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Entretiens / Interviews / Entrevistas

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The Project Gutenberg eBook of Entretiens / Interviews / Entrevistas

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Title: Entretiens / Interviews / Entrevistas

Author: Marie Lebert

Release date: October 26, 2008 [eBook #27035]

Language: English, Spanish, French

Credits: Produced by Al Haines

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK ENTRETIENS / INTERVIEWS / ENTREVISTAS ***

Produced by Al Haines

ENTRETIENS / INTERVIEWS / ENTREVISTAS

MARIE LEBERT

NEF, University of Toronto, 2001

Copyright © 2001 Marie Lebert

[EN] What do they do on the Web? What do they think of the Internet, copyright, multilingualism, the future of paper, the e-book, the information society, etc.? Interviews with writers, journalists, publishers, booksellers, librarians, professors, researchers, linguists, etc.

[FR] Quelle est leur activité sur l'internet? Quelle est leur opinion sur l'avenir du réseau, l'avenir de l'imprimé, le livre électronique, le droit d'auteur, le multilinguisme, le cyberespace, la société de l'information, etc.? Entretiens avec des bibliothécaires-documentalistes, chercheurs, écrivains, éditeurs, gestionnaires, journalistes, libraires, linguistes, professeurs, traducteurs, etc., francophones et non francophones.

[ES] ¿Cuál es su actividad sobre la Red? ¿Qué piensan del Internet, de los derechos de autor, del multilingüismo, de la sociedad de la información, etc.? Entrevistas con escritores, periodistas, editores, libreros, bibliotecarios, documentalistas, profesores, investigatores, lingüistas, etc.

[FR, EN, ES] NEF: http://www.etudes-francaises.net/entretiens/index.htm

TABLE

(*) Traduction partielle / Partly translated / Traducción parcial

[#A] [Nicolas Ancion FR / Alex Andrachmes FR / Guy Antoine EN FR ES* / Silvaine
Arabo FR / Arlette Attali FR EN / Isabelle Aveline FR]

[#B] [Jean-Pierre Balpe FR / Emmanuel Barthe FR / Robert Beard EN FR / Michael
Behrens EN FR / Michel Benoît FR / Guy Bertrand FR EN* / Olivier Bogros FR /
Christian Boitet FR / Bernard Boudic FR / Bakayoko Bourahima FR / Marie-Aude
Bourson FR / Lucie de Boutiny FR / Anne-Cécile Brandenbourger FR / Alain Bron FR
EN ES]

[#C] [Patrice Cailleaud FR / Tyler Chambers EN FR / Pascal Chartier FR / Richard
Chotin FR / Alain Clavet FR EN* / Jean-Pierre Cloutier FR EN* ES* / Jacques
Coubard FR]

[#D] [Luc Dall'Armellina FR / Kushal Dave EN FR / Cynthia Delisle FR EN* /
Emilie Devriendt FR / Bruno Didier FR EN ES DE / Catherine Domain FR EN* ES* /
Helen Dry EN FR / Bill Dunlap EN FR]

[#F] [Pierre-Noël Favennec FR / Gérard Fourestier FR]

[#G] [Pierre François Gagnon FR / Olivier Gainon FR / Jacques Gauchey FR EN /
Raymond Godefroy FR / Muriel Goiran FR / Marcel Grangier FR EN / Barbara Grimes
EN FR]

[#H] [Michael Hart EN FR ES / Roberto Hernández Montoya ES* FR EN / Randy Hobler
EN FR / Eduard Hovy EN FR]

[#J] [Christiane Jadelot FR EN / Gérard Jean-François FR / Jean-Paul FR EN* /
Anne-Bénédicte Joly FR]

[#K] [Brian King EN FR / Geoffrey Kingscott EN FR / Steven Krauwer EN FR]

[#L] [Gaëlle Lacaze FR / Hélène Larroche FR / Pierre Le Loarer FR / Fabrice
Lhomme FR / Naomi Lipson FR / Philippe Loubière FR]

[#M] [Tim McKenna EN FR / Pierre Magnenat FR / Xavier Malbreil FR / Alain
Marchiset FR / Maria Victoria Marinetti ES FR / Michael Martin EN FR / Emmanuel
Ménard FR / Yoshi Mikami EN FR / Jacky Minier FR / Jean-Philippe Mouton FR]

[#O] [John Mark Ockerbloom EN FR / Caoimhín P. Ó Donnaíle EN FR]

[#P] [Jacques Pataillot FR EN* ES* / Nicolas Pewny FR / Hervé Ponsot FR /
Olivier Pujol FR]

[#R] [Anissa Rachef FR / Peter Raggett FR EN ES / Patrick Rebollar FR /
Jean-Baptiste Rey FR / Philippe Rivière FR / Blaise Rosnay FR / Jean-Paul
Rousset Saint Auguste FR]

[#S] [Bruno de Sa Moreira FR / Pierre Schweitzer FR / Henri Slettenhaar EN FR /
Murray Suid EN FR]

[#T] [June Thompson EN FR / Jacques Trahand FR / Paul Treanor EN FR / Zina
Tucsnak FR]

[#V] [François Vadrot FR EN* ES* / Christian Vandendorpe FR]

[#W] [Robert Ware FR EN / Russon Wooldridge FR]

[#Z] [Denis Zwirn FR]

[Index par langue / Index per language / Indice per lengua]

NICOLAS ANCION [FR]

[FR] Nicolas Ancion (Madrid)

#Ecrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique

Lancé en février 2001, Luc Pire électronique est le département d'édition numérique des éditions Luc Pire, créées à l'automne 1994 et basées à Bruxelles et à Liège. Le catalogue de Luc Pire électronique, en cours de constitution, comprendra les versions numériques des livres déjà publiés par les éditions Luc Pire (300 titres au catalogue papier en juin 2001) et de nouveaux titres, soit en version numérique seulement, soit en deux versions, numérique et imprimée.

*Entretien du 24 avril 2001

= Pouvez-vous vous présenter?

Je suis écrivain et, depuis 1997, je tente d'utiliser internet comme outil de communication et de création. Depuis l'année 2000, je collabore également au développement électronique des éditions Luc Pire, en tant que responsable éditorial.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Ma fonction est d'une double nature: d'une part, imaginer des contenus pour l'édition numérique de demain et, d'autre part, trouver des sources de financement pour les développer. En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

En tant qu'auteur, je publie des textes en ligne, soit de manière exclusive (j'ai publié un polar uniquement en ligne et je publie depuis février deux romans-feuilletons écrits spécialement pour ce support), soit de manière complémentaire (mes textes de poésie sont publiés sur papier et en ligne). Je dialogue avec les lecteurs et les enseignants à travers mon site web.

En tant que responsable éditorial au sein de Luc Pire électronique, je supervise le contenu du site de la maison d'édition et je conçois les prochaines générations de textes publiés numériquement (mais pas exclusivement sur internet).

= Comment voyez-vous l'avenir?

Je pense que l'édition numérique n'en est encore qu'à ses balbutiements. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l'essentiel est déjà acquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparition entraîne une redéfinition du métier d'éditeur. Auparavant, un éditeur pouvait se contenter d'imprimer des livres et de les distribuer. Même s'il s'en défendait parfois, il fabriquait avant tout des objets matériels (des livres). Désormais, le rôle de l'éditeur consiste à imaginer et mettre en forme des contenus, en collaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets matériels, mais des contenus dématérialisés. Ces contenus sont ensuite "matérialisés" sous différentes formes: livres papier, livres numériques, sites web, bases de données, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le département de "production" d'un éditeur deviendrait plutôt un département d'"exploitation" des ressources. Le métier d'éditeur se révèle ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peut amener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics. C'est un véritable défi qui demande avant tout de l'imagination et de la souplesse.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Je suis un télétravailleur. J'habite Madrid et les éditions Luc Pire sont à Bruxelles et Liège, en Belgique. En huit mois, j'ai reçu deux plis postaux relatifs à mon travail et je suis resté plus de six mois sans imprimante. En dehors des contrats, tout se passe sur l'écran. Pour mon travail, c'est donc très clair, 99% de l'information passe par des fichiers informatiques sans gaspiller de papier.

En tant qu'auteur, je continue à rédiger majoritairement à la main, au stylo sur papier. Je ne tape le texte que dans une seconde étape sur mon ordinateur. En réalité, même si je publie sur le web depuis 1998, je continue à travailler comme au 19e siècle pour mon écriture. Tout à la main dans des petits cahiers d'écolier. Sauf pour mes deux romans-feuilletons, précisément. J'ai décidé de changer mon mode d'écriture pour ces deux textes et je les écris directement à l'écran, comme ils seront lus, semaine après semaine. C'est un défi, une contrainte que je me suis posée volontairement. Pour voir si ça change quelque chose et pour répondre en détail à cette question souvent posée aux auteurs: est-ce que vous écrivez à la main ou à la machine?

En tant que lecteur, bien que je lise presque exclusivement les journaux en ligne, de même que les critiques littéraires et cinématographiques, je ne peux pour autant me passer de la littérature imprimée. J'ai toujours de bon vieux romans jaunis sur ma table de nuit et dans mon sac, où que j'aille. Dans le train, le métro, je lis. De laids bouquins de poche, dont le papier ne sent pas bon et dont les couvertures sont écornées, mais qui sont légers, résistants et fourrables dans n'importe quel bagage.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Je crois qu'il est fort imbécile de penser que l'arrivée du numérique va tuer le papier. Comme si l'arrivée de la radio avait tué la presse écrite, ou la télévision le cinéma. C'est une opinion tellement stupide que beaucoup de gens la partagent. Pour ma part, je crois que l'arrivée du numérique grand public offre une panoplie de nouveaux supports pour les contenus. Qu'elle ouvre de nombreuses possibilités pour imaginer de nouveaux types de créations et de produits culturels.

J'aime beaucoup le papier, j'adore les livres: ils m'accompagnent depuis toujours, que ce soient des bandes dessinées, des romans, des dictionnaires. Je pense qu'ils continueront à être présents pendant très longtemps. Mais qu'à leurs côtés apparaîtront de nouveaux formats. Le roman, tel que nous le connaissons, correspond très précisément à des contraintes techniques d'impression et de reliure; si l'on change les supports, on provoque l'apparition de nouvelles formes. La plupart des musiciens ont dû réinventer la composition de leurs albums suite à l'arrivée du CD qui ajoute vingt minutes au format 33 tours. Je me réjouis de lire ce qu'il y aura à lire dans dix ans. Mais j'aurai toujours un Dumas ou un Michaux sur ma table de nuit.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d'avenir dans le grand public tant qu'ils restent monotâches (ou presque). Un médecin ou un avocat pourront adopter ces plate-formes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut que cet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA (personal digital assistant) ou de la télévision. D'autre part, je crois qu'en cherchant à limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types de e-books ne lisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), les constructeurs tuent leur machine. L'avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c'est leur ouverture et leur souplesse. S'ils n'ont qu'une fonction et qu'un seul fournisseur, ils n'intéresseront personne. Par contre, si à l'achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèque de vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d'en charger d'autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde. Et de couper l'herbe sous le pied des "serpent", "memory" et autres jeux qu'on joue sans plaisir pour tuer le temps dans les aéroports.

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

Je ne vois pas de débat. Le droit d'auteur est un droit, il n'y a pas à revenir là-dessus. La question intéressante est de savoir comment appliquer ce droit inaliénable à la nouvelle réalité de diffusion des oeuvres.

Mon point de vue est très simple: l'auteur doit être rémunéré pour son travail. Mais il reste maître de son oeuvre et peut aussi décider lui-même de céder ses droits gratuitement (par exemple pour l'encodage en alphabet braille à destination des malvoyants) ou de diffuser certains de ses textes gratuitement (ce que je fais sur internet). Je tiens beaucoup au respect du droit de paternité de l'auteur, mais je ne pense pas que tout échange sur cette planète doive être monnayé. Je suis très heureux d'offrir des textes gratuitement. Mais je ne tolère ni le vol ni la piraterie. Si quelqu'un vole un texte et le diffuse sous un autre nom, il commet un délit grave, bien entendu.

= Comment définissez-vous la société de l'information?

Pour moi, la société de l'information est l'arrivée d'un nouveau clivage sur la planète: distinction entre ceux qui ont accès au savoir, le comprennent et l'utilisent, et ceux qui n'y ont pas accès pour de nombreuses raisons. Il ne s'agit cependant pas d'une nouvelle forme de société du tout car le pouvoir de l'information n'est lié à aucun pouvoir réel (financier, territorial, etc.). Connaître la vérité ne nourrit personne. Par contre, l'argent permet de très facilement propager des rumeurs ou des mensonges. La société de l'information est simplement une version avancée (plus rapide, plus dure, plus impitoyable) de la société industrielle. Il y a ceux qui possèdent et jouissent, ceux qui subissent et ceux dont on ne parle jamais: ceux qui comprennent et ne peuvent pas changer les choses. Au 19e siècle, certains artistes et certains intellectuels se retrouvaient dans cette position inconfortable. Grâce à la société de l'information, beaucoup de gens ont rejoint cette catégorie assise entre deux chaises. Qui possède des biens matériels et a peur de les perdre mais considère pourtant que les choses ne vont pas dans la bonne direction.

Mon opinion personnelle, par rapport à tout ça, c'est que ce n'est pas l'information qui sauve. C'est la volonté. Pour changer le monde, commençons par lever notre cul de notre chaise et retrousser nos manches.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Plusieurs fois, les réactions de lecteurs, notamment des adolescents qui réagissent très spontanément et s'expriment sans détour, m'ont fait pleurer devant mon écran. On passe sa vie à écrire des histoires pour donner des émotions aux lecteurs et voilà que ce sont eux qui nous en renvoient de plus fortes! Je n'ai jamais eu cet effet-là qu'avec des messages électroniques. En face à face ou par courrier postal, l'émotion est bridée par les formules de politesse et les circonlocutions en tous genres.

= Et votre pire souvenir?

A une époque où j'étais entre deux déménagements, que je n'avais plus ni adresse fixe ni téléphone, je me connectais dans les bibliothèques. J'avais participé à un concours sur internet pour être reporter radio pendant deux jours et gagner un téléphone portable, ce qui m'aurait été bien utile. J'avais laissé les coordonnées de mes parents. J'ai gagné, on a téléphoné pour me prévenir mais ma mère a mal compris le message et n'a pas jugé bon de me mettre au courant. Quand j'ai finalement appris ce qui était arrivé, il était trop tard. Internet va vite, les possibilités sont fantastiques, mais il faut aussi que le reste de la planète suive le mouvement, sinon on fabrique du vent. C'est une bonne morale.

ALEX ANDRACHMES [FR]

[FR] Alex Andrachmes (Europe)

#Producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte

L'auteur a choisi de participer à ces entretiens sous le pseudonyme d'@
Andrachmes (Alex Andrachmes).

*Entretien du 16 décembre 2000

= Pouvez-vous vous présenter?

La bio classique, un peu promotionnelle, rien de tel: né en 1959, ma découverte du monde de la musique en 1980 passe par des productions audiovisuelles underground, cold wave, new wave, ou world music… Sans sombrer, ni traîner dans les pubs, c'est au cinéma que je consacre ensuite mon énergie, dans une officine de coproduction soutenant des projets alternatifs qui rencontrent pourtant un retentissement mondial, primés à Cannes, à Venise, aux Césars, nommés aux Oscars… C'est au sein d'une télévision périphérique francophone, diffusée en hertzien, par câble et satellite, que je renoue avec le monde de la musique, en créant des structures qui permettent encore aujourd'hui de capter des concerts live pour diverses chaînes, des plus connus des artistes, aux plus pointus. Je propose aussi la mise en place de magazines en tout genre, information en prime-time, sciences, modes de vie, nature sauvage, entretiens littéraires, ou cybers… Pratiquement tout ce qui ne se fait plus ailleurs parce que l'audience ne suivrait pas, je le défends. Et parfois ça marche, d'autres fois… Et on me consulte de toute l'Europe, conseil en scénario, en production, productions exécutives… Ce n'est pas pour autant que je néglige l'écriture: pièces de théâtre, créations collectives, co-scénarisation, romans et nouvelles, je me suis essayé à de nombreuses formes, depuis 1977.

= Avez-vous un site web?

De site personnel, point. Mais j'anime www.superfever.com, site d'un personnage de fiction, Sadie Nassau, producteur au sein d'une société de divertissements (STARTOP) produisant pour diverses chaînes francophones périphériques, pour le net, et pour la convergence entre les deux, domaine que je connais bien, comme vous vous en doutez… Nostalgie? En tant qu'auteur, @Andrachmes pourrait avoir un parcours parallèle à celui de son personnage. Pourrait, car il est plutôt à l'opposé. Voyez à cet égard la bio reprise sur le site superfever.com. Personnage de fiction, donc, que j'anime au sein d'une expérience toute neuve: www.thewebsoap.net. Lancé à titre expérimental le 22 septembre 2000, il est officiellement en ligne depuis le 17 novembre 2000.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Elle me semble assez bien décrite dans ma bio… Comme j'écris sous un pseudonyme d'auteur, ça dépersonnalise un peu. Curieuse sensation… Ceci dit, je pourrais vous parler des nombreux sites web des émissions dont je m'occupe, mais ce serait me dévoiler un peu trop.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

L'écriture. L'écriture de mail, même, principalement des mails fictifs…. Puisque le websoap a comme particularité d'utiliser exclusivement les moyens du web pour raconter les récits, il se donne comme objectif de mettre en place. Le défi que lance à ses auteurs notre réalisateur/intégrateur Olivier Lefèvre est de taille. En effet, habituellement, l'écriture, qu'elle soit de roman, de scénario ou de théâtre, implique des descriptions, des indications de mise en scène (ou des didascalies pour le théâtre). Ici, rien de tout ça. Tout doit se dire sous forme d'adresse à un autre personnage. Il faut ensuite rebondir sur la ou les réponses, et s'arranger pour que le nécessaire soit dit. De plus, logiquement, une adresse à un tiers est le plus souvent succinte, pleine de référence et de sous-entendus, entre le ton parlé, un ton un peu littéraire, un ton un peu dépersonnalisé par rapport à la parole, mais proche quand même de son interlocuteur. On est plus proche du roman "épistolaire" du 19e (siècle, pas l'arrondissement qui n'a rien à voir), que d'une continuité dialoguée… Donc, exercice difficile pour tout "tchatcheur", être court, mais tout dire, tout en restant léger… Heureusement, de temps à autre nous sommes aidés par un concept qui nous vient droit du jeu de rôle (d'autres auteurs du websoap nous viennent de ce secteur): le PNJ, le personnage non joué. Des adresses à ce personnage, proche du second rôle d'une fiction classique, mais non joué par un des "joueurs-auteurs", permet de préparer LE mail décisif à un autre personnage principal, en mettant en place la situation. Attention tout de même: il faut rester dans la cohérence du récit et assurer stabilité et visibilité! En fait, un peu comme dans la dramaturgie cinématographique ou théâtrale, où l'importance du hors champ n'est plus à inventer, le sens saute d'un mail à l'autre. Plus clairement, un mail qui a un sens très positif en tant que tel, peut en prendre un tout autre, lorsqu'il est complété par une information distillée par un autre mail. Dans cette nouvelle forme d'écriture, tout s'invente en temps réel. Et c'est ce qui est passionnant…

= Les possibilités offertes par l'hypertexte ont-elles changé votre mode d'écriture?

On le voit, les possibilités de l'écriture spécifiques à l'internet sont multiples (si pas infinies, on est en tout cas loin d'en avoir fait le tour). L'hypertexte en est une, bien entendu. En effet, j'ai jusqu'ici beaucoup parlé du mail. Si des renvois référentiels sont souvent fait d'un mail à l'autre, ils ne sont renforcés d'un véritable lien que quand le sens du récit l'impose, ce n'est pas la principale utilisation ici de l'hypertexte. Je ne vous ai pas encore parlé de l'écriture spécifique du site web des personnages. Là aussi, une idée originale très intéressante de notre réalisateur/intégrateur, c'est de caractériser le personnage par son site web. Car qu'y a-t-il de commun, vous le verrez si vous explorez la galaxie des sites du websoap, entre le site de Mona (le soleil de la galaxie!), celui de Sadie Nassau (le trou noir, sans doute, de cette galaxie, qui entraîne dans sa chute tout les autres…) et, à l'autre extrême, celui d'Antonin, l'observateur patenté de cette galaxie. Pour ne parler que de celui de mon personnage, le site se veut clinquant, vendeur, imitant (jusqu'à la perfection?) ce qui se fait de pire dans le secteur du "webtertainment", terme nouveau que je viens d'inventer. Pour cela, pas besoin de chercher beaucoup, toutes les sociétés d'entertainment, des plus grosses chaînes TV commerciales au plus petite start-up (STARTOP?), cherchent de nos jours à décrocher le jackpot en attirant les "hits" de "prospects"… Je me suis inspiré (!) au passage de tout ce qui fait la trash TV de nos jours, la télé voyeuse où on enferme des quidams dans un lieu clos pour étudier leurs réactions, concepts européens qui cartonnent dans le monde entier. Pas si loin d'ailleurs de l'entomologie du site "Insectalia" animé par Mona Bliss, un des personnages principaux du websoap. Pour la petite histoire, dans le nord de l'Europe, les sites de ces émissions de trash TV changent complètement la donne en matière de web, en faisant exploser le nombre de connexions, sur les réseaux qui les accueillent (jusqu'à 700.000 pour le site big brother en Belgique…). Pour revenir à l'hypertexte, dans de nombreux mails, je (le personnage) renvoie à mon (son) site. Au fur et à mesure de la mise en ligne des éléments, Sadie Nassau annonce triomphalement ses succès par mail, avec un lien vers la page concernée du site… Mais lorsque la mécanique s'enraye, les renvois vers ce site (effectués automatiquement par le serveur de sa société STARTOP) prennent un tout autre sens. Et lorsque d'autres personnages découvrent la vérité cachée du personnage de Sadie Nassau, et le lui signalent, ou préviennent d'autres personnages de ne pas frayer avec lui, là aussi, les liens prennent encore un autre sens… Inutile de vous préciser que je joue le rôle du mauvais…

= Comment voyez-vous l'avenir?

Comme vous avez pu le lire, je m'y intéresse de très près, puisque toutes les activités que développe mon personnage ne parlent que de ça. L'ensemble du websoap s'apparente d'ailleurs à une mise en abîme des tendances qui traversent le net de nos jours. Le déchirent même. Alors l'avenir… Quand on observe, et même qu'on joue, des personnages qui représentent des tendances à la manière d'un soap, connaître le vainqueur à l'avance n'est pas simple. Selon le personnage que j'anime, la réponse est différente. Et il y a des pièges. Dont le principal me semble être celui-ci: si, à force de travail, c'est mon personnage principal qui plaît au public, et non ses opposants, la réponse à votre question pourrait être inquiétante… Je préférerais vous en donner une autre, celle que je développe dans une autre oeuvre, Neiges d'anges (incluse dans Les yeux du labyrinthe). J'y raconte le réseau projeté dans une vingtaine d'années, aux mains de personnages comme ce Sadie Nassau qui tiennent le haut du pavé. Et sous ces pavés, quelle plage? C'est toute la question.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Oui, c'est un des questionnements de l'équipe du websoap. A l'heure actuelle, il semble que l'internet soit encore considéré majoritairement comme un outil de travail, ou au mieux, comme un outil de consultation de documentation, d'infos en ligne, ou de services (réservations, prix, achats en ligne). Pas encore de loisir proprement dit, à part pour une minorité d'addicts de jeux, de free TV, de téléchargements musicaux ou de … sexe virtuel… La principale raison à cet état de fait est technique. La majorité des équipements se trouve dans les bureaux, et les connexions permanentes (câble, ADSL…) sont loin d'être majoritaires. Ce détour pour constater que le meilleur outil de lecture reste le livre, qu'on peut emporter n'importe où. Dans ma pratique professionnelle, et celle de la plupart de mes correspondants dans les médias, toute la création de documents (projets, scénarios, contrats, devis…) passe par l'ordinateur, les textes circulent par e-mail et attachements, mais leur lecture et/ou analyse passe par les tirages papier. Rares sont ceux qui échangent directement les infos sans ce passage obligé. Il faut une tournure d'esprit particulière pour arriver à envisager globalement un document, l'analyser, le corriger, sans l'imprimer. Par mon activité web, je m'y exerce, et ce n'est au fond pas désagréable du tout.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Il n'est pas impossible que, si on assiste à une véritable généralisation de l'e-book, ou à travers les Psion, Palm, Wap, UMTS (universal mobile telecommunications system)… qui sait, le papier finisse par être détrôné. Mais dans l'état actuel, le papier ne me paraît pas mort. Les premiers qui auront à souffrir, me semble-t-il, ce sont les journaux. Puisque la fonction info et service est déjà très répandue sur le net, via les sites des journaux eux-mêmes. Les grands médias sont en train de s'embarquer dans ce train-là, voir les sites de TF1, Canal+, etc… Les autres (l'édition principalement) passeront encore longtemps par l'étape tirage papier… Mais il se passe quelque chose via les sites de webtertainment dont je parlais plus haut, des habitudes se prennent, surtout chez les jeunes. Et là, une initiative comme la nôtre pourrait participer à un changement de la donne. En effet, l'activité proprement mail est un phénomène sociologique incontestable qui s'explique par une certaine dépersonnalisation des contacts permettant aux jeunes d'oser dire plus facilement ce qu'ils ont à dire. Paradoxalement, le texte qu'ils ont écrit leur paraît être une personnalisation de leur discours, puisqu'il existe sous forme écrite. Enfin, les fonctions envoi et retour confirment l'existence de leur discours, puisqu'il est lu, et qu'on y répond. Dans ces échanges là, le papier a déjà complètement disparu. L'exploration de ces formes de discours par nos personnages est donc en pointe. Et leur communication à un large public un réel enjeu.

Enfin, je pense surtout que c'est l'arrivée du fameux "papier électrique" qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de "papier" - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un e-book sur papier, en somme, ce que le monde de l'édition peut attendre de mieux.

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

Question épineuse s'il en est. Si c'est pour enrichir encore de grosses sociétés multinationales et surtout leurs actionnaires (les fonds de pensions américains que Beigbedder touche du doigt), de nombreux internautes dont je suis se rebellent face au "copyright". Par contre, si c'est pour permettre à des créateurs, des artistes ou des musiciens de vivre de leurs passions, le droit d'auteur au sens noble me paraît légitime. Le débat est le même que celui de l'exception culturelle face au GATS (General Agreement on Trade in Services). Copyright contre droit d'auteur! Mais il règne dans le domaine une confusion soigneusement entretenue, ou les deux sont amalgamés. "On" fait monter au créneau des artistes pour défendre une liberté qui pourrait ne profiter finalement qu'aux multinationales. Firmes qui s'empresseront d'étouffer ces petits soldats de la liberté, si on leur en laisse le pouvoir, sur le net. Et oui, contrairement aux droits d'auteurs qui sont incessibles, le système de "copyright" permet à ses "propriétaires" de modifier les conditions contractuelles aux moments qui les arrangent. On a vu plus d'un artiste parvenir à la vice-présidence de l'une ou l'autre de ces firmes grâce à ses ventes faramineuses, puis perdre jusqu'à leur nom dès que ces ventes ne suivent plus! Il me semble qu'il faut surveiller de très près le fameux accord entre BMG et Napster, par lequel, contre un abonnement assez minime somme toute, n'importe qui pourra charger des fichiers en toute légalité. Certes BMG est une multinationale, certes Napster est en passe de perdre son procès contre les autres multinationales de la musique; mais ce système de forfait peut amener à des solutions originales d'équilibre entre la liberté de l'internaute et la rémunération légitime des artistes. Tenant compte de toutes ces contradictions, valider un modèle économique, puisque c'est le dernier concept à la mode dans le domaine du net, n'est pas des plus évidents…

= Quelles sont vos suggestions pour un véritable multilinguisme sur le web?

J'attends les fameuses traductions simultanées en direct-live… On nous les annonce avec les nouveaux processeurs ultra-puissants, mais on nous les annonçait déjà pour cette génération-ci de processeurs. Alors, le genre: vous/réservé/avion/de le/november 17-2000… Non merci. Plus tard peut-être.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Je suis assez proche géographiquement de la société Lernout & Hauspie, qui est tombée en faillite. C'était le leader en matière de reconnaissance vocale… Donc, je ne suis pas très optimiste dans ce secteur non plus, pas avant de plus larges bandes passantes et/ou les processeurs ultra-puissants qu'on nous annonce donc pour très bientôt.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Lequel? Celui des Gibson, inventeur de la formule, des Spinrad ou des Clarke, utopies scientifiques pas toujours traitées comme elles devraient l'être? Ou celui des AOL/Time-Warner, des Microsoft ou des… J6M-Canal/Universal…

Tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle, c'est que ce qu'on peut encore appeler le cyberspace est multiforme, et qu'on ne sait pas qui le domptera. Ni s'il faut le dompter d'ailleurs… En tout cas, les créateurs, artistes, musiciens, les sites scientifiques, les petites "start-up" créatives, voire les millions de pages perso, les chats, les forums, et tout ce qui donne au net sa matière propre ne pourra être ignoré par les grands mangeurs de toile. Sans eux, ils perdraient leurs futurs "abonnés". Ce paradoxe a son petit côté subversif qui me plaît assez.

= Et la société de l'information?

Dans l'idéal, un lieu d'échange, le fameuse agora du village global. Mais l'idéal… Tant que le débat existe entre les fous du net, et les VRP de la VPC, il y a de l'espoir. Le jour où les grands portails se refermeront sur la liberté d'échanger des infos en ligne, ça risque plutôt d'être la société de la désinformation. Ici aussi, des confusions sont soigneusement entretenues. Quelle information, celles du 20 heures à relayer telles quelles sur le net? Celles contenues sur ces fabuleux CD, CD-Rom, DVD chez vous dans les 24 h chrono? Ou toutes les connaissances contenues dans les milliards de pages non répertoriées par les principaux moteurs de recherche. Ceux qui ont de plus en plus tendance à mettre en avant les sites les plus visités, qui le sont dès lors de plus en plus. Là, on ne parle même plus de désinformation, de complot de puissances occultes (financières, politiques ou autres…), mais de surinformation, donc de lassitude, de non-information, et finalement d'uniformisation de la pensée. Sans avoir de définition précise, je vois qu'une société de l'information qui serait figée atteindrait le contraire de sa définition de base. Du mouvement donc…

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Incontestablement quand apparaissent mes propositions de mails ou de design de site sur le web. Quand je revois les préparatifs, les brouillons, et que je vois ce que ça donne, c'est comme un flash. Au fond, c'est le même plaisir lorsque sur des Napster ou Gnutella, on trouve enfin LE morceau introuvable qu'on avait perdu d'ouïe depuis dix ans, on le charge, on attend, 1%>50%>99%>file complete, on le lance. Raaaah…

= Et votre pire souvenir?

C'était au tout début, une de mes premières utilisations du médium. Je recherchais dans le cadre d'un projet des sites un peu rebelles, anarchisants, des trucs comme ça. Je tape "cyberpunk" dans Yahoo!, s'affiche la classique liste de sites. "Anarchy on the net, cyberpunk rock the web", ce genre… J'essaye d'en ouvrir quelques uns… Surprise! Un banner "NetNanny" m'interdit l'accès aux sites. Emanation d'un groupuscule de la "majorité morale" américaine, ce "NetNanny" s'autorisait à interdire les sites qui ne lui plaisent pas… Je ne l'ai plus jamais rencontré depuis, mais quelle saleté, ce truc. Enfin, à l'autre extrémité, il y a bien le procédé dit de "l'exit console" où, au moment de sortir d'un site, on vous "propose" une autre page, puis une autre, puis une autre, impossible de sortir. Ça, je n'en ai pas fait l'expérience, mais ça doit être hard. C'est d'ailleurs un procédé de site hard, ai-je lu quelque part…

*Entretien du 25 janvier 2001

La totalité de cet entretien est consacrée à l'e-book.

= Quel est votre sentiment sur l'e-book?

E-book, e-book, ai-je l'air d'utiliser un e-book, avec ses grands yeux qui me regarderaient dans la nuit? En voilà une accroche, isn't it? ("n'est-ce pas" pour les non-polyglottes…). Pour répondre à toute question à propos d'e-book, je n'ai qu'une seule envie, me laisser aller, j'écris sous pseudonyme… D'accord, pas me laisser aller au point de cette intro, un peu, disons, légère…, mais me laisser aller à un exercice auquel j'ai pris goût il y a peu, genre "j'ai testé pour vous…". Encore faut-il pour cela disposer de l'appareil dont on parle. Dites-moi donc, oui, vous aussi, là, ceux qui me lisez: qui possède un e-book? A part peut-être les quelques journalistes qui ont pu bénéficier des différents modèles quelque temps, au moment de leur sortie. Vous voyez… Donc, rabattons-nous sur ce qu'on en dit sur internet (quelques pages en français au hasard, ici, cette page assez bien faite, qui reprend tous les intervenants du secteur, Olympio.com, CyLibris.com et bien sûr 00h00.com). Examinons ce que j'en sais, et ce que je déduis des deux premiers, avec quelques raccourcis, pas la peine d'allonger la sauce. Puis, mais soyons un peu créateur, laissons-nous aller à quelques intuitions… Evidemment, cela va donner une série d'impressions sans doute pas très scientifiques, ni très documentées. Mais faute de grive, pour rester dans une comparaison avicole… Pourtant, cela fait plus d'un an qu'il est sorti, non, l'e-book? Il a fait la vedette du salon de Paris (oui, du livre, pas de l'automobile, qui s'appelle, lui, le mondial), il s'est invité à la foire du livre de Bruxelles (une foire…), il a été un peu éclipsé à celle de Francfort lors du rachat par Spielberg de l'idée du bouquin de Marc Lévy Et si c'était vrai, paru chez Laffont. On attend le film… ou l'e-book. A voir ce qui se vend sur le net, aux USA et en France, il doit y en avoir des e-books, à moins que ce ne soit l'effet Nasdaq d'avant la chute, des investissements en valorisation boursière, sur le futur, paraît-il. Qui pourrait nous dire si ça se vend? La Fnac annonce pour 2000 un excellent chiffre pour les e-books, Franklin aussi. Mais à voir les forums qui y sont consacrés (notamment celui de 00h00), ce secteur n'a pas l'air de décoller franchement…

= Quelle est la problématique?

L'e-book, en fait, pose tout simplement la problématique du terminal dédié… Sans être vraiment nouvelle, elle a été assez peu abordée pendant des années. Pour le terminal de lecture, quelques lignes dans un bouquin de SF de 1977 (La Stratégie Ender, de Orson Scott Card, prix Hugo 1986), sous forme d'ardoise "magique" pour élève studieux, l'auteur appelait cet objet "bureau"… On vient de loin. Pas la peine de faire de grandes recherches, le sujet a été assez peu mis en scène, quoi qu'on en dise. On le rencontre dans les Star Trek et autres Alien 4 où on montre des variantes de l'e-book, au milieu des années 90. Il faut dire que le formidable développement de la micro (merci messieurs Jobs, Allen, Gates et consorts) semblait avoir relégué la problématique du terminal dédié à la période jurassique du développement technologique. A quoi bon inventer le moindre de ces objets utiles à une seule application, alors que tout ce qu'il peut contenir ne représente que le quart du tiers de ce qu'un micro peut faire. Une seule application s'est imposée, liée à l'écran TV, c'est celle "dite" des jeux vidéo qui, elle, s'est largement répandue. De toute façon, les réseaux ne permettaient pas de charger de contenu… Et précisément, la problématique est une question de contenu, mais pas encore. D'ailleurs, pendant des années, le seul débouché des auteurs dans ce secteur a été… l'écriture de jeux vidéo! Depuis dix ans au moins, la micro plafonne. Quelques renouvellements d'appareils, toujours aussi peu pratiques sur les applications pointues puisqu'elles doivent tenir compte de l'ensemble de leurs applications. L'équipement des ménages s'essouffle, ceux qui se sont équipés le sont. Pour les autres, on pénètre le marché, beaucoup plus lentement. Et voici que se gonfle la bulle financière du Nasdaq… L'aubaine, les connexions permettent le contenu! En plus, la com(.com) éclate, processeurs hyperboostés, modems à bande de plus en plus large, start-up, téléphones portables… Tiens, le voilà enfin, le premier terminal dédié qui a éclaté, dépassant même le succès des jeux vidéo! La bulle financière, enfin, ce qu'il en reste, continue à l'exploiter jusqu'à la corde son téléphone portable. Et il donne à réfléchir aux autres secteurs. Organisateurs personnels, e-books, et autres lecteurs MP3 s'engouffrent dans la brêche. Même les jeux vidéo se chargent par internet, de nos jours. Le Nasdaq attend maintenant la langue pendante qu'on valide ces modèles économiques, qui ont déjà englouti des tombereaux de capitaux. Je crains que si en juin, on ne sent pas un sensible frémissement dans ces secteurs, ça ne chauffe sérieusement dans les start-up. Or, sans contenu, pas de marché, c'est le serpent monétaire qui se mord la queue. Tout le monde sait que le contenu met du temps à s'imposer. Qu'il faut tester des idées, prendre des risques, et s'attendre à ne pas s'attendre à celles qui s'imposeront. Qui avait prévu le boum du "texto" (SMS en Belgique), à l'arrivée des téléphones portables? 2 millions de ces petits messages qu'on envoie d'un téléphone portable à l'autre, ou depuis internet, circulent chaque jour en Belgique. Un véritable phénomène de société! Alors, qui va investir dans le contenu, ne fut-ce que pour tenter de reproduire ce hit? La voilà la question du contenu… Mais d'abord, quelles applications permettent de fréquenter des contenus sur les terminaux les plus adaptés? Cette question a un petit parfum de dernière chance. C'est qu'il ne faut pas espérer attirer Billancourt avec un soft inadapté. Je crois que voilà l'heure de mon fameux "j'ai testé pour vous".

= Quels sont les logiciels?

Quels logiciels donc? L'Open eBook, bien sûr, le logiciel qui est censé avoir mis d'accord la plupart des constructeurs, au début. Une manière de dérivé du langage HTML (et XTML) principal langage d'internet (et des Waps et autres UMTS pour l'autre, le x). Ce n'est pas trop la peine de développer, tous ceux qui me lisent ici savent (sûrement mieux que moi) de quoi je parle. Petite remarque fondamentale tout de même sur l'HTML. Pour une lecture classique, il y a une particularité intrinsèque à ce langage. Il s'affiche page par page. Jusque-là, ma foi… Un livre aussi, il n'y a qu'à la tourner, cette page. Seulement, imaginez un livre où, pour tourner la page, il vous faut vous lever, aller chercher la page suivante à la bibliothèque, vous rasseoir, et ne commencer à lire cette page qu'après toutes ces manipulations… Ereintant, non? C'est la démarche qu'effectue pour vous l'HTML. Et parfois, sur internet, c'est long, long… Donc, solution, on allonge la page un maximum, vous permettant de faire du "scrolling" par la barre de droite, ou directement par la souris (ah l'intellimouse, quelle invention…). Autre solution, on crée des raccourcis genre page suivante, qui a intérêt à ne pas être trop lourde à charger. Et enfin, en droite ligne de ce qui précède, on crée les hyperliens, créant de ce fait l'hypertexte. Drôle de détour, pour éviter de se déplacer de son fauteuil virtuel à la bibliothèque tout aussi virtuelle, on invente un nouveau langage qui révolutionne la pensée contemporaine. A quoi ça tient, tout de même, un peu de paresse, un paradoxe, et voilà… Petite remarque complémentaire, comme ça, en passant. Vu l'habitude des Américains de breveter les algorythmes, il semble que BT (British Telecom) ait l'intention de breveter l'hypertexte qu'il aurait inventé, ce qui provoquerait des situations inextricables. Une affaire à suivre assurément! Les premières rencontres que j'ai eues avec l'HTML m'ont un peu dérouté, il y a longtemps déjà. Pour la consultation, soit, mais pour la lecture, la l-e-c-t-u-r-e! Puis, je suis tombé sur le site Anacoluthe.com, celui où Olivier Lefèvre a mis en scène les fameuses Apparitions Inquiétantes d'Anne-Cécile Brandenbourger. Réconciliation immédiate avec l'HTML. Enfin quelque chose à faire avec la matière littéraire qui s'entassait depuis des années dans mon ordinateur complètement autiste. On frise l'approche du contenu, là…

= Et à part l'Open eBook et l'HTML?

Je ne vous ai pas encore parlé de Bill (hi Bill), un comble lorsqu'on aborde une problématique de logiciel, quelle qu'elle soit… Il n'y a rien à faire, il ne peut pas s'empêcher, dès qu'il y a un nouveau logiciel à mettre au point, Microsoft se lance. Incorrigible… Et voici, mesdames et messieurs, "le" logiciel de lecture sensé effacer tout les autres: j'ai nommé Microsoft Reader! C'est quasi comme ça qu'il se présente, comme d'hab. Et comme d'hab, c'est top cool ;-)… C'est qu'ils en ont des dollars, à Seattle. Téléchargez-le et testez, vous verrez, en plus c'est gratuit. Vous aurez même droit à un (tout petit) document de présentation. J'attends tout de même de voir tourner le truc en réel, avec un bon gros bouquin bien lourd, plein de sens… Adobe, l'acrobate, ex-Glassbook, qui, soit dit en passant, va changer de nom d'ici peu, lui, ça fait longtemps qu'il officie dans les réseaux (le PDF, grand classique du genre). C'est un assez bon format de chargement, d'impression, et de lecture. Il est gratuit aussi, chez Barnes & Noble par exemple, qui diversifie ses sources, en 2001. Pas comme Amazon.com qui reste Microsoft Reader pur et dur. Encore qu'ils annonçaient pour janvier la possibilité de commander les eBookman de Franklin. Ils y sont,mais il faut les trouver: rubrique "Electronics", et browser le nom de l'objet. La référence e-book livre du Microsoft Reader, cqfd. Mais tous ces logiciels manquent un peu de fantaisie, et de liberté de choix. Plutôt le format page que le format plan ou normal, ce sont eux qui choisissent pour vous. Or moi, j'aime choisir, varier selon ce que je lis, l'endroit où je suis… Tiens, le Cytale me donne en prime le choix des caractères… Tandis que l'Adobe m'offre un "rotating system", pour lecture sur "notebook computer". Parce que les autres pas? Non, je n'ose l'imaginer. Et si, la plupart des systèmes proposent du format "à la française", plutôt que celui "à l'italienne"; il paraît qu'on le préfère depuis les Egyptiens… Un seul document classique aurait été publié "à l'italienne", en largeur donc, dans l'histoire de l'édition. Mais pourquoi ne pas profiter de la nouveauté pour donner le choix? Surtout si l'on pense aux nombreuses éditions autres que les livres classiques. Livres d'architecture, plans, livres d'art, BD, livres pour enfants, et toute autre application possible. Tiens, un exemple, comment fait-on pour avoir le fameux "tube" éditorial 2000 en e-book: La terre vue du ciel? Il est bien disponible en écran de veille à l'adresse Photoservice.com. Ce manque d'ouverture risque de bloquer un certain nombre de possibilités. Ne dit-on pas que le premier marché visé est celui des applications professionnelles, éducatives ou de documentation? C'est justement dans ces domaines que des demandes particulières peuvent surgir inopinément. Autant le prévoir. Allons bon, nous voilà revenus aux ardoises magiques…

= Le e-book est-il une ardoise magique ou un soft?

Quand on fréquente tous ces softs, on s'aperçoit d'une confusion qui me semble soigneusement entretenue. Qu'entend-on exactement par e-book? Personne n'est capable de répondre à cette question toute simple. Personnellement, et j'ai ouvert ma réflexion par ça, je voyais le petit objet portable sur lequel on lit des livres numérisés. Sur le site Microsoft et celui d'Adobe c'est plutôt le soft qui permet de lire ces livres, tandis que sur ceux d'Amazon.com, de Barnes & Noble, et des autres vendeurs de "contenu" en ligne, l'e-book, c'est tout simplement les livres qu'on vend. Et encore, Amazon.com ne vend son "contenu" qu'en Microsoft Reader, et si chez d'autres le choix est plus grand, ces "contenus" paraissent un peu "prétextes commerciaux". Chez 00h00, on ne vend que du Rocket eBook, hormis bien sûr, le PDF dont ils sont les pionniers. Par contre, chez PeanutPress.com, vendeurs d'ouvrages du commerce on a même droit au… Peanut Reader! Et d'autres initiatives voient le jour, genre édition à compte d'auteur chez Publibook.com, qui permet pour un forfait modique d'être vendu sur le site en format papier et en format Palm Pilot et Rocket eBook. Certes, ils allouent à l'auteur entre 18 et 36% des ventes, mais au milieu d'un catalogue qui pourrait aller jusqu'à 6 millions d'auteurs, sans critères, sans références, n'est-ce pas un peu une manière "d'arnaque classique" du compte d'auteur adaptée au net? A voir. Initiative peut-être plus riche, celle d'Olympio.com, initiée par Françoise Bourdin, qui suit un peu mieux les auteurs qu'ils publient, mais dont le Reader Olympio (était-ce bien utile?) ne marche pas si bien, dit-on. Quelle importance, me direz-vous? Tout d'abord, on constate que des plus gros vendeurs aux initiatives marginales, tous ne s'intéressent qu'assez peu à l'objet e-book. Ils ont l'air de se contenter de "vendre" du soft et les livres qui vont avec… Certes les softs sont gratuits, mais est-ce encore la tendance actuelle du Nasdaq? Dans la réalité actuelle du marché, cela revient majoritairement à charger le livre choisi sur son ordinateur fixe. Or qui va lire un livre pendu à son ordinateur fixe, à moins de l'imprimer, pendant un temps plus ou moins long, selon le type d'installation et d'imprimante? Moi quand je lis, j'aime lire n'importe où, dans n'importe quelle position, dans l'escalier, dans le métro, aux… Partout quoi. Donc, pour vraiment démarrer, les e-books devraient impérativement être portables. Et bien, figurez-vous que ces portables ont chacun leurs softs (tous dérivés de l'Open eBook semble-t-il). On ne choisit pas son application. Pour peu qu'elles soient trop rigides, et on regrette son achat. Le seul fait de penser qu'on risque de regretter son achat n'est pas très bon pour les chiffres de ventes… D'où l'importance de la fluidité du soft. Et de sa compatibilité! On a l'air parti vers le terminal dédié non seulement à la lecture exclusivement, mais à la lecture via un soft dédié à l'appareil exclusivement. Donc, celui qui maîtrise le contenu sur le soft qui se vendra le mieux (hi Bill)… On tourne en rond, voilà pourquoi je pense la confusion soigneusement entretenue. Celui qui possède le plus grand nombre de livres en "droits numériques" vendra le plus de soft, de books, et d'appareils… La concurrence va bientôt faire rage dans le domaine des achats de droits, si elle ne le fait pas déjà. Et le Rocket eBook de Gemstar, il n'était pas sensé avoir rejoint l'Open eBook? Parce que la première pub, ici, c'est "no scrolling!"… Or, sur 00h00, ceux qui ont essayé le Rocket eBook expliquent comme il est agréable de faire défiler les pages du livre qu'ils lisent. Ce mode "tourner la page", ressemble à une fonction hypertexte déguisée en "la" fonction "livre" la plus classique. En fait, comme les autres, cet e-book a son propre système de lecture (le RCA REB 1100) inclus dans la machine. Moi, on l'a vu, je suis plutôt "scrolling"… Chez Microsoft (j'écris en Word, et oui, personne n'est parfait…), je choisis plutôt la "view" normale plutôt que celle à la "page", et je "scrolle", je "scrolle". Très souvent, en HTML, plutôt que de cliquer l'hyperlien pour le chapitre suivant, je scrolle… Peut-être est-ce que je trouve plus important de réserver les hyperliens à des fonctions plus évoluées? Ou cela me permet-il de survoler le texte et d'accrocher des mots au passage, comme une première familiarisation avec les propositions de l'auteur? Je ne sais pas très bien. Evidemment si le texte nous fait des centaines de pages… Tandis que dans tous ces logiciels, les hyperliens nous sont présentés comme outils de navigation. Chapitres suivants, mots-clés, notes de bas de page, même les signets en sont. Bien, très bien même, pratique, ça roule, rien à dire. Mais un peu autiste, non? Dans les démos téléchargeables, on finit très vite par tourner en rond. Chez Open eBook, outre la navigation, chapitre, etc…, les liens sont présentés en plus comme des références à des publications en ligne. Simplement, quand on lit sur un e-book portable, on est censé être hors ligne, donc ces liens donnent sur… le vide! Impressionnant! Un peu schizophrène aussi. Quelques systèmes plus intelligents, comme le Franklin Reader, proposent des versions pour… Palm Pilot. Version qui dans ce cas précis risque de concurrencer son propre eBookMan, dont le nom est assez bien choisi, remember walkman, discman… Il est censé sortir en février, mais les informations diffèrent selon les sources. Il est en tout cas en précommande (voir Amazon.com). Quoiqu'il en soit, le gros avantage de charger une version e-book sur son organisateur, c'est que dans un avenir très proche, avec l'UMTS, il sera relié à un réseau fiable en permanence. Déjà, au Japon, la génération actuelle de téléphone portable relié au réseau permet la lecture (par i-mode l'intermédiaire entre le Wap et l'UMTS), et c'est un des "top succès 2000": 15 millions de Japonais l'utilisent. Par contre, nulle part ces hyperliens ne sont présentés comme vecteurs de sens. Sans doute est-il trop tôt… Et oui, c'est du contenu…

= Parlons maintenant du contenu.

Bon, ça va, on va en parler du contenu, je sens que vous insistez. Dans l'état actuel des choses surtout telles qu'amorcées plus haut, le contenu, c'est "la" killer application à trouver! C'est l'eldorado du 3è millénaire, dont on est sûr qu'il durera mille ans, lui: c'est "le" millénaire du siècle! Tous ceux qui s'occupent de contenu se regardent en chien de fusil, dans l'attente de la fin de ce misérable "effet Bush" qui freine le Nasdaq. Et chacun d'être sûr qu'il la détient, cette killer application. La concurrence! Les yeux braqués sur l'immédiat, y en a-t-il un qui se penchera sur les véritables trésors entassés depuis des millénaires dans les bibliothèques du savoir? Et qui cherchera à le diffuser dans les réseaux? A voir les millions de pages non référencées par les moteurs de recherche les plus courants, dont je parlais dans mon précédent entretien, ça m'étonnerait. Quoique… Tous ce qui se dit dans les sites, forums et actes de colloques autour du livre numérique depuis 1998, à l'initiative de différents pouvoirs publics (ministère de la culture, mission interministérielle), et de référents en la matière (00h00, Cytale…), tous jurent la main sur le coeur avoir cette perspective comme but ultime. Et en effet, il semble que la numérisation du domaine public soit en bonne voie. Mais pour ceux qui cherchent à télécharger gratuitement ce type d'oeuvre, où sont les références? Qui aura le courage d'inventer "le Napster, le Gnutella" de la pensée? Et ce, en toutes les langues? Qu'on ne se laisse pas paralyser par les actions d'une justice qui a montré ses limites en se choisissant souverainement son dirigeant suprême, le procès Napster est bien celui de puissantes multinationales et non celui de pauvres auteurs spoliés. Elles détiennent la musique, le cinéma, mais pas la pensée… Les bibliothèques publiques peuvent encore avoir leur mot à dire. Seulement, ils font peur ces quelques commerçants défendant leur beefsteak - littéralement, leur morceau de boeuf - ici, leur part de marché. Elle n'est pas si négligeable, si elle permet aux artistes actuels de vivre de leur talent. Mais ça s'arrête là. Leurs actions deviennent écoeurantes lorsqu'elles se mêlent de breveter le vivant. Les grands penseurs du passé doivent pouvoir rester vivants. Il est donc hors de question de les nourrir de leur propre chair, sous forme de farine littéraire, si vous voyez ce que je veux dire… Surfez donc sur les sites de vendeurs de contenu: tous proposent de télécharger gratuitement des "oeuvres", et quelles oeuvres! Si on aime les petites nouvelles genre Reader's Digest, ou les vieux Sherlock Holmes à deux sous… Bref, on devrait pouvoir se connecter pour capter ce que l'on veut des grandes oeuvres de toujours. Dans ce cas, je ne vois pas ce qu'il y aurait de rébarbatif à acheter les derniers trucs à la mode, ceux qui sont présentés dans toutes ces libraires amazoniaques en ligne. Ces quelques envolées lyriques pour signaler à qui de droit que l'ardoise magique peut toujours permettre d'éduquer les masses, comme à l'époque glorieuse de la 3è (république, pas internationale, ni millénaire d'ailleurs, ce serait "le"…). Qui aura le courage (financier) de mettre en place une structure simple de contact entre ces applications e-book, et ce contenu encore totalement libre de droit que constituent les millions de pages littéraires, scientifiques, philosophiques disponible sur le net à qui voudrait aller les chercher. Franchement, il faudrait les déboguer, ces pages, c'est peut-être là qu'il se cache, le "bug" de l'an 2000, dont on a tous oublié jusqu'à l'existence… Terra incognita, on parlait d'Eldorado, tout à l'heure… C'est de ce genre de truc que je parle, quand je parle de killer application. En ce sens, l'objet e-book aurait plutôt intérêt à bénéficier d'un disque dur solide, sur le modèle du Juke Box Nomad MP3 de Creative, qui bénéficie d'un disque dur de 6 giga, permettant de charger en MP3 environ 100 heures de musique (70 CD!), une aubaine pour les adeptes du "peer to peer"; musical. Je ne sais pas si les jeunes vont adorer, mais le genre "laisse tomber l'ordinateur de papa, et grâce à ton ardoise magique, prépare ton cours par téléchargement direct", ça devrait le faire… Question de communication intelligente. De toute façon, si personne ne le fait, ça se fera tout seul, via le "peer to peer", ce procédé mis au point justement par les "Napster" et autres "Gnutella". Et ce sera pire pour les détenteurs de droits, tant pis pour eux… Que fait la mission interministérielle? Si ce n'est pas de l'exception culturelle, ça…

= Comment sécuriser le contenu?

En matière de multilinguisme sur le net, ce sont surtout les traductions d'un code d'identification à l'autre qui règnent. C'est à dire des trucs du genre ISAN (international standard audiovisual number), UMID (unique material identification) et surtout DOI (digital object identifier), qui a certainement son utilité d'identification lorsqu'on charge le dernier truc à la mode. Ce type de vente en ligne est censé faire fonctionner le bazar, on est bien obligé de le constater, mais le côté policier de son identification devrait s'arrêter en même temps que la notoriété du "tube littéraire". Question de choix de société. Texte qui devrait être ensuite échangeable sous d'autres modalités financières, avant d'entrer dans un domaine public plus ouvert. Les modalités proposées aujourd'hui impliquent un vecteur de transmission de la culture qui identifie un peu trop son consommateur. Ce qui représente un danger, quand on pense à l'utilisation qui pourrait en être faite. C'est contraire à la Convention de Genève en matière de droit de l'homme, et même à celle de Berne, en matière de droit d'auteur. Si le droit d'auteur est un droit de l'homme comme le proclame la fondation Beaumarchais de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques, ndlr), ou plus simplement le salaire de l'auteur comme le disent les sociétés de droits d'auteurs musicaux, il ne faudrait pas qu'il devienne un intégrisme trop capitaliste. Comme le disait Patrick Altman dans Libération (du 6 avril 2000, ndlr), ce système de mise au net totalement exclusive représenterait "la première fois depuis la tradition orale, [qu']un vecteur de transmission de la culture permet[trait] de donner sans être dessaisi de son don". Triste constatation, non? La validation du modèle économique vaut-elle tous les renoncements? Peut-on viser l'équilibre budgétaire sans vendre son âme? Que ne ferait-on dire à Faust… Qu'il préfère Big Brother à Don Quichotte? Toujours est-il que le principal reproche qu'on peut faire au système de téléchargement d'e-book (qu'importe le logiciel), c'est qu'il faut s'identifier pour avoir accès à la culture. Et qui pourra nous dire qui en sont les propriétaires, de ce système, et qui en sera propriétaire demain? Celui qui utilisera de telles bases de données à des fins commerciales ou politiques sera le "king" du siècle, et plus s'il est assez puissant. C'est le 3è millénaire qui doit durer mille ans, pas un autre 3è plus hypothétique, mais plus effrayant (dans ce domaine, ce n'est pas vraiment ce que le 20è a inventé de mieux)… C'est, si on veut, un retour à des pratiques obscurantistes plutôt sectaires que d'aucuns refuseraient de cautionner. Quoique si on observe ce qu'il se passe dans les chats, jeux de rôles, ou plus simplement identifications dans diverses applications, le pseudo est roi! L'anonymat finit par supplanter l'identité, avec le cortège de conséquence que cette formule charrie à tous niveaux… S'il est le plus souvent possible de retrouver le demandeur, ce n'est pas sûr à 100%. Certains pourraient craindre que cette faculté d'anonymat et de pseudonymes se développe et se répande, annihilant ainsi les possibilités de traçabilité des oeuvres. Raison de plus pour limiter ces facultés de traçabilité aux "oeuvres" qui en ont un réel besoin économique, et d'empêcher que les autres ne soient captées par cette logique. On peut s'en passer. D'ailleurs, le "peer to peer" (P2P), encore lui, sera très bientôt trop compliqué à contrôler et il s'échangera très bientôt toute oeuvre à la portée du premier utilisateur venu. Un des fondateurs de Gnutella, Gen Kan, 24 ans, l'a déclaré récemment en mettant en route sa nouvelle start-up de mécanique logicielle en vue du "peer to peer", Gonesilent.com, qui sortirait du domaine musical. Pour lui, il faut s'attendre à voir circuler les oeuvres, les citoyens le demandent. C'est aux détenteurs de droits de s'adapter aux techniques de plus en plus pointues. Quant à savoir si ce contact direct entre explorateurs d'hypertexte représente une plaie, un "forward" ou un "save"…

= Qu'allez-vous lire sur votre e-book?

Bien, admettons donc que l'idéal se soit réalisé: via un forfait basique, j'ai accès aux oeuvres de référence que je veux, j'ai parcouru ce dont j'avais besoin, j'ai commandé les trois ou quatre bouquins dont au sujet duquel tout le monde cause, ça balance pas mal à Paris, merci. Je les ai payés, puis les ai lus dans toutes les positions du kamasutra, certains, missionnaires (!), d'autres, dans le métro, dans l'ascenseur, sur le bureau. Dans un lit, même! Et quid? Je m'ennuie à nouveau. L'application classique de l'e-book m'a permis d'acheter le dernier Brett Easton Ellis, le dernier Beigbedder, le dernier Houellebecq (quoiqu'il soit meilleur à réciter ses poèmes sur fond trip hop en MP3 en ce moment, chez Tricatel.com), de trouver enfin le bouquin de William Gibson (Neuromancien, 1986, ndlr) avec la fameuse formule impérissable sur le cyberspace, j'y ai ajouté le 3001 de Clarke et quelques bons vieux Norman Spinrad et Philip K. Dick pour faire bonne mesure… Et ce, sans les éternels atermoiements: le "libraire de grande surface", débordé, qui doit le commander à l'éditeur, qui en réfère plus haut avant d'envoyer le communiqué laconique: produit épuisé… Ou le libraire.com qui envoie une réduction pour la prochaine commande parce qu'il n'est pas sûr d'honorer celle-ci dans les dix jours, aveu implicite qu'il ne comprend même pas de quoi on lui parle… Malheureusement ces quelques caricatures représentent la majorité des cas, rien ne remplacera le conseil d'un libraire érudit, mais il en reste si peu… En reste-t-il? (Don't they, pour les non-polyglottes). S'il en restait, ils m'orienteraient vers la recherche des grands classiques, il paraît qu'ils sont libres de droit, si on en croit ma killer application (plutôt publique). Mais tout ça va-t-il faire acheter Billancourt? L'e-book se situe dans une économie technique qui ne survit que par l'écoulement de ses produits. A l'inverse de son contenu, qui lui n'existe que dans une économie de prototype créatif qui ne répond qu'à la loi des rendements décroissants. Fameux paradoxe, explosif… Et dire que c'est sur cette pierre que certains fondent l'économie du prochain millénaire. Tant mieux. La société de l'information a du bon finalement. Elle doit être informée, et les informateurs, les créateurs, en sont la pierre angulaire. C'est sur les outils de navigation que ça accroche. Non seulement, ils sont aux mains d'on ne sait trop qui, voir plus haut, mais en plus, intrinsèquement, ils ont le pouvoir culturel de fausser la pensée. Pas moins. C'est la faute à l'hypertexte, qui ne fait pas que des bêtises, à vouloir être breveté, il en fait lire aussi, comme dirait l'autre. Surtout lorsqu'il ne sert qu'à la recherche factuelle. Imaginez un e-book d'enfer, "tout ce que tu aurais voulu savoir sur…" (de chez Marabook), on n'entre dans les différents chapitres que par les liens du sommaire, et "l'oeuvre" est tellement volumineuse que personne ne lit l'ensemble. Ce qui ne dérange pas grand monde, au fond. Mais la voilà, la killer application, l'édition "tout ce que tu aurais voulu savoir sur…"! Sauf que notre chef de collection à la tête de l'équipe de rédacteurs (où est l'auteur?), n'a voulu choquer personne. Et il a un peu mixé les concepts. Avec une qualité de titre qui en étonnera plus d'un, il aura mis en place une idée sous un titre, et son contraire sous un autre. Sans aucun point de vue. Toute la culture du monde sur le même pied. Ca se vend, c'est donc excellent. Un peu comme si un site aussi prestigieux que Yahoo se permettait de vendre, au milieu d'antiquités communistes de l'ère de l'URSS, des objets de nostalgie nazie. Impensable au 21è siècle? A voir ce que l'on voit en matière d'information sur les médias internationaux… Quelle que soit la qualité des intervenants, un charnier à 10.000 morts dont on connaît les responsables (quand ils sont avérés), est sur le même pied que le dernier battement de cil de la starlette du mois (du jour, de la semaine, pas du siècle et encore moins du millénaire). C'est l'effet zapping. S'il faut en passer par là, on peut le faire avec un peu plus de panache. Voyez les mix que propose le MP3. Certes, c'est de la musique, et les DJ sont à la mode… Mais au fond, que font-ils d'autre que ce qui est décrit plus haut. Ils compilent des oeuvres, en font une bibliothèque (musicale), qu'ils distillent à leur gré selon leur humeur, selon la demande de ceux qui ravent avec eux, selon l'inspiration. C'est plus engageant que la culture "Marabook", non? Demandez à votre libraire…

= Que pensez-vous du Cybook de Cytale?

Dans le genre, Cytale, au demeurant un projet très sympathique, a fait très fort. La petite BD qui présente la journée d'un e-book addict est tordante! Que va-t-il lire comme journal numérique du matin, le client qui a téléchargé le Cytale? Le communiqué AFP à peine relifté par un journaliste stagiaire? Non merci, il a déjà RTL. Par contre, peut-être si, à la manière d'Europe 1 grande époque, on lui offrait un décodage de l'info façon "Pas vu à la télé", soit quelques commentaires acides des communiqués de presse qu'il entend en direct live, peut-être prendrait-il le temps, le soir, de se brancher pour charger ça. Un peu comme Europe 2 qui diffusait les Guignols de l'info de Canal+ (version grande époque aussi) le lendemain matin, à l'heure de l'info… Un truc qu'on attend… Attention, objectivité journalistique: à la moindre citation, on met le lien, et on diffuse! Le fameux communiqué AFP est accessible par un simple click sur le titre. Qu'on voie ce que le type de la radio en a fait… Ca ferait peut-être rire, et acheter… Petite killer application gratuite, bien plus réjouissante que celles qui précèdent… A d'autres moments décrits dans la journée d'un "cytalien", le besoin de l'apport de notre libraire pourrait se faire sentir. Tiens, j'ai envie de l'appeler e-libraire, ou mieux, E-bJ (l'équivalent au sein d'une rédaction e-book d'un disc-jockey, un E-book Jockey, en somme [prononcez I-bjay au lieu de Di-Jay]). Cytale nous dit: "Midi : une petite nouvelle, le temps de la pause déjeuner, ou un poème au soleil." Ils sont trop cool chez Cytale, qui a le temps de télécharger quoi que ce soit comme poème, la veille (même le dimanche)? Quant à la petite nouvelle, si c'est celle qui est disponible gratuitement sur Amazon.com, j'hésite… Je corrigerais la phrase en, au moins: "Midi : mon e-libraire, ou Eb-J, que m'a-t-il envoyé comme petite nouvelle ou comme poème à lire au soleil, le temps de la pause déjeuner?" J'espère qu'il en tient de bonnes, ce libraire érudit du 3è millénaire… Et c'est reparti dans toutes les positions du kamasutra (certaines, missionnaires (!), d'autres, dans le métro, dans l'ascenseur, sur le bureau. Dans un lit, même!) On s'ennuie déjà beaucoup moins, non? Savez-vous que les nouveaux e-books proposent des lecteurs MP3? C'était pour la lecture aux aveugles de leurs oeuvres préférées, au départ, et c'est tant mieux, merci à eux. C'est peut-être par là qu'on diffusera cet eBookman de chez Franklin, malgré ses mémoires un peu faibles. Bref: "écouter le dernier Red Hot (Chilli Peppers pour les non-polyglottes) téléchargé en P2P en étudiant le cours téléchargé de la même manière, tout ça dans le métro; puis, dès la matière maîtrisée, passer plutôt à la lecture du texte des Guignols de ce matin, et pourquoi pas, à la vision de l'extrait en vidéo, et là, qu'est-ce qu'on rigole!" ressemble plus à l'avenir de l'e-book comme outil éducatif que tout discours marketing. Et nous voilà reparti vers un terminal multi-fonctions… C'est terrible, l'informatique, la vérité absolue d'un paragraphe est démentie dans le paragraphe suivant…

= En bref, on peut passer d'un clic de Shakespeare à l'hypertexte.

En tout cas, à travers ce type de comportement, il est à parier que Shakespeare soit définitivement aussi accessible que Britney Spears, entre deux "chat" rappelant à ses connaissances où on est, dans le métro donc… Qu'on se méfie quand même. L'expérience du "peer to peer" montre que le rôle du médiateur tend à disparaître, ne devenant qu'une branche des métiers du marketing. Le "consommateur" chargeant en majorité ce qui est le plus souvent référencé, qui l'est donc de plus en plus. Adieu notre libraire, et revoici la ronde infernale de l'oeuf du serpent qui se mord la queue…

Shakespeare, c'est le type qui a mis en scène Gwyneth dans Shakespeare in love. A moins que ce soit celui qui ait inspiré Léonardo (Di Caprio) dans son Romeo & Juliet, avant qu'il ne sombre dans une mer d'indifférence, noyé par une fiction plus forte que lui. Titanic, on connaissait la fin, et il y avait même un orchestre… Parce que dans son métro, là, notre Gwyneth du troisième millénaire (celle des Red Hot), et son voisin, genre Billancourt post 2000 qui lit Paris-Turf sur son e-book, ils utilisent l'e-book de la manière la plus basique, et c'est ce qui devrait faire son succès, s'il doit être au rendez-vous. Zapping, Deejaying, c'est la fast culture, si possible interactive et reliée au réseau, en téléchargement permanent. J'en connais qui grimpent au plafond, au simple énoncé de ces "mots" inexistants dans un vocabulaire normalement constitué (même Microsoft ne les a pas dans son dico de correction). On oublie trop souvent que notre ami Shakespeare justement a enrichi la langue anglaise de nombreux mots nommant les techniques et innovations de son temps. Le plus souvent, à part le latin et le grec, il s'est inspiré du français, une des langues les plus vivantes du moment. C'était vers la fin des années 1500, il est temps de renouveler, non? Alors n'y a-t-il pas autre chose à proposer? Vous ai-je parlé de l'hypertexte? Normalement, là, on l'a bien préparé, notre cobaye de Billancourt, il clique, il surfe, il lit. Si on ne veut pas qu'il ne charge que ce qu'il connaît déjà, c'est le moment de lui présenter de nouvelles dimensions. Si notre abonné suit le feuilleton, il finira bien par chercher autre chose. Même ses mails l'ennuient, il en reçoit trop… Et s'il lisait ceux des autres… Petite référence au bluemailer du websoap auquel j'ai participé, qui n'échappera pas au lecteur attentif de notre précédent entretien. C'est à mon sens ce type d'application, qui permettra bientôt d'anticiper en matière de développement e-book et apparentés. Ce type d'outil de publication permettra d'organiser les liens de ce qui sortira jour après jour sur un tel réseau: des infos référencées, archivées, avec liens de l'une à l'autre, des choix de textes choisis, liés à d'éventuels titres MP3 lancés dans l'application, liens à des connexions permettant le téléchargement d'oeuvres dans le domaine public, liens à d'éventuels extraits vidéos… Bref un e-book qui serait devenu plutôt "UMTS" et enfin devenu un média à part entière. Notre animateur de réseau pourra à ce moment-là penser à charger une fiction interactive qui contiendrait des liens hypertextes, du type de ceux qui ont été mis en place dans le websoap. Ainsi, le lecteur ou la lectrice, un(e) be(au)(lle) captif(ve), tournera dans le labyrinthe d'une fiction organisée par un auteur ou une équipe d'auteur avec un sentiment de liberté inconnu jusqu'ici. Pas mal de possibilités de ce type de fiction ont été explorées dans le websoap, j'en parle plus longuement dans mon précédent entretien. Je ne citerai ici que les abonnements aux mails des personnages, permettant de suivre ceux qu'on préfère dans la fiction présentée. Liaisons qui prendraient tout naturellement place dans le dispositif e-book plus "UMTS" tel que je le décris plus haut. Si le domaine de la fiction suit le mouvement de la convergence, on peut même imaginer des relais entre les médias… Un websoap écrit en ligne repris sur cet e-book "UMTS", raconté en télé d'une manière… télé, repris en MP3 pour sa partie musicale… Chaque média complétant selon sa spécificité le puzzle de la fiction présentée sur un même support. Il y a un travail passionnant d'exploration à faire, et personne ne semble le faire. Je parlais dans mon dernier entretien d'un projet intitulé Neiges d'Anges, qui est maintenant en ligne dans Les yeux du labyrinthe. Il est lié par hypertexte à d'autres projets. Dans l'un d'eux, Elégance, une griffe de félin, le héros est confronté à un bug de son papier électronique à encre numérique qu'un pirate s'amuse à configurer de manière absurde… S'il s'agit bien là de science-fiction, le papier et l'encre électronique sont déjà sur le marché, de manière un peu rudimentaire. C'est la prochaine étape qui voit déjà le jour, l'après e-book. Décidément l'inventivité s'accélère de plus en plus, doit-on vraiment le regretter?

GUY ANTOINE [EN, FR, ES]

[EN] Guy Antoine (New Jersey)

#Founder of Windows on Haiti, a source of positive information about Haitian culture

[Interview 22/11/1999 // Interview 29/06/2001]

*Interview of November 22, 1999

= Can you tell us about Windows on Haiti?

At the end of April 1998, I launched an Internet site, simple in concept, but ambitious in its reach and overall scope. The site aims to be a major source of information about Haitian culture, and a tool to counter the persistently negative images of Haiti from the traditional media. The scope of this effort extends beyond mere commentary to the diversity of arts and history, cuisine and music, literature and reminiscences of traditional Haitian life. It is punctuated by a different sort of guestbook where the visitor's personal testimony of his ties to Haiti is highly encouraged. In short, the site opens some new windows to the culture of Haiti.

= What exactly is your professional activity?

For the past 20 years, my professional activity has consisted of working with computers in various areas: system design, programming, networking, troubleshooting, assembling PCs, and web design. Finally, my primary web site, which has almost overnight become a hub of connectivity between diverse groups and individuals interested in Haitian culture, has propelled me into a quasi-professional activity of information gathering, social commentary, editorial writing, and evangelism for the culture of Haiti.

= How did using the Internet change your professional and personal life?

The Internet has greatly changed both my professional and personal life. Due to the constant flow of information, I sleep very much less now than I used to. But the greatest change has been in the multiplicity of contacts in cultural, academic, and journalistic circles, as well as with ordinary people around the globe, that this activity has provided me. As a result, I am now a lot more aware of professional resources around the world, related to my activity, and of the surprising level of international fascination with Haitian culture, religion, politics, and literature. On a personal level, this also means that I have quite a few more friends than before I immersed myself in this particular activity.

= How do you see your professional future?

I see my professional future as an extension of what I do currently: using technology to enhance intercultural exchanges. I hope to associate myself with the right group of people to go beyond Haiti, and advance towards this ideal of one world, one love.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

The debate will continue forever, as information becomes more conspicuous than the air that we breathe and more fluid than water. These days, one can purchase the video of a film that was released just the week before, and it will not be long before one can watch scenes from one other's private life over the Net without his/her knowledge. What is daunting about the Internet is that so many are willing to do the dirty work for free, as sort of an initiation rite. This mindset will continue to exert increasing pressures on the issues of copyrights and intellectual property.

Authors will have to become a lot more creative in terms of how to control the dissemination of their work and profit from it. The best that we can do right now is to promote basic standards of professionalism, and insist at the very least that the source and authorship of any work be duly acknowledged. Technology will have to evolve to support the authorization process.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Very positively. It is true that for all intents and purposes English will continue to dominate the Web. This is not so bad in my view, in spite of regional sentiments to the contrary, because we do need a common language to foster communications between people the world over. That being said, I do not adopt the doomsday view that other languages will just roll over in submission. Quite the contrary. The Net can serve, first of all, as a repository of useful information on minority languages that might otherwise vanish without leaving a trace. Beyond that, I believe that it provides an incentive for people to learn languages associated with the cultures about which they are attempting to gather information. One soon realizes that the language of a people is an essential and inextricable part of its culture.

From this standpoint, I have much less faith in mechanized tools of language translation, which render words and phrases but do a poor job of conveying the soul of a people. Who are the Haitian people, for instance, without "Kreyòl" (Creole for the non-initiated), the language that has evolved and bound various African tribes transplanted in Haiti during the slavery period? It is the most palpable exponent of commonality that defines us as a people. However, it is primarily a spoken language, not a widely written one. I see the Web changing this situation more so than any traditional means of language dissemination.

In Windows on Haiti, the primary language of the site is English, but one will equally find a center of lively discussion conducted in "Kreyòl". In addition, one will find documents related to Haiti in French, in the old colonial creole, and I am open to publishing others in Spanish and other languages. I do not offer any sort of translation, but multilingualism is alive and well at the site, and I predict that this will increasingly become the norm throughout the Web.

= What is your best experience with the Internet?

People. The Web is an interconnected network of servers and personal computers, at the keyboard of which you will find a person, an individual. This has afforded me the opportunity of testing my ideas, acquiring new ones, and best of all, of forging personal friendships with people far away and eventually meeting them.

= And your worst experience?

People. I do not want to expand on that, but some personalities simply have a way of getting under your skin.

* Interview of June 29, 2001

= What has happened since our last interview?

Since our last interview, I have accepted the position of Director of Communications and Strategic Relations for Mason Integrated Technologies, a company whose main objective is to create tools for communications, and the accessibility of documents created in the world's minority languages. Due to the board's experience in the matter, Haitian Creole (Kreyol) has been a prime area of focus. Kreyol is the only national language of Haiti, and one of its two official languages, the other being French. It is hardly a minority language in the Caribbean context, since it is spoken by eight to ten million people.

Aside from those responsibilities, I have taken the promotion of Kreyol as a personal cause, since that language is the strongest of bonds uniting all Haitians, in spite of a small but disproportionately influential Haitian elite's disdainful attitude to adopting standards for the writing of Kreyol and supporting the publication of books and official communications in that language. For instance, there was recently a two-week book event in Haiti's Capital and it was promoted as "Livres en folie". Some 500 books from Haitian authors were on display, among which one could find perhaps 20 written in Kreyol. This is within the context of France's major push to celebrate francophony among its former colonies. This palys rather well in Haiti, but directly at the expense of creolophony.

What I have created in response to those attitudes are two discussion forums on my web site, Windows on Haiti, held exclusively in Kreyol. One is for general discussions on just about everything but obviously more focused on Haití's current socio-political problems. The other is reserved only to debates of writing standards for Kreyol. Those debates have been quite spirited and have met with the participation of a number of linguistic experts. The uniqueness of these forums is their non-academic nature. Nowhere else on the Net have I found such a willing and free exchange between experts and laymen debating the merits and standards for a language in that language itself.

= How much do you still work with paper?

As little as possible, which is still a lot. If I am dealing with a document that I want to preserve for future reference, I always print it and catalog it. It may not be available when I am away from my home office, but when I am there, I like the comfort of knowing that I can reach for it in a physical sense, and not rely solely on electronic backup, the reliability of the operating system, or my ISP (Internet service provider) for Internet access. So, for what I consider worth preserving, there is a fair amount of redundancy, and paper still has its place.

= What do you think about e-books?

Sorry, I haven't tried them yet. Perhaps because of this, it still appears to me like a very odd concept, something that the technology made possible, but for which there will not be any wide usage, except perhaps for classic reference texts. High school and college textbooks could be a useful application of the technology, in that there would be much lighter backpacks to carry. But for the sheer pleasure of reading, I can hardly imagine getting cozy with a good e-book.

= What is your definition of cyberspace?

It's literally the newest frontier for mankind, a place where everyone can claim his place, and do so with relative ease and a minimum of financial resources, before heavy inter-governmental regulations and taxation finally set in. But then, there will be another.

[FR] Guy Antoine (New Jersey)

#Créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne

[Entretien 22/11/1999 // Entretien 29/06/2001]

*Entretien du 22 novembre 1999 (entretien original en anglais)

= Pouvez-vous décrire Windows on Haiti?

A la fin d'avril 1998, j'ai créé un site internet dont le concept est simple mais dont le but est ambitieux: d'une part être une source d'information majeure sur la culture haïtienne, d'autre part contrer les images continuellement négatives que les médias traditionnels donnent d'Haïti. Je voulais aussi montrer la diversité de la culture haïtienne dans des domaines tels que l'art, l'histoire, la cuisine, la musique, la littérature et les souvenirs de la vie traditionnelle. Le site dispose d'un livre d'or regroupant les témoignages personnels des visiteurs sur leurs liens avec Haïti. Pour résumer, il ouvre de nouvelles "fenêtres" sur la culture haïtienne.

= Quelle est exactement votre activité?

Depuis vingt ans, mon activité professionnelle a trait à l'informatique: conception de systèmes, programmation, gestion de réseaux, localisation de pannes, assemblage de PC et conception de sites web. De plus, depuis que j'ai ouvert mon site, il est devenu du jour au lendemain un lieu de rassemblement de divers groupes et individus intéressés par la culture haïtienne, ce qui m'amène à effectuer des tâches quasi-professionnelles consistant à regrouper les informations, écrire des commentaires, rédiger des textes et diffuser la culture haïtienne.

= Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé cette activité?

L'internet a considérablement changé à la fois mon activité professionnelle et ma vie personnelle. Etant donné le flux constant d'informations, je dors beaucoup moins qu'avant. Le principal changement réside dans la multiplicité de mes contacts avec les milieux culturels, universitaires et journalistiques, et avec des gens de toutes origines dans le monde entier. Grâce à quoi je suis maintenant bien plus au fait des ressources professionnelles existant de par le monde dans ce domaine, et du réel engouement suscité à l'échelon international par Haïti, sa culture, sa religion, sa politique et sa littérature. A titre personnel, j'ai également davantage d'amis du fait de mes activités liées à l'internet.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Je vois mon avenir professionnel dans le prolongement de ce que je fais à l'heure actuelle: utiliser la technologie pour accroître les échanges interculturels. J'espère m'associer avec les bonnes personnes pour, au-delà de Haïti, avancer vers un idéal de fraternité dans notre monde. Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Ce sera un débat sans fin, parce que l'information devient plus omniprésente que l'air et plus fluide que l'eau. On peut maintenant acheter la vidéo d'un film sorti la semaine précédente. Bientôt on pourra regarder sur le net, et à leur insu, des scènes de la vie privée des gens. Il est consternant de voir qu'il existe tant de personnes disposées à faire ces vidéos bénévolement, comme s'il agissait d'un rite d'initiation. Cet état d'esprit continuera de peser de plus en plus lourdement sur les questions de copyright et de propriété intellectuelle.

Les auteurs devront être beaucoup plus inventifs sur les moyens de contrôler la diffusion de leurs oeuvres et d'en tirer des gains. Le mieux à faire dès à présent est de développer les normes de base du professionnalisme, et d'insister sur la nécessité impérative de mentionner pour toute oeuvre citée au minimum sa provenance et ses auteurs. La technologie devra évoluer pour appuyer un processus permettant de respecter le droit d'auteur.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Très positivement. Pour des raisons pratiques, l'anglais continuera à dominer le web. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, en dépit des sentiments régionalistes qui s'y opposent, parce que nous avons besoin d'une langue commune permettant de favoriser les communications à l'échelon international. Ceci dit, je ne partage pas l'idée pessimiste selon laquelle les autres langues n'ont plus qu'à se soumettre à la langue dominante. Au contraire. Tout d'abord l'internet peut héberger des informations utiles sur les langues minoritaires, qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser de trace. De plus, à mon avis, l'internet incite les gens à apprendre les langues associées aux cultures qui les intéressent. Ces personnes réalisent rapidement que la langue d'un peuple est un élément fondamental de sa culture.

De ce fait, je n'ai pas grande confiance dans les outils de traduction automatique qui, s'ils traduisent les mots et les expressions, ne peuvent guère traduire l'âme d'un peuple. Que sont les Haïtiens, par exemple, sans le kreyòl (créole pour les non initiés), une langue qui s'est développée et qui a permis de souder entre elles diverses tribus africaines transplantées à Haïti pendant la période de l'esclavage? Cette langue représente de manière la plus palpable l'unité de notre peuple. Elle est toutefois principalement une langue parlée et non écrite. A mon avis, le web va changer cet état de fait plus qu'aucun autre moyen traditionnel de diffusion d'une langue.

Dans Windows on Haiti, la langue principale est l'anglais, mais on y trouve tout aussi bien un forum de discussion animé conduit en kreyòl. Il existe aussi des documents sur Haïti en français et dans l'ancien créole colonial, et je suis prêt à publier d'autres documents en espagnol et dans diverses langues. Je ne propose pas de traductions, mais le multilinguisme est effectif sur ce site, et je pense qu'il deviendra de plus en plus la norme sur le web.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Certaines personnes. Le web est un réseau de serveurs et d'ordinateurs personnels reliés les uns aux autres. Derrière chaque clavier se trouve une personne, un individu. L'internet m'a donné l'occasion de tester mes idées et d'en développer d'autres. Le plus important pour moi a été de forger des amitiés personnelles avec des gens éloignés géographiquement et ensuite de les rencontrer.

= Et votre pire souvenir?

Certaines personnes. Je ne souhaite pas m'étendre sur ce sujet, mais certains ont vraiment le don de vous énerver.

*Entretien du 29 juin 2001 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Depuis notre dernier entretien, j'ai été nommé directeur des communications et des relations stratégiques de Mason Integrated Technologies, une société qui a pour principal objectif de créer des outils permettant la communication et l'accessibilité des documents créés dans des langues minoritaires. Etant donné l'expérience de l'équipe en la matière, nous travaillons d'abord sur le créole haïtien (kreyòl), qui est la seule langue nationale d'Haïti, et l'une des deux langues officielles, l'autre étant le français. Cette langue ne peut guère être considérée comme une langue minoritaire dans les Caraïbes puisqu'elle est parlée par huit à dix millions de personnes.

Outre ces responsabilités, j'ai fait de la promotion du kreyòl une cause personnelle, puisque cette langue est le principal lien unissant tous les Haïtiens, malgré l'attitude dédaigneuse d'une petite élite haïtienne - à l'influence disproportionnée - vis-à-vis de l'adoption de normes pour l'écriture du kreyòl et le soutien de la publication de livres et d'informations officielles dans cette langue. A titre d'exemple, il y avait récemment dans la capitale d'Haïti un salon du livre de deux semaines, à qui on avait donné le nom de "Livres en folie". Sur les 500 livres d'auteurs haïtiens qui étaient présentés lors du salon, il y en avait une vingtaine en kreyòl, ceci dans le cadre de la campagne insistante que mène la France pour célébrer la francophonie dans ses anciennes colonies. A Haïti cela se passe relativement bien, mais au détriment direct de la créolophonie.

En réponse à l'attitude de cette minorité haïtienne, j'ai créé sur mon site web Windows on Haiti deux forums de discussion exclusivement en kreyòl. Le premier forum regroupe des discussions générales sur toutes sortes de sujets, mais en fait ces discussions concernent principalement les problèmes socio-politiques qui agitent Haïti. Le deuxième forum est uniquement réservé aux débats sur les normes d'écriture du kreyòl. Ces débats sont assez animés et une certain nombre d'experts linguistiques y participent. Le caractère exceptionnel de ces forums est qu'ils ne sont pas académiques. Je n'ai trouvé nulle part ailleurs sur l'internet un échange aussi spontané et aussi libre entre des experts et le grand public pour débattre dans une langue donnée des mérites et des normes de la même langue.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Aussi peu que possible, mais cela représente encore beaucoup de papier. Si je vois un document que je souhaite conserver en tant que document de référence, je l'imprime systématiquement et je le catalogue. Il peut ne pas être disponible quand je suis en déplacement. Mais quand je suis dans mon bureau à la maison, j'aime savoir que je peux y avoir accès d'une manière physique, sans devoir me fier seulement à une sauvegarde électronique, au bon fonctionnement du système d'exploitation, et à mon fournisseur d'accès internet. De ce fait, pour ce que je considère utile de conserver, les documents sont souvent en double exemplaire, imprimé et numérique. Le papier joue donc encore un rôle important dans ma vie.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Désolé, je ne l'ai pas encore utilisé. Pour le moment, il m'apparaît comme un instrument très étrange, rendu possible grâce à la technologie, mais pour lequel il n'y aura pas de demande importante, hormis peut-être pour les textes de référence classiques. Cette technologie pourrait être utile pour les manuels des lycées et collèges, grâce à quoi les cartables seraient beaucoup plus légers. Mais pour le simple plaisir de la lecture, j'imagine difficilement qu'il soit possible de passer un moment agréable avec un bon livre électronique.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le cyberespace est au sens propre une nouvelle frontière pour l'humanité, un endroit où chacun peut avoir sa place, assez facilement et avec peu de ressources financières, avant que les règlements inter-gouvernementaux et les impôts ne l'investissent. Suite à quoi une nouvelle technologie lui succédera.

[ES] Guy Antoine (Nueva Jersey)

#Creador de Windows on Haiti, fuente de información sobre la cultura haitiana

*Entrevista del 22 de noviembre de 1999 (entrevista original en inglés)

= ¿Podría Ud. presentar Windows on Haiti?

A fines de abril 1998 creé un sitio Internet con un concepto simple pero con un objetivo ambicioso: por una parte ser una fuente de información mayor sobre la cultura haitiana, por otra, oponerse a imágenes continualmente negativas que los medias tradicionales dan de Haití. Deseo también insistir en la diversidad de la cultura haitiana en los temas tales como el arte, la historia, la cocina, la música, la literatura y las memorias de la vida tradicional. El sitio tiene un "libro de oro" reagrupando los testimonios personales de los visitantes sobre sus lazos con Haití. En resumen, abre nuevas "ventanas" sobre la cultura de Haití.

= ¿Podría Ud. presentar su actividad?

Desde hace veinte años, mi actividad profesional se refiere a la informática: concepción de sistemas, programación, gestión de redes, localización de averías, ensamblaje de PC y concepción de sitios web. Además, el sitio web que creé se convirtió de la noche a la mañana en un lugar de reunión de varios grupos y individuos interesados por la cultura haitiana, y fui propulsado en tareas casi-profesionales que consisten en reagrupar las informaciones, escribir comentarios, redactar textos y difundir la cultura haitiana.

= ¿Cuáles son los cambios obtenidos por Internet en su actividad?

Internet cambió considerablemente tanto mi actividad profesional como mi vida personal. Dado el flujo constante de informaciones, duermo mucho menos que antes. El cambio más importante radica en la multiplicidad de mis contactos con los medios culturales, universitarios y periodísticos, y con gente de diferentes orígenes en todo el mundo. Gracias a esto, estoy ahora mucho más al corriente de los recursos profesionales que existen sobre este tema, y de la verdadera admiración suscitada a nivel internacional por Haití, su cultura, su religión, su política y su literatura. Personalmente tengo también más amigos a causa de mis actividades relacionadas con Internet.

= ¿Cómo ve Ud. su futuro profesional?

Veo mi futuro profesional en la prolongación de lo que hago actualmente: utilizar la tecnología para acrecentar los intercambios interculturales. Espero asociarme con personas buenas fuera de Haití, con el fin de avanzar hacia un ideal de fraternidad en nuestro mundo.

= ¿Qué piensa Ud. de los debates con respecto a los derechos de autor en la Red?

Será un debate sin fin, porque la información se hace más omnipresente que el aire que respiramos y más fluida que el agua. Se puede ahora comprar la video de una película puesta la semana precedente. Pronto se podrá ver en la Red escenas de la vida privada de la gente y esto, sin que ellos mismos lo sepan. Es desolador ver que tantas personas están dispuestas a hacer estas películas voluntariamente, como si se tratase de un rito de iniciación. Esta mentalidad seguirá preocupando cada vez más y de una forma excesiva las cuestiones de derechos de autor y de la propiedad intelectual. Los autores tendrán que ser mucho más inventivos sobre los medios de controlar la difusión de sus obras y de sacar ganancias. Lo mejor que hay que hacer a partir de ahora es desarrollar normas básicas del profesionalismo, y de insistir sobre la necesidad imperativa de mencionar, para cada obra citada, como mínimo su origen y sus autores. La tecnología tendrá que evolucionar para apoyar un proceso que permita respetar el derecho de autor.

= ¿Cómo ve Ud. la evolución hacia un Internet multilingüe?

Muy positivamente. Por razones prácticas, el inglés seguirá dominando la Red. No pienso que sea una cosa mala, a pesar de los sentimientos regionales que se oponen a eso, porque necesitamos una lengua común permitiendo favorecer las comunicaciones a nivel internacional. Dicho esto, no comparto la idea pesimista según la cual las otras lenguas solamente tienen que someterse a la lengua dominante. Al contrario. Antes que nada Internet puede recibir informaciones útiles para las lenguas minoritarias, que de otra manera, podrían desaparecer sin dejar rastros. Además, en mi opinión, Internet incita a la gente a aprender las lenguas asociadas a las culturas que les interesan. Esta gente se da cuenta rápidamente que la lengua de un pueblo es un elemento fundamental de su cultura.

Por este hecho, no tengo mucha confianza en los instrumentos de traducción automática que, aunque traduzcan las palabras y expresiones, no pueden traducir el alma de un pueblo. ¿Qué son los Haitianos, por ejemplo, sin el "Kreyòl" (criollo para los no iniciados), una lengua que se desarrolló y que permitió unir entre ellas varias tribus africanas desplazadas a Haití durante el periodo de la esclavitud? Esta lengua representa de la manera más palpable la unión de nuestro pueblo. Sin embargo es sobre todo una lengua hablada y no escrita. En mi opinión la Red va a cambiar este estado de hechos más que ningún otro medio tradicional de difusión de una lengua.

En Windows on Haiti, la lengua principal es el inglés, pero se encuentra también un foro de discusión animado hecho en "Kreyól". Existen también documentos sobre Haití en francés y en el antiguo criollo colonial, y estoy listo para publicar otros documentos en español y en otras lenguas. No propongo traducciones, pero el multilingüismo es efectivo sobre este sitio, y pienso que se convertirá cada vez más en la norma sobre la Red.

= ¿Cuál es su mejor recuerdo relacionado con Internet?

La gente. La Red es una red de buscadores de datos y de computadoras personales unidos los unos a los otros. Detrás de cada teclado hay una persona, un individuo. Internet me dio la oportunidad de probar mis ideas y desarrollar otras. Lo más importante para mí fue forjar amistades personales con gente lejana geográficamente y, a fin de cuentas, encontrarlas.

= ¿Y su peor recuerdo?

La gente. No quiero extenderme en este tema, pero algunos tienen verdaderamente el don de hacerme enojar.

SILVAINE ARABO [FR]

[FR] Silvaine Arabo (Poitou-Charentes)

#Poète et plasticienne, créatrice de la cyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui

Silvaine Arabo est écrivain (à ce jour quinze recueils de poèmes publiés ainsi que plusieurs recueils d'aphorismes et deux essais) et plasticienne (elle expose à Paris et en province). En mai 1997, elle crée la cyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui pour "diffuser la poésie auprès d'un maximum de personnes et lui donner un coup de jeune dans l'esprit des gens, pour qui elle évoque souvent des souvenirs scolaires - pas toujours agréables - ou qui en ont une image stéréotypée et/ou ringarde." Quatre ans après, en mars 2001, elle crée une deuxième revue, cette fois sur support papier, Saraswati: revue de poésie, d'art et de réflexion.

[Entretien 08/06/1998 // Entretien 09/08/1999 // Entretien 19/06/2001]

*Entretien du 8 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

Je suis poète, peintre et professeur de lettres (treize recueils de poèmes publiés, ainsi que deux recueils d'aphorismes et un essai sur le thème "poésie et transcendance"; quant à la peinture, j'ai exposé mes toiles à Paris - deux fois - et en province). Pour ce qui est d'internet, je suis autodidacte (je n'ai reçu aucune formation informatique quelle qu'elle soit). J'ai eu l'an passé l'idée de construire un site littéraire centré sur la poésie: internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pour communiquer ses passions aussi. Je me suis donc mise au travail, très empiriquement, et ai finalement abouti à ce site sur lequel j'essaye de mettre en valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prise de recul ("Réflexions sur la poésie") sur l'objet considéré.

= Quel est l'apport de l'internet pour vous en tant que poète?

Disons que la gestion d'un site internet - si l'on veut qu'il demeure vivant - requiert beaucoup de temps. Mais je fais en sorte que ma création personnelle n'en souffre pas. Par ailleurs, internet m'a mise en contact avec d'autres poètes, dont certains fort intéressants… Cela rompt le cercle de la solitude et permet d'échanger des idées. On se lance des défis aussi… Internet peut donc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes puisqu'ils savent qu'ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas, correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurs textes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de la poésie par internet, tant pour le lecteur que pour le créateur.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Ma vie professionnelle (en tant que professeur de lettres) n'en a pas été bouleversée puisqu'elle est indépendante de cette création sur internet. Disons que très récemment, dans le cadre de mon activité professionnelle, j'ai fait avec mes élèves quelques ateliers de poésie et que, devant la pertinence de leurs productions, j'ai décidé de leur consacrer une page sur mon site (rubrique "Le jardin des jeunes poètes"). Je fais également un "appel du pied" aux professeurs de lettres francophones pour qu'ils m'adressent des poèmes - qu'ils estiment réussis - de leurs élèves. Disons que ce site pourrait servir, entre autres, de motivation - donc de moteur - à la créativité des jeunes enfants ou des adolescents.

*Entretien du 9 août 1999

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Mon site s'enrichit sans cesse de nouvelles rubriques, de nouveaux intervenants, etc. Les mises à jour sont fréquentes et le site est dynamique. Bonnes statistiques de visites. Par ailleurs, ce site a reçu plusieurs récompenses et il a été salué par divers journaux francophones, dont Sud-Ouest, le magazine Lire, La Quinzaine Littéraire, le magazine informatique Pagina, le journal belge Park-e-Mail, etc.; par diverses personnalités aussi: l'écrivain et éditeur Michel Camus, le physicien des particules élémentaires Basarab Nicolescu, qui est maître de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), bien d'autres encore…

Il a également été sélectionné par Interneto (Le meilleur du net); sélectionné par le journal L'officiel du net, qui lui a attribué 4 étoiles; sélectionné par diverses universités francophones (Louvain, Toronto, etc.) qui lui ont attribué de nombreuses étoiles. Ce site a en outre été répertorié par la Bibliothèque nationale de France (signets informatiques).

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Je pense qu'il est important qu'une législation se mette en place de toute urgence… Au travail, les juristes!

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Il faudrait des équipes de traducteurs… mais comment mettre cela en place? Il y a là une vraie question.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Les ami(e)s que ce mode de communication m'a permis de rencontrer dans la francophonie ainsi que tous ceux et celles qui m'ont dit avoir, grâce à moi, découvert ou redécouvert la poésie et avoir compris qu'il s'agissait là d'un mode de fonctionnement majeur de l'esprit humain.

= Et votre pire souvenir?

Certaines mesquineries de webmasters, parfois un esprit de compétition et d'arrivisme… On retrouve sur internet la société telle qu'en elle-même, ni plus, ni moins.

= Vos citations préférées?

"Quand l'élève est prêt arrive le maître." (proverbe bouddhiste)

"Les hommes discutent, la nature agit." (Voltaire)

"La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil." (René Char)

*Entretien du 19 juin 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

La création de la cyber-revue Poésie d'Hier et d'Aujourd'hui m'a poussée par la suite à créer en mars 2001 une revue sur support papier, Saraswati: revue de poésie, d'art et de réflexion (BP 41 - 17102 Saintes cedex). Les deux créations se complètent et sont vraiment à placer en regard l'une de l'autre.

= Que signifie "Saraswati"?

Saraswati est, dans la mythologie hindoue, la déesse de la connaissance, de la sagesse, de la musique et des arts. Elle est souvent représentée avec une vina (instrument à cordes), un bouton de lotus, un livre, un tambour…et elle chevauche un cygne. Elle est l'épouse de Brahma, le dieu créateur, premier de la trilogie Brahma/Vishnu (celui qui maintient les structures)/ Shiva (le dieu qui détruit…pour reconstruire).

ARLETTE ATTALI [FR, EN]

[FR] Arlette Attali (Paris)

#Responsable de l'équipe "Recherche et projets internet" à l'INALF (Institut national de la langue française)

Laboratoire du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l'INaLF a pour mission de développer des programmes de recherche sur la langue française, tout particulièrement son lexique. Les données, traitées par des systèmes informatiques spécifiques et originaux, constamment enrichies et renouvelées, portent sur tous les registres du français: langue littéraire (du 14e au 20e siècle), langue courante (écrite, parlée), langue scientifique et technique (terminologies), et régionalismes. Ces données, qui constituent un matériau d'étude considérable, sont progressivement mises à la disposition de tous ceux que la langue française intéresse (enseignants et chercheurs, mais aussi industriels, secteur tertiaire et grand public), soit par des publications, soit par la consultation de banques et bases de données.

Frantext est une des meilleures bases textuelles en langue française disponibles sur l'internet. Elle rassemble un corpus de textes français du 16e au 20e siècle numérisés (3.000 textes environ) et un logiciel d'interrogation (Stella) conçu en vue de recherches littéraires, linguistiques, lexicographiques, stylistiques… Rénovée courant 1998, elle présente notamment une interface plus conviviale, une aide en ligne systématisée et surtout des outils informatiques plus performants. Deux versions de Frantext sont proposées. L'une comporte l'ensemble des textes de la base, l'autre une sous-partie composée de 400 romans des 19e et 20e siècles qui ont fait l'objet d'un codage grammatical. Cette sous-base est expérimentale.

[Entretien 11/06/1998 // Entretien 17/01/2000]

*Entretien du 11 juin 1998

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Etant moi-même plus spécialement affectée au développement des bases textuelles à l'INaLF, j'ai été amenée à explorer les sites du web qui proposaient des textes électroniques et à les "tester". Je me suis donc transformée en "touriste textuelle" avec les bons et mauvais côtés de la chose. La tendance au zapping et au survol étant un danger permanent, il faut bien cibler ce que l'on cherche si l'on ne veut pas perdre son temps. La pratique du web a totalement changé ma façon de travailler. Mes recherches ne sont plus seulement livresques et donc d'accès limité, mais elles s'enrichissent de l'apport des textes électroniques accessibles sur l'internet.

= Quels sont vos projets pour l'avenir?

A l'avenir, je pense contribuer à développer des outils linguistiques associés à la base Frantext et à les faire connaître auprès des enseignants, des chercheurs, des étudiants et aussi des lycéens.

*Entretien du 17 janvier 2000

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Mon activité professionnelle a deux volets: d'une part recherche et projets internet, d'autre part valorisation des ressources textuelles.

= Quels sont vos nouveaux projets?

- Le Catalogue critique des ressources textuelles sur internet (CCRTI), mis en ligne en octobre 1999;

- Terminalf - Ressources terminologiques de la langue française, en cours de réalisation.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Comme tous les débats, il s'agit d'un débat confus et sans issue.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Les Européens font quelques efforts pour adopter au moins le bilinguisme. Et les
Américains?

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

La découverte de bons sites littéraires. Par exemple Zvi Har'El's Jules Verne Collection, consacré à Jules Verne, ou le Théâtre de la foire à Paris (au 17e siècle).

[EN] Arlette Attali (Paris)

#Head of Research and Internet Projects at the INaLF (Institut national de la langue française - National Institute of the French Language)

The purpose of the INaLF — part of the France's National Centre for Scientific Research (Centre national de la recherche scientifique, CNRS) — is to design research programmes on the French language, particularly its vocabulary. The INaLF's constantly expanding and revised data, processed by special computer systems, deal with all aspects of the French language: literary discourse (14th-20th centuries), everyday language (written and spoken), scientific and technical language (terminologies), and regional languages. This data, which is an very important study resource, is made available to people interested in the French language (teachers and researchers, business people, the service sector and the general public) through publications and databases.

Frantext is one of the best French textual databases on the Internet. It is a collection of about 3,000 digitized French texts from the 16th to the 20th centuries, with a search facility (Stella) for literary, linguistic, lexicographical, and stylistic research. The database, which was revamped in 1998, now has a more user-friendly interface, more efficient online help and better computing tools. A second version is an experimental section of 400 grammaticaly-encoded novels of 19th and 20th centuries.

[Interview 11/06/1998 // Interview 17/01/2000]

*Interview of June 11, 1998 (original interview in French)

= How did using the Internet change your professional life?

At the INaLF, I was mostly building textual databases, so I had to explore websites that gave access to electronic texts and test them. I became a "textual tourist", which has good and bad sides. The tendency to go quickly from one link to another and skip through the information was a permanent danger — you have to focus on what you're looking for so as not to waste time. Using the Web has totally changed the way I work. My research is no longer just book-based and thus limited, but is expanding thanks to the electronic texts available on the Internet.

= What are your new projects?

I'd like to help develop linguistic tools linked with Frantext and make them available to teachers, researchers and students.

*Interview of January 17, 2000 (original interview in French)

= What exactly is your professional activity?

My professional activity consists in research and Internet projects, and in development of textual resources.

= What are your new projects?

- The Catalogue critique des ressources textuelles sur Internet (CCRTI)
(Critical Catalogue of Textual Resources on the Internet), online since October
1999.
- Terminalf - Ressources terminologiques en langue française (Terminological
resources in French), in progress.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

Like all debates, it is a confused debate, with no way out.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Europeans are making some efforts towards at least bilingualism. What are the
Americans doing?

= What is your best experience with the Internet?

Finding good literary sites, such as Zvi Har'El's Jules Verne Collection, dedicated to Jules Verne (a French 19th-century novelist) or le Théâtre de la foire à Paris, dedicated to the 17th-century Fair Theatre in Paris.

ISABELLE AVELINE [FR]

[FR] Isabelle Aveline (Lyon)

#Créatrice de Zazieweb, site consacré à l'actualité littéraire

"Zazieweb est un site libre et indépendant qui offre des espaces d'interactivité à ses lecteurs actifs et communicants ! C'est aussi (depuis 1996!) un annuaire des sites littéraires découverts avec passion sur le web et chroniqués, une information littéraire au quotidien: Au fil du net: l'actualité du meilleur du web littéraire; Agenda: toutes les manifestations en rapport avec le livre et la littérature; TV/Radio: une sélection des émissions littéraires sur les deux semaines à venir; Ebook: des informations et des dossiers sur le livre numérique, les nouveaux objets de lecture…; et des choix de lectures "Zazieweb" dans la rubrique Kestulizaz?

Né en 1996 sous la forme d'une page perso, Zazieweb est devenu en cinq ans un site littéraire communautaire offrant à la fois des espaces d'échanges et d'expression (les lectures des e-lecteurs, l'espace communautaire, les forums) et un portail littéraire. Zazieweb, c'est aujourd'hui une association qui a pour vocation la promotion et mise en avant des "petits éditeurs", la diffusion de la littérature contemporaine indépendante, la mise en relation sur le mode interactif du web des lecteurs/auteurs/éditeurs via les espaces persos… et pleins d'autres choses en devenir!" (extrait du site web)

[Entretien 08/06/1998 // Entretien 03/09/1999]

* Entretien du 8 juin 1998

= Quel est l'historique de Zazieweb?

Zazieweb est né il y a deux ans environ, en juin 1996. C'était à l'époque un projet personnel qui entrait dans le cadre d'un master multimédia et que j'ai essayé de "vendre" aux éditeurs.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Découvrir internet a ouvert d'autres possibilités et surtout maintenant je ne conçois pas de ne pas travailler "on the Web".

= Comment voyez-vous l'avenir?

Grâce à internet, les choses sont plus souples, on peut très facilement passer d'une société à une autre (la concurrence!), le télétravail pointe le bout de son nez (en France c'est encore un peu tabou…), il n'y a plus forcément de grande séparation entre espace pro et personnel.

*Entretien du 3 septembre 1999

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Aujourd'hui je cherche à développer une viabilité financière pour Zazieweb: échange de bandeaux, partenariat, vente d'espace publicitaire ciblé, affiliation à un programme de vente de livres.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Mon premier surf.

= Et votre pire souvenir?

Ma première connexion.

JEAN-PIERRE BALPE [FR]

[FR] Jean-Pierre Balpe (Paris)

#Directeur du département hypermédias de l'Université de Paris 8

Jean-Pierre Balpe est directeur du département hypermédias et du laboratoire Paragraphe de l'Université de Paris 8. Il est également secrétaire général de la revue Action poétique. Chercheur, théoricien de la littérature informatique, auteur de divers ouvrages scientifiques et techniques (dernier ouvrage paru: Contextes de l'art numérique, Hermès, 2000), écrivain, après avoir très longtemps écrit des poèmes et nouvelles publiés dans diverses revues, il s'intéresse dès 1975 aux possibilités que l'informatique offre à l'écriture littéraire. En 1981 il est un des cofondateurs de l'ALAMO (Atelier de littérature assistée par la mathématique et les ordinateurs) et, à ce titre, conseiller auprès de la BPI (Bibliothèque publique d'information) pour les expositions "Les Immatériaux" et "Mémoires du futur". En 1985 il conçoit pour l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et France Télécom le premier scénario de télévision interactive, diffusé alors par Canal +. Depuis 1989, il réalise des logiciels d'écriture principalement utilisés lors d'expositions ou de manifestations publiques, notamment Un roman inachevé pour le stand du ministère de la Culture au MILIA (Marché international du livre illustré et des nouveaux médias) à Cannes et au MIM (Marché international du multimédia de Montréal) en 1995, Romans (Roman) pour l'exposition "Artifices" de novembre 1996 ou sous forme de spectacles comme Trois mythologies et un poète aveugle, première oeuvre générative collaborant avec un générateur musical. Il a actuellement en chantier un opéra numérique, Barbe-Bleue, résultat de la collaboration de trois générateurs: générateur de texte (le sien), générateur de musique (Alexandre Raskatov) et générateur de scénographie (Michel Jaffrennou). Il est également l'auteur de Trajectoires, un roman génératif en ligne.

[Entretien 28/01/2001 // Entretien 27/02/2002]

*Entretien du 28 janvier 2001

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

La production d'oeuvres artistiques.

= Comment voyez-vous l'avenir?

De façon résolument optimiste.

= Les possibilités offertes par l'hyperlien ont-elles changé votre mode d'écriture?

L'hyperlien: non; l'informatique: oui puisque j'utilise essentiellement des générateurs d'écriture que j'ai créés moi-même.

= Utilisez-vous encore beaucoup le papier?

Bien sûr, depuis le papier toilette en passant par le papier torchon, également pour allumer ma cheminée car c'est un excellent combustible… Comme je voyage beaucoup, il m'arrive aussi de lire un peu de tout mais personnellement, je ne l'utilise guère dans mon travail personnel, j'ai vraiment l'habitude de tout faire sur écran…

= Quel est votre sentiment sur le livre électronique?

Très mitigé, j'attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sont capables de proposer des produits spécifiques à ce support car, si c'est pour reproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L'histoire des techniques montre qu'une technique n'est adoptée que si - et seulement si… - elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniques auxquelles elle prétend se substituer. Je viens de publier deux nouvelles sur ce sujet, une dans la revue La Mazarine intitulée justement Le livre et une autre dans la revue Autrement consacrée au "livre de chevet" et intitulée Les chambres, vous pouvez y trouver une réponse plus "étayée".

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

Je ne suis pas cela de très près. Je crois que vouloir appliquer des lois faites pour le papier à un autre médium est une erreur. Un peu comme si on voulait facturer le téléphone en exigeant que les utilisateurs achètent des timbres pour payer leurs conversations…

= Quelles sont vos suggestions pour un véritable multilinguisme sur le web?

Ah bon!… Ce n'est pas multilingue? Je croyais pourtant car il m'arrive de naviguer en italien, français, espagnol, arabe, chinois, flamand, etc… Voulez-vous dire francophone pour multilingue? Si c'est l'anglais que vous visez, internet ne fait que reproduire sa situation de langue internationale d'échange. Est-ce à dire qu'il n'en faudrait pas? Je n'en suis pas si sûr…

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Posez la question aux producteurs de cinéma et aux salles de projection… Le son est une solution, les claviers adaptés en sont une autre, je ne sais s'il existe des écrans spécialisés, mais peut-être… On peut aussi imaginer des interactions sonores, Denize en a utilisé quelques-unes dans son cédérom Machines à écrire (publié chez Gallimard en 1999, ndlr).

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Il y a tant de livres là-dessus, répondre en quelques lignes est une gageure ou une marque de mépris ou un manque de sérieux ou une preuve d'inconscience ou une manifestation d'orgueil…

= Et la société de l'information?

Je fais là-dessus un cours de 37 h 30…

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Pas un en particulier. Disons que je suis heureux chaque fois que ça marche… et ce n'est hélas pas si souvent…

= Quel est votre pire souvenir lié à l'internet?

Même réponse qu'à la question précédente mais inversée…

*Entretien du 27 février 2002

Dernier-né de la cyber-littérature, le mail-roman utilise le canal du courrier électronique. Cette expérience est tentée pour la première fois par Jean-Pierre Balpe en été 2001 dans Rien n'est sans dire. Pendant très exactement cent jours, il écrit un chapitre diffusé quotidiennement auprès de 500 personnes - ses proches, ses amis, ses collègues, etc. - en y intégrant les réponses et les réactions des lecteurs. Raconté par un narrateur, ce mail-roman est l'histoire de Stanislas et Zita et de leur passion tragique déchirée par une sombre histoire politique.

= Comment vous est venue l'idée d'un feuilleton par mail auprès de vos amis et connaissances?

Tout naturellement, d'une part en me demandant depuis quelque temps déjà ce qu'internet peut apporter sur le plan de la forme à la littérature (mais vous savez que ce point-là est une de mes obsessions…) et, d'autre part, en lisant de la littérature "épistolaire" du 18e siècle, ces fameux "romans par lettres". Il suffit alors de transposer: que peut être le "roman par lettres" aujourd'hui? Vous tirez un fil et le reste en découle tout naturellement…

Ceci dit, mes "amis et connaissances" sont le point d'entrée. Ensuite, le projet s'est diffusé et je suis loin de connaître tous les lecteurs auxquels j'envoyais ce roman journalier.

= Le déroulement de ce feuilleton a-t-il correspondu à vos attentes?

Ce n'est pas vraiment un feuilleton: un feuilleton aurait pu être écrit à l'avance et diffusé au fur et à mesure, or, en m'obligeant à intégrer les réponses ou les réactions des lecteurs, mon rythme d'écriture devait être absolument quotidien. Or, pensez qu'il y a 10 puissance 30 lectures possibles de ce roman…

Oui ET non: au départ je n'avais pas d'attente, donc oui… De plus, si je n'avais pas d'attentes (un vieux cynique a toujours une vision pessimiste de la nature humaine… ne parlons donc pas de sa créativité…) je savais jusqu'où j'étais prêt à aller. Par exemple, je proposais aux lecteurs de participer au roman mais je n'ai jamais proposé qu'ils me remplacent: je voulais rester le maître (ah mais…). Ce qui m'amusait, c'était d'intégrer, dans une trame et une visée que je m'étais à peu près données, les propositions, y compris les plus farfelues, sans qu'elles paraissent comme telles et sans que je "vende mon âme au diable".

NON car j'ai quand même été un peu surpris du "classicisme" des propositions de lecteurs : on y retrouvait quand même assez massivement les lieux communs les plus éculés (pardon pour le jeu de mot…) des feuilletons télévisés. Si je me laissais faire, nous n'étions pas loin du loft. D'ailleurs, significativement, parce que c'était la période de diffusion de cette émission, plusieurs lecteurs y font référence dans leurs envois et essaient de m'entraîner sur ce terrain. Autrement dit, le plus surprenant peut-être est que des lecteurs qui s'inscrivaient volontairement à une expérience "littéraire" n'avaient de cesse de regarder du côté de la non-littérature, de la banalité et du lieu commun…

= Le déroulement de ce mail-roman vous a-t-il réservé des surprises?

J'ai répondu en partie: peu de surprises car les lecteurs n'ont rien amené de réellement original qui aurait pu me surprendre. Nous étions un peu sur le territoire de l'attendu, du conventionnel, en gros d'un réalisme 19e siècle (même si certaines propositions croyaient le fuir vers le provocateur… en gros le cul…). Aucune proposition, par exemple, n'entraînait un changement de forme alors que le projet était formel pour ne pas dire formaliste. La seule surprise peut-être est venue d'un lecteur qui m'a, en échange, envoyé son propre roman que j'ai intégré au mien…

= Quelles conclusions tirez-vous de cette expérience?

Plusieurs:

- d'abord c'est un "genre": depuis plusieurs personnes m'ont dit lancer aussi un mail-roman;

- ensuite j'ai aperçu quantité de possibilités que je n'ai pas exploitées et que je me réserve pour un éventuel travail ultérieur;

- la contrainte du temps est ainsi très intéressante à exploiter: le temps de l'écriture bien sûr, mais aussi celui de la lecture: ce n'est pas rien de mettre quelqu'un devant la nécessité de lire, chaque jour, une page de roman. Ce "pacte" a quelque chose de diabolique;

- le renforcement de ma conviction que les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire.

= Pensez-vous renouveler cette expérience à l'occasion?

Oui… Mais il me faut du temps. Le principal problème (ne riez pas…) est que c'est gratuit et qu'il n'y a aucun moyen de gagner de l'argent avec ce type de travail. Il faut donc le faire "à temps perdu", c'est-à-dire quand on est ni obligé de faire autre chose ni quand on est payé pour faire autre chose. J'y pense donc, j'ai un certain nombre d'idées que je crois intéressantes, mais je ne peux donner ni date ni certitude. En plus, j'ai un tempérament assez "contextuel", j'aime bien les "commandes", les "contraintes" extérieures, je n'aime pas me "répéter", faire un autre roman internet comme Trajectoires (www.trajectoires.com) ou ce mail-roman ne me passionne pas, si je le fais, ce sera sous une forme encore très différente, etc. Comme mes autres projets fonctionnent bien et me prennent du temps… Mais je n'ai que 60 ans et donc l'avenir devant moi. Dans les quarante ans à venir, je trouverai bien le moyen de revenir au mail-roman d'une autre façon…

EMMANUEL BARTHE [FR]

[FR] Emmanuel Barthe (Paris)

#Documentaliste juridique et responsable informatique chez Coutrelis & Associés, cabinet d'avocats - Modérateur et animateur de la liste de discussion Juriconnexion

[Entretien 22/10/2000 // Entretien 04/05/2001]

* Entretien du 22 octobre 2000

= Pouvez-vous vous présenter?

Je suis documentaliste juridique et responsable informatique chez Coutrelis & Associés, un cabinet d'avocats. Les principaux domaines de travail du cabinet sont le droit communautaire, le droit de l'alimentation, le droit de la concurrence et le droit douanier. Auparavant, j'ai été responsable pendant cinq ans de la documentation du cabinet d'avocat Stibbe Simont Monahan Duhot & Giroux, dont j'ai mis en place les structures et les collections. J'ai également effectué une mission de six mois chez Korn/Ferry International, un important cabinet de recrutement, à l'occasion de sa fusion avec Vuchot & Associés. J'ai alors travaillé sur l'installation du nouveau système informatique et la fusion des bases de candidats gérées par les deux cabinets.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je fais de la saisie indexation, et je conçois et gère les bases de données internes. Pour des recherches documentaires difficiles, je les fais moi-même ou bien je conseille le juriste. Je suis aussi responsable informatique et télécoms du Cabinet: conseils pour les achats, assistance et formation des utilisateurs.

De plus, j'assure la veille, la sélection et le catalogage de sites web juridiques: titre, auteur et bref descriptif. Je suis également formateur internet juridique aussi bien à l'intérieur de mon entreprise qu'à l'extérieur lors de stages de formation.

Membre du conseil d'administration de Juriconnexion, je m'y suis spécialisé dans les CD-Rom puis l'internet juridique. Depuis l'automne 1999, je m'occupe de modérer et d'animer la liste de discussion Juriconnexion.

= Quel est le rôle de l'association Juriconnexion?

L'association Juriconnexion a pour but la promotion de l'électronique juridique, c'est à dire la documentation juridique sur support électronique et la diffusion des données publiques juridiques. Elle organise des rencontres entre les utilisateurs et les éditeurs juridiques et de bases de données, ainsi qu'une journée annuelle sur un thème. Celle du 23 novembre 2000 portait sur les sites juridiques francophones.

Vis-à-vis des autorités publiques, Juriconnexion a un rôle de médiateur et de lobbying à la fois. L'association, notamment, est favorable à la diffusion gratuite sur internet des données juridiques produites par le Journal officiel et les tribunaux. Les bibliothécaires-documentalistes juridiques représentent la majorité des membres de l'association, suivis par certains représentants des éditeurs et des juristes. Juriconnexion a créé la liste de discussion du même nom, qui traite des mêmes sujets mais reste ouverte aux non-membres.

= Quelles sont vos suggestions concernant le respect du droit d'auteur sur le web?

À titre personnel, je pense que la propriété intellectuelle va devoir s'adapter aux nouvelles conditions créées par internet, c'est-à-dire une copie à l'identique et une diffusion à de très nombreux exemplaires, devenues très faciles et d'un très faible coût, la difficulté d'un contrôle exhaustif et systématique et l'existence d'un esprit internet défendant la gratuité et le respect de la vie privée et de l'anonymat.

Dans ce contexte, pour préserver une rémunération des auteurs et des éditeurs, il me semble qu'une des voies envisageables repose sur une baisse très forte des prix unitaires en audio et vidéo. Il s'agit donc de maximiser le versement des droits lors de la toute première diffusion. Vis-à-vis du grand public, une autre possibilité consisterait en un cryptage fort des données et une vérification automatique et obligatoire des licences. Les "majors" américaines et allemandes s'orientent clairement vers une solution de ce type.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure répartition des langues sur le web?

Des signes récents laissent penser qu'il suffit de laisser les langues telles qu'elles sont actuellement sur le web. En effet les langues autres que l'anglais se développent avec l'accroissement du nombre de sites web nationaux s'adressant spécifiquement aux publics nationaux, afin de les attirer vers internet. Il suffit de regarder l'accroissement du nombre de langues disponibles dans les interfaces des moteurs de recherche généralistes.

Il serait néanmoins utile (et bénéfique pour un meilleur équilibre des langues) de disposer de logiciels de traduction automatique de meilleure qualité et à très bas prix sur internet. La récente mise sur le web du GDT (Grand dictionnaire terminologique, rédigé par l'Office de la langue française du Québec) va dans ce sens.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Professionnellement, j'utilise encore beaucoup le papier, mais nettement moins les ouvrages que la presse et les sorties papier de documents, de textes officiels et de jurisprudence. Chez moi, j'ai un faible pour les beaux livres: livres d'art et éditions originales de recueils de poésie.

= Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui?

Ce support a mieux que de beaux jours devant lui: il a un avenir. En effet, les avantages du papier sont insurpassables:

- la facilité et le confort de lecture, bien supérieurs aux possibilités des meilleurs écrans informatiques (21 pouces y compris);

- une visualisation tridimensionnelle des informations, qui entraîne une meilleure représentation mentale des informations. Celles-ci sont alors plus faciles à comprendre et à manipuler.

Pour bien me faire comprendre, je vais prendre l'exemple suivant que je connais par coeur: un juriste travaille couramment avec quatre ouvrages ouverts sur sa table et consultés en même temps ou immédiatement l'un après l'autre: un code (recueil de textes officiels annotés), une revue juridique, un recueil de jurisprudence et une encyclopédie juridique. Imaginons qu'il possède la version électronique de chacune de ces publications ou leur réunion (ça existe). Afin de ne pas compliquer la démonstration, je laisse de côté le fait que notre professionnel du droit doit aussi avoir sous les yeux le dossier de son client et la consultation ou la plaidoirie qu'il doit rédiger pour lui.

Sur écran, passer d'un ouvrage ou d'un document à l'autre impose à notre juriste pressé de perdre de vue l'ouvrage ou le document précédent, sauf écran 21 pouces (prix de départ: 5.500 FF HT, le prix d'un PC de base). L'écran d'ordinateur, aussi grand soit-il, ne peut afficher, dans le meilleur des cas, que deux pages A4 et ne permet pas de feuilleter le ou les ouvrages électroniques. Autant dire que le juriste, même partisan de l'informatisation, a bien du mal à se repérer dans un monde d'une surface de 21 pouces et sans profondeur.

Alors qu'avec le papier:

- il a à sa disposition la possibilité de feuilleter rapidement le contenu des ouvrages quand (ce qui est fréquent) il ne sait pas encore exactement ce qu'il cherche;

- il visualise les informations en trois dimensions partout dans son bureau, donc dans un espace d'environ 10 m2 de surface et 2 m de haut, ce qui est infiniment plus vaste que les 21 pouces maximum sans épaisseur de son écran;

- ça ne tombe jamais en panne!

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

A priori (puisque je ne possède pas de livre électronique) je n'ai pas un enthousiasme délirant: le livre électronique n'offre en effet pas les avantages du support papier et il implique l'achat d'un matériel supplémentaire. A la limite, affichées sur un écran correct (17 pouces et une bonne carte graphique), les capacités de mise en page du format HTML me semblent suffisantes. Et pour une qualité de mise en page optimale, il existe déjà le format PDF d'Acrobat, parfaitement lisible sur les PC et les Mac.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Je ne visualise pas le cyberespace comme véritable espace physique mais comme un immense média néanmoins concentré en un lieu unique: l'écran de l'ordinateur. En revanche, je conçois/pense le cyberespace comme un forum ou une assemblée antique: beaucoup d'animation, diversité des opinions, des discours, des gens qui se cachent dans les recoins, des personnes qui ne se parlent pas, d'autres qui ne parlent qu'entre eux…

= Et la société de l'information?

Il s'agit nettement moins d'une "société" de l'information que d'une économie de l'information. J'espère que la société, elle, ne sera jamais dominée par l'information, mais restera cimentée par des liens entre les hommes de toute nature, qu'ils communiquent bien ou mal, peu ou beaucoup.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Parmi mes bons souvenirs, je pense à ma première publication sur le web: celle de mon bookmark sur le site ForInt Law (Foreign and International Law), en 1996, grâce à la webmestre de ce site, une collègue bibliothécaire juridique dans une université américaine. Je pourrais aussi citer les (trop rares) découvertes de sites juridiques français dotés d'un réel contenu (un contenu inédit et de valeur) et les remerciements que j'ai reçus pour la rédaction de la FAQ (foire aux questions) de la liste de discussion de Juriconnexion que j'ai récemment rédigée.

= Et votre pire souvenir?

Le pire, ce fut la destruction involontaire de mon fichier bookmark de Netscape, à une époque où il était heureusement moins volumineux qu'aujourd'hui. À partir d'une sauvegarde ancienne, j'ai dû retrouver, de mémoire, près d'un tiers des URL et réécrire les descriptions des sites.

*Entretien du 4 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Rien de spécial, si ce n'est que le côté informatique et internet est maintenant bien ancré dans mon travail. Le travail d'animation et de modération de la liste Juriconnexion porte ses fruits puisque nous approchons les 400 membres.

ROBERT BEARD [EN, FR]

[EN] Robert Beard (Pennsylvania)

#Co-Founder of yourDictionary.com, a major language portal

[Interview 01/09/1998 // Interview 17/01/2000]

*Interview of September 1, 1998

= How did using the Internet change your professional life?

As a language teacher, the Web represents a plethora of new resources produced by the target culture, new tools for delivering lessons (interactive Java and Shockwave exercises) and testing, which are available to students any time they have the time or interest - 24 hours a day, 7 days a week. It is also an almost limitless publication outlet for my colleagues and I, not to mention my institution.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

There was an initial fear that the Web posed a threat to multilingualism on the Web, since HTML and other programming languages are based on English and since there are simply more websites in English than any other language. However, my websites indicate that multilingualism is very much alive and the Web may, in fact, serve as a vehicle for preserving many endangered languages. I now have links to dictionaries in 150 languages and grammars of 65 languages. Moreover, the new attention paid by browser developers to the different languages of the world will encourage even more websites in different languages.

= How do you see the future?

Ultimately all course materials, including lecture notes, exercises, moot and credit testing, grading, and interactive exercises far more effective in conveying concepts that we have not even dreamed of yet. The Web will be an encyclopedia of the world by the world for the world. There will be no information or knowledge that anyone needs that will not be available. The major hindrance to international and interpersonal understanding, personal and institutional enhancement, will be removed. It would take a wilder imagination than mine to predict the effect of this development on the nature of humankind.

*Interview of January 17, 2000

= Can you tell us about yourDictionary.com?

A Web of Online Dictionaries (WOD) is now a part of yourDictionary.com (as of February 15, 2000). The new website is an index of 1200+ dictionaries in more than 200 languages. Besides the WOD, the new website includes a word-of-the-day-feature, word games, a language chat room, the old Web of On-line Grammars (now expanded to include additional language resources), the Web of Linguistic Fun, multilingual dictionaries; specialized English dictionaries; thesauri and other vocabulary aids; language identifiers and guessers, and other features; dictionary indices. YourDictionary.com will hopefully be the premiere language portal and the largest language resource site on the Web. It is now actively acquiring dictionaries and grammars of all languages with a particular focus on endangered languages. It is overseen by a blue ribbon panel of linguistic experts from all over the world.

= What exactly is your activity?

I am now a founder, officer and member of the board of yourDictionary.com, Inc. and will be retiring from Bucknell this spring at which time I must remove my sites from Bucknell's servers. I think the company will generate resources to allow my work to continue and expand.

= Has yourDictionary.com new projects and new ideas?

Indeed, yourDictionary.com has lots of new ideas. We plan to work with the Endangered Language Fund in the US and Britain to raise money for the Foundation's work and publish the results on our site. We will have language chatrooms and bulletin boards. There will be language games designed to entertain and teach fundamentals of linguistics. The Linguistic Fun page will become an on-line journal for short, interesting, yes, even entertaining, pieces on language that are based on sound linguistics by experts from all over the world.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

Open access is never free; someone pays the salaries of those who develop open access, public domain applications. My website has been free and free of commercial activities so long as Bucknell has provided me with a salary and free ISP services. Now that I am retiring and must remove my sites from Bucknell servers, my choices are to take the sites down, sell them, or generate revenue streams that will support the site. I have chosen the latter course. The resources will remain free of charge, only because we will be offering other services for fee. These services will be based on copyrighted properties to guarantee that the funds generated go to the source that generates them.

As for the debate (and court actions) over deep linking and the like, I think this carries copyright too far. Linking should be the decision of the website that carries the hyperlink. Websites are fair game for linking since they are on a public network. If they don't want to be on a public network, let them create a private one. This leads to the conclusion that porn sites may link to family-oriented sites, a conclusion that no doubt worries some. So long as the link does not go in the other direction, however, I see no immediate problem with this.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

While English still dominates the Web, the growth of monolingual non-English websites is gaining strength with the various solutions to the font problems. Languages that are endangered are primarily languages without writing systems at all (only 1/3 of the world's 6,000+ languages have writing systems). I still do not see the Web contributing to the loss of language identity and still suspect it may, in the long run, contribute to strengthening it. More and more Native Americans, for example, are contacting linguists, asking them to write grammars of their language and help them put up dictionaries. For these people, the Web is an affordable boon for cultural expression.

= What is your best experience with the Internet?

My own website, whose popularity continues to astound me. I receive a dozen or so letters from visitors each day, at least half of which compliment my work. It is difficult to maintain the size of my ego but the flattery is very good for the soul. I am astounded that only 6 years away from the inception of the Web, I can find over 1200 creditable on-line dictionaries in more than 200 different languages.

= And your worst experience?

The worst experience is finding my website copied with my name removed from it.
I have always been able to resolve the problem, however. My experience with the
Internet has been very positive and if yourDictionary.com succeeds, it will be
even more positive.

[FR] Robert Beard (Pennsylvanie)

#Co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour les langues

Créé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de son ancien site "A Web of Online Dictionaries", intégré à celui-ci le 15 février 2000. Ce portail majeur est consacré aux dictionnaires - 1.500 dictionnaires dans 230 langues - et aux langues en général (vocabulaires, grammaires, apprentissage des langues, etc.). En tant que portail de toutes les langues sans exception, il accorde une importance particulière aux langues minoritaires et menacées.

[Entretien 01/08/1998 // Entretien 17/01/2000]

*Entretien du 1er septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

En tant que professeur de langues, je pense que le web présente une pléthore de nouvelles ressources disponibles dans la langue étudiée, de nouveaux instruments d'apprentissage (exercices interactifs Java et Shockwave) et de test, qui sont à la disposition des étudiants quand ceux-ci en ont le temps ou l'envie, 24 heures / 24 et 7 jours / 7. Aussi bien pour mes collègues que pour moi, et bien sûr pour notre établissement, l'internet nous permet aussi de publier pratiquement sans limitation.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

On a d'abord craint que le web représente un danger pour le multilinguisme, étant donné que le langage HTML et d'autres langages de programmation sont basés sur l'anglais et qu'on trouve tout simplement plus de sites web en anglais que dans toute autre langue. Cependant, les sites web que je gère montrent que le multilinguisme est très présent et que le web peut en fait permettre de préserver des langues menacées de disparition. Je propose maintenant des liens vers des dictionnaires dans 150 langues différentes et des grammaires dans 65 langues différentes. De plus, comme ceux qui développent les navigateurs manifestent une attention nouvelle pour la diversité des langues dans le monde, ceci va encourager la présence de davantage encore de sites web dans différentes langues.

= Comment voyez-vous l'avenir?

L'internet nous offrira tout le matériel pédagogique dont nous pouvons rêver, y compris des notes de lecture, exercices, tests, évaluations et exercices interactifs plus efficaces que par le passé parce que reposant davantage sur la notion de communication. Le web sera une encyclopédie du monde faite par le monde pour le monde. Il n'y aura plus d'informations ni de connaissances utiles qui ne soient pas diponibles, si bien que l'obstacle principal à la compréhension internationale et interpersonnelle et au développement personnel et institutionnel sera levé. Il faudrait une imagination plus débordante que la mienne pour prédire l'effet de ces développements sur l'humanité.

*Entretien du 17 janvier 2000 (entretien original en anglais)

= En quoi consiste exactement yourDictionary.com?

"A Web of Online Dictionaries" (WOD) est maintenant intégré à yourDictionary.com. Le nouveau site indexe 1.200 dictionnaires dans 200 langues différentes. Outre le WOD, il comprend: le mot du jour, des jeux de mots, un groupe de discussion sur les langues, des grammaires en ligne (incluant des grammaires dans de nouvelles langues), des éléments de base sur la linguistique, des dictionnaires multilingues, des dictionnaires spécialisés de langue anglaise, des thésaurus et outils de vocabulaire, des outils permettant d'identifier des langues, des index de dictionnaires, etc.

YourDictionary.com a pour objectif d'être le premier portail et la principale ressource en langues sur le web. Nous sommes en train de rassembler des dictionnaires et grammaires dans toutes les langues, avec un souci particulier pour les langues menacées. Le site est supervisé par un comité d'experts linguistiques du monde entier.

= Quelle est exactement votre activité?

Je suis le fondateur et le gérant du site, et je suis membre du conseil d'administration de la société yourDictionary.com, Inc. Professeur à l'Université de Bucknell, je prends ma retraite au printemps, date à laquelle je dois retirer mes sites des serveurs de l'université. Je pense que la société yourDictionary.com générera les ressources me permettant de continuer mon travail.

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Nos nouvelles idées sont nombreuses. Nous projetons de travailler avec le Endangered Language Fund aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne pour rassembler des fonds pour cette fondation et nous publierons les résultats sur notre site. Nous aurons des groupes de discussion et des bulletins d'information sur les langues. Il y aura des jeux de langue destinés à se distraire et à apprendre les bases de la linguistique. La page "Linguistic Fun" (éléments de base sur la linguistique) deviendra un journal en ligne avec des extraits courts, intéressants et même amusants dans différentes langues, choisis par des experts du monde entier.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

L'accès libre n'est jamais gratuit, puisque ce sont des personnes salariées qui développent les applications en accès libre appartenant au domaine public. Mon site web est gratuit, et il n'était pas une affaire commerciale tant que l'Université de Bucknell m'a versé un salaire et m'a fait bénéficier de ses propres services d'accès à l'internet. Maintenant que je prends ma retraite et que je dois retirer mes sites des serveurs de Bucknell, j'ai eu le choix entre supprimer mes sites, les vendre ou générer des revenus permettant de continuer cette activité. J'ai choisi la dernière solution. Les ressources disponibles resteront gratuites parce que nous offrirons d'autres services qui seront payants. Ces services seront basés sur les règles du copyright pour garantir le versement des fonds à la bonne source.

En ce qui concerne le débat (et les actions judiciaires) sur les liens, je pense qu'il y a excès dans l'application du copyright. Un lien vers un autre site devrait appartenir au site qui crée le lien. Il est normal de créer des liens vers d'autres sites web appartenant à un réseau public. Si des sites ne souhaitent pas être sur un réseau public, ils peuvent créer un réseau privé. Ceci mène à la conclusion que les sites pornographiques peuvent proposer des liens vers d'autres sites du même type, conclusion qui peut en inquiéter certains. Je ne vois toutefois pas de problème immédiat à cela dans la mesure où les liens ne sortent pas de ce cadre.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Si l'anglais domine encore le web, on voit s'accentuer le développement de sites monolingues et non anglophones du fait des solutions variées apportées aux problèmes de caractères. Les langues menacées sont essentiellement des langues non écrites (un tiers seulement des 6.000 langues existant dans le monde sont à la fois écrites et parlées). Je ne pense pourtant pas que le web va contribuer à la perte de l'identité des langues et j'ai même le sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, de plus en plus d'Indiens d'Amérique contactent des linguistes pour leur demander d'écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer des dictionnaires. Pour eux, le web est un instrument à la fois accessible et très précieux d'expression culturelle.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Mon propre site web, dont la popularité continue de me stupéfier. Je reçois quotidiennement une douzaine de lettres de visiteurs, dont la moitié au moins me félicite pour mon travail. Je ne veux pas tomber dans une autosatisfaction démesurée, mais ces compliments me font très plaisir. Je suis également stupéfait du fait que, six ans seulement après les débuts du web, je puisse dénombrer plus de 1.200 dictionnaires en ligne qui soient dignes d'intérêt, dans plus de 200 langues différentes.

= Et votre pire souvenir?

Mon pire souvenir a été de voir mon site web copié sans mention de mon nom. Mais j'ai toujours pu résoudre ce problème. En général, mes souvenirs liés à l'internet sont positifs et ils le seront plus encore si yourDictionary.com a du succès.

MICHAEL BEHRENS [EN, FR]

[EN] Michael Behrens (Bielefeld, Germany)

#In charge of the digital library of the digital library of the Bielefeld
University Library

* Interview of September 25, 1998

= When did you begin your digital library?

It depends what you understand this term to mean. To some here, "digital library" seems to be everything even remotely to do with the Internet. The library started its own web server in summer 1995. There's no exact date because it took some time for us to get it to work in a reasonably reliable way. Before that, it had been offering most of its services via Telnet, which wasn't used much by customers, although in theory they could have accessed a lot of material from home. But in those days hardly anybody had Internet access at home. We started digitizing rare prints from our own library, and some that were sent in via library loan, in November 1996.

= How many digitized texts do you have?

In that first phase of our attempts at digitization, starting in November 1996 and ending in June 1997, 38 rare prints were scanned as image files and made available on the Web. In the same period, there were also a few digital materials prepared as accompanying material for lectures held at the university (image files as excerpts from printed works). These are, for copyright reasons, not available outside the campus. The next step, which is just being completed, is the digitization of the Berlinische Monatsschrift, a German periodical from the Enlightenment, comprising 58 volumes — 2,574 articles on 30,626 pages.

A rather bigger project to digitize German periodicals from the 18th and early 19th century is planned. This will involve about a million pages. These periodicals will be not just be from this library's stock, but the project would be coordinated here and some of the technical work done here too.

[FR] Michael Behrens (Bielefeld, Allemagne)

#Responsable de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque universitaire de
Bielefeld

*Entretien du 25 septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quand votre bibliothèque numérique a-t-elle débuté?

Tout dépend de ce qu'on entend par ce terme. Pour certains de mes collègues, "bibliothèque numérique" signifie tout ce qui, de près ou de loin, a trait à l'internet. La bibliothèque a inauguré son propre serveur durant l'été 1995. Je ne peux pas vous donner de date précise parce qu'il nous a fallu du temps pour que tout fonctionne de manière satisfaisante. Auparavant, la plupart des services était accessible par le biais de Telnet, qui n'était pas beaucoup utilisé par nos clients, malgré le fait qu'ils y aient accès à domicile. A cette époque, pratiquement personne n'avait d'accès internet chez soi… C'est en novembre 1996 que nous avons commencé à numériser des livres rares provenant de notre bibliothèque ou du prêt inter-bibliothèques.

= Combien d'oeuvres numérisées avez-vous?

Au cours de la première phase de nos essais - entre novembre 1996 et juin 1997 - 38 imprimés rares ont été numérisés en mode image pour consultation sur le web. Au même moment, on a préparé aussi quelques documents numériques pour accompagner des cours de l'université (des extraits de documents imprimés numérisés en mode image). Pour des raisons liées au droit d'auteur, ces documents ne sont pas disponibles hors du campus. L'étape suivante - que nous venons de terminer - est la numérisation du Berlinische Monatsschrift (Revue mensuelle de Berlin), un périodique allemand datant du Siècle des lumières, qui représente 58 volumes, 2.574 articles et 30.626 pages. On prévoit maintenant une numérisation à plus grande échelle de périodiques allemands des 18e et 19e siècles, ce qui correspond à environ un million de pages. Ces périodiques ne seraient pas seulement ceux de la bibliothèque, mais le projet serait coordonné ici, et une partie de la réalisation technique serait également effectuée sur place.

MICHEL BENOIT [FR]

[FR] Michel Benoît (Montréal)

#Ecrivain, utilise l'internet comme outil de recherche, de communication et d'ouverture au monde

Michel Benoît écrit des nouvelles (polars, récits noirs, histoires fantastiques). C'est un passionné de la vie, avec toutes ses contradictions. Professeur de maths et de sciences, il aime - et pas nécessairement dans le bon ordre - la course de Formule 1, la lecture, ses enfants, l'informatique, la pêche, Rimbaud, la chasse, le jazz, et la nature sous toutes ses formes.

*Entretien du 29 juin 2000

= Pensez-vous créer un jour un site web?

Je ne sais pas si je créerai un jour un site web. Je pense que non. Tout comme je sais que je ne ferai jamais de sculpture ou ne composerai jamais de symphonie. Pour moi, la construction d'un site web est un art du type "arts appliqués". Il y a des millions de sites qui sont créés en ce moment. La très grande majorité prendra éventuellement le chemin de la poubelle de l'histoire. Il est facile d'imaginer un web complètement saturé, et ça me devrait pas tarder. Les fournisseurs pourraient décréter que tout site qui ne reçoit pas plus de (xx) visites par mois soit éliminé. Un peu comme toutes ces oeuvres d'art (???) des siècles passés qui ont disparu du paysage culturel, et on ne peut pas dire que ça a vraiment changé le cours de l'histoire humaine. Donc laissons aux futurs Rembrandt du clavier le soin de charmer nos yeux. Personnellement, je me garderai de m'en mêler.

= Que représente l'internet pour vous?

J'écris. Donc naturellement l'internet s'est imposé à moi comme outil de recherche et de communication, essentiellement. Non, pas essentiellement. Ouverture sur le monde aussi. Si l'on pense: recherche, on pense: information. Voyez-vous, si l'on pense: écriture, réflexion, on pense: connaissance, recherche. Donc on va sur la toile pour tout, pour une idée, une image, une explication. Un discours prononcé il y a vingt ans, une peinture exposée dans un musée à l'autre bout du monde. On peut donner une idée à quelqu'un qu'on n'a jamais vu, et en recevoir de même.

La toile, c'est le monde au clic de la souris. On pourrait penser que c'est un beau cliché. Peut-être bien, à moins de prendre conscience de toutes les implications de la chose. L'instantanéité, l'information tout de suite, maintenant. Plus besoin de fouiller, de se taper des heures de recherche. On est en train de faire, de produire. On a besoin d'une information. On va la chercher, immédiatement. De plus, on a accès aux plus grandes bibliothèques, aux plus importants journaux, aux musées les plus prestigieux. On pense à une toile d'un grand peintre, un instant plus tard, on l'a devant les yeux, on peut l'imprimer pour l'étudier plus en détail. Il y a une guerre quelque part dans le monde, un instant plus tard, on lit les communiqués de propagande d'un côté et de l'autre. La toile, le web, est en train de donner son vrai sens au village global, Gaïa, la terre-mère.

= Comment voyez-vous l'avenir?

En ce moment, juin 2000, il est extrêmement difficile de faire quelque prédiction que ce soit sur le futur d'internet. Toute prospective le moindrement pointue, techniquement par exemple, sur l'évolution du net sera certainement farfelue dans un futur plus ou moins rapproché. On peut y aller d'idées, encore que ça doit être très général. Pas par crainte d'être ridicule, le ridicule ne tue pas, c'est connu. Non, par souci d'honnêteté, tout simplement.

Mon avenir professionnel en inter-relation avec le net, je le vois exploser. Plus rapide, plus complet, plus productif. Je me vois faire en une semaine ce qui m'aurait pris des mois. Plus beau, plus esthétique. Je me vois réussir des travaux plus raffinés, d'une facture plus professionnelle, même et surtout dans des domaines connexes à mon travail, comme la typographie, où je n'ai aucune compétence. La présentation, le transport de textes, par exemple. Le travail simultané de plusieurs personnes qui seront sur des continents différents. Arriver à un consensus en quelques heures sur un projet, alors qu'avant le net, il aurait fallu plusieurs semaines, parlons de mois entre les francophones. Plus le net ira se complexifiant, plus l'utilisation du net deviendra profitable, nécessaire, essentielle.

Parenthèse: est-il si farfelu de penser que les historiens des années 2100 considéreront l'avènement du net comme un événement aussi, sinon plus, important que la révolution industrielle? Le feu, l'agriculture, la révolution industrielle, le net. On en est rendu à la "révolution continue de l'Evolution".

Ça me fait penser à ce merveilleux texte Desiderata, découvert dans l'église Saint-Paul à Baltimore en 1693, je pense. J'en cite de mémoire une phrase qui me hante: "Que vous le compreniez ou non, que vous le vouliez ou non (c'est peut-être de moi), l'univers évolue comme il se doit." J'y crois. Je crois sincèrement qu'au travers l'incroyable désordre de l'Evolution, il n'y a rien qui soit soumis au hasard. "Dieu n'a pas créé un monde soumis au hasard", disait Einstein à Bohr lors d'une de leurs homériques prises de bec.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Beau noeud de vipères, cette affaire. Non pas les débats sur la reproduction par le net, mais la reproduction elle-même. La musique, le cinéma, la littérature, tout va y passer. Peut-être suis-je trop optimiste, mais je crois que ce qui est un problème aujourd'hui trouvera sa solution demain. Lors de l'avènement de la photocopie, on s'est posé les mêmes questions. C'est évident qu'il y a eu des abus. Beaucoup d'auteurs ont été joyeusement floués par des enseignants à la moralité douteuse qui photocopiaient, sans vergogne, des textes protégés par des droits d'auteur. Les choses se replacent et plusieurs pays ont voté des lois sévères à ce sujet. Idem pour la reproduction électronique, soit d'oeuvres musicales ou visuelles, on ne peut plus faire n'importe quoi sans qu'il en coûte. Je pense qu'il en sera de même pour les documents informatiques, programmes, textes, utilitaires ou autres. Les CD, jeux, musique ou vidéos seront incopiables parce qu'ils auront des programmes autodestructeurs insérés dans leurs trames numériques. Science-fiction? La science-fiction d'aujourd'hui est la réalité de demain, demandez à vos grands-mères.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Lorsqu'un problème affecte une structure, quelle qu'elle soit, j'ai toujours tendance à imaginer que c'est techniquement que le problème trouve sa solution. Vous connaissez cette théorie? Si les Romains avaient trouvé le moyen d'enlever le plomb de leur couvert d'étain, Néron ne serait jamais devenu fou et n'aurait jamais incendié Rome. Escusi, farfelu? Peut-être que oui, peut-être que non. E que save? L'internet multilingue? Demain, ou après demain au plus. Voyons, pensez au premier ordinateur, il y a de cela un peu plus que cinquante ans. Un étage au complet pour faire à peine plus que les quatre opérations de base. Dans ce temps-là, un bug, c'était véritablement une mouche - ou autre insecte - qui s'insérait entre les lecteurs optiques. De nos jours (2000), un carte de 3 cm x 5 cm fait la même chose. La traduction instantanée: demain, après-demain au plus.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Les mails que j'échangeais avec les gens de B-52, la radio libre et clandestine de Serbie, pendant le conflit du Kosovo. En 1978, j'ai visité cette région. Je pouvais sentir leurs souffrances, leurs anxiétés, leurs espoirs. C'est vrai que je me sentais impuissant devant le drame qui se jouait à des milliers de kilomètres de chez moi, mais, au moins, je pouvais parler, témoigner.

= Et votre pire souvenir?

Les quelques rares visites que j'ai faites sur les chats. Le vide, l'ennui qui s'y distille. L'inculture qui s'y exprime aussi. Désolant, en même temps paniquant. Quelqu'un qui écrit: "Ya man, yyyyyyeeeeeeesssssss, j't'aim 4 ever my luuuuuuvvvvvvvvvvvv" me semble incroyablement désespéré. Un jour, les travailleurs de rue, qui s'occupent actuellement des itinérants et des drogués, travailleront sur le net à récupérer cette humanité souffrante. Je pense sincèrement que, avec la porno, le chat est la poubelle du net. C'est tout ce que j'en pense, et c'est déjà trop.

= Une citation qui vous est chère?

Harlan Ellison a écrit ces mots magnifiques: "Écris. N'aie pas peur. Ne les laisse pas t'effrayer. Ils ne peuvent rien te faire. Un écrivain écrit toujours. Il est fait pour ça. Si on ne veut pas te laisser écrire ce que tu veux, si on te démolit sur le marché, alors cherche un autre marché. Fais tout ce que tu peux, mais écris. Si tu dis: 'ils me tuent', alors tu es foutu. Parce que tout ce qu'un écrivain a d'essentiel à vendre, c'est son courage. S'il n'en a pas, il est le plus minable des lâches. C'est un foireux et un hérétique, parce qu'écrire est une tâche sacrée."

GUY BERTRAND & CYNTHIA DELISLE [FR, EN]

[FR] Guy Bertrand & Cynthia Delisle (Montréal)

#Respectivement directeur scientifique et consultante au CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues)

Créé en 1995, le CEVEIL est un organisme québécois qui s'intéresse à l'utilisation et au traitement des langues sur les inforoutes dans une optique francophone, via des activités de veille et la création d'un réseau d'échanges et d'expertise. Le CEVEIL s'intéresse également aux industries de la langue en général (reconnaissance vocale, traduction automatique, reconnaissance optique de caractères, etc.) et à des domaines d'activité connexes, tels la gestion stratégique de l'information, la gestion des connaissances, la normalisation, la standardisation, etc. Le CEVEIL fait partie du CEFRIO (Centre francophone d'information des organisations).

[Entretien 23/08/1998 // Entretien 13/03/2000 // Entretien 04/06/2001]

*Entretien du 23 août 1998

= Quel est l'apport de l'internet pour votre organisme?

Mentionnons, tout d'abord, que l'existence du web constitue en soi une des raisons d'être du CEVEIL, puisque nous concentrons nos activités principalement autour de la thématique de l'utilisation et du traitement des langues sur internet.

Par ailleurs, le web est notre principal terrain de cueillette d'information sur les thématiques qui nous préoccupent. Nous procédons notamment à une fréquentation assidue des sites abordant nos thématiques de travail - plus particulièrement des sites diffusant des nouvelles quotidiennes et/ou hebdomadaires. A ce niveau, on peut affirmer sans hésitation que nous exploitons davantage internet que les diverses ressources écrites disponibles pour réaliser nos activités.

Dans un ordre d'idées un peu différent, nous utilisons abondamment le courriel pour entretenir des relations avec les intervenants du milieu et ainsi obtenir des informations et mener à bien divers projets. Le CEVEIL est une structure-réseau qui survivrait difficilement sans internet pour relier toutes les personnes impliquées.

Enfin, il convient de signaler que le web constitue également notre plus important outil pour la diffusion de nos produits aux clientèles-cibles: envoi de bulletins électroniques de nouvelles à nos abonnés, création d'un périodique électronique, diffusion d'information et de documents via notre site web, etc.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

Le multilinguisme sur internet est la conséquence logique et naturelle de la diversité des populations humaines. Dans la mesure où le web a d'abord été développé et utilisé aux Etats-Unis, il n'est guère étonnant que ce médium ait commencé par être essentiellement anglophone (et le demeure actuellement). Toutefois, cette situation commence à se modifier et le mouvement ira en s'amplifiant, à la fois parce que la plupart des nouveaux usagers du réseau n'auront pas l'anglais comme langue maternelle et parce que les communautés déjà présentes sur le web accepteront de moins en moins la "dictature" de la langue anglaise et voudront exploiter internet dans leur propre langue, au moins partiellement.

On peut prévoir que l'on arrivera sans doute, d'ici quelques années, à une situation semblable à ce qui prévaut dans le monde de l'édition en ce qui concerne la répartition des différentes langues. Ceci signifie néanmoins que seul un nombre relativement restreint de langues seront représentées (comparativement aux quelques milliers d'idiomes qui existent). Dans cette optique, nous croyons que le web devrait chercher, entre autres, à favoriser un renforcement des cultures et des langues minoritaires, en particulier pour les communautés dispersées.

Enfin, l'arrivée de langues autres que l'anglais sur internet, si elle constitue un juste rééquilibre et un enrichissement indéniable, renforce évidemment le besoin d'outils de traitement linguistique aptes à gérer efficacement cette situation, d'où la nécessité de poursuivre les travaux de recherche et les activités de veille dans des secteurs comme la traduction automatique, la normalisation, le repérage de l'information, la condensation automatique (résumés), etc.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Internet est là pour demeurer. L'apparition de langues autres que l'anglais sur ce médium constitue également un phénomène irréversible. Il sera donc nécessaire de tenir compte de ces nouvelles réalités aux points de vue économique, social, politique, culturel, etc. Des secteurs comme la publicité, la formation professionnelle, le travail en groupes et en réseaux, la gestion des connaissances devront évoluer en conséquence. Cela nous ramène, tel que nous l'avons mentionné plus haut, à la nécessité de développer des technologies et des outils vraiment performants qui faciliteront les échanges dans un Village global terriblement plurilingue…

*Entretien du 13 mars 2000

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Le CEVEIL a cessé la production de ses clips d'information hebdomadaires et de son périodique mensuel. Cette situation résulte moins d'un changement d'orientation que d'un manque de ressources humaines et financières. La reprise de ces activités, sans être impossible, n'est pas envisagée pour le moment.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Guy Bertrand: Il est très important de respecter le droit des auteurs et c'est aux auteurs de décider de ce qu'ils veulent en faire. Le web accorde une place de plus en plus grande à la gratuité des usages. Les auteurs ne sont pas tenus de s'y plier, mais de plus en plus d'auteurs s'y adaptent volontairement et avec profit. Les modèles d'affaires sur le web évoluent très rapidement et n'ont pas fini de le faire. De nouveaux modèles d'affaires se développeront et la place de la gratuité y sera forte, mais les droits des auteurs devront être respectés de façon innovatrice de la part des auteurs et des fournisseurs de services et de contenus.

Cynthia Delisle: Les droits d'auteur devraient idéalement faire l'objet du même respect sur le web que dans d'autres médias, la radio ou la presse par exemple. Cela dit, internet pose à ce niveau des problèmes inédits à cause de la facilité avec laquelle on peut (re)produire et (re)distribuer l'information à grande échelle, et aussi en raison de la tradition de gratuité du réseau. Cette tradition fait, d'une part, que les gens rechignent à débourser pour des produits et services qu'ils trouveraient tout naturel de payer dans d'autres contextes et, d'autre part, qu'ils ont peut-être moins d'états d'âme, dans le contexte du net, à utiliser des produits piratés. La problématique du respect des droits d'auteur constitue, à mon sens, un des enjeux majeurs pour l'évolution du réseau, et il sera certainement très intéressant de voir les solutions qui seront mises de l'avant à cet égard.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Guy Bertrand: Depuis 1998, le commerce électronique international s'est beaucoup développé et les vendeurs veulent de plus en plus communiquer dans les langues préférées par les acheteurs, ce qui augmentera encore le caractère multilingue du web. Le commerce électronique ne dominera pas le web, mais son importance augmente ainsi que se marque le caractère multilingue du web. Les outils pour le multilinguisme sur le web sont, hélas!, toujours en retard.

Cynthia Delisle: Je pense que la tendance déjà amorcée en 1998 s'est confirmée depuis et que l'avenir d'internet passe irrémédiablement par le multilinguisme. Internet s'internationalise, et on voit mal comment ce phénomène pourrait se réaliser sans s'accompagner d'une diversification linguistique et culturelle du réseau. Même si l'anglais demeurera sans doute toujours la langue la plus utilisée sur internet, le pourcentage de sites et de documents offerts en d'autres langues continuera régulièrement d'augmenter, jusqu'à ce qu'un certain "équilibre" soit atteint.

Par ailleurs, je suis entièrement d'accord avec M. Bertrand lorsqu'il souligne que les outils aptes à traiter cette diversité linguistique ne sont pas encore au point. La traduction automatique, par exemple, piétine dangereusement depuis nombre d'années… Pourtant, les besoins ne cesseront de croître, d'où la nécessité de multiplier les efforts de R&D (recherche et développement) dans ces secteurs.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Guy Bertrand: Ma première expérience avec le site www.neuromedia.com.

Cynthia Delisle: Le maintien régulier et à moindre coût, grâce au courriel, du contact avec mes proches lors de séjours prolongés à l'étranger.

= Et votre pire souvenir?

Cynthia Delisle: D'avoir vécu des problèmes de harcèlement (envois répétitifs de courriels personnels non sollicités… c'était il y a plusieurs années, avant que les logiciels de messagerie ne soient équipés de fonctions de filtres!).

*Entretien du 4 juin 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Le CEVEIL termine présentement ses mandats des dernières années sur la promotion des normes pour la francisation des technologies de l'information et des communications (TIC). Actuellement, nous n'avons plus d'autres mandats à réaliser par la suite. Le site du CEVEIL affiche, en ce moment, beaucoup de nouveaux contenus (rapports, textes de vulgarisation, etc.) et demeurera en ligne pour au moins une autre année.

Ceci étant dit, et bien que le comité de direction ne soit plus fonctionnel depuis 1999, le CEVEIL demeure apte à remplir (sous la tutelle du CEFRIO) différents mandats sur la thématique des inforoutes et des langues. Nous sommes donc ouverts à toute proposition intéressante!

[EN] Guy Bertrand & Cynthia Deslisle (Montreal)

#Respectively scientific director and consultant at the CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues - Centre for Assessment and Monitoring of Information Highways and Languages)

The CEVEIL, set up in 1995, is a non-profit-making body based in Quebec whose main purpose is to think about the use and processing of languages on information highways, from a French-language viewpoint, through strategic monitoring activity and creating a network of exchanges and evaluation. The CEVEIL also focuses on the language industry in general (voice recognition, machine translation and optical character recognition, for example) and related fields such as strategic management of data, knowledge management, setting norms and standardisation. The CEVEIL is part of the CEFRIO (Centre francophone d'information des organisations - French-language Centre for Information on Organisations).

[Interview 23/08/1998 // Interview 13/03/2000]

*Interview of August 23, 1998 (original interview in French)

= What did using the Internet affect the CEVEIL?

First, the Web is one of the reasons for CEVEIL's existence, because we focus on things like language use and processing on the Internet.

The Web is also where we get most of our information on the topics we're interested in. We regularly monitor sites that supply daily and weekly news. So we definitely make more use of the Internet than we do other written sources.

We also use electronic mail a great deal to keep in touch with our contributors, to obtain information and carry out projects. CEVEIL is a "network structure" which might not survive without the Internet to link all the people involved in it.

The Web is also the most important means for distributing our products to target clients — sending electronic news to our subscribers, creating an online magazine, and distributing information and documents through our website.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Multilingualism on the Internet is the logical and natural consequence of the diversity of human beings. Because the Web was first developed and used in the United States, it's not really surprising it started out as — and still is — essentially Anglophone. But this is beginning to change, because most new users will not have English as their mother tongue and because non-English-speaking communities already on the Web will no longer accept the dominance of English and will want to use their own language to some extent.

We can envisage, in a few years time, a situation similar to the one in publishing concerning use of different languages. This means only a small number of languages will be used (compared to the several thousand that exist). So we think the Web should try to further support minority cultures and languages, particularly in the case of dispersed communities.

The arrival on the Internet of languages other than English, while demanding genuine readjustment and providing undeniable enrichment, emphasizes the need for linguistic tools to cope with the situation. These will emerge from research and promoting awareness in areas such as machine translation, standardization, searching for information, automatic summarizing, and so on.

= How do you see the future?

The Internet is here to stay. The arrival on it of languages other than English is also irreversible. So we have to take that into account from an economic, social, political and cultural point of view. Sectors such as advertising, vocational training, knowledge management, and work in groups or within networks will have to change. This brings us back to the need to develop really effective technology and tools to encourage exchanges in a truly multilingual global village.

*Interview of March 13, 2000 (original interview in French)

= What has happened since our first interview?

Since then, the CEVEIL has stopped putting out weekly news bulletins and its monthly magazine. This is not so much because we've changed direction but rather for want of staff and funding. We don't plan to resume those activities for the moment.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

Guy Bertrand: It's very important to respect copyright and it's up to the authors to decide what they want to do about it. The Web is offering more and more things for free. Authors don't have to accept that, but a growing number of them are choosing to adapt to it and are benefitting. The business models on the Web are changing very rapidly and will continue to. New ones will spring up with a strong free-of-charge content, but copyright will have to be respected in newer and more original ways by authors and providers of services and content.

Cynthia Delisle: Ideally, copyright should be respected on the Web as it is in other media such as the radio and the written press. However, the Internet raises new kinds of problems here because of the ease that data can be (re)produced and (re)distributed on a huge scale and because of the tradition of it being available for free. This tradition means people balk at paying for products and services they'd find it quite normal to pay for in other situations and they also perhaps have fewer qualms, in the context of the Net, about using pirated products. I think respecting copyright is one of the biggest issues for the future of the Net and it'll certainly be very interesting to see what solutions will emerge to deal with it.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Guy Bertrand: Worldwide e-commerce has grown enormously since 1998 and businesses are increasingly keen to use the languages of their potential customers, which is going to boost further this multilingual aspect. E-commerce won't take over the Web, but its importance is growing as multilingualism increases there. But the tools for multilingualism on the Web are unfortunately always one step behind.

Cynthia Delisle: I think the trend which had already begin in 1998 has now established itself and the future of the Internet is definitely going to be a multilingual one. The Net is becoming more international and it's hard to see how this can happen without it becoming linguistically and culturally more diverse. English will probably always be the Net's most frequently-used language, but the proportion of sites and pages available in other languages will steadily increase until a certain equilibrium is reached. I also quite agree with Mr Bertrand when he points out that the tools to handle this linguistic diversity are not yet ready. Machine translation, for example, has made woefully little headway in recent years. Yet the needs are growing all the time, which is why we need to step up research and development in these areas.

= What is your best experience with the Internet?

Guy Bertrand: My first one with the site www.neuromedia.com.

Cynthia Delisle: Being in regular touch with my family at little cost through e-mail while I was abroad for long periods.

= And your worst experience?

Cynthia Delisle: The problem of harrassment, such as constant unsolicited personal e-mails several years ago, before servers installed spam filters.

OLIVIER BOGROS [FR]

[FR] Olivier Bogros (Lisieux, Normandie)

#Créateur de la bibliothèque électronique de Lisieux et directeur de la bibliothèque municipale

Le site "La bibliothèque électronique de Lisieux" a été ouvert en juin 1996. D'abord hébergé sur les pages d'un compte personnel CompuServe, il est depuis juin 1998 installé sur un nouveau serveur où il dispose d'un espace disque plus important (30 Mo) et surtout d'un nom de domaine. Comme l'explique Olivier Bogros, directeur de la bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie), "ce site est entièrement consacré et exclusivement réservé à la mise à disposition sur le réseau (librement et gratuitement) de textes littéraires et documentaires du domaine public français afin de constituer une bibliothèque virtuelle qui complète celles déjà existantes." Dès sa création, ce site pionnier suscite beaucoup d'intérêt dans la communauté francophone parce qu'il montre ce qui est faisable sur le web avec beaucoup de détermination et des moyens limités.

En 2000, la Bibliothèque électronique de Lisieux aborde une nouvelle étape. LexoTor, lancé officiellement le 27 août 2000, est le résultat d'une collaboration avec le site "Langue du 19e siècle" de l'Université de Toronto (Canada). Il s'agit d'une base de données qui fonctionne sous le logiciel TACTweb et qui permet l'interrogation en ligne des textes de la bibliothèque classés en différentes rubriques: oeuvres littéraires, notamment du 19e siècle; brochures et opuscules documentaires; manuscrits, livres et brochures sur la Normandie; conférences et exposés transcrits par des élèves du Lycée Marcel Gambier. L'interrogation permet aussi les analyses et comparaisons textuelles. L'initiative du projet revient à Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto, suite à sa rencontre avec Olivier Bogros lors du colloque international relatif aux études françaises valorisées par les nouvelles technologies d'information et de communication (12-13 mai 2000, Toronto).

[Entretien 18/06/1998 // Entretien 27/07/1999 // Entretien 17/08/2000 //
Entretien 27/05/2001]

*Entretien du 18 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

J'ai déjà rapporté dans un article paru dans le Bulletin des bibliothèques de France (1997, n° 3) ainsi que dans le Bulletin de l'ABF (Association des bibliothécaires français) (1997, n° 174), comment l'envie de créer une bibliothèque virtuelle avait rapidement fait son chemin depuis ma découverte de l'informatique en 1994: création d'un bulletin électronique d'informations bibliographiques locales (Les Affiches de Lisieux) en 1994 dont la diffusion locale ne rencontre qu'un très faible écho, puis en 1995 début de la numérisation de nos collections de cartes postales en vue de constituer une photothèque numérique, saisie de nouvelles d'auteurs d'origine normande courant 1995 en imitation (modeste) du projet de l'ABU (Association des bibliophiles universels) avec diffusion sur un BBS (bulletin board service) spécialisé. L'idée du site internet vient d'Hervé Le Crosnier, enseignant à l'université de Caen et modérateur de la liste de diffusion Biblio-fr, qui monta sur le serveur de l'université la maquette d'un site possible pour la bibliothèque municipale de Lisieux, afin que je puisse en faire la démonstration à mes élus. La suite logique en a été le vote au budget primitif de 1996 d'un crédit pour l'ouverture d'une petite salle multimédia avec accès public au réseau pour les Lexoviens (habitants de Lisieux, ndlr). Depuis cette date, un crédit d'entretien pour la mise à niveau des matériels informatiques est alloué au budget de la bibliothèque qui permettra cette année la montée en puissance des machines, l'achat d'un graveur de cédéroms et la mise à disposition d'une machine bureautique pour les lecteurs de l'établissement…. ainsi que la création en ce début d'année d'un emploi jeune pour le développement des nouvelles technologies.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Internet est un outil formidable d'échange entre professsionnels (tout ce qui passe par le courrier électronique, les listes de diffusion et les forums) mais qui est un consommateur de temps très dangereux: on a vite fait si l'on n'y prend garde de divorcer et de mettre ses enfants à la DASS (Direction de l'aide sanitaire et sociale). Plus sérieusement, c'est pour les bibliothèques la possibilité d'élargir leur public en direction de toute la francophonie. Cela passe par la mise en ligne d'un contenu qui n'est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles. Les professionnels des bibliothèques sont les acteurs d'un enjeu important concernant la place de la langue française sur le réseau.

*Entretien du 27 juillet 1999

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

En fait, et pour les deux années à venir, l'essentiel de notre temps est consacré à la mise en place de la nouvelle médiathèque (avec une réelle intégration des nouvelles technologies) qui ouvrira en janvier 2001. Nous réfléchissons, toujours dans le domaine patrimonial, à un prolongement du site actuel vers les arts du livre - illustration, typographie… - toujours à partir de notre fonds. Sinon, pour ce qui est des textes, nous allons vers un élargissement de la part réservée au fonds normand. Le catalogue en ligne n'est pas une priorité.

= Comment choisissez-vous les textes de la bibliothèque électronique?

Les oeuvres à diffuser sont choisies à partir d'exemplaires conservés à la bibliothèque municipale de Lisieux ou dans des collections particulières mises à disposition. Les textes sont saisis au clavier et relus par du personnel de la bibliothèque, puis mis en ligne après encodage (370 oeuvres sont actuellement disponibles en ligne). La mise à jour est mensuelle (3 à 6 textes nouveaux). Par goût, mais aussi contraints par le mode de production, nous sélectionnons plutôt des textes courts (nouvelles, brochures, tirés à part de revues, articles de journaux…). De même nous laissons à d'autres (bibliothèques ou éditeurs) le soin de mettre en ligne les grands classiques de la littérature française, préférant consacrer le peu de temps et de moyens dont nous disposons à mettre en ligne des textes excentriques et improbables.

= Passez-vous beaucoup de temps à la maintenance du site?

La création et la maintenance du site ne sont encore que des activités marginales de la bibliothèque municipale. L'essentiel de notre activité reste l'enrichissement et la communication sur place des ressources locales (c'est-à-dire des informations physiquement localisées à la bibliothèque), le développement de la lecture dans les quartiers… La salle multimédia ouverte en octobre 1996 doit encore trouver son rythme de croisière, la consultation des cédéroms et la bureautique devançant souvent l'utilisation d'internet.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Effectivement tout cela est très important et la législation doit être respectée. Mais n'accusons pas le réseau de tous les maux.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Que chacun s'efforce déjà de s'exprimer correctement dans sa langue.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Les courriers électroniques reçus, à propos des textes que nous mettons en ligne et qui témoignent de la vivacité de la langue française sur le réseau.

= Et votre pire souvenir?

Deux jeunes collégiennes (4e ou 3e) faisant des recherches sur la Résistance en France, à partir de la station internet de la bibliothèque, sont tombées sur un site négationniste. Elles n'ont visiblement pas compris pourquoi nous leur avons interdit toute copie papier ou disquette dudit site et avons effacé les pages à l'écran. Tout simplement les mots "révisionnisme" et "négationnisme" leur étaient totalement inconnus. Moralité: le libre accès au réseau, mais accompagné d'une médiation par le personnel de la bibliothèque. Le pire des maux: l'ignorance!

*Entretien du 17 août 2000

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

La médiathèque n'ouvrira ses portes qu'en janvier 2002 et ce chantier va encore mobiliser l'essentiel de mon temps.

Nous poursuivons modestement l'enrichissement du corpus de textes de la bibliothèque électronique.

Une collaboration vient de s'engager entre la bibliothèque électronique de Lisieux et le site "Langue du 19e siècle" à l'Université de Toronto. Les textes en ligne à Lisieux sont interrogeables en ligne à Toronto sous forme de bases de données interactives. L'initiative de ce projet, baptisé LexoTor, revient à M. Russon Wooldridge à la suite d'un colloque organisé en mai dernier par son université. Le lancement "officiel" est prévu pour le 27 de ce mois.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Je ne crois pas à la mort annoncée du papier. Je l'utilise encore beaucoup sous toutes ses formes. Mais, au contraire de beaucoup, mon rapport à l'informatique n'a pas entraîné une augmentation de ma consommation de papier, bien au contraire. Je suis dans ce domaine plutôt adepte du zéro papier.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

De quoi parle-t-on? Des machines mono-tâches encombrantes et coûteuses, avec format propriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand et pocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques et en plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électronique m'intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre de s'affranchir d'un modèle économique à bout de souffle (la chaine éditoriale n'est pas le must en la matière)?

Les machines à lire n'ont de mon point de vue de chance d'être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livres électroniques avec (cf. cassettes vidéo).

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Autant que possible j'essaie de rendre accessible à tous la bibliothèque électronique de Lisieux. Les recommandations du Consortium W3C ne sont pas toujours évidentes à suivre. Les sites textuels ne requièrent pas une charte graphique sophistiquée à base de Java et autres niaiseries (le summum a été atteint cette année par le site officiel du Printemps des poètes).

*Entretien du 27 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

La base Lexotor devrait pouvoir bénéficier dès ce mois-ci de la dernière version du logiciel TACTweb, ce qui rendra beaucoup plus riches et pertinentes les interrogations faites.

Pour ce qui concerne Lisieux, le bâtiment de la médiathèque est sorti de terre, le gros oeuvre sera fini fin juin, la livraison est prévue pour novembre. Par contre l'ouverture initialement prévue pour janvier 2002 sera sans doute effective fin mars.

Sur le site de la Bibliothèque électronique, le travail se poursuit chaque mois avec la mise en ligne de textes. J'ai suspendu provisoirement la fabrication de hiboux (e-books, ndlr) au format Microsoft Reader ou Mobipocket. Il faudrait que je trouve un partenariat avec un autre site pour que les textes disponibles en HTML sur notre bibliothèque électronique soient aussi proposés ailleurs dans un format hiboux multi-plateforme.

A titre personnel j'ai ouvert une autre bibliothèque électronique, Miscellanées, encore en devenir.

CHRISTIAN BOITET [FR]

[FR] Christian Boitet (Grenoble)

#Directeur du GETA (Groupe d'étude pour la traduction automatique), qui participe à l'UNLP (Universal Networking Language Programme)

Au sein du Laboratoire CLIPS (Communication langagière et interaction personne-système) de l'IMAG (Institut d'informatique et mathématiques appliquées de Grenoble), le GETA (Groupe d'étude pour la traduction automatique), dirigé par Christian Boitet, est une équipe pluridisciplinaire formée d'informaticiens et de linguistes. Les thèmes de recherche du GETA concernent tous les aspects théoriques, méthodologiques et pratiques de la traduction assistée par ordinateur (TAO), et plus généralement de l'informatique multilingue.

*Entretien du 24 septembre 1998

= En quoi consiste l'UNLP (Universal Networking Language Programme), auquel le
GETA participe?

Il s'agit non de TAO (traduction assistée par ordinateur) habituelle, mais de communication et recherche d'information multilingue. Quatorze groupes ont commencé le travail sur douze langues (plus deux annexes) depuis début 1997.

L'idée est de:

- développer un standard, dit UNL (Universal Networking Language), qui serait le HTML du contenu linguistique,

- pour chaque langue, développer un générateur (dit "déconvertisseur") accessible sur un ou plusieurs serveurs, et un "enconvertisseur".

L'Université des Nations Unies (UNU) (Tokyo) finance 50% du coût. D'après notre évaluation sur la première année, c'est plutôt 30 à 35%, car le travail (linguistique et informatique) est énorme, et le projet passionnant: les permanents des laboratoires s'y investissent plus que prévu.

Un énoncé en langue naturelle est représenté par un hypergraphe dont chaque noeud contient une "UW" (universal word, comme match_with(icl>event) ou match(icl>thing), formés à partir de mots anglais et dénotant des ensembles plus ou moins fins d'acceptions), ou un autre graphe, le tout muni d'attributs booléens (pluralité, modalité, aspects) - chaque arc porte une relation sémantique (agt, tim, objs). On en est à la version 1.5 de ce standard, il reste pas mal à faire, mais au moins douze groupes ont construit chacun une centaine de graphes pour le tester.

La déconversion tourne pour le japonais, le chinois, l'anglais, le portugais, l'indonésien, et commence à tourner pour le français, l'allemand, le russe, l'italien, l'espagnol, l'hindi, l'arabe, et le mongol.

Chaque langue a une base lexicale de 30.000 à 120.000 liens UW - lexème.

L'enconversion n'est pas (si on veut de la qualité pour du tout venant) une analyse classique. C'est une méthode de fabrication de graphes UNL qui suppose une bonne part d'interaction, avec plusieurs possibilités:

- analyse classique multiple suivie d'une désambiguisation interactive en langue source,

- entrée sous langage contrôlé,

- encore plus séduisant (et encore pas clair, au niveau recherche pour l'instant), entrée directe via une interface graphique reliée à la base lexicale et à la base de connaissances.

Les applications possibles sont:

- courriel multilingue,

- informations multilingues,

- dictionnaires actifs pour la lecture de langues étrangères sur le web,

- et bien sûr TA (traduction automatique) de mauvaise qualité (ce qu'on trouve actuellement, mais pour tous les couples à cause de l'architecture à pivot) pour le surf web et la veille.

On travaille actuellement sur les informations sportives sur le web, surtout sur le foot. On construit une base de documents, où chaque fichier est structuré (à la HTML) et contient, pour chaque énoncé, l'énoncé original, sa structure UNL, et autant de traductions qu'on en a obtenu. Un tel document peut être recherché dans une base en traduisant la question en UNL, puis affiché (le UNL viewer existe depuis un an) dans autant de fenêtres d'un navigateur web que de langues sélectionnées.

= Quelles sont les perspectives?

Le projet a un problème de volume: grande surface, pas assez d'épaisseur. Il faudrait trois à cinq fois plus de monde partout pour que ça avance assez vite (pour que Microsoft et d'autres ne finissent par tout reprendre et revendre, alors qu'on vise une utilisation ouverte, du type de ce qu'on fait avec les serveurs et clients web). Les subventions des sociétés japonaises à l'UNU pour ce projet (et d'autres) se tarissent à cause de la crise japonaise. Le groupe central est beaucoup trop petit (quatre personnes qui font le logiciel, le japonais, l'anglais, l'administration, c'est peu même avec de la sous-traitance).

De plus, le plan général est d'ouvrir aux autres langues de l'ONU en 2000. Il faudrait arriver à un état satisfaisant pour les douze autres avant.

Du point de vue politique et culturel, ce projet est très important, en ce qu'il montre pour la première fois une voie possible pour construire divers outils soutenant l'usage de toutes les langues sur internet, qu'elles soient majoritaires ou minoritaires. En particulier, ce devrait être un projet majeur pour la francophonie.

Dans l'état actuel des choses, je pense que l'élan initial a été donné, mais que la première phase (d'ici 2000) risque de retomber comme un soufflé si on ne consolide pas très vite le projet, dans chaque pays participant.

L'UNU cherche donc comment monter un soutien puissant à la mesure de cette ambition. Je pense que, pour la Francophonie par exemple, il faudrait un groupe d'une dizaine de personnes ne se consacrant qu'à ce projet pendant au moins dix ans, plus des stagiaires et des collaborateurs sur le réseau, bénévoles ou intéressés par la mise à disposition gratuite de ressources et d'outils.

BERNARD BOUDIC [FR]

[FR] Bernard Boudic (Rennes)

#Responsable éditorial du serveur internet du quotidien Ouest-France

Bernard Boudic, 51 ans, 32 ans de presse écrite régionale, a d'abord été localier à Brest (1969-1978), puis secrétaire de rédaction au service économique et social (1978-1984), puis chef-adjoint de ce service (1984-1987), puis chef de service des informations générales (1987-1996), et enfin chargé de mission internet auprès de TC-Multimédia, filiale d'Ouest-France. Il a mis fin à ses fonctions en décembre 2000.

[Entretien 17/06/1998 // Entretien 19/01/2001]

*Entretien du 17 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

A l'origine (en juillet 1996, ndlr), l'objectif était de présenter et relater les grands événements de l'Ouest en invitant les internautes à une promenade dans un grand nombre de pages consacrées à nos régions (tourisme, industrie, recherche, culture). Très vite, nous nous sommes aperçus que cela ne suffisait pas. Nous nous sommes tournés vers la mise en ligne de dossiers d'actualité, puis d'actualités tout court.

= Quelle est son activité présente?

Aujourd'hui nous avons quatre niveaux d'infos: quotidien, hebdo (tendant de plus en plus vers un rythme plus rapide), événements et dossiers. Et nous offrons des services (petites annonces, guide des spectacles, presse-école, boutique, etc.). Nous travaillons sur un projet de journal électronique total: mise en ligne automatique chaque nuit de nos quarante éditions (450 pages différentes, 1.500 photos) dans un format respectant typographie et hiérarchie de l'information et autorisant la constitution par chacun de son journal personnalisé (critères géographiques croisés avec des critères thématiques).

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Internet a changé ma vie professionnelle d'abord parce que je suis devenu le responsable éditorial du site… Les retombées sur le travail quotidien des journalistes d'Ouest-France sont encore minces. Nous commençons seulement à offrir un accès internet à chacun (rédaction d'Ouest-France = 370 journalistes répartis dans soixante rédactions, sur douze départements… pas simple). Certains utilisent internet pour la messagerie électronique (courrier interne ou externe, réception de textes de correspondants à l'étranger, envoi de fichiers divers) et comme source d'informations. Mais cette pratique demande encore à s'étendre et à se généraliser. Bien sûr, nous réfléchissons aussi à tout ce qui touche à l'écriture multimédia et à sa rétroaction sur l'écriture imprimée, aux changements d'habitudes de nos lecteurs, etc.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Internet est à la fois une menace et une chance. Menace sur l'imprimé, très certainement (captation de la pub et des petites annonces, changement de réflexes des lecteurs, perte du goût de l'imprimé, concurrence d'un média gratuit, que chacun peut utiliser pour diffuser sa propre info, etc.). Mais c'est aussi l'occasion de relever tous ces défis et de rajeunir la presse imprimée.

*Entretien du 19 janvier 2001

= Pouvez-vous décrire l'activité de TC-Multimédia?

TC-Multimédia a été créée en 1986. Elle prennait la suite de l'Association télématique de l'ouest qui avait expérimenté le minitel (créé à Rennes). D'abord spécialisée exclusivement dans les services vidéotex, elle a fait aussi de l'internet à partir de juillet 1996. Elle est chargée d'exploiter sur ce média l'ensemble de la production du journal Ouest-France.

TC-Multimédia exploite sept sites:

http://www.ouest-france.fr

http://www.maville.com

http://www.ouestemploi.com

http://www.ouestfrance-immobilier.com

http://www.ouestfrance-automobile.com

http://www.ouestfrance.affaires.com

http://www.abcvacances.com

Les deux premiers cités sont les plus fréquentés (environ quatre millions de pages vues par mois) bien qu'ils ne proposent qu'une sélection de nos informations.

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