En ballon! Pendant le siege de Paris
TROISIÈME PARTIE
HISTOIRE DE LA POSTE AÉRIENNE
I
Naissance des ballons-poste.—Stations militaires autour de Paris. Les premiers départs avec l'ancien matériel.—Construction des aérostats.
En retraçant dans les pages qui précèdent mes impressions de voyages aériens pendant la guerre, je n'ai eu ni la volonté, ni la prétention de me séparer de mes collègues; j'ai pensé que je ne devais pas écrire cet ouvrage sans donner les détails que j'ai pu recueillir sur la poste aérienne, sur les voyages les plus curieux des aéronautes improvisés de la République, sur les courageux courriers à pied, qui tous ont droit au même titre à la reconnaissance de leurs concitoyens pour les services qu'ils ont rendus à la Patrie.
On se rappelle que le 6 septembre 1870, les habitants des environs de Paris reçurent l'invitation de rentrer immédiatement dans les murs de l'enceinte.—Tous songent au départ, ils emportent les objets qui leur sont précieux, brûlent les approvisionnements qu'ils ne peuvent soustraire à l'ennemi. Le spectacle de cette émigration restera toujours présent à l'esprit des Parisiens qui étaient là, aux portes des bastions, voyant défiler les charrettes chargées de meubles, les voitures à bras couvertes de paquets, les femmes, les enfants se pressant en files serrées, comme dans les scènes bibliques de la fuite en Egypte! Mais il ne nous appartient pas de raconter ces épisodes du siège, nous ne voulons rappeler ici que des dates.
Les Prussiens ce jour-là, étaient encore éloignés de Paris; avec la rapidité foudroyante qui caractérise leurs mouvements, ils ne tardent pas à investir la capitale. Le 19 septembre la voiture postale qui la veille encore, avait emporté hors Paris des ballots, de dépêches, dut rétrograder. Le 20, trois voitures, deux cavaliers, cinq piétons sont lancés hors de l'enceinte. Un seul piéton nommé Létoile, parvient jusqu'à Evreux, et peut en rapporter sept jours après 150 lettres en risquant deux fois sa vie. Le 21, un des employés de la poste nous disait avec stupéfaction: «Je n'oserais pas affirmer qu'une souris pourrait maintenant franchir les lignes prussiennes!»
La terre est fermée, on songe à l'eau, comme moyen de transport. Des bouchons creux seront lancés dans la Seine qui les portera au dehors, ou qui les amènera au dedans. Mais des barrages ont été construits par l'ennemi qui a tout prévu. Un fil télégraphique a même été retiré par lui du fond de la Seine. Les routes aquatiques sont interceptées comme les chemins terrestres.
L'air seul reste ouvert. On se souvient que Metz a déjà lancé des ballons libres au-dessus des lignes ennemies. Paris enverra ses messagers planer au milieu des nuages!
Avant de songer à la poste aérienne, on avait pensé dès le lendemain du 1 septembre, à organiser des aérostats militaires destinés à surveiller les mouvements ennemis au moyen d'ascensions captives.—Le gouvernement de l'Empire n'avait même pas voulu répondre aux offres de service des aéronautes. M. de Fonvielle et moi, nous avions adressé chacun de notre côté des pétitions au ministre de la guerre, nous proposant de suivre l'armée du Rhin en ballon captif. Mais le major général Leboeuf ne voulait compter que sur son propre génie, il n'aurait su que faire des ballons!
Si le gouvernement du 1 septembre a échoué, on ne peut nier que sa bonne volonté n'ait été à la hauteur de ses intentions. MM. Nadar, E. Godard et W. de Fonvielle furent accueillis par le nouveau ministère, et furent chargés successivement d'organiser trois postes d'observations aérostatiques.
Nadar s'installa place Saint-Pierre, avec le ballon le Neptune appartenant à J. Duruof. Cet aérostat, dans lequel j'avais fait, en 1868, l'ascension maritime de Calais et le voyage des Arts-et-Métiers à Laigle, était en assez mauvais état, mais Duruof le répara; il put rester gonflé quinze jours, et exécuter un grand nombre d'ascensions captives, dont quelques-unes ne furent pas sans utilité. Eugène Godard gonfla, au boulevard d'Italie, sa Ville de Florence, excellent aérostat, fort bien construit; en 1869 M. Godard m'avait offert gracieusement l'occasion de faire une ascension dans cet aérostat, à Dijon. M. de Fonvielle fit réparer le Céleste, aérostat de 750 mètres que M. Giffard, son propriétaire, avait généreusement offert au génie militaire, et dans lequel j'étais encore monté en 1868. M. de Fonvielle fit quelques tentatives à l'usine de Vaugirard.
Ces trois postes aérostatiques devaient agir sous la surveillance d'une commission présidée par le colonel Usquin. Il était question de me confier une quatrième station, quand les nécessités nouvelles créées à la poste par l'investissement de Paris, transformèrent ces ballons militaires en ballons messagers.
Il y avait encore à Paris six autres aérostats, l'Impérial qui faisait partie du mobilier de la couronne, ballon pourri que l'on n'a jamais pu réparer, l'Union, appartenant à Gabriel Mangin, qui après une tentative d'ascension dut renoncer à boucher les trous de son ballon, que ses collègues appelaient par ironie le ballon-passoire, tant il était criblé de piqûres; le Napoléon et l'Hirondelle, deux méchants ballonneaux appartenant à Louis Godard, le Ballon captif de l'Exposition construit pas M. Giffard. J. Duruof avait encore laissé à Paris un petit aérostat de 400 mètres cubes, avec lequel M. Nadar fit quelques ascensions captives. L'art de l'aérostation était tombé si bas, que la patrie des Montgolfier ne comptait que quelques ballons usés par l'âge et le service. Mais on tira parti tant bien que mal de tout ce matériel.
Les ballons militaires furent achetés à la Commission, par l'administration des Postes, et le premier départ fut organisé par M. Nadar à la place Saint-Pierre.
PREMIERS DÉPARTS DE PARIS.
1re Ascension. 23 septembre.—J. Duruof s'éleva seul du pied des buttes Montmartre à 8 heures du matin. Il emportait avec lui 125 kilogrammes de dépêches. La traversée fut heureuse. L'aéronaute descendit à 11 heures à Craconville, près Evreux.
2eme ASCENSION.—Le 25 du même mois le ballon de M. Eugène Godard, la Ville de Florence, partait à 11 heures du boulevard d'Italie. Il était monté par M. Mangin aéronaute et par M. Lutz, passager. Les voyageurs descendirent sans accident à Vernouillet, près Triel, dans le département de Seine-et-Oise. Les Prussiens n'étaient pas loin, Mangin dut replier son ballon à la hâte, et charger des paysans de le cacher, car il était impossible de songer à l'emporter sans courir les plus grands dangers.
Pendant que l'aéronaute s'occupe ainsi de son matériel, le voyageur, M. Lutz, s'empare des dépêches importantes, court à Vernouillet prévenir les autorités de son arrivée de Paris. Il file à Tours, et là il raconte qu'il est venu seul, chargé d'une mission du gouvernement. Dans un hôtel, on m'a dit qu'il s'était fait passer pour M. Nadar. Quel était le but de toutes ces inventions? C'est ce que j'ai toujours ignoré.—Sur ces entrefaites, Mangin arrive et se présente comme l'aéronaute de la Ville de Florence.
—Mais, lui dit-on, nous l'avons déjà vu, cet aéronaute, il est ici, et nous a affirmé qu'il était seul en ballon.
De là des explications, des éclaircissements. On cherche M. Lutz. Il n'est plus à Tours. Quelques jours après les journaux donnent de ses nouvelles. Il a été arrêté à Dijon, puis on raconte qu'il a été fusillé comme espion. Pendant quelques jours, mille récits se croisent au sujet de cet illustre Lutz. Quel mystère est caché sous toutes ces aventures? On ne l'a jamais bien su. Mais il ressort de tout cela que la conduite du voyageur de la Ville de Florence est au moins singulière.
Dans un récit qu'il a publié à Tours sur son voyage, il laisse entendre qu'il était seul dans le ballon, et se présente comme commissaire délégué du gouvernement de la Défense nationale.
La Ville de Florence avait à bord 300 kilogr. de dépêches et trois pigeons qui sont revenus à Paris, apportant les nouvelles des aéronautes.
3e ASCENSION. 29 septembre.—Louis Godard part de l'usine à gaz de la Villette avec M. Courtin à 10 heures 30. Il a réuni par une grande perche les nacelles des deux ballons le Napoléon (800 mèt. cub.) et l'Hirondelle (500 mèt. cub.). Ces ballons se touchent à l'équateur et ils comprennent entre eux un troisième petit aérostat de 40 mèt. cub. L'appareil est un peu baroque, mais il ne s'en enlève pas moins dans de bonnes conditions à 10 heures 30 du matin. Les deux ballons attachés qu'on a appelés depuis les États-Unis, passent au-dessus des buttes Montmartre et tombent à Mantes à 1 heure de l'après-midi. Nous donnons le récit du voyage d'après le Moniteur officiel de Tours.
«M.J.-G. Courtin, fournisseur de l'armée, chargé de conduire les dépêches du gouvernement, est parti jeudi de Paris. L'aéronaute, Louis Godard, commandait l'escadrille aérienne, qui se composait de deux ballons et de deux nacelles, liés ensemble et marchant de conserve. Le poids total des dépêches confiées à M. Courtin s'élevait à 83 kilogrammes.
«Le départ a eu lieu jeudi, à 10 heures du matin, à l'usine à gaz de la Villette. Nos voyageurs ont passé sur le Mont-Valérien à 800 mètres de hauteur. Après avoir dépassé la forteresse, à deux kilomètres environ, ils ont essuyé quelques coups de feu, qui naturellement n'ont point porté jusqu'à eux. Ils ont jeté du lest, et se sont élevés jusqu'à 1,500 mètres. Ils étaient en ce moment sur la forêt de Saint-Germain, d'où les Prussiens ont, avec le même insuccès, tiré sur les ballons. Faute de vent, ils ont plané assez longtemps et ont dû redescendre à 800 mètres, afin de rencontrer un courant.
«Le reste du voyage aérien s'est accompli sans encombre et sans incidents.
«M.J.-G. Courtin et M. Godard ayant traversé Mantes, ont pris leurs dispositions pour atterrir.
«C'est à trois kilomètres de cette ville qu'ils ont touché terre; mais ils ont été traînés pendant au moins 150 mètres. Ils étaient dans cette position désagréable, quand une troupe de cavaliers est arrivée sur eux ventre à terre. Ils ont pris ces hommes pour des Prussiens et se sont crus perdus. Heureusement la troupe était commandée par M. Estancelin, qui est chargé d'organiser la défense dans le nord-ouest, et qui s'est empressé, après avoir aidé nos voyageurs à prendre terre, de donner à l'envoyé du gouvernement une escorte pour gagner Mantes, où son arrivée a causé une alerte, car les Prussiens étaient d'un côté de la ville pendant que M. Courtin y entrait de l'autre.
«Celui-ci a été parfaitement accueilli, et a reçu, avec une ovation, des offres de services de tout le monde. Une voiture à deux chevaux a été mise immédiatement à sa disposition pour gagner Evreux.»
4e ASCENSION. 30 septembre.—Le Céleste, 750 mètres; aéronaute, G. Tissandier. Pas de passager. J'ai donné, dans la première partie de cet ouvrage, tous les détails de mon ascension, mais je crois devoir rapporter ici quelques faits curieux qui se rattachent à l'histoire générale des ballons-poste. Je ne devais pas d'abord partir dans le Céleste; ce ballon était réservé à un autre aéronaute, homme d'affaires généralement aussi connu que peu estimé, que je demanderai permission de ne désigner que sous le nom de M.X...
X..., avec l'aplomb qui le caractérise, s'en va trouver M. Jules Favre.
—Monsieur le ministre, dit-il, je suis désigné par M. Rampont pour partir comme courrier de la poste dans un ballon. Avez-vous des recommandations à me faire?
—Certainement, dit M.J. Favre; voici un mot pour le ministre de l'intérieur, on vous donnera des instructions et vous reviendrez me voir.
X..., armé de ce document, court chez M. Rampont.
—Monsieur le directeur des postes, dit-il avec un aplomb toujours croissant, le ministre des affaires étrangères m'a chargé d'une mission importante en province. Voici un mot de sa main qui le prouve. J'ai fait des ascensions; voulez-vous me confier la direction d'un de vos ballons?
—Comment donc, dit M. Rampont, vous êtes recommandé par le ministre des affaires étrangères, vous partirez de suite.
Malheureusement pour X..., le bout de l'oreille s'est montré au dernier moment, on a été aux renseignements, aux informations. La trame qu'il avait si bien cousue s'est emmêlée subitement. X... n'est jamais sorti de Paris en ballon. Je l'ai remplacé dans le Céleste.
La veille de son départ, X... me disait:
—Vous partez après moi. Vous me retrouverez à Tours. Si vous voulez, je vous nommerai préfet. J'ai une mission très-importante; je suis chargé de désigner des candidats pour les préfectures et les sous-préfectures.
Jusqu'où n'aurait pas été ce trop habile escamoteur, s'il avait pu débarquer à Tours? Il avait des lettres des membres du gouvernement. Que d'histoires il aurait pu forger, sachant que la vérification de ses récits était impossible! X... serait peut-être devenu général en chef.
Pour compléter les informations relatives à la quatrième ascension du 30 septembre, je donne le texte des proclamations que j'ai jetées au nombre de 10,000 sur la tête des Prussiens.
Chaque proclamation était imprimée en deux colonnes sur une feuille de papier format in-8°. La colonne de gauche était imprimée en texte allemand, celle de droite était la traduction française de ce document.
TEXTE FRANÇAIS DES PROCLAMATIONS LANCÉES EN BALLON SUR LES CAMPS PRUSSIENS.
«Au commencement de la guerre, la nation allemande a pu croire que la nation française encourageait l'Empereur Napoléon III dans ses projets d'agression.
«La nation allemande a pu se convaincre depuis la chute de l'Empereur que la nation française veut la paix. Elle désire vivre unie avec l'Allemagne, sans contrarier son mouvement d'unité, qui profitera aux deux peuples.
«Il semblerait d'abord naturel que les deux nations missent bas les armes et cessassent de s'entre-tuer. «La France a reconnu qu'elle était responsable des fautes de son gouvernement. Elle a déclaré être prête à réparer les maux que ce gouvernement a faits.
«L'Allemagne laissée à elle-même accepterait de grand coeur ces conditions honorables. Elle a montré sa vaillance et sa science militaires. Elle n'a aucun intérêt à continuer cette lutte qui la ruine et lui enlève ses plus glorieux enfants.
«Mais l'Allemagne n'est pas libre.
«Elle est dominée par la Prusse, et la Prusse elle-même est sous la main d'un monarque et d'un ministre ambitieux.
«Ce sont ces deux hommes qui ont repoussé la paix qu'on leur offrait. Ils veulent satisfaire leur vanité en enlevant Paris. Paris résistera jusqu'à la dernière extrémité; Paris peut être le tombeau de l'armée assiégeante.
«Dans tous les cas, le siège sera long; voici l'Allemagne hors de chez elle tout l'hiver, et l'absence de la fleur de la population laisse les familles dans la misère.
«Jusques à quand les peuples seront-ils la dupe de ceux qui les gouvernent? Ce sont les rois et leurs ministres qui les poussent les uns contre les autres à des a combats homicides. Commandée par Napoléon, la France marchait à la bataille; maintenant que Napoléon est renversé, elle ouvre les bras à l'Allemagne. Sans doute elle défendra pied à pied son foyer, elle ne se laissera rien enlever de son sol; mais aussi elle prend l'engagement de respecter celui de ses voisins. Elle leur propose une alliance fraternelle. Que l'Allemagne ne soit pas plus longtemps l'esclave d'une ambition aveugle; qu'elle ne lui donne plus ses enfants à égorger.»
On a renoncé à ces proclamations qui ne produisaient sans doute pas grand effet sur les Allemands. Il parait en outre que des paysans français, en ayant ramassé quelques-unes, avaient cru qu'elles étaient lancées par un ballon prussien; ils se seraient empressés de tirer des coups de fusil sur l'aérostat.
ESSAI D'UN BALLON LIBRE.
Le jour même du départ du Céleste, Eugène Godard lançait, au boulevard d'Italie, un petit ballon libre muni de sacs de lettres qui devaient tomber successivement durant le voyage, au moyen d'un système automatique très-simple. Ce début ne fut pas heureux. Le ballonneau tomba près des remparts au milieu d'un retranchement prussien.
L'accident ne tarda pas à être connu à Paris, mais il fut singulièrement exagéré; quelques journaux racontèrent que les Allemands avaient fait la capture d'un ballon monté, le 30 septembre. Cet aérostat ne pouvait être que le Céleste. La nouvelle parvint aux oreilles de mes amis qu'elle émut d'autant plus vivement que mes pigeons sont arrivés à Paris ayant perdu leurs dépêches. Heureusement, mon frère Albert avait pu suivre mon ballon pendant plus d'une heure, il affirma que je devais être sauvé. Mon ami de Fonvielle, dans la Liberté, eut l'obligeance de donner d'excellentes raisons sur l'improbabilité de ma capture. Il disait vrai.
On renonça aux ballons libres, et il fut décidé que les dépêches de la poste ne seraient plus confiées qu'à des aéronautes.
CONSTRUCTION DES BALLONS-POSTES
Les quatre premiers voyages aériens exécutés dans de bonnes conditions du 23 au 30 septembre, ont réellement fondé la poste aérienne. A compter de ce jour, l'administration décida que des ballons neufs, fabriqués dans de bonnes conditions, devaient sortir régulièrement de Paris. La plus vigoureuse impulsion fut donnée à la construction de ces aérostats.
La direction des postes confia l'organisation de deux ateliers de fabrication aérostatique à M. Eugène Godard d'une part, et à MM. Yon et Camille d'Artois d'autre part.
M. Eugène Godard est un praticien d'un mérite incontestable; il a exécuté dans sa vie plus de 800 voyages en ballon, et construit un nombre considérable d'aérostats. On ne pouvait mieux choisir pour accélérer une construction si spéciale. Eugène Godard s'installa à la gare du Nord.
MM. Yon et Camille d'Artois organisèrent à leur tour un atelier aérostatique à la gare du Nord. M. Yon est l'habile constructeur des admirables ballons captifs créés par M. Giffard; c'est en même temps un aéronaute distingué. Quant à M. Camille d'Artois, ses ascensions publiques, à l'Hippodrome et à bord du Géant, lui ont acquis un juste renom dans l'art de la navigation aérienne. M. Nadar s'était d'abord chargé des opérations aérostatiques de la gare du Nord, mais il se retira bientôt.
Voici quelles étaient les conditions des traités acceptés entre ces messieurs et l'administration des postes: «Les ballons devaient être de la capacité de 2,000 mètres cubes, en percaline de première qualité, vernie à l'huile de lin, munis d'un filet en corde de chanvre goudronné, d'une nacelle pouvant recevoir quatre personnes et de tous les apparaux nécessaires: soupape, ancres, sacs de lest, etc.
«Les ballons devaient supporter l'expérience suivante: Remplis de gaz, ils devaient demeurer pendant dix heures suspendus, et, après ce temps d'épreuve, soulever encore un poids net de 500 kilogrammes.
«Les dates de livraison étaient échelonnées à époques fixes: 50 francs d'amende étaient infligés aux constructeurs pour chaque jour de retard. Le prix d'un ballon remplissant ces conditions était de 4,000 francs, dont 300 francs pour l'aéronaute, que procurait le constructeur. Le gaz était à part. C'est ce prix qui a été primitivement payé par la direction générale des postes, au comptant, aussitôt l'ascension effectuée, le ballon hors de vue. Il a été réduit postérieurement à 3,500 francs, plus 500 francs dont 300 francs pour le gaz et 200 francs pour l'aéronaute. A ces frais il faut ajouter des sommes pour valeur d'accessoires, dont le a montant a varié de 300 à 600 francs par ascension, Le Davy, ne cubant que 1,200 mètres cubes, n'a coûté que 3,800 francs[9].»
[Note 9: Extrait du Journal officiel, n° du 2 mars 1871.]
La construction des ballons, une fois mise en train, s'exécuta avec une grande rapidité.
Nous croyons devoir donner ici quelques détails techniques sur la fabrication des aérostats si peu connus généralement dans la masse du public.
L'étoffe qui convient le mieux pour la construction d'un aérostat est sans contredit la soie; mais la soie est d'un prix très-élevé; on la remplace souvent par un tissu de toile ou de coton qui, une fois verni, est suffisamment imperméable pour contenir sans déperdition les masses de gaz d'éclairage ou d'hydrogène qui doivent l'emplir. C'est ce qui a été fait, comme on l'a vu, pour les nouveaux ballons du siège.
La forme à donner à un aérostat peut être variable; mais il est certain que la sphère offre de grands avantages et une incontestable supériorité, puisqu'elle est la figure qui offre le moins de surface sur le plus grand volume.
Nous n'entrerons pas dans les détails géométriques de la coupe de l'étoile; l'épure étant faite, supposons que nous n'avons plus qu'à réunir les fuseaux et à les coudre pour former l'aérostat sphérique. Cette couture s'exécute aujourd'hui très-facilement à l'aide de la machine à coudre, que les aéronautes de profession ont d'abord voulu bannir, mais à laquelle ils ont dû bientôt reconnaître une grande supériorité. M. Eugène Godard est resté presque seul partisan des coutures à la main. Ses ballons étaient cousus par des ouvrières.
Le ballon de coton n'est pas imperméable, et laisse échapper le gaz avec une telle rapidité qu'il ne pourrait certainement pas être gonflé, même au moyen du gaz de l'éclairage, si on ne prenait soin de le vernir. Le vernis employé est tout simplement de l'huile de lin cuite avec de la litharge. On a l'habitude de l'employer à chaud et de l'étendre a l'aide de tampons sur toute la surface intérieure et extérieure de l'aérostat.
Le ballon est muni à sa partie supérieure d'une soupape qui est destinée à laisser échapper du gaz au gré de l'aéronaute, pendant toute la durée de l'ascension. Les soupapes sont formées de deux clapets qui s'ouvrent, de l'extérieur à l'intérieur, sous la traction d'une corde que l'on tire de la nacelle. Pour que la fermeture soit hermétique, on lute les joints avec un mélange de suif et de farine de lin que l'on nomme cataplasme. On voit que cet organe est très-grossier, et qu'il serait bien facile de le perfectionner; mais le temps était trop rare pendant le siège pour qu'il ait été possible de songer aux innovations qui nécessitent des recherches longues et minutieuses.
La sphère d'étoffe, munie de sa soupape à sa partie supérieure, est pourvue à sa partie inférieure d'une ouverture que l'on appelle appendice, et qui reste toujours béante pendant l'ascension, afin de permettre au gaz, dilaté par suite de la diminution de pression, de trouver une issue. Sans cette précaution, l'aérostat pourrait éclater par suite de la force expansive du gaz. Le ballon est recouvert dans sa totalité d'un vaste filet attaché à la soupape, et qui se termine vers la partie de l'appendice par trente-deux cordes qui servent à y attacher la nacelle. Celle-ci se fixe au filet par l'intermédiaire d'un cercle de bois pourvu de trente-deux petites olives de bois, appelées gabillots, qui s'ajustent dans les boucles façonnées à la partie inférieure des trente-deux cordes du filet. Huit autres gabillots permettent d'attacher la nacelle au cercle par les cordes dont elle est munie. Le cercle que nous venons de décrire est un des organes les plus essentiels de l'aérostat, il est régulièrement fixé au filet et sert de point d'attache à l'ancre, qui est l'engin d'arrêt à la descente. Il répartit uniformément les tractions, et donne à tout l'appareil une grande élasticité.
La nacelle est confectionnée en osier souple, flexible. C'est incontestablement la meilleure substance à employer pour construire un esquif propre à supporter des chocs, des traînages, sans se détériorer et sans blesser les touristes aériens qui s'y sont confiés. On tresse un véritable panier d'osier avec les huit cordes d'attache, qui passent par le plancher de la nacelle et en font, pour ainsi dire, partie intégrante. Deux banquettes permettent aux aéronautes de s'asseoir commodément.
Le ballon, tel que nous venons de le décrire, est prêt à gravir l'espace quand il est gonflé de gaz de l'éclairage. En effet, ce gaz a une densité de 0gr.650, c'est-à-dire qu'un mètre cube dans l'air aura une force ascensionnelle de 730 grammes environ. Les ballons du siège ont 2,000 mètres cubes, ils auront donc une force ascensionnelle de 1,460 kilogrammes. L'étoffe, le filet et la nacelle réunis ne pèsent guère plus de 500 kilogrammes; il nous reste 960 kilogrammes pour le poids des voyageurs, du sable de lest et des organes d'arrêt.
Quand un ballon s'élève, il tend bientôt à se mettre en équilibre, il a perdu une certaine quantité de gaz par l'appendice; il en perd constamment de petites quantités, si, comme il arrive souvent, il n'est pas parfaitement imperméable; en outre, il se refroidit, et le gaz, se contractant, est encore privé d'une partie de sa force ascensionnelle. Livré à lui-même, le ballon, après avoir atteint le sommet de sa course, tendrait immédiatement à redescendre et ne tarderait pas à revenir à terre. Pour empêcher cette descente, l'aéronaute allège sa nacelle; il jette par-dessus bord un corps pesant qu'on appelle le lest, et qui se compose de sable tamisé. Ce sable forme un nuage floconneux qui ne tombe à terre que lentement et sous forme de grains imperceptibles, incapables de causer le moindre dégât, comme cela ne manquerait pas d'arriver si l'on jetait du haut des airs des pierres ou des corps non divisés.
Pour que la description de l'aérostat soit complète, il faut encore que nous parlions des organes d'arrêt, dont on doit se munir pour assurer le retour à terre. L'aéronaute emporte à bord une ancre évasée, non pas une ancre de marine qui ne mordrait pas dans les champs, mais un engin confectionné pour les ascensions aérostatiques. On pourrait encore se munir d'un grappin à six branches, qui est même préférable à l'ancre, au dire de quelques vieux marins de l'atmosphère. Enfin, il est indispensable de ne pas oublier le guide-rope, un des engins essentiels du ballon. Qu'est-ce que le guide-rope? C'est tout simplement une corde de 150 mètres de long, qui s'attache au cercle et que l'on laisse pendre dans l'espace. En l'air, elle n'est d'aucun usage; mais il n'en est pas de même au retour à terre. D'abord, si l'aéronaute touche terre, il sait qu'il est à 150 mètres du sol, puisqu'il connaît la longueur de sa corde, et quand il revient des hautes régions, l'oeil le plus expert ne sait guère apprécier les distances. Ce sera donc un véritable guide, d'où le nom qui lui a été donné, rope, voulant dire câble en anglais. En outre, si le ballon descend, le guide-rope va successivement toucher terre dans toute sa longueur, et il délestera l'aérostat, en amortissant le premier choc. Cette corde agit donc encore comme un véritable ressort qui empêche le retour vers le sol d'être trop brusque. Si l'ancre ne mord pas immédiatement, le guide-rope sera traîné à la remorque du ballon; mais il tendra à l'arrêter; car il produira contre le sol une résistance de frottement considérable; il pourra même s'enrouler autour d'un obstacle, d'un arbre, d'un poteau, et enfin offrir prise aux braves paysans qui ne manquent pas de venir en aide aux ballons quand ils le peuvent. Cette simple corde qui pend après le cercle est donc d'une utilité extraordinaire; c'est à l'illustre aéronaute anglais Green que revient l'honneur de l'avoir employée le premier. L'invention, direz-vous, est bien simple. Sans doute, mais personne n'y avait songé avant lui, et vous et moi, peut-être, ne penserions pas au guide-rope sans le vieux Green.
L'armement ainsi opéré est à peu près complet; il ne faut pas oublier de mettre dans les bottes de la nacelle un bon couteau, quelques cordelettes, des couvertures, et des vivres froids; quelques bonnes bouteilles de vin, un carafon d'eau-de-vie, ne sont pas non plus à dédaigner, car l'air des nuages donne un appétit d'enfer.
Pour connaître sa route dans l'air, l'aéronaute emporte une boussole; s'il voit la terre, il reconnaît le sillage tracé par le ballon et l'aiguille aimantée lui donne sa route. Le baromètre indique enfin avec une grande précision les altitudes au-dessus du niveau de la mer.
Les constructeurs aérostatiques du siège de Paris fabriquèrent environ soixante ballons de 2,000 mètres cubes. L'installation de M. Eugène Godard à la gare d'Orléans offrait un aspect merveilleux. D'un côté des femmes cousaient les fuseaux du ballon, de l'autre des marins confectionnaient les filets. Ailleurs enfin, le vernis s'étalait sur les aérostats cousus.
Au milieu de la gare, quelques ballons gonflés d'air séchaient leur couche de vernis. Ils dominaient le sol comme le dos immense de ces cétacés qui forment des îles flottantes au milieu de l'Océan.
Les aérostats de M. Godard étaient à côtes bicolores bleues et rouges, ou jaunes. Ceux de MM. Yon et Camille d'Artois étaient blancs. Cette couleur est la meilleure sans contredit, car elle reflète, au lieu de les absorber, les rayons lumineux. Un ballon blanc doit être moins sensible aux dilatations et aux contractions brusques qu'un aérostat coloré.
L'ASCENSION.
MM. Eugène Godard, Camille d'Artois et Yon étaient chargés de trouver des aéronautes destinés à s'élever dans les ballons-poste. Les braves marins jouèrent ici un rôle très-important, car sur soixante-quatre ballons, il y en eut trente qui furent conduits dans les airs par nos loups de mer, transformés en loups aériens.
On donnait quelques leçons préliminaires aux novices, mais quelles leçons! Une nacelle était pendue à une des poutres de fer de la gare, l'élève y grimpait et criait le «lâchez tout.» Mais il va sans dire qu'il restait en place. On lui faisait jeter du lest et tirer une corde de soupape. Puis il lançait son ancre et simulait l'atterrissage. Singulier apprentissage qui rappelle les leçons de natation à calle sèche.
Le jour de l'ascension désigné, les passagers arrivaient au lieu du départ, et remettaient leurs destinée entre les mains de l'apprenti aéronaute. Ils s'élevaient dans les airs quelquefois par une nuit noire, marchant à l'inconnu. Ma foi, quand on a pratiqué les ballons, qu'on a souvent gravi les hautes régions de l'air, on ne peut s'empêcher d'admirer le courage et le dévouement de ces hardis explorateurs. Ici le mot dévouement n'est pas exagéré, car les aéronautes sont partis de Paris en ballon pour une somme insignifiante, quelques-uns ne recevaient comme gratification pécuniaire que deux cents francs à peine. Je n'oublierai jamais la stupéfaction d'un Anglais que j'ai vu à Tours et qui me disait:
—O monsieur! comme on doit vous payer pour entreprendre de tels voyages! Une ascension faite au-dessus des Prussiens, cela vaut deux mille livres sterling.
—Je ne sais ce que cela vaut, monsieur. Mais en France ces choses-là ne se font pas, ou se font pour rien.
Le brave Anglais n'a pas cru un mot de ce que je lui disais.
—Cela vaut cinquante mille francs, répétait-il.
Au moment du départ d'un ballon-poste, MM. Bechet, sous-directeur des postes, ou Chassinat, directeur des postes de la Seine, apportaient les ballots de lettres et les dépêches. Enfin M. Hervé-Mangon, avec un zèle bien louable, donnait les renseignements météorologiques sur la direction du vent, son intensité, etc. MM. Bechet, Chassinat et Hervé-Mangon ont passé le temps du siège à se lever à trois heures du matin, ou à une heure, pour assister aux départs; la part qu'ils ont prise à la poste aérienne ne sera pas oubliée: mais que de dérangements inutiles, que de peine perdue! Souvent le vent n'était pas assez vif, on ne pouvait pas partir; ou il était trop violent, et au dernier moment l'aérostat volait en éclats.
L'organisation du service des ballons-poste a été en définitive créée avec la plus grande régularité, la plus remarquable précision. Cette création restera un vrai titre de gloire pour M. Rampont et pour les administrateurs de la poste française.
Dans les circonstances graves, M.E. Picard donnait lui-même des recommandations aux aéronautes. Car quelques ballons avaient à porter hors Paris les nouvelles les plus importantes que les Prussiens ne pouvaient pas intercepter au-dessus des nuages.
Continuons à présent l'énumération des voyages aériens en nous fixant sur ceux qui offrent le plus d'intérêt.
DÉPARTS DE BALLONS EN OCTOBRE 1870.
VOYAGE DE H. GAMBETTA.
5e et 6e Ascensions. 7 octobre.
1° L'Armand Barbès, 1,200 mèt. cubes. Aéronaute, J. Trichet; passagers, MM. Gambetta et Spuller.
2° Le George Sand, 1,200 mèt. cubes. Aéronaute, J. Revilliod; passagers, deux Américains et un sous-préfet.
Le double départ de l'Armand Barbès et du George Sand s'est effectué dans des conditions assez dramatiques, comme l'ont raconté les journaux de Paris. Nous cédons la parole au Gaulois du 7 octobre qui a donné des détails curieux sur ces mémorables ascensions:
«Une foule énorme attendait ce matin, sur la place Saint-Pierre à Montmartre, le départ des ballons l'Armand Barbès et le George Sand, ce n'était pas un vain sentiment de curiosité qui excitait l'avide anxiété de cette population; on venait d'apprendre que chacun de ces aérostats emportait des voyageurs entreprenant courageusement ce périlleux voyage avec d'importantes missions.
«Dans la nacelle de l'Armand Barbès, conduit par M. Trichet, prirent place Gambetta et son secrétaire Spuller; dans celle du George Sand, dirigé par M. Revilliod, montèrent MM. May et Raynold, citoyens américains, chargés d'une mission spéciale pour le gouvernement de la défense, et un sous-préfet.
«On remarquait dans l'enceinte Charles et Louis Blanc, MM. Rampont et Charles Ferry, et le colonel Husquin.
«MM. Nadar, Dartois, et Yon dirigeaient, avec l'autorité et l'entrain qu'on leur connaît, le double départ.
«Les dernières poignées de main échangées au milieu de l'émotion générale, au cri de «lâchez tout!» les deux ballons s'élevèrent majestueusement.
«Il était onze heures dix minutes.
«Une immense clameur de: «Vive la République!» retentit sur la place et sur la butte; les hardis voyageurs agitaient leurs chapeaux et leurs voix répétaient comme un écho lointain le cri de la foule.
«Par une illusion d'optique, lorsque les ballons franchirent la butte Montmartre, ils se dirigeaient vers le nord-est, l'on crut qu'ils descendaient et allaient échouer dans la plaine. La foule désespérée, anxieuse, tumultueuse, escalada la butte. Les factionnaires marins eurent toutes les peines du monde à la retenir: il fallut qu'elle vit les deux ballons continuer leur route poussés par un vent qui (d'après les observations faites) filait dix lieues à l'heure.
«On attend impatiemment le retour des pigeons voyageurs qui nous diront où les deux aérostats ont atterri.»
Le Moniteur universel du 10 octobre (édition de Tours) peut aujourd'hui satisfaire la curiosité de ceux qui n'ont qu'une vague connaissance des péripéties du voyage de M. Gambetta. «Poussés par un vent très-faible, dit ce journal, les deux aérostats ont laissé Saint-Denis sur la droite; mais à peine avaient-ils dépassé la ligne des forts, qu'ils ont été assaillis par une fusillade partie des avant-postes prussiens; quelques coups de canon ont été aussi tirés sur eux. Les ballons se trouvaient alors à la hauteur de 600 mètres, et les voyageurs aériens ont entendu siffler les balles autour d'eux; ils se sont alors élevés à une altitude qui les a mis hors d'atteinte; mais, par suite de quelque accident ou de quelque fausse manoeuvre, le ballon qui portait le ministre de l'intérieur s'est mis à descendre rapidement, et il est venu prendre terre dans un champ traversé quelques heures avant par des régiments ennemis, et à une faible distance d'un poste allemand. En jetant du lest, il s'est relevé, et a continué sa route. Il n'était qu'à deux cents mètres de hauteur lorsque, vers Creil, il a reçu une nouvelle fusillade, dirigée sur lui par des soldats wurtembergeois. En ce moment, le danger était grand; heureusement les soldats ennemis avaient leurs armes en faisceau; avant qu'ils les eussent saisies, le ballon, allégé de son lest, remontait à huit cents mètres; les balles ne l'ont pas plus atteint que la première fois, mais elles ont passé bien près des voyageurs, et M. Gambetta a eu même la main effleurée par un projectile.
«L'Armand Barbès n'était pas au terme de ses aventures.
«Manquant de lest, il ne se maintint pas à une élévation suffisante; il fut encore exposé à une salve de coups de fusils partie d'un campement prussien, placé sur la lisière d'un bois, et alla, en passant par dessus la forêt, s'accrocher aux plus hautes branches d'un chêne où il resta suspendu; des paysans accoururent, et, avec leur aide, les voyageurs purent prendre terre, près de Montdidier, à 3 heures moins un quart. Un propriétaire du voisinage passait avec sa voiture, il s'empressa de l'offrir à M. Gambetta et à ses compagnons, qui eurent bientôt atteint Montdidier, et se dirigèrent sur Amiens. Ils y arrivèrent dans la soirée et y passèrent la nuit.
«Le voyage du second ballon a été marqué par moins de péripéties. Après avoir essuyé la première fusillade, il a pu se maintenir à une assez grande hauteur pour éviter un nouveau danger de ce genre; il est allé descendre, à 4 heures, à Crémery près de Roye, dont les habitants ont très-bien accueilli les voyageurs. M. Bertin, fabricant de sucre et maire de Roye, a donné l'hospitalité pour la nuit à l'aéronaute; son adjoint a logé chez lui les deux Américains.
«Le lendemain, samedi, l'équipage du second ballon rejoignait celui du premier à Amiens, et l'on partait ensuite de cette ville à midi. A Rouen, où l'on arriva ensuite, M. Gambetta fut reçu par la garde nationale, et prononça un discours qui excita l'enthousiasme. De Rouen, M. le ministre et ses compagnons de route se dirigèrent sur le Mans; ils y couchèrent, et en partirent le lendemain, dimanche, à 10 heures et demie[10].»
[Note 10: «Le 10 octobre on lisait dans le Journal officiel de Paris: Le gouvernement a reçu ce soir une dépêche ainsi conçue: «Montdidier (Somme), 8 heures du soir. Arrivée après accident en forêt à Epineuse. Ballon dégonflé. Nous avons pu échapper aux tirailleurs prussiens, et grâce au maire d'Epineuse, venir ici, d'où nous partons dans une heure pour Amiens, d'où voie ferrée jusqu'au Mans et à Tours. Les lignes prussiennes s'arrêtent à Clermont, Compiègne et Breteuil dans l'Oise. Pas de Prussiens dans la Somme. De toutes parts on se lève en masse. Le gouvernement de la défense nationale est partout acclamé.»
Cette dépêche avait été apportée par un joli pigeon gris, compagnon de voyage aérien du ministre de l'intérieur.—On l'appella depuis Gambetta.]
7e Ascension. 12 octobre.—Le ballon le Washington (2,000 mèt. cub.), conduit par M. Bertaux, reçoit dans sa nacelle M. Van Roosebecke, propriétaire de pigeons, et M. Lefebvre, consul de Vienne.—Il porte en outre 300 kilogr. de dépêches et 25 pigeons. L'aérostat part de la gare d'Orléans à 8 heures 30 du soir et tombe à 11 heures 30 près de Cambrai.
A la descente, le vent est assez violent, l'aéronaute M. Bertaux, en jetant l'ancre, tombe de la nacelle et fait une chute terrible dans un champ de betteraves. MM. Van Roosebecke et Lefebvre sont emportés dans la nacelle avec une violence extrême, ils subissent un traînage périlleux, mais le ballon se déchire et s'arrête; les voyageurs en sont quittes pour l'émotion.
Quant à M. Bertaux, il était déjà malade, poitrinaire en sortant de Paris. Il a fait partie, d'Orléans au Mans, comme nous l'avons raconté, de la compagnie des aérostiers militaires. Il a trouvé la mort, en revenant à Paris après l'armistice. C'était un jeune homme plein d'avenir; littérateur et poëte, il avait composé plusieurs volumes de poésies, il s'était lancé avec passion dans les aventures de la navigation aérienne.
8e Ascension. 12 octobre.—Le Louis Blanc, 1,200 mèt. cub., conduit par M. Farcot, mécanicien, part à 9 heures du matin, de Montmartre. Passager: M. Tracelet, propriétaire de pigeons.—Poids des dépêches, 125 kilogr. Nombre de pigeons, 8.
L'aérostat descend à midi 30 à Beclerc dans le Hainaut (Belgique).
9e et 10e Ascensions. 14 octobre.
1° Le G. Cavaignac, 2,000 mèt. cub., dirigé par M. Godard père, reçoit dans sa nacelle M. de Kératry et deux passagers, 710 kilogr. de dépêches et 6 pigeons. Il s'élève de la gare d'Orléans à 10 heures 15 minutes et descend à 3 heures de l'après-midi à Brillon (Meuse).
Le retour à terre s'est exécuté avec une précipitation regrettable. La nacelle reçoit un choc des plus violents; M. de Kératry a la tête blessée par le cercle qui le frappe, et une jambe contusionnée.
2° Le Jean-Bart, 2,000 mèt. cub., qu'on a appelé aussi le Guillaume Tell et le Christophe Colomb. Aéronaute, Albert Tissandier. Passagers, MM. Ranc et Ferrand.
Il y a eu entre le quatrième voyage et le cinquième, un intervalle de plusieurs jours, où les tentatives d'ascension ont presque toujours avorté. M. Albert Tissandier devait partir le 3 octobre. A 8 heures du matin, il se rend à l'usine de Vaugirard. Le ballon Impérial a été réparé, il est gonflé, mais il fuit sensiblement. D'ailleurs l'air est d'un calme absolu. MM. Hervé-Mangon, Rampont et Chassinat, décident qu'il est prudent de remettre le départ.
Le lendemain, à 5 heures du matin, MM. Tissandier et Hervé-Mangon s'aperçoivent que le ballon est presque dégonflé. L'empire n'aura même pas laissé à la France un ballon en bon état!
On retarde l'ascension. Jusqu'au 7 octobre, les tentatives de départ sont vaines. Ce jour-là MM. Gambetta et Spuller s'élèvent de la place Saint-Pierre.
M.A. Tissandier est remis au 12 octobre. Il se rend à la gare d'Orléans à 6 heures du matin. On gonfle un magnifique ballon de 2,000 m. cub. où il va partir.—Une rafale survient et met l'aérostat en pièces.—Enfin le voyage peut s'exécuter le 14 octobre.
11e et 12e Ascensions. 16 octobre.
1° Le Jules Favre (1,200 mèt. cub.). Aéronaute, L. Godard
jeune.—Passagers: MM. Malapert, Ribaut et Béoté.
Dépêches: 195k. Pigeons: 6.
L'aérostat quitte la gare d'Orléans à 7h. 20m., il descend à
Foix-Chapelle (Belgique) à midi 20.
2° Le Lafayette, (2,000 mèt. cub.).—Aéronaute: M. Labadie,
marin.—Passagers: MM. Daru et Barthélemy.
Dépêches: 270k. Pigeons: 4.
Départ, gare d'Orléans 9h. 50m.
Arrivée: Dinant (Belgique) 2h. 45s.
A la descente le ballon est emporté par un vent violent; le marin Labadie coupe toutes les cordes de la nacelle, et le ballon s'échappe seul. Les voyageurs restent assis à terre dans leur panier devenu immobile comme un berceau.—Ce procédé n'est pas très-aérostatique, mais il a réussi. Tant mieux pour les passagers.
Labadie est le premier marin qui ait quitté Paris en ballon. On ne saurait trop admirer le courage, l'intrépidité de ces braves matelots, qui n'ayant jamais vu un ballon osaient se risquer dans les flots invisibles de l'air.—Deux de ces praticiens improvisés ont trouvé la mort dans ces voyages périlleux. On peut dire qu'il est étonnant que des ballons conduits par des mains inexpérimentées n'aient pas donné lieu à plus d'accidents. Après l'exemple des ballons du siège, arrivés presque tous à bon port, on ne rencontrera plus, espérons-le, tant d'esprits craintifs, qui se figurent qu'il faut écrire son testament avant de monter dans la nacelle aérienne. Le chemin de fer est tout aussi dangereux que le ballon.
13e Ascension. 18 octobre.—Le Victor Hugo (1,200 mèt.
cub.).—Aéronaute: Nadal.—Pas de passager.
Dépêches: 440 k. Pigeons: 6.
Départ: Jardin des Tuileries, 11h. 45m.
Arrivée: près Bar-le-Duc (Meuse), 5h. 30s.
En quittant terre l'aéronaute a crié: Vive la République démocratique et sociale! Plus tard, il s'est mis au service de la Commune comme aérostier militaire.
14e Ascension. 19 octobre.—La République universelle, désigné
aussi sous le nom de: Jean Bart par quelques journaux (2,000 mèt. cub.).
Aéronaute: Jossec, marin.—Passagers: Dubost, secrétaire de M. de Kératry,
et Gaston Prunières.
Dépêches: 305k. Pigeons: 6.
Départ: gare d'Orléans, 9h. 10m.
Arrivée: près Mézières (Ardennes), 11h. 20m.
Le ballon est descendu au-dessus des arbres de la forêt des Ardennes où il a été mis en pièces.
15e Ascension. 22 octobre.—Le Garibaldi (2,000 mèt. cub.).
Aéronaute: Iglésia, mécanicien, ancien homme d'équipe du grand ballon
captif de Londres.—Passager: de Jouvencel, ancien député.
Dépêches: 450k. Pigeons: 6.
Départ: jardin des Tuileries, 11h. 30m.
Arrivée: Quincy-Segy (Hollande), 1h. 30s.
16e Ascension. 25 octobre,—Le Montgolfier (2,000 mèt. cub.).
Aéronaute: Hervé, marin. Passagers: MM. le Bouedec et colonel Lapierre,
Dépêches: 390k. Pigeons: 2.
Départ: gare d'Orléans, 8 h. 30m.
Arrivée: Holigenberg (Hollande), midi 30.
CAPTURE DU BALLON «LA BRETAGNE.»
17e et 18e Ascensions. 27 octobre.—1° Le Vauban (1,200 mèt.
cub.). Aéronaute: Guillaume, marin.—Passagers: Reitlinger, photographe;
Cassiers, propriétaire de pigeons.
Dépêches: 270k. Pigeons: 23.
Départ: gare d'Orléans, 9h. m.
Arrivée: Vignoles (Meuse), 1h. s.
2° La Bretagne (2,000 mèt. cub.), appartenant à une entreprise
particulière.
Aéronaute: Cuzon.—Passagers: MM. Woerth, Manceau et Hudin.
Départ: usine à gaz, la Villette, midi.
Arrivée: Verdun (Meuse), 3 h.s.
La Bretagne et le Vauban sont, comme on le voit, partis le même jour. Le premier de ces ballons était destiné à tomber entre les mains des Prussiens. Il allait commencer la série des catastrophes aériennes. Nous laisserons M. de Fonvielle, qui a pu se procurer des détails sur ces voyages, en raconter les émouvantes péripéties.
«Le 27 octobre est un jour fatal à la République; car c'est alors que Metz capitula, et que l'armée cernant Bazaine put se rendre autour de Paris pour prendre une part active tant à l'investissement de la capitale qu'à la défaite des armées de secours. Au point de vue aéronautique, le résultat ne fut guère meilleur.
«Le Vauban fut le plus heureux des deux ballons; cependant il alla tomber près de Verdun, dans un district occupé par les Prussiens. M. Reitlinger, que j'ai vu à Londres, m'a dit qu'il ne s'en serait pas tiré sans sa connaissance de la langue allemande, qu'il manie comme le français, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'il est Bavarois de naissance.
«Le marchand de pigeons fut grièvement blessé dans le traînage. Mais les péripéties du Vauban ne sont rien auprès de celles de la Bretagne, que M. Manceau nous a racontées et qui nous serviront à faire comprendre la manière dont certaines ascensions ont été conduites.
«Au moment du départ, le vent poussait le ballon vers le nord-est avec une certaine stabilité, car la Bretagne et le Vauban ne sont descendus qu'à quelques kilomètres l'un de l'autre, quoique partis à trois heures de différence de temps.
«Après être resté deux heures à naviguer dans une direction qui n'avait rien de bien attrayant, M. Cuzon eut envie de descendre. Malgré les protestations de M. Manceau, il donna deux coups de soupape, et le ballon ne tarda point à se rapprocher de la surface de la terre... terre inhospitalière s'il en fut; car les voyageurs aériens furent reçus par une vive mousqueterie. Ils étaient tombés au milieu d'un tas de Prussiens qu'ils n'avaient pas vus, quoiqu'ils eussent huit yeux et des lunettes à bord! Mais comme on était près de terre, au-dessus d'une prairie, M. Woerth s'élance de la nacelle, contrairement aux règles de la discipline et de la solidarité.
«Il tombe au milieu des ennemis, auxquels il fait signe en agitant un mouchoir blanc au dessus de sa tête. On lui fait grâce de la vie, et on l'entraîne en prison.
«Malgré ses pressantes réclamations, celles de sa famille et celles de son gouvernement, car il est sujet anglais, il est retenu jusqu'à la fin de la guerre. La captivité de M. Woerth a fait beaucoup de bruit en Angleterre, et, en effet, cette circonstance est une de celles dans lesquelles le gouvernement britannique a le mieux montré combien il était méprisable et lâche.
«Le ballon, allégé du poids de ce déserteur, se redressa avec rapidité; il aurait remonté à une grande hauteur si M. Cuzon n'avait donné de nouveaux coups de soupape. Le ballon ne tarda point à redescendre. Quand M. Guzon et M. Hudin se voient à portée, ils se hâtent de sauter à terre, laissant dans la nacelle M. Manceau, qui est entraîné avec la rapidité d'une flèche dans la région des nuages. Il ne tarde point à pénétrer dans une zone où règne une pluie abondante. Il éprouve un froid intense; le sang lui sort par les oreilles.... Il a le sangfroid de tirer de toute sa force la corde, et il retombe avec rapidité. Bientôt il arrive à une prairie; mais, entraîné par l'exemple, il saute. Il a mal calculé la hauteur: il tombe de quarante pieds de haut et se casse la jambe. Le ballon rebondit et redescend; il s'aplatit à quelque distance.
«Le malheureux Manceau souffre horriblement, il patauge en plein marécage, au milieu des ténèbres, car la nuit est venue. Il se traîne péniblement moitié nageant, moitié à quatre pattes, vers un endroit où il aperçoit de la lumière.... Ce sont des paysans, mais en le voyant sortir de l'obscurité, ces brutes veulent le mettre en pièces. Le curé du village arrive et le sauve. On le transporte dans une cabane; on le couche; on le soigne, et le curé commande une escouade de paysans, qui va à la recherche du ballon pour sauver les dépêches. La nuit même, le curé part chargé de ce précieux fardeau... et bien lui en prit, car pendant qu'il partait, un lâche, un Judas, un traître allait à Corny, au quartier général du prince Frédéric-Charles, prévenir de ce qui était arrivé à quelques kilomètres de Metz!
«Le lendemain matin, des hommes du 4e uhlans viennent enlever Manceau. Ces misérables l'obligent, à coups de crosse de fusil, à se traîner, malgré sa blessure. On le mène ainsi à Mayence, où il arrive dans un état affreux. Pour le guérir, on le jette dans un cachot où l'on oublie pendant deux jours de lui donner à manger. Puis on le fait paraître devant le général qui procède à son interrogatoire. Le malheureux était fusillé s'il n'avait eu dans sa poche un contrat d'association prouvant qu'il était simple négociant.
«Les Prussiens ont fini par s'humaniser, on a donné à Manceau des éclisses pour guérir sa jambe cassée, et au lieu de le garder en prison, on l'a interné dans la ville. De plus, M. le comte de Bismark, toujours galant, a daigné faire prévenir Mme Manceau de la captivité de son mari, tombé vivant entre les mains des Prussiens et actuellement détenu dans la forteresse de Mayence.
«M. Manceau est de retour à Paris, consolé de ses mésaventures et parfaitement guéri de sa blessure[11].»
[Note 11: La Liberté, 19 mars, 1871.]
19e Ascension. 29 octobre.—Le Colonel Charras (2,000m. cub.).
Aéronaute: Gilles.—Pas de passager.
Dépêches: 460kil. Pigeons: 6.
Départ: gare du Nord, midi.
Arrivée: Montigny (Haute-Marne), 5h. soir.
Une plaisante histoire que raconte M. Gilles pendant ses voyages durant le siège:
M. Steenackers, au mois de décembre, l'envoie, avec l'aérostat Colonel Charras, à Lyon, dans le cas d'un investissement de la ville.
Dans le trajet, un préfet a reçu la dépêche suivante:
«Gilles, aéronaute, arrive avec Colonel Charras.»
Le préfet, un peu naïf, comme on va le voir, se présente à l'arrivée du train: il trouve M. Gilles, et lui dit:
—Vous êtes seul, monsieur, où est le colonel Charras?
—Il est là, dans le fourgon.
—Pourquoi ne le faites-vous pas descendre?
—Je ne peux pas, monsieur, il pèse 100 kilogrammes!
M. le préfet, le Pirée devait être de vos amis!
ASCENSIONS DE NOVEMBRE 1870.
20e Ascension. 2 novembre,—Le Fulton (2,000m. cub.).
Aéronaute: Le Gloennec, marin.—Passager: M. Cézanne, ingénieur.
Dépêches: 250 kil. Pigeons: 6.
Départ: gare d'Orléans, 8h. 30m.
Arrivée: près d'Angers (Maine-et-Loire), 2h. 30 soir.
Le marin le Gloennec, huit jours après son arrivée à Tours, est mort d'une fluxion de poitrine. Ses funérailles ont été imposantes. Les aéronautes présents à Tours, et les délégués des membres du gouvernement ont suivi jusqu'au cimetière le corps du jeune et courageux marin.
DEUXIÈME BALLON PRISONNIER.
21e et 22e Ascensions. 4 novembre.—1° Le Ferdinand Flocon
(2,000 mèt. cub.). Aéronaute: Vidal.—Passager: Lemercier de Janvelle.
Dépêches: 130 kil. Pigeons: 6.
Départ: gare du Nord, 9h. m.
Arrivée: près Châteaubriant (Loire-Inférieure), 3h. 45 soir.
2° Le Galilée (2,000 mèt. cub.). Aéronaute: Husson, marin.—Passager: M.
Etienne Antonin.
Dépêches: 420 kil. Pas de pigeons.
Départ: gare du Nord, 2h. soir.
Arrivée: près Chartres (Eure-et-Loir), 6h. s.
Le Galilée a été pris par les Prussiens, qui se sont emparés de l'aéronaute et des dépêches. Le passager M. Etienne Antonin a pu s'échapper des ennemis.
23e Ascension. 6 novembre.—La Ville de Châteaudun (2,000 mèt.
cub.). Aéronaute: Bosc, négociant.—Pas de passager.
Dépêches: 455 kil. Pigeons: 6.
Départ: gare du Nord, 9h. 45m.
Arrivée: Reclainville, près Voives, 5h. s.
Le lendemain du départ de ce ballon, on recevait, par pigeon, la dépêche suivante de l'aéronaute:
«Prussiens tiré sur ballon jusqu'à deux heures et demie sans me toucher. Descente heureuse à Reclainville, à cinq heures et demie soir. Remis toutes dépêches bureau Voives. Dirigé sur Vendôme où je suis arrivé à neuf heures du matin. Transmis immédiatement par télégraphe dépêches officielles à destination. Prussiens Orléans, Chartres. Quartier général, Patay. Bonne garde faite par nos troupes et francs-tireurs avec artillerie. L'ennemi vient réquisitionner à Châteaudun tous les jours. Repoussé de cette ville par francs-tireurs, qui ont fait quarante tués et autant de prisonniers. Ballon monté par un marin et un voyageur a été pris par les Prussiens qui ont fait tout prisonnier.»
24e Ascension. 8 novembre.—La Gironde (2,000 m. cub.).
Aéronaute: Gallay, marin.—Passagers: MM. Herbaut, Gambès et Barry.
Dépêches: 60 kil.
Départ: gare d'Orléans, 8h. 20 matin.
Arrivée: Granville (Eure), 3h. 40 soir.
TROISIÈME BALLON PRISONNIER.
25e et 26e Ascensions. 12 novembre. 1° Le Daguerre (2,000 mèt.
cub.). Aéronaute: Jubert, marin.—Passagers: MM. Pierrou, ingénieur, et
Nobécourt, propriétaire de pigeons.
Dépêches: 260 kil. Pigeons: 30.
Départ: gare d'Orléans, 9h. 45 matin.
Arrivée: Ferrières (Seine-et-Marne).
2° Le Niepce (2,000 mèt. cub.). Aéronaute: Pugano, marin.—Passagers:
MM. Dagron, Fernique, Poisot et Gnochi.
Départ: gare d'Orléans, 9h. 15 matin.
Arrivée: Vitry (Seine-et-Marne), 2h. 30 soir.
Cet aérostat emportait des appareils de photographie qui ont servi à la préparation des dépêches attachées aux pigeons voyageurs.
La descente s'est opérée non loin des Prussiens, et le sauvetage des caisses d'appareil n'a pas duré moins de huit jours.
Le Niepce et le Daguerre, partis le même jour, ont tous deux couru de grandes péripéties. Le premier ballon, descendu à Ferrières, a été poursuivi par les Prussiens et fait prisonnier.
Les deux ballons ont fait route ensemble au-dessus des nuages. Les voyageurs des deux nacelles ont pu échanger des signaux dans les airs. Les passagers du Niepce ont vu le Daguerre atterrir; ils ont aperçu les Prussiens qui se jetaient à sa rencontre pour s'en emparer!