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Entretiens (1998-2001)

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*Entretien du 10 août 1999

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

L'INaLF est au coeur des problèmes de droits d'auteur et d'éditeur avec sa base de textes Frantext. Il me semble que les règles devraient s'assouplir, car pour le moment cette base a un accès restreint, ce qui est dommageable pour sa diffusion et la diffusion de la langue française en général.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Personnellement je n'ai pas d'état d'âme par rapport à l'usage de la langue anglaise. On doit la prendre comme un banal outil de communication. Cela dit, les sites doivent proposer un accès par l'anglais et par la langue du pays d'origine.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Mon meilleur souvenir est celui évoqué en 1998, lorsque, pour mon problème de polices de caractères, qui était très local, j'ai reçu des réponses du monde entier!

= Et votre pire souvenir?

Celui d'avoir envoyé un courrier électronique à une personne qui n'était pas destinataire. Ce mode de communication doit être utilisé avec prudence parfois. Il va plus vite que la pensée elle-même, et peut être utilisé de manière très perverse, après coup, par le destinataire.

GERARD JEAN-FRANCOIS (Caen)

#Directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen

Directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen (CRIUC), Gérard Jean-François est chargé de l'exploitation et du développement des technologies de la communication pour la recherche et la pédagogie.

*Entretien du 13 mars 2001

= Pouvez-vous décrire l'activité de votre organisme?

L'Université de Caen Basse-Normandie compte 24.000 étudiants. Elle est unique, donc pluridisciplinaire pour la région. De ce fait, elle est répartie sur une douzaine de sites. Les activités principales sont évidemment l'enseignement et la recherche.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Mon activité professionnelle consiste à effectuer la veille technologique et à mettre en place les moyens nécessaires à l'activité de l'établissement. Ces moyens sont essentiellement le réseau de communication, les serveurs et les équipements individuels. Sur ces équipements sont mis en place les services (messageries, bases de données, visioconférence…) nécessaires aux utilisateurs (étudiants, enseignants/chercheurs, personnels techniques et administratifs).

= Et votre activité liée à l'internet?

Par rapport à internet, je me dois de fournir l'accès internet à l'ensemble de l'établissement mais également de rendre visible l'établissement sur internet, ceci dans le strict respect de la législation en appliquant toutes les mesures de sécurité qui incombent à mon rôle de responsable sécurité du système informatique.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Pour l'avenir, les évolutions suivantes se précisent à l'horizon :

- les développements techniques pour la prise en compte des différents médias,

- la "démocratisation" de l'internet, qui amènera la mise en place de réseaux professionnels,

- la multiplication des problèmes de sécurité liés à la dématérialisation de l'information.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Pour mon activité professionnelle, j'utilise encore le papier pour travailler hors de mon bureau, de même que pour des livres autres que techniques. En effet, si des documents techniques (qui sont des bases de données) sont facilement consultables sous forme électronique, il n'en est pas de même pour des ouvrages de fond. Au sujet de la presse, il est hors de question de la supprimer pour la lecture, mais pour l'archivage oui.

= Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui?

La réponse est oui mais les usages changeront.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Le livre électronique, c'est quoi? Le livre électronique tel qu'il existe actuellement est une base de données documentaires qui permet si on le souhaite de télécharger le contenu et ensuite de l'éditer. Les écrans étant ce qu'ils sont et ce qu'ils resteront longtemps, on ne peut pas espérer lire n'importe où et n'importe quand un texte de quelque difficulté qu'il soit. Pour des documents ne comportant que des images, cela peut en être autrement.

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

A mon avis, il n'y a pas de débat. Si on met quelque chose sur le web, c'est-à-dire ouvert à tout le monde, cela signifie qu'on l'offre gratuitement à tout le monde. Si on veut en faire du commerce, les moyens existent pour sécuriser les accès et les copies, il faut tout simplement les mettre en oeuvre. A l'heure actuelle (et c'est peut-être une bonne chose) on n'a que deux alternatives, ou bien on met ses créations dans un tiroir et on vend, ou bien on offre.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et mal-voyants?

Les progrès techniques concernant les réseaux devraient permettre de mettre sur le web davantages de documents sonores. Une piste qui peut avoir de l'avenir: prendre les textes des pages web et les synthétiser sous forme sonore sur son propre PC.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le cyberspace peut être considéré comme l'ensemble des informations qui sont accessibles sans aucune restriction sur le réseau internet.

= Et la société de l'information?

Il n'y a pas de société de l'information particulière. De tout temps, elle a toujours existé. Ce qu'il faut noter, c'est son évolution continue. Gutenberg l'a fait évoluer, de même internet.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

La remarque faite par un internaute d'Outre-Atlantique qui, ayant examiné une photo, nous a averti qu'elle était à l'envers.

= Et votre pire souvenir?

Pas vraiment de mauvais souvenirs, simplement une amertume envers les mauvais usages qui en sont faits.

JEAN-PAUL (Paris)

#Webmestre des cotres furtifs, un site hypermédia qui raconte des histoires en 3D

Webmestre des cotres furtifs, Jean-Paul - qui a choisi son prénom comme pseudonyme - s'est toujours intéressé à l'écriture, imprimée ou chantée, avant de centrer son intérêt sur les nouvelles formes qu'annoncent le numérique et la technique de l'hyperlien, l'architecture par liens, le système des correspondances dans un réseau où sinon les parfums du moins "les couleurs et les sons se répondent"… Depuis 1999, il anime des soirées publiques sur le thème de l'hypertexte à La Maroquinerie (Paris). En 2000, il fait partie de la grande aventure du Samarkande: www.thewebsoap.net, un feuilleton hypermédia collectif de onze auteurs diffusé en direct sur la toile.

Les cotres furtifs (un cotre est un bateau à voile) ont commencé à émettre le 20 octobre 1998. "L'image et le son font partie intégrante de chaque récit, avec un système d'échos de l'un à l'autre, mais le parti-pris est de laisser la priorité aux mots." Ils en sont à leur version 2, offrant "deux entrées sur deux histoires qui se croisent comme le ruban de Möbius". La version 3 est en vue, "consacrée à un avatar de Clément Ader".

*Entretien du 5 août 1999

= Comment voyez-vous l'avenir?

L'internet va me permettre de me passer des intermédiaires: compagnies de disques, éditeurs, distributeurs… Il va surtout me permettre de formaliser ce que j'ai dans la tête (et ailleurs) et dont l'imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu'une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l'herbe est plus verte…

Pour s'en tenir à la cyber-littérature, ou littérature numérique ou comme on voudra l'appeler, son avenir est tracé par sa technologie même : il est maintenant impossible à un(e) auteur(e) seul(e) de manier à la fois les mots, leur apparence mouvante et leur sonorité. Maîtriser aussi bien Director, Photoshop et Cubase, pour ne citer que les plus connus, c'était possible il y a dix ans, avec les versions 1. Ça ne l'est plus. Dès demain (matin), il faudra savoir déléguer les compétences, trouver des partenaires financiers aux reins autrement solides que Gallimard, voir du côté d'Hachette-Matra, Warner, Pentagone, Hollywood.

Au mieux, le statut du… écrivaste ? multimédiaste ? sera celui du vidéaste, du metteur en scène, du directeur de produit : c'est lui qui écope des palmes d'or à Cannes, mais il n'aurait jamais pu les décrocher seul. Soeur jumelle (et non pas clone) du cinématographe, la cyber-littérature (= la vidéo + le lien) sera une industrie, avec quelques artisans isolés dans la périphérie off-off (aux droits d'auteur négatifs, donc).

= Qu'est-ce exactement qu'un cotre?

Il est ainsi appelé parce qu'il semble couper l'eau : "Cotre, Cutter, s.m. Petit bâtiment de guerre à un mât, fin dans ses formes de l'arrière, fortement épaulé & portant bien la voile (…). Les navires de cette sorte, très bien gréés & voilés pour le plus près et pour louvoyer, peuvent, en outre, naviguer avec avantage vent arrière (…). Un côtre porte environ 6 à 8 bouches à feu." (Bonnefoux et Pâris, Dictionnaire de la marine à voile)

Les cotres (héritiers des bateaux rapides des côtes de la Manche et de la mer du Nord) remontent donc très bien au vent. Souvent survoilés, rapides et maniables, les cotres étaient un élément important des flottes de guerre. Pour les mêmes raisons, ils furent avec les lougres les bateaux préférés des pirates, contrebandiers et… postiers maritimes (facteurs, en somme…).

"Aujourd'hui que la terre est plate et les mers dessalées, il est temps que nos cotres se faufilent entre les 6 milliards d'étoiles que nous sommes (bientôt 6,5). Et que de cotre à cotre se tissent nos liens." (Le cotre courant)

= Vous préférez signer de votre prénom, plutôt que de l'habituel prénom et nom de famille. Pour quelle raison?

Ce qui me motive, c'est que tout est à faire, sur la toile. A part le CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules) et le Pentagone (qui vont s'en faire une autre, de toile, limitée à leur désir), personne ne sait exactement ce qu'elle nous offre. On peut donc travailler librement en acceptant avec vraisemblance l'idée que tout est ouvert. Utiliser le plus largement, le plus vite possible cet espace d'autant plus illimité qu'il est intérieur, le temps que nous rattrape et nous double le vol rapace des bannières étoilées de 0 et de 1.

Mais si c'est pour répéter les mêmes gestes qu'avant, à quoi bon?

Or cette histoire du nom (directement liée au problème du droit d'auteur) renvoie au pilier fondamental, tabou, de notre globe: la propriété privée. Rien que ça: en quelques siècles, on nous a réduit à un nom, un seul, d'autant plus "propre" maintenant qu'il a été nettoyé de toute humanité et réduit à un code-barre SS (Sécu Soc) (sécurité sociale, ndlr). Ce n'est pas un phénomène naturel : c'est un choix de civilisation, voulu par les gestionnaires, car comment faire fonctionner une société moderne, comment obtenir que soit rendu à César ce qu'il s'approprie, si on laissait chaque individu modifier son apparence administrative plusieurs fois dans sa vie, passant de "Casse-cou des Patins (à roulettes)" à "Le 68tard qui fume sous la véranda" après avoir été "Mob dans les virages" (alors que vous savez comme moi qu'un programme simple suffirait pour "gérer" ça)? "La nature humaine est foncièrement mauvaise et tous les maffieux en abuseraient. Mais nous sommes là pour vous protéger, protéger votre identité." (Le Pentagone) Et le premier acte d'affirmation du plus démuni, celui dont les papiers ne sont jamais en règle, c'est d'abord de tagger son nom sur les affiches signées "© Grande Marque".

Aux cotres, nous essayons furtivement autre chose.

Nous existons, nous avons une adresse. Nous savons qu'il est difficile de se parler dans l'anonymat ou le collectivisme, alors nous gardons certains points de repère: il y a le facteur temps, il y a le facteur humain, et chez les cotres, il y a le cotre facteur, qui répond souvent au nom de Jean-Paul. Un prénom qui n'est pas un nom propre puisque justement le propre d'un nom est qu'il ne nous est pas propre: c'est celui d'une dynastie, d'une série de pères déposée chez notaires.

Pas question de renier nos ancêtres: ils ont fait le monde que nous appelons réalité. Mais nous levons la toile pour un autre rêve. Et nous lançons nos cotres dans toutes les directions, pour les contacts.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Nous ne nous sentons pas concernés.

a) - S'il s'agit de "respect", c'est une question de morale et d'élégance, qui n'est pas suceptible de débat: sur la toile comme ailleurs, on cite ses sources. Total respect. Pour la plupart d'entre nous.

b) - S'il s'agit de "droit d'auteur", on est dans le domaine juridique, instable par essence. Le "droit" d'auteur est une notion récente — que les Français attribuent à Beaumarchais, homme d'ombres, d'affaires, trafiquant d'armes et grand auteur. L'apparition du numérique, et donc du clonage (qui pose un autre problème que celui de la copie, résolu depuis longtemps), oblige à reconsidérer cette notion.

c) - S'il s'agit de "droitS d'auteur" (au pluriel, donc), on est dans la sphère de l'économie, dont la logique est connue: concurrence et rétention: devenir le premier de la classe, empêcher les autres de le devenir. Et pas vu, pas pris.

Sony est éditeur de CD (audio et Rom) parce que ça rapporte. Et il fabrique des graveurs (qui permettent de cloner ses propres CD, comme ceux de la concurrence) parce que ça rapporte. Philips faisait de même, jusqu'au jour où il a vendu sa division Polygram (que les lois de l'économie lui permettront de racheter le cas échéant).

"Il ne suffit pas d'être grand pour être performant, mais, dans un monde financier totalement mondialisé, ça aide. Surtout si on a l'ambition de jouer les premiers rôles." (Hervé Babonneau, Ouest-France du 6 août 1999). "Drôle d'ambition" dit le cotre carré. Jurassic Games et tyrannosaures plus ou moins rex.

Bien que tangent à la sphère économique (il faut payer le nom de domaine, et l'abonnement au serveur), notre cotre-espace ne s'y réduit pas, notre esprit n'est pas celui de la concurrence. Notre site est en téléchargement libre, et nous téléchargeons les sites que nous trouvons créatifs.

C'est normal de cloner une oeuvre d'autrui pour en faire cadeau; c'est partager.
Ce qui est dégueulasse, c'est de vendre ce clone.

La fonction des juristes est de donner raison aux puissances du jour: hier guillotine pour les faiseuses d'anges, aujourd'hui remboursement des avortements par la Sécu (sécurité sociale, ndlr) (en France, pas en Pologne).

Copyright ou droit d'auteur, vision européenne ou vision américaine, qui va l'emporter? Le principe de propriété privée. La propriété tabou de ceux qui ont les moyens de la faire garder. Par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) par exemple, chargée de régler la question des "droits" partout dans le monde (même virtuel) et, espèrent-ils, pour toujours.

Ceux dont la maison est sur le tracé d'une future autoroute savent le prix réel d'un tabou.

Alors les droits des auteurs, créateurs, inventeurs…

Mais si Orson Welles s'est fait bouffer par les studios, Kubrick s'est méthodiquement rendu indépendant des mêmes. Peu importe la loi que se fera tailler sur mesure Onc' Picsou. Les petits mammifères ont bouffé les tyrannosaures, avec le temps. Et les anciens rois, qui tenaient pourtant leur pouvoir des dieux, nous leur avons coupé la tête. En moins de temps.

"Maxim's pour un temps / Le reste jambon-beurre et kir / Pour tenir Juliette"
(Rimes féminines, CD MT 104, Le Rideau Bouge)

= Quelles solutions pratiques suggérez-vous?

"Donner un sens plus pur aux mots de la tribu", disait S. Mallarmé. Et quand les cartes bancaires auront gagné (dans trois ans, paraît-il), inventer d'autres cartes vers un autre cap de Bonne-Espérance pour aller voir monter "du fond de l'horizon des étoiles nouvelles", comme J.M. 2 Heredia.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Votre livre (vraiment bon. Et utile. Gagne à chaque relecture. Adresses précieuses) fait le tour de la question: "Tôt ou tard, la répartition des langues sur le web correspondra à leur répartition sur la planète". En fonction du dynamisme de ceux qui les parlent.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le vertige qui nous a pris à la réception du premier message… venant du Canada. 10.000 (?) ans après les Inuits, des cotres venaient de découvrir l'Amérique!

= Et votre pire souvenir?

Tout ce sommeil en retard…

*Entretien du 25 juin 2000

= Les possibilités offertes par l'hyperlien ont-elles changé votre mode d'écriture?

La navigation par hyperliens se fait en rayon (j'ai un centre d'intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens qui s'y rapportent) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu'ils apparaissent, au risque de perdre de vue mon sujet). Bien sûr, les deux sont possibles avec l'imprimé. Mais la différence saute aux yeux: feuilleter n'est pas cliquer. L'internet n'a donc pas changé ma vie, mais mon rapport à l'écriture. On n'écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc…

En fait, ce n'est pas sur la toile, c'est dans le premier Mac que j'ai découvert l'hypermédia à travers l'auto-apprentissage d'Hypercard. Je me souviens encore de la stupeur dans laquelle j'ai été plongé, durant le mois qu'a duré mon apprentissage des notions de boutons, liens, navigation par analogies, par images, par objets. L'idée qu'un simple clic sur une zone de l'écran permettait d'ouvrir un éventail de piles de cartes dont chacune pouvait offrir de nouveaux boutons dont chacun ouvrait un nouvel éventail dont… bref l'apprentissage de tout ce qui aujourd'hui sur la toile est d'une banalité de base, cela m'a fait l'effet d'un coup de foudre (il paraît que Steve Jobs et son équipe eurent le même choc lorsqu'ils découvrirent l'ancêtre du Mac dans les laboratoires de Rank Xerox).

Depuis, j'écris (compose, mets en page, en scène) directement à l'écran. L'état "imprimé" de mon travail n'est pas le stade final, le but ; mais une forme parmi d'autres, qui privilégie la linéarité et l'image, et qui exclut le son et les images animées.

J'ai cru un certain temps que le CD-Rom était le but à atteindre, la forme la plus achevée de ces nouveaux outils extraordinaires.

Mais le CD-Rom, c'est encore la galaxie Gutenberg. Il fixe, fige (et permet de vendre) l'état, le dispositif, la version d'un travail à l'instant T. Il est ainsi soumis aux mêmes contraintes. Tout comme l'arrivée de l'écriture avait appauvri la culture orale (l'aède-musicien-comédien-metteur-en-scène remplacé par l'écrivain immobile), la technologie de l'imprimerie a "plombé" l'écriture, induisant rapidement l'idée qu'il y a une version finale, ©, TM & intouchable. Masquant ainsi la nécessité technique ("On ne va pas refaire un tirage juste pour changer un §!…, à moins que les commerciaux l'exigent, bien sûr"), sous la théorie de la forme parfaite, celle de l'ultime brouillon, publiable. C'est Valéry parlant de la forme achevée des vers de Racine, c'est Flaubert dans son gueuloir. A l'opposé de maître Frenhofer qui modifia jusqu'à la mort son Chef-d'oeuvre inconnu (dans l'incompréhension générale); à l'opposé de je ne sais plus quel peintre qui allait au Louvre avec sa mallette pour retoucher ses tableaux.

C'est finalement dans la publication en ligne (l'entoilage?) que j'ai trouvé la mobilité, la fluidité que je cherchais. Le maître mot y est "chantier en cours", sans palissades. Accouchement permanent, à vue, comme le monde sous nos yeux. Provisoire, comme la vie qui tâtonne, se cherche, se déprend, se reprend.

Avec évidemment le risque souligné par les gutenbergs, les orphelins de la civilisation du livre: plus rien n'est sûr. Il n'y a plus de source fiable, elles sont trop nombreuses, et il devient difficile de distinguer un clerc d'un gourou. Mais c'est un problème qui concerne le contrôle de l'information. Pas la transmission des émotions.

Bref, pour répondre à votre question: oui, l'hypermédia a changé mon "écriture". Et c'est sur la toile mouvante que je trouve plaisir et sens à participer au site des cotres. A rouler mon hyper-caillou de facteur Sisyphe dans le grand fleuve de l'hyper.

= D'autres remarques à ajouter?

Le réseau dominant est celui de l'e-bizz : information, données, rationalité, ca$h. Illusionisme. C'est la marge, l'ourlet de la toile qui m'intéresse, l'enchantement, la magie : "Achète-moi, je ne vaux rien puisque l'amour n'a pas de prix" (Léo Ferré). Et il n'y a évidemment aucun avenir professionnel dans la gratuité.

Il faudrait aussi revenir en détail sur la question de la "lecture" sur un écran. Ce sera (peut-être) pour les prochains épisodes de notre grand hyper-feuilleton: Nasdaq & boutons.

*Entretien du 3 décembre 2000

= Comment se portent les cotres furtifs?

Les cotres roulent doucement sous la lune. Ils contemplent les constellations de la Toile, en attendant leur prochain décollage, dans la version 3.

= Quoi de neuf à titre personnel?

A titre personnel, je participe à un jeu de rôles hypermédia dont l'avenir me paraît prometteur, parce qu'il est en rapport étroit avec les lois de fonctionnement du "cyberespace": www.thewebsoap.net. Cette @dresse renvoie à une constellation de sites centrés chacun sur un individu. Ils communiquent et interagissent par leur boîte à lettres, ouverte au public. L'internaute a ainsi accès à plusieurs portes d'entrée dans l'histoire. La nouveauté du feuilleton est qu'il se déroule en "temps réel" (ce qui est impossible dans le monde de l'imprimé; quant aux séries télé, elles aussi sont cantonnées à la forme de l'épisode à horaire fixe).

Les personnages correspondent quotidiennement, en quasi-direct, ce qui instaure pour les auteurs un rapport presque journalistique à leur imaginaire et à leur écriture. L'internaute suit, à son propre rythme, libre de s'intéresser ou non à l'intégralité des différentes intrigues (amours, galères, showbiz, ombres maléfiques, mystères et rebondissements) ou à l'ensemble de tous les personnages. C'est avant tout cette fluidité générale (apparente! c'est en fait un sacré travail!) qui m'a fait y participer. Elle permet de garder le côté impro-jazz que j'aime dans la mise en net.

= Quoi de neuf pour la création en ligne?

Elle sera de plus en plus collective, donc chère. Or le public n'existe pas encore, ni donc les droits d'auteurs. La question centrale pour les "créateurs en ligne" sera alors celle du mécénat ou, plus généralement, des subventions. Jusqu'à ce qu'une masse critique de public se soit constituée, que ses goûts culturels se soient affirmés au point qu'il soit prêt à payer (sous la forme de péages ou de DVD). Alors les créateurs en ligne pourront affiner leurs propres recherches.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Je lis autant d'imprimés qu'avant. La lecture sur écran s'y est rajoutée. D'où des problèmes de temps: ces machines qui sont censées travailler à notre place contribuent en fait à nous bouffer le temps libre qu'elles nous ont dégagé.

= Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui?

Ses jours sont encore longs avant que la lecture sur écran présente la même souplesse que celle d'un livre ou d'un magazine que l'on peut lire n'importe où, dans la position que l'on veut, et ranger, rouler, plier, déchirer facilement (allez envelopper les pelures de pomme de terre dans un 15 pouces!).

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Il a fallu inventer la hache de pierre avant de construire la Tour Eiffel. Le but des dinosaures industriels qui s'entretuent pour imposer leur format de livre électronique est de détourner vers eux la partie rentable du contenu des bibliothèques (rebaptisé "information"). Ils travaillent aussi pour nous, en contribuant à banaliser l'usage de l'hyperlien.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

L'ordinateur qui parle et obéit à la voix de son vis-à-vis?

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Un lieu isotrope en expansion pour l'instant infinie. Un modèle de la vision que nous avons aujourd'hui de l'univers. Jusqu'à l'invention du clic, le savoir humain était senti comme un espace newtonien, avec deux repères absolus: le temps (linéaire: un début, une fin) et l'espace (les trois dimensions du temple, du rouleau, du volumen). Le cyberespace obéit aux lois de l'hypertexte. Deux temps simultanés: le temps taxé (par le fournisseur d'accès ou par les impératifs de productivité, égrené par l'antique chrono), et le temps aboli, qui fait passer d'un lien à l'autre, d'un lieu à l'autre à la vitesse de l'électron, dans l'illusion du déplacement instantané.

Quant aux repères, quiconque a lancé une recherche dans cet espace sait qu'il doit lui-même les définir pour l'occasion, et se les imposer (sous peine de se disperser, de se dissoudre), pour échapper au vertige de la vitesse. A cause de cette "vitesse de la pensée", nous trouvons dans cet espace un "modèle" de notre cerveau. "Ça tourne dans ma tête", à travers 10, 20, etc… synapses à la fois, comme un fureteur archivant la toile. Bref les lois du cyberespace sont celles du rêve et de l'imagination.

*Entretien du 3 juin 2001

= Comment définissez-vous la société de l'information?

Plus, plus vite. Mais les données ne sont pas l'information. Il faut les liens, c'est-à-dire le temps. Plus d'évènements, plus d'écrans pour les couvrir. Plus vite: l'évènement du jour est liquide. Effacé, recouvert par la vaguelette du lendemain, la vague du jour d'après, la houle de la semaine, le tsunami du mois. Cycles aussi "naturels" que les marées estivales du Loch Ness. Pas "effacé", d'ailleurs, l'évènement d'hier (qui n'est pas "tous les évènements d'hier"): déjà archivé, dans des bases de données (INA (Institut national de l'audiovisuel), Gallica, INSEE…), qui donnent l'illusion d'être exhaustives, facilement accessibles et momentanément gratuites.

Mais les données ne donnent rien par elles-même. S'informer, c'est lier entre elles des données, éliminer celles qui ne sont pas pertinentes (quitte à revenir sur ces choix plus tard), se trouver ainsi obligé de chercher d'autres données qui corroborent ou infirment les précédentes… L'information naît du temps passé à tisser les liens. Or le temps nous est mesuré, au quartz près. Productique ou temps libre, nous passons de plus en plus de temps à raccrocher au nez de spammeurs qui nous interrompent pour nous revendre nos désirs (dont nous informons les bases de données qui les leur vendent). Ce qui est intéressant dans ce bonneteau est que les infos que nous fournissons sur nous-mêmes, nous les truquons suffisamment pour que les commerciaux n'arrivent pas à en tirer les lois du succès: Survivor II est un bide, après le succès de la version I. De cette incertitude viennent les trous dans le filet qui laissent parvenir jusqu'à nous certaines infos.

Bref la "société de l'information", c'est le jeu des regards dans le tableau de de La Tour: "La diseuse de bonne aventure". Le jeune homme qui se fait dépouiller en est conscient, et complice. Il a visiblement les moyens de s'offrir les flatteries des trois jolies filles tout en exigeant de la vieille diseuse qu'elle lui rende l'une de ces piécettes dont il a pris la précaution de gonfler ostensiblement la bourse qu'on lui coupe.

ANNE-BENEDICTE JOLY (Antony, région parisienne)

#Ecrivain auto-éditant ses oeuvres et utilisant le web pour les faire connaître

*Entretien du 18 juin 2000

= En quoi consiste votre site web?

Mon site (mis en ligne le 17 avril 2000) a plusieurs objectifs: présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l'on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d'écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d'or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires.

= Quel avantage voyez-vous à utiliser l'internet?

Je suis écrivain. Créer un site internet me permet d'élargir le cercle de mes lecteurs en incitant les internautes à découvrir mes écrits. Internet est également un moyen pour élargir la diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j'espère susciter des contacts de plus en plus nombreux.

= Pourquoi ce choix d'auto-éditer vos oeuvres?

Après avoir rencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d'édition et ne souhaitant pas opter pour des éditions à compte d'auteur, j'ai choisi, parce que l'on écrit avant tout pour être lu (!), d'avoir recours à l'auto-édition. Je suis donc un écrivain-éditeur et j'assume l'intégralité des étapes de la chaîne littéraire, depuis l'écriture jusqu'à la commercialisation, en passant par la saisie, la mise en page, l'impression, le dépôt légal et la diffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250 exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes.

= A l'heure de l'internet, pensez-vous que les auteurs aient encore besoin des éditeurs?

Je pense qu'internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d'autres, mais je suis convaincue que le livre "papier" a encore, pour des lecteurs amoureux de l'objet livre, de beaux jours devant lui. Je pense que la problématique réside davantage dans la qualité de certains éditeurs, pour ne pas dire la frilosité, devant les coûts liés à la fabrication d'un livre, qui préfèrent éditer des livres "vendeurs" plutot que de décider de prendre le risque avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Encore une fois internet devra me permettre d'aller à la rencontre de lecteurs (d'internautes) que je n'aurai pas l'occasion en temps ordinaire de côtoyer. Je pense à des pays francophones tels que le Canada qui semble réserver une place importante à la littérature francaise. Je suis déja référencée dans des annuaires et des moteurs de recherche anglo-saxons, et en passe de définir des accords d'échange de liens avec des sites universitaires et littéraires canadiens.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le respect du droit d'auteur, c'est la survie de la création. Le web, de par son universalité et la grande facilité avec laquelle quiconque peut s'approprier ou copier ce qu'il souhaite, constitue à n'en pas douter une limite à la diffusion de toute création. Je suis réticente à l'idée de placer mes textes en exhaustivité sur la toile car je crains les copies et plagiats. Je pense qu'il serait sans doute astucieux de présenter par exemple les premiers chapitres d'un livre ou un extrait puis d'inciter le lecteur à acquérir l'ouvrage sous forme papier ou sous forme électronique grâce à une gestion sécurisée des moyens de paiement.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Je crois que, par nature, la langue devra être universelle et l'anglais semble le mieux placé pour gagner cette bataille. Cependant, les auteurs francophones devront défendre la langue sur le net. Nous pourrions fort bien envisager, pour un livre écrit en français, de prévoir un synopsis de type quatrième de couverture en deux langues: français et anglais. Ainsi les lecteurs étrangers prendront connaissance des grandes lignes du livre et sauront faire les efforts nécessaires pour le lire dans une langue étrangère à la leur. S'agissant de littérature ou de belles lettres, il paraît réaliste de défendre un bastion linguistique.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le franchissement de la barre des 200 visiteurs sur mon site.

= Et votre pire souvenir?

Je n'en ai pas encore…

*Entretien du 22 novembre 2000

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Mon site a considérablement évolué: ajout des caractéristiques de mon nouveau roman (Singulière), création d'une rubrique "Vu dans les médias" à partir de chaque fiche de livres concernés, création d'une page "Mise à jour" recensant les modifications apportées au site, et aussi de nombreux nouveaux liens vers des sites littéraires. J'ai mis en ligne la version 2 de mon site le 3 septembre 2000.

= Utilisez-vous encore beaucoup le papier?

Oui, je dois avouer que le passage par l'écrit m'est encore nécessaire. Comme tout écrivain je conserve et souhaite conserver une relation privilégiée avec l'écrit, la plume, le crissement du stylo sur une feuille blanche. Par ailleurs, je note, je rature, je corrige, je développe… bref mes premières phases de création passent encore systématiquement par le papier avant la phase de saisie de mes textes. Par ailleurs, j'entretiens une relation sentimentale avec l'objet "livre".

= Le papier a-il encore de beaux jours devant lui?

Je pense que le support papier a encore beaucoup de beaux et longs jours devant lui. Ne serait-ce que pour des raisons de contacts affectifs avec l'objet livre, mais aussi de par la faible montée en puissance (actuelle) des solutions électroniques. Je pense que l'informatique est un moyen performant et totalement nécessaire pour fabriquer des livres mais je suis une fervente défenseur du plaisir de tenir un livre dans sa main, de l'emporter partout avec soi, de l'annoter, de le prêter, de le reprendre, de le feuilleter, de glisser page 38 mon marque-page préféré… J'aime cette relation privilégiée que le lecteur noue avec un livre. J'aime voir vivre l'objet… Pour toutes ces raisons, non seulement je pense que le livre a encore de beaux jours devant lui, mais au fond, je le souhaite de tout coeur!

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d'atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. C'est aussi sans doute le moyen de diffusion actuel le plus universel (dès lors que l'on peut se promener sur la toile!) qui puisse repousser à ce point les limites de distances. Par rapport à mes remarques précédentes, je suis assez dubitative sur le "plaisir" que l'on peut retirer d'une lecture sur un écran d'un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d'ascenseur ne me tente guère. Ce support, s'il possède à l'évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans se cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse. Pour faire un lien avec votre question suivante, comment intéresser les personnes malvoyantes à un tel support?

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Je pense que nous devrions voir apparaître des sites disposant de modes d'emplois ou de guides de découverte sonores. L'idéal serait de pouvoir guider un internaute malvoyant, depuis la mise en route des navigateurs (pour taper l'adresse du site ciblé), jusqu'à l'arrivée sur un site. Sur un site équipé, un assistant guide l'internaute en lui exposant les fonctionnalités du site. L'accès aux rubriques se fait via des codes alphanumériques (sur le même principe que les serveurs téléphoniques à fréquence vocale). Le code d'accès à la rubrique est possible grâce à un clavier adapté (touche possédant des caractères braille). Puis l'assistant propose des choix: téléchargement des rubriques pour éditions sur imprimante braille ou lecture de la rubrique sous forme d'extraits sonores. Il faudra se montrer vigilants face au temps de chargement du son. Puis, pour favoriser les échanges, prévoir la possibilité de déposer des témoignages vocaux (voire des images via des webcams) sur le serveur du site.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le domaine virtuel créé par la mise en relation de plusieurs ordinateurs communiquant et échangeant entre eux.

= Et la société de l'information?

Permettre l'accès au plus grand nombre de la plus grande quantité d'information possible tout en garantissant la partialité de l'information et en fournissant les clefs de compréhension nécessaires à sa bonne utilisation.

*Entretien du 6 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Mon site internet n'a cessé de subir des évolutions et améliorations. En voici les principaux points classés sous forme de rubriques:

1) Home page - Accueil: Mon site vient de souffler sa première bougie (le 17 avril 2001). Le cap des 4.000 visiteurs a été franchi. Mise en ligne (nouvelle charte de couleurs, nouvelle navigation…) de la version 3 en janvier 2001. Insertion d'une citation. Insertion d'un espace nouveautés (affichage tournant).

2) Livres: Ajout des couvertures scannées de mes livres. Création d'une page spécifique (Textes ailleurs) recensant les autres sites littéraires publiant certains de mes textes. Ajout des présentations audio de mes livres. Pages à chargement automatique depuis les fiches signalétiques de mes ouvrages.

3) Bon de commande: Ajout des référencements de librairies en ligne proposant mes livres à la vente et offrant un moyen de paiement sécurisé.

4) Parcours: Ajout d'une biographie. Ajout de photos. Ajout d'une séquence audio (reprise de la biographie).

5) Médias: Parution de la dédicace de l'auteur sur le site "La Radio du Livre" (Radio France).

6) Liens: Création de nombreux liens littéraires. A ce jour, j'ai créé un échange réel avec plus de 100 liens actifs.

Comme vous pouvez le constater, j'ai été très active ces derniers temps sur ce nouveau vecteur qu'est l'internet. J'ai beaucoup échangé avec des internautes (e-mail, messages sur le livre d'or, rencontres…). Je confirme mes précédents propos: si l'internet et le livre électronique ne remplaceront pas le support livre, je reste convaincue que disposer d'un tel réseau de communication est un avantage pour des auteurs moins (ou pas) connus.

Par ailleurs, et comme vous l'avez également sans doute remarqué, certains éditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs en intégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle dernier certains éditeurs classiques.

Les techniques modernes (édition numérique, e-book…) sont accessibles, n'exigent pas (ou de moins en moins) de moyens financiers importants et peuvent donc être au service de ces éditeurs. Ils jouent aujourd'hui le rôle de découvreur de talents. Il est à ma connaissance absolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d'éditer un livre en cinquante exemplaires. L'édition numérique offre cette possibilité, avec en plus réédition à la demande, presque à l'unité.

En résumé, je souhaite que l'objet livre continue de vivre longtemps et je suis ravie que des techniques (internet, édition numérique, e-book…) offrent à des auteurs des moyens de communication leur permettant d'avoir accès à de plus en plus de lecteurs.

Pour illustrer mes propos: j'ai tissé des relations lecteur-auteur avec une internaute résidant en Belgique. Cette dernière m'a adressé un bon de commande pour deux de mes ouvrages. Depuis lors nous communiquons régulièrement et échangeons bien volontiers sur le thème de la lecture et de l'écriture. Sans internet, sans cette technique, sans le travail que je réalise sur ces nouveaux médias, il m'aurait été impossible (ou tout le moins hautement improbable) de la rencontrer. C'est en cela que je considère que ces outils modernes offrent un élargissement sans fin à la vision créatrice et aux échanges.

C'est sur ce mot que je souhaiterais conclure: l'échange. Grace à internet, j'échange des idées et je vis une expérience tellement enrichissante. Enfin, comme je vous l'avais également dit, le travail que je réalise avec l'association culturelle littéraire que j'ai créée avec mon époux (Editions de l'Avenue) est formidable.

BRIAN KING (monde)

#Directeur du WorldWide Language Institute, qui est à l'origine de NetGlos, glossaire multilingue de la terminologie de l'internet

Depuis 1995, à l'initiative du WorldWide Language Institute, NetGlos (The Multilingual Glossary of Internet Terminology) est réalisé en commun par un certain nombre de traducteurs et linguistes, dans les langues suivantes: allemand, anglais, chinois, croate, espagnol, français, grec, hébreu, hollandais/flamand, italien, maori, norvégien et portugais.

*Entretien du 15 septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans l'activité de votre organisme?

Le principal service que nous offrons est l'enseignement des langues par le biais du web. Notre organisme est dans la position unique d'en être venu à exister du fait de l'internet!

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

Bien que l'anglais soit la langue la plus importante du web et de l'internet en général, je pense que le multilinguisme fait inévitablement partie des futures orientations du cyberespace.

Voici quelques-uns des éléments qui, à mon sens, permettront que le web multilingue devienne une réalité:

1. La popularisation de la technologie de l'information

La technologie des ordinateurs a longtemps été le seul domaine d'une élite "technicienne", à l'aise à la fois dans des langages de programmation complexes et en anglais, la langue universelle des sciences et techniques. A l'origine, les ordinateurs n'ont jamais été conçus pour manier des systèmes d'écriture ne pouvant être traduits en ASCII (American standard code for information interchange). Il n'y avait pas de place pour autre chose que les 26 lettres de l'alphabet anglais dans un système de codage qui, à l'origine, ne pouvait même pas reconnaître les accents aigus et les trémas, sans parler de systèmes non alphabétiques comme le chinois.

Mais la tradition a été bouleversée, et la technologie popularisée. Des interfaces graphiques tels que Windows et Macintosh ont accéléré le processus. La stratégie de marketing de Microsoft a consisté à présenter son système d'exploitation comme facile à utiliser par le client moyen. A l'heure actuelle cette facilité d'utilisation s'est étendue au-delà du PC vers le réseau internet, si bien que, maintenant, même ceux qui ne sont pas programmeurs peuvent insérer des applets Java dans leurs pages web sans comprendre une seule ligne de programmation.

2. La compétition des grandes sociétés pour avoir une part du "marché global"

L'extension de cette popularisation locale est l'exportation de la technologie de l'information dans le monde entier. La popularisation est maintenant effective à l'échelon mondial, et l'anglais n'est plus nécessairement la langue obligée de l'utilisateur. Il n'y a plus vraiment de langue indispensable, mais seulement les langues personnelles des utilisateurs. Une chose est certaine : il n'est plus nécessaire de comprendre l'anglais pour utiliser un ordinateur, de même qu'il n'est plus nécessaire d'avoir un diplôme d'informatique.

La demande des utilisateurs non anglophones et l'effort entrepris par les sociétés high-tech se faisant concurrence pour obtenir les marchés mondiaux a fait de la localisation un secteur en expansion rapide dans le développement des logiciels et du matériel. Le premier pas a été le passage de l'ASCII à l'ASCII étendu. Ceci signifie que les ordinateurs commençaient à reconnaître les accents et les symboles utilisés dans les variantes de l'alphabet anglais, symboles qui appartenaient le plus souvent aux langues européennes. Cependant une page ne pouvait être affichée que dans une seule langue à la fois.

3. Innovation technologique

L'innovation la plus récente est Unicode. Bien qu'il soit encore en train d'évoluer et qu'il ait tout juste été incorporé dans les derniers logiciels, ce nouveau système de codage traduit chaque caractère en 16 bits. Alors que l'ASCII étendu à 8 bits pouvait prendre en compte un maximum de 256 caractères, Unicode peut prendre en compte plus de 65.000 caractères uniques et il a donc la possibilité de traiter informatiquement tous les systèmes d'écriture du monde.

Les instruments sont maintenant plus ou moins en place. Ils ne sont pas encore parfaits, mais on peut désormais naviguer sur le web en chinois, en japonais, en coréen, et dans de nombreuses autres langues qui n'utilisent pas l'alphabet occidental. Comme l'internet s'étend à des parties du monde où l'anglais est très peu utilisé, par exemple la Chine, il est naturel que ce soit le chinois et non l'anglais qui soit utilisé. La majorité des usagers en Chine n'a pas d'autre choix que sa langue maternelle.

Une période intermédiaire précède bien sûr ce changement. Une grande partie de la terminologie technique disponible sur le web n'est pas encore traduite dans d'autres langues. Et, comme nous nous en sommes rendus compte dans NetGlos, notre glossaire multilingue de la terminologie de l'internet, la traduction de ces termes n'est pas toujours facile. Avant qu'un nouveau terme ne soit accepté comme le terme correct, il y a une période d'instabilité avec plusieurs candidats en compétition. Souvent un terme emprunté à l'anglais est le point de départ et, dans de nombreux cas, il est aussi le point d'arrivée. On assiste finalement à l'émergence d'un vainqueur qui est ensuite utilisé aussi bien dans les dictionnaires techniques que dans le vocabulaire quotidien de l'usager non spécialiste. La dernière version de NetGlos est la version russe et elle devrait être disponible dans deux semaines environ (fin septembre 1998, ndlr). Elle sera sans nul doute un excellent exemple du processus dynamique en cours pour la russification de la terminologie du web.

4. La démocratie linguistique

Dans un rapport de l'Unesco du début des années 50, l'enseignement dispensé dans sa langue maternelle était considéré comme un droit fondamental de l'enfant. La possibilité de naviguer sur l'internet dans sa langue maternelle pourrait bien être son équivalent à l'âge de l'information. Si l'internet doit vraiment devenir le réseau mondial qu'on nous promet, tous les usagers devraient y avoir accès sans problème de langue. Le considérer comme la chasse gardée de ceux qui, par accident historique, nécessité pratique ou privilège politique, connaissent l'anglais, est injuste à l'égard de ceux qui ne connaissent pas cette langue.

5. Le commerce électronique

Bien qu'un web multilingue soit souhaitable sur le plan moral et éthique, un tel idéal ne suffit pas pour en faire une réalité dépassant les limites actuelles. De même que l'utilisateur non anglophone peut maintenant avoir accès à la technologie dans sa propre langue, l'impact du commerce électronique peut constituer une force majeure qui fasse du multilinguisme la voie la plus naturelle vers le cyberespace.

Les vendeurs de produits et services dans le marché virtuel mondial que devient l'internet doivent être préparés à faire face à un monde virtuel qui soit aussi multilingue que le monde physique. S'ils veulent réussir, ils doivent s'assurer qu'ils parlent bien la langue de leurs clients!

= Comment voyez-vous l'avenir?

Comme l'existence de notre organisme est liée à l'importance attachée aux langues, je pense que son avenir sera excitant et stimulant. Mais il est impossible de pratiquer l'autosuffisance à l'égard de nos réussites et de nos réalisations. La technologie change à une allure frénétique. L'apprentissage durant toute la vie est une stratégie que nous devons tous adopter si nous voulons rester en tête et être compétitifs. C'est une tâche qui est déjà assez difficile dans un environnement anglophone. Si nous ajoutons à cela la complexité apportée par la communication dans un cyberespace multilingue et multiculturel, la tâche devient encore plus astreignante. Probablement plus encore que par le passé, la coopération est aussi indispensable que la concurrence.

Les germes d'une coopération par le biais de l'internet existent déjà. Notre projet NetGlos a dépendu du bon vouloir de traducteurs volontaires de nombreux pays: Canada, Etats-Unis, Autriche, Norvège, Belgique, Israël, Portugal, Russie, Grèce, Brésil, Nouvelle-Zélande, etc. Je pense que les centaines de visiteurs qui consultent quotidiennement les pages de NetGlos constituent un excellent témoignage du succès de ce type de relations de travail. Les relations de coopération s'accroîtront encore à l'avenir, mais pas nécessairement sur la base du volontariat.

GEOFFREY KINGSCOTT (Londres)

#Co-directeur du magazine en ligne Language Today

Geoffrey Kingscott est le directeur général de Praetorius, société britannique de traduction et de services d'expertise dans les langues appliquées. Il est aussi l'un des deux directeurs de publication de Language today, un magazine en ligne de référence pour les linguistes: traducteurs, interprètes, terminologues, lexicographes et rédacteurs techniques. Ce magazine est hébergé par Logos, société de traduction italienne.

*Entretien du 4 septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans l'activité de votre société?

L'internet n'a pas apporté de changement majeur dans notre société. C'est un médium de plus plutôt qu'un médium visant à remplacer les autres.

Nous continuerons d'avoir un site web pour notre société, et de publier une version de notre revue sur le web, mais ceci ne sera qu'un secteur de notre travail. Nous utilisons l'internet comme une source d'information que nous distillons ensuite à nos lecteurs, qui autrement seraient confrontés au problème majeur du web: faire face à un flux incontrôlé d'informations.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

Les caractéristiques propres au web sont la multiplicité des générateurs de sites et le bas prix de l'émission de messages. Ceci favorisera donc le multilinguisme au fur et à mesure du développement du web. Comme celui-ci a vu le jour aux Etats-Unis, il est encore principalement en anglais, mais ce n'est qu'un phénomène temporaire. Pour expliquer ceci plus en détail, je dirais que, quand nous comptions sur l'imprimé ou l'audiovisuel (films, télévision, radio, vidéos, cassettes), l'information ou le divertissement que nous attendions dépendait d'agents (éditeurs, stations de télévision ou de radio, producteurs de cassettes ou de vidéos) qui devaient subsister commercialement et, dans le cas de la radiotélédiffusion du service public, avec de sévères contraintes budgétaires. Ceci signifie que la quantité de clients est primordiale, et détermine la nécessité de langues autres que l'omniprésent anglais. Ces contraintes disparaissent avec le web.

Pour ne donner qu'un exemple mineur tiré de notre expérience, nous publions la version imprimée de Language Today uniquement en anglais, dénominateur commun de nos lecteurs. Quand nous utilisons un article qui était originellement dans une langue autre que l'anglais, ou que nous relatons un entretien conduit dans une langue autre que l'anglais, nous le traduisons en anglais et nous ne publions que la version anglaise, pour la raison suivante: le nombre de pages que nous pouvons imprimer est limité, et déterminé en fonction de notre clientèle (annonceurs et abonnés). Par contre, dans notre version web, nous proposons aussi la version originale.

STEVEN KRAUWER (Utrecht, Pays-Bas)

#Coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language
Technologies)

Financé par la Commission européenne, ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies) regroupe 135 universités et sociétés. L'objectif technologique commun aux participants d'ELSNET est de construire des systèmes multilingues pour la parole et la langue naturelle.

Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET, est professeur et chercheur en linguistique computationnelle à l'Institut de linguistique d'Utrecht. Ses recherches portent principalement sur la traduction automatique et les technologies d'évaluation de la langue et de la parole.

*Entretien du 23 septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans votre activité?

L'internet est l'instrument que j'utilise le plus pour communiquer avec les autres, et c'est ma source principale d'information. Je compte passer le reste de ma vie professionnelle à utiliser les technologies de l'information pour supprimer ou réduire les barrières des langues.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

En tant que citoyen européen, je pense que le multilinguisme sur le web est absolument essentiel. A mon avis, ce n'est pas une situation saine à long terme que seuls ceux qui ont une bonne maîtrise de l'anglais puissent pleinement exploiter les bénéfices du web.

En tant que chercheur (spécialisé dans la traduction automatique), je vois le multilinguisme comme un défi majeur: pouvoir garantir que l'information sur le web soit accessible à tous, indépendamment des différences de langue.

*Entretien du 4 août 1999 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Je suis de plus en plus convaincu que nous devons veiller à ne pas aborder le problème du multilinguisme en l'isolant du reste. Je reviens de France, où j'ai passé de très bonnes vacances d'été. Même si ma connaissance du français est sommaire (c'est le moins que l'on puisse dire), il est surprenant de voir que je peux malgré tout communiquer sans problème en combinant ce français sommaire avec des gestes, des expressions du visage, des indices visuels, des schémas, etc. Je pense que le web (contrairement au système vieillot du courrier électronique textuel) peut permettre de combiner avec succès la transmission des informations par différents canaux (ou moyens), même si ce processus n'est que partiellement satisfaisant pour chacun des canaux pris isolément.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le point de départ est évidemment: "on ne doit pas voler, même si c'est facile". Il est intéressant d'observer que, aussi complexe que soit la définition légale de "vol", dans la plupart des cas les gens arrivent très bien à la cerner:

- si je copie une information du web et que je l'utilise à des fins personnelles, je ne commets pas de vol, parce que cette information a été mise sur le web dans le but premier d'être utilisée;

- si je la copie à partir du web et que je la transmets à d'autres en précisant le nom de l'auteur, je ne commets pas de vol;

- si je la copie à partir du web et que je la transmets à d'autres en prétendant que j'en suis l'auteur, je commets un vol;

- si je la copie à partir du web, et que je la vends à d'autres sans avoir l'autorisation de l'auteur, je commets un vol.

Je réalise qu'il existe de nombreux cas situés dans les zones limites de ces quatre ensembles et pour lesquels il serait difficile de préciser s'il y a vol ou non, mais ces précisions sont du ressort des juristes.

= Quelles solutions pratiques suggérez-vous?

Je préconiserais les règles suivantes:

- la liberté totale pour la copie de l'information à usage personnel;

- la retransmission de l'information uniquement avec l'accréditation de l'auteur (à moins qu'il ne soit bien précisé que cette information est du domaine public);

- la revente de cette information uniquement avec l'accord de l'auteur (à moins que celle-ci ne soit du domaine public).

Pour faire respecter ces règles, on pourrait envisager:

- l'introduction d'"étiquettes normalisées" indiquant si l'information est du domaine public et, si elle ne l'est pas, renvoyant à l'auteur;

- la lecture de ces "étiquettes" par les navigateurs, qui les afficheraient en même temps que le document: texte, image, film, etc.;

- l'adoption d'une convention ou d'une règle selon laquelle l'information ne peut être copiée sans l'"étiquette" correspondante;

- (idée plus audacieuse) la mise en place d'un ISPN (international standard person number), similaire à l'ISBN (international standard book number) ou l'ISSN (international standard serial number), qui identifierait une seule personne, si bien que les références aux auteurs contenues dans les "étiquettes" seraient moins dépendantes des changements d'adresses électroniques ou d'adresses de pages web (à condition bien sûr que les gens mettent à jour leurs coordonnées dans la base de données ISPN).

= Quelles solutions pratiques suggérez-vous pour un véritable multilinguisme sur le web?

- En ce qui concerne l'auteur: une meilleure formation des auteurs de sites web pour exploiter les combinaisons de modalités possibles afin d'améliorer la communication par-delà les barrières des langues (et pas seulement par un vernis superficiel);

- en ce qui concerne l'usager, des logiciels de traduction de type AltaVista Translation, dont la qualité n'est pas frappante, mais qui a le mérite d'exister;

- en ce qui concerne le navigateur, des logiciels de traduction intégrée, particulièrement pour les langues non dominantes, et des dictionnaires intégrés plus rapides.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Une nuit, j'ai entendu le fragment d'une chanson sur une station de radio étrangère, ainsi que le nom d'une personne, et par le seul biais de l'internet j'ai été capable de:

- trouver que ce nom était celui du compositeur de la chanson,

- trouver le titre de la chanson,

- vérifier qu'il s'agissait bien de la chanson dont j'avais entendu un fragment,

- découvrir qu'elle faisait partie d'une comédie musicale,

- trouver le titre du coffret de CD de cette comédie musicale,

- acheter le coffret de CD en question,

- trouver le site web de la comédie musicale,

- trouver le pays et l'endroit dans lesquels cette comédie musicale était toujours à l'affiche, y compris le détail du programme avec les jours et heures des représentations,

- trouver le numéro de téléphone et les heures d'ouverture du bureau de location,

- me procurer un plan de la ville et les indications nécessaires pour trouver le théâtre.

J'aurais pu également réserver mon hôtel et mon vol par l'internet mais, dans ce cas précis, cela n'a pas été nécessaire. La seule chose que je n'ai pas pu faire fut la réservation elle-même parce que, à l'époque, les réservations par l'internet venant de l'étranger n'étaient pas acceptées, pour des raisons de sécurité. J'ai passé un très bon moment au théâtre, et je ne pense pas que ceci aurait été possible sans l'internet!

= Et votre pire souvenir?

Rien de vraiment spécifique, mais plutôt des choses répétitives comme:

- les courriers électroniques non sollicités à caractère commercial,

- les pages web remplies de publicités,

- les pages surchargées de graphiques inutiles et dont le téléchargement prend du temps,

- les liens cassés.

*Entretien du 1er juin 2001 (entretien original en anglais)

= Utilisez-vous encore des documents papier?

J'utilise le papier en grande quantité. J'imprime tous les documents importants, parce qu'ils sont beaucoup plus faciles à consulter de cette façon (plus faciles à parcourir, et jamais de batterie en panne). Je ne pense pas que ceci change avant longtemps.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Il y a encore un long chemin à parcourir avant que la lecture sur écran soit aussi confortable que la lecture sur papier.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Pour moi, le cyberespace est la partie de l'univers (incluant personnes, machines et information) que je peux atteindre "derrière" ma table de travail.

= Et la société de l'information?

La société de l'information est une société dans laquelle:

- l'essentiel du savoir et de l'information n'est plus stocké dans des cerveaux ou des livres mais sur des médias électroniques;

- les dépôts d'information sont distribués et interconnectés au moyen d'une infrastructure spécifique, et accessibles de partout,

- les processus sociaux sont devenus tellement dépendants de cette information et de son infrastructure que les citoyens non connectés au système d'information ne peuvent pleinement participer au fonctionnement de la société.

GAELLE LACAZE (Paris)

#Ethnologue et professeur d'écrit électronique dans un institut universitaire professionnalisé

Ethnologue, Gaëlle Lacaze est spécialiste de la Mongolie. Professeur dans un institut universitaire professionnalisé (IUP), elle enseigne l'écrit électronique à des étudiants qui se destinent au métier d'éditeur, de bibliothécaire et de libraire. Elle effectue aussi des recherches informelles sur la place du visuel dans la communication, notamment dans l'information électronique.

*Entretien du 7 décembre 2000

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

En tant qu'ethnologue, je développe une méthodologie d'utilisation de l'image dans le cadre de l'étude du corps. J'enseigne aussi l'écrit électronique, principalement HTML.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Non, les deux supports ne se superposent pas. Le papier possède des qualités et l'édition électronique en possède d'autres.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

C'est un outil de travail intéressant. Reste le problème des droits de propriété intellectuelle sur certains documents. C'est un outil indispensable pour les bibliothèques, mais la version papier des livres disponibles sur internet ne doit pas disparaître. Il importe aussi de ne pas oublier les "infos-pauvres" dans l'avancée de ces super-technologies.

= Quelles sont vos suggestions pour un meilleur respect du droit d'auteur sur le web?

L'éducation du netizen; la formation des intermédiaires servant à l'utilisation des NTI (nouvelles technologies de l'information) à la nettatitude; l'analyse du rapport entre droits d'auteurs / diffusion du savoir / honnêteté scientifique.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Une visuelle en trois dimensions: superposition de lignes droites mouvantes selon des directions multiples où les rencontres de lignes créent des points de contact.

= Et la société de l'information?

Une société où l'information est reçue et digérée, sans être étouffée par la profusion.

HELENE LARROCHE (Paris)

#Gérante de la librairie Itinéraires, spécialisée dans les voyages

Située au coeur de Paris dans l'ancien quartier des Halles, la librairie Itinéraires rassemble tous les ouvrages permettant de préparer, accompagner et prolonger un voyage: guides, cartes, manuels de conversation, reportages, récits de voyage, livres de cuisine, livres d'art et de photographie, ouvrages d'histoire, de civilisation, d'ethnographie, de religion et de littérature étrangère, et cela pour plus de 160 pays et 250 destinations.

*Entretien du 11 juin 1998

= Comment votre librairie en est venue à utiliser le minitel puis l'internet?

Dès 1985, nous avons créé une base de données avec classement des ouvrages par pays et par thèmes. Il y a un peu plus de trois ans (1995), nous avons rendu la consultation de notre catalogue possible sur minitel et nous effectuons aujourd'hui près de 10% de notre chiffre d'affaires avec la vente à distance.

Passer du minitel à internet nous semblait intéressant pour atteindre la clientèle de l'étranger, les expatriés désireux de garder par les livres un contact avec la France et à la recherche d'une librairie qui "livre à domicile" et bien sûr les "surfeurs sur le net", non minitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur internet pour avoir modifié notre chiffre d'affaires de façon significative. Internet a cependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la création d'une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquelle nous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleures ventes du moment ou/et pour lesquels la critique s'emballe. Nous avons toutefois décidé de limiter cette rubrique à 60 titres quand notre base en compte 13.000. Un changement non négligeable, c'est le temps qu'il faut dégager ne serait-ce que pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. Outre le bénéfice pour l'image de la librairie qu'internet peut apporter (et dont nous ressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèle dans notre spécialité (la connaissance des pays étrangers), atteindre et intéresser les expatriés et augmenter nos ventes à l'étranger.

*Entretien du 16 janvier 2000

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Peu d'actualisation à nos renseignements antérieurs. Des projets certes qu'il est trop tôt de préciser. Cependant un net regain de personnes qui viennent à notre librairie après nous avoir découvert sur le web. C'est donc plutôt une clientèle parisienne ou une clientèle venue de province pour pouvoir feuilleter sur place ce que l'on a découvert sur le web. Mais l'expérience est très intéressante et nous conduit à poursuivre.

PIERRE LE LOARER (Grenoble)

#Directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation)

*Entretien du 5 février 2001

= Pouvez-vous vous présenter?

Professionnellement, actuellement, je suis chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) et directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble, qui est un organisme d'enseignement supérieur. Je suis également webmestre du site web de cette institution.

Mon parcours professionnel m'a permis de travailler à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé. Et je considère cela comme un grand avantage. Le passage de l'un à l'autre (et dans les deux sens) devrait être davantage favorisé.

= Pouvez-vous décrire le site web de votre organisme?

Conçu dès février 1998, il a ouvert en mai 1998. J'étais le chef de projet, d'autant que j'ai une formation multimédia, outre ma formation initiale en philosophie, documentation-bibliothèques et informatique.

Il y avait un comité de pilotage (au sein de notre Institut) et également plusieurs partenaires:

- un graphiste (qui venait de créer le logo de l'Institut) à qui j'ai demandé de décliner des éléments cohérents pour le site, en liaison avec la société de multimédia,

- une société de création multimédia à qui j'ai demandé de créer une "maquette" de page d'accueil et deux modèles de pages (page de rubrique principale, page de sous-rubrique) pour disposer d'une ligne graphique,

- une ergonome qui avait pour objet de tester et surtout de faire tester la version 1 (maquette) du site, pour ensuite réaliser une version 2 opérationnelle, ce qui a été fait,

- une rédactrice qui, avec moi-même, a repris, sélectionné les informations et même partiellement réécrit certains textes et surtout organisé avec moi les rubriques et sous-rubriques, créé les libellés d'intitulés, etc., ce travail étant soumis au comité de pilotage,

- le CRI (centre de recherche en informatique) de l'université pour réaliser les pages HTML en suivant les modèles, une fois validés, des pages de différents niveaux et également pour héberger le site.

Dans un second temps, un professeur d'anglais m' a aidé à créer quelques pages en anglais. Aujourd'hui, le site est maintenu à jour par moi-même et une personne qui m'aide grandement pour cette tâche. Pour le mettre à jour, nous travaillons avec un outil d'édition en ligne.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Elle est très variée. Je ne reviens pas sur mes fonctions de directeur d'un centre de documentation, sinon pour insister sur:

- l'importance de la formation des étudiants à la recherche documentaire, à la connaissance des sources d'information, imprimées et électroniques, et à la production de documents sous forme numérique,

- la conception, que je reprends à mon compte, de la "bibliothèque hybride" qui gère, donne accès à la fois aux documents imprimés et aux documents électroniques. Il me semble que l'on peut même parler de "lecture hybride" où l'on passe de l'écran à divers supports imprimés et l'inverse.

Mes fonctions de chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) visent à mettre ces TICE au service de la stratégie de l'Institut, pour son développement, pour renforcer encore la qualité de son enseignement, faciliter des accompagnements pédagogiques, aider au développement des relations internationales grâce aux facilités de l'échange électronique. Les TICE ne sont pas un but en soi, mais bien un outil au service d'objectifs stratégiques. Ceci passe, entre autres, par la création d'intranets pédagogiques, un renforcement de la formation en bureautique communicante pour les étudiants, les enseignants et le personnel administratif.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Elle a divers aspects, qui sont assez différents: gestionnaire de site, formateur pour un usage à la fois réfléchi et professionnel du web, animateur, participant à des séminaires, réunions diverses sur l'internet (et l'éducation, les collectivités territoriales, etc.). Membre de l'ISOC (Internet Society), je participe aux rencontres d'Autrans.

= Utilisez-vous encore beaucoup le papier?

Oui. Et également beaucoup l'écran.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Le papier a encore de beaux jours devant lui, même si le support électronique va continuer à beaucoup se développer et se diversifier.

= Quel est votre sentiment sur le livre électronique?

Je préfère vous renvoyer à deux écrits récents. Pour information, le texte que j'avais écrit sur "Lecteurs et livres électroniques" pour le Bulletin des Bibliothèques de France (de juillet 2000, paru en décembre 2000, ndlr) est aujourd'hui disponible au format pdf. Un autre article, mettant à jour un grand nombre d'informations, va paraître dans Documentaliste-Sciences de l'information d'ici quelques jours (paru depuis: "Les livres électroniques ou le passage", vol. 37, n° 5-6, 2000, ndlr).

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Meilleur, je ne sais.

Quand j'ai pu aider tel(le) internaute à l'autre bout du monde (Australie, par exemple) sur une question précise, via le hasard du questionnement. Mais ce n'est pas si fréquent (manque de temps, participation aujourd'hui plus que limitée aux listes et forums).

Quand j'ai pu échanger des propos avec tel ou tel chercheur de l'autre bout du monde et avoir ensuite le plaisir de le rencontrer in situ.

Etc., etc.

= Quel est votre pire souvenir lié à l'internet?

Pire, je ne sais.

Mais l'avalanche de messages "spam" a le don de m'agacer, voire de m'irriter. De même, je n'apprécie guère (euphémisme) certain(s) fournisseur(s) d'accès qui rédui(sen)t la vision de l'internet à l'espace de leurs propres sites et ressources, et exigent l'utilisation de leur seul logiciel de messagerie (propriétaire) pour communiquer par mél. Une tromperie quant à la vision et aux potentialités de l'internet.

FABRICE LHOMME (Bretagne)

#Créateur d'Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction

Fabrice Lhomme a créé Une Autre Terre - site personnel - par passion pour la science-fiction. Il est technicien en informatique, et son activité principale est la création de serveurs internet au sein d'une petite société informatique.

*Entretien du 9 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

Le serveur a vu le jour fin novembre 1996. J'ai commencé en présentant quelques bibliographies très incomplètes à l'époque et quelques critiques. Rapidement, j'ai mis en place les forums à l'aide d'un logiciel "maison" qui sert également sur d'autres actuellement. Depuis la page réalisée pour le premier anniversaire du serveur, le phénomène le plus marquant que je puisse noter, c'est la participation de plusieurs personnes au développement du serveur alors que jusque-là j'avais tout fait par moi-même. Le graphisme a été refait par un généreux contributeur et je reçois régulièrement des critiques réalisées par d'autres personnes. Pour ce qui est des nouvelles, la rubrique a eu du mal à démarrer mais, une fois qu'il y en a eu un certain nombre, j'ai commencé à en recevoir régulièrement (effet d'entraînement). Actuellement, j'ai toutes les raisons d'être satisfait car mon site reçoit plus de 2.000 visiteurs différents chaque mois et toutes les rubriques ont une bonne audience. Le forum des visiteurs est très actif, ce qui me ravit.

= Quels sont vos projets?

J'envisage pour très bientôt d'ouvrir une nouvelle rubrique proposant des livres d'occasion à vendre avec l'ambition de proposer un gros catalogue. Eventuellement j'ouvrirai aussi une rubrique présentant des biographies car je reçois pas mal de demandes des visiteurs en ce sens. Si l'activité de vente de livres d'occasion se montre prometteuse, il est possible que j'en fasse une activité professionnelle sous la forme d'une micro-entreprise.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Il faut d'abord préciser qu'Une Autre Terre est un serveur personnel hébergé gratuitement par la société dans laquelle je travaille. Je l'ai créé uniquement par passion pour la SF et non dans un but professionnel même si son audience peut laisser envisager des débouchés dans ce sens. Par contre internet a bel et bien changé ma vie professionnelle. Après une expérience de responsable de service informatique, j'ai connu le chômage et j'ai eu plusieurs expériences dans le commercial. Le poste le plus proche de mon domaine d'activité que j'ai pu trouver était vendeur en micro-informatique en grande surface (je dois préciser quand même que je suis attaché à ma région et que je refusais de "m'expatrier"). Jusqu'au jour donc où j'ai trouvé le poste que j'occupe depuis deux ans. S'il n'y avait pas eu internet, je travaillerais peut-être encore en grande surface. Actuellement, le principal de mon activité tourne autour d'internet (réalisation de serveurs web, intranet/extranet,…) mais ne se limite pas à cela. Je suis technicien informatique au sens large du terme puisque je m'occupe aussi de maintenance, d'installation de matériel, de réseaux, d'audits, de formations, de programmation, etc.

= Comment voyez-vous l'avenir?

J'ai trouvé dans internet un domaine de travail très attrayant et j'espère fortement continuer dans ce segment de marché. La société dans laquelle je travaille est une petite société en cours de développement. Pour l'instant je suis seul à la technique (ce qui explique mes nombreuses casquettes) mais nous devrions à moyen terme embaucher d'autres personnes qui seront sous ma responsabilité.

*Entretien du 26 juillet 1999

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Le projet que j'avais de vendre des livres d'occasion par ce média a abouti (ouverture de la CyberBouquinerie SF en août 1998). De ce côté-là, le résultat n'est pas à la hauteur de mes espérances. Faute de moyens, je n'ai pas pu constituer un stock de livres suffisamment important pour satisfaire la clientèle potentielle. Malgré tout, j'ai régulièrement des commandes. Ça me paie mes propres livres mais il faudra attendre encore pour en faire une activité professionnelle…

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

De par mon travail, je fais plus attention aux aspects techniques du web qu'aux débats qui s'y rapportent. Il me semble quand même qu'il y a incompatibilité entre internet et la notion de droits d'auteur. Internet est un espace ouvert et il me semble impossible d'empêcher quelqu'un d'y diffuser des documents protégés.

Le fait d'en parler est tout de même important car ça pourra peut-être sensibiliser certaines personnes qui n'avaient pas pensé au problème. Mais cela n'arrêtera jamais quelqu'un qui le fait en connaissance de cause. La seule solution qui me semble plausible serait que les hébergeurs surveillent un peu plus le contenu des pages qu'ils hébergent.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Dans un article "spécial science-fiction" de Club-Internet, Jacques Sadoul (auteur, directeur de collection, anthologiste…) a parlé de mon site comme faisant partie des meilleurs sites francophones traitant de SF. Quand ça vient d'une personne telle que lui, on ne peut qu'être ravi…

PHILIPPE LOUBIERE (Paris)

#Traducteur littéraire et dramatique, spécialiste de la Roumanie

*Entretien du 24 mars 2001

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je suis traducteur littéraire en français (ma langue maternelle) à partir principalement du roumain (et aussi de l'espagnol). Ayant traduit et adapté de nombreuses pièces de théâtre, j'ai également eu l'occasion de m'impliquer dans la mise en scène, et pas seulement des pièces que j'ai pu traduire ou adapter. Je fais des piges également pour plusieurs revues sur la Roumanie, sur le monde arabe et sur la langue française (notamment sur le site de l'Association pour la sauvegarde et l'expansion de la langue française - ASSELAF). Il m'arrive également de donner des cours d'arabe, langue que j'ai enseignée plusieurs années pour l'Éducation nationale française, pour ne pas perdre la main dans cette langue.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Les contacts amicaux et professionnels, par courrier électronique donc, ainsi que la transmission de documents écrits ou d'images, mais assez peu de navigation.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Sans grand changement, je crois, en ce qui me concerne (mais sait-on jamais?).

= Utilisez-vous encore beaucoup le papier?

J'utilise beaucoup le support papier car, quoique j'écrive la plupart du temps sur ordinateur, j'ai besoin d'imprimer pour me relire. Je lis les journaux. Je suis très attaché au livre comme objet et comme support de connaissance. Et en tout cas je fais partie de la chaîne qui les édite. Je viens même d'en publier un: Cîntece de alchimist / Chants d'achimiste de Teodor Mazilu, édition bilingue de poésie, traduite par mes soins (publiée aux éditions Crater à Bucarest).

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Je pense que le papier a encore de très beaux jours devant soi. Mais il va resserrer une partie de sa gamme, naturellement, c'est-à-dire la recentrer. Je suis ravi que l'on économise ainsi la vie de milliers d'arbres, pour que certaines données d'intérêt variable ou à rotation rapide soient déviées sur les divers supports numériques. Par ailleurs, les journaux (non nécessairement les quotidiens) restent un moyen dit d'"information" plus digne de foi que la presse audio-visuelle: leur lecture est le moyen d'essayer de s'informer le moins passif, celui qui permet la meilleure distanciation par rapport à l'information (on se fait moins piéger par le matraquage télé). Il y a ensuite plus de diversité dans les titres, dans les opinions, et surtout il y a des journaux spécialisés (c'est même le seul moyen d'information susceptible d'être spécialisé). Le livre, enfin, me paraît aujourd'hui le lieu idéal de refuge des valeurs de l'esprit, celles qui ne sont pas frappées d'obsolescence par le progrès technique ou par les modes. Bref, le papier, c'est la lecture, et c'est la lecture libre.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Mon opinion, que je garde la plus éloignée possible de tout sentiment, est assez réservée. La lecture sur écran est moins confortable que dans un livre traditionnel. Le seul intérêt (à long terme) serait, me semble-t-il, de trouver à l'état numérique des livres épuisés, lorsqu'on ne peut se rendre dans une bibliothèque.

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

Le débat sur le droit d'auteur sur le web me semble assez proche sur le fond de ce qu'il est dans les autres domaines où le droit d'auteur s'exerce, ou devrait s'exercer. Le producteur est en position de force par rapport à l'auteur dans pratiquement tous les cas de figure. Les pirates, voire la simple diffusion libre, ne menacent vraiment directement que les producteurs. Les auteurs ne sont menacés que par ricochet. Il est possible que l'on puisse légiférer sur la question, au moins en France où les corporations se revendiquant de l'exception culturelle sont actives et résistent encore un peu aux Américains, mais le mal est plus profond. En effet, en France comme ailleurs, les auteurs étaient toujours les derniers et les plus mal payés avant l'apparition d'internet, on constate qu'ils continuent d'être les derniers et les plus mal payés depuis. Il me semble nécessaire que l'on règle d'abord la question du respect des droits d'auteur en amont d'internet. Déjà dans le cadre général de l'édition ou du spectacle vivant, les sociétés d'auteurs - SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), Société des gens de lettres, SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), etc. - faillissent dès lors que l'on sort de la routine ou du vedettariat, ou dès que les producteurs abusent de leur position de force, ou tout simplement ne payent pas les auteurs, ce qui est très fréquent. Il est hypocrite dans ce cas-là de crier haro sur le seul internet.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un web véritablement multilingue?

La langue unique est à l'évidence un système totalitaire. Tout ce qui peut contribuer à la diversité linguistique, sur internet comme ailleurs, est indispensable à la survie de la liberté de penser. Je n'exagère absolument pas: l'homme moderne joue là sa survie. Cela dit, je suis très pessimiste devant cette évolution. Les Anglo-saxons vous écrivent en anglais sans vergogne. L'immense majorité des Français constate avec une indifférence totale le remplacement progressif de leur langue par le mauvais anglais des marchands et des publicitaires, et le reste du monde a parfaitement admis l'hégémonie linguistique des Anglo-saxons parce qu'ils n'ont pas d'autres horizons que de servir ces riches et puissants maîtres. La seule solution consisterait à recourir à des législations internationales assez contraignantes pour obliger les gouvernements nationaux à respecter et à faire respecter la langue nationale dans leur propre pays (le français en France, le roumain en Roumanie, etc.), cela dans tous les domaines et pas seulement sur internet. Mais ne rêvons pas…

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

L'accompagnement acoustique, mais je n'ai pas de suggestions techniques.

= Comment définissez-vous la société de l'information?

Il n'y a pas, je crois, de société de l'information. Internet, la télévision, la radio ne sont pas des moyens d'information, ce sont des moyens de communication. L'information participe d'une certaine forme de savoir sur le monde, et les moyens de communication de masse ne la transmettent pratiquement pas. Ils l'évoquent dans le meilleur des cas (ceux des journalistes de terrain par exemple), et la déforment voire la truquent dans tous les autres. Et (pour autant qu'il le veuille!) le pouvoir politique n'est hélas plus aujourd'hui assez "le" pouvoir pour pouvoir faire respecter l'information et la liberté. L'information, comme toute forme de savoir, est le résultat d'une implication personnelle et d'un effort de celui qui cherche à s'informer. C'était vrai au Moyen-Âge, c'est encore vrai aujourd'hui. La seule différence, c'est qu'aujourd'hui il y a davantage de leurres en travers du chemin de celui qui cherche.

TIM McKENNA (Genève)

#Ecrivain, s'interroge sur la notion complexe de "vérité" dans un monde en mutation constante

*Entretien du 17 octobre 2000 (entretien original en anglais)

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

J'enseigne les mathématiques. En ce moment, je suis en disponibilité pour préparer une maîtrise en gestion des télécommunications.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

J'utilise l'internet principalement comme outil de recherche.

= Comment voyez-vous l'avenir?

J'aimerais que l'internet devienne davantage un outil d'accès à l'information et aux médias non contrôlé par les multinationales.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le droit d'auteur est une question difficile. Le détenteur de la propriété intellectuelle pense que ce qu'il a créé lui appartient. Quant au client, il achète un morceau de plastique (dans le cas d'un CD) ou un ensemble de pages brochées (dans le cas d'un livre). Les commerçants n'ont pas encore réussi à faire comprendre au client la notion de propriété intellectuelle. Le consommateur ne pense pas de manière très abstraite. Quand il télécharge des chansons par exemple, c'est simplement pour les écouter, non pour les posséder. L'industrie musicale et le monde de l'édition doivent trouver des solutions pour que le consommateur prenne en considération la question du copyright lors de ces téléchargements.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un web multilingue?

Quand la qualité des logiciels sera suffisante pour que les gens puissent discuter sur le web en temps réel dans différentes langues, nous verrons tout un monde s'ouvrir à nous. Les scientifiques, les hommes politiques, les hommes d'affaires et bien d'autres groupes seront à même de communiquer immédiatement entre eux sans l'intermédiaire de médiateurs ou traducteurs.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Le papier joue encore un rôle vital dans ma vie. Pour moi, la lecture est une question de fierté culturelle. J'ai des origines irlandaises (Tim est américain, ndlr). Pour paraphraser Thomas Cahil, en Irlande la spiritualité a toujours été étroitement liée à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Ne pas pouvoir lire sur le papier me manquerait, et la lecture à l'écran est trop fatigante pour les yeux.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je ne pense pas que le livre numérique séduise vraiment les amoureux des livres. Si l'internet est un excellent moyen d'information, les livres ne se bornent pas à cela. Ceux qui aiment les livres ont une relation personnelle avec eux. Ils les relisent, notent leurs commentaires sur les pages, s'entretiennent avec eux. Tout comme le cybersexe ne remplacera jamais le fait d'aimer une femme, le livre numérique ne remplacera jamais la lecture d'un beau texte en version imprimée.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Les concepteurs de logiciels doivent développer des logiciels activés par la voix, en ayant à l'esprit les aveugles en ce qui concerne la qualité, et l'ensemble des utilisateurs en ce qui concerne la rentabilité. Ceci est bien préférable que de limiter l'utilisation d'une technologie à la communauté des aveugles. Il existe d'innombrables exemples de technologies développées à l'origine pour des personnes ayant une déficience donnée et qui ont été profitables à tous.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Pour moi, le cyberespace est l'ensemble des liens existant entre les individus utilisant la technologie pour communiquer entre eux, soit pour partager des informations, soit pour discuter. Dire qu'une personne existe dans le cyberespace revient à dire qu'elle a éliminé la distance en tant que barrière empêchant de relier personnes et idées.

= Et la société de l'information?

Je considère la société de l'information comme la forme tangible de la conscience collective de Jung. L'information réside essentiellement dans notre subconscient mais, grâce à l'existence de navigateurs, l'information est désormais plus facile à récupérer. Cette information favorise une meilleure connaissance de nous-mêmes en tant qu'individus et en tant qu'êtres humains.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

L'utilisation du courrier électronique pour rester en contact avec mes amis.

= Et votre pire souvenir?

Apprendre à utiliser l'internet, avant que la technologie n'apporte les améliorations me permettant de ne plus me préoccuper de mon inaptitude dans ce domaine.

PIERRE MAGNENAT (Lausanne)

#Responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne

*Entretien du 27 octobre 2000

= Pouvez-vous vous présenter?

Mathématicien de formation, je me suis ensuite orienté vers la recherche en astrophysique à l'Observatoire de Genève, domaine dans lequel j'ai obtenu mon doctorat en 1982. Le sujet en était l'étude de la stabilité des orbites dans des modèles numériques de galaxies, ce qui m'a conduit à développer un usage intense de l'informatique, et m'a peu à peu dirigé totalement vers cette branche encore neuve à l'époque. En 1985, j'ai accordé mes actes à mes préférences et suis parti travailler chez un constructeur informatique. J'ai rejoint l'Université de Lausanne en 1990 pour occuper le poste où je suis encore.

= Pouvez-vous décrire l'activité de votre organisme?

L'Université de Lausanne est une université généraliste fondée en 1537 (théologie, droit, lettres, sciences sociales, HEC (hautes études commerciales), sciences (maths, physique, chimie, biologie, sciences de la terre, pharmacie) et médecine. Elle comprend environ 10.000 étudiants et 2.200 chercheurs.

= Pouvez-vous décrire son site web?

Dès le début du web, un premier site a été créé par le personnel du centre informatique (en 1995). Chaque faculté, section ou institut s'y est mis par la suite, sans réelle unité et cohérence. Par la suite, certaines règles d'édition ont été établies, et le site remanié à plusieurs reprises avec l'aide de graphistes et d'une personne en charge de fédérer les informations. Nous avons été la première université suisse (voire européenne?) à permettre l'immatriculation des nouveaux étudiants par le web. Depuis, les applications administratives (ressources humaines, finances, grades, etc.) sont les unes après les autres adaptées à un usage par le web. Pour le futur proche, nous étudions la mise en place d'un portail dont l'accès sera personnalisé et adapté aux tâches et désirs de chacun, étudiants, personnel ou visiteur. Il permettra également un accès authentifié aux applications administratives.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je dirige la centrale d'achats informatiques de l'université. A ce titre, je définis des normes techniques, je procède aux appels d'offres et gère l'entretien du parc, ainsi que les contrats de licences de logiciels. Je suis également responsable de l'établissement et de la gestion des budgets informatiques centraux. Une bonne part de mon activité est ainsi liée à des aspects de prospective et de veille technologique.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Bien avant l'arrivée du web, internet était déjà un outil essentiel à mon activité: courrier électronique, information par Usenet News puis gopher. Chaque développement nouveau de l'internet nous a permis de mettre en place des outils facilitant la vie de nos utilisateurs (listes de prix et configurations, formulaires de commandes, inventaires en ligne, etc.) tout comme la nôtre (contacts fournisseurs, informations techniques, etc.). Par ailleurs, cet usage a déteint dès le début sur mes activités personnelles (IRC, news, etc.), pour aboutir à un usage fréquent du commerce électronique et de la bourse en ligne.

= Comment voyez-vous l'avenir?

L'usage de l'internet va encore s'intensifier, tout comme ses aspects intranet au sein de notre institution. En particulier, l'apparition des "campus virtuels" proposant des enseignements à distance et/ou collaboratifs va bouleverser l'usage que l'on en fait jusqu'à maintenant, exigeant des bandes passantes considérablement plus grandes. La téléconférence, déjà mise en place par ATM (asynchronous transfer mode) entre les universités de Lausanne et Genève, va également s'étendre, exigeant elle aussi des moyens considérables et très sécurisés (par exemple pour les diagnostics médicaux à distance, voire la téléchirurgie).

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Oui, hélas. Nous continuons à devoir imprimer beaucoup de choses, ne serait-ce que pour des raisons administratives. Par contre, pour tout ce qui est information, je ne la prends plus que sur internet.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Comme pour toute nouvelle technologie, je m'y mettrai avec joie dès que son usage sera plus pratique et/ou agréable que la méthode traditionnelle. Il faut donc un support léger et petit, avec un écran parfaitement stable et précis. Il faudra de plus qu'il nous procure des avantages: possibilité de copier/coller des passages sur son poste de travail, accès à des bases de données bibliographiques, etc. Tant que c'est moins agréable qu'un livre, et sans avantage notable, je reste au livre. C'est comme pour l'agenda/PDA (personal digital assistant): je ne me suis pas encore résolu à passer au Palm, car mon vieux time-system est encore beaucoup plus pratique et rapide. Lors d'une séance de groupe où nous devons convenir d'une prochaine réunion, je suis toujours le premier à pouvoir dire si telle date me convient, alors que mes collègues "palmés" en sont encore à tapoter au stylet pour trouver la bonne page…

= Quelles sont vos suggestions pour un meilleur respect du droit d'auteur sur le web?

Je n'ai pas de suggestion, mais plutôt une interrogation: que cherche-t-on par là? Les évènements récents dans le monde musical ont montré que de grosses entreprises prennent prétexte du droit d'auteur pour en fait protéger leur profit. Je ne me fais aucune illusion sur la probabilité qu'a et aura un auteur peu médiatisé, dans un pays autre que les Etats-Unis, de recevoir des royalties sur un texte ou une musique diffusés sur le web, même si des dispositifs de mesure sophistiqués sont mis en place. Par ailleurs, ces dispositifs existent, permettant donc théoriquement un contrôle, alors que ça n'est pas le cas sur les photocopieurs ou les enregistreurs de cassettes. A cet égard, le web n'amène donc pas vraiment de problème supplémentaire.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure répartition des langues sur le web?

La seule solution que je vois serait qu'un effort majeur et global soit entrepris pour développer des traducteurs automatiques. Je ne pense pas qu'une quelconque incitation ou autre quota pourrait empêcher la domination totale de l'anglais. Cet effort pourrait - et devrait - être initié au niveau des états, et disposer des moyens suffisants pour aboutir. Concernant le français, il existe un groupement de pays francophones dont des délégués se réunissent régulièrement. Le résultat de ces réunions ne m'est jamais apparu clairement; l'économie réalisée en supprimant un ou deux de ces raouts permettrait peut-être de financer le projet…

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Pas vraiment d'idée particulière autre que ce qui existe déjà, comme les synthétiseurs vocaux.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

L'ensemble des ressources et acteurs connectés et accessibles à un moment donné.

= Et la société de l'information?

Un mot à la mode, qui ne veut rien dire. Une société est par essence communicative, et donc caractérisée par des échanges d'informations. Les seules choses qui ont changé, c'est la quantité et la vitesse de ces échanges.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Lorsqu'en 1995, je me suis retrouvé à mon premier GT (Get Together) en Californie, une party à laquelle participaient plus de cinquante personnes que je n'avais jamais vues, mais que je connaissais déjà bien pour avoir "chatté" avec elles pendant deux ans sur IRC (Internet relay chat).

= Et votre pire souvenir?

Lorsque je me suis fait avoir par une fausse information concernant une société dont je possédais des actions. C'est un mauvais souvenir mais une bonne leçon.

XAVIER MALBREIL (Ariège, Midi-Pyrénées)

#Auteur multimédia, créateur du site www.0m1.com, modérateur de la liste e-critures

Auteur multimédia, Xavier Malbreil est le créateur du site www.0m1.com et le modérateur de la liste e-critures. Son roman Je ne me souviens pas très bien est une expérience d'écriture mise en ligne en temps réel. Par ailleurs, certains des ouvrages de Xavier Malbreil sont publiés par les éditions www.manuscrit.com: Des corps amoureux dans quelques récits, recueil de quinze nouvelles autour des nouvelles limites du corps amoureux, et Les prisonniers de l'internet, épisode I et II, début d'une saga "jeunesse" sur l'imaginaire lié à l'internet.

*Entretien du 28 mars 2001

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je fais plusieurs métiers de plume comme: traducteur, rédacteur publicitaire, concepteur de sites internet.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Je suis modérateur de la liste e-critures. Webmaster du site www.0m1.com.
Intervenant sur le site www.e-critures.org. Créateur de plusieurs sites.

= Les possibilités offertes par l'hyperlien ont-elles changé votre mode d'écriture?

Oui: j'ai développé une écriture hypertextuelle spécifique sur mon site www.0m1.com dans les rubriques "10 poèmes en 4 dimensions" et "Formes libres flottant sur les ondes".

Non: mon écriture traditionnelle (roman, nouvelles) n'a pas été modifiée par l'hyperlien.

= Comment voyez-vous l'avenir?

J'ai plusieurs projets en cours de développement destinés à l'internet. Concernant l'avenir de l'internet, je le crois illimité. Il ne faut pas confondre les gamelles que se prennent certaines start-up trop gourmandes, ou dont l'objectif était mal défini, et la réalité du net. Mettre des gens éloignés en contact, leur permettre d'intéragir, et que chacun, s'il le désire, devienne son propre fournisseur de contenu, c'est une révolution dont nous n'avons pas encore pris toute la mesure.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Dans mon travail d'écriture traditionnelle, je me sers du papier comme d'une étape intermédiaire. En imprimant ce que j'ai tapé sur l'ordinateur, je visualise mieux (mets à distance) le premier jet, afin de mieux le retravailler. Puis retour sur écran, et re-impression sur papier, autant de fois qu'il le faut.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Il y a beaucoup de choses qui pourront se passer du papier, comme les annuaires, les guides, etc…

Le livre-papier reste encore un objet désirable (oui, il faut mettre en avant ce concept d'avoir du désir pour un livre et toujours se poser la question "depuis combien de temps n'ai-je pas eu du désir pour un livre?"). Par contre, ce qui a été créé pour et par ordinateur ne gagnera rien à être transféré sur papier. Il ne sert à rien d'opposer les deux médias. On élève toujours des chevaux, même si la voiture rend des services plus performants. Feuilleter un livre, c'est une impression physique, dans laquelle la performance n'a rien à voir.

Explorer ludiquement un écran, c'est une joie également.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Pour l'instant, je trouve ça moche, et peu pratique. Nous n'en sommes qu'au début. L'argument selon lequel on pourrait disposer de plusieurs livres simultanément me semble un peu fallacieux. Quand on est un lecteur, on veut lire UN livre et pas trente-six à la fois. Ce livre, on l'a choisi, on le désire. Quand on en veut un autre, on en prend un autre. Il y a le cas des expéditions lointaines. Oui… mais est-ce vraiment un argument? Il ne faut pas se laisser prendre aux arguments des vendeurs de gadgets électroniques.

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

Il y a deux choses.

Le web ne doit pas être un espace de non-droit, et c'est un principe qui doit s'appliquer à tout, et notamment au droit d'auteur. Toute utilisation commerciale d'une oeuvre doit ouvrir droit à rétribution.

Mais également, le web est un lieu de partage. Echanger entre amis des passages d'un texte qui vous a plu, comme on peut recopier des passages d'un livre particulièrement apprécié, pour le faire aimer, cela ne peut faire que du bien aux oeuvres, et aux auteurs. La littérature souffre surtout de ne pas être diffusée. Tout ce qui peut concourir à la faire sortir de son ghetto sera positif.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Une interconnexion de tous, partout. Avec le libre accès à des banques de données, pour insuffler également du contenu dans les échanges interpersonnels.

= Et la société de l'information?

La circulation de l'information en temps réel. La connaissance immédiate. L'oubli immédiat. L'espace saturé d'ondes nous entourant, et nous, corps humains, devenant peu à peu un simple creux laissé par les ondes, une simple interconnexion. Corps humains devenant instants de l'information.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Une rencontre amoureuse. La rencontre de plusieurs communautés d'écrivains.

= Et votre pire souvenir?

Au tout début, ne pas avoir maîtrisé les codes de communication liés à l'internet. M'être laissé entraîner dans des polémiques vaines.

ALAIN MARCHISET (Paris)

#Président du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM)

En France, le SLAM (Syndicat de la librairie ancienne et moderne) est le seul syndicat professionnel des libraires de livres anciens, livres illustrés, autographes et gravures. Créé en 1914, il regroupe aujourd'hui quelque 220 membres.

*Entretien du 7 juillet 2000

= En quoi consiste le site web du SLAM?

L'Association des libraires de livres anciens - le Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM) - avait déjà créé un premier site internet il y a trois ans, mais ce site ne nous appartenait pas et la conception en était un peu statique. Ce nouveau site plus moderne de conception a été ouvert il y a un an.

Il intègre une architecture de type "base de données", et donc un véritable moteur de recherche, qui permet de faire des recherches spécifiques (auteur, titre, éditeur, et bientôt sujet) dans les catalogues en ligne des différents libraires. Le site contient l'annuaire des libraires avec leurs spécialités, des catalogues en ligne de livres anciens avec illustrations, un petit guide du livre ancien avec des conseils et les termes techniques employés par les professionnels, et aussi un service de recherche de livres rares.

De plus l'Association organise chaque année en novembre une foire virtuelle du livre ancien sur le site, et en mai une véritable foire internationale du livre ancien qui a lieu à Paris et dont le catalogue officiel est visible aussi sur le site. Le SLAM est membre de la Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA), qui est une fédération d'associations professionnelles de libraires de 28 pays dans le monde.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Les libraires membres proposent sur le site du SLAM des livres anciens que l'on peut commander directement par courrier électronique et régler par carte de crédit. Les livres sont expédiés dans le monde entier.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Les libraires de livres anciens vendaient déjà par correspondance depuis très longtemps au moyen de catalogues imprimés adressés régulièrement à leurs clients. Ce nouveau moyen de vente n'a donc pas été pour nous vraiment révolutionnaire, étant donné que le principe de la vente par correspondance était déjà maîtrisé par ces libraires. C'est simplement une adaptation dans la forme de présentation des catalogues de vente qui a été ainsi réalisée. Dans l'ensemble la profession envisage assez sereinement ce nouveau moyen de vente.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Ce problème ne nous concerne guère étant donné que nous vendons surtout des livres anciens et donc des textes qui sont dans le domaine public.

= Et en ce qui concerne un internet multilingue?

Notre site internet est déjà bilingue anglais-français. Bien entendu l'anglais semble incontournable, mais nous essayons aussi de maintenir le français autant que possible.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Notre étonnement initial face aux premières ventes réalisées. Nous avions en effet du mal à imaginer des personnes pianotant sur un clavier pour faire leurs achats.

= Et votre pire souvenir?

Tous les messages publicitaires dont nous sommes inondés.

*Entretien du 11 juin 2001

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Après une expérience de près de cinq années sur le net, je pense que la révolution électronique annoncée est moins évidente que prévue, et sans doute plus "virtuelle" que réelle pour le moment. Les nouvelles technologies n'ont pas actuellement révolutionné le commerce du livre ancien. Nous assistons surtout à une série de faillites, de rachats et de concentrations de sociétés de services (principalement américaines) autour du commerce en ligne du livre, chacun essayant d'avoir le monopole, ce qui bien entendu est dangereux à la fois pour les libraires et pour les clients qui risquent à la longue de ne plus avoir de choix concurrentiel possible. Les associations professionnelles de libraires des 29 pays fédérées autour de la Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA) ont décidé de réagir et de se regrouper autour d'un gigantesque moteur de recherche mondial sous l'égide de la LILA, à partir du site www.ilab-lila.com. Cette fédération représente un potentiel de 2.000 libraires indépendants dans le monde, mais offrant des garanties de sécurité et de respect de règles commerciales strictes. Ce nouveau moteur de recherche de la LILA (en anglais ILAB) en pleine expansion est déjà référencé par AddAll.com et Bookfinder.com. Voilà donc pour les nouveautés et les dernières orientations stratégiques qui semblent se dessiner sur la toile…

MARIA-VICTORIA MARINETTI (Annecy)

#Professeur d'espagnol en entreprise et traductrice

Maria Victoria Marinetti, de nationalités mexicaine et française, est docteur en ingénierie. Elle est professeur d'espagnol dans plusieurs entreprises du bassin annécien, et traductrice.

*Entretien du 25 août 1999

= Quel est l'apport de l'internet dans votre activité?

J'ai accès à un nombre important d'informations au niveau mondial, ce qui est très intéressant pour moi. J'ai également la possibilité de transmettre ou de recevoir des fichiers, des lettres, des photos, etc., dans un va-et-vient d'information constant.

L'internet me permet de recevoir ou d'envoyer des traductions générales ou techniques du français vers l'espagnol et vice versa, ainsi que des textes espagnols corrigés. Dans le domaine technique ou chimique, je propose une aide technique, ainsi que des informations sur l'exportation d'équipes de haute technologie vers le Mexique ou d'autres pays d'Amérique latine.

L'internet me donne également la possibilité de faire des opérations commerciales en ligne, même si j'hésite parfois à cause du peu de sécurité offert par ce type de paiement. Les abus sont nombreux, on vend des choses qui n'existent pas - je considère cela comme du vol - c'est la raison pour laquelle les gens ne sont pas très confiants dans ce type de commerce.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Je pense que le droit est maintenant dépassé par la technologie, et qu'il n'y a pas de protection possible au niveau juridique. Il serait souhaitable de créer une véritable législation de l'internet.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Il est très important de pouvoir communiquer en différentes langues. Je dirais même que c'est obligatoire, car l'information donnée sur le net est à destination du monde entier, alors pourquoi ne l'aurions-nous pas dans notre propre langue ou dans la langue que nous souhaitons lire? Information mondiale, mais pas de vaste choix dans les langues, ce serait contradictoire, pas vrai?

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le fait que je puisse communiquer avec ma famille et mes amis partout dans le monde.

= Et votre pire souvenir?

Quelquefois ça ne marche pas, c'est lent, imprécis, l'information est énorme et peu structurée, et en plus c'est très cher (en France, nldr).

*Entretien du 11 août 2001

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Depuis notre premier entretien, j'utilise beaucoup l'internet pour des échanges avec ma famille du Mexique et mes amis d'un peu partout dans le monde, c'est un outil de communication rapide, agréable et fantastique pour moi.

Par contre, dans l'utilisation d'internet comme outil de télétravail, très peu d'entreprises ont le matériel et l'expérience nécessaires pour utiliser les échanges de données dans le travail de tous les jours, notamment pour la voix et l'image (par exemple pour la formation via le net ou pour des conférences à plusieurs via le net).

Pour ma part, je rencontre ce problème car je souhaite faire de la téléformation en langue espagnole, en utilisant la voix et l'image, et mes entreprises clientes ne sont pas habituées à utiliser facilement ces moyens de communication malgré leur caractère pratique (pas de déplacements à faire) et malgré la fiabilité accrue de ces nouveaux moyens de communication par l'internet.

En conclusion, les sociétés de conseil informatique ont encore beaucoup à faire pour familiariser les entreprises à l'utilisation des nouvelles technologies liées aux transferts de données par l'internet.

En ce qui concerne la recherche d'une information précise (technique, juridique ou liée à un domaine particulier), les moteurs de recherche donnent très rarement des réponses pertinentes. D'une manière générale, le problème reste donc qu'il est très difficile d'obtenir une réponse précise à une question précise.

MICHAEL MARTIN (Berkeley, Californie)

#Créateur et président de Travlang, un site consacré aux voyages et aux langues

En 1994, alors qu'il est étudiant en physique, Michael Martin crée une rubrique intitulée Foreign Languages for Travelers sur le site de son université à New York. Cette rubrique s'étoffe rapidement et rencontre un grand succès. L'année suivante, il décide de créer Travlang, devenu depuis un site majeur dans le domaine des voyages et des langues, et nommé meilleur site de voyages en 1997. Michael C. Martin est maintenant chercheur en physique au Lawrence Berkeley National Laboratory (Californie), et il continue d'actualiser son site. Travlang est acquis en février 1999 par GourmetMarket.com, puis racheté en janvier 2000 par iiGroup. En juillet 2000, le site atteint les 2 millions de visiteurs par mois.

Les deux principales rubriques de Travlang sont: a) Foreign Languages for Travelers, qui donne la possibilité d'apprendre 70 langues différentes sur le web, et b) Translating Dictionaries, qui donne accès à des dictionnaires gratuits dans diverses langues (afrikaans, allemand, danois, espagnol, espéranto, finnois, français, frison, hollandais, hongrois, italien, latin, norvégien, portugais, suédois et tchèque). On peut aussi réserver son hôtel, sa voiture ou son billet d'avion, connaître les taux de change, consulter une rubrique de 7.000 liens vers d'autres sites de langues et de voyages, etc.

*Entretien du 25 août 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans votre activité?

Et bien, nous avons fait de Travlang une petite société! L'internet est vraiment un outil important pour communiquer avec des gens avec lesquels vous n'auriez pas l'occasion de dialoguer autrement. J'apprécie vraiment la collaboration générale qui a rendu possibles les pages de Foreign Languages for Travelers.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

Je pense que le web est un endroit idéal pour rapprocher les cultures et les personnes, et ceci inclut le multilinguisme. Notre site Travlang est très populaire pour cette raison, car les gens aiment être en contact avec d'autres parties du monde.

A mon avis, la traduction informatique intégrale va devenir monnaie courante, et elle permettra de communiquer à la base avec davantage de gens. Ceci aidera aussi à amener davantage l'internet au monde non anglophone.

EMMANUEL MENARD (Paris)

#Directeur des publications de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne

Cet entretien expose en détail la procédure éditoriale de CyLibris, en complément de la présentation de CyLibris par Olivier Gainon, son fondateur et gérant.

*Entretien du 19 février 2001

= Pouvez-vous décrire en détail la procédure éditoriale de CyLibris?

Si la démarche de commercialisation et de fabrication de CyLibris tranche nettement avec le modèle couramment appliqué dans l'édition française, notre procédure éditoriale est en revanche beaucoup plus classique. Tout au moins dans ses principes, sinon dans sa mise en oeuvre.

Rappelons tout d'abord que la ligne éditoriale de CyLibris repose sur deux axes forts:

(a) Tout d'abord, la découverte, la publication et la promotion de "jeunes auteurs". La notion de "jeune auteur" ne fait bien sûr pas appel à l'état civil, mais désigne plutôt des écrivains qui font leurs premières armes, soit qu'il s'agisse de premières oeuvres, soit qu'ils n'aient jusqu'alors pas été publiés. Naturellement, ce choix littéraire n'a rien d'exclusif; en effet, un auteur déjà publié chez nous et qui souhaite nous proposer un second texte est le bienvenu (Jean Pailler en littérature générale, Jérôme Touzalin en théâtre, Philippe Ward en fantastique pour ne citer que quelques exemples) de même qu'un auteur "reconnu" et déjà édité par ailleurs qui désire travailler avec nous (à titre d'exemple, à nouveau, on peut citer Philippe Raulet, Eyet-Chékib Djaziri ou Jean Millemann entre autres).

(b) Ensuite, étant affranchi d'un certain nombre de contraintes strictement économico-commerciales du fait de son modèle original, CyLibris s'est donné comme vocation de s'intéresser à des textes atypiques, inclassables, hors normes. C'est ainsi que notre catalogue compte aujourd'hui des exemples:

- de mélange des genres (La Table d'Hadès, policier fantastique, ou La Toile (prix 1999 de la Société des gens de lettres), roman policier et de science-fiction, mais aussi réflexion socio-technologique sur l'internet),

- de textes originaux dans leur forme (Racontez!, suite d'hilarantes fausses rédactions, Bruits de Chute, succession de monologues acides ou drôles ou encore Le Style Mode d'Emploi, sur le modèle des Exercices de Style de Queneau),

- de genres délaissés ou peu répandus (Artahé, exemple de "fantastique à la française" résolument démarqué du modèle américain ou La Zone du Dehors, science-fiction politique et philosophique),

- de textes violents et résolument "anti-commerciaux" (comme Journal de l'Apocalypse, récemment racheté et republié par les éditions Baleine, ou Nux Vomica).

On verra par la suite l'impact de cette politique éditoriale sur le fonctionnement pratique de CyLibris.

Le trajet d'un manuscrit envoyé chez CyLibris est le suivant:

(a) La première lecture est assurée par notre comité de lecture, regroupant une quinzaine de lecteurs aux goûts aussi variés que possible. Cette première lecture, éventuellement suivie d'une seconde en cas d'hésitation du lecteur, donne lieu soit à un refus (signifié par lettre et systématiquement argumenté), soit à un premier accord à valider par le directeur des publications. Il nous faut signaler ici les critères d'évaluation du comité de lecture, car elles tranchent ouvertement avec ceux qui sont appliqués dans certaines autres structures. Dès la création de CyLibris, nous avons affiché notre volonté d'être en phase avec l'attente du lectorat, et cela a eu deux conséquences notables: tout d'abord, notre comité de lecture est constitué de lecteurs non professionnels et n'appartenant pas au monde de l' édition, tant nous semblait patent le hiatus entre l'offre des éditeurs et l'attente du public; ensuite, la "règle du jeu" instituée a été de valider ou non le manuscrit en fonction du plaisir pris à sa lecture, sans s'embarrasser des paramètres plus ou moins ésotériques du monde de l'édition, d'ailleurs entourés d'un épais mystère qui ne peuvent que susciter interrogations voire suspicion. Il est à signaler que compte tenu de notre intérêt pour les premières oeuvres, un manuscrit imparfait mais qui nous semble receler un potentiel est généralement accepté, dans l'optique d'un retravail dont il sera question plus loin. Le taux d'acceptation de CyLibris à ce stade oscille entre 2 et 5% selon les périodes, pour une moyenne de moins de 1% dans l'édition.

(b) Le manuscrit ayant passé cette première étape est ensuite validé par le directeur des publications en fonction de sa cohérence avec la ligne éditoriale de CyLibris, et de la somme de retravail nécessaire.

(c) Une fois cette validation obtenue, l'auteur est contacté pour la contractualisation de sa publication. Le contrat d'édition proposé est conforme aux usages de la profession, avec des droits d'auteurs de 10% du prix de vente HT de l'ouvrage. Toutefois, compte tenu du procédé de fabrication de nos livres, le contrat est exempt des conditions habituelles de retirage, qui sont remplacées par une durée fixée de propriété des droits intellectuels.

(d) C'est ensuite que commence la partie la plus intéressante sans doute du processus, à savoir la collaboration avec l'auteur pour retravailler le manuscrit et l'amener à un niveau de qualité conforme aux attentes des deux parties. Cette étape est bien sûr d'une durée variable, entre des oeuvres qui ont été publiées quasiment en l'état, et d'autres dont la maturation a duré jusqu'à un an et demi (notre liberté vis-à-vis du système des offices de mise en place fait qu'il ne s'agit pas d'un problème notable), ce qui aboutit à des délais de publication différents d'un ouvrage à l'autre. Ce retravail, susceptible de porter sur le fond ou la forme, est mené par l' auteur avec un directeur de collection (pour le policier / suspense, le théâtre, le fantastique et la science-fiction) ou un directeur de publication (dans le cas de la "littérature générale").

(e) Lorsque le texte définitif a été obtenu, il reste à réunir et constituer les outils de présentation et de promotion de l'oeuvre:

- résumé (pour le site internet et pour la quatrième de couverture),

- première de couverture,

- argumentaire à destination des points de commercialisation,

- argumentaire figurant sur le site à destination des internautes,

- extraits (trois au total) représentatifs de l'oeuvre, en libre disposition sur le site.

Cette étape est menée conjointement par l'auteur et l'équipe éditoriale.

(f) La promotion se fait de façon classique (par la presse spécialisée et les supports adaptés à l'oeuvre (exemple des romans historiques ou de la littérature de genre) mais aussi à travers l'internet (listes de discussion, sites partenaires). Ce point fait d'ailleurs l'objet, avec la constitution et l'extension d'un réseau de distribution plus vaste, des projets de développements majeurs de CyLibris en 2001.

YOSHI MIKAMI (Fujisawa, Japon)

#Créateur de The Languages of the World by Computers and the Internet et co-auteur de Pour un web multilingue

Créé en décembre 1995 par Yoshi Mikami, le site "The Languages of the World by Computers and the Internet", communément appelé "Logos Home Page" ou "Kotoba Home Page", donne, pour chaque langue, un bref historique, les caractéristiques, le système d'écriture, le jeu de caractères et la configuration du clavier pour l'utilisation de l'ordinateur et de l'internet dans la langue donnée.

Yoshi est également co-auteur (avec Kenji Sekine et Nobutoshi Kohara) de Pour un web multilingue, paru en japonais, anglais, allemand et français (Paris, Editions O'Reilly, septembre 1998, ISBN 2-84177-055-9).

*Entretien du 17 décembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quelle est votre expérience dans le domaine des langues?

Ma langue maternelle est le japonais. Comme j'ai suivi mes études de troisième cycle aux Etats-Unis et que j'ai travaillé dans l'informatique, je suis devenu bilingue japonais/anglais américain. J'ai toujours été intéressé par différentes langues et cultures, aussi j'ai appris le russe, le français et le chinois dans la foulée. A la fin de 1995, j'ai créé sur le web le site "The Languages of the World by Computers and the Internet" et j'ai tenté de donner - en anglais et en japonais - un bref historique de toutes ces langues, ainsi que les caractéristiques propres à chaque langue et à sa phonétique. Suite à l'expérience acquise, j'ai invité mes deux associés à écrire un livre sur la conception, la création et la présentation de pages web multilingues, livre qui fut publié en août 1997 sous le titre : The Multilingual Web Guide (édition japonaise, et traduit ensuite en allemand, anglais et français, ndlr), le premier livre au monde sur un tel sujet.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Il y a des milliers d'années de cela, en Egypte, en Chine et ailleurs, les gens étaient plus sensibles au fait de communiquer leurs lois et leurs réflexions non seulement dans une langue mais dans plusieurs. Dans notre monde moderne, chaque état a adopté plus ou moins une seule langue de communication. A mon avis, l'internet verra l'utilisation plus grande de langues différentes et de pages multilingues (et pas seulement une gravitation autour de l'anglais américain) et un usage plus créatif de la traduction informatique multilingue. 99% des sites web créés au Japon sont en japonais!

JACKY MINIER (Orléans)

#Créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires

"Conçu dès 1997, le site Diamedit (Delta Industries Arts Media) vit le jour l'année suivante, quand son grand frère - le portail historique Royalement Vôtre - fut vraiment lancé, explique Jacky Minier, son créateur. "Le présent a maintenant rattrapé l'histoire, et le nombre sans cesse croissant de nouveaux écrivains sur le web m'a amené à promouvoir beaucoup plus cette année l'édition littéraire. Consacré uniquement aux inédits artistiques et littéraires, Diamedit prend aujourd'hui toute sa dimension. La qualité des auteurs sévèrement sélectionnés pour leur indiscutable talent et leur originalité, la sobriété des écrans, les corrections effectuées, la présentation professionnelle, tout est tourné vers la mise en valeur des textes proposés. Cela apporte à ce site une empreinte de sérieux rarement trouvée ailleurs."

Outre Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires, Jacky Minier gère Royalement Vôtre, site de promotion des patrimoines historiques régionaux, et Beau Céans, une initiative d'internautes pour une vie nouvelle.

*Entretien du 10 octobre 2000

= Pouvez-vous décrire Diamedit?

J'ai imaginé ce site d'édition virtuelle il y a maintenant plusieurs années, à l'aube de l'ère internautique francophone. A l'époque, il n'y avait aucun site de ce genre sur la toile à l'exception du site québécois Editel de Pierre François Gagnon. J'avais alors écrit un roman et quelques nouvelles que j'aurais aimé publier mais, le système français d'édition classique papier étant ce qu'il est, frileux et à la remorque de l'Audimat, il est devenu de plus en plus difficile de faire connaître son travail lorsqu'on n'est pas déjà connu médiatiquement. J'ai donc imaginé d'utiliser le web pour faire la promotion d'auteurs inconnus qui, comme moi, avaient envie d'être lus. Diamedit est fait pour les inédits. Rien que des inédits. Pour encourager avant tout la création.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je suis, comme beaucoup de pionniers du net sans doute, autodidacte et multiforme. A la fois informaticien, écrivain, auteur de contenus, webmestre, graphiste au besoin, lecteur, correcteur pour les tapuscrits des autres, et commercial, tout à la fois.

Mon activité est donc un mélange de ces diverses facettes. Toutefois, de plus en plus, je suis amené à me consacrer davantage à la promotion de mes sites que j'avais jusque-là tendance à négliger un peu, et j'envisage de déléguer largement la sélection des tapuscrits aux auteurs eux-mêmes, qui coopteraient ainsi entre eux les nouveaux venus. De cette manière, le cercle grandissant de passionnés de l'écriture devrait maintenir de lui-même un niveau de qualité suffisant pour conserver ou amplifier l'attrait que Diamedit exerce sur ses lecteurs.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Souriant. Je le vois très souriant. Je crois que le plus dur est fait et que le savoir-faire cumulé depuis les années de débroussaillage verra bientôt la valorisation de ces efforts. Le nombre des branchés francophones augmente très vite maintenant et, même si en France on a encore beaucoup de retard sur les Amériques, on a aussi quelques atouts spécifiques. En matière de créativité notamment. C'est pile poil le créneau de Diamedit. De plus, je me sens moins seul maintenant qu'il y a seulement deux ans. Des confrères sérieux ont fait leur apparition dans le domaine de la publication d'inédits. Tant mieux! Plus on sera et plus l'expression artistique et créatrice prendra son envol. En la matière, la concurrence n'est à craindre que si on ne maintient pas le niveau d'excellence. Il ne faut pas publier n'importe quoi si on veut que les visiteurs comme les auteurs s'y retrouvent.

= Utilisez-vous encore des documents papier?

Oui, j'en utilise quand même, bien sûr. La lecture directe à l'écran est encore assez vite fatigante pour de nombreuses paires d'yeux, même avec l'amélioration des capacités d'affichage des moniteurs et les lissages de polices d'écran. Et puis, pour un roman par exemple, rien n'en vaut la lecture dans un bon fauteuil au coin de sa cheminée…

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Le livre papier a encore de beaux jours devant lui. Mais l'accès par le net à toutes ces offres inédites est une nouvelle richesse, inimaginable il y a quelques années, tant pour les lecteurs que pour les auteurs. Ça permet de sélectionner beaucoup plus tranquillement que dans une librairie (à condition que l'oeuvre y soit éditée) et surtout d'accéder à des ouvrages qui n'auraient jamais été publiés autrement. Selon moi, le papier n'est pas l'ennemi du net en matière de littérature. Il en est le prolongement et l'aboutissement. En fait, le net peut être considéré comme un formidable moyen de promotion et de relance de la lecture, par les découvertes qu'il permet de faire. Mais c'est maintenant l'internaute lui-même qui décide de ce qu'il veut lire. Il choisit, il imprime, et il lit tranquillement dans son fauteuil au coin de sa cheminée…

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

L'e-book est sans aucun doute un support extraordinaire. Il aura son rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques, mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il le complétera. A mon sens, il menace beaucoup plus la presse que la librairie. Ce sera certainement un outil de substitution formidable pour les scolaires, étudiants, etc., qui auront beaucoup moins lourd à transporter dans leurs sacs que les tonnes de manuels actuels. Mais quant au plaisir de lire dessus des ouvrages de nature littéraire, poésies, romans, récits, SF, BD, etc., je n'y crois pas dans l'immédiat. Il faudra encore attendre quelques améliorations techniques au plan de l'ergonomie et surtout des changements de comportements humains. Et ça, c'est l'affaire d'au moins une à deux générations. Voyez la monnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avec sa carte de crédit et on a toujours besoin d'un peu de monnaie dans sa poche, en plus de sa carte Visa. L'achat d'un livre n'est pas un acte purement intellectuel, c'est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais un e-book. Naturellement, l'édition classique devra en tenir compte sur le plan marketing pour se différencier davantage, mais je crois que l'utilisation des deux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n'a pas tué le courrier, la radio n'a pas tué la presse, la télévision n'a pas tué la radio ni le cinéma… Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois à une adaptation et à un regain de créativité. Et c'est tant mieux!

= Quelles sont vos suggestions pour un meilleur respect du droit d'auteur sur le web?

Le problème est simple. La solution l'est aussi. Avant l'invention du net, les contrats d'édition ne tenaient pas compte de ce nouveau support, et pour cause. Cette nouvelle interface fait craindre aux éditeurs la perte de sources de profits par les risques de copies pirates. Mais quel est ce risque? Est-il réel? Ce n'est pas un risque de "manque à gagner", c'est une opportunité de promotion. La plupart des gens qui accèdent à une oeuvre de manière illégale sont des lecteurs ou auditeurs qui n'auraient sans doute jamais acheté l'oeuvre en question, parfois même n'en auraient jamais entendu parler! Le simple fait qu'ils aient l'opportunité de la lire (ou de l'écouter en MP3) - et de la faire lire ou écouter à leurs amis - constitue de la promotion gratuite, du bouche à oreille qui participe de la découverte et de la promotion des artistes. Les grandes maisons de logiciels le savent bien, qui distribuent leurs programmes entiers, gratuitement pour une période limitée. Ceux qui peuvent les acheter les achètent, ceux qui ne peuvent pas les utilisent quand même et leur font de la publicité quand le produit est bon. (Quand le produit n'est pas bon, ils ne l'auraient pas acheté de toute manière!) Alors, où est le problème? Le seul problème réside dans les prix prohibitifs pratiqués par les sociétés d'édition, dans les marges commerciales de produits qui n'ont plus rien à voir avec la création artistique ou les droits d'auteurs, mais relèvent de marketing, de parts de marché, de ratios comptables et de marges de profits. Certains artistes l'ont d'ailleurs parfaitement compris qui mettent leurs oeuvres directement sur le net.

En matière d'édition numérique, il suffit de créer des droits spécifiques, distincts des droits relatifs aux éditions ordinaires sur support papier. Le tatouage des oeuvres lors de l'impression personnelle est un excellent moyen de limiter la diffusion d'impressions excessives. En même temps, permettre cette impression pour utilisation personnelle est aussi un excellent moyen de promotion de l'auteur et de son oeuvre. Même si c'est un exemplaire gratuit. Et quand cet auteur (ou artiste) deviendra très connu, les mêmes éditeurs papier qui le boudent se jetteront dessus pour le publier alors qu'ils auraient à peine lu son manuscrit auparavant!

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure répartition des langues sur le web?

Je ne sais pas pour les autres langues mais, pour le français, il est certain que quand nous aurons atteint la proportion américaine de foyers connectés (50%), nous pourrons espérer une plus grande représentativité sur le web. Pour l'instant, heureusement qu'il y a les Québécois et les Belges pour maintenir la présence de la langue française. C'est tout de même un comble.

Si je devais donner un conseil (mais conseiller qui, quel organisme?), je suggérerais de porter davantage d'attention à la qualité des contenus. La France a de tous temps été un pays de culture et d'invention, d'imagination. Même dans les secteurs où nous n'avons pas été pionniers comme en informatique, nous avons de belles réussites. Soyons aussi performants dans l'expression de la culture, dans la mise en valeur de notre patrimoine, historique, scientifique, littéraire, etc.

Si nous pouvons mettre en ligne les multiples facettes de la richesse culturelle qui a fait notre civilisation, nul doute que le tourisme internautique vers les contenus français serait amplifié et la présence française plus opérante. C'est une des voies dans laquelle j'essaie, avec Royalement Vôtre, de créer une attraction.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Il faut distinguer malvoyants et aveugles. Pour les malvoyants jusqu'à un certain degré, il est assez simple de prévoir des moyens de grossissement des caractères et des illustrations. Pour les aveugles, c'est une toute autre affaire. Il faut envisager des fichiers vocaux qui permettront à ces derniers d'accéder aux contenus des pages enregistrés oralement. Un simple avertissement sonore à l'entrée du site demanderait au handicapé visuel de frapper une touche et de lancer ainsi le "son" de la page. C'est une chose très facile à réaliser avec la technologie RealAudio ou autre.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

C'est un espace de liberté pour l'imaginaire, une dimension inexplorée de la planète, une jungle et un paradis tout à la fois, où tout est possible même si tout n'est pas permis par l'éthique, où le contenu du portefeuille des intervenants n'a aucun rapport direct avec la valeur des contenus des sites. C'est avant tout une vaste agora, une place publique où l'on s'informe et où l'on informe.

Ça peut être également une place de foires et marchés, mais l'argent n'y a cours que très accessoirement, même si la possibilité de vendre en ligne est réelle et ne doit pas être négligée ni méprisée. Il n'y est pas la seule valeur de référence, contrairement au monde réel et, même dans les cas très médiatiques de start-up multimillionnaires, le rapport à l'argent n'est qu'une conséquence, la matérialisation d'espérances financières, très vite sanctionnée en cas d'ambitions excessives comme on le voit régulièrement sur le site Vakooler: Ki Vakooler aujourd'hui? (Qui va couler aujourd'hui?), après les envolées lyriques et délirantes des premiers temps.

A terme, je pense que le cyberespace restera un lieu beaucoup plus convivial que la société réelle.

= Et la société de l'information?

La société de l'information amène un recadrage des hiérarchies dans les rapports qui s'établissent entre les gens, de manière beaucoup plus naturelle, à partir des discussions en forums notamment. Dans la vie réelle, on est souvent influencé, voire impressionné, par les titres ou la largeur du bureau d'un interlocuteur "installé" dans le système. Sur le net, seuls comptent le sens contenu dans le propos et la manière de l'exprimer. On distingue très vite les véritables intelligences raffinées des clowns ou autres mythomanes. Une forme de pédagogie conviviale, non intentionnelle et surtout non magistrale, s'en dégage généralement qui profite au visiteur lambda, lequel parfois apporte aussi sa propre expérience. Tout ça laisse augurer d'une créativité multiforme, dans un bouillonnement commun à des milliers de cerveaux reliés fonctionnant à la manière d'une fourmilière. C'est non seulement un véritable moyen d'échange du savoir, mais de surcroît un moyen de l'augmenter en quantité, de l'approfondir, de l'intégrer entre différentes disciplines. Le net va rendre les gens plus intelligents en favorisant leur plus grande convivialité, en cassant les départements et domaines réservés de certains mandarins. Mais il est clair qu'il faudra aussi faire attention aux dérives que cette liberté implique.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

L'écriture d'une pièce de théâtre "carabinée" (genre chansons de carabins ;c)) en 1.300 alexandrins, avec un ami rencontré sur le net sans jamais l'avoir rencontré de visu. En symbiose complète avec un parfait inconnu, et une grande jubilation éprouvée à cette écriture à quatre mains.

= Et votre pire souvenir?

Les consommations téléphoniques des débuts, avant que je ne sois câblé, ou quelques engueulades sur certains forums avec des paranos.

JEAN-PHILIPPE MOUTON (Paris)

#Fondateur et gérant de la société d'ingénierie Isayas

Fondateur et gérant de la société d'ingénierie Isayas, Jean-Philippe Mouton, 27 ans, a reçu son diplôme d'ingénieur en hautes études industrielles (HEI) en 1997.

*Entretien du 25 janvier 2001

= Pouvez-vous décrire l'activité d'Isayas?

Isayas étend son activité selon trois pôles:

1/ Gestion de deux sites portails:

Monbebe.net, "un site pour apprendre à être parents", qui est un site francophone à vocation communautaire, né en 1998. Il propose aux jeunes parents un partage d'expérience, par l'intermédiare de listes de discussion, de listes de diffusion… Les articles et photos présents sur le site sont envoyés par les internautes, qui sont principalement français et canadiens.

Theozik.com, "le site mondial des méthodes musicales", qui propose aux internautes musiciens d'apprendre la musique online. Le site, en cours d'élaboration, met en ligne des partitions associées à des extraits sonores pour la basse, la guitare et la batterie. Les exercices sont organisés par niveaux et par styles. Différents services complètent le site : annuaires, petites annonces, liste de diffusion, forum de discussion…

2/ Conseil & Conception & Réalisation de systèmes d'information:

Etudes techniques et intégration de systèmes d'information client/serveur, web, mobiles.

3/ Accompagnement des entreprises dans leurs démarches internet:

- Formalisation des besoins de nos clients,

- Formation de nos clients à nos interfaces de gestion éditoriales de sites internet,

- Procédures de réferencement internet, déclarations administratives (CNIL -
Commission nationale de l'informatique et des libertés, etc.),

- Mise en place de partenariats avec des régies publicitaires (Adistar,
Adonsale…).

= Pouvez-vous décrire le site web de votre société?

Le site de la société est un site web vitrine, relativement simple. Ce site a pour vocation de présenter la société d'ingénierie, de mentionner quelques-unes de ses réalisations, de proposer des stages…. Une version plus évoluée (Flash 5) devrait voir le jour d'ici quelques mois.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je suis gérant de la société et consultant technique. Mon activité se décompose donc:

- en une partie commerciale et relationnelle, pour que notre jeune société soit reconnue et pour que nous puissions par là developper notre production,

- en une partie opérationelle, lors de mon intervention sur des projets techniques.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Mon activité internet est une activité technique de mise en place de systèmes, très souvent interfacés avec des bases de données.

Il m'est par ailleurs nécessaire d'effectuer une veille internet: la connaissance des produits et des pratiques liés à l'internet sont indispensables dans le cadre de mon activité. Je travaille pour cela avec des régies publicitaires, des sociétés qui possèdent une offre complémentaire à la nôtre (hébergement, progiciels internet, graphisme et animation, paiement sécurisé…).

= Comment voyez-vous l'avenir?

Je pense que le développement et la maintenance de systèmes informatiques internet est une activité qui vient dans la continuité des systèmes MVS (multiple virtual storage) et client/serveur. De nouvelles sociétés sont créées pour répondre aux besoins informatiques récents des entreprises, alors que l'activité dans le domaine des vieux systèmes ralentit.

La récession du net touche aujourd'hui en priorité les entreprises nouvelles de business online. Internet n'a pas pour vocation véritable de créer de nouveaux commerces, c'est un moyen de communication, un nouvel outil marketing, la possibilité pour les entreprises d'avoir des franchises à moindre coût, une information accessible par l'ensemble de ses interlocuteurs… Je suis de ceux qui croient que les sociétés d'ingénierie risquent d'être moins touchées par le phénomène "start down" que d'autres dans ce domaine.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

C'est une très bonne chose, mais cet outil présente aujourd'hui deux inconvénients:

- tout d'abord, rien ne remplacera le marque-page, ni l'odeur des bouquins qui sont lus sur la plage dans le sable par toute la famille durant l'été… En bref, l'e-book ne peut remplacer le rapport charnel du lecteur et de son livre;

- de plus, cet instrument est réservé à une classe de personnes qui peuvent financièrement s'en permettre l'acquisition.

L'UMTS (universal mobile telecommunications system) promis devrait permettre un accès mobile en temps réel à l'information, et c'est pour cette raison que ce type de système va probablement fusionner avec les autres systèmes mobiles (téléphonie, Palm…) pour se vulgariser. Il est donc clair qu'il faut se pencher sur le sujet.

*Entretien du 4 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

L'activité d'Isayas est croissante et les deux pôles (éditeurs + technique) fonctionnent simultanément de manière correcte:

- Theozik.com est alimenté en méthodes musicales de facon progressive. Nous espérons arriver au cap des 800 méthodes pour septembre 2001… Gros challenge.

- Monbebe.net a intégré Karine comme responsable éditoriale.

Les projets de l'agence web sont principalement de nature technique pour une harmonisation des données des entreprises. Nous effectuons des prestations de conseil et de réalisation techniques mettant en oeuvre des bases de données, des systèmes de listes de diffusion/discussion, de l'interfaçage internet/systèmes informatiques des entreprises, du e-learning, du multilinguisme, etc.

Tous les sites internet conçus par nos soins possèdent des interfaces de mise à jour des données destinées aux clients qui n'ont comme connaissances informatiques que celle de la navigation web.

Nous sommes en permanence à la recherche de nouveaux projets:

- dans ce qu'on appelle la "maîtrise d'ouvrage" de systèmes d'information, pour accompagner les entreprises dans leurs démarches informatiques (projets de conseil),

- dans ce qu'on appelle la "maîtrise d'oeuvre", pour réaliser des modules techniques qui s'intègrent dans un processus d'informatisation et de communication.

Actuellement, Isayas n'a pas véritablement réalisé de projet mettant en oeuvre le e-book, et reste encore dans des domaines moins "exotiques" qui sont plus proches des systèmes d'information classiques.

JOHN MARK OCKERBLOOM (Pennsylvanie)

#Fondateur de The On-Line Books Page, répertoire de livres en ligne disponibles gratuitement

The On-Line Books Page répertorie plus de 12.000 textes électroniques d'oeuvres anglophones. John Mark Ockerbloom a débuté ce répertoire en 1993 - en même temps qu'il créait le site web du département d'informatique de l'Université Carnegie Mellon (CMU, Pittsburgh, Pennsylvanie). Il a obtenu son doctorat en informatique dans la même université en 1998. Durant l'été 1999, il rejoint l'Université de Pennsylvanie, où il travaille à la R&D (recherche et développement) de la bibliothèque numérique, au sein du département des bibliothèques et de l'informatique. A la même date, The On-Line Books Page est transférée dans cette bibliothèque numérique.

*Entretien du 2 septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'historique de votre site web?

J'étais webmestre ici pour la section informatique du CMU (Carnegie Mellon University), et j'ai débuté notre site local en 1993. Il comprenait des pages avec des liens vers des ressources disponibles localement, et à l'origine "The On-Line Books Page" était une de ces pages, avec des liens vers des livres mis en ligne par des collègues de notre département (par exemple Robert Stockton, qui a fait des versions web de certains textes du Project Gutenberg).

Ensuite les gens ont commencé à demander des liens vers des livres disponibles sur d'autres sites. J'ai remarqué que de nombreux sites (et pas seulement le Project Gutenberg ou Wiretap) proposaient des livres en ligne, et qu'il serait utile d'en avoir une liste complète qui permette de télécharger ou de lire des livres où qu'ils soient sur l'internet. C'est ainsi que mon index a débuté. J'ai quitté mes fonctions de webmestre en 1996, mais j'ai gardé "The On-Line Books Page", parce que, entre temps, je m'étais passionné pour l'énorme potentiel qu'a l'internet de rendre la littérature accessible au plus grand nombre. Maintenant il y a tant de livres mis en ligne que j'ai du mal à rester à jour (en fait j'ai beaucoup de retard). Mais je pense pourtant continuer cette activité d'une manière ou d'une autre.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Je suis très intéressé par le développement de l'internet en tant que médium de communication de masse dans les prochaines années. J'aimerais aussi rester impliqué d'une manière ou d'une autre dans la mise à disposition gratuite pour tous de livres sur l'internet, que ceci fasse partie intégrante de mon activité professionnelle ou que ceci soit une activité bénévole menée sur mon temps libre.

*Entretien du 5 août 1999 (entretien original en anglais)

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Tout dépend de ce que recouvre ce terme "débats". A mon avis, il est important que les internautes comprennent que le copyright est un contrat social conçu pour le bien public - incluant à la fois les auteurs et les lecteurs.

Ceci signifie que les auteurs devraient avoir le droit d'utiliser de manière exclusive et pour un temps limité les oeuvres qu'ils ont créées, comme ceci est spécifié dans la loi actuelle sur le copyright. Mais ceci signifie également que leurs lecteurs ont le droit de copier et de réutiliser ce travail autant qu'ils le veulent à l'expiration de ce copyright. Aux Etats-Unis, on voit maintenant diverses tentatives visant à retirer ces droits aux lecteurs, en limitant les règles relatives à l'utilisation de ces oeuvres, en prolongeant la durée du copyright (y compris avec certaines propositions visant à le rendre permanent) et en étendant la propriété intellectuelle à des travaux distincts des oeuvres de création (comme on en trouve dans les propositions de copyright pour les bases de données). Il existe même des propositions visant à entièrement remplacer la loi sur le copyright par une loi instituant un contrat beaucoup plus lourd. Je trouve beaucoup plus difficile de soutenir la requête de Jack Valenti, directeur de la MPAA (Motion Picture Association of America), qui demande d'arrêter de copier les films sous copyright, quand je sais que, si ceci était accepté, aucun film n'entrerait jamais dans le domaine public (Mary Bono a fait mention des vues de Jack Valenti au Congrès l'année dernière).

Si on voit les sociétés de médias tenter de bloquer tout ce qu'elles peuvent, je ne trouve pas surprenant que certains usagers réagissent en mettant en ligne tout ce qu'ils peuvent. Malheureusement, cette attitude est à son tour contraire aux droits légitimes des auteurs.

Comment résoudre cela pratiquement? Ceux qui ont des enjeux dans ce débat doivent faire face à la réalité, et reconnaître que les producteurs d'oeuvres et leurs usagers ont tous deux des intérêts légitimes dans l'utilisation de celles-ci. Si la propriété intellectuelle était négociée au moyen d'un équilibre des principes plutôt que par le jeu du pouvoir et de l'argent que nous voyons souvent, il serait peut-être possible d'arriver à un compromis raisonnable.

CAOIMHIN O DONNAILE (Ile de Skye, Ecosse)

#Webmestre du principal site d'information en gaélique écossais, avec une section sur les langues européennes minoritaires

Caoimhín P. Ó Donnaíle est responsable du site de l'Université Sabhal Mór Ostaig (située sur l'île de Skye, en Ecosse), qui se trouve également être le principal site d'information en gaélique écossais. Sur ce site, il tient à jour en anglais et en gaélique European Minority Languages, une liste de langues minoritaires - ou rendues minoritaires - classée par ordre alphabétique et par famille linguistique.

*Entretien du 18 août 1998 (entretien original en anglais)

= Comment voyez-vous l'évolution vers un web multilingue?

Je vois quatre points importants:

- L'internet a contribué et contribuera au développement fulgurant de l'anglais comme langue mondiale.

- L'internet peut grandement aider les langues minoritaires. Ceci ne se fera pas tout seul, mais seulement si les gens choisissent de défendre une langue.

- Le web est très utile pour dispenser des cours de langues, et la demande est importante.

- La norme Unicode (ISO 10646) pour les jeux de caractères est très importante et elle va grandement favoriser le multilinguisme sur le web.

*Entretien du 15 janvier 2000 (entretien original en anglais)

= Quelle est votre activité professionnelle?

J'enseigne l'informatique - en langue gaélique - dans une université située sur l'île de Skye en Ecosse. Je gère le site web de l'établissement qui, à l'échelle internationale, est le principal site d'information sur le gaélique écossais.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Je n'ai pas suivi ces débats, mais je pense que la durée du copyright est beaucoup trop longue. A part cela, je pense que le copyright devrait être respecté en général.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Le développement de l'internet amène le danger de la suprématie de l'anglais. Toutefois, si les gens ont la ferme volonté d'accorder une place à d'autres langues, l'internet permettra de les aider dans cette démarche.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Avoir trouvé des informations utiles dans le cadre de ma vie privée.

= Et votre pire souvenir?

Je n'ai pas de souvenir qui soit vraiment mauvais. Juste le courant: le courrier non sollicité (spam) ou les piratages informatiques.

*Entretien du 31 mai 2001 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Il y a eu une forte augmentation de l'utilisation des technologies de l'information dans notre université: beaucoup plus d'ordinateurs, davantage de personnel spécialisé en informatique, des écrans plats. Les étudiants font tout sur ordinateur, ils utilisent un correcteur d'orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. Notre site web est beaucoup plus visité. On utilise davantage l'audio. Il est maintenant possible d'écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) en continu sur l'internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrement importante a été la traduction en gaélique du logiciel de navigation Opera. C'est la première fois qu'un logiciel de cette taille est disponible en gaélique.

= Avez-vous quelque chose à ajouter à vos réponses des années passées?

J'aimerais insister sur le fait que, en ce qui concerne l'avenir des langues menacées, l'internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucient pas de préserver les langues, l'internet et la mondialisation qui l'accompagne accéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens se soucient vraiment de les préserver, l'internet constituera une aide irremplaçable.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Oui, mais beaucoup moins que l'information transmise par voie électronique. J'envoie environ 2.000 courriers électroniques par an, contre 100 lettres imprimées, 500 appels téléphoniques et 15 fax. Le papier sera encore utilisé pendant longtemps, mais son pourcentage par rapport à l'information électronique continuera de baisser.

= Quel est votre sentiment sur le livre électronique?

Je ne sais pas très bien en quoi il consiste. C'est le web qui me paraît la chose vraiment importante.

JACQUES PATAILLOT (Paris)

#Conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young

*Entretien du 26 janvier 2000

= En quoi consiste le site web de votre société?

Le site Ernst & Young France a été créé en 1998. Dans un premier temps, il s'agissait simplement d'un site de communication sur notre société et nos activités. Depuis, ce site s'est naturellement enrichi et développé. (Depuis cet entretien, la société a fusionné avec Cap Gemini pour devenir CGEY (Cap Gemini Ernst & Young), ndlr.)

= Quels sont les changements apportés par l'internet dans votre vie professionnelle?

Internet a changé (et change) notre vie professionnelle sous deux aspects:

- accès aux données pour nos consultants, sur les clients, les clients potentiels, etc. Ce sont les aspects communication / information.

- Internet a généré de nouveaux besoins dans les entreprises et, en conséquence, les sociétés de conseil en management ont développé (et développent) des solutions de commerce électronique pour répondre à ces préoccupations. C'est donc un tout nouveau panel d'activités qui est offert aux sociétés de conseil. Cela changera profondément le monde du consulting, et des investissements importants sont en cours pour le développement de ces solutions e-quelque chose.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Ma vie de consultant sera, à court terme, également influencée par le développement de services en lignes à travers internet. Pour certaines activités de conseil, des réponses directes peuvent être apportées aux clients réels et potentiels par des spécialistes d'un sujet donné, à travers le web. On évolue vers le conseil en ligne.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

A partir du moment où internet, par conception, est un "monde ouvert", le problème des droits d'auteurs est complexe. A mon sens, il y a peu de solutions à ce problème.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Peu de chances, à mon avis, de voir un internet multilingue. Malheureusement le poids de l'anglais est trop fort, et la duplication des textes/informations n'est pas réaliste.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

C'est quand je trouve rapidement l'info que je cherche.

= Et votre pire souvenir?

C'est à l'inverse lorsque je n'en sors pas!

*Entretien du 13 novembre 2000

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Nous avons fusionné avec Cap Gemini pour devenir CGEY (Cap Gemini Ernst & Young). De 800 consultants en France, nous sommes passés à 12.000, et 67.000 dans le monde. La mise en place de la nouvelle organisation m'a beaucoup occupé, en plus de mon activité habituelle.

= Utilisez-vous encore des documents papier?

Non. Pratiquement rien en interne pour la gestion, tout est fait à travers l'internet et/ou Lotus notes. Liaison internet également avec les clients pour les offres commerciales, les documents de projets, les mémos… Seuls les contrats restent sur papier. Je reçois peu de courrier extérieur sur papier (qui est d'ailleurs le signe d'un contenu probablement peu intéressant!). Je lis la presse à travers les bases de données. Bien sûr, les journaux au petit déjeuner restent nécessaires! Quant aux livres, c'est vrai, je les utilise toujours.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Dans ce contexte, dans mon métier de consulting, les jours du papier sont comptés. Par contre, dans ma vie personnelle, si j'utilise le courrier électronique pour la correspondance, les livres ne sont pas détrônés, ou en tout cas ils sont moins affectés.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je n'ai pas d'expérience e-book. Le plaisir de la lecture commence, pour moi, par une visite et une discussion avec le libraire spécialisé. Il se poursuit par la possession et la conservation du livre.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Comme l'"économie connectée" (de l'anglais "connected economy") où tous les agents sont reliés électroniquement pour les échanges d'information.

= Et la société de l'information?

C'est un vieux concept, dont on parlait déjà en 1975! Seules les technologies ont changé.

NICOLAS PEWNY (Annecy)

#Créateur des éditions du Choucas

"Vous aimez les livres? l'art? la photo? la littérature? les polars? Vous êtes au bon endroit. Bienvenue!" (extrait du site web) Les éditions du Choucas ont malheureusement cessé leur activité en mars 2001. Une disparition de plus à déplorer chez les petits éditeurs indépendants. Fort de son expérience dans le domaine de la librairie, de l'édition, de l'internet et du numérique, Nicolas Pewny met maintenant ses compétences au service d'autres organismes.

*Entretien du 8 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

Le site des éditions du Choucas (fondées en 1992, ndlr) a été créé fin novembre 1996. Lorsque je me suis rendu compte des possibilités que l'internet pouvait nous offrir, je me suis juré que nous aurions un site le plus vite possible. Un petit problème: nous n'avions pas de budget pour le faire réaliser. Alors, au prix d'un grand nombre de nuits sans sommeil, j'ai créé ce site moi-même et l'ai fait référencer (ce n'est pas le plus mince travail). Le site a alors évolué en même temps que mes connaissances (encore relativement modestes) en la matière et s'est agrandi, et il a commencé à être un peu connu même hors de France et d'Europe.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Le changement que l'internet a apporté dans notre vie professionnelle est considérable. Nous sommes une petite maison d'édition installée en province. L'internet nous a fait connaître rapidement sur une échelle que je ne soupçonnais pas. Même les médias "classiques" nous ont ouvert un peu leurs portes grâce à notre site. Les manuscrits affluent par le courrier électronique. Ainsi nous avons édité deux auteurs québécois. Beaucoup de livres se réalisent (corrections, illustrations, envoi des documents à l'imprimeur) par ce moyen. Dès le début de l'existence du site, nous avons reçu des demandes de pays ou nous ne sommes pas (encore) représentés: Etats-Unis, Japon, Amérique latine, Mexique, malgré notre volonté de ne pas devenir un site commercial mais un site d'information et à connotation culturelle (nous n'avons pas de système de paiement sécurisé, etc., nous avons juste référencé sur une page les libraires qui vendent en ligne).

= Comment voyez-vous l'avenir?

J'aurais tendance à répondre par deux questions: pouvez-vous me dire comment va évoluer l'internet Comment vont évoluer les utilisateurs? Nous voudrions bien rester aussi peu commercial que possible et augmenter l'interactivité et le contact avec les visiteurs du site. Y réussirons-nous? Nous avons déjà reçu des propositions qui vont dans un sens opposé. Nous les avons mis en veille. Mais si l'évolution va dans ce sens, pourrons-nous résister, ou trouver une voie moyenne? Honnêtement, je n'en sais rien.

*Entretien du 29 juillet 1999

= Pouvez-vous décrire votre site web?

Il y a bientôt trois ans (déjà…) que nous avons créé notre site web (fin novembre 1996, ndlr). "Vous aimez les livres? l'art? la photo? la littérature? les polars? Vous êtes au bon endroit. Bienvenue!" C'est avec ces mots que nous accueillons les visiteurs de notre site où nous tentons de faire partager nos coups de coeur et nos passions. Tous nos titres récents y sont présentés, on peut contacter nos auteurs, participer à un jeu-concours, consulter le début - parfois le texte intégral - des nouveautés. Le texte intégral? Oui, nous croyons à la survie du livre dans son format classique parallèlement au format électronique. Le livre, ce n'est pas seulement un texte. C'est aussi un objet que l'on aime toucher, montrer, emmener en voyage, prêter… Nous pensons que le fait de pouvoir consulter le texte incite à se procurer le livre (si on a aimé bien sûr).

= Quelle est votre activité sur le réseau?

La maintenance et les mises à jour du site, le courrier électronique, etc. sont devenus pour moi une tâche quotidienne s'ajoutant aux autres: mise en page des textes, correction, création des couvertures, rapport avec les auteurs, avec les médias, suivi de la distribution-diffusion, etc. Car comme dans d'autres petites maisons d'édition nous faisons tout nous-mêmes (sauf l'impression). A la suite de la mise en ligne de Corrida, l'exposition virtuelle Lorca-Puig, et plus récemment du site pour la recherche de sponsors pour Mon copain de Pékin, un livre de photographies dédié à Pékin, il semblerait que nous soyons amenés à créer des sites ayant un rapport avec l'art et/ou le livre.

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

A part les réalisations citées plus haut, nous avons acquis un nom de domaine choucas.com - l'ancienne URL teaser.fr/choucas reste cependant toujours valable. Nous avons mis le début de chaque livre en format PDF et pour quelques livres le texte intégral en ligne. Un jeu-concours qui remporte un certain succès a aussi été mis en place. On peut gagner le livre de son choix. Beaucoup de nos visiteurs nous reprochaient de ne pouvoir acheter en ligne sur notre site. Après pas mal d'hésitations nous avons choisi Alapage pour la qualité de son service et pour la fiabilité de leur base de données. Néanmoins la page des librairies en ligne est toujours sur notre site si l'on préfère acheter ailleurs. Nous avons déjà quelques interviews d'auteurs disponibles en RealAudio sur une de nos pages. Nous allons essayer d'en faire d'autres avec de la vidéo. Enfin une alternative du site en DHTML, Javascript, Flash, existe. Nous la mettrons parallèlement en ligne à l'automne (1999).

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Je me demande s'il faut un droit particulier pour le web. Les lois existent déjà. Et les contrevenants existaient bien avant la popularisation de l'internet. Enfin, si ces débats plaisent au ministère de la Culture… Le soutien à la publication, à la distribution, à l'existence du livre me semblent plus importants, si l'on veut éviter que l'édition, dans le futur, ne soit l'apanage de deux ou trois grands groupes. Évidemment cette action-là est moins médiatique.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Chaque langue possède son génie propre. La difficulté, c'est de ne pas le perdre en route.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Un message enthousiaste d'un prêtre bouddhiste du Tibet qui a adoré l'exposition
Lorca.

= Et votre pire souvenir?

Un orage tandis que j'envoyais l'image de la couverture à un auteur. Plus rien… le néant. Plus d'ordinateur. Heureusement que je sauvegarde tout au fur et à mesure. Chez l'auteur tout a "sauté" aussi, et il n'y avait pas d'orage. Dans la présentation du livre Sanguine sur Toile (d'Alain Bron), on lit: "Les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voire pour tuer…" Le contexte m'avait fait ressentir une peur instinctive, jusqu'à ce que la logique reprenne le dessus.

*Entretien du 30 juillet 2000

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Notre activité d'éditeur s'est comme prévu enrichie d'activités liées à l'internet.

Nous venons de mettre en ligne la version française d'un site de montagne et de vacances. D'autres sites sont en cours de réalisation et nous intervenons souvent en tant que consultants (référencements, veille concurrentielle, design, etc.).

Nous avons trois titres en format électronique disponibles en partenariat avec 00h00.com: Perles noires (ouvrage collectif), Les Banquiers du temps, de Daniel Ichbiah, et Sanguine sur toile, d'Alain Bron (Prix du Lions Club International 2000). D'autres devraient suivre.

Bientôt trois autres titres en partenariat avec MobiPocket seront disponibles en format MobiPocket Reader compatible Palm OS, Psion, Windows CE: Un, et autres mécomptes, de Daniel Bouillot, On achève bien les cadavres, de Fred Belin, et Loto Meurtrier, de François Quentin (Prix Edmond Locard 1999).

= Utilisez-vous encore des documents papier?

Nous en utilisons bien sûr. Le livre papier, lorsque l'impression avec les techniques modernes sera meilleur marché, devrait devenir l'allié du livre électronique.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Cela dépend de quel domaine il s'agit. Je pense que le temps des dictionnaires et encyclopédies et autres ouvages de références techniques et scientifiques "papier" est compté. Pour les romans ou les beaux livres, cela dépend de l'évolution des deux supports.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je pense qu'on est loin des formats et des techniques définitifs. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format et un support idéal verront certainement le jour sous peu.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et mal-voyants?

Je n'ai pas de suggestion particulière à formuler. Sauf peut-être que l'on donne plus de moyens pour une meilleure accessibilité. Cela vaut pour l'accès à l'internet en général, d'ailleurs.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Je reprendrai volontiers une phrase d'Alain Bron, ami et auteur de Sanguine sur Toile (publié en 1999 par les éditions du Choucas): "un formidable réservoir de réponses quand on cherche une information et de questions quand on n'en cherche pas. C'est ainsi que l'imaginaire peut se développer (Ma correspondante en Nouvelle-Zélande est-elle jolie? L'important, c'est qu'elle ait de l'esprit.)"

= Et la société de l'information?

Une société qui pourrait apporter beaucoup, si l'on empêche qu'elle ne rime trop avec "consommation" et tout ce qui accompagne ce mot. Mais il est déjà trop tard peut-être…

*Entretien du 14 juin 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Je disais en réponse à une de vos questions: "Je me demande s'il faut un droit particulier pour le web. Les lois existent déjà. Et les contrevenants existaient bien avant la popularisation de l'internet. Enfin, si ces débats plaisent au ministère de la Culture… Le soutien à la publication, à la distribution, à l'existence du livre me semblent plus importants, si l'on veut éviter que l'édition, dans le futur, ne soit l'apanage de deux ou trois grands groupes. Evidemment c'est moins médiatique."

Et ainsi, comme si je le prévoyais, notre distributeur a déposé son bilan. Et malheureusement les éditions du Choucas (ainsi que d'autres éditeurs) ont cessé leur activité éditoriale. Je maintiens gracieusement le site web pour témoignage de mon savoir-faire d'éditeur on- et off-line. L'incompétence des différents ministres de la Culture et la nullité de ce ministère me sidèrent. Une sorte de "franc-maçonnerie" au sens large du terme: il est catastrophique de ne pas en faire partie et - à mon avis - désastreux pour son éthique personnelle d'en faire partie. Ces gens n'oeuvrent que pour eux-mêmes avec les deniers des contribuables…

Enfin je ne regrette pas ces dix années de lutte de satisfactions et de malheurs passés aux éditions du Choucas. J'ai connu des auteurs intéressants dont certains sont devenus des amis… Maintenant je fais des publications et des sites internet pour d'autres. En ce moment pour une ONG (organisation non gouvernementale) internationale caritative; je suis ravi de participer (modestement) à leur activité à but non lucratif. Enfin on ne parle plus de profit ou de manque à gagner, c'est reposant.

HERVE PONSOT (Toulouse)

#Webmestre du site web des éditions du Cerf, spécialisées en théologie

*Entretien du 8 juin 1998

= En quoi consiste le site web du Cerf?

Pour les éditions du Cerf dont je m'occupe sur le plan internet, le site existe en lien avec les éditions, mais marginalement quand même: le serveur se trouve en dehors du Cerf, et il est géré par une personne extérieure au Cerf, moi-même. Bref, il s'agit plutôt d'un service rendu, dont on ne peut dire qu'il ait bouleversé la maison Cerf. Il reste que, par la grâce de Dieu, de plus en plus de consultants arrivent sur ce site, et que des commandes me sont adressées de plus en plus régulièrement, sans que nous les ayons cherchées, puisque le site a été créé en priorité pour rendre service aux chercheurs, et secondairement pour faire de la publicité pour la maison et renouveler son image…

Mais j'ai constaté, et beaucoup de personnes m'ont confirmé, que les sites de service pouvaient se révéler rentables, parfois plus facilement et plus rapidement que les sites commerciaux: l'exemple le plus connu est fourni par les sites de recherche sur internet. La suite envisagée pour le site Cerf ne devrait pas fondamentalement changer par rapport à ce qui se passe aujourd'hui: rendre service aux chercheurs, faire connaître la maison en lui donnant une image dynamique. Nous pensons certes un jour faire du site, ou d'un site voisin, un site commercial: mais la maison ne peut se permettre, compte tenu de sa faible surface financière, d'être leader en ce domaine; les pas seront donc comptés et très prudents.

OLIVIER PUJOL (Paris)

#PDG de la société Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique

Conçu par la société Cytale, le Cybook est le premier livre électronique européen à être mis sur le marché (date exacte de commercialisation: 23 janvier 2001). Il a les caractéristiques suivantes: 21 x 16 cm, 1 kg, un écran couleur 10 pouces, tactile, rétro-éclairé, à cristaux liquides (LCD), avec une résolution de 600*800, quatre boutons de commande, une mémoire de 32 Mo permettant de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages, une batterie lithium-ion d'une autonomie de 5 h, un modem 56 K intégré avec un connecteur son, un port infrarouge, des extensions pour carte PCMCIA et port USB permettant de brancher des périphériques, et enfin un prix: 867 euros. Il suffit d'une prise téléphonique pour connecter le Cybook à l'internet et télécharger des livres à partir de la librairie électronique située sur le site de Cytale, qui a conclu des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse et qui espère constituer rapidement un catalogue de plusieurs milliers de titres.

*Entretien du 2 décembre 2000

= Pouvez-vous vous présenter?

Olivier Pujol, PDG de Cytale, lecteur frénétique, et internaute. J'ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d'un projet extraordinaire, le livre électronique. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d'accès à l'écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade, livre "adaptable", et aussi moyen d'accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c'est également une fenêtre sur le web. Et ceci n'aurait pu exister sans internet!

= Pouvez-vous décrire l'activité de Cytale?

Conception et commercialisation d'un livre électronique, conception, développement et gestion d'un site internet de diffusion de livres numériques, préparation et formatage de livres numériques.

= Pouvez-vous décrire son site web?

- Le premier site - "institutionnel" - a été créé en octobre 1999, à destination des professionnels et des investisseurs.

- Le deuxième site (relookage du premier) a été créé en mai 2000, pour tester un look différent.

- Le troisième site - "libraire" - est en cours de réalisation.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Développer la lecture numérique en France, Europe, et plus.

= Comment voyez-vous l'avenir?

L'utilisation d'internet pour le transport de contenu est un secteur de développement majeur. La société a pour vocation de développer une base de contenu en provenance d'éditeurs, et de les diffuser vers des supports de lecture sécurisés.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Oui.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Les jours du papier ne sont pas comptés. Le support papier est parfaitement adapté à certains usages: la lecture numérique sur ordinateur n'est pas pratique, et ce pour de nombreuses raisons. Elle ne s'est d'ailleurs pas développée du tout depuis dix ans.

Par ailleurs, le papier n'est pas seulement un support "obligé". C'est également un matériau noble, agréable, avec des qualités propres (toucher, odeur, flexibilité) qui font que son usage n'est en rien menacé (il s'impose même parfois dans des secteurs inattendus comme la confection!).

Le livre électronique, permettant la lecture numérique, ne concurrence pas le papier. C'est un complément de lecture, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la diffusion de l'écrit et des oeuvres mêlant le mot et d'autres médias (image, son, image animée…).

Les projections montrent une stabilité de l'usage du papier pour la lecture, mais une croissance de l'industrie de l'édition, tirée par la lecture numérique, et le livre électronique (de la même façon que la musique numérique a permis aux mélomanes d'accéder plus facilement à la musique, la lecture numérique supprime, pour les jeunes générations commme pour les autres, beaucoup de freins à l'accès à l'écrit).

= Quelles sont vos suggestions pour un meilleur respect du droit d'auteur sur le web?

Utiliser des balladeurs dédiés et sécurisés pour la musique, et des livres électroniques sécurisés pour la lecture.

Les mesures de protection des droits développées pour l'ordinateur sont systématiquement détournées un jour ou l'autre, et ce, universellement. Une solution de piratage trouvée à un bout de la planète peut être instantanément mise à la disposition de tous, et à portée d'un simple clic. Le PC connecté sur internet aura beaucoup de mal à être sécurisé valablement dans un avenir proche.

Une autre solution serait d'imposer une "police planétaire du web", avec accès égal à tous les pays, et à tous les ordinateurs personnels. C'est orwellien, et un peu inquiétant, mais heureusement peu facile à mettre en place.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure répartition des langues sur le web?

Le concept même de répartition des langues est absurde. Par sa nature ouverte, le web est déjà aujourd'hui le meilleur outil de propagation et donc de préservation de langues qui, sans le web, pourraient être menacées d'extinction. La seule solution pour qu'une langue accroisse sa présence sur le web est que ses promoteurs aient vraiment envie de se bouger!

Il faut se souvenir que l'imprimerie avait été accusée de sonner le glas de toutes les langues autres que le latin! La réalité a été que l'imprimerie, en permettant à toutes les langues de se transmettre plus facilement, a provoqué la mort du latin.

Une suggestion? Les moteurs de recherche multilingues et les traducteurs automatiques.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Le développement des moteurs de type BrailleSurf associés à de la synthèse vocale, et le respect par les concepteurs de sites de quelques règles (documentation des images, ou association de commentaires textuels à certaines applications telles que les animations flash). Dès que notre site atteindra un niveau opérationnel suffisant, il sera entièrement adapté à cet effet (voir les directives du gouvernement dans ce sens).

= Comment définissez-vous le cyberespace?

J'ai beaucoup de mal à le définir. C'est un fourre-tout qui englobe des machines électroniques interconnectées et des sources d'informations.

= Et la société de l'information?

Une société où l'accès à l'information, l'information elle-même et la capacité à bien utiliser l'information sont des biens plus précieux que les biens matériels. Il faut noter que l'information a toujours été un avantage professionnel considérable. Il fut un temps où un avantage concurrentiel pouvait exister sur un territoire limité, et être protégé pour un temps long, par le secret, ou l'ignorance des autres. Les voyages, la mondialisation des échanges, la performance de la logistique ont énormément affaibli la notion de protection "géographique" d'un avantage concurrentiel. La société de l'information est une société où la protection de l'information est presque impossible, et où son usage devient donc la valeur essentielle.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Pas de "meilleur souvenir". Découvrir instantanément une réponse à une question qui m'aurait demandé des heures de recherche il y a quelques années est un "meilleur souvenir" quotidien, et recevoir un mail d'un ami brésilien ou hongrois en est un autre.

= Et votre pire souvenir?

De tomber systématiquement sur des sites pornos ou de pédophilie en faisant certaines requêtes anodines.

ANISSA RACHEF (Londres)

#Bibliothécaire et professeur de français langue étrangère à l'Institut français de Londres

L'Institut français de Londres est un organisme officiel français destiné à faire connaître la langue et la culture françaises dans la capitale britannique. 5.000 étudiants environ suivent les cours de langue chaque année, ce qui fait de cet institut l'un des plus importants instituts français au monde. Le centre culturel inclut une bibliothèque multimédia, un cinéma, une salle de conférence et un restaurant. Le site web de l'Institut est mis en ligne en 1998, et les pages consacrées à la médiathèque en 2000.

*Entretien du 22 avril 2001

= Pouvez-vous vous présenter?

Je suis bibliothécaire à la médiathèque de l'Institut français de Londres. Je suis chargée du catalogage du fonds documentaire qui est constitué de livres, de vidéos, de disques compacts et de disques optiques ainsi que de périodiques. Avant mon installation à Londres, soit de 1980 à 1983, j'ai travaillé à la bibliothèque universitaire d'Alger en qualité d'attachée de recherche. C'est d'Alger et en deux ans que j'ai préparé le DSB (diplôme supérieur des bibliothèques), diplôme de conservateur assimilé à celui de l'ENSB de Lyon (Ecole nationale supérieure des bibliothèques, devenue ensuite l'ENSSIB - Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques). Recrutée selon un statut local depuis septembre 1987 à l'Institut français de Londres, j'y exerce le métier de bibliothécaire au sein d'une équipe de huit membres. Par ailleurs, titulaire d'un diplôme de FLE (français langue étrangère), j'assure des heures d'enseignement de français dans le même institut.

= Pouvez-vous décrire l'activité de la médiathèque?

La médiathèque de l'Institut français de Londres fut inaugurée en mai 1996 (ainsi que la connexion à l'internet pour le personnel et les usagers, ndlr). L'objectif est double: servir un public s'intéressant à la culture et la langue françaises et "recruter" un public allophone en mettant à disposition des produits d'appel tels que vidéos documentaires, livres audio, CD-Rom. La mise en place récente d'un espace multimédia sert aussi à fidéliser les usagers. L'installation d'un service d'information rapide a pour fonction de répondre dans un temps minimum à toutes sortes de questions posées via courrier électronique, ou par fax. Ce service exploite les nouvelles technologies pour des recherches très spécialisées. Nous élaborons également des dossiers de presse destinés aux étudiants et professeurs préparant des examens de niveau secondaire.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je m'occupe essentiellement de catalogage, d'indexation et de cotation. Je suis chargée également du service de prêt inter-bibliothèques. J'anime des ateliers in situ de catalogage UNIMARC (MARC: machine readable catalogue) ainsi que des ateliers d'indexation RAMEAU (répertoire d'autorités matières encyclopédique et alphabétique unifié). J'élabore ponctuellement des aménagements de vedettes matières propres à notre catalogue.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

J'utilise internet pour des besoins de base. Recherches bibliographiques, commande de livres, courrier professionnel, prêt inter-bibliothèques. C'est grâce à internet que la consultation de catalogues collectifs, tels SUDOC (Système universitaire de documentation) et OCLC (Online Computer Library Center), a été possible. C'est ainsi que que j'ai pu mettre en place un service de fourniture de documents extérieurs à la médiathèque. Des ouvrages peuvent désormais être acheminés vers la médiathèque pour des usagers ou bien à destination des bibliothèques anglaises.

= Utilisez-vous encore des documents papier?

Le papier est encore présent dans la médiathèque. Cependant l'introduction de documents électroniques, tels que le CD-Rom du Monde par exemple, a permis une épuration de la collection papier.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

C'est assez révolutionnaire, avec un gain de place considérable. Je trouve cela très futuriste.

= Comment définissez-vous la société de l'information?

Actuellement l'information est le produit que la société consomme le plus.

PETER RAGGETT (Paris)

#Directeur du centre de documentation et d'information (CDI) de l'OCDE
(Organisation de coopération et de développement économiques)

"L'OCDE rassemble 30 pays membres au sein d'une organisation qui, avant tout, offre aux gouvernements un cadre pour examiner, élaborer et perfectionner les politiques économiques et sociales. Ils y comparent leurs expériences respectives, s'y efforcent d'apporter des réponses aux problèmes qui leur sont communs et s'y emploient à coordonner des politiques intérieures et internationales qui, dans le contexte actuel de mondialisation des économies, doivent former un ensemble de plus en plus homogène. (…) L'OCDE est un club de pays qui partagent les mêmes idées. C'est un club de riches en ce sens que ses Membres produisent les deux tiers des biens et services du monde, mais ce n'est pas un club privé. En fait, l'exigence essentielle pour en devenir Membre est qu'un pays soit attaché aux principes de l'économie de marché et de la démocratie pluraliste. Au noyau d'origine, constitué de pays d'Europe et d'Amérique du Nord, sont venus s'ajouter le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Mexique, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Corée. De plus, l'OCDE a établi de nombreux contacts avec le reste du monde dans le cadre de programmes avec des pays de l'ancien bloc soviétique, d'Asie et d'Amérique latine, contacts qui pourraient, dans certains cas, déboucher sur une adhésion." (extrait du site web)

Réservé aux agents de l'OCDE, le centre de documentation et d'information (CDI) a pour but de leur procurer les informations nécessaires à leurs recherches. Les collections imprimées comprennent environ 60.000 monographies et 2.500 périodiques. Le CDI fournit aussi nombre de documents électroniques émanant de CD-Rom, de bases de données et du web.

Peter Raggett, son directeur, est bibliothécaire professionnel depuis vingt ans. Il a d'abord été en poste dans les bibliothèques gouvernementales du Royaume-Uni avant de devenir fonctionnaire international à l'OCDE en 1994, comme sous-directeur puis directeur du CDI. Il utilise l'internet depuis 1996. Les pages intranet du CDI, dont il est l'auteur, sont devenues une des principales sources d'information du personnel de l'organisation.

*Entretien du 18 juin 1998 (entretien original en anglais)

= En quoi consiste votre activité liée à l'internet?

Je dois filter l'information pour les usagers de la bibliothèque, ce qui signifie que je dois bien connaître les sites et les liens qu'ils proposent. J'ai sélectionné plusieurs centaines de sites pour en favoriser l'accès à partir de l'intranet de l'OCDE, et cette sélection fait partie du bureau de référence virtuel proposé par la bibliothèque à l'ensemble du personnel. Outre les liens, ce bureau de référence contient des pages de références aux articles, monographies et sites web correspondant aux différents projets de recherche en cours à l'OCDE, l'accès en réseau aux CD-Rom, et une liste mensuelle des nouveaux titres. Le catalogue de la bibliothèque sera lui aussi bientôt disponible sur l'intranet.

= Comment voyez-vous l'avenir?

L'internet offre aux chercheurs un stock d'informations considérable. Le problème pour eux est de trouver ce qu'ils cherchent. Jamais auparavant on n'avait senti une telle surcharge d'informations, comme on la sent maintenant quand on tente de trouver un renseignement sur un sujet précis en utilisant les moteurs de recherche disponibles sur l'internet. A mon avis, les bibliothécaires auraient un rôle important à jouer pour améliorer la recherche et l'organisation de l'information sur l'internet.

Je prévois aussi une forte expansion de l'internet pour l'enseignement et la recherche. Les bibliothèques seront amenées à créer des bibliothèques numériques permettant à un étudiant de suivre un cours proposé par une institution à l'autre bout du monde. La tâche du bibliothécaire sera de filtrer les informations pour le public.

Personnellement, je me vois devenir de plus en plus un bibliothécaire virtuel. Je n'aurai pas l'occasion de rencontrer les usagers, ils me contacteront plutôt par courrier électronique, par téléphone ou par fax, j'effectuerai la recherche et je leur enverrai les résultats par voie électronique.

*Entretien du 4 août 1999 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Notre site intranet va être complètement remanié d'ici la fin de l'année, et nous allons y mettre le catalogue de la bibliothèque, ce qui permettra à nos usagers d'y avoir accès directement de leur écran. Ce catalogue sera conforme à la norme Z39.50. (Z39.50 est une norme définissant un protocole pour la recherche documentaire d'un ordinateur à un autre. Elle permet à l'utilisateur d'un système de rechercher des informations chez les utilisateurs d'autres systèmes utilisant la même norme sans devoir connaître la syntaxe de recherche utilisée par ces systèmes, ndlr.)

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le problème du droit d'auteur est loin d'être résolu. Les éditeurs souhaitent naturellement toucher leur dû pour chaque article commandé alors que les bibliothécaires et usagers veulent pouvoir immédiatement télécharger (gratuitement si possible) le contenu intégral de ces articles. A présent chaque éditeur semble avoir sa propre politique d'accès aux versions électroniques. Il serait souhaitable qu'une politique homogène soit mise en place, de préférence en autorisant largement le téléchargement des documents électroniques.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Je pense qu'il appartient aux organisations et sociétés européennes d'offrir des sites web si possible en trois ou quatre langues. A l'heure de la mondialisation et du commerce électronique, les sociétés ont un marché potentiel sur plusieurs pays à la fois. Permettre aux francophones, germanophones ou japonais de consulter un site web aussi facilement que les anglophones donnera une plus grande compétitivité à une firme donnée.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Avoir trouvé en dix minutes les informations biographiques et les articles d'un professeur reçu par l'OCDE.

= Et votre pire souvenir?

Les problèmes de lenteur pour la connection à l'internet et le transfert des données.

*Entretien du 31 juillet 2000 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Le catalogue du CDI est disponible sur l'intranet de l'OCDE depuis octobre 1999, si bien que les fonctionnaires peuvent désormais le consulter depuis leur bureau.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Nous fournissons toujours des photocopies d'articles de périodiques, un peu moins cependant que par le passé parce que le texte intégral de nombreux articles est maintenant disponible sur l'internet en format PDF. En revanche le prêt des monographies en version imprimée n'a pas diminué depuis que l'OCDE utilise l'internet.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Je pense que le papier aura toujours sa place, et ce malgré l'arrivée du livre numérique. Mais, quand les gens s'y seront accoutumés, l'utilisation du papier décroîtra.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Il est intéressant d'observer combien la présentation du livre électronique copie celle du livre traditionnel, à l'exception du fait que la page papier est remplacée par un écran. A mon avis, le livre électronique va permettre de remplacer certains documents papier, mais pas tous. J'espère aussi qu'ils seront imperméables à l'eau, pour je puisse continuer à lire dans mon bain.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Je préconise une augmentation du nombre d'enregistrements sonores, qui permettraient aux aveugles et malvoyants d'écouter les textes du web au moyen des haut-parleurs de leurs ordinateurs ou bien d'écouteurs.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le cyberespace est cette zone "extérieure" qui se trouve de l'autre côté du PC lorsqu'on se connecte à l'internet. Pour ses utilisateurs ou ses clients, tout fournisseur de services internet ou serveur de pages web se trouve donc dans le cyberespace.

= Et la société de l'information?

La société de l'information est cette société dont le produit le plus précieux est l'information. Jusqu'au 20e siècle, ce sont les produits manufacturiers qui ont été les plus considérés. Ils ont ensuite été remplacés par l'information. En fait, on parle maintenant davantage d'une société du savoir, dans laquelle, du point de vue économique, le produit le plus prisé est le savoir acquis par chacun.

PATRICK REBOLLAR (Nagoya & Tokyo)

#Professeur de littérature française, créateur d'un site web de recherches et activités littéraires et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature et ordinateur)

Professeur de français, de littérature française et d'applications informatiques dans des universités japonaises, à Tokyo et Nagoya, Patrick Rebollar utilise l'ordinateur pour la recherche et l'enseignement depuis plus de dix ans. En 1994, il voit apparaître internet "dans le champ culturel et linguistique francophone" et il débute un site web de recherches et activités littéraires en 1996. Il est le modérateur de LITOR (Littérature et ordinateur), liste de diffusion francophone créée en octobre 1999 par l'équipe de recherche Hubert de Phalèse (Université Paris 3).

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