les premiers échelons de taxe que dans les derniers, ce sont les lettres parcourant les petites distances et pesant un peu plus de 7 gr. 1/2, qui se trouvent dans les conditions les plus défavorables, et malheureusement aussi ce sont celles dont la fraude s'empare le plus facilement. En effet, il semble que ce soient justement les correspondances qui pouvaient échapper le plus aisément, et qui par cela même auraient dû être le mieux traitées, que le législateur ait frappées avec le plus de rigueur, et la raison qui a présidé à cette disposition est facile à comprendre: les lettres qui parcourent de courtes distances sont les plus nombreuses et une très-légère augmentation de taxe pour chacune d'elles se trouvait ainsi faire augmenter sensiblement les produits généraux. Mais on n'a pas pensé au nombre considérable de nouvelles lettres de cette nature qu'on aurait pu, au contraire, ramener dans le service par un allègement dans les taxes du premier degré.
Les lettres vraiment pesantes sont dans une proportion très-minime 38. C'est la condition des lettres simples qu'il faut d'abord améliorer; ce sont elles qu'il faut faire rentrer dans le service par tous les moyens possibles, soit par une extension de la distance qu'elles peuvent parcourir, soit par une augmentation dans le poids accordé.
Les lettres simples, ainsi que nous le comprenons, en effet, ne devraient pas être seulement celles qui se composent d'une simple feuille de papier ou pesant moins de 7 gr. 1/2; ce devraient être les lettres écrites par une seule personne à une autre seule personne, et d'un poids fixé de manière à ce qu'on pût joindre à ces lettres un ou deux effets de commerce, un acte de famille ou toute autre pièce; car c'est souvent pour cette seule pièce insérée, que la lettre est écrite; et lorsque cette addition doit entraîner un supplément de port, la lettre échappe à la poste, et la pièce est envoyée par une autre voie.
La réduction à opérer sur le tarif ne semble donc pas devoir être faite exactement d'après l'échelle des taxes actuellement existantes, mais plutôt sur les bases suivantes:
1º Éloigner les limites de distances et de poids, passé lesquelles une lettre cesse d'être considérée comme simple; 2º supprimer une grande quantité de degrés de l'échelle des taxes tant du poids que des distances, afin de rendre l'opération de la taxe plus simple pour les employés, et le prix de transport moins élevé pour les particuliers.
C'est ce que nous avons cherché à rendre sensible par la rédaction des tableaux qui suivent:
Le tableau nº 1 présente la progression des taxes d'après la loi actuellement en vigueur 39, car nous avons cru devoir partir de ce qui existe pour avoir un terme de comparaison.
Le tableau n° 2 donne un tarif très-simplifié, mais encore basé sur le poids et sur la distance parcourue, tarif que nous proposerions de substituer à l'ancien.
Le tableau n° 3 offre une comparaison de la taxe des lettres d'après le système actuel et d'après le système proposé.
Le tableau n° 4 présente la même comparaison appliquée à la taxe d'une lettre de Paris pour diverses villes importantes de la France.
L'examen successif que nous ferons de ces tableaux nous fournira l'occasion de développer et de motiver notre nouvelle échelle de taxation.
TABLEAU Nº I.
Progression des taxes, d'après la loi actuellement en vigueur (15 mars 1827).
TABLEAU Nº II.
Progression de la taxe des lettres d'après le tarif proposé.
TABLEAU Nº III.
Tableau comparatif de la taxe des lettres d'après la loi actuellement en vigueur et d'après le tarif proposé.
TABLEAU Nº IV
Tableau comparatif de la taxe d'une lettre de Paris pour quelques principales villes de France, d'après le mode actuellement suivi et d'après le tarif proposé 40.
Note 40: (retour) Nous n'avons pas étendu ce tableau de comparaison au-delà de 25 grammes pour ne pas multiplier les colonnes, et aussi parce que le nombre des lettres dont le poids dépasse 25 grammes n'est que l'exception, et ne forme pas plus que 17/1846 des lettres qui circulent en France. (Voir page 64.)
On voit par les tableaux nos 2 et 3 que le nouveau tarif que nous présentons procède comme le tarif actuellement en usage, selon ces deux conditions, 1º de la distance à parcourir en ligne droite du point de départ au point d'arrivée de la lettre; 2º du poids de l'objet transporté.
Nous traiterons successivement de la taxe du parcours et de la taxe du poids.
La taxe du parcours est la partie de taxe qui semble en apparence le plus justement établie; c'est le prix d'un service qui se prolonge et, par conséquent, qui coûte d'autant plus à l'État, que la lettre doit être transportée à un point plus éloigné. Cette taxe sera donc encore proportionnelle; seulement au lieu de la faire augmenter d'un décime de 40 à 80 kilomètres, de 80 à 150, de 150 à 220, de 220 à 300, de 300 à 400, à 500, à 600, à 750 et à 900, nous accordons tout d'abord 75 kilom. pour la première distance, et nous procédons ensuite de 75 à 150, de 150 à 300, de 300 à 450 et de 450 à 600. Nous réduisons donc ainsi l'échelle des distances, c'est-à-dire, que nous réunissons sous la même taxe plusieurs étendues de parcours qui aujourd'hui sont l'objet de taxes différentes, en donnant à chacune de ces catégories toute entière la moins élevée des différentes taxes auxquelles les différentes distances étaient soumises. Enfin, nous abaissons le tarif dans les courtes distances. La meilleure manière de faire rentrer dans le service les lettres transportées par d'autres moyens, et aussi d'augmenter le nombre des lettres en circulation dans ces courtes distances, où l'on a tant d'occasions de communique autrement que par la poste, c'est de baisser la taxe.
C'est ce qui nous a fait proposer d'étendre de 40 à 75 kilom. parcourus le premier rayon de taxe qui entraîne pour une lettre simple un port de 2 décimes seulement: aujourd'hui toute lettre simple parcourant moins de 40 kilom. est taxée 2 décimes, et de 40 à 80 kilom. 3 décimes; c'est le second degré de l'échelle de taxation actuellement en usage que nous réunissons au premier et que nous taxons de la taxe du premier.
Le troisième rayon actuel de 80 à 150 est encore trop rapproché du point de départ, pour que les considérations que nous émettions tout à l'heure sur les avantages de réduire les taxes de courtes distances, ne soient pas applicables aux distances qu'il enferme, et nous proposons d'appliquer la taxe de 3 décimes seulement, au lieu de 4, aux lettres simples parcourant au-delà de 75 jusqu'à 150 kilom.
C'est ainsi que notre troisième rayon s'étend de 150 à 300 kilom., et sera taxé 4 décimes; le quatrième, de 300 à 450 kilom., sera taxé 5 décimes; et enfin le cinquième, de 450 à 600 kilom., sera taxé 6 décimes; le sixième rayon de parcours est dans notre projet le dernier. Toute lettre simple parcourant plus de 600 kilom. serait taxée 7 décimes.
Nous avons arrêté notre échelle de taxe de distance à 600 kilom., et nous avons proposé de taxer de 7 décimes toute lettre envoyée à un point plus éloigné que 600 kilom. du point de départ, quelle que fût la distance, par les raisons suivantes:
1º Parce que 7 décimes nous paraissent le prix de port le plus élevé que puisse supporter une lettre simple, si l'on admet une taxe proportionnelle à la distance parcourue, et cela dans l'intérêt bien entendu des recettes; 2º parce que le point de France le plus éloigné n'est pas à 700 kil. de distance de Paris; soit Arles et Céret(Pyrénées-Orientales), et que pour les pays étrangers, ces conditions de taxe sont différentes; 3º parce que les lettres du midi pour l'extrême nord de la France, soit par exemple les lettres de Perpignan pour Lille, qui parcourent un espace de 882 kilom., sont rares, attendu que Paris est un grand centre qui fait presque tout le commerce de transit, et dont la bourse, modifiant presque toujours les avis envoyés de l'extrême nord à l'extrême midi de la France, est en possession de transmettre presque tous les avis du commerce; 4º parce que si l'on objectait, enfin, que ce défaut d'accroissement de taxation pour des distances de plus de 600 kilom. pourrait être nuisible aux produits revenant à la France pour droit de transit des correspondances étrangères à travers son territoire, soit, par exemple les correspondances venant du levant ou de l'Inde par Marseille pour l'Angleterre, dans la distance de Marseille à Calais, nous répondrions que les droits de transit des lettres sont établis, diminués, augmentés ou modifiés par des traités rédigés par les soins de l'administration des postes, et que c'est à elle à tenir compte, dans certaines circonstances, de la distance réellement parcourue si elle le juge convenable. D'ailleurs ces droits de transit sur les correspondances étrangères sont toujours réduits dans des proportions considérables à titre d'abonnement, et ne doivent pas priver le gouvernement de la possibilité d'accorder, lorsqu'il y a lieu, des réductions de taxe aux régnicoles.
Arrivant à la partie de la taxe des lettres qui s'établit d'après la pesanteur des objets transportés, ou observera que, d'après le tarif actuel, les lettres dont le poids ne dépasse pas 7 gr. 1/2 paient le port simple établi d'après la distance parcourue; de 7 gr. 1/2 à 10 gr., un port et demi; de 10 à 15 gr. deux fois le port, et ainsi de suite en augmentant d'un demi-port par chaque 5 gr. de pesanteur.
Mais pourquoi cette élévation de taxe de 7 gr. 1/2 à 10 gr., de 10 gr. à 15 gr., et ensuite de 5 gr. en 5 gr.? est-ce pour éviter que des lettres adressées à des destinataires différents, ne soient envoyées sous une seule enveloppe et au prix d'une seule et même taxe? Cette crainte serait légitime, mais nous ne la croyons pas fondée. En effet le cas de deux lettres envoyées sous un même pli pour éviter un port ne se présente que très-rarement. Les lettres qui dépassent le poids de 7 g. 1/2 sans atteindre celui de 15 gr. sont ordinairement celles qui ont été écrites sur un papier épais, ou formées d'un pesant cachet en cire, ou enfin qui contiennent un billet à ordre, un effet de commerce, une quittance ou un prix courant. Mais ce supplément de taxe que l'insertion d'une pièce dans la lettre entraîne avec elle, doit-il être considéré comme une disposition juste en elle-même et avantageuse aux recettes en général? Nous ne le croyons pas. Dans le cas dont il est question cette taxe est une surprise ou une gêne dont le public est victime; qu'arrive-t-il de tout cela? que souvent le particulier s'abstiendra d'envoyer sa pièce, et ce sera une lettre de moins dans le service, ou qu'il attendra qu'il puisse en envoyer plusieurs à la fois et les expédiera par la diligence, ou qu'il écrira enfin sans envoyer la pièce incluse, toutes choses gênantes pour lui, et par cela même nuisibles aux produits.
Nous croyons que c'est un mauvais calcul de la part de l'administration de spéculer sur la nécessité où sont entraînés les particuliers de joindre quelques pièces à leurs lettres, ou sur l'oubli de ceux qui omettent de se servir d'un papier mince. Laissons à tous la possibilité d'employer toute espèce de papier, de fermer leurs lettres de larges cachets de cire, si telle est leur fantaisie; ne privons pas les négociants de l'avantage de joindre à leurs lettres telles factures simples, tel billet de petite dimension que le besoin exigera; et ils rendront à l'État, par l'augmentation du nombre de leurs correspondances, le centuple de ce que l'État fera pour eux dans cette circonstance. Croyons que de cette facilité donnée aux relations épistolaires naîtront beaucoup de lettres nouvelles et des recettes plus abondantes.
Le poids de la lettre simple pourrait donc être élevé de 7 grammes 1/2 à 15 grammes. Notre premier rayon de poids comprendrait ainsi les trois premiers degrés de poids de l'échelle actuellement en usage, savoir: de 0 à 7 gr. 1/2, de 7 gr. 1/2 à 10 gr., enfin, de 10 gr. à 15 gr.
Le tarif actuel établit ensuite une taxe d'un demi-port en sus du port ordinaire de la lettre simple par chaque 5 gr. de pesanteur au-dessus de 15 gr. Cette progression de la taxe des lettres de 5 gr. en 5 gr. avait pour but, comme nous venons de le dire, d'empêcher que des particuliers ne se réunissent pour envoyer plusieurs lettres à la fois sous la même enveloppe, afin de sauver une partie du port; mais, comme le poids d'une lettre simple, écrite sur papier mince, est à peu près de 5 gr., et que la taxe ne va s'augmentant par chaque 5 gr. que d'un demi-port, on supposait à tort que cette espèce de fraude serait prévenue par l'application de cette échelle de taxation. En effet, il y a encore aujourd'hui un bénéfice de taxe d'un demi-port par lettre à en réunir plusieurs sous une même enveloppe. Soit vingt lettres simples de Toulon pour Paris et taxées chacune 10 déc. ou 1 fr. à raison de la distance parcourue (750 kilom.) Ces lettres envoyées séparément supporteraient une taxe de 20 fr., au lieu de 10 fr. 50 c., ou dix fois et demie le port simple à raison du poids de 100 gr., auquel elles seraient livrées si ces vingt lettres étaient réunies et envoyées sous la même enveloppe.
Mais quoique le tarif actuel soit impuissant à prévenir des calculs de cette espèce, il ne s'ensuit pas que cette spéculation se fasse, tout avantageuse qu'elle paraisse au premier abord; et elle n'a pas lieu pour beaucoup de raisons. En effet, indépendamment du peu de confiance qu'ont en général les uns dans les autres les négociants faisant le même genre d'affaires (car il n'y aurait que des négociants écrivant beaucoup et à des époques fixes qui pussent se livrer au genre d'industrie dont nous venons de parler), défaut de confiance qui ne leur permettrait pas de livrer leurs lettres aux soins d'une seule personne au point de départ comme au point d'arrivée, il y aurait à déduire de l'économie obtenue par cette fraude la taxe de la ville pour la ville dont seraient frappées les lettres pour leur distribution, lorsque le négociant auquel elles seraient adressées enverrait par cette voie chacune d'elles aux destinataires de sa ville; il y aurait surtout encore à tenir compte du retard d'une distribution qu'éprouveraient les lettres ainsi dirigées, retard qui dans les grandes villes serait au moins de quatre heures, et d'un jour dans les petites villes; et chacun sait quel inconvénient il y aurait pour un négociant à ne voir ses lettres parvenir à leur destination que vingt-quatre heures ou même quatre heures après le moment de la distribution générale.
Nous sommes donc autorisés à conclure de ces observations: d'abord, que l'accroissement d'une taxe d'un demi-port de la lettre simple par chaque 5 gr. de pesanteur n'est pas un droit protecteur suffisant contre l'abus qu'on a voulu éviter; et ensuite, que si la réunion de plusieurs lettres n'a pas été, ou n'a été que très-peu pratiquée avec les conditions du tarif actuel, elle n'aurait pas lieu davantage si l'on accordait une tolérance plus grande pour le poids des lettres confiées au service des postes.
Quels avantages le trésor public ne peut-il pas retirer, d'autre part, de la facilité qu'il donnera aux particuliers de faire transporter à un prix modéré, des lettres ou des papiers importants que leur poids éloigne du service des postes, et que l'on confie aujourd'hui, à regret, à des diligences et à des messagers qui n'offrent pas les mêmes garanties d'exactitude et de célérité?
Revenant à la fixation de notre tarif, nous dirons donc que toute lettre pesant moins de 15 gr. nous semble devoir être considérée comme lettre simple; puis, dans le tableau nº 2, nous avons procédé de la manière suivante: de 15 gr. à 30 gr., nous proposons de fixer la taxe à deux fois le port de la lettre simple; de 30 gr. à 50 gr., à trois fois le port; de 50 à 100 gr., à quatre fois le port; de 100 gr. à 250 gr., à cinq fois le port, enfin de 250 à 500 gr. à six fois le port de la lettre simple.
L'échelle de pesanteur des lettres est ainsi réduite à six degrés au lieu de deux cents qu'elle comporte aujourd'hui 41, et ne se trouve pas plus compliquée que l'échelle des distances que nous avons fixée également à six degrés. Les premiers degrés de pesanteur sont un peu plus serrés que les derniers, pour éviter les abus qu'on pourrait faire de l'envoi de pièces ou de paquets à un prix trop modéré; de 15 gr. à 30 gr. et de 30 à 50, les objets transportés sont encore des lettres, et les lettres doivent relativement supporter un port plus élevé que les paquets. Ceux-ci sont placés dans nos trois dernières catégories de 50 à 100 gr., de 100 à 250 et de 250 à 500 gr. Au moyen de la diminution opérée dans le tarif des lettres de ces dernières classes, nous ferons rentrer dans le service des postes le transport de certaines pièces de procédure, de papiers précieux et assez volumineux que l'élévation du tarif actuel ne permet pas aujourd'hui au public de confier à la poste. En effet, à 500 gr., la taxe actuelle d'une lettre envoyée à 600 kilom. de distance s'élève à 460 fr. 42. Au-delà de 900 kilom., si elle pèse 999 gr. son port est de 1,216 fr. Qui pourrait consentir à payer un pareil port pour l'envoi de papiers, quelque précieux qu'ils fussent?
Nous nous sommes arrêtés à 500 grammes dans l'échelle de notre tarif, parce qu'il nous semble que tout paquet au-dessus de ce poids ne doit plus être considéré comme lettre, et par conséquent de doit pas être admis dans les dépêches.
Or si l'on veut savoir à présent de combien baisserait la recette par l'adoption de notre projet de réduction de la taxe, dans le cas où le nombre des lettres en circulation n'augmenterait pas, qu'on veuille bien nous suivre dans le calcul ci-après:
Le nombre des lettres pesantes forme à peine le dixième du nombre total des lettres en circulation dans les postes. Pour bien juger de cette proportion, nous avons consulté les listes nominatives sur lesquelles sont inscrites toutes les lettres affranchies, et nous avons trouvé qu'au bureau de la bourse, à Paris, on avait présenté à l'affranchissement dix-huit cent quarante-six lettres pendant la première quinzaine de juin 1838. Sur ces dix-huit cent quarante-six lettres affranchies, seize cent cinquante-sept étaient simples, et cent quatre-vingt-huit étaient pesantes, c'est-à-dire pesaient plus de 7 gr. 1/2.
Maintenant voici la division de ces cent quatre-vingt-huit lettres pesantes:
81 étaient du poids de 7 gr. 1/2 à 10 gr. 58 de 10 à 15 18 de 15 à 20 14 de 20 à 25 5 de 25 à 30
Enfin douze seulement pesaient plus de 30 grammes, mais moins de 60 grammes.
Il y a plusieurs observations importantes à faire sur ce relevé:
1º Que sur dix-huit cent quarante-six lettres, il n'y en avait pas une dont le poids dépassât 60 gr., et alors pourquoi ce tarif de poids si compliqué, de 60 gr. à 1000 gr., qui procède de 5 gr. en 5 gr., et qui passe par deux cents degrés?
2º Que si l'on voulait faire l'application de cette proportion du nombre des lettres pesantes au nombre total des lettres circulant dans les postes, on trouverait d'abord sur un total de soixante-dix-neuf millions de lettres soixante-onze millions cent mille lettres simples et sept millions neuf cent mille lettres pesant plus de 7 gr. 1/2: ce ne serait donc que sur ce dernier nombre de lettres que devrait porter la réduction opérée par notre nouveau tarif. Or dans ce dernier nombre 139/188 pèsent de 7 gr. 1/2 à 15 gr.; c'est là la plus forte partie, c'est là particulièrement que s'opérerait la réduction dans la recette, et on peut apprécier cette diminution. 139/188 représentent une fraction non exactement réductible; supposons 3/4: si le nombre des lettres pesantes est sept millions neuf cent mille, les trois quarts sont cinq millions neuf cent vingt-cinq mille. Supposons que deux tiers de ces cinq millions neuf cent vingt-cinq mille lettres pèseront de 7 gr. 1/2 à 10 gr. (2/3 est à peu près la proportion de 81 à 58, chiffres qui, dans le tableau ci-dessus, représentent les lettres de 7 gr. 1/2 à 10 gr., et les lettres de 10 gr. à 15 gr.). Trois millions neuf cent cinquante mille lettres auront donc pesé de 7 gr. 1/2 à 10 gr., et dix-neuf cent soixante-quinze mille lettres auront pesé de 10 gr. à 15 gr. Si le port de la lettre simple est estimé à 50 c., les trois millions neuf cent cinquante mille premières lettres ont supporté une taxe d'un demi-port en sus, ou 25 c. pour chacune, ou 987,500 fr. pour toutes, et les dix-neuf cent soixante-quinze mille autres lettres ont supporté un double port, ou 50 c. en sus pour chaque lettre, ou 986,600 fr. pour toutes. C'est donc, en somme, une perte de 1,975,000 fr. que le trésor éprouverait si le poids accordé pour la lettre simple était porté de 7 gr. 1/2 à 15 gr., et que le nombre général des lettres en circulation restât le même.
Il est vrai que nous ne tenons pas compte ici de la fraction de décime qu'on ajoute aux lettres de 7 gr. 1/2 à 10 gr., lorsque le chiffre de la taxe est impair; mais comme le port de la lettre à 50 c. est un port exagéré, nous supposons qu'il y a compensation.
Resterait à estimer encore la perte qu'éprouverait la recette par l'abaissement proportionnel de la taxe du dernier quart des sept millions neuf cent mille lettres que nous supposons peser 15 gr. et au-dessus. Cette appréciation serait très-difficile, parce que, bien que dans l'exemple que nous venons de citer, sur cent quatre-vingt-huit lettres aucune ne se trouvât peser plus de 60 gr., il s'en trouverait nécessairement dans les dix-neuf cent soixante-quinze mille, et nous ne savons pas dans quelles proportions ces lettres se classeraient. Mais comme ces lettres ne représentent, toutes ensemble, que le quart des lettres pesantes, nous croyons ne pas rester au-dessous du vrai en estimant la réduction qu'éprouveraient leurs taxes au tiers de la réduction qu'auraient éprouvée les trois autres quarts, soit 658,333 fr.
La perte totale résultant pour le trésor de la réduction de notre tarif de poids serait donc de 1,533,000 fr., mais nous croyons avoir établi précédemment que l'État serait largement indemnisé de cette différence par l'accroissement du nombre général des lettres en circulation 43.
Notre échelle de taxes, tant de poids que de distances, nous paraît plus rationnelle que l'ancienne, plus facile dans son appréciation par le public, plus commode pour son application dans le service des postes, enfin plus en rapport avec la nécessité, dont nous avons parlé, d'abaisser le tarif et d'augmenter le nombre des lettres en circulation tant dans l'intérêt bien entendu du trésor public, que dans celui du commerce et des particuliers. S'il ne paraissait pas possible de faire mieux encore, on pourrait donc, par toutes ces raisons, insister pour son adoption; mais il ne faut pas dissimuler que nous n'avons présenté ce tarif réduit que comme transition, sans arriver à une réduction plus large, au moyen d'une taxe uniforme applicable à toutes les lettres circulant en France; car la combinaison d'un port fixe avec l'application de la taxe au moyen d'un timbre, présente des avantages qu'il convient d'exposer enfin, et nous arrivons ainsi à notre proposition principale que nous traiterons dans le chapitre suivant.