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Entretiens / Interviews / Entrevistas

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Diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Bill Dunlap a toujours consacré son activité professionnelle à trouver des marchés internationaux pour des produits et services liés à la haute technologie. A l'apparition de l'industrie informatique au début des années 80, il crée une société afin d'exporter sur le marché européen les logiciels pour PC et Apple, ce qui lui fait connaître les principaux marchés de distribution de PC en Europe et l'amène à devenir le premier directeur commercial de AST Research. Il est ensuite le premier directeur commercial au nouveau siège parisien de Compaq Computer, puis il poursuit son activité au siège européen de Compaq à Munich en tant que directeur commercial pour la Scandinavie.

En 1985, Bill Dunlap crée Euro-Marketing Associates, une société internationale de consultation en marketing basée à Paris et à San Francisco. En 1995, il restructure cette société en une société de consultation en ligne dénommée Global Reach, qui regroupe des consultants internationaux de premier plan, le but étant de promouvoir les sites web de leurs clients dans chaque pays choisi, afin d'attirer plus de visiteurs, et donc d'augmenter les ventes.

[Entretien 11/12/1998 // Entretien 23/07/1999]

*Entretien du 11 décembre 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans votre activité?

Depuis 1981, début de mon activité professionnelle, j'ai été impliqué dans la venue de sociétés américaines en Europe. Ceci est pour beaucoup un problème de langue, puisque leurs informations commerciales doivent être disponibles dans les langues européennes pour être prises en compte ici, en Europe. Comme le web est devenu populaire en 1995, j'ai donné à ces activités une dimension "en ligne", et j'en suis venu à promouvoir le cybercommerce européen auprès de mes compatriotes américains. Récemment, lors de l'Internet World à New York, j'ai parlé du cybercommerce européen et de la manière d'utiliser un site web pour toucher les différents marchés d'Europe.

= En quoi consiste Global Reach?

Promouvoir un site est aussi important que de le créer, sinon plus. On doit être préparé à utiliser au moins autant de temps et d'argent à promouvoir son site qu'on en a passé à l'origine à le créer. Le programme Global Reach permet de promouvoir un site dans des pays non anglophones, afin d'atteindre une clientèle plus large… et davantage de ventes. Une société a de nombreuses bonnes raisons de considérer sérieusement le marché international. Global Reach est pour elle le moyen d'étendre son site web à de nombreux pays, de le présenter à des visiteurs en ligne dans leur propre langue, et d'atteindre le réseau de commerce en ligne présent dans ces pays.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme?

Il y a très peu d'Américains des Etats-Unis qui sont intéressés de communiquer dans plusieurs langues. Pour la plupart, ils pensent encore que le monde entier parle anglais. Par contre, ici en Europe (j'écris de France), les pays sont petits, si bien que, depuis des siècles, une perspective internationale est nécessaire.

*Entretien du 23 juillet 1999 (entretien original en anglais)

= Quelles sont vos suggestions pour le développement d'un site web multilingue?

Une fois que la page d'accueil d'un site est disponible en plusieurs langues, l'étape suivante est le développement du contenu dans chaque langue. Un webmestre notera quelles langues attirent plus de visiteurs (et donc plus de ventes) que d'autres. Ce seront donc dans ces langues que débutera une campagne de promotion multilingue sur le web. Parallèlement, il est toujours bon de continuer à augmenter le nombre de langues dans lesquelles un site web est disponible. Au début, seule la page d'accueil traduite en plusieurs langues suffit, mais ensuite il est souhaitable de développer un véritable secteur pour chaque langue.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le fait de travailler avec des centaines de personnes tout en évitant la pression. Cela rend la vie vraiment agréable.

= Et votre pire souvenir?

J'ai plusieurs fois mis en place un forum en ligne, et plusieurs individus animés de mauvaises intentions ont commencé à envoyer des messages injurieux à l'ensemble du forum. Ces messages ont atteint des centaines de personnes qui ont à leur tour répondu par des messages injurieux, avec un effet boule de neige. Je me rappelle m'être réveillé un matin avec plus de 4.000 messages à télécharger. Quelle pagaille!

PIERRE-NOEL FAVENNEC [FR]

[FR] Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne)

#Expert à la direction scientifique de France Télécom R&D et directeur de la collection technique et scientifique des télécommunications

Ingénieur, Pierre-Noël Favennec est expert-coordinateur à la direction scientifique de France Télécom R&D pour les télécommunications optiques et hertziennes (mobiles). Directeur de la collection technique et scientifique des télécommunications (CTST), il est l'auteur de deux livres scientifiques, Implantation ionique pour la microélectronique et l'optique (Masson, Paris, 1993) et Technologies pour les composants à semiconducteurs (Masson, Paris, 1998). Il est membre du comité consultatif pour la recherche et le développement de la technologie pour la région Bretagne.

*Entretien du 12 février 2001

= Pouvez-vous décrire l'activité de France Télécom R&D?

France Télécom R&D est le centre de recherche et développement de France Télécom. Ce centre de R&D de près de 4.000 ingénieurs et chercheurs est basé à Issy-les-Moulineaux, Lannion, Rennes, Caen, Grenoble et Belfort. Il a en charge toutes les études utiles pour France Télécom, études allant du court terme jusqu'au long terme et touchant aux télécommunications (usages, services, réseaux et technologies). La mobilité, l'internet et l'international sont les grands axes d'activités.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je suis expert-coordinateur à la direction scientifique de France Télécom R&D (FTR&D) pour les télécommunications optiques et hertziennes: maîtrise d'ouvrage des recherches amont relevant de mon domaine d'expertise (télécoms optiques et radio), coordination, orientation, animation, financement…

J'assure également la direction de la collection technique et scientifique des télécommunications. La collection est publiée sous l'égide FTR&D. Elle réunit des ouvrages rédigés en langue française par des spécialistes de centres de recherches, de l'université et de l'industrie des télécommunications. La collection comprend principalement des livres traitant des sciences et technologies de base utiles aux télécommunications modernes, des réseaux et services. Les ouvrages se situent au niveau de l'enseignement de 3e cycle. La collection contient aussi des ouvrages sur des aspects économiques, sociaux, juridiques et politiques des télécommunications. Ils s'adressent aux ingénieurs et scientifiques soucieux de l'impact socio-économique de leurs réalisations et aussi aux gestionnaires et décideurs politiques… Leur qualité technique et scientifique est garantie par un comité scientifique composé d'experts des différents domaines couvrant les sciences et les technologies des télécommunications. Plusieurs éditeurs collaborent à l'édition des ouvrages labellisés par la collection (Masson, Dunod, Eyrolles, La Documentation française, Hermès, Springer et Presses polytechniques universitaires romandes).

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Je n'ai pas d'activité spécifique liée à l'internet mais, France Télécom étant la net-compagnie, toutes nos activités sont concernées par l'utilisation, la mise en place des réseaux ou le futur de l'internet. La collection édite de plus en plus d'ouvrages dont le sujet touche directement ou indirectement l'internet (par exemple Des télécoms à l'internet: économie d'une mutation, d'Etienne Turpin, Eyrolles, 2000).

= Comment voyez-vous l'avenir?

Le mariage des télécommunications et de l'informatique font de l'internet une technologie extrêmement puissante et très riche d'avenir. Mais l'internet n'est qu'une technologie, puissante certes, qui vient s'ajouter à celles existantes; elle ne les remplace pas, elle apporte autre chose: de l'information potentielle supplémentaire, de la communication virtuelle où il n'y a plus de distance, un accès potentiel à de la culture venant de partout…

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Le papier est de plus en plus utilisé. Personnellement je suis de plus en plus inondé de paperasses:

- avec l'e-mail, les collègues n'hésitent plus à envoyer de gros fichiers qu'il faut ensuite imprimer pour lecture;

- la lecture est plus agréable sur papier;

- les fichiers reçus peuvent n'être que des projets et on peut recevoir "n" épreuves successives que l'on imprime nécessairement;

- on imprime les mèls pour les lire tranquillement plus tard ou parce que c'est plus agréable de les lire sur papier.

Etc. Il y a beaucoup de raisons pour utiliser toujours plus de papier.

= L'imprimé a-t-il encore de beaux jours devant lui?

Les livres "d'études", comme ceux de notre collection, ont une durée de vie longue et ne seront pas remplacés par un e-book, sauf si ce livre n'est utilisé que pour une étude particulière et pour un temps court (quelques semaines). Les livres à durée de vie courte tels que les romans, journaux, magazines peuvent effectivement être un jour remplacés par des e-books. Les livres scolaires pourront être (seront) sur e-book. Les encyclopédies volumineuses dont la consultation n'est qu'épisodique seront sur le web.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Si l'invention du livre-papier avait été faite après celle du e-book, nous l'aurions tous trouvé géniale. Mais un e-book a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d'ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s'il est léger (comme un livre), s'il est pliable (comme un journal), s'il n'est pas cher (comme un livre de poche)… En d'autres mots, l'e-book a un avenir s'il est un livre, si le hard fait croire que l'on a du papier imprimé… Techniquement, c'est possible, aussi j'y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique…). Les avantages sont le volume réduit, le téléchargement et le document personnalisé en lecture.

= Quelles sont vos suggestions pour un véritable multilinguisme sur le web?

Les recherches sur la traduction automatique devraient permettre une traduction automatique dans les langues souhaitées, mais avec des applications pour toutes les langues et non les seules dominantes (ex: diffusion de documents en japonais, si l'émetteur est de langue japonaise, et lecture en breton, si le récepteur est de langue bretonne…). Il y a donc beaucoup de travaux à faire dans la direction de la traduction automatique et écrite de toutes les langues.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Des études sont faites en Californie, et sûrement ailleurs, pour l'utilisation de l'informatique et des télécoms (donc le web) par les malvoyants. Je connais trop mal le sujet pour avoir un avis.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le cyberespace est un monde où je suis relié par l'image et le son et sans fil avec qui je veux, quand je veux et où je veux, où j'ai accès à toutes les documentations et informations souhaitées, et dans lequel ma vie est facilitée par les agents intelligents et les objets communicants.

= Et la société de l'information?

Une société dans laquelle tout membre de cette société a accès immédiatement à toutes les informations souhaitées.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Les premiers méls.

= Et votre pire souvenir?

Le temps passé à la réception d'images.

GERARD FOURESTIER [FR]

[FR] Gérard Fourestier (Nice)

#Créateur de Rubriques à Bac, bases de données destinées aux étudiants du premier cycle universitaire

Oeuvre de Gérard Fourestier, professeur de français et diplômé en science politique, Rubriques à Bac (RaBac) propose deux bases de données (accessibles par souscription, avec version démo en accès libre) à destination des étudiants du Bac au Deug et de leurs professeurs, et à tous ceux que le sujet intéresse. ELLIT (Éléments de littérature) est une base de données sur la littérature française du 12e siècle à nos jours regroupant plus de 350 articles liés entre eux par 8.500 liens, ainsi qu'un répertoire de 450 auteurs (y compris en sciences et philosophie) qui ont joué un rôle majeur dans la formation de cette littérature. RELINTER (Relations internationales depuis 1945) propose plus de 2.000 liens sur l'évolution de la situation du monde contemporain de la deuxième guerre mondiale à nos jours. Gérard Fourestier est aussi l'auteur de Bac-L (baccalauréat section lettres), un site en accès libre lancé en juin 2001 dans le prolongement d'ELLIT.

[Entretien 09/10/2000 // Entretien 03/05/2001]

*Entretien du 9 octobre 2000

= Pouvez-vous décrire Rubriques à Bac?

Rubriques à Bac est une branche des activités du GRIMM (Groupe de recherche et d'information sur le multimédia), un groupement associatif de personnes physiques et morales qui pratiquent la recherche et l'information sur l'informatique, le multimédia et la communication.

Cependant, les perspectives ouvertes par une fréquentation du site en progression rapide, et compte tenu de la mission que j'ai assignée aux recettes de cette activité, à savoir la réalisation de projets éducatifs en Afrique, Rubriques à Bac se constituera prochainement en entité juridique propre.

= En quoi consiste le site web?

Le site de Rubriques à Bac a été créé il y a deux ans pour répondre au besoin de trouver sur le net, en un lieu unique, l'essentiel, suffisamment détaillé et abordable par le grand public, dans le but:

a) de se forger avant tout une culture tout en préparant à des examens probatoires à des études de lettres - c'est la raison d'ELLIT (Eléments de littérature), base de données en littérature française;

b) de comprendre le monde dans lequel nous vivons en en connaissant les tenants et les aboutissants, d'où RELINTER (Relations internationales).

J'ai développé ces deux matières car elles correspondent à des études que j'ai, entre autres, faites en leur temps, et parce qu'il se trouve que, depuis une dizaine d'années, j'exerce des fonctions de professeur dans l'enseignement public (18 établissements de la 6e aux Terminales de toutes sections et de tous types d'établissements). Faute de temps, je n'ai pu réaliser que ces deux thèmes, mais je ne désespère pas de développer aussi d'autres sujets qui font partie de ma panoplie universitaire et d'autodidacte curieux de tout comme la philosophie, l'analyse sociétale, l'analyse sémantique ou encore l'écologie, et que je tiens "au chaud dans mes cartons". Ceci étant, je suis à l'affût de toutes autres idées, venant d'ailleurs, pour ne me réserver alors que la supervision du contenu mis en forme, la dernière main dans la réalisation informatique et la gestion en tant que site spécialisé.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Pour l'instant et faute de mieux, en raison de mon âge, la cinquantaine, et non de mes compétences, je m'occupe de mes élèves en les préparant à leurs examens tout en leur donnant envie d'être utiles, ne serait-ce que pour eux-mêmes et en leur apportant le sens des responsabilités, en un mot un message humaniste. J'aime ce métier car, pour moi, le savoir, ça se donne, et le maître, comme en boudhisme, ne peut avoir qu'un seul but: que son élève le dépasse. En outre, alors que j'ai eu dans le passé d'importantes fonctions de fondé de pouvoir, et que j'ai dirigé pour mon compte quelques entreprises, je suis maître à bord dans mes classes et j'organise mon travail comme je l'entends. C'est pour moi essentiel.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, mon initiative à propos d'internet n'est pas directement liée à mes fonctions de professeur. J'ai simplement voulu répondre à un besoin plus général et non pas étroitement scolaire, voire universitaire. Débarrassé des contraintes du programme, puisque j'agis en mon nom et pour mon compte et non "es-qualité", mais tout en en donnant la matière grise qui me paraît indispensable pour mieux faire une tête qu'à la bien remplir, je laisse à d'autres le soin de ne préparer qu'à l'examen. Pour répondre plus précisément, peut-être, à votre question, mon activité liée à internet consiste tout d'abord à en sélectionner les outils, puis à savoir les manier pour la mise en ligne de mes travaux et, comme tout a un coût et doit avoir une certaine rentabilité, organiser le commercial qui permette de dégager les recettes indispensables; sans parler du butinage indispensable pour la recherche d'informations qui seront ensuite traitées.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Je le vois en Afrique, là où je suis certainement plus utile, par égard à ce que je m'estime redevable en tant que nanti et parce que je suis aussi spécialiste de ce que l'on nomme les bouts de ficelles. Pour des raisons particulières, aux conséquences coûteuses pour mes finances, je n'ai pu mener à bien cette année mon projet d'un centre culturel au Sénégal au profit d'une communauté de villages en Casamance. Mais je ne désespère pas!

= Utilisez-vous encore des documents papier?

Oui, mais beaucoup moins qu'avant!

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Un plus, mais il faudra encore du temps et, pour l'instant, le prix, comme pour la "voiture propre", n'est pas très attractif. Ceci dit, j'accepte qu'on m'en offre un, j'en ferai la pub :-) Quoi qu'il en soit, si la chose devait prendre de l'ampleur, j'ai sous la main, si je puis dire (dans des cartons), une petite fortune de toutes sortes en "produits Gutenberg" Avis aux collectionneurs qui, comme chacun sait, sont pour le progrès!…. et pour cause!

= Quelles sont vos suggestions pour un meilleur respect du droit d'auteur sur le web?

Les mesures de respect: oui, mais de protection: non! Et, quoi qu'il en sera, que cela n'aboutisse pas à freiner la création, tant il est vrai que chaque auteur en a digéré d'autres.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure répartition des langues sur le web?

Je suis de langue française. J'ai appris l'allemand, l'anglais, l'arabe, mais je suis encore loin du compte quand je surfe dans tous les coins de la planète. Il serait dommage que les plus nombreux ou les plus puissants soient les seuls qui "s'affichent" et, pour ce qui est des logiciels de traduction, il y a encore largement à faire. Je ne sais quoi suggérer au juste sinon, pour l'instant, de connaître suffisament d'anglais et de créer beaucoup plus encore en français.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Ils ont aussi droit de cité dans le cyberspace à la république des lettres et à la démocratie du savoir et, bien qu'ils soient encore loin de nos technologies, n'oublions pas les dizaines de millions d'aveugles et de malvoyants du sud.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Un espace sans odeurs mais pour tous les goûts.

= Et la société de l'information?

Un espace où l'esprit d'examen et le sens critique sont particulièrement de mise.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Quand j'ai sorti mon premier ordinateur de son emballage.

= Et votre pire souvenir?

Cet été, à la plage: mes ordinateurs étaient en panne :-)

*Entretien du 3 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

La routine d'un travail de plus en plus prenant et qui, faute de vivre une vie tranquille en m'attelant à des entreprises pour le moins accaparantes, me laisse peu de temps à me prélasser sur le sable.

Alors, quand je le peux et pour respirer autre chose, je m'évade vers d'autres horizons si le prix du billet me le permet, ne serait-ce que pour retrouver ma compagne qui enseigne à l'étranger, dans son pays, et qui, comme bien d'autres, se demande pourquoi je ne me range pas bien sagement dans la carrière.

Comme je vous le disais il y a déjà quelque temps, je suis professeur mais j'ai fait bien d'autres choses dans ma vie professionnelle, et je ne peux m'empêcher de suivre autant que je le peux ce qui me passionne - et j'ai bien peur que tout me passionne - passant le plus clair de mon temps à découvrir ce que je ne sais pas encore.

Faute d'avoir une famille dont il faudrait que je m'occupe quotidiennement là où je vis en France, je peux consacrer le temps que je veux à développer mes projets… et la seule écriture sur mon clavier m'occupe déjà pas mal. Mais tout n'est pas vain et je peux me vanter en toute modestie :-) et sans ego démesuré que ce que j'entreprends me procure la satisfaction de le voir grandir sans le devoir à personne.

Rubriques à Bac est le prototype de ce genre de phénomène chez moi et, précisément pour parler du net, je constate tous les jours que ce que j'y fais est utile, si j'en juge d'après la fréquentation presque frénétique du site. Il est vrai que, les échéances s'approchant, il est bien normal que le nombre des visites s'accroisse à deux mois du Bac ou des examens d'une manière générale; cela relève du bouche à oreilles - bien sûr avec un travail de marketing derrière - mais au bout du compte cela paye. Ceci dit je ne suis pas riche, loin de là, et ce n'est peut être pas le moment. Pour l'heure, ce qui rentre, quand ce n'est pas réinvesti, va dans ce que j'ai décidé de faire en Afrique.

A ce propos, je vous avais dit combien j'étais comme aimanté par ce continent et en particulier par le Sénégal où je me suis découvert de nombreuses attaches au point que, si Dieu le veut - mais il est grand et miséricordieux :-), je me suis proposé en personne pour concourir à un projet social, éducatif et de développement. En partenariat avec quelques-uns de mes amis indigènes, j'ai mis au point un système d'organisation qui permette, par contrat, la réalisation de projets individuels où chacun, par synergie, à la manière d'une tontine - pour faire court, apporte ce qu'il a de savoir-faire et de "pouvoir le faire" pour l'édification d'une maison commune ouverte à la réunion d'humains qui cherchent le bonheur dans la solidarité. Cela prend plus de temps que prévu mais ça avance, puique nous voilà déjà avec un toît là-bas et que, dans quelques mois, un jeune Sénégalais qui n'a pas envie de vider les poubelles chez nous va pouvoir, grâce à Rubriques à Bac, venir en Europe quelques mois, recevoir une formation dans le domaine de l'informatique, la stratégie d'organisation et repartir en Casamance avec un ordinateur pour la création d'un relais internet (un nom de domaine est déjà déposé) au bénéfice de la population locale pour m'aider à assurer ma disponibilité en dispense de cours et de savoir-faire en élaboration de projets d'intérêt local.

J'enrage que les choses n'aillent pas plus vite, oh… pas pour moi! mais bien pour eux, quand on sait de quoi, comment et où vivent ces gens-là. Tiers-mondiste? Oui, quelque part et sans illumination ou parti-pris idéologique, lucide simplement sur ce que j'ai à faire et… dois le faire parce que il y a une demande de savoirs en face et que le savoir-faire dont ils ont besoin souvent en procède ou y contribue… n'en déplaise à l'un des mots fameux de Figaro dans la réplique célèbre que lui fait dire Beaumarchais. :-)

Tout cela peut paraître presque simplet, mais qu'en ai-je à faire de ce que l'on pourrait penser, je ne cherche pas de médailles…ça déséquilibre les funambules! :=) En revanche je recherche toujours des sponsors qui pourraient faire que les choses aillent plus vite et je renouvelle mon appel; pourquoi pas pour plusieurs ordinateurs dont un au moins qui soit portable? Neufs ou "d'occase" et qui marchent avec modem de connection, le tout gratos bien sûr, car je n'ai toujours pas les moyens de tout faire!… et j'ai même déjà fort à faire pour me sortir de ce que l'on nomme un revers de fortune. Moyennant - pourquoi pas - de la pub à finalité culturelle via Rubriques à Bac, et sans que ça me prive du fruit de mon travail ou le dénature pour le transformer en banal produit marchand.

Et puisque voilà la chose dite, et pour ne pas passer éventuellement pour un bonimenteur, je tiens, à qui voudrait faire le geste qu'ils attendent, les statistiques de fréquentation du site de Rubriques à Bac pour continuer plus vite l'aventure africaine.

PIERRE FRANCOIS GAGNON [FR]

[FR] Pierre François Gagnon (Montréal)

#Fondateur d'Editel, pionnier de l'édition littéraire francophone en ligne

Pierre François Gagnon, éditeur en ligne québécois, vit dans l'agglomération montréalaise depuis plus de vingt ans. Ardent défenseur de la langue française, il est un des pionniers de l'internet littéraire francophone. Dès avril 1995, il crée Editel, le premier site web d'auto-édition collective de langue française, devenu ensuite un site de cyberédition non commerciale en partenariat avec les auteurs maison.

*Entretien du 14 juillet 2000

= En quoi Editel est-il pionnier?

En fait, tout le monde et son père savent ou devraient savoir que le premier site d'édition en ligne commercial fut Cylibris (fondé par Olivier Gainon en août 1996, ndlr), précédé de loin lui-même, au printemps de 1995, par nul autre qu'Editel, le pionnier d'entre les pionniers du domaine, bien que nous fûmes confinés à l'action symbolique collective, faute d'avoir les moyens de déboucher jusqu'ici sur une formule de commerce en ligne vraiment viable et abordable, bien qu'il n'existe toujours pas de support de lecture "grand public" qui soit crédible pour la publication payante de livres numériques. Nous l'attendons toujours dans le courant de l'an 2000!

= En quoi consiste exactement votre activité?

Nous sommes actuellement trois mousquetaires (Pierre François Gagnon, Jacques Massacrier et Mostafa Benhamza, ndlr) à développer le contenu original et inédit du webzine littéraire qui continuera de servir de façade d'animation gratuite, offerte personnellement par les auteurs maison à leur lectorat, à d'éventuelles activités d'édition en ligne payantes, dès que possible au point de vue technico-financier. Est-il encore réaliste de rêver à la démocratie économique?

= Comment voyez-vous l'avenir?

Tout ce que j'espère de mieux pour le petit éditeur indépendant issu, comme Editel, directement du net et qui cherche à y émerger enfin, c'est que les nouveaux supports de lecture, ouverts et compatibles grâce au standard OeB (Open eBook), s'imposeront d'emblée comme des objets usuels indispensables, c'est-à-dire multifonctionnels et ultramobiles, intégrant à la fois l'informatique, l'électronique grand public et les télécommunications, et pas plus dispendieux qu'une console de jeux vidéo: le concept d'origine d'un Marc Poret chez General Magic en 1994, poignardé dans le dos par cet avorton de Newton d'Apple!

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le web doit ouvrir toute grande pour les auteurs une nouvelle fenêtre d'exploitation de leurs droits exclusifs, et j'ose croire qu'est concevable une solution de chiffrement qui soit étanche, non propriétaire, mais transparente et sans douleur pour l'utilisateur final.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Je pense que, si les diverses langues de la planète vont occuper chacune le net en proportion de leur poids démographique respectif, la nécessité d'une langue véhiculaire unique se fera sentir comme jamais auparavant, ce qui ne fera qu'assurer davantage encore la suprématie planétaire de l'anglais, ne serait-ce que du fait qu'il a été adopté définitivement par l'Inde et la Chine. Or la marche de l'histoire n'est pas plus comprimable dans le dé à coudre d'une quelconque équation mathématique que le marché des options en bourse!

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

La découverte de quelques amitiés affinitaires, indéfectibles, m'enchante encore, tandis que l'étroitesse de vision, le scepticisme négatif qu'affichait la vaste majorité des auteurs de science-fiction et de fantastique vis-à-vis du caractère pourtant immanent et inéluctable de ce qui n'est après tout qu'un fantasme à la Star Trek, qui hante depuis longtemps l'imaginaire collectif, soit l'e-book tout communicant qui tienne dans le creux de la paume, ne cesse pas de m'étonner et de me laisser pantois rétrospectivement.

= Une conclusion?

Je dirai, pour conclure, que je me trouve vraiment fait pour être "éditeur en ligne, poète et essayiste, et peut-être même un jour, romancier"! Fait à noter, c'est curieusement de la part des poètes, toujours visionnaires quand ils sont authentiques, que le concept de livre numérique a reçu le meilleur accueil!

OLIVIER GAINON [FR]

[FR] Olivier Gainon (Paris)

#Fondateur et gérant de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne

Créé en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) utilise l'internet et le numérique pour s'affranchir des contraintes liées à l'économie traditionnelle du livre. L'éditeur peut ainsi se consacrer à la découverte et à la promotion de nouveaux auteurs littéraires francophones, et à la publication de leurs premières oeuvres (romans, poésie, théâtre, policier, science-fiction, fantastique, etc.). Si CyLibris est avant tout un tremplin pour les nouveaux talents, les auteurs confirmés y ont aussi leur place (voir à ce sujet l'entretien avec Emmanuel Ménard, directeur des publications, qui expose en détail la procédure éditoriale de Cylibris).

Vendus uniquement sur le web (avec des extraits en téléchargement libre au format texte), les livres (52 titres en juin 2001) sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d'éviter le stock et les intermédiaires. Le site web procure des informations pratiques à destination des auteurs en herbe: comment envoyer un manuscrit à un éditeur, ce que doit comporter un contrat d'édition, comment protéger ses manuscrits, etc. Depuis le printemps 2000, CyLibris est membre du Syndicat national de l'édition (SNE).

Par ailleurs, l'équipe de CyLibris lance en mai 1999 une lettre d'information électronique sur le monde de l'édition francophone. Souvent humoristique et décapante, la lettre, d'abord mensuelle, paraît deux fois par mois à compter de février 2000. Elle change de nom en février 2001 pour devenir Edition-actu. Depuis ses débuts, son objectif n'est pas tant de promouvoir les livres de l'éditeur que de présenter l'actualité du livre tous azimuts.

*Entretien du 23 décembre 2000

= Quelle est l'activité de CyLibris?

CyLibris a été créé d'abord comme une maison d'édition spécialisée sur un créneau particulier de l'édition et mal couvert à notre sens par les autres éditeurs: la publication de premières oeuvres, donc d'auteurs débutants. Nous nous intéressons finalement à la littérature qui ne peut trouver sa place dans le circuit traditionnel: non seulement les premières oeuvres, mais les textes atypiques, inclassables ou en décalage avec la mouvance et les modes littéraires dominantes.

Ce qui est rassurant, c'est que nous avons déjà eu quelques succès éditoriaux (grand prix de la Société des gens de lettres (SGDL) en 1999 pour La Toile de Jean-Pierre Balpe, prix de la litote pour Willer ou la trahison de Jérôme Olinon en 2000, etc.).

Ce positionnement de "défricheur" est en soi original dans le monde de l'édition, mais c'est surtout son mode de fonctionnement qui fait de CyLibris un éditeur atypique. Créé dès 1996 autour de l'internet, CyLibris a voulu contourner les contraintes de l'édition traditionnelle grâce à deux innovations: la vente directe par l'intermédiaire d'un site de commerce sur internet, et le couplage de cette vente avec une impression numérique en "flux tendu".

Cela permettait de contourner les deux barrières traditionnelles dans l'édition: les coûts d'impression (et de stockage), et les contraintes de distribution. Notre système gérait donc des flux physiques: commande reçue par internet - impression du livre commandé - envoi par la poste. Je précise que nous sous-traitons l'impression à des imprimeurs numériques, ce qui nous permet de vendre des livres de qualité équivalente à celle de l'offset, et à un prix comparable. Notre système n'est ni plus cher, ni de moindre qualité, il obéit à une économie différente, qui, à notre sens, devrait se généraliser à terme.

Aujourd'hui, CyLibris développe une activité de distribution de "livres numériques", c'est-à-dire de fichiers téléchargeables. Nous n'avons pas lancé cette activité au départ car il nous semblait que les outils de sécurisation (c'est-à-dire permettant une réelle prise en charge des droits d'auteur) n'existaient pas il y a quatre ans. Les technologies évoluent, et nous sommes en train de tester plusieurs technologies pour lancer une réelle activité de livres numériques en 2001.

Nous quittons donc notre métier d'éditeur pur pour nous intéresser de plus en plus aux technologies autour du livre sur internet. Bien entendu, nous pensons à faire bénéficier d'autres éditeurs de ce savoir-faire que nous sommes en train d'acquérir.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je suis le créateur et le gérant de CyLibris. Je décrirais donc mon activité comme double. D'une part celle d'un éditeur traditionnel dans la sélection des manuscrits et leur retravail (je m'occupe directement de la collection science-fiction), mais également le choix des maquettes, les relations avec les prestataires, etc.

D'autre part, une activité internet très forte qui vise à optimiser le site de CyLibris et mettre en oeuvre une stratégie de partenariat permettant à CyLibris d'obtenir la visibilité qui lui fait parfois défaut.

Enfin, je représente CyLibris au sein du SNE (Syndicat national de l'édition).

= Comment voyez-vous l'avenir?

CyLibris est aujourd'hui une petite structure. Elle a trouvé sa place dans l'édition, mais est encore d'une économie fragile sur internet. Notre objectif est de la rendre pérenne et rentable et nous nous y employons. Je pense que les choses changent et j'espère qu'en 2002 nous aurons doublé notre taille et que nous serons proche de l'équilibre.

Mon avenir personnel sur internet est cependant légèrement distinct de celui de CyLibris, au sens où même si CyLibris disparaît, je resterai actif sur l'internet à l'avenir, cela ne fait pas de doute pour moi. Sous quelle forme et pour faire quoi? On verra bien…

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Oui, pour lire des textes, etc. Cela dit, je lis de plus en plus sur écran, mais dans un cadre professionnel (par exemple les lettres d'information auxquelles je suis abonné, etc.), dès que l'on parle de lecture-plaisir (roman, détente, etc.), je ne lis pas sur écran, j'imprime (si ce n'est pas déjà le cas), et je lis sur papier.

Je me rends également compte que j'ai du mal à lire sur écran un document long et complexe. Bref, je lis des informations brèves et ponctuelles, mais pas véritablement des dossiers complexes.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Tout dépend de quoi l'on parle. Le papier comme support simple de document écrit est un peu limité: texte et image simplement / pas d'évolution en temps réel / reproduction complexe / etc. L'électronique offre beaucoup plus d'avantages.

En revanche, sur les aspects plus "pratiques" ("la valeur d'usage"), le papier reste aujourd'hui imbattable: peu cher, léger, on peut le plier, le déchirer, le tordre, le laisser tomber, il peut en plus être physiquement agréable, esthétiquement beau, etc. Sans même parler du confort de lecture qui, pour moi aujourd'hui, donne un grand avantage au papier…

Bref, tout cela pour dire que je pense que le papier va décroître dans son utilisation à terme - mais que ce sera un processus long, et plutôt une question de génération, quand nos enfants n'auront plus la même relation que nous pouvons avoir avec le papier…

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je ne crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à un livre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et des avantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurs livres dans un même appareil / rétro-éclairage de l'écran / etc.).

De même, je vois mal le positionnement d'un appareil exclusivement dédié à la lecture, alors que nous avons les ordinateurs portables d'un côté, les téléphones mobiles de l'autre et les assistants personnels (dont les pocket PC) sur le troisième front.

Bref, autant je crois qu'à terme la lecture sur écran sera généralisée, autant je ne suis pas certain que cela se fera par l'intermédiaire de ces objets. On verra si on en parle encore dans un an, mais je peux me tromper - et j'espère me tromper, comme éditeur sur internet, CyLibris bénéficierait forcément d'un développement de ce type d'appareil.

= Quelles solutions pratiques suggérez-vous pour le respect du droit d'auteur sur le web?

Il faut distinguer deux aspects: le droit d'auteur et l'application de ce droit.

Pour moi, il ne fait aucun doute que le droit d'auteur s'applique sur internet (peu de gens le contestent désormais d'ailleurs), ce qui signifie que ce n'est pas parce qu'une création est mise en libre disponibilité sur le réseau que n'importe qui peut venir la copier, la commercialiser, etc. Et là, on touche surtout à de la pédagogie: je crois que les internautes ne sont pas sensibilisés à ces questions et qu'une première démarche pédagogique peut permettre de régler un certain nombre de problèmes. Autre démarche, il me semble nécessaire pour les auteurs d'indiquer les droits qu'ils laissent à une oeuvre en libre accès sur internet: si je peux télécharger une création visuelle sur un site, il vaut mieux que l'auteur indique, par exemple, s'il laisse la libre réutilisation de cette image du moment que ce n'est pas une démarche commerciale et sous réserve que son nom soit cité, s'il est contre toute réutilisation de cette image, etc. Là, tout est possible. A mon sens, sur trop de sites, on trouve des créations librement téléchargeables, et rien n'indique ce que l'on peut faire ou non avec.

La vraie difficulté aujourd'hui réside dans l'application du droit d'auteur dans un contexte international face à des actes de piratages manifestes (c'est-à-dire la réutilisation à des fins commerciales de l'oeuvre d'un ou plusieurs artistes sans que ces derniers ne perçoivent quoi que ce soit). Et là, ce sera forcément plus lent parce qu'il faut définir des modes de coopération internationale, s'entendre sur des règles et mettre en place des procédures judiciaires adéquates. C'est un processus lent qui prendra plusieurs années, mais je suis optimiste.

Finalement, tout cela est assez classique: pédagogie d'un côté, réglementation de l'autre.

= Quelles solutions pratiques suggérez-vous pour une meilleure répartition des langues sur le web?

Première étape: le respect des particularismes au niveau technique. Il faut que le réseau respecte les lettres accentuées, les lettres spécifiques, etc. Je crois très important que les futurs protocoles de transmission permettent une transmission parfaite de ces aspects - ce qui n'est pas forcément simple (dans les futures évolutions de l'HTML, ou des protocoles IP, etc.). Donc, il faut que chacun puisse se sentir à l'aise avec l'internet et que ce ne soit pas simplement réservé à des (plus ou moins) anglophones. Il est anormal aujourd'hui que la transmission d'accents puisse poser problème dans les courriers électroniques. La première démarche me semble donc une démarche technique.

Si on arrive à faire cela, le reste en découle: la représentation des langues se fera en fonction du nombre de connectés, et il faudra envisager à terme des moteurs de recherche multilingues.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Pas de définition particulièrement. Pour moi, c'est plutôt un concept pour nos auteurs de science-fiction.

= Et la société de l'information?

Ce que nous vivons aujourd'hui, c'est la mise en réseau de notre société, au sens où, à terme, beaucoup des objets quotidiens seront connectés au Réseau (avec un grand R, qui sera lui-même composé de dizaines de réseaux différents). Bref, c'est une nouvelle manière de vivre et, à terme, certainement une nouvelle société. S'agit-il d'une société de "l'information", je n'en suis pas certain. Faut-il que nous définissions collectivement ce que nous voulons dans cette société, cela me semble urgent, et c'est un débat qui concerne tout le monde, pas uniquement les "connectés"? Bref, sur quelles valeurs de société fonder notre action future? Voilà un vrai débat.

J'en profite d'ailleurs pour faire un peu de pub pour un auteur CyLibris: La Toile de Jean-Pierre Balpe me semble aujourd'hui la meilleure illustration de ce débat. La société qu'il décrit au travers de ce roman est à mon sens la plus probable à court terme (l'action se passe en 2015). Est-ce cela que nous voulons? Est-ce ce type d'organisation? Peut-être, mais mon souci, c'est que ce choix soit conscient et non subi.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

La première fois que des étudiants dans une école d'ingénieurs m'ont montré le web. C'était en 1992, et j'ai trouvé cela génial. D'où la création de CyLibris en 1996 (j'ai quand même mis quatre ans).

= Et votre pire souvenir?

La disparition progressive de CyLibris dans certains moteurs de recherche parce que, soit nous ne voulions pas payer, soit des accords d'exclusivité avaient été signés avec des libraires en ligne et que nous étions déréférencés brutalement (passer de la première page à la cinquième page est une forme de déréférencement brutal). Bref, aujourd'hui plus rien ne me trouble et on a appris à vivre avec ce genre de phénomène. Il n'empêche qu'une structure comme CyLibris qui se créerait juste aujourd'hui aurait les pires difficultés pour être visible sur internet.

JACQUES GAUCHEY [FR, EN]

[FR] Jacques Gauchey (San Francisco)

#Spécialiste en industrie des technologies de l'information, "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe, journaliste

Jacques Gauchey est l'auteur de La vallée du risque - Silicon Valley, paru fin 1990 chez Plon. Son métier - "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe - est très lié à ses relations personnelles. En 1993, grâce au réseau qu'il a constitué de part et d'autre de l'Atlantique, il crée la société G.a Communications, qui aide les sociétés américaines spécialisées en technologies de l'information à définir et mettre en place leur politique européenne, particulièrement en matière de stratégie, de partenariat et de visibilité.

Ses activités dans le domaine des nouvelles technologies sont multiples: directeur du Multimedia Development Group (MDG) en 1996-1997; responsable du International Group du MDG de 1994 à 1996, avec des activités allant de la conférence M3 du MDG (1994) à la publication des éditions 1995 et 1996 du guide Going Global: Multimedia Marketing & Distribution; président de manifestions telles que les "only-for-CEOs IT conferences"; ETRE (en Europe) et ATRE (en Asie) (1990, 1991 et 1992), le "World Multimedia: A Mosaic of Markets" du MDG (San Francisco, 1994), Multimedia Live! (San Francisco, 1995), le séminaire des AI (Artificial Intelligence) Soft International Partners (Tokyo, 1996), etc. Il préside régulièrement des groupes de travail en industrie des technologies de l'information.

Entre 1985 et 1992, Jacques Gauchey a été le correspondant de la côte ouest des Etats-Unis pour La Tribune, quotidien parisien économique, financier et boursier. Auparavant, il a travaillé pour Le Figaro et Le Point.

*Entretien du 31 juillet 1999

= Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?

Complètement. Le monde entier est sur mon écran d'ordinateur. Chaque individu a maintenant accès à une base de données globale. A cet individu d'apprendre à y naviguer ou de s'y noyer.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Mes clients sont tous maintenant des sociétés internet. Mes outils de travail sont ou seront bientôt tous liés à l'internet que ce soit mon téléphone mobile, mon PDA (personal digital assistant) et mon PC.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le droit d'auteur dans son contexte traditionnel n'existe plus. Les auteurs ont besoin de s'adapter à un nouveau paradigme, celui de la liberté totale du flot de l'information. Le contenu original est comme une empreinte digitale: il est incopiable. Il survivra et prospérera donc.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

La technologie résoudra le problème éventuellement. Et que le meilleur gagne. L'internet a vraiment décollé aux Etats-Unis à cause d'un concept révolutionnaire: une langue unique - l'anglais. Le mouvement "politically correct" pour l'enseignement obligatoire multi-linguistique dans les écoles américaines et le respect des différentes sous-cultures est un désastre pour l'avenir de ce pays (comme il l'est déjà en Europe). Aux individus de décider, chez eux, s'ils veulent apprendre une autre langue.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

J'ai publié quelques numéros d'une lettre d'information en anglais gratuite il y a quatre ans sur internet. Une dizaine de lecteurs par numéro jusqu'au jour (en janvier 1996) où l'édition électronique de Wired Magazine créa un lien. En une semaine j'ai eu une centaine de courriers électroniques - y compris de lecteurs francais de mon livre La vallée du risque - Silicon Valley, contents de me retrouver.

= Et votre pire souvenir?

L'internet est un médium et comme tout médium un facteur d'éclatement du pire. La fusillade d'Atlanta fin juillet 1999 par un "day trader". La pornographie. La vente libre des armes en ligne. Les mails non sollicités.

[EN] Jacques Gauchey (San Franscico)

#Specialist in the information technology industry, "facilitator" between the
United States and Europe, and journalist

Created in 1993, Jacques Gauchey's consultancy G.a Communications assists start-up Internet and IT (information technology) companies in building their European strategies, partnerships, and visibility. To fulfill its clients' international business development needs, G.a Communications maintains a close-knit network of competences worldwide.

Jacques Gauchey was a director of the Multimedia Development Group (MDG) in 1996-97. He led MDG's International Group from 1994 to 1996, with projects ranging from MDG's M3 conference (1994) to publishing the 1995 and 1996 editions of the guide Going Global: Multimedia Marketing & Distribution.

He was a moderator at such events as the European ETRE & Asian ATRE only-for-CEOs IT conferences (1990, '91 & '92), MDG's "World Multimedia: A Mosaic of Markets" (San Francisco, 1994), Multimedia Live! (San Francisco, 1995), the A.I. (Artificial Intelligence) Soft International Partners seminar (Tokyo, 1996), etc. He moderates focus groups for the IT industry.

From 1985 to 1992, he was the West Coast correspondent for La Tribune, a Paris business daily. He worked previously for Le Figaro and Le Point.

*Interview of July 31, 1999 (original interview in French)

= How did using the Internet change your professional life?

Totally. The whole world is on my computer screen. Everyone now has access to a global database. They have to learn to navigate their way through it or get drowned.

= How do you see the future?

All my clients now are Internet companies. All my working tools (my mobile phone, my PDA and my PC) are or will soon be linked to the Internet.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

Copyright in its traditional context doesn't exist any more. Authors have to get used to a new situation: the total freedom of the flow of information. The original content is like a fingerprint: it can't be copied. So it will survive and flourish.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Technology may solve the problem. May the best one win. The Internet really took off in the US because of a revolutionary concept: only one language — English. The "politically correct" movement for mandatory multilingual teaching in US schools and respect for the various subcultures is a disaster for the future of this country (as it already is in Europe). Individuals have to decide at home if they want to learn another language.

= What is your best experience with the Internet?

Four years ago I published a few issues of a free English newsletter on the Internet. It had about 10 readers per issue until the day (in January 1996) when the electronic version of Wired Magazine created a link to it. In one week I got about 100 e-mails, some from French readers of my book La vallée du risque - Silicon Valley (published by Plon, Paris, at the end of 1990), who were happy to find me again.

= And your worst experience?

The Internet is a medium and, like any medium, can be lead to evil. The shooting spree by a day trader in Atlanta in July 1999. Pornography. The unrestricted online sale of guns. Junk mail.

RAYMOND GODEFROY [FR]

[FR] Raymond Godefroy (Valognes, Normandie)

#Ecrivain-paysan, publie son recueil Fables pour les années 2000 sur le web avant de le publier sur papier

Né en 1923 dans une famille rurale d'Octeville-l'Avenel (Cotentin, Normandie),
Raymond Godefroy obtient en 1938 son brevet d'ajusteur mécanicien à l'Ecole
pratique de Cherbourg. Il parcourt ensuite pendant seize ans tout le nord du
Cotentin en tant que conducteur d'une entreprise de battage.

Marié en 1953 - son épouse est également de souche paysanne - il fait valoir à partir de cette année-là le domaine de la Cour de Lestre. A partir de 1966, il y pratique l'agrobiologie, une forme de culture pour laquelle il ne cessera de militer. Partageant ses loisirs entre la mécanique et l'écriture, il dépose plusieurs brevets de machines agricoles et il écrit de nombreux articles dans la revue Agriculture et vie. Il s'oriente ensuite vers la fiction, sous forme de contes et nouvelles.

Raymond Godefroy est membre de l'Association internationale des écrivains paysans (AIEP), fondée en 1972 dans le but de rassembler et promouvoir les auteurs servant la pensée paysanne. A sa retraite, il déménage à Valognes, et l'exploitation du domaine de la Cour de Lestre est reprise par son fils Pierre.

[Entretien 23/12/1999 // Entretien 26/01/2001]

*Entretien du 23 décembre 1999

= Pouvez-vous vous présenter?

Je suis né dans le Nord Cotentin de vieille souche paysanne. Je suis âgé de 77 ans. J'ai quitté l'école primaire à 12 ans avec le certificat d'études et, trois ans plus tard, l'Ecole pratique de Cherbourg avec un brevet d'ajusteur mécanicien. Je suis rentré à la ferme paternelle pour pratiquer l'agriculture avec mes parents. Je me suis marié à 30 ans. Six enfants sont nés de ce mariage. J'ai pratiqué l'agrobiologie sur cette ferme pendant 17 ans en militant pour cette agriculture nouvelle. J'ai écrit des articles sur ce sujet, puis des contes et des nouvelles du genre fantastique, enfin à 70 ans mes premiers poèmes et fables.

= Comment vous est venu le désir d'écrire?

Mon désir d'écrire s'est manifesté très tard dans la vie et très lentement. J'ai publié mes premiers articles dans Agriculture et vie entre 40 et 50 ans, découvrant là une façon de m'exprimer différente de la parole, qui m'obligeait à affiner ma pensée pour transmettre un message clair et agréable à lire.

Pour attirer l'attention des lecteurs j'ai inventé des histoires courtes à morale écologique mais aussi fantastique. Ainsi sont nées toutes ces histoires publiées ensuite sous le titre de Contes écologiques et fantastiques (Caen, Editions Charles Corlet, 1988 - réédités en 1995 à la suite des Extravagantes histoires de Graundaru, ndlr).

A 60 ans j'ai souffert d'une crise aiguë de polyarthrite. Ne pouvant plus travailler ni me déplacer, j'ai écrit le Couguard et d'autres nouvelles, publiées sous le titre: Trois histoires étranges (Marigny, Editions Paoland, 1995, ndlr) (prix Octave Mirebeau 1997). La même année sont parues Les extravagantes histoires du Graundaru (Marigny, Editions Paoland, 1995, ndlr).

Mais il me restait quelque chose d'inassouvi: la poésie. Tous les essais s'étaient soldés par un échec, blocage au deuxième vers et pas d'inspiration sauf des banalités, je n'étais pas mûr pour le faire. Puis un jour - j'avais alors 70 ans - grattant un plafond, travail ingrat, j'eus subitement une inspiration, c'est ainsi qu'est né Les fleurs de mon jardin (poème qui n'est pas encore publié, ndlr). D'autres ont suivi presque dans interruption. C'est après l'avoir écrite que j'ai découvert que Les peupliers et le saule pleureur était une fable. Les autres ont été voulues. Ainsi sont nées Fables pour l'an 2000, entre septembre 1996 et avril 1999.

= Pourquoi des fables? Pourquoi l'an 2000?

Je m'explique dans la préface de mon recueil:

"Trois siècles après le grand La Fontaine, que peut-on ajouter à une oeuvre aussi pleine de nuances et de richesse psychologique?

Si depuis tous les temps, la nature humaine est restée toujours la même, par contre la connaissance et la vision du monde ont beaucoup changé. Et le rôle des fables est de révéler aux hommes, un peu comme un miroir fantastique, cette image d'eux-mêmes que leurs habitudes journalières dissimulent à leur vue. La fable permet aussi d'aborder les problèmes de société, comme de courtes comédies très proches de la nature. Mais depuis peu les hommes ont acquis un immense pouvoir: celui de détruire le monde, soit d'une façon violente, soit petit à petit en l'empoisonnant et le surexploitant.

Arrivés en l'an 2000, après plus de cinq siècles d'humanisme rationnel et scientifique cherchant à faire reculer le mystère, voilà qu'ils découvrent (…) qu'ils n'en viendraient jamais à bout et qu'il fait partie de leur propre nature. (…) Le prochain millénaire sera-t-il celui de la révélation mystique comme certains l'ont prédit? Ou bien, la violence destructrice l'emportant, le monde pourrait-il être détruit par les hommes eux-mêmes?

C'est peu probable, si chacun peut s'exprimer sans provoquer d'intransigeantes réactions et qu'enfin arrivés à la tolérance, les fabulistes puissent à leur manière - sans être rejetés comme des moralistes démodés - contribuer à travers l'humour, à une meilleure connaissance les uns des autres. N'oublions pas que La Fontaine a reçu les honneurs du Roi, qu'il n'avait pourtant pas plus ménagé que les autres dans le personnage du Lion.

Les éditeurs ont aussi leur rôle à jouer afin que la culture soit la plus diversifiée possible, pour repousser le mythe de la culture unique et mondiale qui nous menace.

Le troisième millénaire c'est demain. C'est une page blanche dont le début est déjà écrit, mais où le présent n'étant toujours qu'un court passage entre deux infinis, rend si difficile la réflexion humaine."

= Avez-vous une fable préférée?

Ma fable préférée est Les borgnes. Puis viennent La République des grenouilles et Les animaux malades de la violence. Mais à chacun de retirer la conclusion qui lui convient à chacune des fables, car toute opinion est respectable. Seul est intolérable de vouloir l'imposer aux autres d'une façon contrainte ou détournée.

= Que représente l'internet pour vous?

Internet représente pour moi un formidable outil de communication qui nous affranchit des intermédiaires, des barrages doctrinaires et des intérêts des médias en place. Soumis aux mêmes lois cosmiques, les hommes, pouvant mieux se connaître, acquerront peu à peu cette conscience du collectif, d'appartenir à un même monde fragile pour y vivre en harmonie sans le détruire.

Internet est absolument comme la langue d'Esope, la meilleure et la pire des choses, selon l'usage qu'on en fait, et j'espère qu'il ne permettra de m'affranchir en partie de l'édition et de la distribution traditionnelle qui, refermée sur elle-même, souffre d'une crise d'intolérance pour entrer à reculons dans le prochain millénaire (voir à ce sujet la fable Le poète et l'éditeur, ndlr).

= Quel est votre meilleur souvenir de l'année 1999?

La démonstration faite par vous de la possibilité de publier les Fables pour l'an 2000 sur internet (publiées sur le site des éditions du Choucas en décembre 1999, avec un design de Nicolas Pewny, ndlr). Mes meilleurs instants de bonheur sont aussi ceux qui naissent après avoir terminé l'écriture d'une fable ou d'un poème.

= Et votre pire souvenir?

Mon pire souvenir est celui de ma post-réanimation après un pontage coronarien en juillet.

= Quels sont vos souhaits pour l'an 2000 et les années suivantes?

Une meilleure tolérance et une plus grande pluralité des cultures.

*Entretien du 26 janvier 2001

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

J'ai rencontré le président du Centre régional des lettres de Basse-Normandie, qui s'est vivement intéressé aux Fables pour les années 2000. Il a proposé une aide de la région Basse-Normandie pour une édition imprimée sous forme de recueil. Le travail est très avancé et la publication pourrait avoir lieu au printemps.

= Pourquoi avoir modifié le titre, devenu Fables pour les années 2000 au lieu de
Fables de l'an 2000?

Tout simplement parce que, les ayant écrites avant l'an 2000, je pensais qu'elles seraient publiées avant le changement de millénaire, et que maintenant en voilà pour mille ans avant le prochain. Cela donne le vertige au-delà de toute imagination.

= Avez-vous quelque chose à ajouter à vos propos de 1999 relatifs à l'internet?

Non. Sauf qu'il serait indispensable pour moi d'y être raccordé le plus vite possible pour mes besoins en documentation et aussi pour la communication.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Non, pas du tout! Le papier est un support qui va subsister encore très longtemps et qui garde certains avantages. Il est cependant gourmand en matière première, le bois. Les autres supports sont complémentaires, et présentent des avantages, surtout pour la circulation et la reproduction à longue distance.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je ne l'ai pas encore utilisé. Je pense qu'il a cependant beaucoup d'intérêt. Il économise le papier. Je l'imagine dans les bibliothèques pour la lecture au public. L'usage et le temps nous apporteront une réponse, mais l'informatique n'a pas fini de nous étonner.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le cyberespace est un moyen pour supprimer l'espace.

= Et la société de l'information ?

La société de l'information est un moyen de satisfaire l'appétit de connaissances et de curiosité qu'ont les hommes de par le monde.

MURIEL GOIRAN [FR]

[FR] Muriel Goiran (Rhône-Alpes)

#Libraire à la librairie Decitre

En région Rhône-Alpes, les huit librairies Decitre sont particulièrement dynamiques dans le domaine des nouvelles technologies et de l'internet. Decitre propose aussi une librairie en ligne de 430.000 titres.

*Entretien du 8 juin 1998

= Que représente l'internet pour vous?

C'est pour l'instant juste un moyen de communication de plus (mail) avec nos clients des magasins et nos clients bibliothèques et centres de documentation. Nous avons découvert son importance en organisant DOCForum, le premier forum de la documentation et de l'édition spécialisée, qui s'est tenu à Lyon en novembre 1997 (la prochaine édition est fixée en novembre 1999). Il nous est apparu clairement qu'en tant que libraires, nous devions avoir un pied dans le Net.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Internet est très important pour notre avenir. Nous allons mettre en ligne notre base de 400.000 livres français à partir de fin juillet 1998, et elle sera en accès gratuit pour des recherches bibliographiques (l'achat des livres sera payant bien sûr!). Ce ne sera pas une n-ième édition de la base de Planète Livre, mais notre propre base de gestion, que nous mettons sur internet.

MARCEL GRANGIER [FR, EN]

[FR] Marcel Grangier (Berne)

#Responsable de la section française des services linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse

[Entretien 14/01/1999 // Entretien 25/01/2000]

*Entretien du 14 janvier 1999

= Quel est l'apport de l'internet dans un service de traduction?

Travailler sans internet est devenu tout simplement impossible: au-delà de tous les outils et commodités utilisés (messagerie électronique, consultation de la presse électronique, activités de services au profit de la profession des traducteurs), internet reste pour nous une source indispensable et inépuisable d'informations dans ce que j'appellerais le "secteur non structuré" de la toile. Pour illustrer le propos, lorsqu'aucun site comportant de l'information organisée ne fournit de réponse à un problème de traduction, les moteurs de recherche permettent dans la plupart des cas de retrouver le chaînon manquant quelque part sur le réseau.

= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

Le multilinguisme sur internet peut être considéré comme une fatalité heureuse et surtout irréversible. C'est dans cette optique qu'il convient de creuser la tombe des rabat-joie dont le seul discours est de se plaindre d'une suprématie de l'anglais. Cette suprématie n'est pas un mal en soi, dans la mesure où elle résulte de réalités essentiellement statistiques (plus de PC par habitant, plus de locuteurs de cette langue, etc.). La riposte n'est pas de "lutter contre l'anglais" et encore moins de s'en tenir à des jérémiades, mais de multiplier les sites en d'autres langues. Notons qu'en qualité de service de traduction, nous préconisons également le multilinguisme des sites eux-mêmes.

La multiplication des langues présentes sur internet est inévitable, et ne peut que bénéficier aux échanges multiculturels. Pour que ces échanges prennent place dans un environnement optimal, il convient encore de développer les outils qui amélioreront la compatibilité. La gestion complète des diacritiques ne constitue qu'un exemple de ce qui peut encore être entrepris.

*Entretien du 25 janvier 2000

= En quoi consiste votre site web?

Conçu d'abord comme un service intranet, notre site web se veut au service d'abord des traducteurs opérant en Suisse, qui souvent travaillent sur la même matière que les traducteurs de l'administration fédérale, mais également, par certaines rubriques, au service de n'importe quel autre traducteur où qu'il se trouve. Les dictionnaires électroniques ne sont qu'une partie de l'ensemble, et d'autres secteurs documentaires ont trait à l'administration, au droit, à la langue française, etc., sans parler des informations générales. Le site abrite par ailleurs les pages de la CST (Conférence des services de traduction des états européens).

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Je suis responsable de la section française des services linguistiques centraux (SLC-f) de la Chancellerie fédérale suisse, c'est-à-dire en charge des questions organisationnelles de la traduction pour l'ensemble des services linguistiques du gouvernement suisse.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le problème est réel même si la solution n'est pas évidente. On peut toutefois regretter que la lutte contre ce genre de fraude finira par justifier, avec d'autres dérives, une "police du WWW" malheureusement bien éloignée de l'esprit dans lequel la toile a été créée.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Nous y sommes, à l'internet multilingue: reste à le consolider et à veiller à l'égalité des chances d'accès, ce qui prendra probablement un peu plus de temps.

[EN] Marcel Grangier (Bern)

#Head of the French Section of the Swiss Federal Government's Central Linguistic
Services

[Interview 14/01/1999 // Interview 25/01/2000]

*Interview of January 14, 1999 (original interview in French)

= How did using the Internet change your professional life?

To work without the Internet is simply impossible now. Apart from all the tools used (e-mail, the electronic press, services for translators), the Internet is for us a vital and endless source of information in what I'd call the "non-structured sector" of the Web. For example, when the answer to a translation problem can't be found on websites presenting information in an organized way, in most cases search engines allow us to find the missing link somewhere on the network.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

We can see multilingualism on the Internet as a happy and irreversible inevitability. So we have to laugh at the doomsayers who only complain about the supremacy of English. Such supremacy isn't wrong in itself, because it's mainly based on statistics (more PCs per inhabitant, more people speaking English, etc.). The answer isn't to "fight English," much less whine about it, but to build more sites in other languages. As a translation service, we also recommend that websites be multilingual.

= How do you see the future?

The increasing number of languages on the Internet is inevitable and can only boost multicultural exchanges. For this to happen in the best possible circumstances, we still need to develop tools to improve compatibility. Fully coping with accents and other characters is only one example of what can be done.

*Interview of January 25, 2000 (original interview in French)

= Can you tell us about your website?

Our website was first conceived as an Intranet service for translators in Switzerland, who often deal with the same kind of material as the federal government's translators. Some parts of it are useful to any translators, wherever they are. The electronic dictionaries (Dictionnaires électroniques) are only one section of the website. Other sections deal with administration, law, the French language and general information. The site also hosts the pages of the Conference of Translation Services of European States (COTSOES).

= What exactly is your professional activity?

I'm head of the French Section of the Swiss Federal Government's Central Linguistic Services, which means I'm in charge of organising translation matters for all the linguistic services of the Swiss government.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

There's a problem here and the solution isn't obvious. It's a pity the battle against this kind of fraud will eventually justify, along with other abuses, a "Web police," which sadly is very far from the spirit in which the Web was created.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

We now have a multilingual Internet. We have to build it up and ensure it's easy to access, which'll probably take a bit longer.

BARBARA GRIMES [EN, FR]

[EN] Barbara Grimes (Hawaii)

#Editor of Ethnologue: Languages of the World

The Ethnologue is a catalogue of more than 6,700 languages. A paper version and a CD-ROM are also available.

[Interview 18/08/1998 // Interview 15/01/2000]

*Interview of August 18, 1998

= How did using the Internet change your professional life?

We have found the Internet to be useful, convenient, and supplementary to our work. Our main use of it is for e-mail. It is a convenient means of making information more widely available to a wider audience than the printed Ethnologue provides.

On the other hand, many people in the audience we wish to reach do not have access to computers, so in some ways the Ethnologue on the Internet reaches a limited audience who own computers. I am particularly thinking of people in the so-called "third world".

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Multilingual web pages are more widely useful, but much more costly to maintain. We have had requests for the Ethnologue in a few other languages, but we do not have the personnel or funds to do the translation or maintenance, since it is constantly being updated.

*Interview of January 15, 2000

= Can you tell us about the Ethnologue?

It is a catalog of the languages of the world, with information about where they are spoken, an estimate of the number of speakers, what language family they are in, alternate names, names of dialects, other sociolinguistic and demographic information, dates of published Bibles, a name index, a language family index, and language maps.

= What exactly is your professional activity?

I am the editor of the 8th to 14th editions, 1971-2000.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

Any copyrights should be respected, just as with print matter.

= What is your best experience with the Internet?

Receiving corrections and new reliable information.

= And your worst experience?

Unkind criticism or that which does not include corrections.

[FR] Barbara Grimes (Hawaii)

#Directrice de publication de l'Ethnologue, une encyclopédie des langues

Cette encyclopédie très documentée, qui en est à sa 14e édition, existe en version web, sur CD-Rom et en version imprimée. Elle répertorie 6.700 langues, avec de multiples critères de recherche. Barbara F. Grimes en est la directrice de publication.

[Entretien 18/08/1998 // Entretien 15/01/2000]

*Entretien du 18 août 1998 (entretien original en anglais)

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

L'internet nous est utile, c'est un outil pratique qui apporte un complément à notre travail. Nous l'utilisons principalement pour le courrier électronique. C'est aussi un moyen commode pour mettre notre documentation à la disposition d'une audience plus large que celle de l'Ethnologue imprimé.

D'un autre côté, l'Ethnologue sur l'internet n'atteint en fait qu'une audience limitée disposant d'ordinateurs. Or, dans les personnes que nous souhaitons atteindre, nombreux sont ceux qui n'ont pas accès à des ordinateurs. Je pense particulièrement aux habitants du dit "Tiers-monde".

= Envisagez-vous des pages web multilingues?

Les pages web multilingues sont de plus en plus utiles, mais elles sont plus onéreuses à gérer. Nous avons eu des demandes nous demandant l'accès à l'Ethnologue dans plusieurs autres langues, mais nous n'avons pas le personnel ni les fonds pour la traduction ou la réactualisation, indispensables puisque notre site est constamment mis à jour.

*Entretien du 15 janvier 2000 (entretien original en anglais)

= En quoi consiste exactement l'Ethnologue?

Il s'agit d'un catalogue des langues dans le monde, avec des informations sur les endroits où elles sont parlées, une estimation du nombre de personnes qui les parlent, la famille linguistique à laquelle elles appartiennent, les autres noms utilisés pour ces langues, les noms de dialectes, d'autres informations socio-linguistiques et démographiques, les dates des Bibles publiées, un index des noms de langues, un index des familles linguistiques et des cartes géographiques relatives aux langues.

= Quelle est exactement votre activité?

Je suis la directrice de publication de l'Ethnologue, depuis 1971 et jusqu'en 2000 (8e-14e éditions).

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Tous les copyrights doivent être respectés, de la même façon que pour l'imprimé.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le fait de recevoir des corrections et de nouvelles informations fiables.

= Et votre pire souvenir?

Des critiques peu aimables sans proposition de corrections.

MICHAEL HART [EN, FR, ES]

[EN] Michael Hart (Illinois)

#Founder of Project Gutenberg, the oldest digital library on the Internet

Project Gutenberg, set up by Michael Hart in 1971 when he was a student at the University of Illinois (USA), was the Internet's first information provider. From the beginning, its mission has been to put at everybody's disposal, free, as many books as possible whose copyright has expired. It is now the biggest digital library on the Web in terms of the number of books (3,700 e-texts in July 2001) that have been patiently digitized in text format by 600 volunteers from all over the world. Some old documents are typed line by line, mainly because the originals are unclear, but most works are scanned using OCR (optical character recognition) software. Then they are read and corrected twice, sometimes by two different people. At first they were just books in English, but now ones in other languages are being digitized.

[Interview 23/08/1998 // Interview 23/07/1999]

*Interview of August 23, 1998

= How do you see the relationship between the print media and the Internet?

We consider e-text to be a new medium, with no real relationship to paper, other than presenting the same material, but I don't see how paper can possibly compete once people each find their own comfortable way to e-texts, especially in schools.

= How did using the Internet change your professional life?

My career couldn't have happened without the Internet, and neither could Project Gutenberg have happened. I presume you know that Project Gutenberg was the first information provider on the Net.

= What are your new projects?

My own personal goal is to put 10,000 Etext on the Net, and if I can get some major support, I would like to expand that to 1,000,000 and to also expand our potential audience for the average Etext from 1.x% of the world population to over 10%, thus changing our goal from giving away 1,000,000,000,000 Etexts to 1,000 time as many, a trillion and a quadrillion in US terminology.

*Interview of July 23, 1999

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

The kind of copyright debate going on is totally impractical. It is run by and for the "Landed Gentry of the Information Age." Information Age? For whom? No one has said more against copyright extensions that I have, but Hollywood and the big publishers have seen to it that our Congress won't even mention it in public.

= What are exactly these copyright extensions?

Nothing will expire for another 20 years. We used to have to wait 75 years. Now it is 95 years. And it was 28 years (+ a possible 28 year extension, only on request before that) and 14 years (+ a possible 14 year extension before that). So, as you can see, this is a serious degrading of the public domain, as a matter of continuing policy.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

We will eventually have a really good Babelfish (AltaVista's translation software). I am publishing in one new language per month right now, and will continue as long as possible.

= What is your best experience with the Internet?

The notes I get that tell me people appreciate that I have spent my life putting books, etc., on the Internet. Some are quite touching, and can make my whole day.

= And your worst experience?

Getting called on the Chancellor's carpet because Oxford University call him and really shook him up… but I had a team of 6 lawyers, half from the University of Illinois, who backed me up, so we made Oxford back down. You might say that was a good memory, but I hate that kind of politicking… the Chancellor was Tom Cruise's uncle, so that was fun.

[FR] Michael Hart (Illinois)

#Fondateur du Projet Gutenberg, la plus ancienne bibliothèque numérique sur l'internet

Créé par Michael Hart en 1971 alors qu'il était étudiant à l'Université d'Illinois (Etats-Unis), le Projet Gutenberg s'est donné comme mission de mettre à la disposition de tous le plus grand nombre possible d'oeuvres du domaine public. La plus ancienne bibliothèque numérique sur l'internet est aussi la plus importante puisqu'elle propose en téléchargement libre et gratuit 3.700 oeuvres (chiffres de juillet 2001) patiemment numérisées en mode texte par 600 volontaires de nombreux pays. Un total de 1.000 nouveaux livres devrait être traité en 2001. Si certains documents anciens sont parfois saisis ligne après ligne, le plus souvent parce que le texte original manque de clarté, les oeuvres sont en général scannées en utilisant un logiciel OCR (optical character recognition), puis elles sont relues et corrigées à double reprise, parfois par deux personnes différentes. D'abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues. Michael Hart se définit lui-même comme un fou de travail dédiant toute sa vie à son projet, qu'il voit comme étant à l'origine d'une révolution néo-industrielle.

[Entretien 23/08/1998 // Entretien 23/07/1999]

*Entretien du 23 août 1998 (entretien original en anglais)

= Comment voyez-vous la relation entre l'imprimé et l'internet?

Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritable relation avec le papier. Le seul point commun est que nous diffusons les mêmes oeuvres, mais je ne vois pas comment le papier peut concurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués, particulièrement dans les établissements d'enseignement.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Ma carrière n'aurait pas existé sans l'internet, et le Projet Gutenberg n'aurait jamais eu lieu… Vous savez sûrement que le Projet Gutenberg a été le premier site d'information sur l'internet.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Mon projet est de mettre 10.000 textes électroniques sur l'internet. Si je pouvais avoir des subventions importantes, j'aimerais aller jusqu'à un million et étendre aussi le nombre de nos usagers potentiels de 1,x% à 10% de la population mondiale, ce qui représenterait la diffusion de 1.000 fois un milliard de textes électroniques au lieu d'un milliard seulement.

*Entretien du 23 juillet 1999 (entretien original en anglais)

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Les débats actuels sont totalement irréalistes. Ils sont menés par "l'aristocratie terrienne de l'âge de l'information" et servent uniquement ses intérêts. Un âge de l'information? Et pour qui? J'ai été le principal opposant aux extensions du copyright (loi du 27 octobre 1998, ndlr), mais Hollywood et les grands éditeurs ont fait en sorte que le Congrès ne mentionne pas mon action en public.

= En quoi consiste exactement cette loi?

Le copyright a été augmenté de 20 ans. Aupararant on devait attendre 75 ans, on est maintenant passé à 95 ans. Bien avant, le copyright durait 28 ans (plus une extension de 28 ans si on la demandait avant l'expiration du délai) et il avait lui-même remplacé un copyright de 14 ans (plus une extension de 14 ans si on la demandait avant l'expiration du délai). Comme vous le voyez, on assiste à une dégradation régulière et constante du domaine public.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

J'espère que nous aurons un jour un bon Babelfish (le service de traduction automatique d'Altavista, ndlr). Pour notre bibliothèque numérique, j'introduis une nouvelle langue par mois maintenant, et je vais poursuivre cette politique aussi longtemps que possible.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le courrier que je reçois me montre combien les gens apprécient que j'aie passé ma vie à mettre des livres sur l'internet. Certaines lettres sont vraiment émouvantes, et elles me rendent heureux pour toute la journée.

= Et votre pire souvenir?

Etre convoqué par le président de l'Université d'Illinois suite à une plainte déposée par l'Université d'Oxford. Mais j'ai été défendu par une équipe de six avocats, la moitié étant de l'Université d'Illinois, et j'ai gagné le procès. On pourrait voir cela comme un bon souvenir, mais je hais ce genre de politique politicienne… Le président de l'université se trouvait être l'oncle de Tom Cruise, amusant, non?

[ES] Michael Hart (Illinois)

#Fundador del Proyecto Gutenberg, la ciberbiblioteca más antigua de Internet

Fundado por Michael Hart en 1971 cuando era estudiante en la Universidad de Illinois (EE UU), el Proyecto Gutenberg se dio como misión de poner gratuitamente a la disposición de todos el mayor número posible de obras del dominio público. La ciberbiblioteca más antigua de Internet es también la más importante por el número de obras (3.700 en Julio de 2001) pacientemente digitalizadas en modo texto por 600 voluntarios de muchos paises. Si algunos documentos antiguos están mecanografiados sobre el ordenador línea por línea, es porque a menudo el texto original falta de claridad, en general las obras están escanearizadas utilizando un programa OCR (optical character recognition), y luego leídas y corregidas dos veces, a menudo por dos personas diferentes. Primero anglofóno, el Proyecto Gutenberg ahora se hace multilingüe. Michael Hart se define él mismo como un "loco del trabajo" dedicando toda su vida a su proyecto, el cual ve como el origen de una revolución neo-industrial.

[Entrevista 23/08/1998 // Entrevista 23/07/1999]

*Entrevista del 23 de Agosto de 1998 (entrevisa original en inglés)

= ¿Cómo ve Ud. la relación entre el mundo del impreso y Internet?

Consideramos el texto electrónico como un nuevo medio, sin una verdadera relación con el papel. El único punto en común es que distribuimos las mismas obras, pero no veo cómo el papel puede hacer la competencia al texto electrónico una vez que la gente ya está acostumbrada a ello, particularmente en establecimientos de enseñanza.

= ¿Cuáles son los cambios obtenidos por Internet en su vida profesional?

Mi carrera no habría existido sin Internet, y el Proyecto Gutenberg no habría tenido lugar… Usted sabe seguramente que el Proyecto Gutenberg fue el primer sitio de información en Internet.

= ¿Cómo ve Ud. el futuro?

Mi proyecto es de poner 10 000 textos electrónicos en Internet. Si pudiera conseguir subvenciones más importantes, me gustaría ir hasta un millón y ampliar también nuestros usuarios potenciales de 1,x% a 10% de la población mundial, lo que representaría la distribución de 1000 veces un billón de textos electrónicos en lugar de solamente un billón.

*Entrevista del 23 de julio de 1999 (entrevista original en inglés)

= ¿Qué piensa Ud. de los debates con respecto a los derechos de autor en la Red?

Los debates actuales son totalmente irrealistas. Están dirigidos por "la aristocracia terrateniente de la edad de la información" y sirven únicamente para sus propios intereses. ¿Una edad de la información? ¿Y para quién? Fui el principal enemigo de las extensiones del del derecho de copiado (ley del 27 de octubre de 1998), pero Hollywood y los principales editores actuaron de tal modo que el Congreso no mencionó mi acción en público.

= ¿En qué consiste exactamente esta ley?

El derecho de copiado fue aumentado de 20 años. Antes se debía esperar 75 años, ahora debemos esperar 95 años. Mucho antes todavía, el derecho de copiado duraba 28 años (más una extensión de 28 años si uno la pedía antes de la expiración del plazo), y este último a su vez, ya había substituído un copyright de 14 años (más una extensión de 14 años si uno la pedía antes de la expiración del plazo). Como usted lo ve, asistimos a un deterioro regular y constante del dominio público.

= ¿Cómo ve Ud. la evolución hacia un Internet multilingüe?

Espero que tengamos un día un buen Babelfish (el servicio de traducción automática de Altavista). Para nuestra biblioteca digital, el Proyecto Gutenberg inaugura ahora una nueva lengua al mes, y voy a seguir con esta política durante el tiempo que sea posible.

= ¿Cuál es su mejor recuerdo relacionado con Internet?

El correo que recibo me muestra cuánto aprecia la gente que he pasado mi vida en poner libros en Internet. Algunas cartas son verdaderamente conmovedoras, et me dan alegría durante todo el día.

= ¿Y su peor recuerdo?

Ser convocado por el presidente de la Universidad de Illinois tras una denuncia declarada por la Universidad de Oxford. Pero fui defendido por un equipo de seis abogados (la midad eran de la Universitad de Illinois), y gané el juicio. Se podría ver esto como un buen recuerdo, pero odio esta política politizada… El lado bueno de esta situación era que el presidente de la Universidad era el tío de Tom Cruise.

ROBERTO HERNANDEZ MONTOYA [ES, FR, EN]

[ES] Roberto Hernández Montoya (Caracas)

#Director de la biblioteca digital de la revista electrónica Venezuela Analítica

Roberto Hernández Montoya es licenciado en letras de la Universidad Central de Venezuela; miembro del consejo de redacción de Venezuela Analítica; miembro de las direcciones editoriales de Venezuela Cultural e Imagen; columnista de El Nacional, Letras, Imagen e Internet World Venezuela. Cursó estudios de análisis del discurso en la Escuela de Altos Estudios en Ciencias Sociales (Ecole des hautes études en sciences sociales - EHESS), París. Fue presidente fundador de la Asociación Venezolana de Editores, y director de la editorial del Ateneo de Caracas. Roberto Hernández Montoya a contestado a las preguntas en francés.

[FR] Roberto Hernández Montoya (Caracas)

#Directeur de la bibliothèque numérique du magazine électronique Venezuela
Analítica

Roberto Hernández Montoya est licencié ès lettres de l'Université centrale du Venezuela. Il publie des articles dans El Nacional, Letras, Imagen et InternetiWorld Venezuela. Il est membre de l'équipe éditoriale de Venezuela Cultural, Venezuela Analítica et Imagen. Il a fait des études d'analyse du discours à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris. Il a été le président fondateur de l'Association vénézuélienne des éditeurs, et le rédacteur en chef de l'Ateneo de Caracas.

Magazine électronique conçu comme un forum public pour l'échange d'idées sur la politique, l'économie, la culture, la science et la technologie, Venezuela Analítica a créé en mai 1997 BitBlioteca, une bibliothèque numérique en espagnol, qui comprend aussi quelques titres en anglais, français et portugais.

*Entretien du 3 septembre 1998

= Comment voyez-vous la relation entre l'imprimé et l'internet?

Je crois qu'ils sont complémentaires. On ne peut pas remplacer le texte imprimé sur papier, au moins dans un futur proche. Le livre en papier est un objet formidable. On ne peut pas feuilleter un texte électronique de la même façon qu'un livre en papier. Mais un texte électronique permet de localiser beaucoup plus rapidement un mot ou un groupe de mots. D'une certaine manière on peut le lire avec plus de profondeur, même avec l'incommodité que représente la lecture sur écran. Le texte électronique est moins cher et peut être distribué plus facilement au monde entier (si on ne prend pas en ligne de compte le coût de l'ordinateur et de la connexion à l'internet).

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

L'internet a été très important pour moi personnellement. Il est devenu ma principale activité. Il a donné à notre organisme la possibilité de communiquer avec des milliers de personnes alors que ceci aurait été impossible du point de vue financier si on avait publié un magazine sur papier. Je crois que, dans les années à venir, l'internet va devenir le médium primordial de communication et d'échange d'information.

[EN] Roberto Hernández Montoya (Caracas)

#Head of the digital library of the electronic magazine Venezuela Analítica

Roberto Hernández Montoya has a literature degree from the Central University of
Venezuela. He is a columnist at El Nacional, Letras, Imagen and Internet World
Venezuela. He is a member of the editorial board of Venezuela Cultural,
Venezuela Analítica and Imagen. He studied discourse analysis at the School of
High Studies in Social Sciences (Ecole des hautes études en sciences sociales -
EHESS), Paris. He was the founding president of the Venezuelan Association of
Editors, and the editor of the Ateneo de Caracas.

Venezuela Analítica, an electronic magazine conceived as a public forum to exchange ideas on politics, economics, culture, science and technology, created in May 1997 BitBlioteca, a digital library which contains material mostly in Spanish, and also in French, English and Portuguese.

*Interview of September 3, 1998 (original interview in French)

= How do you see the relationship between the print media and the Internet?

The printed word can't be replaced, at least not in the foreseeable future. The paper book is a wonderful thing. We can't leaf through an electronic text in the same way. But we can find words and groups of words much more quickly. We can read an electronic text more carefully, even with the inconvenience of reading it on the screen. It is less expensive and can be more easily distributed worldwide (not counting the cost of the computer and Internet connection).

= How did using the Internet change your professional life?

The Internet has been personally very important for me. It's become the centre of my life. It's meant that our organization can now communicate with thousands of people — something we couldn't have afforded if we'd published a paper magazine. I think the Internet is going to be the chief means of communication and exchanging information in the future.

RANDY HOBLER [EN, FR]

[EN] Randy Hobler (Dobbs Ferry, New York)

#Internet Marketing Consultant, among others at Globalink, a company specialized in language translation software and services

Randy Hobler has been a consultant in Internet& marketing at IBM, Johnson & Johnson, Burroughs Wellcome, Pepsi, Heublein, etc. In 1998, he was an Internet Marketing Consultant for Globalink, a company specialized in language translation software and services. He wrote: "The joy for me is the ability to combine my vocational skills in high-tech and marketing with avocational interests like language into one. To love what you do and do what you love." Globalink was bought by Lernout & Hauspie in 1999.

[Interview 03/09/1998 // Interview 10/09/2000]

*Interview of September 3, 1998

= How do you see the growth of a multilingual Web?

85% of the content of the Web in 1998 is in English and going down. This trend is driven not only by more websites and users in non-English-speaking countries, but by increasing localization of company and organization sites, and increasing use of machine translation to/from various languages to translate websites.

Because the Internet has no national boundaries, the organization of users is bounded by other criteria driven by the medium itself. In terms of multilingualism, you have virtual communities, for example, of what I call "Language Nations"… all those people on the Internet wherever they may be, for whom a given language is their native language. Thus, the Spanish Language nation includes not only Spanish and Latin American users, but millions of Hispanic users in the US, as well as odd places like Spanish-speaking Morocco.

= Can you tell us about the future of machine translation?

We are rapidly reaching the point where highly accurate machine translation of text and speech will be so common as to be embedded in computer platforms, and even in chips in various ways. At that point, and as the growth of the Web slows, the accuracy of language translation hits 98% plus, and the saturation of language pairs has covered the vast majority of the market, language transparency (any-language-to-any-language communication) will be too limiting a vision for those selling this technology. The next development will be "transcultural, transnational transparency", in which other aspects of human communication, commerce and transactions beyond language alone will come into play. For example, gesture has meaning, facial movement has meaning and this varies among societies. The thumb-index finger circle means 'OK' in the United States. In Argentina, it is an obscene gesture.

When the inevitable growth of multi-media, multi-lingual videoconferencing comes about, it will be necessary to 'visually edit' gestures on the fly. The MIT (Massachussets Institute of Technology) Media Lab, Microsoft and many others are working on computer recognition of facial expressions, biometric access identification via the face, etc. It won't be any good for a US business person to be making a great point in a Web-based multi-lingual video conference to an Argentinian, having his words translated into perfect Argentinian Spanish if he makes the "O" gesture at the same time. Computers can intercept this kind of thing and edit them on the fly.

There are thousands of ways in which cultures and countries differ, and most of these are computerizable to change as one goes from one culture to the other. They include laws, customs, business practices, ethics, currency conversions, clothing size differences, metric versus English system differences, etc. Enterprising companies will be capturing and programming these differences and selling products and services to help the peoples of the world communicate better. Once this kind of thing is widespread, it will truly contribute to international understanding.

*Interview of September 10, 2000

= What do you think about e-books?

E-books continue to grow as the display technology improves, and as the hardware becomes more physically flexible and lighter. Plus, among the early adapters will be colleges because of the many advantages for students (ability to download all their reading for the entire semester, inexpensiveness, linking into exams, assignments, need for portability, eliminating need to lug books all over).

[FR] Randy Hobler (Dobbs Ferry, New York)

#Consultant en marketing internet, notamment chez Globalink, société spécialisée en produits et services de traduction

Randy Hobler a été successivement consultant en marketing et internet chez IBM, Johnson & Johnson, Burroughs Wellcome, Pepsi, Heublein, etc. En 1998, il était consultant en marketing internet chez Globalink, société spécialisée en produits et services de traduction. "J'aime pouvoir combiner ensemble mes compétences en tant que formateur en haute technologie et en marketing avec ma passion pour les langues, écrivait-il. Aimer ce que je fais et faire ce que j'aime." Globalink a été racheté par Lernout & Hauspie en 1999.

[Entretien 03/09/1998 // Entretien 10/09/2000]

*Entretien du 3 septembre 1998 (entretien original en anglais)

= Comment voyez-vous l'évolution vers un web multilingue?

En 1998, 85 % du contenu du web est en anglais, et ce chiffre est à la baisse. Il y a non seulement plus de sites web et d'internautes non anglophones, mais aussi une localisation plus grande de sites de sociétés et d'organismes, et un usage accru de la traduction automatique pour traduire des sites web à partir ou vers d'autres langues.

Comme l'internet n'a pas de frontières nationales, les internautes s'organisent selon d'autres critères propres au médium. En termes de multilinguisme, vous avez des communautés virtuelles, par exemple ce que j'appelle les "nations des langues", tous ces internautes qu'on peut regrouper selon leur langue maternelle quel que soit leur lieu géographique. Ainsi la nation de la langue espagnole inclut non seulement les internautes d'Espagne et d'Amérique latine, mais aussi tous les hispanophones vivant aux Etats-Unis, ou encore ceux qui parlent espagnol au Maroc.

= Comment voyez-vous l'avenir de la traduction automatique?

Nous arriverons rapidement au point où une traduction très fidèle du texte et de la parole sera si commune qu'elle pourra faire partie des plate-formes ou même des puces. A ce point, quand le développement de l'internet aura atteint sa vitesse de croisière, que la fidélité de la traduction atteindra plus de 98% et que les différentes combinaisons de langues possibles auront couvert la grande majorité du marché, la transparence de la langue (toute communication d'une langue à une autre) sera une vision trop restrictive pour ceux qui vendent cette technologie. Le développement suivant sera la "transparence transculturelle et transnationale" dans laquelle les autres aspects de la communication humaine, du commerce et des transactions au-delà du seul langage entreront en scène. Par exemple, les gestes ont un sens, les mouvements faciaux ont un sens, et ceci varie en fonction des sociétés. La lettre O réalisée avec le pouce et l'index signifie "OK" aux Etats-Unis alors qu'en Argentine c'est un geste obscène.

Quand se produira l'inévitable développement de la vidéoconférence multilingue multimédias, il sera nécessaire de corriger visuellement les gestes. Le Media Lab du MIT (Massachussets Institute of Technology), Microsoft et bien d'autres travaillent à la reconnaissance informatique des expressions faciales, l'identification des caractéristiques biométriques par le biais du visage, etc. Il ne servira à rien à un homme d'affaires américain de faire une excellente présentation à un Argentin lors d'une vidéoconférence multilingue sur le web, avec son discours traduit dans un espagnol argentin parfait, s'il fait en même temps le geste O avec le pouce et l'index. Les ordinateurs pourront intercepter ces types de messages et les corriger visuellement.

Les cultures diffèrent de milliers de façons, et la plupart d'entre elles peuvent être modifiées par voie informatique lorsqu'on passe de l'une à l'autre. Ceci inclut les lois, les coutumes, les habitudes de travail, l'éthique, le change monétaire, les différences de taille dans les vêtements, les différences entre le système métrique et le système de mesure anglophone, etc. Les sociétés dynamiques répertorieront et programmeront ces différences, et elles vendront des produits et services afin d'aider les habitants de la planète à mieux communiquer entre eux. Une fois que ceux-ci seront largement répandus, ils contribueront réellement à une meilleure compréhension à l'échelle internationale.

*Entretien du 10 septembre 2000 (entretien original en anglais)

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Les livres électroniques continueront de se développer avec l'amélioration de l'affichage sur écran et d'un matériel plus polyvalent et plus léger. Les premiers utilisateurs seront notamment les établissements d'enseignement, du fait de tous les avantages que peuvent procurer les livres électroniques aux étudiants: téléchargement des lectures de tout un trimestre, investissement peu coûteux, liens avec les examens et les dissertations, informations aisément transférables, équipement léger au lieu de piles de livres à transporter.

EDUARD HOVY [EN, FR]

[EN] Eduard Hovy (Marina del Rey, California)

#Head of the Natural Language Group at USC/ISI (University of Southern
California / Information Sciences Institute)

The Natural Language Group (NLG) at the Information Sciences Institute of the University of Southern California (USC/ISI) is currently involved in various aspects of computational/natural language processing. The group's projects are: machine translation; automated text summarization; multilingual verb access and text management; development of large concept taxonomies (ontologies); discourse and text generation; construction of large lexicons for various languages; and multimedia communication.

Eduard Hovy, his director, is a member of the Computer Science Departments of USC and of the University of Waterloo. He completed a Ph.D. in Computer Science (Artificial Intelligence) at Yale University in 1987. His research focuses on machine translation, automated text summarization, text planning and generation, and the semi-automated construction of large lexicons and terminology banks. The Natural Language Group at ISI currently has projects in most of these areas.

Dr. Hovy is the author or editor of four books and over 100 technical articles.
He currently serves as the President of the Association of Machine Translation
in the Americas (AMTA). He is Vice President of the Association for
Computational Linguistics (ACL), and has served on the editorial boards of
Computational Linguistics and the Journal of the Society of Natural Language
Processing of Japan.

[Interview 27/08/1998 // Interview 08/08/1999 // Interview 02/09/2000]

*Interview of August 27, 1998

= How do you see the growth of a multilingual Web?

In the context of information retrieval (IR) and automated text summarization (SUM), multilingualism on the Web is another complexifying factor. People will write their own language for several reasons — convenience, secrecy, and local applicability — but that does not mean that other people are not interested in reading what they have to say! This is especially true for companies involved in technology watch (say, a computer company that wants to know, daily, all the Japanese newspaper and other articles that pertain to what they make) or some government intelligence agencies (the people who provide the most up-to-date information for use by your government officials in making policy, etc.). One of the main problems faced by these kinds of people is the flood of information, so they tend to hire "weak" bilinguals who can rapidly scan incoming text and throw out what is not relevant, giving the relevant stuff to professional translators. Obviously, a combination of SUM and MT (machine translation) will help here; since MT is slow, it helps if you can do SUM in the foreign language, and then just do a quick and dirty MT on the result, allowing either a human or an automated IR-based text classifier to decide whether to keep or reject the article.

For these kinds of reasons, the US Government has over the past five years been funding research in MT, SUM, and IR, and is interested in starting a new program of research in Multilingual IR. This way you will be able to one day open Netscape or Explorer or the like, type in your query in (say) English, and have the engine return texts in all the languages of the world. You will have them clustered by subarea, summarized by cluster, and the foreign summaries translated, all the kinds of things that you would like to have.

You can see a demo of our version of this capability, using English as the user language and a collection of approx. 5,000 texts of English, Japanese, Arabic, Spanish, and Indonesian, by visiting MuST (Multilingual information retrieval, summarization, and translation system).

Type your query word (say, "baby", or whatever you wish) in and press Enter/Return. In the middle window you will see the headlines (or just keywords, translated) of the retrieved documents. On the left you will see what language they are in: "Sp" for Spanish, "Id" for Indonesian, etc. Click on the number at left of each line to see the document in the bottom window. Click on "Summarize" to get a summary. Click on 'Translate' for a translation (but beware: Arabic and Japanese are extremely slow! Try Indonesian for a quick word-by-word "translation" instead).

This is not a product (yet); we have lots of research to do in order to improve the quality of each step. But it shows you the kind of direction we are heading in.

= How do you see the future?

The Internet is, as I see it, a fantastic gift to humanity. It is, as one of my graduate students recently said, the next step in the evolution of information access. A long time ago, information was transmitted orally only; you had to be face-to-face with the speaker. With the invention of writing, the time barrier broke down — you can still read Seneca and Moses. With the invention of the printing press, the access barrier was overcome — now anyone with money to buy a book can read Seneca and Moses. And today, information access becomes almost instantaneous, globally; you can read Seneca and Moses from your computer, without even knowing who they are or how to find out what they wrote; simply open AltaVista and search for "Seneca". This is a phenomenal leap in the development of connections between people and cultures. Look how today's Internet kids are incorporating the Web in their lives.

The next step? — I imagine it will be a combination of computer and cellular phone, allowing you as an individual to be connected to the Web wherever you are. All your diary, phone lists, grocery lists, homework, current reading, bills, communications, etc., plus AltaVista and the others, all accessible (by voice and small screen) via a small thing carried in your purse or on your belt. That means that the barrier between personal information (your phone lists and diary) and non-personal information (Seneca and Moses) will be overcome, so that you can get to both types anytime. I would love to have something that tells me, when next I am at a conference and someone steps up, smiling to say hello, who this person is, where last I met him/her, and what we said then!

But that is the future. Today, the Web has made big changes in the way I shop (I spent 20 minutes looking for plane routes for my next trip with a difficult transition on the Web, instead of waiting for my secretary to ask the travel agent, which takes a day). I look for information on anything I want to know about, instead of having to make a trip to the library and look through complicated indexes. I send e-mail to you about this question, at a time that is convenient for me, rather than your having to make a phone appointment and then us talking for 15 minutes. And so on.

*Interview of August 8, 1999

= What has happened since our first interview?

Over the past 12 months I have been contacted by a surprising number of new information technology (IT) companies and startups. Most of them plan to offer some variant of electronic commerce (online shopping, bartering, information gathering, etc.). Given the rather poor performance of current non-research level natural language processing technology (when is the last time you actually easily and accurately found a correct answer to a question to the Web, without having to spend too much time sifting through irrelevant information?), this is a bit surprising. But I think everyone feels that the new developments in automated text summarization, question analysis, and so on, are going to make a significant difference. I hope so!—but the level of performance is not available yet.

It seems to me that we will not get a big breakthrough, but we will get a somewhat acceptable level of performance, and then see slow but sure incremental improvement. The reason is that it is very hard to make your computer really "understand" what you mean—this requires us to build into the computer a network of "concepts" and their interrelationships that (at some level) mirror those in your own mind, at least in the subjects areas of interest. The surface (word) level is not adequate — when you type in "capital of Switzerland", current systems have no way of knowing whether you mean "capital city" or "financial capital". Yet the vast majority of people would choose the former reading, based on phrasing and on knowledge about what kinds of things one is likely to ask the Web, and in what way.

Several projects are now building, or proposing to build, such large "concept" networks. This is not something one can do in two years, and not something that has a correct result. We have to develop both the network and the techniques for building it semi-automatically and self-adaptively. This is a big challenge.

= What do you think about the debate concerning copyright on the Web? What practical solutions would you suggest?

As an academic, I am of course one of the parasites of society, and hence all in favor of free access to all information. But as a part-owner of a small startup company, I am aware of how much it costs to assemble and format information, and the need to charge somehow.

To balance these two wishes, I like the model by which raw information (and some "raw" resources, such as programming languages and basic access capabilities like the Web search engines) are made available for free. This creates a market and allows people to do at least something. But processed information, and the systems that help you get and structure just exactly what you need, I think should be paid for. That allows developers of new and better technology to be rewarded for their effort.

Take an example: a dictionary, today, is not free. Dictionary companies refuse to make them available to research groups and others for free, arguing that they have centuries of work invested. (I have had several discussions with dictionary companies on this.) But dictionaries today are stupid products — you have to know the word before you can find the word! I would love to have something that allows me to give an approximate meaning, or perhaps a sentence or two with a gap where I want the word I am looking for, or even the equivalent in another language, and returns the word(s) I am looking for. This is not hard to build, but you need the core dictionary to start with. I think we should have the core dictionary freely available, and pay for the engine (or the service) that allows you to enter partial or only somewhat accurate information and helps you find the best result.

A second example: you should have free access to all the Web, and to basic search engines like those available today. No copyrights, no license fees. But if you want an engine that provides a good targeted answer, pinpointed and evaluated for trustworthiness, then I think it is not unreasonable to pay for that.

Naturally, an encyclopedia builder will not like my proposal. But to him or her I say: package your encyclopedia inside a useful access system, because without it the raw information you provide is just more data, and can easily get lost in the sea of data available and growing every hour.

*Interview of September 2, 2000

= What has happened since our last interview?

I see a continued increase in small companies using language technology in one way or another: either to provide search, or translation, or reports, or some other communication function. The number of niches in which language technology can be applied continues to surprise me: from stock reports and updates to business-to-business communications to marketing…

With regard to research, the main breakthrough I see was led by a colleague at ISI (I am proud to say), Kevin Knight. A team of scientists and students last summer at Johns Hopkins University in Maryland developed a faster and otherwise improved version of a method originally developed (and kept proprietary) by IBM about 12 years ago. This method allows one to create a machine translation (MT) system automatically, as long as one gives it enough bilingual text. Essentially the method finds all correspondences in words and word positions across the two languages and then builds up large tables of rules for what gets translated to what, and how it is phrased.

Although the output quality is still low — no-one would consider this a final product, and no-one would use the translated output as is — the team built a (low-quality) Chinese-to-English MT system in 24 hours. That is a phenomenal feat — this has never been done before. (Of course, say the critics: you need something like 3 million sentence pairs, which you can only get from the parliaments of Canada, Hong Kong, or other bilingual countries; and of course, they say, the quality is low. But the fact is that more bilingual and semi-equivalent text is becoming available online every day, and the quality will keep improving to at least the current levels of MT engines built by hand. Of that I am certain.)

Other developments are less spectacular. There's a steady improvement in the performance of systems that can decide whether an ambiguous word such as "bat" means "flying mammal" or "sports tool" or "to hit"; there is solid work on cross-language information retrieval (which you will soon see in being able to find Chinese and French documents on the Web even though you type in English-only queries), and there is some rather rapid development of systems that answer simple questions automatically (rather like the popular web system AskJeeves, but this time done by computers, not humans). These systems refer to a large collection of text to find "factiods" (not opinions or causes or chains of events) in response to questions such as "what is the capital of Uganda?" or "how old is President Clinton?" or "who invented the xerox process?", and they do so rather better than I had expected.

= What do you think about e-books?

E-books, to me, are a non-starter. More even that seeing a concert live or a film at a cinema, I like the physical experience holding a book in my lap and enjoying its smell and feel and heft. Concerts on TV, films on TV, and e-books lose some of the experience; and with books particularly it is a loss I do not want to accept. After all, it's much easier and cheaper to get a book in my own purview than a concert or cinema. So I wish the e-book makers well, but I am happy with paper. And I don't think I will end up in the minority anytime soon — I am much less afraid of books vanishing than I once was of cinemas vanishing.

= What is your definition of cyberspace?

I define cyberspace as the totality of information that we can access via the Internet and computer systems in general. It is not, of course, a space, and it has interesting differences with libraries. For example, soon my fridge, my car, and I myself will be "known" to cyberspace, and anyone with the appropriate access permission (and interest) will be able to find out what exactly I have in my fridge and how fast my car is going (and how long before it needs new shock absorbers) and what I am looking at now. In fact, I expect that advertisements will change their language and perhaps even pictures and layout to suit my knowledge and tastes as I walk by, simply by recognizing that "here comes someone who speaks primarily English and lives in Los Angeles and makes $X per year". All this behaviour will be made possible by the dynamically updatable nature of cyberspace (in contrast to a library), and the fact that computer chips are still shrinking in size and in price. So just as today I walk around in "socialspace" — a web of social norms, expectation, and laws — tomorrow I will be walking around in an additional cyberspace of information that will support me (sometimes) and restrict me (other times) and delight me (I hope often) and frustrate me (I am sure).

= And your definition of the information society?

An information society is one in which people in general are aware of the importance of information as a commodity, and attach a price to it as a matter of course. Throughout history, some people have always understood how important information is, for their own benefit. But when the majority of society starts working with and on information per se, then the society can be called an information society. This may sound a bit vacuous or circularly defined, but I bet you that anthropologists can go and count what percentage of society was dedicated to information processing as a commodity in each society. Where they initially will find only teachers, rulers' councillors, and sages, they will in later societies find people like librarians, retired domain experts (consultants), and so on. The jumps in communication of information from oral to written to printed to electronic every time widened (in time and space) information dissemination, thereby making it less and less necessary to re-learn and re-do certain difficult things. In an ultimate information society, I suppose, you would state your goal and then the information agencies (both the cyberspace agents and the human experts) would conspire to bring you the means to achieve it, or to achieve it for you, minimizing the amount of work you'd have to do to only that is truly new or truly needs to be re-done with the material at hand.

[FR] Eduard Hovy (Marina del Rey, Californie)

#Directeur du Natural Language Group de l'Université de Californie du Sud

Le Natural Language Group de l' USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute) traite de plusieurs aspects du traitement du langage naturel: traduction automatique, résumé automatique de texte, accès multilingue aux verbes et gestion du texte, développement de taxonomies de concepts (ontologies), discours et génération de texte, élaboration d'importants lexiques pour plusieurs langues, et communication multimédias.

Son directeur, Eduard Hovy, est docteur en informatique (spécialité: intelligence artificielle) de l'Université de Yale (doctorat obtenu en 1987). Il est membre des départements informatiques de l'Université de Californie du Sud et de l'Université de Waterloo. Ses recherches concernent principalement la traduction automatique, le résumé automatique de texte, l'organisation et la génération de textes, et l'élaboration semi-automatique d'importants lexiques et banques terminologiques. Tous ces thèmes sont des sujets de recherche au Natural Language Group.

Eduard Hovy est également l'auteur ou le directeur de publication de quatre ouvrages et d'une centaine d'articles techniques. Il a fait partie des comités de rédaction de Computational Linguistics et du Journal of the Society of Natural Language Processing of Japan. Il est actuellement le président de l'Association of Machine Translation in the Americas (AMTA, et le vice-président de l'Association for Computational Linguistics (ACL).

[Entretien 27/08/1998 // Entretien 08/08/1999 // Entretien 02/09/2000]

*Entretien du 27 août 1998 (entretien original en anglais)

= Le multilinguisme sur le web est-il un atout ou une barrière?

Dans le contexte de la recherche documentaire et du résumé automatique de texte, le multilinguisme sur le web est un facteur qui ajoute à la complexité du sujet. Les gens écrivent dans leur propre langue pour diverses raisons : commodité, discrétion, communication à l'échelon local, mais ceci ne signifie pas que d'autres personnes ne soient pas intéressées de lire ce qu'ils ont à dire ! Ceci est particulièrement vrai pour les sociétés impliquées dans la veille technologique (disons une société informatique qui souhaite connaître tous les articles de journaux et périodiques japonais relatifs à son activité) et des services de renseignements gouvernementaux (ceux qui procurent l'information la plus récente, utilisée ensuite par les fonctionnaires pour décider de la politique, etc.). Un des principaux problèmes auquel ces services doivent faire face est la très grande quantité d'informations. Ils recrutent donc du personnel bilingue "passif" qui peut scanner rapidement les textes afin de mettre de côté ce qui est sans intérêt et de donner ensuite les documents significatifs à des traducteurs professionnels. Manifestement, une combinaison de résumé automatique de texte et de traduction automatique sera très utile dans ce cas. Comme la traduction automatique est longue, on peut d'abord résumer le texte dans la langue étrangère, puis effectuer une traduction automatique rapide à partir du résultat obtenu, en laissant à un être humain ou un classificateur de texte (du type recherche documentaire) le soin de décider si on doit garder l'article ou le rejeter.

Pour ces raisons, durant ces cinq dernières années, le gouvernement des Etats-Unis a financé des recherches en traduction automatique, en résumé automatique de texte et en recherche documentaire, et il s'intéresse au lancement d'un nouveau programme de recherche en informatique documentaire multilingue. On sera ainsi capable d'ouvrir un navigateur tel que Netscape ou Explorer, entrer une demande en anglais, et obtenir la liste des documents dans toutes les langues. Ces documents seront regroupés par sous-catégorie avec un résumé pour chacun et une traduction pour les résumés étrangers, toutes choses qui seraient très utiles.

En consultant MuST (multilingual information retrieval, summarization, and translation system), vous aurez une démonstration de notre version de ce programme de recherche, qui utilise l'anglais comme langue de l'utilisateur sur un ensemble d'environ 5.000 textes en anglais, japonais, arabe, espagnol et indonésien.

Entrez votre demande (par exemple, "baby", ou tout autre terme) et appuyez sur la touche Retour. Dans la fenêtre du milieu vous verrez les titres (ou bien les mots-clés, traduits). Sur la gauche vous verrez la langue de ces documents: "Sp" pour espagnol, "Id" pour indonésien, etc. Cliquez sur le numéro situé sur la partie gauche de chaque ligne pour voir le document dans la fenêtre du bas. Cliquez sur "Summarize" pour obtenir le résumé. Cliquez sur "Translate" pour obtenir la traduction (attention, les traductions en arabe et en japonais sont extrêmement lentes! Essayez plutôt l'indonésien pour une traduction rapide mot à mot).

Ce programme de démonstration n'est pas (encore) un produit. Nous avons de nombreuses recherches à mener pour améliorer la qualité de chaque étape. Mais ceci montre la direction dans laquelle nous allons.

*Entretien du 8 août 1999 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Durant les douze derniers mois, j'ai été contacté par un nombre surprenant de nouvelles sociétés et start-up en technologies de l'information. La plupart d'entre elles ont l'intention d'offrir des services liés au commerce électronique (vente en ligne, échange, collecte d'information, etc.). Etant donné les faibles résultats des technologies actuelles du traitement de la langue naturelle - ailleurs que dans les centres de recherche - c'est assez surprenant. Quand avez-vous pour la dernière fois trouvé rapidement une réponse correcte à une question posée sur le web, sans avoir eu à passer en revue pendant un certain temps des informations n'ayant rien à voir avec votre question? Cependant, à mon avis, tout le monde sent que les nouveaux développements en résumé automatique de texte, analyse des questions, etc., vont, je l'espère, permettre des progrès significatifs. Mais nous ne sommes pas encore arrivés à ce stade.

Il me semble qu'il ne s'agira pas d'un changement considérable, mais que nous arriverons à des résultats acceptables, et que l'amélioration se fera ensuite lentement et sûrement. Ceci s'explique par le fait qu'il est très difficile de faire en sorte que votre ordinateur "comprenne" réellement ce que vous voulez dire - ce qui nécessite de notre part la construction informatique d'un réseau de "concepts" et des relations de ces concepts entre eux - réseau qui, jusqu'à un certain stade au moins, reflèterait celui de l'esprit humain, au moins dans les domaines d'intérêt pouvant être regroupés par sujets. Le mot pris à la "surface" n'est pas suffisant - par exemple quand vous tapez: "capitale de la Suisse", les systèmes actuels n'ont aucun moyen de savoir si vous songez à "capitale administrative" ou "capitale financière". Dans leur grande majorité, les gens préféreraient pourtant un type de recherche basé sur une expression donnée, ou sur une question donnée formulée en langage courant.

Plusieurs programmes de recherche sont en train d'élaborer de vastes réseaux de "concepts", ou d'en proposer l'élaboration. Ceci ne peut se faire en deux ans, et ne peut amener rapidement un résultat satisfaisant. Nous devons développer à la fois le réseau et les techniques pour construire ces réseaux de manière semi-automatique, avec un système d'auto-adaptation. Nous sommes face à un défi majeur.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Quelles solutions pratiques suggérez-vous?

En tant qu'universitaire, je suis bien sûr un des parasites de notre société, et donc tout à fait en faveur de l'accès libre à la totalité de l'information. En tant que co-propriétaire d'une petite start-up, je suis conscient du coût que représente la collecte et la présentation de l'information, et de la nécessité de faire payer ce service d'une manière ou d'une autre.

Pour équilibrer ces deux tendances, je pense que l'information à l'état brut - et certaines ressources à l'état brut: langages de programmation ou moyens d'accès à l'information de base comme les navigateurs web - doivent être disponibles gratuitement. Ceci crée un marché et permet aux gens de les utiliser. Par contre l'information traitée et les systèmes vous permettant d'obtenir et structurer très exactement ce dont vous avez besoin doivent être payants. Cela permet de financer ceux qui développent ces nouvelles technologies.

Prenons un exemple: à l'heure actuelle, un dictionnaire n'est pas disponible gratuitement. Les sociétés éditrices de dictionnaires refusent de les mettre librement à la disposition des chercheurs et de toute personne intéressée, et elles avancent l'argument que ces dictionnaires ont demandé des siècles de travail (j'ai eu plusieurs discussions à ce sujet avec des sociétés de dictionnaires). Mais de nos jours les dictionnaires sont des instruments stupides: on doit connaître le mot avant de le trouver! J'aimerais avoir un outil qui me permette de donner une définition approximative, ou peut-être une phrase ou deux incluant un espace pour le mot que je cherche, ou même l'équivalent de ce mot dans une autre langue, et que la réponse me revienne avec le(s) mot(s) que je cherche. Un tel outil n'est pas compliqué à construire, mais il faut d'abord le dictionnaire de base. Je pense que ce dictionnaire de base devrait être en accès libre. Par contre on pourrait facturer l'utilisation du moteur de recherche ou du service permettant d'entrer une information - partielle ou non - qui soit très "ciblée", afin d'obtenir le meilleur résultat.

Voici un deuxième exemple. On devrait avoir accès librement à la totalité du web, et à tous les moteurs de recherche "de base" du type de ceux qu'on trouve aujourd'hui. Pas de copyright et pas de licence. Mais si on a besoin d'un moteur de recherche qui procure une réponse très "ciblée" et très fiable, je pense qu'il ne serait pas déraisonnable que ce service soit facturé.

Le créateur d'une encyclopédie ne va naturellement pas aimer ma proposition. Mais je lui suggérerais d'équiper son encyclopédie d'un système d'accès performant. Sans ce système, l'information brute donnée par cette encyclopédie n'est qu'un stock d'informations et rien d'autre, et ce stock peut aisément se perdre dans une masse considérable d'informations qui augmente tous les jours.

*Entretien du 2 septembre 2000 (entretien original en anglais)

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Je vois de plus en plus de petites sociétés utiliser d'une manière ou d'une autre les technologies liées aux langues, pour procurer des recherches, des traductions, des rapports ou d'autres services permettant de communiquer. Le nombre de créneaux dans lesquels ces technologies peuvent être utilisées continue de me surprendre, et cela va des rapports financiers et leurs mises à jour aux communications d'une société à l'autre en passant par le marketing.

En ce qui concerne la recherche, la principale avancée que je vois est due à Kevin Knight, un collègue de l'ISI (Institut des sciences de l'information de l'Université de Californie du Sud), ce dont je suis très honoré. L'été dernier, une équipe de chercheurs et d'étudiants de l'Université Johns Hopkins (Maryland) a développé une version à la fois meilleure et plus rapide d'une méthode développée à l'origine par IBM (et dont IBM reste propriétaire) il y a douze ans environ. Cette méthode permet de créer automatiquement un système de traduction automatique, dans la mesure où on lui fournit un volume suffisant de texte bilingue. Tout d'abord la méthode trouve toutes les correspondances entre les mots et la position des mots d'une langue à l'autre, et ensuite elle construit des tableaux très complets de règles entre le texte et sa traduction, et les expressions correspondantes.

Bien que la qualité du résultat soit encore loin d'être satisfaisante - personne ne pourrait considérer qu'il s'agit d'un produit fini, et personne ne pourrait utiliser le résultat tel quel - l'équipe a créé en vingt-quatre heures un système (élémentaire) de traduction automatique du chinois vers l'anglais. Ceci constitue un exploit phénoménal, qui n'avait jamais été réalisé avant. Les détracteurs du projet peuvent bien sûr dire qu'on a besoin dans ce cas de trois millions de phrases disponibles dans chaque langue, et qu'on ne peut se procurer une quantité pareille que dans les parlements du Canada, de Hong-Kong ou d'autres pays bilingues. Ils peuvent bien sûr arguer également de la faible qualité du résultat. Mais le fait est que, tous les jours, on met en ligne des textes bilingues au contenu à peu près équivalent, et que la qualité de cette méthode va continuer de s'améliorer pour atteindre au moins celle des logiciels de traduction automatique actuels, qui sont conçus manuellement. J'en suis absolument certain.

D'autres développements sont moins spectaculaires. On observe une amélioration constante des résultats dans les systèmes pouvant décider de la traduction opportune d'un terme (homonyme) qui a des significations différentes (par exemple père, pair et père, ndlr). On travaille beaucoup aussi sur la recherche d'information par recoupement de langues (qui vous permettront bientôt de trouver sur le web des documents en chinois et en français même si vous tapez vos questions en anglais). On voit également un développement rapide des systèmes qui répondent automatiquement à des questions simples (un peu comme le populaire AskJeeves utilisé sur le web, mais avec une gestion par ordinateur et non par des êtres humains). Ces systèmes renvoient à un grand volume de texte permettant de trouver des "factiodes" (et non des opinions ou des motifs ou des chaînes d'événements) en réponse à des questions telles que: "Quelle est la capitale de l'Ouganda?", ou bien: "Quel âge a le président Clinton?", ou bien: "Qui a inventé le procédé Xerox?", et leurs résultats obtenus sont plutôt meilleurs que ce à quoi je m'attendais.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je ne crois pas au livre électronique. Encore plus que d'assister à un concert en public ou d'aller voir un film au cinéma, j'aime l'expérience physique d'avoir un livre sur les genoux et de prendre plaisir à son odeur, son contact et son poids. Les concerts à la télévision, les films à la télévision et les livres électroniques font qu'on perd un peu de ce plaisir. Et, pour les livres particulièrement, je ne suis pas prêt à cette perte. Après tout, dans mon domaine d'activité, il est beaucoup plus facile et beaucoup plus économique de se procurer un livre qu'une place de concert ou de cinéma. Tous mes souhaits vont aux fabricants de livres électroniques, mais je suis heureux avec les livres imprimés. Et je ne pense pas changer d'avis de sitôt, et me ranger dans la minorité qui utilise les livres électroniques. Je crains beaucoup moins la disparition des livres que je n'ai craint autrefois la disparition des cinémas.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Pour moi, le cyberespace est représenté par la totalité des informations auxquelles nous pouvons accéder par l'internet et les systèmes informatiques en général. Il ne s'agit bien sûr pas d'un espace, et son contenu est sensiblement différent de celui des bibliothèques. Par exemple, bientôt mon réfrigérateur, ma voiture et moi-même seront connus du cyberespace, et toute personne disposant d'une autorisation d'accès (et d'une raison pour cela) pourra connaître précisément le contenu de mon réfrigérateur et la vitesse de ma voiture (ainsi que la date à laquelle je devrai changer les amortisseurs), et ce que je suis en train de regarder maintenant.

En fait, j'espère que la conception de la publicité va changer, y compris les affiches et les présentations que j'ai sous les yeux en marchant, afin que cette publicité puisse correspondre à mes connaissances et à mes goûts, tout simplement en ayant les moyens de reconnaître que "voici quelqu'un dont la langue maternelle est l'anglais, qui vit à Los Angeles et dont les revenus sont de tant de dollars par mois". Ceci sera possible du fait de la nature dynamique d'un cyberespace constamment mis à jour (contrairement à une bibliothèque), et grâce à l'existence de puces informatiques de plus en plus petites et bon marché.

Tout comme aujourd'hui j'évolue dans un "espace social" (socialspace) qui est un réseau de normes sociales, d'expectations et de lois, demain, j'évoluerai aussi dans un cyberespace composé d'informations sur lesquelles je pourrai me baser (parfois), qui limiteront mon activité (parfois), qui me réjouiront (souvent, j'espère) et qui me décevront (j'en suis sûr).

= Et la société de l'information?

Une société de l'information est une société dans laquelle la majorité des gens a conscience de l'importance de cette information en tant que produit de base, et y attache donc tout naturellement du prix. Au cours de l'histoire, il s'est toujours trouvé des gens qui ont compris combien cette information était importante, afin de servir leurs propres intérêts. Mais quand la société, dans sa majorité, commence à travailler avec et sur l'information en tant que telle, cette société peut être dénommée société de l'information. Ceci peut sembler une définition tournant un peu en rond ou vide de sens, mais je vous parie que, pour chaque société, les anthropologues sont capables de déterminer quel est le pourcentage de la société occupé au traitement de l'information en tant que produit de base. Dans les premières sociétés, ils trouveront uniquement des professeurs, des conseillers de dirigeants et des sages. Dans les sociétés suivantes, ils trouveront des bibliothécaires, des experts à la retraite exerçant une activité de consultants, etc.

Les différentes étapes de la communication de l'information - d'abord verbale, puis écrite, puis imprimée, puis électronique - ont chaque fois élargi (dans le temps et dans l'espace) le champ de propagation de cette information, en rendant de ce fait de moins en moins nécessaire le réapprentissage et la répétition de certaines tâches difficiles. Dans une société de l'information très évoluée, je suppose, il devrait être possible de formuler votre objectif, et les services d'information (à la fois les agents du cyberespace et les experts humains) oeuvreraient ensemble pour vous donner les moyens de réaliser cet objectif, ou bien se chargeraient de le réaliser pour vous, et réduiraient le plus possible votre charge de travail en la limitant au travail vraiment nouveau ou au travail nécessitant vraiment d'être refait à partir de documents rassemblés pour vous dans cette intention.

CHRISTIANE JADELOT [FR, EN]

[FR] Christiane Jadelot (Nancy)

#Ingénieur d'études à l'INaLF (Institut national de la langue française)

Laboratoire du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l'INaLF a pour mission de développer des programmes de recherche sur la langue française, tout particulièrement son lexique. Les données, traitées par des systèmes informatiques spécifiques et originaux, constamment enrichies et renouvelées, portent sur tous les registres du français: langue littéraire (du 14e au 20e siècle), langue courante (écrite, parlée), langue scientifique et technique (terminologies), et régionalismes. Ces données, qui constituent un matériau d'étude considérable, sont progressivement mises à la disposition de tous ceux que la langue française intéresse (enseignants et chercheurs, mais aussi industriels, secteur tertiaire et grand public), soit par des publications, soit par la consultation de banques et bases de données.

Le domaine de compétence de Christiane Jadelot est la lexicographie informatisée. Elle est actuellement chargée de la mise en ligne de la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1932-1935).

[Entretien 08/06/1998 // Entretien 10/08/1999]

*Entretien du 8 juin 1998

= Quel est l'historique du site web de l'INaLF?

Les premières pages sur l'INaLF ont été mises sur l'internet au milieu de l'année 1996, à la demande de Robert Martin, directeur de l'INaLF. Je peux en parler, car j'ai participé à la mise sous internet de ces pages, avec des outils qui ne sont pas comparables à ceux que l'on utilise aujourd'hui. J'ai en effet travaillé avec des outils sous Unix, qui n'étaient pas très faciles d'utilisation. Nous avions peu d'expérience de la chose, à l'époque, et les pages étaient très verbeuses. Mais la direction a senti la nécessité urgente de nous faire connaître par l'internet, que beaucoup d'autres entreprises utilisaient déjà pour promouvoir leurs produits. Nous sommes en effet "Unité de recherche et de service" et nous avons donc à trouver des clients pour nos produits informatisés, le plus connu d'entre eux étant la base textuelle Frantext. Il me semble que la base Frantext était déjà sur internet (depuis début 1995, ndlr), ainsi qu'une maquette du tome 14 du TLF (Trésor de la langue francaise, dictionnaire en 16 volumes publié par le CNRS entre 1971 et 1994, et dont le 14e volume a été consultable en ligne pendant quelque temps, ndlr). Il était donc nécessaire de faire connaître l'ensemble de l'INaLF par ce moyen. Cela correspondait à une demande générale.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

J'ai commencé à utiliser vraiment l'internet en 1994, je crois, avec un logiciel qui s'appelait Mosaic. J'ai alors découvert un outil précieux pour progresser dans mes connaissances en informatique, linguistique, littérature… Tous les domaines sont couverts. Il y a le pire et le meilleur, mais en consommateur averti, il faut faire le tri de ce que l'on trouve. J'ai surtout apprécié les logiciels de courrier, de transfert de fichiers, de connexion à distance. J'avais à cette époque des problèmes avec un logiciel qui s'appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulais faire. J'ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de News approprié. J'ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun était soucieux de trouver une solution à mon problème! Je n'étais pas habituée à ce type de solidarité. Les habitudes en France sont plutôt de travailler avec des cloisons étanches.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Je pense qu'il faut équiper de plus en plus de laboratoires avec du matériel de pointe, qui permette d'utiliser tous ces médias. Nous avons des projets en direction des lycées et des chercheurs. Le ministère de l'Education nationale a promis de câbler tous les établissements, c'est plus qu'une nécessité nationale. J'ai vu à la télévision une petite école dans un village faisant l'expérience de l'internet. Les élèves correspondaient avec des écoles de tous les pays, ceci ne peut être qu'une expérience enrichissante, bien sûr sous le contrôle des adultes formés pour cela. Voilà ma petite expérience. Je me suis équipée maintenant à domicile dans un but plus ludique, en espérant convaincre ma fille d'utiliser au mieux tous ces outils.

*Entretien du 10 août 1999

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

L'INaLF est au coeur des problèmes de droits d'auteur et d'éditeur avec sa base de textes Frantext. Il me semble que les règles devraient s'assouplir, car pour le moment cette base a un accès restreint, ce qui est dommageable pour sa diffusion et la diffusion de la langue française en général.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Personnellement je n'ai pas d'état d'âme par rapport à l'usage de la langue anglaise. On doit la prendre comme un banal outil de communication. Cela dit, les sites doivent proposer un accès par l'anglais et par la langue du pays d'origine.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Mon meilleur souvenir est celui évoqué en 1998, lorsque, pour mon problème de polices de caractères, qui était très local, j'ai reçu des réponses du monde entier!

= Et votre pire souvenir?

Celui d'avoir envoyé un courrier électronique à une personne qui n'était pas destinataire. Ce mode de communication doit être utilisé avec prudence parfois. Il va plus vite que la pensée elle-même, et peut être utilisé de manière très perverse, après coup, par le destinataire.

[EN] Christiane Jadelot (Nancy, France)

#Researcher at the INALF (Institut national de la langue française - National
Institute of the French Language)

The purpose of the INaLF — part of the France's National Centre for Scientific Research (Centre national de la recherche scientifique, CNRS) — is to design research programmes on the French language, particularly its vocabulary. The INaLF's constantly expanding and revised data, processed by special computer systems, deal with all aspects of the French language: literary discourse (14th-20th centuries), everyday language (written and spoken), scientific and technical language (terminologies), and regional languages. This data, which is an very important study resource, is made available to people interested in the French language (teachers and researchers, business people, the service sector and the general public) through publications and databases.

Christiane Jadelot is an expert in computerized lexicography. She is currently in charge of putting the eighth version of the Dictionnaire de l'Académie française (Dictionary of the French Academy) (1932-1935) online.

[Interview 08/06/1998 // Interview 10/08/1999]

*Interview of June 8, 1998 (original interview in French)

= What is the history of the INaLF website?

At the request of Robert Martin, the head of INaLF, our first pages were posted on the Internet in mid-1996. I helped set up these web pages with tools that cannot be compared to the ones we have nowadays. I was working with tools on Unix, which were not very easy to use. We had little practical experience then, and the pages were very cluttered. But the INaLF thought it was very important to make ourselves known through the Internet, which many firms were already using to sell their products. As we are a "research and services" organization, we have to find customers for our computer products, the best known being the text database Frantext. I think Frantext was already on the Internet (since early 1995), and there was also a draft version of volume 14 of the TLF (Trésor de la langue française). So we had to publicize INaLF activities in this way. It met a general need.

= How did using of the Internet change your professional life?

I began to really use it in 1994, with a browser called Mosaic. I found it a very useful way of improving my knowledge of computers, linguistics, literature… everything. I was finding the best and the worst, but as a discerning user, I had to sort it all out and make choices. I particularly liked the software for e-mail, file transfers and dial-up connections. At that time I had problems with a programme called Paradox and character sets that I couldn't use. I tried my luck and threw out a question in a specialist news group. I got answers from all over the world. Everyone seemed to want to solve my problem! I wasn't used to this kind of support. The French are more used to working alone, without reaching out.

= What do you see the future?

I think we have to equip more and more laboratories with high-tech hardware and software so we can use all these new media. We have got projects for schools and research centers. The French education ministry has promised to give all schools cable line access, which is a pressing national need. I saw a TV programme about a small rural primary school's experience of the Internet. The pupils were communicating by e-mail with schools all over the world. This is very enriching, especially when supervised by specially-trained teachers. So that is how I see the Internet. Now I am equipped at home, more for fun, and I hope to convince my daughter to use all these tools to the fullest.

*Interview of August 10, 1999 (original interview in French)

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

With its text database Frantext, the INaLF is greatly affected by problems of copyright and publisher's rights. I think the rules should be more flexible. At the moment, use of the database is restricted, which reduces its influence and the spread of French in general.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Personally I have no problem about the use of English, which has to be regarded as a shared communication tool. But websites should offer access both in English and in the language of their country of origin.

= What is your best experience with the Internet?

It was the one I recalled in 1998, when I got responses from all over the world to my very trivial question about type-faces.

= And your worst experience?

When I sent an email to someone by mistake. Sometimes this communication tool has to be used carefully. It goes faster than the human brain and can then be used by the recipient in a very ugly way.

GERARD JEAN-FRANCOIS [FR]

[FR] Gérard Jean-François (Caen)

#Directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen

Directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen (CRIUC), Gérard Jean-François est chargé de l'exploitation et du développement des technologies de la communication pour la recherche et la pédagogie.

*Entretien du 13 mars 2001

= Pouvez-vous décrire l'activité de votre organisme?

L'Université de Caen Basse-Normandie compte 24.000 étudiants. Elle est unique, donc pluridisciplinaire pour la région. De ce fait, elle est répartie sur une douzaine de sites. Les activités principales sont évidemment l'enseignement et la recherche.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Mon activité professionnelle consiste à effectuer la veille technologique et à mettre en place les moyens nécessaires à l'activité de l'établissement. Ces moyens sont essentiellement le réseau de communication, les serveurs et les équipements individuels. Sur ces équipements sont mis en place les services (messageries, bases de données, visioconférence…) nécessaires aux utilisateurs (étudiants, enseignants/chercheurs, personnels techniques et administratifs).

= Et votre activité liée à l'internet?

Par rapport à internet, je me dois de fournir l'accès internet à l'ensemble de l'établissement mais également de rendre visible l'établissement sur internet, ceci dans le strict respect de la législation en appliquant toutes les mesures de sécurité qui incombent à mon rôle de responsable sécurité du système informatique.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Pour l'avenir, les évolutions suivantes se précisent à l'horizon :

- les développements techniques pour la prise en compte des différents médias,

- la "démocratisation" de l'internet, qui amènera la mise en place de réseaux professionnels,

- la multiplication des problèmes de sécurité liés à la dématérialisation de l'information.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Pour mon activité professionnelle, j'utilise encore le papier pour travailler hors de mon bureau, de même que pour des livres autres que techniques. En effet, si des documents techniques (qui sont des bases de données) sont facilement consultables sous forme électronique, il n'en est pas de même pour des ouvrages de fond. Au sujet de la presse, il est hors de question de la supprimer pour la lecture, mais pour l'archivage oui.

= Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui?

La réponse est oui mais les usages changeront.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Le livre électronique, c'est quoi? Le livre électronique tel qu'il existe actuellement est une base de données documentaires qui permet si on le souhaite de télécharger le contenu et ensuite de l'éditer. Les écrans étant ce qu'ils sont et ce qu'ils resteront longtemps, on ne peut pas espérer lire n'importe où et n'importe quand un texte de quelque difficulté qu'il soit. Pour des documents ne comportant que des images, cela peut en être autrement.

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

A mon avis, il n'y a pas de débat. Si on met quelque chose sur le web, c'est-à-dire ouvert à tout le monde, cela signifie qu'on l'offre gratuitement à tout le monde. Si on veut en faire du commerce, les moyens existent pour sécuriser les accès et les copies, il faut tout simplement les mettre en oeuvre. A l'heure actuelle (et c'est peut-être une bonne chose) on n'a que deux alternatives, ou bien on met ses créations dans un tiroir et on vend, ou bien on offre.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et mal-voyants?

Les progrès techniques concernant les réseaux devraient permettre de mettre sur le web davantages de documents sonores. Une piste qui peut avoir de l'avenir: prendre les textes des pages web et les synthétiser sous forme sonore sur son propre PC.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le cyberspace peut être considéré comme l'ensemble des informations qui sont accessibles sans aucune restriction sur le réseau internet.

= Et la société de l'information?

Il n'y a pas de société de l'information particulière. De tout temps, elle a toujours existé. Ce qu'il faut noter, c'est son évolution continue. Gutenberg l'a fait évoluer, de même internet.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

La remarque faite par un internaute d'Outre-Atlantique qui, ayant examiné une photo, nous a averti qu'elle était à l'envers.

= Et votre pire souvenir?

Pas vraiment de mauvais souvenirs, simplement une amertume envers les mauvais usages qui en sont faits.

JEAN-PAUL [FR, EN]

[FR] Jean-Paul (Paris)

#Webmestre des cotres furtifs, un site hypermédia qui raconte des histoires en 3D

Webmestre des cotres furtifs, Jean-Paul - qui a choisi son prénom comme pseudonyme - s'est toujours intéressé à l'écriture, imprimée ou chantée, avant de centrer son intérêt sur les nouvelles formes qu'annoncent le numérique et la technique de l'hyperlien, l'architecture par liens, le système des correspondances dans un réseau où sinon les parfums du moins "les couleurs et les sons se répondent"… Depuis 1999, il anime des soirées publiques sur le thème de l'hypertexte à La Maroquinerie (Paris). En 2000, il fait partie de la grande aventure du Samarkande: www.thewebsoap.net, un feuilleton hypermédia collectif de onze auteurs diffusé en direct sur la toile.

Les cotres furtifs (un cotre est un bateau à voile) ont commencé à émettre le 20 octobre 1998. "L'image et le son font partie intégrante de chaque récit, avec un système d'échos de l'un à l'autre, mais le parti-pris est de laisser la priorité aux mots." Ils en sont à leur version 2, offrant "deux entrées sur deux histoires qui se croisent comme le ruban de Möbius". La version 3 est en vue, "consacrée à un avatar de Clément Ader".

[Entretien 05/08/1999 // Entretien 25/06/2000 // Entretien 03/12/2000 //
Entretien 03/06/2001]

*Entretien du 5 août 1999

= Comment voyez-vous l'avenir?

L'internet va me permettre de me passer des intermédiaires: compagnies de disques, éditeurs, distributeurs… Il va surtout me permettre de formaliser ce que j'ai dans la tête (et ailleurs) et dont l'imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu'une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l'herbe est plus verte…

Pour s'en tenir à la cyber-littérature, ou littérature numérique ou comme on voudra l'appeler, son avenir est tracé par sa technologie même : il est maintenant impossible à un(e) auteur(e) seul(e) de manier à la fois les mots, leur apparence mouvante et leur sonorité. Maîtriser aussi bien Director, Photoshop et Cubase, pour ne citer que les plus connus, c'était possible il y a dix ans, avec les versions 1. Ça ne l'est plus. Dès demain (matin), il faudra savoir déléguer les compétences, trouver des partenaires financiers aux reins autrement solides que Gallimard, voir du côté d'Hachette-Matra, Warner, Pentagone, Hollywood.

Au mieux, le statut du… écrivaste ? multimédiaste ? sera celui du vidéaste, du metteur en scène, du directeur de produit : c'est lui qui écope des palmes d'or à Cannes, mais il n'aurait jamais pu les décrocher seul. Soeur jumelle (et non pas clone) du cinématographe, la cyber-littérature (= la vidéo + le lien) sera une industrie, avec quelques artisans isolés dans la périphérie off-off (aux droits d'auteur négatifs, donc).

= Qu'est-ce exactement qu'un cotre?

Il est ainsi appelé parce qu'il semble couper l'eau : "Cotre, Cutter, s.m. Petit bâtiment de guerre à un mât, fin dans ses formes de l'arrière, fortement épaulé & portant bien la voile (…). Les navires de cette sorte, très bien gréés & voilés pour le plus près et pour louvoyer, peuvent, en outre, naviguer avec avantage vent arrière (…). Un côtre porte environ 6 à 8 bouches à feu." (Bonnefoux et Pâris, Dictionnaire de la marine à voile)

Les cotres (héritiers des bateaux rapides des côtes de la Manche et de la mer du Nord) remontent donc très bien au vent. Souvent survoilés, rapides et maniables, les cotres étaient un élément important des flottes de guerre. Pour les mêmes raisons, ils furent avec les lougres les bateaux préférés des pirates, contrebandiers et… postiers maritimes (facteurs, en somme…).

"Aujourd'hui que la terre est plate et les mers dessalées, il est temps que nos cotres se faufilent entre les 6 milliards d'étoiles que nous sommes (bientôt 6,5). Et que de cotre à cotre se tissent nos liens." (Le cotre courant)

= Vous préférez signer de votre prénom, plutôt que de l'habituel prénom et nom de famille. Pour quelle raison?

Ce qui me motive, c'est que tout est à faire, sur la toile. A part le CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules) et le Pentagone (qui vont s'en faire une autre, de toile, limitée à leur désir), personne ne sait exactement ce qu'elle nous offre. On peut donc travailler librement en acceptant avec vraisemblance l'idée que tout est ouvert. Utiliser le plus largement, le plus vite possible cet espace d'autant plus illimité qu'il est intérieur, le temps que nous rattrape et nous double le vol rapace des bannières étoilées de 0 et de 1.

Mais si c'est pour répéter les mêmes gestes qu'avant, à quoi bon?

Or cette histoire du nom (directement liée au problème du droit d'auteur) renvoie au pilier fondamental, tabou, de notre globe: la propriété privée. Rien que ça: en quelques siècles, on nous a réduit à un nom, un seul, d'autant plus "propre" maintenant qu'il a été nettoyé de toute humanité et réduit à un code-barre SS (Sécu Soc) (sécurité sociale, ndlr). Ce n'est pas un phénomène naturel : c'est un choix de civilisation, voulu par les gestionnaires, car comment faire fonctionner une société moderne, comment obtenir que soit rendu à César ce qu'il s'approprie, si on laissait chaque individu modifier son apparence administrative plusieurs fois dans sa vie, passant de "Casse-cou des Patins (à roulettes)" à "Le 68tard qui fume sous la véranda" après avoir été "Mob dans les virages" (alors que vous savez comme moi qu'un programme simple suffirait pour "gérer" ça)? "La nature humaine est foncièrement mauvaise et tous les maffieux en abuseraient. Mais nous sommes là pour vous protéger, protéger votre identité." (Le Pentagone) Et le premier acte d'affirmation du plus démuni, celui dont les papiers ne sont jamais en règle, c'est d'abord de tagger son nom sur les affiches signées "© Grande Marque".

Aux cotres, nous essayons furtivement autre chose.

Nous existons, nous avons une adresse. Nous savons qu'il est difficile de se parler dans l'anonymat ou le collectivisme, alors nous gardons certains points de repère: il y a le facteur temps, il y a le facteur humain, et chez les cotres, il y a le cotre facteur, qui répond souvent au nom de Jean-Paul. Un prénom qui n'est pas un nom propre puisque justement le propre d'un nom est qu'il ne nous est pas propre: c'est celui d'une dynastie, d'une série de pères déposée chez notaires.

Pas question de renier nos ancêtres: ils ont fait le monde que nous appelons réalité. Mais nous levons la toile pour un autre rêve. Et nous lançons nos cotres dans toutes les directions, pour les contacts.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Nous ne nous sentons pas concernés.

a) - S'il s'agit de "respect", c'est une question de morale et d'élégance, qui n'est pas suceptible de débat: sur la toile comme ailleurs, on cite ses sources. Total respect. Pour la plupart d'entre nous.

b) - S'il s'agit de "droit d'auteur", on est dans le domaine juridique, instable par essence. Le "droit" d'auteur est une notion récente — que les Français attribuent à Beaumarchais, homme d'ombres, d'affaires, trafiquant d'armes et grand auteur. L'apparition du numérique, et donc du clonage (qui pose un autre problème que celui de la copie, résolu depuis longtemps), oblige à reconsidérer cette notion.

c) - S'il s'agit de "droitS d'auteur" (au pluriel, donc), on est dans la sphère de l'économie, dont la logique est connue: concurrence et rétention: devenir le premier de la classe, empêcher les autres de le devenir. Et pas vu, pas pris.

Sony est éditeur de CD (audio et Rom) parce que ça rapporte. Et il fabrique des graveurs (qui permettent de cloner ses propres CD, comme ceux de la concurrence) parce que ça rapporte. Philips faisait de même, jusqu'au jour où il a vendu sa division Polygram (que les lois de l'économie lui permettront de racheter le cas échéant).

"Il ne suffit pas d'être grand pour être performant, mais, dans un monde financier totalement mondialisé, ça aide. Surtout si on a l'ambition de jouer les premiers rôles." (Hervé Babonneau, Ouest-France du 6 août 1999). "Drôle d'ambition" dit le cotre carré. Jurassic Games et tyrannosaures plus ou moins rex.

Bien que tangent à la sphère économique (il faut payer le nom de domaine, et l'abonnement au serveur), notre cotre-espace ne s'y réduit pas, notre esprit n'est pas celui de la concurrence. Notre site est en téléchargement libre, et nous téléchargeons les sites que nous trouvons créatifs.

C'est normal de cloner une oeuvre d'autrui pour en faire cadeau; c'est partager.
Ce qui est dégueulasse, c'est de vendre ce clone.

La fonction des juristes est de donner raison aux puissances du jour: hier guillotine pour les faiseuses d'anges, aujourd'hui remboursement des avortements par la Sécu (sécurité sociale, ndlr) (en France, pas en Pologne).

Copyright ou droit d'auteur, vision européenne ou vision américaine, qui va l'emporter? Le principe de propriété privée. La propriété tabou de ceux qui ont les moyens de la faire garder. Par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) par exemple, chargée de régler la question des "droits" partout dans le monde (même virtuel) et, espèrent-ils, pour toujours.

Ceux dont la maison est sur le tracé d'une future autoroute savent le prix réel d'un tabou.

Alors les droits des auteurs, créateurs, inventeurs…

Mais si Orson Welles s'est fait bouffer par les studios, Kubrick s'est méthodiquement rendu indépendant des mêmes. Peu importe la loi que se fera tailler sur mesure Onc' Picsou. Les petits mammifères ont bouffé les tyrannosaures, avec le temps. Et les anciens rois, qui tenaient pourtant leur pouvoir des dieux, nous leur avons coupé la tête. En moins de temps.

"Maxim's pour un temps / Le reste jambon-beurre et kir / Pour tenir Juliette"
(Rimes féminines, CD MT 104, Le Rideau Bouge)

= Quelles solutions pratiques suggérez-vous?

"Donner un sens plus pur aux mots de la tribu", disait S. Mallarmé. Et quand les cartes bancaires auront gagné (dans trois ans, paraît-il), inventer d'autres cartes vers un autre cap de Bonne-Espérance pour aller voir monter "du fond de l'horizon des étoiles nouvelles", comme J.M. 2 Heredia.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Votre livre (vraiment bon. Et utile. Gagne à chaque relecture. Adresses précieuses) fait le tour de la question: "Tôt ou tard, la répartition des langues sur le web correspondra à leur répartition sur la planète". En fonction du dynamisme de ceux qui les parlent.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le vertige qui nous a pris à la réception du premier message… venant du Canada. 10.000 (?) ans après les Inuits, des cotres venaient de découvrir l'Amérique!

= Et votre pire souvenir?

Tout ce sommeil en retard…

*Entretien du 25 juin 2000

= Les possibilités offertes par l'hyperlien ont-elles changé votre mode d'écriture?

La navigation par hyperliens se fait en rayon (j'ai un centre d'intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens qui s'y rapportent) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu'ils apparaissent, au risque de perdre de vue mon sujet). Bien sûr, les deux sont possibles avec l'imprimé. Mais la différence saute aux yeux: feuilleter n'est pas cliquer. L'internet n'a donc pas changé ma vie, mais mon rapport à l'écriture. On n'écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc…

En fait, ce n'est pas sur la toile, c'est dans le premier Mac que j'ai découvert l'hypermédia à travers l'auto-apprentissage d'Hypercard. Je me souviens encore de la stupeur dans laquelle j'ai été plongé, durant le mois qu'a duré mon apprentissage des notions de boutons, liens, navigation par analogies, par images, par objets. L'idée qu'un simple clic sur une zone de l'écran permettait d'ouvrir un éventail de piles de cartes dont chacune pouvait offrir de nouveaux boutons dont chacun ouvrait un nouvel éventail dont… bref l'apprentissage de tout ce qui aujourd'hui sur la toile est d'une banalité de base, cela m'a fait l'effet d'un coup de foudre (il paraît que Steve Jobs et son équipe eurent le même choc lorsqu'ils découvrirent l'ancêtre du Mac dans les laboratoires de Rank Xerox).

Depuis, j'écris (compose, mets en page, en scène) directement à l'écran. L'état "imprimé" de mon travail n'est pas le stade final, le but ; mais une forme parmi d'autres, qui privilégie la linéarité et l'image, et qui exclut le son et les images animées.

J'ai cru un certain temps que le CD-Rom était le but à atteindre, la forme la plus achevée de ces nouveaux outils extraordinaires.

Mais le CD-Rom, c'est encore la galaxie Gutenberg. Il fixe, fige (et permet de vendre) l'état, le dispositif, la version d'un travail à l'instant T. Il est ainsi soumis aux mêmes contraintes. Tout comme l'arrivée de l'écriture avait appauvri la culture orale (l'aède-musicien-comédien-metteur-en-scène remplacé par l'écrivain immobile), la technologie de l'imprimerie a "plombé" l'écriture, induisant rapidement l'idée qu'il y a une version finale, ©, TM & intouchable. Masquant ainsi la nécessité technique ("On ne va pas refaire un tirage juste pour changer un §!…, à moins que les commerciaux l'exigent, bien sûr"), sous la théorie de la forme parfaite, celle de l'ultime brouillon, publiable. C'est Valéry parlant de la forme achevée des vers de Racine, c'est Flaubert dans son gueuloir. A l'opposé de maître Frenhofer qui modifia jusqu'à la mort son Chef-d'oeuvre inconnu (dans l'incompréhension générale); à l'opposé de je ne sais plus quel peintre qui allait au Louvre avec sa mallette pour retoucher ses tableaux.

C'est finalement dans la publication en ligne (l'entoilage?) que j'ai trouvé la mobilité, la fluidité que je cherchais. Le maître mot y est "chantier en cours", sans palissades. Accouchement permanent, à vue, comme le monde sous nos yeux. Provisoire, comme la vie qui tâtonne, se cherche, se déprend, se reprend.

Avec évidemment le risque souligné par les gutenbergs, les orphelins de la civilisation du livre: plus rien n'est sûr. Il n'y a plus de source fiable, elles sont trop nombreuses, et il devient difficile de distinguer un clerc d'un gourou. Mais c'est un problème qui concerne le contrôle de l'information. Pas la transmission des émotions.

Bref, pour répondre à votre question: oui, l'hypermédia a changé mon "écriture". Et c'est sur la toile mouvante que je trouve plaisir et sens à participer au site des cotres. A rouler mon hyper-caillou de facteur Sisyphe dans le grand fleuve de l'hyper.

= D'autres remarques à ajouter?

Le réseau dominant est celui de l'e-bizz : information, données, rationalité, ca$h. Illusionisme. C'est la marge, l'ourlet de la toile qui m'intéresse, l'enchantement, la magie : "Achète-moi, je ne vaux rien puisque l'amour n'a pas de prix" (Léo Ferré). Et il n'y a évidemment aucun avenir professionnel dans la gratuité.

Il faudrait aussi revenir en détail sur la question de la "lecture" sur un écran. Ce sera (peut-être) pour les prochains épisodes de notre grand hyper-feuilleton: Nasdaq & boutons.

*Entretien du 3 décembre 2000

= Comment se portent les cotres furtifs?

Les cotres roulent doucement sous la lune. Ils contemplent les constellations de la Toile, en attendant leur prochain décollage, dans la version 3.

= Quoi de neuf à titre personnel?

A titre personnel, je participe à un jeu de rôles hypermédia dont l'avenir me paraît prometteur, parce qu'il est en rapport étroit avec les lois de fonctionnement du "cyberespace": www.thewebsoap.net. Cette @dresse renvoie à une constellation de sites centrés chacun sur un individu. Ils communiquent et interagissent par leur boîte à lettres, ouverte au public. L'internaute a ainsi accès à plusieurs portes d'entrée dans l'histoire. La nouveauté du feuilleton est qu'il se déroule en "temps réel" (ce qui est impossible dans le monde de l'imprimé; quant aux séries télé, elles aussi sont cantonnées à la forme de l'épisode à horaire fixe).

Les personnages correspondent quotidiennement, en quasi-direct, ce qui instaure pour les auteurs un rapport presque journalistique à leur imaginaire et à leur écriture. L'internaute suit, à son propre rythme, libre de s'intéresser ou non à l'intégralité des différentes intrigues (amours, galères, showbiz, ombres maléfiques, mystères et rebondissements) ou à l'ensemble de tous les personnages. C'est avant tout cette fluidité générale (apparente! c'est en fait un sacré travail!) qui m'a fait y participer. Elle permet de garder le côté impro-jazz que j'aime dans la mise en net.

= Quoi de neuf pour la création en ligne?

Elle sera de plus en plus collective, donc chère. Or le public n'existe pas encore, ni donc les droits d'auteurs. La question centrale pour les "créateurs en ligne" sera alors celle du mécénat ou, plus généralement, des subventions. Jusqu'à ce qu'une masse critique de public se soit constituée, que ses goûts culturels se soient affirmés au point qu'il soit prêt à payer (sous la forme de péages ou de DVD). Alors les créateurs en ligne pourront affiner leurs propres recherches.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Je lis autant d'imprimés qu'avant. La lecture sur écran s'y est rajoutée. D'où des problèmes de temps: ces machines qui sont censées travailler à notre place contribuent en fait à nous bouffer le temps libre qu'elles nous ont dégagé.

= Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui?

Ses jours sont encore longs avant que la lecture sur écran présente la même souplesse que celle d'un livre ou d'un magazine que l'on peut lire n'importe où, dans la position que l'on veut, et ranger, rouler, plier, déchirer facilement (allez envelopper les pelures de pomme de terre dans un 15 pouces!).

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Il a fallu inventer la hache de pierre avant de construire la Tour Eiffel. Le but des dinosaures industriels qui s'entretuent pour imposer leur format de livre électronique est de détourner vers eux la partie rentable du contenu des bibliothèques (rebaptisé "information"). Ils travaillent aussi pour nous, en contribuant à banaliser l'usage de l'hyperlien.

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

L'ordinateur qui parle et obéit à la voix de son vis-à-vis?

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Un lieu isotrope en expansion pour l'instant infinie. Un modèle de la vision que nous avons aujourd'hui de l'univers. Jusqu'à l'invention du clic, le savoir humain était senti comme un espace newtonien, avec deux repères absolus: le temps (linéaire: un début, une fin) et l'espace (les trois dimensions du temple, du rouleau, du volumen). Le cyberespace obéit aux lois de l'hypertexte. Deux temps simultanés: le temps taxé (par le fournisseur d'accès ou par les impératifs de productivité, égrené par l'antique chrono), et le temps aboli, qui fait passer d'un lien à l'autre, d'un lieu à l'autre à la vitesse de l'électron, dans l'illusion du déplacement instantané.

Quant aux repères, quiconque a lancé une recherche dans cet espace sait qu'il doit lui-même les définir pour l'occasion, et se les imposer (sous peine de se disperser, de se dissoudre), pour échapper au vertige de la vitesse. A cause de cette "vitesse de la pensée", nous trouvons dans cet espace un "modèle" de notre cerveau. "Ça tourne dans ma tête", à travers 10, 20, etc… synapses à la fois, comme un fureteur archivant la toile. Bref les lois du cyberespace sont celles du rêve et de l'imagination.

*Entretien du 3 juin 2001

= Comment définissez-vous la société de l'information?

Plus, plus vite. Mais les données ne sont pas l'information. Il faut les liens, c'est-à-dire le temps. Plus d'évènements, plus d'écrans pour les couvrir. Plus vite: l'évènement du jour est liquide. Effacé, recouvert par la vaguelette du lendemain, la vague du jour d'après, la houle de la semaine, le tsunami du mois. Cycles aussi "naturels" que les marées estivales du Loch Ness. Pas "effacé", d'ailleurs, l'évènement d'hier (qui n'est pas "tous les évènements d'hier"): déjà archivé, dans des bases de données (INA (Institut national de l'audiovisuel), Gallica, INSEE…), qui donnent l'illusion d'être exhaustives, facilement accessibles et momentanément gratuites.

Mais les données ne donnent rien par elles-même. S'informer, c'est lier entre elles des données, éliminer celles qui ne sont pas pertinentes (quitte à revenir sur ces choix plus tard), se trouver ainsi obligé de chercher d'autres données qui corroborent ou infirment les précédentes… L'information naît du temps passé à tisser les liens. Or le temps nous est mesuré, au quartz près. Productique ou temps libre, nous passons de plus en plus de temps à raccrocher au nez de spammeurs qui nous interrompent pour nous revendre nos désirs (dont nous informons les bases de données qui les leur vendent). Ce qui est intéressant dans ce bonneteau est que les infos que nous fournissons sur nous-mêmes, nous les truquons suffisamment pour que les commerciaux n'arrivent pas à en tirer les lois du succès: Survivor II est un bide, après le succès de la version I. De cette incertitude viennent les trous dans le filet qui laissent parvenir jusqu'à nous certaines infos.

Bref la "société de l'information", c'est le jeu des regards dans le tableau de de La Tour: "La diseuse de bonne aventure". Le jeune homme qui se fait dépouiller en est conscient, et complice. Il a visiblement les moyens de s'offrir les flatteries des trois jolies filles tout en exigeant de la vieille diseuse qu'elle lui rende l'une de ces piécettes dont il a pris la précaution de gonfler ostensiblement la bourse qu'on lui coupe.

[EN] Jean-Paul (Paris)

#Webmaster of cotres furtifs (Furtive Cutter Ships), a website that tells stories in 3D

The cotres furtifs was launched on October 20, 1998, after they had become a group. Following a break to show solidarity with the Altern web server (which fell foul of the inadequate French laws about the Internet), they are now offering two parts and preparing a third. The aim is to tell stories in 3D and explore how a 'link' opens the way for 'hyperwriting,' which is a set of characters, sounds and animations. It gives priority to words.

Jean-Paul is a writer and a musician. In June 1998, he wrote: "The Internet allows me to do without intermediaries, such as record companies, publishers and distributors. Most of all, it allows me to crystallize what I have in my head (and elsewhere): the print medium (desktop-publishing, in fact) only allows me to partly do that. Then the intermediaries will take over and I'll have to look somewhere else, a place where the grass is greener…"

[Interview 05/08/1999 // Interview 25/06/2000]

*Interview of August 5, 1999 (original interview in French)

= How do you see the future of cyber-literature?

The future of cyber-literature, techno-literature or whatever you want to call it, is set by the technology itself. It's now impossible for an author to handle all by himself the words and their movement and sound. A decade ago, you could know well each of Director, Photoshop or Cubase (to cite just the better-known software), using the first version of each. That's not possible any more. Now we have to know how to delegate, find more solid financial partners than Gallimard, and look in the direction of Hachette-Matra, Warner, the Pentagon and Hollywood.

At best, the status of the, what… hack? multimedia director? will be the one of video director, film director, the manager of the product. He or she's the one who receives the golden palms at Cannes, but who would never have been able to earn them just on their own. As twin sister (not a clone) of the cinematograph, cyber-literature (video + the link) will be an industry, with a few isolated craftsmen on the outer edge (and therefore with below-zero copyright).

= What exactly is a cutter?

It is called that because it seems to cut through the water. It's sturdy little naval vessel with a single mast. Cutters were an important part of naval fleets because they were quick and easy to operate. They were the favourite boats of pirates, smugglers and… maritime postal workers.

"Now that the earth is flat and the seas desalinated, it's time for our cutters to thread their way through the 6 billion (soon six and a half billion) stars that we are. And for them all to link up with each other." (The running cutter) Why do you use just your first name, instead of your full name?

My reasoning is that, on the Web, there's everything to be done. Except for CERN (European Center for Particule Research) and the Pentagon (which are going to make another web, designed just for their own use), nobody knows what exactly it offers us. So we can work freely while believing that probably everything is open. And use this unlimited, internal space as widely and quickly as possible before the rapacious star-spangled banners of 0 and 1 catch up with and overtake us.

But if it's just a matter of repeating the same things as before, what's the point?

This business of using a surname (directly linked to the copyright problem) takes us back to basics, to the central untouchable principle of our planet: private property. Within the space of a few centuries, we have been reduced to a name, just one name, all the "cleaner" because it has been stripped of all humanity and reduced to a social security barcode. It's not something natural, but a choice of the society, desired by managers. How could we run a modern society and give back to Caesar his due if each of us could change our administrative identity several times in our lives, from "Daredevil on Rollers" to "Motorcycle on the Curves" and then "Hippy Smoking on the Verandah" (you know, like me, that a simple software programme could easily take care of all this)? "Human nature is basically evil and all criminals take advantage of that. But we're here to protect you and your identity." (The Pentagon) And the first thing a down-and-out person does to assert themselves, someone whose papers are never in order, is to scribble their name on a billboard advertising some big commercial product.

On our site, we discreetly try something else.

We exist, we have an address. We know it's hard to speak to each other in anonymity or in a group, so we keep a few landmarks — the time factor, the human factor, and for the cutters, the cutter mailman, who happens to be Jean-Paul. A first name that is not really one's own name because the thing about a name is that it isn't ours, it's a name passed down by a dynasty, from a string of legally-registered names of our male ancestors.

But we're not rejecting our ancestors. They created our world, what we call reality. But we build up the Web to create another dream. And we launch our cutters in all directions, to make contacts.

= What do you think of the debate about copyright on the Web?

We don't feel involved.

a) If it means "respect", it's a matter of morality and style, so there's nothing to discuss. On the Web, as elsewhere, we quote our sources. Complete respect. For most of us.

b) If it means "copyright", we're on legal ground, which is by nature shaky. Copyright is a recent notion the French attribute to Beaumarchais, a business man with a dark side, an arms dealer and great writer. The advent of digitization, and therefore cloning (which raises a different problem to the one of copying, which was solved long ago), forces us to reconsider this notion.

c) If it means "author's rights" (in the plural), we're in the economic field, where we know what the attitude is: competition, withholding information, being top of the class and stopping others from getting there.

Sony publishes CD (audio and ROM) because it earns them good money. And it makes CD-engravers (which enable you to clone its own CDs, as well as those of its rivals) because it earns them more good money. Philips was doing the same thing until it sold its Polygram division (which, according to the rules of economics, it could buy back if it wanted).

"It's not enough to be big to be successful but, in a totally globalized financial world, it helps." (Hervé Babonneau, Ouest-France (French daily newspaper), August 6, 1999). "A funny aim", says the sturdy cutter. Jurassic Games and tyrannosaurus more or less rex.

Although it's marginally economic (we have to pay for a domain name and a subscription to the server), our cutter-space isn't limited to that and we don't have a competitive attitude. Our site can be freely downloaded, and we download sites we think are creative.

It's normal to clone someone else's work and give it away as a gift. It's a way to share. What's disgusting is to sell a clone.

The job of legal experts is to prove the authorities right: yesterday it was the guillotine for backstreet abortionists, today the social security reimburses the cost of abortions (in France, though not in Poland).

Copyright or author's rights, a European vision or a US one, which will prevail? The sacred principle of private property. The property of those who have the means to keep it. Through the World Trade Organization (WTO), for example, which is in charge of settling "rights" issues anywhere in the world (even the virtual world) and, they hope, permanently.

If your house is the path of a future highway, you know the real price of something untouchable.

So the rights of authors, creators, inventors…

Orson Welles was gobbled up by the big studios, but Kubrick carefully stayed independent of them. The law made to measure by Uncle Picsou matters little. Over time, small mammals have eaten tyrannosaurs. And we've cut off the heads of kings, who supposedly drew their power from the gods. And we did that more quickly.

"To give a purer meaning to the words of the tribe", Stéphane Mallarmé wrote. And when the credit cards have won (apparently in three years time), we must invent other ways to take us to another Cape of Good Hope, where we can watch "new stars rise from the distant horizon", like J.M. de Heredia.

= How do you see the growth of a multilingual Web?

Your book (which is really good and useful — I get something out of it every time I read it, and it has good addresses too) deals with this whole subject: "Sooner or later the presence of languages on the Web will reflect their strength around the world." Depending on the energy of those who speak them.

= What is your best experience with the Internet?

How light-headed we felt when we received our first message… coming from
Canada. 10.000 (?) years after the Inuits, our cutters had just discovered
America!

= And your worst experience?

All the sleep I'm missing…

*Interview of June 25, 2000 (original interview in French - partial translation)

= How did using the hyperlink change your writing?

Surfing the Web is like radiating in all directions (I'm interested in something and I click on all the links on a home page) or like jumping around (from one click to another, as the links appear). You can do this in the written media, of course. But the difference is striking. So the Internet didn't change my life, but it did change how I write. You don't write the same way for a website as you do for a script or a play.

But it wasn't exactly the Internet that changed my writing, it was the first model of the Mac. I discovered it when I was teaching myself Hypercard. I still remember how astonished I was during my month of learning about buttons and links and about surfing by association, objects and images. Being able, by just clicking on part of the screen, to open piles of cards, with each card offering new buttons and each button opening onto a new series of them. In short, learning everything about the Web that today seems really routine was a revelation for me. I hear Steve Jobs and his team had the same kind of shock when they discovered the forerunner of the Mac in the laboratories of Rank Xerox.

Since then I've been writing directly on the screen. I use a paper print-out only occasionally, to help me fix up an article, or to give somebody who doesn't like screens a rough idea, something immediate. It's only an approximation, because print forces us into a linear relationship: the words scroll out page by page most of the time. But when you have links, you've got a different relationship to time and space in your imagination. And for me, it's a great opportunity to use this reading/writing interplay, whereas leafing through a book gives only a suggestion of it — a vague one because a book isn't meant for that.

ANNE-BENEDICTE JOLY [FR]

[FR] Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne)

#Ecrivain auto-éditant ses oeuvres et utilisant le web pour les faire connaître

[Entretien 18/06/2000 // Entretien 22/11/2000 // Entretien 06/05/2001]

*Entretien du 18 juin 2000

= En quoi consiste votre site web?

Mon site (mis en ligne le 17 avril 2000) a plusieurs objectifs: présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l'on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d'écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d'or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires.

= Quel avantage voyez-vous à utiliser l'internet?

Je suis écrivain. Créer un site internet me permet d'élargir le cercle de mes lecteurs en incitant les internautes à découvrir mes écrits. Internet est également un moyen pour élargir la diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j'espère susciter des contacts de plus en plus nombreux.

= Pourquoi ce choix d'auto-éditer vos oeuvres?

Après avoir rencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d'édition et ne souhaitant pas opter pour des éditions à compte d'auteur, j'ai choisi, parce que l'on écrit avant tout pour être lu (!), d'avoir recours à l'auto-édition. Je suis donc un écrivain-éditeur et j'assume l'intégralité des étapes de la chaîne littéraire, depuis l'écriture jusqu'à la commercialisation, en passant par la saisie, la mise en page, l'impression, le dépôt légal et la diffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250 exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes.

= A l'heure de l'internet, pensez-vous que les auteurs aient encore besoin des éditeurs?

Je pense qu'internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d'autres, mais je suis convaincue que le livre "papier" a encore, pour des lecteurs amoureux de l'objet livre, de beaux jours devant lui. Je pense que la problématique réside davantage dans la qualité de certains éditeurs, pour ne pas dire la frilosité, devant les coûts liés à la fabrication d'un livre, qui préfèrent éditer des livres "vendeurs" plutot que de décider de prendre le risque avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Encore une fois internet devra me permettre d'aller à la rencontre de lecteurs (d'internautes) que je n'aurai pas l'occasion en temps ordinaire de côtoyer. Je pense à des pays francophones tels que le Canada qui semble réserver une place importante à la littérature francaise. Je suis déja référencée dans des annuaires et des moteurs de recherche anglo-saxons, et en passe de définir des accords d'échange de liens avec des sites universitaires et littéraires canadiens.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Le respect du droit d'auteur, c'est la survie de la création. Le web, de par son universalité et la grande facilité avec laquelle quiconque peut s'approprier ou copier ce qu'il souhaite, constitue à n'en pas douter une limite à la diffusion de toute création. Je suis réticente à l'idée de placer mes textes en exhaustivité sur la toile car je crains les copies et plagiats. Je pense qu'il serait sans doute astucieux de présenter par exemple les premiers chapitres d'un livre ou un extrait puis d'inciter le lecteur à acquérir l'ouvrage sous forme papier ou sous forme électronique grâce à une gestion sécurisée des moyens de paiement.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Je crois que, par nature, la langue devra être universelle et l'anglais semble le mieux placé pour gagner cette bataille. Cependant, les auteurs francophones devront défendre la langue sur le net. Nous pourrions fort bien envisager, pour un livre écrit en français, de prévoir un synopsis de type quatrième de couverture en deux langues: français et anglais. Ainsi les lecteurs étrangers prendront connaissance des grandes lignes du livre et sauront faire les efforts nécessaires pour le lire dans une langue étrangère à la leur. S'agissant de littérature ou de belles lettres, il paraît réaliste de défendre un bastion linguistique.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Le franchissement de la barre des 200 visiteurs sur mon site.

= Et votre pire souvenir?

Je n'en ai pas encore…

*Entretien du 22 novembre 2000

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Mon site a considérablement évolué: ajout des caractéristiques de mon nouveau roman (Singulière), création d'une rubrique "Vu dans les médias" à partir de chaque fiche de livres concernés, création d'une page "Mise à jour" recensant les modifications apportées au site, et aussi de nombreux nouveaux liens vers des sites littéraires. J'ai mis en ligne la version 2 de mon site le 3 septembre 2000.

= Utilisez-vous encore beaucoup le papier?

Oui, je dois avouer que le passage par l'écrit m'est encore nécessaire. Comme tout écrivain je conserve et souhaite conserver une relation privilégiée avec l'écrit, la plume, le crissement du stylo sur une feuille blanche. Par ailleurs, je note, je rature, je corrige, je développe… bref mes premières phases de création passent encore systématiquement par le papier avant la phase de saisie de mes textes. Par ailleurs, j'entretiens une relation sentimentale avec l'objet "livre".

= Le papier a-il encore de beaux jours devant lui?

Je pense que le support papier a encore beaucoup de beaux et longs jours devant lui. Ne serait-ce que pour des raisons de contacts affectifs avec l'objet livre, mais aussi de par la faible montée en puissance (actuelle) des solutions électroniques. Je pense que l'informatique est un moyen performant et totalement nécessaire pour fabriquer des livres mais je suis une fervente défenseur du plaisir de tenir un livre dans sa main, de l'emporter partout avec soi, de l'annoter, de le prêter, de le reprendre, de le feuilleter, de glisser page 38 mon marque-page préféré… J'aime cette relation privilégiée que le lecteur noue avec un livre. J'aime voir vivre l'objet… Pour toutes ces raisons, non seulement je pense que le livre a encore de beaux jours devant lui, mais au fond, je le souhaite de tout coeur!

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d'atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. C'est aussi sans doute le moyen de diffusion actuel le plus universel (dès lors que l'on peut se promener sur la toile!) qui puisse repousser à ce point les limites de distances. Par rapport à mes remarques précédentes, je suis assez dubitative sur le "plaisir" que l'on peut retirer d'une lecture sur un écran d'un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d'ascenseur ne me tente guère. Ce support, s'il possède à l'évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans se cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse. Pour faire un lien avec votre question suivante, comment intéresser les personnes malvoyantes à un tel support?

= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

Je pense que nous devrions voir apparaître des sites disposant de modes d'emplois ou de guides de découverte sonores. L'idéal serait de pouvoir guider un internaute malvoyant, depuis la mise en route des navigateurs (pour taper l'adresse du site ciblé), jusqu'à l'arrivée sur un site. Sur un site équipé, un assistant guide l'internaute en lui exposant les fonctionnalités du site. L'accès aux rubriques se fait via des codes alphanumériques (sur le même principe que les serveurs téléphoniques à fréquence vocale). Le code d'accès à la rubrique est possible grâce à un clavier adapté (touche possédant des caractères braille). Puis l'assistant propose des choix: téléchargement des rubriques pour éditions sur imprimante braille ou lecture de la rubrique sous forme d'extraits sonores. Il faudra se montrer vigilants face au temps de chargement du son. Puis, pour favoriser les échanges, prévoir la possibilité de déposer des témoignages vocaux (voire des images via des webcams) sur le serveur du site.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Le domaine virtuel créé par la mise en relation de plusieurs ordinateurs communiquant et échangeant entre eux.

= Et la société de l'information?

Permettre l'accès au plus grand nombre de la plus grande quantité d'information possible tout en garantissant la partialité de l'information et en fournissant les clefs de compréhension nécessaires à sa bonne utilisation.

*Entretien du 6 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Mon site internet n'a cessé de subir des évolutions et améliorations. En voici les principaux points classés sous forme de rubriques:

1) Home page - Accueil: Mon site vient de souffler sa première bougie (le 17 avril 2001). Le cap des 4.000 visiteurs a été franchi. Mise en ligne (nouvelle charte de couleurs, nouvelle navigation…) de la version 3 en janvier 2001. Insertion d'une citation. Insertion d'un espace nouveautés (affichage tournant).

2) Livres: Ajout des couvertures scannées de mes livres. Création d'une page spécifique (Textes ailleurs) recensant les autres sites littéraires publiant certains de mes textes. Ajout des présentations audio de mes livres. Pages à chargement automatique depuis les fiches signalétiques de mes ouvrages.

3) Bon de commande: Ajout des référencements de librairies en ligne proposant mes livres à la vente et offrant un moyen de paiement sécurisé.

4) Parcours: Ajout d'une biographie. Ajout de photos. Ajout d'une séquence audio (reprise de la biographie).

5) Médias: Parution de la dédicace de l'auteur sur le site "La Radio du Livre" (Radio France).

6) Liens: Création de nombreux liens littéraires. A ce jour, j'ai créé un échange réel avec plus de 100 liens actifs.

Comme vous pouvez le constater, j'ai été très active ces derniers temps sur ce nouveau vecteur qu'est l'internet. J'ai beaucoup échangé avec des internautes (e-mail, messages sur le livre d'or, rencontres…). Je confirme mes précédents propos: si l'internet et le livre électronique ne remplaceront pas le support livre, je reste convaincue que disposer d'un tel réseau de communication est un avantage pour des auteurs moins (ou pas) connus.

Par ailleurs, et comme vous l'avez également sans doute remarqué, certains éditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs en intégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle dernier certains éditeurs classiques.

Les techniques modernes (édition numérique, e-book…) sont accessibles, n'exigent pas (ou de moins en moins) de moyens financiers importants et peuvent donc être au service de ces éditeurs. Ils jouent aujourd'hui le rôle de découvreur de talents. Il est à ma connaissance absolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d'éditer un livre en cinquante exemplaires. L'édition numérique offre cette possibilité, avec en plus réédition à la demande, presque à l'unité.

En résumé, je souhaite que l'objet livre continue de vivre longtemps et je suis ravie que des techniques (internet, édition numérique, e-book…) offrent à des auteurs des moyens de communication leur permettant d'avoir accès à de plus en plus de lecteurs.

Pour illustrer mes propos: j'ai tissé des relations lecteur-auteur avec une internaute résidant en Belgique. Cette dernière m'a adressé un bon de commande pour deux de mes ouvrages. Depuis lors nous communiquons régulièrement et échangeons bien volontiers sur le thème de la lecture et de l'écriture. Sans internet, sans cette technique, sans le travail que je réalise sur ces nouveaux médias, il m'aurait été impossible (ou tout le moins hautement improbable) de la rencontrer. C'est en cela que je considère que ces outils modernes offrent un élargissement sans fin à la vision créatrice et aux échanges.

C'est sur ce mot que je souhaiterais conclure: l'échange. Grace à internet, j'échange des idées et je vis une expérience tellement enrichissante. Enfin, comme je vous l'avais également dit, le travail que je réalise avec l'association culturelle littéraire que j'ai créée avec mon époux (Editions de l'Avenue) est formidable.

BRIAN KING [EN, FR]

[EN] Brian King

#Director of the WorldWide Language Institute, who initiated NetGlos (The
Multilingual Glossary of Internet Terminology)

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