Entretiens / Interviews / Entrevistas
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
J'avais (jusqu'en décembre 2000) la responsabilité éditoriale des sites d'information (www.ouest-france.fr et www.maville.com) et du développement éditorial (accords extérieurs, partenariats).
= Comment voyez-vous l'avenir?
Nous avons la chance de disposer d'un gisement d'informations déjà utilisées pour le papier (Ouest-France publie dans ses 42 éditions 550 pages différentes toutes les nuits) et de petites annonces. Nous avons une marque connue et respectée. Mais le modèle économique n'est pas trouvé. Nous pensons développer un service payant à destination des centres de documentation qui leur permettrait de rechercher dans les 42 éditions n'importe quel article correspondant à une requête par mots-clés.
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Bien sûr!
= Les jours du papier sont comptés?
Mon avis est que le journal-papier est menacé à terme (vingt ans?) s'il ne se renouvelle pas dans la forme et dans le fond. La prise en mains du journal se fera de plus en plus tard (40-45 ans?). Il y aura des arbitrages avec la télévision (satellite, câble, numérique hertzien), avec l'internet rapide (ADSL, câble, boucle locale radio, satellite?). Il n'y aura pas de publicité disponible pour faire vivre tout le monde.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Hors de prix!
= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?
Les internautes ont tendance à penser que c'est un droit d'obtenir tout gratuitement. Non! Le droit d'auteur doit être respecté.
BAKAYOKO BOURAHIMA [FR]
[FR] Bakayoko Bourahima (Abidjan)
#Documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée)
L'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan assure la formation des statisticiens pour les pays africains d'expression française. Cette formation est délivrée à travers quatre filières distinctes, conçues en fonction du niveau de recrutement des élèves: la filière ISE (ingénieurs statisticiens économistes), la filière ITS (ingénieurs des travaux statistiques), la filière AD (adjoints techniques) et la filière AT (agents techniques). A ce jour, l'ENSEA est le seul établissement de formation statistique en Afrique au Sud du Sahara qui délivre simultanément ces quatre types de formation à tous les pays francophones de la région. L'ENSEA propose par ailleurs des actions de recyclage et de perfectionnement destinées aux cadres des administrations publiques et privées, et développe progressivement des programmes d'étude et de recherche.
[Entretien 12/07/2000 // Entretien 16/01/2001]
*Entretien du 12 juillet 2000
= Pouvez-vous présenter le site web de l'ENSEA?
Notre école a un site web depuis un peu plus d'un an. Le site a été créé à la faveur d'un colloque international sur les "Enquêtes et systèmes d'information" organisé par l'école en avril 1999. La conception et la maintenance du site ont été assurées par un coopérant français, enseignant d'informatique. Le site est actuellement hébergé par l'agence locale du Syfed (du réseau Refer de l'AUPELF-UREF - Agence universitaire de la francophonie). Le site a connu quelques difficultés de mise à jour, en raison des nombreuses occupations pédagogiques et techniques du webmestre. A ce propos, mon service, celui de la bibliothèque, a eu récemment des séances de travail avec l'équipe informatique pour discuter de l'implication de la bibliothèque dans l'animation du site. Et le service de la bibliothèque travaille aussi à deux projets d'intégration du web pour améliorer ses prestations.
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
Je suis le responsable du service de la bibliothèque. A ce titre, je m'occupe donc de la gestion de l'information scientifique et technique et de la diffusion des travaux publiés par l'école.
Mon activité professionnelle liée à l'internet, comme je le signalais plus haut, est plus au stade de projet. En fait, j'espère à la rentrée prochaine pouvoir mettre à la disposition de mes usagers un accès internet pour l'interrogation de bases de données. Par ailleurs, j'ai en projet de réaliser et de mettre sur l'intranet et sur le web un certain nombre de services documentaires (base de données thématique, informations bibliographiques, service de références bibliographiques, bulletin analytique des meilleurs travaux d'étudiants…) Il s'agit donc pour la bibliothèque, si j'obtiens les financements nécessaires pour ces projets, d'utiliser pleinement l'internet pour donner à notre école une plus grand rayonnement et de renforcer sa plate-forme de communication avec tous les partenaires possibles.
= Comment voyez-vous l'avenir?
En intégrant cet outil au plan de développement de la bibliothèque, j'espère améliorer la qualité et élargir la gamme de l'information scientifique et technique mise à la disposition des étudiants, des enseignants et des chercheurs, tout en étendant considérablement l'offre des services de la bibliothèque.
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
J'avoue que ce débat suscite en moi quelques inquiétudes quant à mes attentes légitimes vis à vis de l'internet. J'estime que, par rapport à ma vision professionnelle, le grand espoir qu'apporte l'internet à l'Afrique, c'est de lui permettre de profiter pleinement et à moindre coût du "brain trust" mondial et de réduire sa marginalisation économique, technologique et culturelle.
La légitimité des droits d'auteur ne devra donc pas faire perdre de vue la nécessité de prendre en compte les besoins et les contraintes particulières des pays moins nantis. Autrement, dans ce domaine plus qu'ailleurs, on aboutira fatalement et très vite sûrement à une situation de marginalisation et de fronde, comme celle qui oppose actuellement les autorités sanitaires d'Afrique du Sud à certaines grandes firmes pharmaceutiques, au sujet des licences des thérapies contre le Sida.
= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?
Je pense que l'évolution vers un internet multilingue ne peut être qu'une source réelle d'enrichissement culturel et scientifique sur la toile. Pour nous les Africains francophones, le diktat de l'anglais sur la toile représente pour la masse un double handicap d'accès aux ressources du réseau. Il y a d'abord le problème de l'alphabétisation qui est loin d'être résolu et que l'internet va poser avec beaucoup plus d'acuité, ensuite se pose le problème de la maîtrise d'une seconde langue étrangère et son adéquation à l'environnement culturel. En somme, à défaut de multilinguisme, l'internet va nous imposer une seconde colonisation linguistique avec toutes les contraintes que cela suppose. Ce qui n'est pas rien quand on sait que nos systèmes éducatifs ont déjà beaucoup de mal à optimiser leurs performances en raison, selon certains spécialistes, des contraintes de l'utilisation du français comme langue de formation de base. Il est donc de plus en plus question de recourir aux langues vernaculaires pour les formations de base, pour "désenclaver" l'école en Afrique et l'impliquer au mieux dans la valorisation des ressources humaines.
Comment faire? Je pense qu'il n y a pas de chance pour nous de faire prévaloir une quelconque exception culturelle sur la toile, ce qui serait de nature tout à fait grégaire. Il faut donc que les différents blocs linguistiques s'investissent beaucoup plus dans la promotion de leur accès à la toile, sans oublier leurs différentes spécificités internes.
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
Mon meilleur souvenir lié à l'internet, c'est quand j'ai pu tirer d'embarras un de mes amis, thésard en médecine, qui n'arrivait pas à boucler sa bibliographie sur un sujet sur lequel il n'y avait pratiquement aucune référence au plan local.
= Et votre pire souvenir?
Les méls indésirables, tous ces trucs bidons qu'on peut vous faire suivre, avec cinq correspondants ou plus qui vous envoient le même message.
Note: Une version partielle de cet entretien a été également publiée dans E-Doc, une rubrique d'Internet Actu.
*Entretien du 16 janvier 2001
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Oui, nous utilisons encore beaucoup de papier dans l'administration et notre fonds documentaire est exclusivement "papier". Nous comptons bien y intégrer des supports multimédia, dès que les moyens nous le permettront. Le service informatique pense déjà à une numérisation partielle du fonds documentaire, mais bon, le problème ici c'est que les idées vont nettement plus vite que les moyens.
= Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui?
Pour ce qui est de l'Afrique en général, je pense que le papier a encore de beaux jours devant lui. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir le développement très marginal du multimédia surtout dans les institutions productrices de papier (les administrations) et dans les institutions où, comme on dit ici, on "fait papier" (les écoles). Par ailleurs, il faut compter aussi avec la lente évolution des usages. Je me rappelle que, pour les travaux de rédaction de ma thèse, après avoir stocké un certain nombre d'articles en ligne sur mon ordinateur, j'ai jugé plus pratique pour moi de les imprimer intégralement pour pouvoir les exploiter. J'ai donc eu l'impression de mieux bosser en grattant du papier, habitude oblige.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Je constate que c'est aujourd'hui une réalité. Il faut voir pour la suite comment cela se développera et quelles en seront surtout les incidences sur la production, la diffusion et la consommation du livre. A coup sûr cela va entraîner de profonds bouleversements dans l'industrie du livre, dans les métiers liés au livre, dans l'écriture, dans la lecture, etc.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Il y a encore un peu de fantasme autour de ce mot. Quand j'ai fait connaissance avec ce mot (utilisé par Jean-Claude Guédon et Nicholas Négroponte), il m'avait d'abord laissé l'illusion d'un espace extra-terrestre où les ordinateurs et leurs utilisateurs se transportaient pour échanger des données et communiquer. Depuis que je navigue moi-même, je me rends compte qu'il s'agit tout simplement d'un espace virtuel traduisant le cadre de communication qui rassemble les internautes à travers le monde.
= Et la société de l'information?
La société de l'informatique et de l'internet.
MARIE-AUDE BOURSON [FR]
[FR] Marie-Aude Bourson (Lyon)
#Créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy, sites littéraires destinés aux nouveaux auteurs
*Entretien du 27 décembre 2000
= Pouvez-vous vous présenter?
Marie-Aude Bourson, 24 ans le 17 janvier 2001 ;o), vit à Lyon. Licence de sciences économiques et gestion développeur internet. Ecrivain amateur ;o) J'ai créé en septembre 1999 le site littéraire de la Grenouille Bleue, dans le but de créer un jour une véritable maison d'édition dédiée aux jeunes auteurs francophones. Il n'y a aucun organisme derrière le nouveau site Gloupsy.com (continuation de la Grenouille Bleue): il s'agit d'un site géré à titre perso ;o)
= Pouvez-vous décrire la Grenouille Bleue et Gloupsy?
Grenouille Bleue: création le 3 septembre 1999. 1.950 lecteurs au 21 décembre 2000. Objectif: faire connaître de jeunes auteurs francophones, pour la plupart amateurs. Chaque semaine, une nouvelle complète est envoyée par e-mail aux abonnés de la lettre. Les lecteurs ont ensuite la possibilité de donner leurs impressions sur un forum dédié. Egalement, des jeux d'écriture ainsi qu'un atelier permettent aux auteurs de "s'entraîner" ou découvrir l'écriture. Un annuaire recense les sites littéraires. Un agenda permet de connaître les différentes manifestations littéraires. 18 décembre 2000: fermeture du site pour problème de marque.
Janvier 2001: ouverture d'un nouveau site, Gloupsy.com, qui fonctionnera selon le même principe que la Grenouille Bleue, mais avec plus de "services" pour les jeunes auteurs ;o) Le but étant de mettre en place une véritable plate-forme pour "lancer" les auteurs.
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
Je suis chargée du développement de sites web. La littérature et l'écriture sont des passions. En vivre serait un rêve ;o)
= Comment voyez-vous l'avenir?
Pour Gloupsy: en faire un jour une véritable maison d'édition avec impression papier des auteurs découverts. Pour internet : une concentration des sites commerciaux mais une explosion des sites persos qui seront regroupés par communautés d'intérêt.
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Je n'aime lire un roman que sur papier! On ne remplacera jamais un bon vieux bouquin par un écran tout froid qui vous coupe votre lecture à cause d'une panne de pile. Par contre, je lis la presse quotidienne presque uniquement sur le web.
= Les jours du papier sont-ils comptés?
Le support papier devrait être plus rationnalisé: tout ce qui est d'ordre administratif devrait s'informatiser d'ici quelques années. Par contre, côté littérature, je pense qu'on ne pourra remplacer le livre papier: facile à transporter, objet d'échange, lien affectif, collection… Le livre électronique sera plus utile pour des documentations techniques ou encore les livres scolaires.
= Que pensez-vous des débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?
Ces débats sont nécessaires car il s'agit là d'une véritable question de fond. Il est évident que toute création portée sur support électronique est copiable. Malgré toutes les protections techniques qui seront inventées, il y aura toujours un petit malin qui découvrira la clef pour copier le fichier. Aussi, je ne crois pas qu'on puisse réellement protéger une oeuvre sur internet, qu'il s'agisse d'un texte, d'une image ou d'une application. D'autre part, on assiste à une réelle "révolution" dans le domaine informatique: l'avènement du logiciel libre qui marque un changement dans les mentalités et qui s'étend au monde de l'internet. Celui-ci se traduit à tous les niveaux: côté développeur de logiciels et côté utilisateur. Les utilisateurs sont de plus en plus réticents à payer un logiciel ou de l'info qu'ils peuvent trouver gratuitement ailleurs.
Le modèle économique est donc en train de changer: on ne paiera plus l'outil mais le service… Malheureusement, ce système n'est valable que pour les logiciels. Aussi, comment l'appliquer aux créations littéraires ou artistiques? Seuls les droits moraux peuvent pour l'instant être reconnus (incrustation d'un copyright sur les images, copyright moins évident pour les textes).
Conclusion : on ne peut pour l'instant que se reposer sur l'honnêteté de l'homme… fragile, donc :o(
Une expérience intéressante existe concernant la littérature: le lyber. Il s'agit de présenter une oeuvre en lecture complète sur le web. Libre ensuite au lecteur d'acheter l'ouvrage papier qui pourra rémunérer l'auteur. On part du principe que le lecteur voudra conserver chez lui une trace de sa lecture s'il l'a jugée vraiment digne d'intérêt. C'est ainsi un bon moyen d'éliminer les oeuvres de mauvaise qualité.
Pour ma part, je proposerais une solution intermédiaire: proposer à la lecture sur le web le tiers du livre. Pour lire la suite, le lecteur commande l'ouvrage papier. Car je crains qu'un lecteur ne veuille pas forcément acheter un ouvrage qu'il a déjà lu entièrement… et l'auteur perd ainsi une partie de sa rémunération, ce qui est dommage et n'encourage pas à la création littéraire.
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?
La Grenouille Bleue avait une partie destinée aux malvoyants: il suffit de créer des pages sans images ni tableau. Uniquement du texte, et une structure de site plus simple qui va droit à l'info. Ainsi les logiciels de reconnaissance/lecture de pages web sont très efficaces. Il faut donc sensibiliser les webmestres.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Un espace d'expression, de liberté et d'échanges où tout peut aller très (trop) vite.
= Et la société de l'information?
Une société où l'information circule très vite (trop peut-être), et où chaque acteur se doit de rester toujours informé s'il ne veut pas s'exclure. L'information elle-même devient une véritable valeur monnayable.
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
La rencontre avec des personnes qui sont devenues de vrais amis et que je fréquente dans la "vie réelle" ;o)
= Et votre pire souvenir?
Pas vraiment de pire souvenir mais un ras-le-bol répété contre les lenteurs du web et les déconnexions intempestives :o(
LUCIE DE BOUTINY [FR]
[FR] Lucie de Boutiny (Paris)
#Ecrivain papier et pixel. Auteur de NON, roman multimédia publié en feuilleton sur le web
Outre ses activités d'écrivain et l'animation de son site de cyberlittérature,
Lucie de Boutiny a participé en mai 2001 à la fondation de E-critures, une
association d'artistes multimédia créée en collaboration avec Gérard Dalmon et
Xavier Malbreil.
*Entretien du 17 juin 2000
= Pouvez-vous décrire votre site?
Mon site comprend diverses petites expériences de création hyperlittéraire dont NON, un roman visuel publié en feuilleton sur le web, depuis septembre 1997, dans l'e-revue d'art contemporain française, Synesthésie.
Pour faire sérieux, disons que NON prolonge les expériences du roman post-moderne (récits tout en digression, polysémie avec jeux sur les registres - naturaliste, mélo, comique… - et les niveaux de langues, etc.). Cette hyperstylisation permet à la narration des développements inattendus et offre au lecteur l'attrait d'une navigation dans des récits multiples et multimédia, car l'écrit à l'écran s'apparente à un jeu et non seulement se lit mais aussi se regarde.
Quant au sujet: NON est un roman comique qui fait la satire de la vie quotidienne d'un couple de jeunes cadres supposés dynamiques. Bien qu'appartenant à l'élite high-tech d'une industrie florissante, Monsieur et Madame sont les jouets de la dite révolution numérique. Madame, après quelques années de bons et loyaux services d'audit expatriée dans les pays asiatiques, vient d'être licenciée. A longueur de journées inactives, elle se pâme d'extase devant une sitcom sirupeuse et dépense sans compter l'argent du ménage dans des achats compulsifs en ligne. Monsieur fait semblant d'aimer son travail de vendeur de bases de données en ligne. Il cherche un sens à sa vie d'homme blanc supposé appartenir à une élite sociale: ses attentes sont calquées sur les valeurs diffusées par la publicité omniprésente. Les personnages sont des bons produits. Les images et le style graphique qui accompagnent leur petite vie conventionnelle ne se privent pas de détourner nombre de vrais bandeaux publicitaires et autres icônes qui font l'apologie d'une vie bien encadrée par une société de contrôle.
= Plus généralement, en quoi consiste exactement votre activité d'écrivain?
Je viens du papier (publication régulière de nouvelles classées "X" en recueil collectif - Edition Blanche, La Bartavelle, La Musardine… - et un petit roman urbain, N'importawaque, aux éditions Fleuve Noir). Mes "conseillers littéraires", des amis qui n'ont pas ressenti le vent de liberté qui souffle sur le web, aimeraient que j'y reste, engluée dans la pâte à papier. Appliquant le principe de demi désobéissance, je fais des allers-retours papier-pixel. L'avenir nous dira si j'ai perdu mon temps ou si un nouveau genre littéraire hypermédia va naître.
L'un des projets qui me tient le plus à coeur s'appelle "Mes vrais petits secrets et les secrets de tous mes amis". Il s'agit d'une borne interactive ludique et j'espère un peu dérangeante. Les frères Simonnet - l'un vidéaste-compositeur, l'autre ingénieur - ont à résoudre des problèmes techniques, et il nous faut surtout trouver des moyens de financement qui complètent la sympathique bourse reçue par la SCAM (Société civile des auteurs multimédia). Avec le multimédia, nous sommes donc tributaires d'une organisation proche de l'industrie du spectacle, même si les projets peuvent se développer en interne, avec les moyens d'un "home studio".
D'une manière générale, mon humble expérience d'apprentie auteur m'a révélé qu'il n'y a pas de différence entre écrire de la fiction pour le papier ou le pixel: cela demande une concentration maximale, un isolement à la limite désespéré, une patience obsessionnelle dans le travail millimétrique avec la phrase, et bien entendu, en plus de la volonté de faire, il faut avoir quelque chose à dire! Mais avec le multimédia, le texte est ensuite mis en scène comme s'il n'était qu'un scénario. Et, si à la base, il n'y a pas un vrai travail sur le langage des mots, tout le graphisme et les astuces interactives qu'on peut y mettre fera gadget. Par ailleurs, le support modifie l'appréhension du texte, et même, il faut le souligner, change l'oeuvre originale. Et cela ne signifie pas: "the medium is the message" - je vous épargne le millionième commentaire sur cette citation. Il n'y a pas non plus dégradation de la littérature mais déplacement…
Par exemple un concert live de jazz ,écouté dans les arènes de Cimiez, n'est plus le même une fois enregistré, donc compressé, puis écouté dans une voiture qui file sur l'autoroute. Et pourtant, le mélomane se satisfait du formatage car ce qui compte est: "j'ai besoin de musique, je veux l'entendre maintenant". Notre rapport à la littérature évolue dans ce sens: il y aura de plus en plus d'adaptations, de formats, de supports, de versions, mais aussi différents prix pour une même oeuvre littéraire, etc. Comme pour la musique aujourd'hui, il nous faut être de plus en plus instruits et riches pour posséder les bonnes versions.
= Les possibilités offertes par l'hypertexte ont-elles changé votre mode d'écriture?
a) Ce qui a changé: l'ordinateur connecté
Ce qui a changé: le bonheur d'écrire autrement, car ce qu'il se passe, depuis l'avènement d'ordinateurs multimédias, relativement peu coûteux, connectés au web, est qu'un certain nombre d'artistes éclairés par la fée électricité ont besoin d'être illuminés. Quelles que soient leurs confessions d'origine (arts visuels, littérature, poésie sonore, expérimentale…), elles/ils utilisent le média numérique comme un outil de création dont il faut découvrir les possibles. Le net étant évolutif, les artistes proposent le plus souvent des tentatives, c'est curieux, des works in progress, c'est opiniâtre, ou des pièces plus ambitieuses qui se construisent dans le temps, en fonction de l'amélioration du web (sa fluidité, sa résolution d'images, etc.). Ainsi le cyberartiste propose souvent des actualisations et des versions O.x. Voilà qui est intéressant et qui nous sort du marché. Pour l'anecdote: NON roman est diffusé gratuitement en épisodes par Synesthésie, une revue d'art contemporain, et a été plusieurs fois remanié au niveau de sa présentation. Pour toutes ces oeuvres, il n'y a pas de légitimité ou de caution "Art", et pourtant il y a déjà une quarantaine d'années d'expérimentation… Les observateurs les plus technophobes ne peuvent plus nier qu'il existe des créations informatiques, et que le raz-de-marée bleu pixel est irréversible.
b) Alors que faire avec l'HTX (HyperText Literature)?
Alors que faire, et comment, tout d'abord, appeler les e-arts visionnaires émergents qui utilisent le web - je m'en tiens là pour n'évoquer que ce que je connais concrètement.
(Nota Bene: le classique de demain est toujours visionnaire. Et ce n'est pas par un trait de génie, n'abusons pas de ce gros mot; un écrivain traditionnel peut s'adonner à l'écriture multimédia par lassitude de ce qu'est devenu le livre papier.)
Mais alors, l'HTX - la littérature HyperTeXtuelle- qui place l'écrit sur un ordinateur conçu par l'industrie du loisir planétaire, doit-elle être labelisée Netart? Littérature numérique? Qu'importent les appellations contrôlées, ce qui est irréversible est que cette redécouverte de la littérature, par exemple, s'inscrit dans un contexte industriel dominé par une économie sauvage (du logiciel libre au modèle de la start-up), par la guerre des monopoles (quel format pour le livre électronique = qui va remporter le marché, etc.). Conséquences: le cyberartiste le plus autiste ne crée pas hors du monde réel et sa production, il me semble pour l'instant, répond à la prolifération des images, la communication marchande, bref à des thèmes socio-contemporains. Cela est une généralité, certes, mais on peut observer qu'on assiste à un renouveau de l'engagement de fond et de forme, car fatalement, nous finissons, quelle que soit notre irrécupérable indépendance d'esprit, par rejoindre quelques collectifs d'internautes (via des listes de discussions, forums…) pour défendre un certain usage arty qui pourrait être des technologies numériques.
c) Le marché littéraire producteur d'ennui
Et là, sur ce territoire vierge à conquérir, on se sent libre d'inventer autre chose, on le doit puisqu'il n'y a pas vraiment de modèles ni références, et de toutes les façons, on nous somme de nous justifier! Et revenons à nos petits papiers: de quand datent les derniers débats littéraires: 1948, Qu'est-ce que la littérature? 1956, L'ère du soupçon? Merci Sartre et Sarraute. Et après quoi, fin 70, siècle XX? Ben, merci Deleuze et Lyotard. Depuis le rhizome, le post-modernisme, et le féminisme appliqué à la littérature qu'il ne faut pas oublier une fois de plus, rien sinon qu'aujourd'hui, de nombreux artistes ni brimés ni frustrés mais lucides, ayant un certain sens de l'histoire des arts littéraires, plastiques ou sonores, adoptent les nouveaux médias. Certains diront que c'est par une séduction mode, une fascination pour les technologies, allons bon. Personnellement, je dirais que c'est par ennui - ennui que le livre papier ait perdu sa magie, ennui que l'art tourne en rond dans les musées et les institutions, par exemple. Certes, ce désenchantement qui faisait très fin de siècle est une dégénérescence de pays riches où le "spectacle" a atteint les cimes du simulacre devant notre indifférence involontairement complice. Il faut bien réagir au moment où le déluge numérique se répand: ainsi, pour certains, connecter la littérature à la machine, c'est essayer de court-circuiter les institutions culturelles et le marché.
d) L'écrit réconcilié avec l'écran
La lucidité nous a donc ouvert les yeux sur quoi: un écran. Dans ce rectangle lumineux des lettres. Depuis l'archaïque minitel si décevant en matière de création télématique, c'est bien la première fois que, via le web, dans une civilisation de l'image, l'on voit de l'écrit partout présent 24 h /24, 7 jours /7. Je suis d'avis que si l'on réconcilie le texte avec l'image, l'écrit avec l'écran, le verbe se fera plus éloquent, le goût pour la langue plus raffiné et communément partagé. Faudra-t-il s'en justifier encore longtemps devant les éditeurs en papier mâché qui ont des idées de parchemin fripé? Faut-il les consoler en leur précisant que la fabrique de littérature numérique emprunte les recettes de la littérature traditionnelle (y compris celle écrite avec la voix, ou transmise sur des tablettes, voire enregistrée sur des papyrus, etc.) et pas seulement. Bref, il serait temps de rafraîchir cette bonne vieille littérature franco-française en phase d'épuisement. Ce n'est pas si grave, notre patrimoine nous sauve mais voilà la drôle de "mission" dont il convient de "acquitter"; ceci dit, les sermons, les positions qui risquent de se sanctifier en postures, les bonnes résolutions moralisantes, je m'en tape, mais pour le coup, j'y cède -, ou alors il faut s'arrêter de se plaindre de la désacralisation du livre comme vecteur de la connaissance et de la culture, de la désertion des lecteurs, de l'illettrisme rampant, de la tristesse désuète si austère du peuple des écrivains, de leur isolement subi, de la pauvreté des moyens financiers qu'on leur accorde, et cela face à une industrialisation concentrationnaire de l'édition qui assomme le livre à coups de pilon, etc.
e) Techno-hyper-écrivain, c'est quoi?
Alors qui sommes-nous? Les hyperécrivains de demain (comment les nommer?) seront peut-être les plasticiens qui utilisent le mot comme matière, les écrivains sensibles aux sonorités de l'image, à la mobilité des mots vus autant que lus, à l'objet texte, des graphistes qui ont le droit de faire de l'art, etc. Et ceux d'après-demain, ceux de la génération numérique innée, ne se poseront plus la question de savoir d'où tu parles, de quelle discipline artistique tu proviens, et quel est ton combat, camarade, comme ils disent.
A moindre frais donc, sans compétences informatiques d'ingénieur diplômé (si l'on compare l'exigeante programmation que demandaient les machines des années 70), l'apprenti techno-auteur peut aujourd'hui cumuler les casquettes de créateur producteur diffuseur… C'est inouï, planétaire, du jamais vu. Personnellement, par manque de mégalomanie ou par flemme (je n'ai jamais fait de mailing list de ma vie ni rédigé des lettres d'information ni envoyé d'autres types de faire-part aux e-communautés concernées, etc.), je préfère me soumettre à l'organisation affective du réseau qui me met en lien, ce qui est l'occasion de faire des rencontres, sympas. Cela pour dire que nous ne sommes pas forcément esclaves de toutes les libertés qu'offre la machine.
Mais si les écrivains français classiques en sont encore à se demander s'ils ne préfèrent pas le petit carnet Clairefontaine, le Bic ou le Mont-Blanc fétiche, et un usage modéré du traitement de texte, plutôt que l'ordinateur connecté, voire l'installation, c'est que l'HTX (littérature hypertextuelle, ndlr) nécessite un travail d'accouchement visuel qui n'est pas la vocation originaire de l'écrivain papier. En plus des préoccupations du langage (syntaxe, registre, ton, style, histoire…), le techno-écrivain - collons-lui ce label pour le différencier - doit aussi maîtriser la syntaxe informatique et participer à l'invention de codes graphiques car lire sur un écran est aussi regarder. De plus, regarder n'est pas forcément contempler, soit rester passif car, par idéologie empreinte dans l'interface même de tout ordinateur connecté ou du CD-Rom (bientôt le DVD pour tous en attendant le reste), il y a cette contrainte de l'interactivité.
Ce genre de création multimédia et hypertextuelle pose une série de questions:
1/ Peut-on lire sur écran de l'écrit qui ne soit pas mis en scène? L'environnement visuel contribue-t-il à enrichir vraiment le propos d'une fiction narrative?
2/ Est-ce que le techno-écrivain doit être l'auteur de la mise en écran de ses écrits pour ne pas être dépossédé de ses intentions? Doit-il produire lui-même ses images? Doit-il en mettre? Quel est leur statut par rapport au texte? Si un graphiste compose des images, y aura-t-il collaboration ou trahison?
3/ L'apprentissage des logiciels d'images, de divers langages informatiques, des limites et des possibilités du support choisi, ne peut être que non théorique, empirique. Est-ce une perte de temps pour celui qui crée le fond de la fiction? Et si l'auteur du texte ne réalise pas lui-même la mise en scène numérique, quels types de document doit-il remettre au réalisateur multimédia? En plus du texte, il devra concevoir un scénario non-linéaire, interactif, une arborescence hypernarrative, un story board visuel, des notes d'intention esthétique? Quel est son statut d'auteur dès lors: il devient scénariste?
4/ L'HTX (littérature hypertextuelle, ndlr) qui passe par le savoir-faire technologique rapproche donc le techno-écrivain du scénariste, du BD dessinateur, du plasticien, du réalisateur de cinéma, quelles en sont les conséquences au niveau éditorial? Faut-il prévoir un budget de production en amont? Qui est l'auteur multimédia? Qu'en est-il des droits d'auteur? Va-t-on conserver le copyright à la française? L'HTX sera publiée par des éditeurs papier ayant un département multimédia? De nouveaux éditeurs vont émerger et ils feront un métier proche de la production? Est-ce que nous n'allons pas assister à un nouveau type d'oeuvre collective? Bientôt le sampling littéraire protégé par le copyleft?
5/ Revenons à des questions de création: l'écran change la perception du texte, peut imposer une vitesse de lecture, un environnement graphique frôle souvent le piège décoratif. Résultat: la liberté imaginaire du lecteur serait dominée par la machine et son joli petit écran fascinant le temps d'une mode permise par quelques javatrucs ou par quelques logiciels Flash bientôt obsolètes? Nous savons que la machine séduit, alors comment la trans-former pour qu'elle nous émerveille sans artifices faciles? On le sait: le multimédia, livré à la guerre économique des monopoles, produit des oeuvres instables mais l'intérêt arty n'en est pas moins solide!
6/ Qu'en est-il du "montage" hypertextuel? Pour aller vite, disons que la lecture sur écran impose d'écrire un livre ouvert à de nombreuses propositions hypertextuelles? N'est-ce pas un gadget hyperaliénant, cette prétendue interactivité? Est-ce que le cyberécrivain n'accorde pas trop de temps et d'énergie à stimuler une collaboration interactive avec le lecteur? Le lecteur n'aurait-il pas tendance à se perdre dans les intertextes et les possibles narratifs? Voici le danger: l'hypertexte peut se transformer en "hypotexte". Souvent, on peut observer que le lecteur novice clique de lien en lien pour encadrer son territoire de lecture. Et lorsqu'il revient en arrière, il se perd et perd son envie de lire sur écran. Mais n'est-ce pas par manque d'habitude culturelle? Il faut donc réapprendre à écrire et à lire sur écran. Quant aux questions de structure de récit ouverte, rien de nouveau car qu'est-ce qu'un roman non-linéaire sinon les Essais de Montaigne? Et même la didactique démonstration balzacienne? Le mémorable hypertexte proustien?… pour ne citer que des classiques.
f) Changeons d'écran
Et voici le changement que j'attends: arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post-Gutenberg. Le e-book retro-éclairé pour l'instant a la mémoire courte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc.
Donc ce que l'on attend pour commencer: l'écran souple comme feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l'information, des créations…) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d'image acceptable. Dès lors nous pourrons nous repaître d'oeuvres multimédias sur les terrasses de café, alanguis sur un canapé, au bord d'une rivière, à l'ombre des cerisiers en fleurs…
= Comment voyez-vous l'avenir?
Comme tous ceux qui ont surfé avec des modems de 14.4 Ko sur le navigateur Mosaic et son interface en carton-pâte, je suis déçue par le fait que l'esprit libertaire ait cédé le pas aux activités libérales décérébrantes. Les frères ennemis devraient se donner la main comme lors des premiers jours car le net à son origine n'a jamais été un repaire de "has been" mélancoliques, mais rien ne peut résister à la force d'inertie de l'argent. C'était en effet prévu dans le scénario, des stratégies utopistes avaient été mises en place mais je crains qu'internet ne soit plus aux mains d'internautes comme c'était le cas. L'intelligence collective virtuelle pourtant se défend bien dans divers forums ou listes de discussions, et ça, à défaut d'être souvent efficace, c'est beau. Dans l'utopie originelle, on aurait aimé profiter de ce nouveau média, notamment de communication, pour sortir de cette tarte à la crème qu'on se reçoit chaque jour, merci à la société du spectacle, et ne pas répéter les erreurs de la télévision qui n'est, du point de vue de l'art, jamais devenue un média de création ambitieux.
Sinon, les écrivains français, c'est historique, sont dans la majorité technophobes… Les institutions culturelles et les universitaires lettrés en revanche soutiennent les démarches hyperlittéraires à force de colloques et publications diverses. Du côté des plasticiens, je suis encore plus rassurée, il est acquis que l'art en ligne existe.
= Comment voyez-vous l'évolution vers un web véritablement mutilingue?
Puisque la France s'inscrit dans une tradition d'interventionnisme de la puissance publique (l'Etat, les collectivités locales…) en matière de culture, nos institutions devraient financer des logiciels de traduction simultanée - ils seront opérants bientôt…-, et plus simplement, donner des aides à la traduction, et cela dans le cadre d'une stratégie de développement de la francophonie. Les acteurs culturels sur le web, par exemple, auraient plus de facilité pour présenter leur site en plusieurs langues. Les chiffres de septembre 2000 montrent que 51% des utilisateurs sont anglo-saxons, et 78% des sites aussi. Les chiffres de cette prépondérance baissent à mesure qu'augmentent le nombre des internautes de par le monde… L'anglais va devenir la deuxième langue mondiale après la langue natale, mais il y aura d'autres. Un exemple: personnellement, à l'âge de 4 ans, je parlais trois langues alors que je ne savais ni lire ni écrire. Pour parler une langue, il peut suffire d'avoir la chance de l'écouter. On peut espérer que le cosmopolitisme traverse toutes les classes sociales en raison, par exemple, de l'Union européenne, du nomadisme des travailleurs, de la facilité de déplacement à l'étranger des étudiants, de la présence des chaînes TV et sites étrangers, etc.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Le délire SF du type: "bienvenue dans la 3e dimension, payez-vous du sexe, des voyages et des vies virtuels" a toujours existé. La méditation, l'ésotérisme, les religions y pourvoient, etc. Maintenant, on est dans le cyberspace… Un exemple: dans l'industrie, la recherche.
= Et la société de l'information?
Je préférerais parler de "communautés de l'information"… Nous sommes plutôt dans une société de la communication et de la commutation. Il est très discutable de savoir si nos discussions sont de meilleure qualité et si nous serions plus savants… Etre informé n'est pas être cultivé. Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
En 1997 ou 1998, j'ai eu droit aux honneurs de la censure. L'une de mes nouvelles mises en ligne, aujourd'hui publiée honorablement sur support papier, était censurée par mon hébergeur. Il était inexact que ma petite histoire noire quoique teintée d'humour était un hommage rendu à un tueur en série pédophile, et cela bien que ce soit en effet le sujet. Mais voilà, par un matin gris acier, on apprit que quelques fournisseurs de services en ligne avaient été embarqués au commissariat de police le plus proche. Ils étaient tenus pour responsables du contenu des dizaines de milliers sites qu'ils hébergent! Et fatalement quelques-uns étaient suspects d'invitation à la haine raciale, au non-respect de la personne, etc. Ma petite nouvelle n'en faisait évidemment pas partie mais j'étais très amusée du fait qu'un "robot trieur", le genre de nettoyeur informatique qui obéit aux ordres des censeurs, ait attenté, par erreur, à ma liberté d'expression.
= Et votre pire souvenir?
Il s'agit d'une vraie anecdote virtuelle: un soir, je reçois un mail sous pseudonyme m'annonçant que NON, mon roman hypermédia, avait été éradiqué de la planète net. Immédiatement, je me connecte sur mon site. Rien. Je me débranche, ouvre mon disque dur à la recherche de NON. Rien. Je cherche mes disques de sauvegarde. Volatilisés. Cinq ans de travail broyés par la masse des pixels!… Et c'est à ce moment là que je me suis réveillée… Le mauvais rêve!
ANNE-CECILE BRANDENBOURGER [FR]
[FR] Anne-Cécile Brandenbourger (Bruxelles)
#Auteur de La malédiction du parasol, hyper-roman publié aux éditions 00h00.com
La malédiction du parasol a d'abord eu pour nom: Apparitions inquiétantes. La version originale s'est développée sous forme de feuilleton pendant deux ans sur le site d'Anacoluthe. Il s'agit d'"une longue histoire à lire dans tous les sens, un labyrinthe de crimes, de mauvaises pensées et de plaisirs ambigus…" Une histoire qui trouve son aboutissement en étant publiée le le 8 février 2000 aux éditions 00h00.com, en tant que premier titre de la collection 2003, consacrée aux nouvelles écritures numériques.
Suite à son succès, le 25 août 2000, le roman est réédité en version imprimée aux éditions "Florent Massot présente", avec une couverture en 3D. Pour marquer l'événement, même si le texte n'a pas changé, un nouveau titre est donné au livre.
La malédiction du parasol est "un cyber-polar fait de récits hypertextuels imbriqués en gigogne, lit-on sur le site de 00h00. Entre personnages de feuilleton américain et intrigue policière, le lecteur est - hypertextuellement - mené par le bout du nez dans cette saga aux allures borgésiennes. (…) C'est une histoire de meurtre et une enquête policière; des textes écrits court et montés serrés; une balade dans l'imaginaire des séries télé; une déstructuration (organisée) du récit dans une transposition littéraire du zapping; et par conséquent, des sensations de lecture radicalement neuves. (A noter que la version 'papier' adaptée de cette narration hypertextuelle restitue presque exactement le rythme et le nerf de l'écran.)"
*Entretien du 5 juin 2000
= Les possibilités offertes par l'hypertexte ont-elles changé votre mode d'écriture?
Les possibilités offertes par l'hypertexte m'ont permis de développer et de donner libre cours à des tendances que j'avais déjà auparavant. J'ai toujours adoré écrire et lire des textes éclatés et inclassables (comme par exemple La vie mode d'emploi de Perec ou Si par une nuit d'hiver un voyageur de Calvino) et l'hypermédia m'a donné l'occasion de me plonger dans ces formes narratives en toute liberté. Car pour créer des histoires non linéaires et des réseaux de textes qui s'imbriquent les uns dans les autres, l'hypertexte est évidemment plus approprié que le papier.
Je crois qu'au fil des jours, mon travail hypertextuel a rendu mon écriture de plus en plus intuitive. Plus "intérieure" aussi peut-être, plus proche des associations d'idées et des mouvements désordonnés qui caractérisent la pensée lorsqu'elle se laisse aller à la rêverie. Cela s'explique par la nature de la navigation hypertextuelle, le fait que presque chaque mot qu'on écrit peut être un lien, une porte qui s'ouvre sur une histoire.
= Deux portraits de l'auteur
- sur le site d'Anacoluthe,
- sur le site des éditions 00h00.com.
ALAIN BRON [FR, EN, ES]
[FR] Alain Bron (Paris)
#Consultant en systèmes d'information et écrivain. L'internet est un des personnages de son roman Sanguine sur toile.
Après des études d'ingénieur en France et aux États-Unis et un poste de directeur de grands projets chez Bull, Alain Bron est maintenant consultant en systèmes d'information chez EdF/GdF (Electricité de France / Gaz de France).
Son deuxième roman, Sanguine sur toile (1999), est disponible en version imprimée aux éditions du Choucas et en version numérique (format PDF) aux éditions 00h00.com. Il a reçu le Prix du Lions Club International 2000.
Alain Bron est également l'auteur d'un autre roman, Concert pour Asmodée (publié en 1998 aux éditions La Mirandole), et de plusieurs essais socio-économiques, dont La démocratie de la solitude (avec Laurent Maruani, 1997) et La gourmandise du tapir (avec Vincent de Gaulejac, 1996), parus chez DDB (Desclée de Brouwer).
*Entretien du 29 novembre 1999
= Quel est le thème de votre roman Sanguine sur toile?
La "toile", c'est celle du peintre, c'est aussi l'autre nom d'internet: le web - la toile d'araignée. "Sanguine" évoque le dessin et la mort brutale. Mais l'amour des couleurs justifierait-il le meurtre? Sanguine sur toile évoque l'histoire singulière d'un internaute pris dans la tourmente de son propre ordinateur, manipulé à distance par un très mystérieux correspondant qui n'a que vengeance en tête.
J'ai voulu emporter le lecteur dans les univers de la peinture et de l'entreprise, univers qui s'entrelacent, s'échappent, puis se rejoignent dans la fulgurance des logiciels. Le lecteur est ainsi invité à prendre l'enquête à son propre compte pour tenter de démêler les fils tressés par la seule passion. Pour percer le mystère, il devra répondre à de multiples questions. Le monde au bout des doigts, l'internaute n'est-il pas pour autant l'être le plus seul au monde? Compétitivité oblige, jusqu'où l'entreprise d'aujourd'hui peut-elle aller dans la violence? La peinture tend-elle à reproduire le monde ou bien à en créer un autre? Enfin, j'ai voulu montrer que les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voire pour tuer.
= Quelle est la place de l'internet dans ce roman?
Dans le roman, internet est un personnage en soi. Plutôt que de le décrire dans sa complexité technique, le réseau est montré comme un être tantôt menaçant, tantôt prévenant, maniant parfois l'humour. N'oublions pas que l'écran d'ordinateur joue son double rôle: il montre et il cache. C'est cette ambivalence qui fait l'intrigue du début à la fin. Dans ce jeu, le grand gagnant est bien sûr celui ou celle qui sait s'affranchir de l'emprise de l'outil pour mettre l'humanisme et l'intelligence au-dessus de tout.
= Quel est le thème du dossier: Internet: anges et démons!, dont vous êtes à l'origine?
La revue Cultures en mouvement, à laquelle je participe périodiquement, m'a demandé en avril 1999 de diriger un dossier spécial sur la cyberculture. J'ai donc réuni les spécialistes de disciplines très différentes comme un économiste, un sociologue, un psychiatre, un artiste, un responsable d'association,… pour parler d'internet. Nous sommes vite tombés d'accord sur un point essentiel: internet apporte le meilleur comme le pire. Nous avons donc appelé le dossier: Internet: anges et démons! L'ensemble des articles a été publié dans le magazine et dans le même temps nous avons ouvert un site hébergé alors sur place-internet.com. Des articles dans la presse ont salué ce site qui parle d'internet sans frénésie et avec un recul salutaire.
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
J'ai passé une vingtaine d'années chez Bull. Là, j'ai participé à toutes les aventures de l'ordinateur et des télécommunications, j'ai été représentant des industries informatiques à l'ISO(Organisation internationale de normalisation), et chairman du groupe réseaux du consortium X/Open. J'ai connu aussi les tout débuts d'internet avec mes collègues de Honeywell aux Etats-Unis (fin 1978). Je suis actuellement consultant en systèmes d'information chez EdF/GdF où je m'occupe de la bonne marche des grands projets informatiques dans ces entreprises et dans leurs filiales internationales. Et j'écris. J'écris depuis mon adolescence. Des nouvelles (plus d'une centaine), des essais psycho-sociologiques (La gourmandise du tapir et La démocratie de la solitude), des articles et des romans. C'est à la fois un besoin et un plaisir jubilatoire.
= Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?
Comme je suis tombé dans la marmite tout jeune, je n'ai pas l'impression d'avoir été affecté par le phénomène. J'ai un recul suffisant pour reconnaître les erreurs que j'ai pu commettre avec cet outil et pour prévenir de son usage en évitant le syndrome de l'ancien combattant.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Ce qui importe avec internet, c'est la valeur ajoutée de l'humain sur le système. Internet ne viendra jamais compenser la clairvoyance d'une situation, la prise de risque ou l'intelligence du coeur. Internet accélère simplement les processus de décision et réduit l'incertitude par l'information apportée. Encore faut-il laisser le temps au temps, laisser mûrir les idées, apporter une touche indispensable d'humanité dans les rapports. Pour moi, la finalité d'internet est la rencontre et non la multiplication des échanges électroniques.
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Je considère aujourd'hui le web comme un domaine public. Cela veut dire que la notion de droit d'auteur sur ce média disparaît de facto: tout le monde peut reproduire tout le monde. La création s'expose donc à la copie immédiate si les copyrights ne sont pas déposés dans les formes usuelles et si les oeuvres sont exposées sans procédures de revenus. Une solution est de faire payer l'accès à l'information, mais cela ne garantit absolument pas la copie ultérieure. Pour les romans, je préfère de toute façon la forme papier.
= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?
Il y aura encore pendant longtemps l'usage de langues différentes et tant mieux pour le droit à la différence. Le risque est bien entendu l'envahissement d'une langue au détriment des autres, donc l'aplanissement culturel.
Je pense que des services en ligne vont petit à petit se créer pour pallier cette difficulté. Tout d'abord, des traducteurs pourront traduire et commenter des textes à la demande, et surtout les sites de grande fréquentation vont investir dans des versions en langues différentes, comme le fait l'industrie audiovisuelle.
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
A la suite de la parution de mon deuxième roman, Sanguine sur toile, j'ai reçu un message d'un ami que j'avais perdu de vue depuis plus de vingt ans. Il s'était reconnu dans un personnage du livre. Nous nous sommes revus récemment autour d'une bouteille de Saint-Joseph et nous avons pu échanger des souvenirs et fomenter des projets…
= Et votre pire souvenir?
Virus, chaînes du "bonheur", sollicitations commerciales, sites fascistes, informations non contrôlées, se développent en ce moment à très grande échelle. Je me pose sérieusement la question: "Quel bébé ai-je bien pu contribuer à faire naître?"
[EN] Alain Bron (Paris)
#Information systems consultant and writer. The Internet is one of the "characters" of his novel Sanguine sur toile (Sanguine on the Web).
After studying engineering in France and the US and a job as head of major projects at Bull, Alain Bron is now an information systems consultant at EdF/GdF (Electricité de France / Gaz de France).
His second novel, Sanguine sur toile (Sanguine on the Web), is available in
print from Editions du Choucas (published in 1999) and in PDF format from
Editions 00h00.com (published in 2000). It won the Lions Club International
Prize in 2000.
Alain Bron wrote another novel, Concert pour Asmodée (Concert for Asmodée) (published in 1998 by Editions La Mirandole), and a collection of psycho-sociological essays, notably La démocracie de la solitude (The Democracy of Solitude) (with Laurent Maruani, 1997) and La gourmandise du tapir (The Greed of the Tapir) (with Vincent de Gaulejac, 1996), both published by DDB (Desclée de Brauwer).
*Interview of November 29, 1999 (original interview in French)
= Can you tell us a bit about your novel Sanguine sur toile?
In French, "toile" means the Web as well as the canvas of a painting, and "sanguine" is the red chalk of a drawing as well as one of the adjectives derived from blood (sang). But would a love of colours justify a murder? Sanguine sur toile is the strange story of an Internet surfer caught up in an upheaval inside his own computer, which is being remotely operated by a very mysterious person whose only aim is revenge.
I wanted to take the reader into the worlds of painting and enterprise, which intermingle, escaping and meeting up again in the dazzle of software. The reader is invited to try to untangle for himself the threads twisted by passion alone. To penetrate the mystery, he will have to answer many questions. Even with the world at his fingertips, isn't the Internet surfer the loneliest person in the world?
In view of the competition, what's the greatest degree of violence possible in an enterprise these days? Does painting tend to reflect the world or does it create another one? I also wanted to show that images are not that peaceful. You can use them to take action, even to kill.
= What part does the Internet play in your novel?
Internet is a character in itself. Instead of being described in its technical complexity, it's depicted as a character that can be either threatening, kind or amusing. Remember the computer screen has a dual role — displaying as well as concealing. This ambivalence is the theme throughout. In such a game, the big winner is of course the one who knows how to free himself from the machine's grip and put humanism and intelligence before all else.
= Can you also tell us about your issue: Internet: anges et démons! (The
Internet: Angels and Devils!)?
Cultures en mouvement (Cultures in Movement), a magazine I sometimes write for, asked me in April 1999 to guest-edit a special issue on cyberculture. I brought together specialists from very different fields — an economist, a sociologist, a psychiatrist, an artist, the head of an association — to talk about the Internet. We quickly agreed that the Internet brings out the best as well as the worst. So we called the special issue Internet: anges et démons! (The Internet: Angels and Devils!). The articles were published in the magazine at the same time as we opened a site with the same name hosted by place-internet.com. The media praised the site, which presents the Internet calmly and with a healthy reserve.
= What exactly is your professional activity?
I spent about 20 years at Bull. There I was involved in all the adventures of computer and telecommunications development. I represented the computer industry at ISO (International Organization for Standardization) and chaired the network group of the X/Open consortium. I also took part in the very beginning of the Internet with my colleagues of Honeywell in the US in late 1978. I'm now an information systems consultant at EdF/ GdF (Electricité de France / Gaz de France), where I keep the main computer projects of these firms and their foreign subsdiaries running smoothly. And I write. I've writing since I was a teenager. Short stories (about 100), psycho-sociological essays, articles and novels. It's an inner need as well as a very great pleasure.
= How did using the Internet change your professional life?
As I fell into computers when I was very young, I don't think I was affected by the Internet. I can look at it with enough distance to recognize the mistakes I made with it and to warn about its misuse, while avoiding veteran's fatigue and burn-out.
= How do you see the future?
The important thing about the Internet is the human value that's added to it. The Internet can never be shrewd about a situation, take a risk or replace the intelligence of the heart. The Internet simply speeds up the decision-making process and reduces uncertainty by providing information. We still have to leave time to time, let ideas mature and bring an essential touch of humanity to a relationship. For me, the aim of the Internet is meeting people, not increasing the number of electronic exchanges.
= What do you think of the debate about copyright on the Web?
I regard the Web today as a public domain. That means in practice the notion of copyright on it disappears: everyone can copy everyone else. Anything original risks being copied at once if copyrights are not formally registered or if works are available without payment facilities. A solution is to make people pay for information, but this is no watertight guarantee against it being copied. Anyway, with novels, I prefer them in paper form.
= How do you see the growth of a multilingual Web?
Different languages will still be used for a long time to come and this is healthy for the right to be different. The risk is of course an invasion of one language to the detriment of others, and with it the risk of cultural standardization. I think online services will gradually emerge to get around this problem. First, translators will be able to translate and comment on texts by request, but mainly sites with a large audience will provide different language versions, just as the audiovisual industry does now.
= What is your best experience with the Internet?
After my second novel, Sanguine sur toile, was published, I got a message from a friend I'd lost touch with more than 20 years ago. He recognized himself as one of the book's characters. We saw each other again recently over a good bottle of wine and swapped memories and discussed our plans.
= And your worst experience?
Viruses, "happiness" chain letters, business soliciting, extreme right-wing sites and unverified information are spreading very quickly these days. I'm seriously asking myself: "What kind of baby did I help to bring into the world?"
[ES] Alain Bron (Paris)
#Consultor en sistemas de información y escritor. Internet es uno de los personajes de su novela Sanguine sur toile (Sanguínea sobre la Red).
Tras estudios de ingeniería en Francia y en los Estados Unidos, y un cargo de director de grandes proyectos en Bull, Alain Bron es ahora consultor en sistemas de información en EdF/GdF (Electricité de France / Gaz de France).
Su segunda novela, Sanguine sur toile (Sanguínea sobre la Red) está disponible en versión impresa en la editorial Le Choucas (publicada en 1999) y en versión digital (formato PDF) en la editorial 00h00 (publicada en 2000). Recibió el Premio del Lions Club nternacional 2000.
Alain Bron es el autor de una otra novela, Concert pour Asmodée (Concierto para Asmodée) (publicada en 1998 en la editorial La Mirandole), y de ensayos socio-económicos, particularmente La démocracie de la solitude (La democracia de la soledad) (con Laurent Maruani, 1997) y La Gourmandise du tapir (La gula del tapir) (con Vincent de Gaulejac, 1996), publicados por DDB (Desclée de Brouwer).
*Entrevista del 29 de noviembre de 1999 (entrevista original en francés)
= ¿Podría Ud. presentar su novela Sanguine sur toile?
En francés, la palabra "toile" significa la tela del pintor, y a su vez, se la llama también así a la Red (la telaraña electrónica). La palabra "sanguine" se refiere a la técnica de dibujo (hecho con un lápiz rojo) y al mismo tiempo quiere decir "sanguíneo" (de sangre), una muerte brutal. ¿Pero justificaría el amor de los colores el asesinato? Sanguine sur toile evoca la historia singular de un internauta atrapado en la tormenta de su propia computadora, manipulada a distancia por un correspondiente muy misterioso que piensa solamente en vengarse.
Quise llevar al lector en los universos de la pintura y de la empresa, universos que se entrelazan, se escapan, después se juntan en la fulgurancia de los programas. El lector es así invitado a tomar la investigación por su propia cuenta para intentar desenredar los hilos complicados sólo por la pasión. Para penetrar en el misterio, tendrá que contestar a múltiples preguntas. Con el mundo en la punta de los dedos, ¿y por consecuencia, no es el internauta la persona más sola del mundo? Debido a la competencia de hoy en día, ¿hasta dónde puede ir la empresa en la violencia? ¿Tiende la pintura a reproducir un mundo o a crear otro? En fín, quise mostrar que las imágenes no son tan sensatas. Se pueden utilisar para actuar, incluso para matar. ¿Cuál es el papel de Internet en esta novela?
En la novela, Internet es un personaje en sí mismo. En lugar de describirlo en su complejidad técnica, la Red es mostrada como un ser a veces amenazador, otras veces esmerado, a veces manejando el humor. No olvidemos que la pantalla de la computadora juega su doble papel: muestra y oculta. Es esta ambivalencia que hace la intriga del principio al fín. En este juego, el gran ganador es el/la que sabe liberarse de la influencia del instrumento para poner el humanismo y la inteligencia sobre todo.
= ¿Podría Ud. describir su expediente: Internet: anges et démons! (Internet: ángeles y demonios!)?
La revista Cultures en mouvement (Culturas en Movimiento), en la cual participo periódicamente, me solicitó en abril de 1999 de dirigir un expediente especial sobre la cibercultura. Por lo tanto reuní a especialistas de disciplinas muy diversas como un economista, un sociólogo, un psiquiatra, un artista, un responsable de asociación, etc. para hablar de Internet. Nos pusimos de acuerdo rápidamente sobre un punto esencial: Internet trae lo mejor, como lo peor. Es la razón por la cual llamamos al expediente: Internet: anges et démons! (Internet: ángeles y demonios!) La totalidad de artículos fue publicada en la revista y al mismo tiempo abrimos un sitio alojado sobre place-internet.com. Los artículos en la prensa aclamaron este sitio que habla de Internet sin frenesí y con un retroceso saludable.
= ¿Podría Ud. presentar su actividad profesional?
Trabajé alrededor de 20 años en la empresa Bull. Allí participé en todas las aventuras de la informática y de las telecomunicaciones. Fui el representante de los industrias informáticas en la ISO (Organización Internacional de Normalización), y presidente del grupo redes del consorcio X/Open. Conocí también los primeros pasos de Internet con mis colegas de Honeywell en los Estados Unidos (fin 1978). Actualmente soy consultor en sistemas de información en EdF/ GdF (Electricité de France / Gaz de France) y me encargo de importantes proyectos informáticos en estas empresas y sus sucursales internacionales. Y escribo. Escribo desde mi adolescencia. Cuentos (más de una centena), ensayos psicó-sociológicos, artículos y novelas. Es a la vez una necesidad y un placer del que gozo muchísimo.
= ¿Cuáles son los cambios obtenidos por Internet en su vida profesional?
Como caí dentro desde muy joven, no tengo la impresión de haber sido afectado por el fenómeno. Sé cuándo dar un paso atrás para reconocer los errores que pude haber cometido con este instrumento y para prevenir de su mal uso evitando el síndrome del ex-combatiente.
= ¿Cómo ve Ud. el futuro?
Lo que importa con Internet, es el valor añadido del ser humano sobre el sistema. Internet nunca vendrá a compensar la clarividencia de una situación, la toma de riesgo o la inteligencia del corazón. Internet solamente acelera los procesos de decisión y reduce la incertidumbre por la información aportada. Pero se tiene que dejar el tiempo al tiempo, dejar madurar las ideas, dar un toque indispensable de humanidad en las relaciones. Para mí, la finalidad de Internet es el encuentro, y no la multiplicación de los intercambios electrónicos.
= ¿Qué piensa Ud. de los debates con respecto a los derechos de autor en la Red?
Considero hoy la Red como un dominio público. Eso significa que la noción de derecho de autor desaparece de hecho: todos podemos reproducir lo de todos. La creación se expone por consecuencia a la copia inmediata si los derechos de copiado no están presentados en las formas usuales y si las obras están expuestas sin las formalidades de ingresos. Una solución es de hacer pagar el acceso a la información, pero eso no garantiza en absoluto la copia ulterior. Para las novelas, de todos modos me gustan más en la forma impresa.
= ¿Cómo ve Ud. la evolución hacia un Internet multilingüe?
Habrá todavía y durante mucho tiempo el uso de lenguas diferentes y qué mejor, por el derecho a la diferencia. El riesgo es por supuesto la invasión de una lengua en perjuicio de otras, y por lo tanto la nivelación cultural al detrimento de las otras.
Pienso que poco a poco servicios en línea van a crearse para paliar esta dificuldad. Antes que nada, algunos traductores podrán traducir y comentar textos según la petición, y sobre todo los sitios más frecuentados van a invertir en versiones en lenguas diversas, como lo hace la industria audiovisual.
= ¿Cuál es su mejor recuerdo relacionado con Internet?
Después de la publicación de mi segunda novela Sanguine sur toile, recibí un mensage de un amigo que había perdido de vista desde hace más de veinte años. Se había reconocido en un personaje del libro. Nos vimos de nuevo recientemente, y con una botella de vino pudimos intercambiar algunos recuerdos y promover unos proyectos…
= ¿Y su peor recuerdo?
Virus, cadenas de "felicidad", peticiones comerciales, sitios fascistas, informaciones no controladas se desarollan en este momento a gran escala. Con seriedad me hago la pregunta: "¿Para qué bebé pude contribuir a lograr su nacimiento?"
PATRICE CAILLEAUD [FR]
[FR] Patrice Cailleaud (Paris)
#Membre fondateur et directeur de la communication de HandiCaPZéro
*Entretien du 22 janvier 2001
= Pouvez-vous décrire l'activité de HandiCaPZéro?
Permettre à la personne déficiente visuelle d'aborder de façon autonome sa vie quotidienne en lui facilitant les accès à l'information, à la consommation, à la citoyenneté. Porter cette aspiration et la conduire jusqu'à ce qu'elle trouve sa légitimité auprès des acteurs de la vie socio-économique et de l'opinion publique.
= Pouvez-vous décrire votre site web?
Réflexions, conceptions, tests ont longtemps été à l'étude pour donner aux internautes aveugles et malvoyants un véritable outil doté d'informations pragmatiques. Depuis le 15 septembre 2000, tous les services de l'association dans des domaines comme les loisirs, la télé, la communication, la santé sont accessibles sur le site www.handicapzero.org. Plus de barrage pour les internautes aveugles: quel que soit le type de périphérique employé (synthèse vocale, plage braille), la navigation se fait sans obstacle. Par exemple, les images et illustrations qui abondent sur la toile et rendent les sites inaccessibles à cette population sont légendées. Plus d'illisibilité pour les internautes malvoyants: pour la première fois sur le web, le site dispose, dès la page d'accueil, d'une interface "confort de lecture" qui permet, en fonction de son potentiel visuel, de choisir la couleur de l'écran, la taille et la couleur de la police. Les pages vues à l'écran sont également imprimables selon le format défini.
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
Convaincre les décideurs socio-économiques de prendre en compte les besoins spécifiques des usagers, clients et citoyens déficients visuels. Mettre en oeuvre les dispositifs d'accessibilité.
= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?
J'ai participé à la conception éditoriale et graphique du site. Aujourd'hui, mon rôle consiste à développer de nouveaux services accessibles pour le site.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Internet n'est pas entré dans la majorité des foyers des personnes déficientes visuelles. A cela, trois principales raisons:
- l'âge du public concerné, qui se situe au delà de la soixantaine (pour 70% du public);
- le coût trop élevé pour une acquisition personnelle d'un matériel spécialisé;
- le nombre trop restreint de sites accessibles de façon autonome.
L'avenir de l'accès à l'information pour les personnes aveugles devrait passer par le web. Ce support, à condition d'une responsabilité des développeurs de sites sous l'impulsion d'une autorité qui commence à légiférer, donne un accès instantané à une information actuelle au contraire des supports braille ou caractères agrandis qui nécessitent des délais et des coûts d'adaptation, de transcription et fabrication.
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
L'essentiel de l'activité de HandiCaPZéro aujourd'hui reste l'impression de documents papier braille et caractères agrandis. La majorité du public auquel s'adresse l'association n'est pas encore internaute.
= Les jours du papier sont-ils comptés?
Non, au contraire. L'internet dope les ventes de livres, comme celles des disques, quoiqu'en disent les éditeurs regroupés en association de défense de leurs intérêts. Par ailleurs, les imprimantes des micro-ordinateurs, classiques ou braille, n'ont jamais été autant sollicitées depuis l'accès au web.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Il devrait s'imposer comme une nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles et malvoyantes.
= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?
Pour l'instant, les déficients visuels sont les grands bénéficiaires du manque de législation sur la toile. Pourvu que ça dure! Les droits et autorisations d'auteurs étaient et demeurent des freins pour l'adaptation en braille ou caractères agrandis d'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n'aboutissent que trop rarement.
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?
Pour les développeurs de sites que ça intéresse, des recommandations sont disponibles en nous contactant à [voir le courriel sur le site], ou sur des sites comme VoirPlus ou BrailleNet. En règle générale, les dispositions à prendre ne sont pas trop contraignantes. Il ne faudrait pas que le message pour rendre un site accessible soit trop compliqué au risque de dissuader les bonnes volontés.
TYLER CHAMBERS [EN, FR]
[EN] Tyler Chambers (Boston, Massachusetts)
#Creator of The Human-Languages Page (who became iLoveLanguages in 2001) and The
Internet Dictionary Project
The Human-Languages Page (created by Tyler Chambers in May 1994) and the Languages Catalog of the WWW Virtual Library redesigned the site in 2001 to become iLoveLanguages in 2001. It is now a comprehensive catalog of more than 2.000 language-related Internet resources in more than 100 different languages.
Tyler Chambers' other main language-related project is The Internet Dictionary Project, initiated in 1995. Its "goal is to create royalty-free translating dictionaries through the help of the Internet's citizens. This site allows individuals from all over the world to visit and assist in the translation of English words into other languages. The resulting lists of English words and their translated counterparts are then made available through this site to anyone, with no restrictions on their use." (extract from the website)
*Interview of September 14, 1998
= How did using the Internet change your professional life?
My professional life is currently completely separate from my Internet life. Professionally, I'm a computer programmer/techie (in Boston, Massachusetts) — I find it challenging and it pays the bills. Online, my work has been with making language information available to more people through a couple of my Web-based projects. While I'm not multilingual, nor even bilingual, myself, I see an importance to language and multilingualism that I see in very few other areas. The Internet has allowed me to reach millions of people and help them find what they're looking for, something I'm glad to do. It has also made me somewhat of a celebrity, or at least a familiar name in certain circles — I just found out that one of my Web projects had a short mention in Time Magazine's Asia and International issues. Overall, I think that the Web has been great for language awareness and cultural issues — where else can you randomly browse for 20 minutes and run across three or more different languages with information you might potentially want to know? Communications mediums make the world smaller by bringing people closer together; I think that the Web is the first (of mail, telegraph, telephone, radio, TV) to really cross national and cultural borders for the average person. Israel isn't thousands of miles away anymore, it's a few clicks away — our world may now be small enough to fit inside a computer screen.
= How do you see the growth of a multilingual Web?
Multilingualism on the Web was inevitable even before the medium "took off", so to speak. 1994 was the year I was really introduced to the Web, which was a little while after its christening but long before it was mainstream. That was also the year I began my first multilingual Web project, and there was already a significant number of language-related resources online. This was back before Netscape even existed — Mosaic was almost the only Web browser, and web pages were little more than hyperlinked text documents. As browsers and users mature, I don't think there will be any currently spoken language that won't have a niche on the Web, from Native American languages to Middle Eastern dialects, as well as a plethora of "dead" languages that will have a chance to find a new audience with scholars and others alike on-line. To my knowledge, there are very few language types which are not currently online: browsers have now the capability to display Roman characters, Asian languages, the Cyrillic alphabet, Greek, Turkish, and more. Accent Software has a product called "Internet with an Accent" which claims to be able to display over 30 different language encodings. If there are currently any barriers to any particular language being on the Web, they won't last long.
= How do you see the future?
As I've said before, I think that the future of the Internet is even more multilingualism and cross-cultural exploration and understanding than we've already seen. But the Internet will only be the medium by which this information is carried; like the paper on which a book is written, the Internet itself adds very little to the content of information, but adds tremendously to its value in its ability to communicate that information. To say that the Internet is spurring multilingualism is a bit of a misconception, in my opinion — it is communication that is spurring multilingualism and cross-cultural exchange, the Internet is only the latest mode of communication which has made its way down to the (more-or-less) common person. The Internet has a long way to go before being ubiquitous around the world, but it, or some related progeny, likely will. Language will become even more important than it already is when the entire planet can communicate with everyone else (via the Web, chat, games, e-mail, and whatever future applications haven't even been invented yet), but I don't know if this will lead to stronger language ties, or a consolidation of languages until only a few, or even just one remain. One thing I think is certain is that the Internet will forever be a record of our diversity, including language diversity, even if that diversity fades away. And that's one of the things I love about the Internet — it's a global model of the saying "it's not really gone as long as someone remembers it". And people do remember.
[FR] Tyler Chambers (Boston, Massachusetts)
#Créateur de The Human-Languages Page (devenue iLoveLanguages en 2001) et de The
Internet Dictionary Project
The Human-Languages Page (créée par Tyler Chambers en mai 1994) et le Languages Catalog of the WWW Virtual Library fusionnent en 2001 pour devenir iLoveLanguages, un catalogue détaillé de plus de 2.000 ressources linguistiques dans plus de 100 langues différentes.
Tyler Chambers mène aussi un autre projet relatif aux langues, The Internet Dictionary Project, débuté en 1995. Le projet a pour but de créer des dictionnaires de langues en accès libre sur le web, grâce à l'aide des internautes. Ce site permet donc aux cybernautes du monde entier de participer à la traduction de termes anglais dans d'autres langues.
*Entretien du 14 septembre 1998 (entretien original en anglais)
= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?
Ma vie professionnelle est en ce moment complètement distincte de mon activité sur l'internet. Je suis programmeur/technicien informatique, je trouve cela stimulant et cela me permet de payer les factures. Mon activité en ligne a consisté à rendre l'information linguistique accessible à davantage de gens par le biais de deux de mes projets sur le web. Bien que je ne sois pas multilingue, ni même bilingue moi-même, je suis conscient du fait que très peu de domaines ont une importance comparable à celle des langues et du multilinguisme. L'internet m'a permis de toucher des millions de personnes et de les aider à trouver ce qu'elles cherchaient, ce dont je suis heureux. Je suis devenu aussi une sorte de célébrité, ou au moins quelqu'un de familier dans certains cercles. Je viens de découvrir qu'un de mes projets est brièvement mentionné dans les éditions asiatique et internationale de Time Magazine. Dans l'ensemble, je pense que le web a été important pour la sensibilisation aux langues et pour les questions culturelles. Dans quel autre endroit peut-on chercher au hasard pendant vingt minutes et trouver des informations intéressantes dans trois langues différentes sinon plus ? Les moyens de communication rendent le monde plus petit en rapprochant les gens. Je pense que le web est le premier médium - bien plus que le courrier, le télégraphe, le téléphone, la radio ou la télévision - à réellement permettre à l'usager moyen de franchir les frontières nationales et culturelles. Israël n'est plus à des milliers de kilomètres, mais seulement à quelques clics de souris. Notre monde est maintenant suffisamment petit pour tenir sur un écran d'ordinateur.
= Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?
Le multilinguisme sur le web était inévitable bien avant que ce médium ne se développe vraiment. Mon premier vrai contact avec l'internet date de 1994, un peu après ses débuts mais bien avant son expansion. 1994 a été aussi l'année où j'ai débuté mon premier projet web multilingue. A cette époque, il existait déjà un nombre significatif de ressources linguistiques en ligne. Ceci était antérieur à la création de Netscape. Mosaic était le seul navigateur sur le web, et les pages web étaient essentiellement des documents textuels reliés par des hyperliens. A présent, suite à l'expérience acquise par les internautes, et suite à l'amélioration des logiciels de navigation, je ne pense pas qu'il existe une langue vivante qui ne soit pas représentée sur le web, que ce soit la langue des Indiens d'Amérique ou les dialectes moyen-orientaux. De même une pléthore de langues mortes peut maintenant trouver une audience nouvelle grâce à des érudits et autres spécialistes en ligne. A ma connaissance, très peu de jeux de caractères ne sont pas disponibles en ligne : les navigateurs permettent désormais la visualisation des caractères romains, asiatiques, cyrilliques, grecs, turcs, etc. Accent Software a un produit appelé "Internet avec accents" qui prétend être capable de visualiser plus de trente codages différents. S'il existe encore des obstacles à la diffusion d'une langue spécifique sur le web, ceci ne devrait pas durer.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Comme je l'ai dit plus haut, je pense que l'avenir de l'internet réside dans davantage de multilinguisme et d'exploration et de compréhension multiculturelles que nous n'en avons jamais vu. Cependant l'internet sera seulement le médium au travers duquel l'information circule. Comme le papier qui sert de support au livre, l'internet lui-même augmente très peu le contenu de l'information. Par contre il augmente énormément la valeur de celle-ci dans la capacité qu'il a à communiquer cette information. Dire que l'internet aiguillonne le multilinguisme est à mon sens une opinion fausse. C'est la communication qui aiguillonne le multilinguisme et l'échange multiculturel. L'internet est seulement le mode de communication le plus récent rendu accessible aux gens plus ou moins ordinaires. Il a un long chemin à parcourir avant d'être omniprésent dans le monde entier, mais il est vraisemblable que lui-même ou un médium de la même lignée y arrive. Les langues deviendront encore plus importantes qu'elles ne le sont quand tout le monde pourra communiquer à l'échelle de la planète (à travers le web, les discussions, les jeux, le courrier électronique, ou toute application appartenant encore au domaine de l'avenir), mais je ne sais pas si ceci mènera à un renforcement des attaches linguistiques ou à une fusion des langues jusqu'à ce qu'il n'en subsite plus que quelques-unes ou même une seule. Une chose qui m'apparaît certaine est que l'internet sera toujours la marque de notre diversité, y compris la diversité des langues, même si cette diversité diminue. Et c'est une des choses que j'aime à son sujet, c'est un exemple à l'échelle mondiale du dicton: "Cela n'a pas vraiment disparu tant que quelqu'un s'en souvient." Et les gens se souviennent.
PASCAL CHARTIER [FR]
[FR] Pascal Chartier (Lyon)
#Créateur de Livre-rare-book, site professionnel de livres d'occasion
Gérant de la librairie du Bât d'Argent, librairie lyonnaise, Pascal Chartier a créé dès novembre 1995 Livre-rare-book, site professionel de livres d'occasion. Quadrilingue (français, anglais, italien, allemand), le site comprend un catalogue de livres anciens et de livres d'occasion classé par sujets et par librairie (environ 100 librairies et 300.000 livres en mai 2001) et un annuaire électronique international des librairies de livres d'occasion.
En juin 1998, Pascal Chartier considérait que le web lui a ouvert "une vaste porte", à la fois pour lui et ses clients. Il le considérait aussi "comme peut-être la pire et la meilleure des choses. La pire parce qu'il peut générer un travail constant sans limite et la dépendance totale. La meilleure parce qu'il peut s'élargir encore et permettre surtout un travail intelligent!"
[Entretien 15/01/2000 // Entretien 09/11/2000]
*Entretien du 15 janvier 2000
= Quoi de neuf?
La réalisation d'un module de gestion pour permettre aux libraires d'intégrer leurs livres facilement sur Livre-rare-book, et la traduction en cours du site en anglais, allemand, italien et portugais. Actuellement, nous avons 33 libraires sur le site et 85.000 livres (le chiffre a fortement augmenté depuis, avec environ 100 librairies et 300.000 livres en mai 2001, ndlr).
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Un cercle vicieux.
= Que pensez-vous de l'évolution vers un internet multilingue?
Un sujet passionnant.
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
La lettre d'une vieille dame québécoise à qui j'ai pu faire retrouver un livre de son enfance.
= Et votre pire souvenir?
Les injures gratuites.
*Entretien du 9 novembre 2000
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Oui.
= Les jours du papier sont-ils comptés?
C'est toujours un problème d'échelle, de lunettes ou de système de pensée: d'un côté le papier a encore quelques siècles devant lui, de l'autre ses jours sont effectivement comptés.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Il ne me viendrait pas à l'idée de lire un livre ainsi, mais peut-être de récupérer le texte et de l'imprimer?
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?
Le problème est l'argent. Nous avons les éléments techniques.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Du vent… ou de l'imaginaire?
= Et la société de l'information?
Une société humaine.
RICHARD CHOTIN [FR]
[FR] Richard Chotin (Paris)
#Professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille
[Entretien 04/09/2000 // Entretien 05/05/2001]
*Entretien du 4 septembre 2000
= Pouvez-vous décrire votre site web?
Il s'agit d'un site interne à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) qui ne comprend que la biographie, la bibliographie et les enseignements de chaque enseignant. Le mien n'échappe pas à cette règle.
= En quoi consiste votre activité professionnelle?
J'enseigne à l'université (essentiellement gestion et stratégie). Mon activité liée à internet est marquée par l'importance de la recherche d'éléments sur internet, mais surtout le croisement des données afin d'éviter la désinformation.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Dans les trois années à venir, je compte développer cette activité. Après, la retraite aidant, je compte diminuer sensiblement mes activités sur le net.
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Oui, je lis environ cinq à six journaux (quotidiens et hebdomadaires), deux à trois livres papier par mois, et environ 3 à 4.000 photocopies par an.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Il a une certaine utilité mais ne remplacera pas le livre papier, sauf à pouvoir le tirer ultérieurement si l'intérêt est grand.
= Quelles sont vos suggestions pour un meilleur respect du droit d'auteur sur le web?
Et si l'on supprimait le droit d'auteur en ce qui concerne les livres?
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure répartition des langues sur le web?
Le problème est politique et idéologique: c'est celui de l'"impérialisme" de la langue anglaise découlant de l'impérialisme américain. Il suffit d'ailleurs de se souvenir de l'"impérialisme" du français aux 18e et 19e siècles pour comprendre la déficience en langues des étudiants français: quand on n'a pas besoin de faire des efforts pour se faire comprendre, on n'en fait pas, ce sont les autres qui les font.
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?
Là encore, il faudrait une réelle motivation des concepteurs de sites envers le problème des aveugles et une volonté politique d'intégration des handicapés (et pas seulement financière).
= Quel est votre pire souvenir lié à l'internet?
C'est lorsque j'ai découvert qu'il me faudrait plusieurs vies pour tenter d'épuiser les possibilités de l'outil. Quand j'ai compris que je n'y arriverais pas, je me suis remis à lire Le mythe de Sisyphe d'Albert Camus afin de ne pas sombrer dans une mélancolie maniaco-dépressive due à l'absurdité de la situation.
*Entretien du 5 mai 2001
= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?
Une seule nouveauté, mais de taille, les conséquences de l'accessibilité du web aux aveugles: ma fille vient d'obtenir la deuxième place à l'agrégation de lettres modernes. Un de ses amis a obtenu la maîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat en droit également.
Outre l'aspect performance, cela prouve au moins que si les aveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n'ont pas évidemment la chance d'avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l'argent) par des méthodes plus actives dans la lecture des documents, telles que celles que je décris (obligation d'obtenir en braille ce qui existe en "voyant" notamment), le handicap pourrait presque disparaître.
ALAIN CLAVET [FR, EN]
[FR] Alain Clavet (Ottawa)
#Analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada
"Le mandat du Commissariat est le suivant: faire reconnaître le statut du français et de l'anglais, les deux langues officielles du Canada; faire respecter la loi sur les langues officielles; fournir de l'information sur les services du Commissariat, les aspects de la loi sur les langues officielles et son importance pour la société canadienne. Le Commissaire protège: le droit du public d'utiliser le français ou l'anglais pour communiquer avec les institutions fédérales et pour en recevoir les services là où la loi et le règlement sur les langues officielles le prévoient; le droit des fonctionnaires de travailler dans l'une ou l'autre langue officielle dans les régions désignées à cette fin ; le droit de tous les Canadiens et Canadiennes d'expression française ou anglaise de bénéficier des mêmes chances d'emploi et d'avancement au sein des institutions fédérales." (extrait du site web)
Alain Clavet est analyste de politiques sur les questions relatives à la dualité linguistique dans les domaines d'internet et de la radiodiffusion. En août 1999, il a rédigé une étude spéciale intitulée Le gouvernement du Canada et le français sur internet. Dans l'introduction de cette étude, il explique: "Internet peut influencer profondément l'organisation du gouvernement du Canada, sa façon de fournir des services et de communiquer avec les citoyens. La langue anglaise est prépondérante dans l'ensemble des réseaux électroniques, y compris sur internet. Il importe donc que la Commissaire veille à ce que le français prenne toute sa place équitable dans les échanges reposant sur ce nouveau mode de communication et de publication."
[Entretien 03/09/1999 // Entretien 04/09/2000 // Entretien 03/05/2001]
*Entretien du 3 septembre 1999
= Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?
Internet devient l'un de mes principaux secteurs de spécialisation. Le réseau me permet de faire des recherches, de communiquer et d'élargir mes vues sur les questions relatives aux langues officielles (l'anglais et le français, ndlr).
= Comment voyez-vous l'avenir?
Je donne présentement une série de communications suite à mon rapport: Le gouvernement du Canada et le français sur internet. Je vais continuer dans les prochaines années à développer cette expertise.
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Des logiciels devraient permettre de tarifer l'usager lorsque nécessaire et les gouvernements devraient libérer de frais le maximum de documents et services, notamment en français.
= Quelles solutions pratiques suggérez-vous pour un internet véritablement multilingue?
J'en suggère plusieurs dans mon rapport (voir le chapitre 5: Observations et recommandations, ndlr).
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
La découverte des toutes les possibilités du modem-câble. La très grande vitesse du modem m'a permis de voir la puissance de ce mode de communication. Internet comme encyclopédie universelle m'est indispensable.
= Et votre pire souvenir?
La lenteur, mais c'est réglé.
*Entretien du 4 septembre 2000
= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?
J'ai présenté une conférence à l'INET 2000 à Yokohama (Japon) (18-21 juillet 2000) sur la diversité linguistique dans le cyberespace. Je serai à Paris pour la conférence Newropeans (5-7 octobre 2000).
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Un peu moins (qu'avant d'être connecté à internet). Le papier continuera d'avoir un rôle complémentaire.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
La technologie devra s'améliorer encore de ce point de vue afin de devenir vraiment populaire.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Un lieu de connaissances partagées non soumis aux contraintes du temps et de l'espace.
= Et la société de l'information?
Le constat que la valeur ajoutée centrale (en référence à une notion économique, celle de la valeur ajoutée) devient de plus en plus l'intelligence de l'information. Ainsi, dans une société de l'information, la connaissance devient la plus-value recherchée.
*Entretien du 3 mai 2001
= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?
Le gouvernement du Canada a accepté l'ensemble des douze recommandations du rapport: Le gouvernement du Canada et le français sur internet. Des investissements importants ont été réalisés à cet égard cette année. Notamment 80 millions de dollars (canadiens, soit 62 millions d'euros, ndlr) pour la numérisation des collections, 30 millions (23,3 millions d'euros, ndlr) pour la constitution du Musée virtuel canadien et, le 2 mai 2001, l'annonce de 108 millions supplémentaires (83,7 millions d'euros, ndlr) afin d'accroître les contenus culturels canadiens sur internet. Je représente également le Canada à un comité d'experts de l'Unesco pour la promotion du multilinguisme et de l'accès universel à l'internet.
[EN] Alain Clavet (Ottawa)
#Policy analyst with the Office of the Commissioner of Official Languages in
Canada
"The mandate of the Office of the Commissioner is: to ensure recognition of the status of English and French, Canada's two official languages; to ensure respect for the Official Languages Act; to provide information about the services of the Office of the Commissioner, aspects of the Official Languages Act and its importance to Canadian society. The Commissioner protects: the right of members of the public to use English or French to communicate with federal institutions and receive services from them as provided for in the Act and its regulations; the right of federal employees to work in either official language in designated regions; the right of all English-speaking Canadians and French-speaking Canadians to enjoy equal opportunities for employment and advancement in federal institutions." (extract from the website)
Alain Clavet analyses policies related to linguistic duality in the Internet and in broadcasting. In August 1999 he wrote a report called The Government of Canada and French on the Internet. In the introduction, he says: "The Internet can have a profound influence on the organization of the Government of Canada and how it provides services to and communicates with Canadians. The English language predominates on all electronic works, including the Internet. It is therefore vital that the Commissioner ensure that French has its equitable place in exchanges that use this new method of communication and publication."
*Interview of September 3, 1999 (original interview in French)
= How did using the Internet change your professional life?
The Internet became one of my main fields of interest. I also use it as a research and communication tool and to broaden my views on matters to do with Canada's official languages (English and French).
= What are your new projects?
At the moment, I'm giving a series of lectures about the report I wrote called
The Government of Canada and French on the Internet. Over the next few years,
I'll investigate this subject further.
= What do you think of the debate about copyright on the Web?
We need software that can charge the user a fee when necessary. Governments
should make available as many documents and services as possible, especially in
French.
What practical suggestions do you have for the growth of a multilingual Web?
There are several suggestions in my report (see chapter V: Observations and
Recommendations).
= What is your best experience with the Internet?
Discovering all the uses of a cable modem. It's very fast and showed me the power of this communication device. The Internet as a universal encyclopaedia is also essential for me.
= And your worst experience?
The fact it was so slow, but the problem has now been solved.
JEAN-PIERRE CLOUTIER [FR, EN, ES]
[FR] Jean-Pierre Cloutier (Montréal)
#Auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet
Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance en novembre 1994 Les Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, sous la forme d'une lettre hebdomadaire envoyée par courrier électronique (5.000 abonnés en 2001). A partir d'avril 1995, on peut également lire les Chroniques directement sur le web. Depuis bientôt sept ans maintenant, elles font référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. Chroniqueur à temps plein, Jean-Pierre Cloutier est également photographe.
[Entretien 08/06/1998 // Entretien 06/08/1999 // Entretien 05/08/2000]
*Entretien du 8 juin 1998
= En quoi l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?
Il y a deux choses ici, dans mon cas. D'abord une époque où j'étais traducteur (après avoir travaillé dans le domaine des communications). Je me suis branché à internet à la demande de clients de ma petite entreprise de traduction car ça simplifiait l'envoi des textes à traduire et le retour des textes traduits. Assez rapidement, j'ai commencé à élargir mon bassin de clientèle et à avoir des contrats avec des clients américains.
Puis, il y a eu carrément changement de profession, c'est-à-dire que j'ai mis de côté mes activités de traduction pour devenir chroniqueur. Au début, je le faisais à temps partiel, mais c'est rapidement devenu mon activité principale. C'était pour moi un retour au journalisme, mais de manière manifestement très différente. Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés (nouveaux sites, nouveaux logiciels). Mais graduellement on a davantage traité des questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualité nationale et internationale dans le social, le politique et l'économique.
Dans le premier cas, celui des questions de fond, c'est relativement simple car toutes les ressources (documents officiels, dépêches, commentaires, analyses) sont en ligne. On peut donc y mettre son grain de sel, citer, étendre l'analyse, pousser des recherches. Pour ce qui est de l'actualité, la sélection des sujets est tributaire des ressources disponibles, ce qui n'est pas toujours facile à dénicher. On se retrouve alors dans la même situation que la radio ou la télé, c'est-à-dire que s'il n'y a pas de clip audio ou d'images, une nouvelle même importante devient du coup moins attrayante sur le plan du médium.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Dans le cas des Chroniques de Cybérie, nous avons pu lancer et maintenir une formule en raison des coûts d'entrée relativement faibles dans ce médium. Cependant, tout dépendra de l'ampleur du phénomène dit de "convergence" des médias et d'une hausse possible des coûts de production s'il faut offrir de l'audio et de la vidéo pour demeurer concurrentiels. Si oui, il faudra songer à des alliances stratégiques, un peu comme celle qui nous lie au groupe Ringier et qui a permis la relance des Chroniques après six mois de mise en veilleuse. Mais quel que soit le degré de convergence, je crois qu'il y aura toujours place pour l'écrit, et aussi pour les analyses en profondeur sur les grandes questions.
*Entretien du 6 août 1999
= Quoi de neuf depuis notre premier entretien (nouvelles réalisations, nouveaux projets, nouvelles idées…)?
Projets et réalisations, non, pas vraiment. Nouvelles idées, oui, mais c'est encore en gestation.
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Quelles solutions pratiques suggérez-vous?
Vaste question.
Il y a d'abord les droits d'auteurs et droits de reproduction des grandes entreprises. Ces dernières sont relativement bien dotées en soutien juridique, soit par le recours aux services internes du contentieux, soit par l'embauche de firmes spécialisées.
Il est certain que la "dématérialisation" de l'information, apportée par internet et les techniques de numérisation, facilite les atteintes de toutes sortes à la propriété intellectuelle.
Là où il y a danger, c'est dans le cas de petits producteurs/diffuseurs de contenus "originaux" qui n'ont pas les moyens de surveiller l'appropriation de leurs produits, ni d'enclencher des mesures sur le plan juridique pour faire respecter leurs droits.
Mais tout ça, c'est de l'"officiel", des cas de plagiat que l'on peut prouver avec des pièces "rematérialisées". Il y a peut-être une forme plus insidieuse de plagiat, celle de l'appropriation sans mention d'origine d'idées, de concepts, de formules, etc. Difficile dans ces cas de "prouver" le plagiat, car ce n'est pas du copier/coller pur et simple. Mais c'est une autre dimension de la question qui est souvent occultée dans le débat.
Des solutions? Il faut inventer un processus par lequel on puisse inscrire sans frais une oeuvre (article, livre, pièce musicale, etc.) auprès d'un organisme international ayant pouvoir de sanction. Cette méthode ne réglerait pas tous les problèmes, mais aurait au moins l'avantage de déterminer un cadre de base et qui sait, peut-être, agir en dissuasion aux pillards.
= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue? Quelles solutions pratiques suggérez-vous?
Cet été, le cap a été franchi. Plus de 50% des utilisateurs et utilisatrices du réseau sont hors des États-Unis. L'an prochain, plus de 50% des utilisateurs seront non anglophones. Il y a seulement cinq ans, c'était 5%. Formidable, non?
Mais voilà, c'est que l'internet est devenu multiforme et exige de plus en plus des outils performants en raison de l'"enrichissement" des contenus (ou plutôt des contenants, car sur le fond, le contenu véritable, rien n'est enrichi sauf les entreprises qui les vendent). Il faut des systèmes costauds, bien pourvus en mémoire, avec des microprocesseurs puissants. Or, s'il y a développement du web non anglophone, il s'adressera pour une bonne part à des populations qui n'ont pas les moyens de se procurer des systèmes puissants, les tout derniers logiciels et systèmes d'exploitation, et de renouveler et mettre à niveau tout ce bazar aux douze mois.
En outre, les infrastructures de communication, dans bien des régions hors Europe ou États-Unis, font cruellement défaut. Il y a donc problème de bande passante.
Je le constate depuis le tout début des Chroniques. Des correspondants (Afrique, Asie, Antilles, Amérique du Sud, région Pacifique) me disent apprécier la formule d'abonnement par courrier électronique car elle leur permet en récupérant un seul message de lire, de s'informer, de faire une présélection des sites qu'ils ou elles consulteront par la suite. Il faut pour eux, dans bien des cas, optimiser les heures de consultation en raison des infrastructures techniques plutôt faibles.
C'est dans ces régions, non anglophones, que réside le développement du web. Il faut donc tenir compte des caractéristiques techniques du médium si on veut rejoindre ces "nouveaux" utilisateurs.
Je déplore aussi qu'il se fasse très peu de traductions des textes et essais importants qui sont publiés sur le web, tant de l'anglais vers d'autres langues que l'inverse.
Je m'explique. Par exemple, Jon Katz publie une analyse du phénomène de la culture Goth qui imprégnait les auteurs du massacre de Littleton, et de l'expression Goth sur le web. La presse francophone tire une phrase ou deux de l'analyse de Katz, grapille quelques concepts, en fait un article et c'est tout. Mais c'est insuffisant pour comprendre Katz et saisir ses propos sur la culture de ces groupes de jeunes.
De même, la nouveauté d'internet dans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu'il nous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones et autres de la communication?
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
Ce n'est pas très gai, et ça n'a rien à voir avec le rayonnement important qu'ont acquis Les Chroniques de Cybérie au fil des ans.
Début 1996, j'ai reçu un message qui disait à peu près ceci: "Mon fils, dans le début de la vingtaine, était gravement malade depuis des mois. Chaque semaine, il attendait avec impatience de recevoir dans sa boîte aux lettres votre chronique. Ne pouvant plus sortir de la maison, votre chronique lui permettait de 'voyager', d'ouvrir ses horizons, de penser à autre chose qu'à son mal. Il est décédé ce matin. Je voulais simplement vous remercier d'avoir allégé ses derniers mois parmi nous."
Alors, quand on reçoit un message comme ça, on se fout pas mal de parler à des milliers de gens, on se fout des statistiques d'achalandage, on se dit qu'on parle à une personne à la fois. Et votre pire souvenir?
Pas vraiment un seul "gros et méchant" souvenir. Mais une foule de petits irritants. Le système est fragile, le contenu passe au second plan, on parle peu du capital humain, on nous inonde de versions successives de logiciels, etc. Mais c'est très vivable…
*Entretien du 5 août 2000
= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?
Disons que fin juillet 1998, à peu près au moment où nous avions notre tout premier entretien, j'écrivais: "Quelqu'un me demandait récemment quelles étaient les grandes tendances d'internet et si quelque chose avait changé dans la couverture journalistique de l'espace cyber. Après avoir feint de ne pas avoir entendu la question, question de songer à une réponse adéquate, je lui ai répondu qu'au début, un bon chroniqueur se devait d'avoir les deux pieds bien ancrés dans le milieu des technologues et des créatifs. Maintenant, il importe d'avoir un bureau à mi-chemin entre le Palais de justice et la Place de la bourse, et de cultiver ses amis avocats et courtiers." (Chroniques de Cybérie, 28 juillet 1998)
Je constate que, depuis ce temps, mais surtout depuis un an, cette tendance s'est confirmée. Les considérations financières comme les placements initiaux de titres (les IPO - initial public offers), les options d'achat d'actions, la montée fulgurante du Nasdaq fin 1999 et début 2000, puis la correction boursière du printemps, bref, toute cette activité a dominé grandement l'actualité du cyberespace.
Puis, sur le plan juridique, il y a eu l'affaire Microsoft (qui n'est pas encore terminée en raison des appels). C'est la plus visible, celle qui a monopolisé l'attention pendant des mois. Plus récemment, c'est l'affaire Napster qui retient l'attention (là aussi, on attend les décisions en appel). L'affaire UEJF (Union des étudiants juifs de France) - LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) - Yahoo! en France est aussi, à mon avis, éminemment importante car elle implique le concept de censure "géographique", à partir d'un territoire donné. Mais outre ces "causes célèbres", il ne se passe pas une journée sans que les fils de presse ne rapportent des décisions de tribunaux qui ont des incidences sur l'avenir d'internet.
Ce sont donc les manoeuvres boursières et les objets de litiges portés devant les tribunaux qui façonnent le mode de vie en réseau, et ce au détriment d'une réflexion et d'une action profonde sur le plan strict de la communication.
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Disons que, dans mon cas, l'utilisation du support papier est plus sélective. Pour mes besoins, j'imprime parfois un document récupéré en ligne car le papier est une "interface de lecture" des plus portables. Sans connexion, sans piles, sans attirail technique, on transporte le document où on veut, on l'annote, on le partage, on le donne, on le récupère, puis il peut prendre facilement le chemin du bac de recyclage.
Côté des journaux et périodiques, j'en consomme moins qu'avant mon utilisation régulière d'internet (1991). Mais là encore, c'est sélectif. Le seul périodique que j'achète régulièrement est le mensuel Wired. Je n'ai jamais été abonné, je l'achète en kiosque, c'est comme voter avec son fric pour le changement.
Pour ce qui est des livres, comme je suis en guerre perpétuelle avec le temps, j'ai peu l'occasion de lire. Au cours de mes vacances, cet été, j'ai acheté des livres de cyberlibraires et je les ai fait livrer poste restante au bureau de poste du village où j'étais. Entre trois à cinq jours pour la livraison, c'est génial.
= Les jours du papier sont-ils comptés?
Le cinéma n'a pas sonné la mort des spectacles sur scène et des arts d'interprétation, pas plus que la radio. La télévision n'a pas relégué aux oubliettes le cinéma, au contraire, elle a contribué à une plus grande diffusion des films. Même chose pour la vidéocassette. Les technologies se succèdent, puis cohabitent.
Je crois qu'il en sera de même pour le papier. Il est certain que son rôle et ses utilisations seront modifiés, que certains contenus demeureront plus portables et conviviaux sur papier, il y aura des ajustements.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Curieusement, dans l'édition du 28 juillet 1998 des Chroniques de Cybérie que je cite plus haut, je parlais du numéro 4 des Cahiers de médiologie ayant pour thème "Les pouvoirs du papier", et aussi des premiers livres numériques.
Force est de constater que, deux ans plus tard, peu de choses ont évolué. D'abord, sur le plan technique, les nouvelles interfaces de lecture n'ont pas rempli leurs promesses sur le plan de la convivialité, de l'aisance et du confort, du plaisir de l'expérience de lire.
D'autre part, les contenus proposés sont encore assez maigres. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais c'est peu varié, et encore peu de grands titres qui permettraient des économies d'échelle.
Oui, Stephen King a fait un pied de nez aux éditeurs et publié des oeuvres originales en ligne. Et alors? On peut difficilement, encore, parler d'une tendance.
J'ai une théorie des forces qui animent et modifient la société, et qui se résume à classer les phénomènes en tendances fortes, courants porteurs et signaux faibles.
Le livre électronique ne répond pas encore aux critères de tendance forte. On perçoit des signaux faibles qui pourraient annoncer un courant porteur, mais on n'y est pas encore. Cependant, si et quand on y sera, ce sera un atout important pour les personnes qui souhaiteront s'auto-éditer, et le phénomène pourrait bouleverser le monde de l'édition traditionnelle.
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et mal-voyants?
Mes suggestions s'adressent surtout aux diffuseurs de contenus qui ne respectent pas les normes techniques. Je m'explique. Le Consortium W3C est un organisme de normalisation des techniques du web. Ses comités étudient les nouvelles techniques, et prescrivent des normes d'utilisation. Or les producteurs et diffuseurs de contenus utilisent souvent des techniques propriétales, hors normes, propres à un logiciel ou à une plate-forme, ce qui donne lieu, par exemple, à des "sites optimisés" pour Netscape ou pour Internet Explorer.
Si ces sites soi-disant optimisés pour un fureteur ou un autre causent des problèmes pour les utilisateurs ordinaires, imaginez la difficulté d'adapter des contenus livrés hors normes à un consultation pour non-voyants.
Il y a des efforts énormes pour rendre accessible à tous le contenu du web, mais tant et aussi longtemps que les diffuseurs utiliseront des technologies hors normes, et ne tiendront pas leurs engagements pris, notamment, dans le cadre du Web Interoperability Project (WIP), la tâche sera difficile.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Un monde parallèle, un espace où se déroule l'ensemble des activités d'information, de communication, et d'échanges (y compris échanges commerciaux) désormais permises par le réseau. Il y a un centre, autonome, très interconnecté qui vit par et pour lui-même. Puis des collectivités plus ou moins ouvertes, des espaces réservés (intranets), des sous-ensembles (AOL, CompuServe). Il y a ensuite de très longues frontières où règne une culture mixte, hybride, issue du virtuel et du réel (on pense aux imprimés qui ont des versions web, aux sites marchands). Il y a aussi un sentiment d'appartenance à l'une ou l'autre de ces régions du cyberespace, et un sentiment d'identité.
= Et la société de l'information?
Une société où l'unité de valeur réelle est l'information produite, transformée, échangée. Elle correspond au "centre" du cyberespace. Malheureusement, le concept a tellement été galvaudé, banalisé, on l'a servi à toutes les sauces politiciennes pour tenter d'évoquer ce qu'on ne pouvait imaginer dans le détail, ou concevoir dans l'ensemble, de sorte que l'expression a perdu de son sens.
[EN] Jean-Pierre Cloutier (Montreal)
#Editor of Chroniques de Cybérie, a weekly report of Internet news
Chroniques de Cybérie was launched in November 1994 as a weekly newsletter sent by email. Since April 1995, it has been available on the Web. Both versions are currently available: the e-mail version (5,000 subscribers) and the Web version.
In The New York Times, Bruno Giussani wrote: "Jean-Pierre Cloutier (…) is one of the leading figures of the French-speaking Internet community. Cloutier writes one of the most intelligent, passionate and insightful electronic newsletters available on the Internet (…) an original mix of relevant Internet news, clear political analysis and no-nonsense personal opinions, (…) a publication that gave readers the feeling that they were living 'week after week in the intimacy of a planetary revolution'."
[Interview 08/06/1998 // Interview 06/08/1999]
*Interview of June 8, 1998 (original interview in French)
= Could you tell us about your professional work?
There are two different things. First I was a translator (after working in communications). I got connected to the Internet at the request of my small translation company's customers because it made it easier to receive the work to translate and then send the result back to them. Quite quickly, I began to get a broader range of customers, including some in the US.
Then I made a switch. I stopped translating and became a columnist. At first I was doing it part-time, but it soon became my main activity. For me it was a return to journalism, but in a very different way. In the beginning, Chroniques de Cybérie dealt mainly with news (new sites and new software). But gradually I tackled more fundamental aspects of the Internet, and then branched out into current national and international social, political and economic events.
With basic issues, it's fairly simple because all these resources (official documents, news stories, commentary and analysis) are online. You can delve into them, quote them, broaden the analysis and go on with the research. For current events, the choice of subject depends on available resources, and resources are not always easy to find. So you're in the same situation as radio or TV, that if there aren't any audio clips or pictures, even a major event becomes less interesting on the Internet.
= How do you see the future?
For Chroniques de Cybérie, we could introduce and maintain a formula because entry costs are quite low in this medium. However, everything will depend on the extent of what's called media "convergence" and on whether production costs rise if we need to offer audio and video material to stay in the game. If that happens, we'll have to rethink our strategic partnerships, such as the one linking us to the Ringier group which enabled us to relaunch Chroniques after six months of silence. But however much "convergence" there is, I think there'll always be room for written work and for in-depth analysis of the main questions.
*Interview of August 6, 1999 (original interview in French)
= What has happened since our first interview? Any new projects, new ideas…?
No real new projects. New ideas, yes, but I'm still working on them.
= What do you think of the debate about copyright on the Web? What practical suggestions do you have?
That's a very big subject.
First there are the copyright and reproduction rights of big companies. These are relatively well supported legally, either through internal legal means or by hiring specialized companies.
There's no doubt the "dematerialization" of information, brought about by the Internet and digitization, makes it easier to undermine intellectual property in various ways.
The danger is real for small producers/distributors of "original" content, who don't have the means to monitor the theft of their products, or to take legal action to ensure their rights are respected.
But all this is the "official" part — cases of plagiarism that can be found in "rematerialized" works. There is perhaps a more insidious form of plagiarism, which is the theft of ideas, concepts, formulas, etc., with no mention of their origin. It's hard to "prove" such plagiarism because it is not just a matter of "copy and paste". But it's another aspect of the issue which is often obscured in the debate.
What's the solution? We need a system where you can register free of charge an article, book or piece of music with an international organization that can take legal action against plagiarism. This wouldn't solve all the problems, but would at least establish a basic structure and, who knows, might deter the thieves.
= How do you see the growth of a multilingual Web? What practical suggestions do you have?
We passed the milestone this summer. Now more than half the users of the Internet live outside the United States. Next year more than half of all users will be non English-speaking, compared with only 5% five years ago. Isn't that great?
At the same time, the Internet has became multi-faceted and now requires more and more efficient tools because of the "enrichment" of content (or rather of what contains it, because as far as the real content is concerned, there's no enrichment, except of the firms that sell it). The Internet needs strong systems, with good memory and powerful microprocessors. Development of the non English-speaking Web will be mainly aimed at people who have no way of getting powerful systems or the latest software and operating systems, or of upgrading or renewing it all every year. Also, communication infrastructure is sorely lacking in many places outside Europe and the United States. So there is a problem of bandwidth.
I've been noticing this phenomenon since the very beginning of Chroniques. Some readers (in Africa, Asia, Caribbean, South America and the Pacific) tell me they like being able to suscribe to an e-mail version. They can get Chroniques as a single message, read it off-line and choose the sites they want to consult later. Often they have to plan their time online carefully because of poor communication links.
The Web is going to grow in these non English-speaking regions. So we've got to take into account the technical aspects of the medium if we want to reach these "new" users.
I think it's a pity there are so few translations of important documents and essays published on the Web — from English into other languages and vice-versa.
Let me explain. Jon Katz published on the Web an analysis of the "Goth" culture which the perpetrators of the Littleton slaughter were into, and of the term "Goth". The French-speaking press quoted one or two sentences of his analysis, lifted a few of his ideas, made an article out of it and that's all. But it wasn't enough to allow one to understand Katz and his analysis of this youth culture.
In the same way, the recent introduction of the Internet in regions where it is spreading raises questions which would be good to read about. When will Spanish-speaking communications theorists and those speaking other languages be translated?
= What is your best experience with the Internet?
It's not a very cheerful one and has nothing to do with the significant influence Chroniques de Cybérie has gained over the years.
At the beginning of 1996, I got a message which roughly said: "My son, in his early twenties, has been very ill for months. Every week, he looked forward very much to getting your newsletter in his electronic mailbox. As he could no longer leave the house, the newsletter allowed him to 'travel', to open his mind and think about something else other than his pain. He died this morning. I just wanted to thank you because you lightened his last months with us."
When you get a message like this, you don't care about speaking to thousands of people, you don't care about lots of statistics, you tell yourself you're talking to one person at a time.
= And your worst experience?
I haven't really had a "big bad" experience. Lots of small and irritating ones, though. The system is fragile, content takes second place, the human resources aren't talked about much and lots of new software is inundating us. But we can live with it all quite easily.
[ES] Jean-Pierre Cloutier (Montreal)
#Autor de las Chroniques de Cybérie, una crónica semanal de las noticias de
Internet
Empezadas en noviembre de 1994 por Jean-Pierre Cloutier como una carta semanal enviada por correo electrónico, las Chroniques de Cybérie son difundidas en la Red desde abril de 1995. La versión por correo electrónico aún se encuentra mantenida (5.000 suscritos), así como el sitio web.
[Entrevista 08/06/1998 // Entrevista 06/08/1999]
*Entrevista del 8 de junio de 1998 (entrevista original en francés)
= ¿Cuáles son los cambios obtenidos por Internet en su vida profesional?
En mi caso fueron dos épocas. Primero una época en la que era traductor (después de haber trabajado en las comunicaciones). Me conecté a Internet a petición de los clientes de mi pequeña empresa de traducción, porque simplificaba el envío de textos a traducir y el regreso de textos traducidos. Rápidamente empecé a ampliar mi clientela y a tener contratos con clientes de Estados Unidos.
Luego cambié completamente de trabajo, es decir que dejé a lado mis actividades de traducción para hacerme cronista. Al principio lo hice a medio tiempo, pero rápidamente se hizo mi actividad principal. Para mí era un retorno al periodismo, pero de una manera visiblemente muy distinta. Al principio, las Chroniques trataban sobre todo novedades (sitios nuevos, programas de computación nuevos). Pero gradualmente traté cada vez más cuestiones de fondo de la Red, y después amplié con algunos puntos de la actualidad nacional e internacional - social, política y económica.
En el primer caso, el de las cuestiones de fondo, es relativamente simple porque todos los recursos (documentos oficiales, noticias, comentarios, análisis) están en línea. Por lo tanto se puede poner su graito de sal, citar, ampliar el análisis, extender las investigaciones. Con respecto a la actualidad, la selección de los temas depende de los recursos disponibles, lo que no es siempre fácil de encontrar. Se encuentra uno en la misma situación que en la radio o en la televisión, es decir, que si no hay audioclips e imágenes, una noticia aunque sea importante se hace menos atrayente por este medio.
= ¿Cómo ve Ud. su futuro profesional?
En el caso de las Chroniques de Cybérie, pudimos lanzar y mantener una fórmula a causa de los costos relativamente bajos de instalación en este medio. Sin embargo, todo dependerá de la amplidud del fenómeno llamado "convergencia" de los medias y de una posible alza de los costos de producción si tenemos que ofrecer audio y video para mantenernos competitivos. Si es el caso, tendremos que pensar en alianzas estratégicas, un poco como la que nos relaciona con el grupo Ringier et que permitió la "reactivación" de las Chroniques después de seis meses de "puesta en espera". Pero cualquiera que sea el grado de convergencia, creo que siempre habrá un lugar para "lo escrito", y también para los análisis aprofundizados de los grandes problemas.
*Entrevista del 6 de agosto de 1999 (entrevista original en francés)
= ¿Tiene Ud. cosas que añadir a nuestra primera entrevista? Nuevas realizaciones, nuevos proyectos, nuevas ideas…
Proyectos y realizaciones, no, no exactamente. Nuevas ideas, sí, pero está todavía en gestación.
= ¿Qué piensa Ud. de los debates con respecto a los derechos de autor en la Red?
¿Cuáles soluciones prácticas sugeriría?
Es un problema amplio.
Hay primero los derechos de autor y derechos de reproducción de las grandes empresas. Estas últimas están relativamente bien dotadas en apoyo jurídico, ya sea por el recurso a los servicios internos de litigios, ya sea por la contratación de compañías especializadas.
Es cierto que la "inmaterialización" de la información, aportada por Internet y las técnicas numéricas, facilita los ataques variados de la propiedad intelectual. Donde está el peligro, es en el caso de pequeños productores/distribuidores de temas o contenidos "originales" que no tienen los medios para cuidarse de la apropiación de sus productos ni de iniciar medidas jurídicas para el respeto de sus derechos.
Pero todo esto es el lado "oficial", son casos de reproducción o imitación que se pueden probar con documentos "rematerializados". Quizás una de las formas más insidiosa de imitación, sea la de la apropiación sin mención del origen de las ideas, de conceptos, de fórmulas, etc. Es difícil en estos casos de "probar" la imitación, porque no es un mero "copiar y pegar". Sin embargo, es otra dimensión del problema la que está a menudo ocultada en el debate.
¿Soluciones? Se debe inventar un proceso por el cual se pueda inscribir sin gastos una obra (artículo, libro, obra musical, etc.) ante un organismo internacional con poder de sanción. Este método no arreglaría todos los problemas, pero tendría por lo menos la ventaja de determinar un cuadro de base y, quién sabe, quizás, actuaría para disuadir a los saqueadores.
= ¿Cómo ve Ud. la evolución hacia un Internet multilingüe? ¿Cuáles soluciones prácticas sugeriría?
Un giro se tomó este verano. Ahora más de 50% de los/las usuarios/usuarias de la Red viven fuera de Estados Unidos. El año próximo, más de 50% de los usuarios serán no anglófonos. Hace solamente cinco años era un 5%. Estupendo, ¿verdad?
Pero al mismo tiempo Internet se hizo multiforme y exige cada vez más instrumentos competitivos a causa del "enriquecimiento" de los contenidos (o más bien de los contenientes, porque sobre el fondo, el contenido verdadero, no enriquece nada salvo las empresas que los venden). Se necesitan sistemas fuertes, provistos de buena memoria, con microprocesores poderosos. Ahora bien, si la Red no anglófona se desarrolla, se dirigirá en una buena parte a poblaciones que no tienen los medios de conseguir sistemas poderosos, como los últimos programas de computación y sistemas de explotación, ni de renovar y poner a nivel todo este bazar cada año. Además, las infraestructuras de comunicación faltan en muchas regiones fuera de Europa y de Estados Unidos. Hay por lo tanto un problema de ancho de banda.
Lo observo desde el principio de las Chroniques. Algunos corresponsales (África, Asia, Antillas, América del Sur, región del Pacífico) me dicen que les gusta la fórmula de suscripción por correo eléctronico, porque les permite primero recuperar un único mensaje y luego leerlo, informarse, hacer una preselección de sitios que consultarán después. En muchos casos se necesitan optimizar horas de consulta a causa de infraestructuras técnicas bastante simples.
Es, por consiguiente, en estas regiones no anglófonas que reside el desarrollo de la Red. Por lo tanto hay que tener en cuenta las características técnicas del medio de comunicación si se quiere dar con estos "nuevos" usuarios.
Deploro también que se hagan muy pocas traducciones de textos y ensayos importantes publicados en la Red, tanto del inglés hacia otras lenguas como en sentido contrario.
Me explico. Por ejemplo, Jon Katz publicó un análisis del fenómeno de la cultura Goth que impregnaba los autores de la matanza de Littleton, y de la expresión Goth en la Red. La prensa francófona extrae una frase o dos del análisis de Katz, recolecta algunos conceptos, hace un artículo de eso, y es todo. Pero no basta para entender Katz y comprender sus ideas sobre la cultura de estos grupos de jóvenes.
De la misma manera, la novedad de Internet en las regiones donde se muestra ahora, suscita ahí reflexiones que nos serían útiles de leer. ¿Cuándo podremos tener la traducción de pensadores de la comunicación hispanohablante o de otras lenguas?
= ¿Cuál es su mejor recuerdo relacionado con Internet?
No es muy alegre, y no tiene nada que ver con la importante difusión obtenida por las Chroniques de Cybérie a lo largo de los años.
A principios de 1996 recibí un mensaje que decía más o menos esto: "Mi hijo, al principio de sus veinte años, estaba gravemente enfermo desde hacía meses. Cada semana esperaba impacientemente la llegada de su crónica en su buzón electrónico. Como no podía salir de casa, su crónica le permitió 'viajar', abrir sus horizontes, pensar en otra cosa que en su mal. Murió hoy por la mañana. Yo quería simplemente agradecerle de haberle ayudado durante sus últimos meses entre nosotros."
Entonces, cuando se recibe un mensaje como éste, nos vale hablar a millares de personas, nos valen las buenas estadísticas, se dice uno mismo que hablamos con una persona a la vez.
= ¿Y su peor recuerdo?
No tengo un único recuerdo "grande y malo". Pero una multitud de pequeños e irritantes recuerdos. El sistema es frágil, el contenido pasa al segundo plano, se habla poco del capital humano, estamos inundados con versiones sucesivas de programas de computación. Pero es soportable…
JACQUES COUBARD [FR]
[FR] Jacques Coubard (Paris)
#Responsable du site web du quotidien L'Humanité
*Entretien du 23 juillet 1998
= Quel est l'historique de votre site web?
Le site de L'Humanité a été lancé en septembre 1996 à l'occasion de la Fête annuelle du journal. Nous y avons ajouté depuis un forum, un site (en partenariat) pour la récente Coupe du monde de football, et des données sur la Fête et sur le meeting d'athlétisme parrainé par L'Humanité. Nous espérons pouvoir développer ce site à l'occasion du lancement d'une nouvelle formule du quotidien qui devrait intervenir à la fin de l'année ou au début de l'an prochain. Nous espérons également mettre sur site L'Humanité hebdo dans les mêmes délais.
= Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?
Jusqu'à présent on ne peut pas dire que l'arrivée d'internet ait bouleversé la vie des journalistes faute de moyens et de formation (ce qui va ensemble). Les rubriques sont peu à peu équipées avec des postes dédiés, mais une minorité de journalistes exploite ce gisement de données. Certains s'en servent pour transmettre leurs articles, leurs reportages. Il y a sans doute encore une "peur" culturelle à plonger dans l'univers du Net. Normal, en face de l'inconnu. L'avenir devrait donc permettre par une formation (peu compliquée) de combler ce handicap. On peut rêver à un enrichissement par une sorte d'édition électronique, mais nous sommes sévèrement bridés par le manque de moyens financiers.
LUC DALL'ARMELLINA [FR]
[FR] Luc Dall'Armellina (Paris)
#Co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias
[Entretien 13/06/2000 // Entretien 14/11/2000]
*Entretien du 13 juin 2000
= Pouvez-vous présenter oVosite?
oVosite est un site web (mise en ligne: juin 1997) conçu et réalisé par un collectif de six auteurs (Chantal Beaslay, Laure Carlon, Luc Dall'Armellina, Philippe Meuriot, Anika Mignotte et Claude Rouah) - issus du département hypermédias de l'Université Paris 8 - autour d'un symbole primordial et spirituel, celui de l'oeuf. Le site s'est constitué selon un principe de cellules autonomes qui visent à exposer et intégrer des sources hétérogènes (littérature, photo, peinture, vidéo, synthèse) au sein d'une interface unifiante.
Les récits voisins, la première cellule active, met en scène huit nouvelles originales - métaphores d'éclosion ou de gestation - à travers des ancrages variant selon trois regards: éléments de l'environnement (rouge), personnages de l'histoire (violet), correspondances poétiques (bleu). L'interprétation de ces regards, c'est-à-dire le choix des liens pour chaque élément de texte, incombe à chaque auteur et dépend de sa perception individuelle du sujet au sein de son univers intime. Les récits voisins est une oeuvre collective, un travail d'écriture multimédia qui s'est étendu sur près de six mois.
Désirs est une proposition de fragmentation d'un poème anonyme (texte de 1692) et qui occupe l'espace sur le mode de l'apparition des phrases reliées à des mots qui s'affichent et disparaissent au gré d'un aléatoire mesuré.
De nouvelles cellules sont en couvaison…
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
Je suis enseignant en création numérique auprès d'étudiants des filières "arts" et "design graphique" à l'Ecole régionale des beaux-arts de Valence (Drôme) et chargé de cours en "création de site web" UFR6 (unité de formation et de recherche 6) "Littérature et Informatique" auprès d'étudiants de DESS (diplôme d'enseignement supérieur spécialisé) à l'Université Paris 8 - Saint-Denis-Vincennes (Seine Saint-Denis).
J'exerce par ailleurs une activité de recherche (doctorant à Paris 8) faite de création (sites web et dispositifs hypertextuels), de veille technologique (outils de création et technologies) et d'un travail d'analyse des pratiques de création numérique. Ces trois pôles servent la construction de ma thèse en cours sur le thème: "Vers une écologie de l'écran".
= Comment voyez-vous l'avenir?
La couverture du réseau autour de la surface du globe resserre les liens entre les individus distants et inconnus (c'est un peu notre cas lors de cet échange). Ce qui n'est pas simple puisque nous sommes placés devant des situations nouvelles: ni vraiment spectateurs, ni vraiment auteurs, ni vraiment lecteurs, ni vraiment interacteurs. Ces situations créent des nouvelles postures de rencontre, des postures de "spectacture" ou de "lectacture" (Jean-Louis Weissberg). Les notions de lieu, d'espace, de temps, d'actualité sont requestionnées à travers ce médium qui n'offre plus guère de distance à l'événement mais se situe comme aucun autre dans le présent en train de se faire.
L'écart peut être mince entre l'envoi et la réponse, parfois immédiat (cas de la génération de textes). Mais ce qui frappe et se trouve repérable ne doit pas masquer les aspects encore mal définis tels que les changements radicaux qui s'opèrent sur le plan symbolique, représentationnel, imaginaire et plus simplement sur notre mode de relation aux autres. "Plus de proximité" ne crée pas plus d'engagement dans la relation, de même "plus de liens" ne créent pas plus de liaisons, ou encore "plus de tuyaux" ne créent pas plus de partage.
Je rêve d'un internet où nous pourrions écrire à plusieurs sur le même dispositif, une sorte de lieu d'atelier d'écritures permanent et qui autoriserait l'écriture personnelle (c'est en voie d'exister), son partage avec d'autres auteurs, leur mise en relation dans un tissage d'hypertextes et un espace commun de notes et de commentaires sur le travail qui se crée. Je rêve encore d'un internet gratuit pour tous et partout, avec toute l'utopie que cela représente. Internet est jeune mais a déjà ses mythologies, ainsi Xanadu devait être cette cité merveilleuse ou tout le savoir du monde y serait lisible en toutes les langues. Loin d'être au bout de ce rêve, internet tient tout de même quelques-unes de ces promesses.
= Les possibilités offertes par l'hypertexte ont-elles changé votre mode d'écriture?
Non - parce qu'écrire est de toute façon une affaire très intime, un mode de relation qu'on entretient avec son monde, ses proches et son lointain, ses mythes et fantasmes, son quotidien et enfin, appendus à l'espace du langage, celui de sa langue d'origine. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que l'hypertexte change fondamentalement sa manière d'écrire, qu'on procède par touches, par impressions, associations, quel que soit le support d'inscription, je crois que l'essentiel se passe un peu à notre insu.
Oui - parce que l'hypertexte permet sans doute de commencer l'acte d'écriture plus tôt: devançant l'activité de lecture (associations, bifurcations, sauts de paragraphes) jusque dans l'acte d'écrire. L'écriture (significatif avec des logiciels comme StorySpace) devient peut-être plus modulaire. On ne vise plus tant la longue horizontalité du récit mais la mise en espace de ses fragments, autonomes. Et le travail devient celui d'un tissage des unités entre elles. L'autre aspect lié à la modularité est la possibilité d'écritures croisées, à plusieurs auteurs. Peut-être s'agit-il d'ailleurs d'une méta-écriture, qui met en relation les unités de sens (paragraphes ou phrases) entre elles.
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Quelles solutions pratiques suggérez-vous?
Le droit de l'auteur est celui d'un individu et celui de son oeuvre. L'individu a le droit de disposer d'une garantie, celle que son oeuvre ne soit pas pillée et/ou (pire?) détournée ou morcelée. La notion d'oeuvre est complexe, mais si l'on accepte celle d'une production originale et personnelle comme ensemble cohérent qui fait sens et système pour proposer un regard singulier - celui d'un auteur - ce droit doit pouvoir être garanti.
Sans même évoquer les aspects financiers (royalties, etc.) qui sont bien réels, un standard comme XML devrait pouvoir garantir l'indexation des oeuvres, des artistes, et une signature numérique attachée à leurs productions en ligne.
Un autre standard d'autentification - de type PNG (portable network graphics) pour l'image - devrait pouvoir permettre d'attribuer une clé numérique infalsifiable à une production. Un exemple significatif: les éditions numériques 00h00.com ont édité un roman interactif, Apparitions inquiétantes, né sur le web (donc en HTML) mais vendu au format Acrobat PDF qui permet de conditionner son ouverture par un mot de passe donné lors de l'achat en ligne du roman.
On peut aisément imaginer que, si le WWW Consortium ne propose pas de système d'authentification numérique des pages web, éditeurs et auteurs vont se tourner vers des produits éditoriaux plus repérés (livre, cédérom) et pour lesquels existe un circuit de distribution.
On peut imaginer qu'un auteur puisse faire enregistrer ses logiciels de création auprès d'un organisme et obtienne en échange une clef numérique (signature individuelle) qui soit automatiquement apposée dans ses fichiers. Une autre solution consisterait en un dépôt - type SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) ou SCAM (Société civile des auteurs multimédia) ou SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) ou SESAM (Gestion des droits des auteurs dans l'univers multimédia) - qui fasse antériorité, mais c'est une solution de protection et non pas un procédé de signature…
Peut-être existe-t-il une question prélable cachée dans celle-ci: ne faut-il pas à l'heure du numérique, et en regard de ce que Julia Kristeva a appelé l'intertextualité, redéfinir la notion et le terme d'auteur?
= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue? Quelles solutions pratiques suggérez-vous?
Les systèmes d'exploitation se dotent peu à peu des kits de langues et bientôt peut-être de polices de caractères Unicode à même de représenter toutes les langues du monde; reste que chaque application, du traitement de texte au navigateur web, emboîte ce pas.
Les difficultés sont immenses: notre clavier avec ses ± 250 touches avoue ses manques dès lors qu'il faille saisir des Katakana ou Hiragana japonais, pire encore avec la langue chinoise.
La grande variété des systèmes d'écritures de par le monde et le nombre de leurs signes font barrage. Mais les écueils culturels ne sont pas moins importants, liés aux codes et modalités de représentation propres à chaque culture ou ethnie.
L'anglais s'impose sans doute parce qu'il est devenu la langue commerciale d'échange généralisée; il semble important que toutes les langues puissent continuer à être représentées parce que chacune d'elle est porteuse d'une vision "singulière" du monde.
La traduction simultanée (proposée par AltaVista par exemple) ou les versions multilingues d'un même contenu me semblent aujourd'hui les meilleures réponses au danger de pensée unique que représenterait une seule langue d'échange.
Peut-être appartient-il aux éditeurs des systèmes d'exploitation (ou de navigateurs?) de proposer des solutions de traduction partielle, avec toutes les limites connues des systèmes automatiques de traduction…
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
Je n'ai pas de souvenir unique mais plutôt des événements marquants: avoir pu contacter et converser par e-mail avec des inconnus dont j'avais lu les travaux, avoir vu des travaux d'amis publiés en livre alors qu'ils étaient écrits initialement et après qu'ils aient existé d'abord pour le web, avoir échangé des vidéos et des photos de famille à l'autre bout du monde en quelques secondes. Quelques instants fugaces de babillard avec des Canadiens perdus dans les grands froids.
= Et votre pire souvenir?
- L'arrivée de ce qu'on appelle l'e-business, pas l'arrivée du commerce qui est une activité respectable (activité naturelle d'échange qui crée du lien), mais celle du discours, du vocabulaire et de l'état d'esprit qui l'accompagne: rentabilité, business plan, parts de marché, agressivité… et de toute l'économie faite de flan, d'effets d'annonce et dont le paroxysme s'est appelé Nasdaq. - La mise à mort de Mygale par un système et sa récupération par un des acteurs du marché a montré que la communauté de partage et d'intérêt avait elle aussi un prix (élevé) en fonction de son potentiel d'acheteurs.
*Entretien du 14 novembre 2000
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
C'est toujours une question, une frustration, cette impossibilité du papier à entrer dans la machine! Les dispositifs d'annotation informatique sont pourtant loin d'égaler ceux, analogiques, de la lecture papier: post-it, pages cornées, notes en marge, photocopies commentées, agrandies, modifiées, partagées… que j'utilise - comme beaucoup - en nombre. Tous ces procédés sont des bricolages, les morceaux de papier pris sur des nappes au déjeuner, dans les pages "notes" des agendas, mais ils sont la base d'un processus de mémorisation, d'appropriation personnelle. (Voir pour s'en convaincre la gestion archaïque des signets sur les deux navigateurs les plus modernes. Il faut aller voir des navigateurs de recherche comme Nestor de Romain Zeiliger pour voir pris en compte l'annotation comme processus cognitif et la représentation spatiale comme mode d'organisation des données complexes.) C'est là la question la moins bien prise en compte dans les dispositifs numériques où la mémoire prise en compte est celle de la machine et du logiciel, pas celle de nos cheminements intimes.
= Les jours du papier sont-ils comptés?
Les "outils numériques" deviendront peut-être peu à peu les objets banals de notre quotidien; en attendant ce(s) jour(s), la souplesse des usages du papier n'a pas encore son pareil, je crois. Les débuts des années 80 avaient annoncé la mort du support papier: son usage - et sa consommation - se sont vus multipliés. Le papier semble devoir être encore la surface-support de confort pour la lecture séquentielle, mais pour l'écriture numérique ? On peut se poser la question, l'évolution lente mais inexorable des pratiques - et des outils d'écriture - entraîne forcément la lecture vers l'ailleurs des dispositifs interactifs. La tendance qui s'amorce sur le web - mais est-ce que cela dépassera le stade de tendance? - est la double écriture (et donc la double lecture) proposée. De plus en plus de sites sont faits pour satisfaire une expérience interactive mais proposent aussi leurs contenus "de fond" sous forme de fichiers Acrobat, donc mis en forme, designés pour l'impression individuelle sur papier. Une écriture interactive génère ses systèmes, dispositifs, mises en relation, en espaces, en interaction… et ses appareils de lecture. Les nouvelles oeuvres se lisent sur un micro-ordinateur - connecté ou non - pensons à la spécificité des Machines à écrire de Antoine Denize, de Puppet Motel de Laurie Anderson, de Ceremony of Innocence de Peter Gabriel/Nick Bantock. Mais on peut aussi penser - et espérer - que J.M.G. Le Clézio continuera de nous enchanter avec ses récits sur papier.
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
Ce n'est qu'un sentiment, je ne possède personnellement pas ce genre d'appareil, ni de PDA (personal digital assistant) non plus même si j'en ai eu de nombreuses fois entre les mains avec un mélange d'envie et de gêne. Il me semble que le "fait" technologique de l'appareil nuit à une lecture un peu "engagée". Je lis mes livres un peu partout, ils tombent parfois de mes mains et de mon lit, j'en ai oublié dans le train, ils me suivent dans le bus, le métro, le train, en vacances, sur la plage ou à la montagne. Ils sont autonomes, je peux les prêter, les donner, je les biffe, corne, annote, bref je les lis. Avec une infinie lenteur. Je me roule dans leurs plis. Il faudrait peut-être pouvoir plier ces livres électroniques, ou qu'ils soient incassables? Mais la question est peut-être qu'ils ne peuvent ni ne doivent remplacer le livre papier bâti dans un système matériel et économique cohérent. Peut-être ont-ils une place à part à prendre? En devenant les supports de l'hyperlecture peut-être?
= Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?
Jakob Nielsen évoque dans La Conception de sites web - l'art de la simplicité (Campus Press, 2000) un système vocal basé sur la lecture de balises HTML ou XML capables d'interfacer un synthétiseur vocal qui paraît convaincant. La WAI (Web Accessibility Initiative) du W3C (World Wide Web Consortium) a publié, le 5 mai 1999, la première version des directives (téléchargeables) pour un accès web aux personnes handicapées, accessible en français.
= Comment définissez-vous le cyberespace?
Ce pourrait-être quelque chose comme l'ensemble électrique mouvant, le système invisible mais cohérent des êtres humains sensibles et des interfaces intelligentes dont les activités sont tout ou en partie réglées, conditionnées ou co-régulées à travers leurs machines connectées ensemble. Peut-être plus simplement: la virtualisation sensible et numérique de l'inconscient collectif… mais là je ne parle plus sous contrôle. :=)
= Et la société de l'information?
La nôtre, je pense? L'américano-nord-européenne. A la Bourse, les annonces ont des effets mesurables en millions de dollars ou d'euros et déclenchent des impacts économiques et humains parfois très violents: rachats, ventes, hausses et baisses des valeurs, licenciements. C'est une société où la valeur absolue est l'information et son contrôle, et la valeur relative l'humain. Et là, il n'y a plus de "parole sous contrôle" mais une question de lecture, donc d'engagement.
KUSHAL DAVE [EN, FR]
[EN] Kushal Dave (Yale)
#Student at Yale University
*Interview of September 1, 1998
= How do you see the relationship between the print media and the Internet?
This is still being worked out, of course. So far, all I've been able to see is that electronic media undermines the print form in two ways:
a) providing completely alternative presses that draw attention away from the previous strongholds, and
b) forcing the print publications to spend resources trying to counteract this trend. Both forms of media critique one another and proclaim their superiority. Print media operates under a self-important sense of credibility. And the electronic media operates under a belief that they are the only purveyors of unbiased truth.
There are issues of niche and finance that need to be resolved. The Internet is certainly a more accessible and convenient medium, and thus it would be better in the long run if the strengths of the print media could be brought online without the extensive costs and copyright concerns that are concomitant. As the transition is made, the neat thing is a growing accountability for previously relatively unreproachable edifices. For example, we already see e-mail addresses after articles in publications, allowing readers to pester authors directly. Discussion forums on virtually all major electronic publications show that future is providing not just one person's opinion but interaction with those of others as well. Their primary job is the provision of background information. Also, the detailed statistics can be gleaned about interest in an advertisement or in content itself will force greater adaptability and a questioning of previous beliefs gained from focus groups. This means more finely honed content for the individual, as quantity and customizability grows.
= How did using the Internet change your life?
The Internet has certainly been a distraction. ;) But beyond that, an immeasurable amount of both trivial and pertinent information has been gleaned in casual browsing sessions.
= How do you see the future?
In my personal future, I'd like to get a B.S., M.S., and M.Eng, working in the industry for a while before moving on to write about the medium for some reputable publication.
The future of the Internet in general I see as becoming more popular and yet more fraught with conflict over the growth of commercialism and the perception that the Net's devolutionary spirit has been undermined. There will also be a need to deal with a glut of information - already we see Internet search engines reinventing themselves to try to provide a more optimal and efficient portal.
[FR] Kushal Dave (Yale)
#Etudiant à l'Université de Yale
*Entretien du 1er septembre 1998 (entretien original en anglais)
= Comment voyez-vous la relation entre l'imprimé et l'internet?
Ce sont bien sûr des relations en pleine mutation. Ce que j'ai pu voir jusqu'à présent, c'est que les médias électroniques sont en train de saper les médias imprimés de deux façons:
a) en favorisant la création de maisons d'édition alternatives qui permettent de se libérer de la main-mise des grandes maisons d'édition,
b) en forçant les publications imprimées à trouver les moyens nécessaires pour contrecarrer cette tendance. Ces deux groupes de médias se critiquent l'un l'autre et proclament chacun leur supériorité. Les médias de l'imprimé jouent la carte de la crédibilité, alors que les médias électroniques pensent qu'ils sont les seuls pourvoyeurs d'une vérité impartiale.
Il y a donc un problème de "créneau" à trouver, ainsi il existe aussi un problème financier. Internet est certainement un médium plus accessible et plus pratique. A long terme il serait préférable qu'il puisse bénéficier du savoir-faire de l'imprimé, sans les coûts élevés et les problèmes de copyright. Pendant la période de transition, il serait également souhaitable que les maisons d'édition traditionnelles prennent progressivement en compte ce nouveau médium. Dans les publications imprimées, on voit par exemple maintenant des adresses électroniques à la suite des articles, ce qui permet aux lecteurs de contacter directement les auteurs. Des forums de discussion présents dans pratiquement toutes les grandes publications électroniques montrent qu'à l'avenir nous n'aurons plus seulement l'opinion d'une personne, mais les opinions de plusieurs personnes, et leur interaction entre elles. Le but de ces forums est de procurer des informations supplémentaires en arrière-plan. De même, on peut glaner des statistiques détaillées sur l'indice de consultation de l'information ou des annonces, ce qui permettra à la publication de s'adapter et de s'interroger sur ses objectifs. Le lecteur aura ainsi un contenu plus ciblé, plus riche et davantage sur mesure.
= Que représente l'internet pour vous?
D'abord un moyen de distraction. ;) Et puis une énorme quantité d'informations banales ou intéressantes glanées en surfant sans but précis.
= Comment voyez-vous l'avenir?
J'aimerais préparer une licence et une maîtrise en sciences, puis travailler dans l'industrie pendant quelque temps avant d'écrire sur internet dans une publication connue.
Quant à l'avenir d'internet en général, je pense que ce médium va se populariser, tout en étant en prise avec le développement d'un réseau commercial qui va contrecarrer l'esprit convivial du début. On aura également affaire à une surabondance d'information, et les moteurs de recherche sont déjà en train d'évoluer afin de proposer des portails offrant un meilleur service.
CYNTIA DELISLE [FR, EN]
[FR] Cynthia Delisle (Montréal)
#Consultante au CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues)
[Entretien conjoint avec Guy Bertrand. Voir: Guy Bertrand.]
[EN] Cynthia Delisle (Montreal)
#Consultant at the CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues
- Centre for Assessment and Monitoring of Information Highways and Languages)
[Joint Interview with Guy Bertrand. See: Guy Bertrand.]
EMILIE DEVRIENDT [FR]
[FR] Emilie Devriendt (Paris)
#Elève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris et doctorante à l'Université de Paris 4-Sorbonne
Elève professeur à l'Ecole normale supérieure (ENS) de Paris et doctorante à l'Université de Paris 4-Sorbonne, Emilie Devriendt anime le séminaire "Outils informatiques pour l'analyse textuelle" de l'ENS pendant l'année universitaire 2001-2002.
*Entretien du 27 juin 2001
= En quoi consiste exactement votre activité?
Le fait d'être étudiante me permet d'emprunter librement les chemins de traverse qu'il me tente d'explorer: psychologie cognitive, ingénierie linguistique, internet sont autant de domaines qui m'intriguent et qui me permettent d'adopter des points de vue différents sur le monde de la recherche et des études littéraires où j'ai été principalement formée.
Mes travaux de recherche ont pour objet la culture écrite (literacy) et les représentations linguistiques du seizième siècle français. Mon activité liée à l'informatique et à internet s'inscrit en grande partie dans une réflexion sur l'histoire des techniques intellectuelles. Elle intervient aussi dans mes recherches.
= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?
Je suis avant tout une grande utilisatrice d'internet, pour mes recherches essentiellement. Je compte aussi poursuivre une activité entamée depuis peu (en collaboration avec Russon Wooldridge, professeur à l'Université de Toronto), qui concerne la publication de ressources littéraires en ligne, notamment pour le seizième siècle français.
D'autre part, le prosélytisme en matière d'outils informatiques pour la recherche littéraire me semble indispensable. Ce qui me préoccupe aujourd'hui: la diffusion de logiciels (d'analyse textuelle par exemple) menée parallèlement à une réflexion méthodologique sur leur utilisation. Un séminaire devrait se mettre en place à l'Ecole normale supérieure l'an prochain sur ces thèmes.
= Comment voyez-vous l'avenir?
L'avenir me semble prometteur en matière de publications de ressources en ligne, même si, en France tout au moins, bon nombre de résistances, inhérentes aux systèmes universitaire et éditorial, ne risquent pas de céder du jour au lendemain (dans dix-vingt ans, peut-être?). Ce qui me donne confiance, malgré tout, c'est la conviction de la nécessité pratique d'internet. J'ai du mal à croire qu'à terme, un chercheur puisse se passer de cette gigantesque bibliothèque, de ce formidable outil. Ce qui ne veut pas dire que les nouvelles pratiques de recherche liées à internet ne doivent pas être réfléchies, mesurées à l'aune de méthodologies plus traditionnelles, bien au contraire. Il y a une histoire de l'"outillage", du travail intellectuel, où internet devrait avoir sa place.
= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?
Oui, beaucoup.
= Les jours du papier sont-ils comptés?
Je suis loin de penser que le numérique doive ou puisse remplacer le papier, tout au moins dans l'état actuel des technologies liées à internet. On a beau parler d'une "ère de l'immatériel", d'une "virtualisation" du réel etc., je reste persuadée que la trace écrite telle que le papier nous en permet la perception et la conservation (relative si l'on veut, mais fortement historicisée), n'a pas diminué, et n'est pas en passe de se voir remplacée par des séquences invisibles de 0 et de 1. La pérennité du support numérique me semble bien plus problématique que celle du papier: en termes techniques (et économiques) d'une part, en termes de politiques de conservation d'autre part. Par exemple, l'institution d'un dépôt légal sur le web pose d'immenses problèmes (concernant la quantité comme la nature des publications).
= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?
S'il doit s'agir d'un ordinateur portable légèrement "relooké", mais présentant moins de fonctionnalités que ce dernier, je n'en vois pas l'intérêt. Tel qu'il existe, l'e-book est relativement lourd, l'écran peu confortable à mes yeux, et il consomme trop d'énergie pour fonctionner véritablement en autonomie. A cela s'ajoute le prix scandaleusement élevé, à la fois de l'objet même et des contenus téléchargeables; sans parler de l'incompatibilité des formats constructeur, et des "formats" maison d'édition.
J'ai pourtant eu l'occasion de voir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux, qui me semble être pour l'heure le support de lecture électronique le plus intéressant : celui du "baladeur de textes" ou @folio (conçu par Pierre Schweitzer, ndlr), en cours de développement à l'Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de ses concepteurs sont à l'opposé de celles des "gros" concurrents qu'on connaît, en France ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisque c'est le contenu du web (dans l'idéal gratuit) que l'on télécharge.
= Comment définissez-vous la société de l'information?
Pour moi, comme j'ai eu l'occasion de le dire ailleurs, le syntagme "société de l'information" est plus une formule (journalistique, politique) à la mode depuis plusieurs années, qu'une véritable notion. Cette formule tend communément je crois, à désigner une nouvelle "ère" socio-économique, post-industrielle, qui transformerait les relations sociales du fait de la diffusion généralisée des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Personnellement, je n'adhère pas à cette vision des choses. Si la diffusion croissante des NTIC est indéniable et constitue un phénomène socio-économique propre à l'époque contemporaine, je ne crois pas qu'il faille y voir la marque de l'avènement d'une nouvelle société "de l'information".
La formule "société de l'information" est construite sur le modèle terminologique (socio-économique) de la "société industrielle". Mais le parallèle est trompeur: "société de l'information" met l'accent sur un contenu, alors que "société industrielle" désigne l'infrastructure économique de cette société. L'information en tant que produit (industriel ou service) apparaît peut-être plus complexe que, par exemple, les produits alimentaires, mais cette complexité ne suffit pas à définir l'avènement dont il est question.
D'autant plus que l'emploi inconditionnel de la formule a contribué à faire de l'information un terme passe-partout, très éloigné même de sa théorisation mathématique (Shannon), de sa signification informatique initiale. Elle traduit uniquement une idéologie du progrès électronique mise en place dans les années 1950 et véhiculée ensuite par nos gouvernements et la plupart de nos journalistes, qui définissent fallacieusement le développement des NTIC comme un "nécessaire" vecteur de progrès social. Quelques analystes (sociologues et historiens des techniques comme Mattelart, Lacroix, Guichard, Wolton) ont très bien montré cela.
BRUNO DIDIER [FR, EN, ES, DE]
[FR] Bruno Didier (Paris)
#Webmestre de la bibliothèque de l'Institut Pasteur
L'Institut Pasteur est une fondation privée dont la mission est de contribuer à la prévention et au traitement des maladies, en priorité infectieuses, par la recherche, l'enseignement, et des actions de santé publique.
*Entretien du 10 août 1999
= En quoi consiste le site web que vous avez créé?
Le site web de la bibliothèque de l'Institut Pasteur a pour vocation principale de servir la communauté pasteurienne. Il est le support d'applications devenues indispensables à la fonction documentaire dans un organisme de cette taille: bases de données bibliographiques, catalogue, commande de documents et bien entendu accès à des périodiques en ligne (un peu plus d'une centaine actuellement). C'est également une vitrine pour nos différents services, en interne mais aussi dans toute la France et à l'étranger. Il tient notamment une place importante dans la coopération documentaire avec les instituts du réseau Pasteur à travers le monde. Enfin j'essaie d'en faire une passerelle adaptée à nos besoins pour la découverte et l'utilisation d'internet. Il existe dans sa forme actuelle depuis 1996 et son audience augmente régulièrement.
= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?
Je développe et maintiens les pages du serveur, ce qui s'accompagne d'une activité de veille régulière. Par ailleurs je suis responsable de la formation des usagers, ce qui se ressent dans mes pages. Le web est un excellent support pour la formation, et la plupart des réflexions actuelles sur la formation des usagers intègrent cet outil.
= Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?
C'est à la fois dans nos rapports avec l'information et avec les usagers que les changements ont eu lieu. Nous devenons de plus en plus des médiateurs, et peut-être un peu moins des conservateurs. Mon activité actuelle est typique de cette nouvelle situation: d'une part dégager des chemins d'accès rapides à l'information et mettre en place des moyens de communication efficaces, d'autre part former les utilisateurs à ces nouveaux outils.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Je crois que l'avenir de notre métier passe par la coopération et l'exploitation des ressources communes. C'est un vieux projet certainement, mais finalement c'est la première fois qu'on dispose enfin des moyens de le mettre en place.
En ce qui concerne mon propre avenir professionnel, j'espère surtout qu'internet me permettra un jour de travailler à domicile, au moins partiellement. Ce qui m'éviterait 2 heures 30 de transport par jour…
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
Je ne suis pas ces débats. Mais je pense qu'on va avoir du mal à maintenir l'esprit communautaire qui était à la base de l'existence d'internet.
= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?
Je vois cela tout à fait positivement. Internet n'est une propriété ni nationale, ni linguistique. C'est un vecteur de culture, et le premier support de la culture, c'est la langue. Plus il y a de langues représentées dans leur diversité, plus il y aura de cultures sur internet. Je ne pense pas qu'il faille justement céder à la tentation systématique de traduire ses pages dans une langue plus ou moins universelle. Les échanges culturels passent par la volonté de se mettre à la portée de celui vers qui on souhaite aller. Et cet effort passe par l'appréhension de sa langue. Bien entendu c'est très utopique comme propos. Concrètement, lorsque je fais de la veille, je peste dès que je rencontre des sites norvégiens ou brésiliens sans un minimum d'anglais.
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
Le jour où j'ai gagné une boîte de chocolats suisses sur le site de Health On the Net (ne vous précipitez pas, le jeu n'existe plus…).
= Et votre pire souvenir?
Les dérives du courrier électronique: des mal élevés qui profitent de la distance ou d'un certain anonymat pour dire des choses pas très gentilles, ou adopter des attitudes franchement puériles, avec, hélas, des conséquences qui ne sont pas toujours celles d'un monde d'enfant… Par exemple, une personne a un jour profité de ce que je lui avait fait copie d'un message, pensant que le sujet l'intéresserait, pour intervenir entre mon interlocuteur et moi, et me discréditer.
[EN] Bruno Didier (Paris)
#Webmaster of the Pasteur Institute Library
"The Pasteur Institutes (…) are exceptional observatories for studying infectious and parasite-borne diseases. They are wedded to the solving of practical public health problems, and hence carry out research programmes which are highly original because of the complementary nature of the investigations carried out: clinical research, epidemiological surveys and basic research work. Just a few examples from the long list of major topics of the Institutes are: malaria, tuberculosis, AIDS, yellow fever, dengue and poliomyelitis." (extract of the website)
* Interview of August 10, 1999 (original interview in French)
= Can you tell us about the website you've created?
The main aim of the Pasteur Institute Library website is to serve the Institute itself and its associated bodies. It supports applications that have became essential in such a big organization: bibliographic databases, cataloging, ordering of documents and of course access to online periodicals (presently more than 100). It's also a window for our different departments, at the Institute but also elsewhere in France and abroad. It plays a big part in documentation exchanges with the institutes in the worldwide Pasteur network. I'm trying to make it an interlink adapted to our needs for exploration and use of the Internet. The website has existed in its present form since 1996 and its audience is steadily increasing.
= What exactly is your professional activity?
I build and maintain the web pages and monitor them regularly. I'm also responsible for training users, which you can see from my pages. The Web's an excellent place for training and it's included in most ongoing discussion about that.
= How did using the Internet change your professional life?
Our relationship with both the information and the users is what changes. We're increasingly becoming mediators, and perhaps to a lesser extent "curators". My present activity is typical of this new situation: I'm working to provide quick access to information and to create effective means of communication, but I also train people to use these new tools.
= How do you see the future?
I think the future of our job is tied to cooperation and use of common resources. It's certainly an old project, but it's really the first time we've had the means to set it up.
As for my professional future, I especially hope the Internet will eventually allow me to work from home, at least part of the time. It would avoid two and a half hours of travelling every day…
= What do you think of the debate about copyright on the Web?
I haven't followed these discussions. But I think it's going to be hard to maintain the community spirit which was the basis of the Internet in the beginning.
= How do you see the growth of a multilingual Web?
I think a multilingual Web's a very positive thing. The Internet doesn't belong to any one nation or language. It's a vehicle for culture, and the first vector of culture is language. The more languages there are on the Net, the more cultures will be represented there. I don't think we should give in to the kneejerk temptation to translate web pages into a largely universal language. Cultural exchanges will only be real if we're prepared to meet with the other culture in a genuine way. And this effort involves understanding the other culture's language. This is very idealistic of course. In practice, when I'm monitoring, I curse Norwegian or Brazilian websites where there's isn't any English.
= What is your best experience with the Internet?
The day I won a box of Swiss chocolates on the Health On the Net site. But don't rush to this site, the game doesn't exist any more.
= And your worst experience?
The abuse of e-mail: bad-mannered people take advantage of the distance and relative anonymity to say not very nice things and take really juvenile attitudes with, alas, consequences which are not always the kind you find in a children's world. For example, I once forwarded an email to somebody I thought would be interested in the subject and the person wrote directly to the original sender and discredited me.
[ES] Bruno Didier (Paris)
#Webmaster de la Biblioteca del Instituto Pasteur
Los Institutos Pasteur son observatorios excepcionales para el estudio de enfermedades infecciosas y parasitarias. Encargados de resolver problemas prácticos de salud pública, siguen programas de investigación cuya originalidad está en el complemento de dichas investigaciones: investigaciones clínicas, encuestas epidémicas e investigación fundamental. Entre los temas prioritarios de estos Institutos - aunque la la lista está lejos de ser enhaustiva - se encuentran: el paludismo, la tuberculosis, el sida, la fiebre amarilla, el dengue y la poliomielitis.
*Entrevista del 10 de Agosto de 1999 (entrevista original en francés)
= ¿Puede Ud. describir el sitio web que creó?
La vocación principal del sitio web de la biblioteca del Instituto Pasteur es de ayudar a la comunidad Pasteur. Es el soporte de aplicaciones indispensables a la función documentaria en un organismo de esta dimensión: bases de datos bibliográficos, catálogo, pedido de documentos y por supuesto acceso a periódicos en línea (actualmente más de 100). Es también un "aparador" para nuestros diferentes servicios de forma interna, pero también en todo Francia y en el extranjero. Tiene un lugar importante en la cooperación documentaria con los institutos de la red Pasteur en todo el mundo. Por último, trato de hacer de este sitio una pasaje adaptado a nuestras necesidades para la iniciación y el uso de Internet. El sitio existe en su forma actual desde 1996 y su auditorio aumenta regularmente.
= ¿En que consiste exactamente su actividad profesional?
Desarrollo y mantengo las páginas del sitio web, lo que se acompaña de una actividad de vigilancia regular. Por otra parte soy responsable de la instrucción de los usuarios, lo que se ve en mis páginas… La Red es un excelente soporte para la enseñanza, y la mayoría de las formaciones de usuarios utiliza ahora este instrumento.
= ¿Cuáles son los cambios obtenidos por Internet en su vida profesional?
Los cambios sucedieron a la vez en nuestras relaciones con la información y con los usuarios. Nos volvemos cada vez más mediadores, y quizás un poco menos conservadores. Mi actividad actual es típica de esta nueva situación: por una parte despejar caminos de acceso rápidos para la información e instalar medios de comunicación eficaces, por otra parte enseñar a los usuarios el uso de estos instrumentos nuevos.
= ¿Cómo ve Ud. el futuro?
Creo que el futuro de nuestro trabajo pasa por la cooperación y la explotación de recursos comunes. Es sin duda un viejo proyecto, pero finalmente es la primera vez que tenemos los medios de ponerlo en práctica.
En lo que concierne a mi futuro profesional, espero sobre todo que Internet me permitirá un día de poder trabajar a domicilio, al menos parcialmente, lo que me evitaría dos horas y media de transportes per día…
= ¿Qué piensa Ud. de los debates con respecto a los derechos de autor en la Red?
No sigo estos debates. Pero pienso que será difícil mantener el espíritu comunitario que se encontraba al principio de la existencia de Internet.
= ¿Cómo ve Ud. la evolución hacia un Internet multilingüe?
La veo muy positivamente. Internet no es una propiedad ni nacional ni lingüística. Es un vector de cultura, y el primer soporte de la cultura es la lengua. Mientras más lenguas sean representadas en toda su diversidad, más culturas serán representadas en Internet. No pienso que tengamos que ceder a la tentación sistemática de traducir sus páginas en una lengua más o menos universal. Los intercambios culturales pasan por la voluntad de ponerse al alcance de la persona que queremos encontrar. Y este esfuerzo pasa por la aprehensión de su lengua. Por supuesto mis palabras son muy utópicas. Concretamente, cuando hago mi actividad de vigilancia en la Red, echo pestes contra sitios noruegos o brasileños que no dan ninguna información, por más mínima que sea en inglés…
= ¿Cuál es su mejor recuerdo relacionado con Internet?
El día en que gané una caja de chocolates suizos en el sitio de Health On the
Net (no se precipite ud. sobre el sitio, el juego ya no existe…).
= ¿Y su peor recuerdo?
Las desviaciones del correo electrónico: personas mal educadas que se aprovechan de la distancia o de un cierto anonimato para decir cosas desagradables, o adoptar actitudes realmente pueriles, con consecuencias que, desgraciadamente, no son siempre las de un mundo de niños… Por ejemplo, un día, una persona aprovechó de qué le envié la copia de un mensaje - porque yo pensaba que le interesaría el tema - para intervenir entre mi correspendiente y yo, con el objeto de desacreditarme.
[DE] Bruno Didier (Paris)
#Webmaster der Bibliothek des Instituts Pasteur
Die Institute Pasteur sind außergewöhnliche Beobachtungsposten, an denen infektiöse und parasitäre Krankheiten studiert werden. Die Institute, welche bestrebt sind, konkrete Probleme aus dem öffentlichen Gesundheitswesen zu lösen, verfolgen Forschungsprogramme, die in ihrer Vielfalt aussergewöhnlich sind: klinische Forschung, epidemiologische Untersuchungen und Grundlagenforschung. Die Forschungsschwerpunkte in diesen Instituten: Malaria, Tuberkulose, AIDS, Gelbfieber, Dengue-Fieber und Kinderlähmung (die Liste ist bei weitem nicht vollständig).
*Interview vom 10. August 1999 (Originaltext in französisch - übersetzt auf deutsch von Monika Wechsler)
= Können Sie Ihre Webseite beschreiben?
Die Webseite der Bibliothek des Instituts Pasteur ist vor allem eine Serviceleistung für die MitarbeiterInnen und ForscherInnen des Instituts Pasteur. Die Seite bietet den Zugang zu den modernen dokumentarischen und bibliothekarischen Hilfsmitteln an, die heute für eine Institution in dieser Grösse unentbehrlich geworden sind: bibliographische Datenbanken, Bibliothekskatalog, Dokumentbestellung und vor allem der Zugang zu den Volltexten von über 100 elektronischen Zeitschriften. Die Webseite ist gleichzeitig auch ein Schaufenster unserer verschiedenen Dienstleistungen auf dem Campus des Instituts, aber auch in ganz Frankreich und im Ausland. Weiter dient sie vor allem der Kooperation im dokumentarischen Bereich mit anderen Instituten des weltweiten Pasteurnetzes. Schließlich versuche ich aus unserer Homepage einen an unsere Bedürfnisse angepassten Ausgangspunkt zur Entdeckung und zur Anwendung des Internets zu schaffen. Die Webseite besteht in ihrer jetzigen Form seit 1996 und ihre Benutzerzahl wächst stetig.
= Können Sie Ihr Berufsleben beschreiben?
Ich entwickle und unterhalte die Seiten des Servers. Weiter bin ich für die Ausbildung der BenutzerInnen verantwortlich, was man auch auf meinen Seiten spürt… Das Web ist für die Ausbildung eine hervorragende Unterstützung, und heute beziehen die meisten der Überlegungen bezüglich der Ausbildung der BenutzerInnen dieses Instrument mit ein.
= In welchem Ausmaß hat das Internet Ihr Berufsleben verändert?
Wir werden je länger je mehr Vermittler und vielleicht etwas weniger Konservatoren. Meine jetzige Berufstätigkeit ist für diese neue Situation typisch: zum einen den Weg für einen schnellen Zugang zur Information bereiten und wirksame Kommunikationsmittel schaffen. Zum anderen die BenutzerInnen in der Anwendung dieser neuen Werkzeuge schulen.
= Wie beurteilen Sie die Zukunft?
Ich glaube, daß die Zukunft unseres Berufes durch die Zusammenarbeit und durch die Nutzung der gemeinschaftlichen Ressourcen bestimmt werden wird. Dies ist zwar ein altes Projekt, aber zum ersten mal werden jetzt endlich die Mittel dafür zur Verfügung gestellt.
Was mein persönliches Berufsleben betrifft, so hoffe ich vor allem, daß das Internet mir eines Tages erlauben wird, zu Hause zu arbeiten, wenigstens teilweise. Das würde mir pro Tag zweieinhalb Stunden Arbeitsweg ersparen…
= Was halten Sie von den Diskussionen über das Autorenrecht im Web?
Ich verfolge diese Diskussionen nicht. Aber ich glaube, es wird schwer werden, den Gemeinschaftssinn aufrechtzuhalten, welcher ja die Grundlage der Entstehung des Internets war.
= Wie beurteilen Sie die Entwicklung in Richtung eines multilingualen Internets?
Ich begrüße diese Entwicklung auf jeden Fall. Das Internet ist weder ein nationales noch ein sprachliches Eigentum. Es ist ein Kulturvermittler, und die erste Stütze der Kultur ist die Sprache. Je mehr Sprachen in ihrer Vielfalt repräsentiert sind, desto mehr Kulturen wird es im Internet geben. Ich glaube nicht, daß man unbedingt der Versuchung nachgeben muß, seine Seiten systematisch in eine mehr oder weniger universelle Sprache zu übersetzen. Der Kulturaustausch basiert auf der Bereitwilligkeit, sich demjenigen anzupassen, zu dem man gehen möchte.Und dies geschieht durch die Kenntnis seiner Sprache. Natürlich ist dies als Vorschlag sehr utopisch. Konkret gesagt, sobald ich beim recherchieren im Web auf eine norwegische oder brasilianische Seite treffe ohne englische Erklärungen, beginne ich zu schimpfen.
= Welches ist Ihr bestes Erlebnis im Internet?
Der Tag, an dem ich auf der Seite von Health on the Net eine Schachtel Schweizer Pralines gewonnen habe (stürzen Sie sich nicht darauf, das Spiel existiert nicht mehr…).
= Und Ihr schlechtestes Erlebnis?
Die schlechten Nebenerscheinungen der elektronischen Post: schlecht erzogene Menschen, die von der Distanz oder von einer gewissen Anonymität profitieren um nicht sehr nette Sachen zu sagen oder um eine wirklich kindische Haltung einzunehmen mit Konsequenzen, die nicht immer aus einer kindlichen Welt stammen… Zum Beispiel habe ich einmal einer Person eine Kopie einer E-mail geschickt, da ich dachte, sie interessiere sich für das Thema. Sie benutzte meine Mitteilung in der Art und Weise, um sich zwischen meinen Verhandlungspartner und mich zu stellen und mich zu diskreditieren.
CATHERINE DOMAIN [FR, EN, ES]
[FR] Catherine Domain (Paris)
#Créatrice de la librairie Ulysse, la plus ancienne librairie de voyage au monde
Située au coeur de Paris, dans l'île Saint-Louis, la librairie Ulysse est la plus ancienne librairie de voyage au monde, avec plus de 20.000 livres neufs et anciens, cartes et revues sur tous les pays et pour tous les voyages. Elle a été créée en 1971 par Catherine Domain, membre du SLAM (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne), du Club des explorateurs et du Club international des grands voyageurs, et fondatrice du Cargo Club (un club de rencontre pour les passionnés de la mer) et du Club Ulysse des petites îles du monde.
Catherine Domain a visité à ce jour 141 pays et les voyages la tenaillent toujours. En 1998, elle a exploré à la voile les îles du Kiribati et les Marshall, au milieu du Pacifique. En 1999, en tant que membre du jury du Prix du livre insulaire, elle a fait une escale à Ouessant, puis elle a fait le tour de la Sardaigne à la voile en septembre. En l'an 2000, toujours à la voile, elle a visité la Croatie pendant un mois. Comme elle était de nouveau membre du jury du Prix du livre insulaire, elle a refait escale à Ouessant et aussi à l'île de Sein.
*Entretien du 10 novembre 2000
= En quoi consiste votre site web?
Mon site (créé en 1999, ndlr) est embryonnaire et en construction, il se veut à l'image de ma librairie, un lieu de rencontre avant d'être un lieu commercial. Il sera toujours en perpétuel devenir!
= Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?
Internet me prend la tête, me bouffe mon temps et ne me rapporte presque rien mais cela ne m'ennuie pas… Pour qu'internet marche, il faut ne faire que ça ou avoir des "esclaves". Je ne veux ni l'un ni l'autre. Je n'ai pas une âme de patron mais d'artisan, et j'attrape vite la bougeote et mal aux yeux.
= Comment voyez-vous l'avenir?
Extrêmement mal, internet tue les librairies spécialisées. En attendant d'être dévorée, je l'utilise comme un moyen d'attirer les clients chez moi, et aussi de trouver des livres pour que ceux qui n'ont pas encore internet chez eux! Mais j'ai peu d'espoir…
= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?
J'avoue être plus concernée par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) que par les droits d'auteur.
= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?
Est-ce qu'il n'est pas multilingue? Je vois qu'il va tuer aussi la langue française et bien d'autres (suppression des accents, négligence due à la rapidité, etc.).
= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?
Un dialogue quotidien avec ma soeur qui habite Sri Lanka et mes potes mexicains, américains, anglais, sud-africains, etc., car j'ai beaucoup voyagé, longtemps et partout.
= Et votre pire souvenir?
Ma première année ordinateur-internet: une longue souffrance technique!
[EN] Catherine Domain (Paris)
#Founder of the Ulysses Bookstore (Librairie Ulysse), the oldest travel bookstore in the world
Located in central Paris, on the Ile Saint-Louis in the middle of the river
Seine, Librairie Ulysse is the oldest travel bookstore in the world and has more
than 20,000 books, maps and magazines, out of print and new, including some in
English, about all countries and all kinds of travel. It was set up in 1971 by
Catherine Domain, a member of the French National Union of Antiquarian and
Modern Bookstores (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne
(SLAM)), the Explorers' Club (Club des Explorateurs) and the International Club
of Long-Distance Travelers (Club international des grands voyageurs).
Catherine has travelled all over the world for many years, visiting 136 countries, and she is still on the move. In 1998 she went sailing in Kiribati and the Marshall Islands in the the Pacific. In 1999, as a judge in the Island Book Prize (Prix du livre insulaire) contest, she visited the French island of Ushant. She also sailed around Sardinia in September.
*Interview of December 4, 1999
= Can you tell us about your website?
My site is still pretty basic and under construction. Like my bookstore, it's a place to meet people before being a place of business.
= How did using the Internet change your professional life?
The Internet is a pain in the neck, takes a lot of my time and I earn hardly any money from it, but that doesn't worry me…
= How do you see the future?
I'm very pessimistic, because it's killing off specialist bookstores.
= What do you think of the debate about copyright on the Web?
I must say I'm more concerned about the WTO (World Trade Organization) than about copyright.
= How do you see the growth of a multilingual Web?
Isn't it already multilingual? I think it's going to kill the French language as well as many others.
= What is your best experience with the Internet?
A daily chat with my sister who lives in Sri Lanka and the friends I have in Mexico, the USA, the UK, South Africa etc., because I've travelled a lot, for long periods all over the world.
= And your worst experience?
My first year with a computer and the Internet. It was one long technical agony!
[ES] Catherine Domain (Paris)
#Creadora de la librería Ulysse, la más antigua librería de viaje en el mundo
Situada en el corazón de París, en la Isla Saint-Louis rodeada por el Sena, la librería Ulysse es la más antigua librería de viaje en el mundo. Contiene más de 20.000 libros, cartas y revistas - nuevos y antiguos - sobre todos los paises y todos los viajes.
Esta librería fue creada en 1971 por Catherine Domain, miembro del Sindicato nacional francés de la librería antigua y moderna (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM)), del Club de los exploradores (Club des explorateurs) y del Club internacional de los grandes viajadores (Club international des grands voyageurs).
Catherine ha visitado 136 países y continúa con su pasión de viajar. En 1998 exploró en velero las Islas del Kiribati y las Marshall, en medio del Pacífico. En 1999, como miembro del jurado del Premio del libro insular (Prix du livre insulaire), hizo escala en Ouessant y, en septiembre, dio la vuelta en velero a la Isla de Cerdeña.
*Entrevista del 4 de diciembre de 1999
= ¿Puede Ud. presentar su sitio web?
Mi sitio está todavía en estado embrionario y en construcción, quiero que sea como mi librería, un lugar de encuentro antes de ser un lugar comercial.
= ¿Cuáles son los cambios obtenidos por Internet en su vida profesional?
Internet me pone los pelos de punta, toma mi tiempo y no me da ningún beneficio, pero esto no me molesta…
= ¿Cómo ve Ud. el futuro?
Extremadamente mal, Internet mata las librerías especializadas.
= ¿Qué piensa Ud. de los debates con respecto a los derechos de autor en la Red?
Reconozco que a mí me concierne más la OMC (Organización Mundial del Comercio) que los derechos de autor.
= ¿Cómo ve Ud. la evolución hacia un Internet multilingüe?
¿No es todavía multilingüe? Veo que va a matar también la lengua francesa y muchas otras.
= ¿Cuál es su mejor recuerdo relacionado con Internet?
Un diálogo cotidiano con mi hermana que vive en Sri Lanka y con mis amigos mexicanos, americanos, ingleses, sudafricanos, etc., porque viajé mucho, durante mucho tiempo y por todas partes.
= ¿Y su peor recuerdo?
Mi primer año computadora-Internet: un largo sufrimiento técnico!
HELEN DRY [EN, FR]
[EN] Helen Dry (Michigan)
#Moderator of The Linguist List
The website of The Linguist List gives an extensive series of links on linguistic resources: the profession (conferences, linguistic associations, programs, etc.); research and research support (papers, dissertation abstracts, projects, bibliographies, topics, texts); publications; pedagogy; language resources (languages, language families, dictionaries, regional information); and computer support (fonts and software).
The Linguist List is moderated by Helen Dry (Eastern Michigan University),
Anthony Aristar (Wayne State University) and Andrew Carnie (University of
Arizona). Helen Dry, who is interviewed here, is a professor of linguistics at
Eastern Michigan University. Her major research interests are linguistic
stylistics, corpus linguistics, pragmatics, and discourse analysis.
[Interview 18/08/1998 // Interview 26/07/1999]
*Interview of August 18, 1998
= Is The Linguist List multilingual?
The Linguist List, which I moderate, has a policy of posting in any language, since it is a list for linguists. However, we discourage posting the same message in several languages, simply because of the burden extra messages put on our editorial staff. (We are not a bounce-back list, but a moderated one. So each message is organized into an issue with like messages by our student editors before it is posted.) Our experience has been that almost everyone chooses to post in English. But we do link to a translation facility that will present our pages in any of 5 languages; so a subscriber need not read Linguist in English unless s/he wishes to. We also try to have at least one student editor who is genuinely multilingual, so that readers can correspond with us in languages other than English.
*Interview of July 26, 1999
= What has happened since our last interview?
We are beginning to collect some primary data. For example, we have searchable databases of dissertation abstracts relevant to linguistics, of information on graduate and undergraduate linguistics programs, and of professional information about individual linguists. The dissertation abstracts collection is, to my knowledge, the only freely available electronic compilation in existence.
[FR] Helen Dry (Michigan)
#Modératrice de The Linguist List
Le site de la Linguist List donne une série complète de liens sur la profession de linguiste (conférences, associations linguistiques, programmes, etc.), la recherche (articles, résumés de mémoires, projets, bibliographies, dossiers, textes), les publications, la pédagogie, les ressources linguistiques (langues, familles linguistiques, dictionnaires, information régionale) et les ressources informatiques (polices de caractères et logiciels).
La Linguist List est modérée par Helen Dry (Eastern Michigan University), Anthony Aristar (Wayne State University) et Andrew Carnie (University of Arizona). Helen Dry, qui est interviewée ici, est professeur de linguistique à la Eastern Michigan University. Ses principaux domaines de recherche sont la stylistique linguistique, la linguistique de corpus, la pragmatique et l'analyse du discours.
[Entretien 18/08/1998 // Entretien 26/07/1999]
*Entretien du 18 août 1998 (entretien original en anglais)
= La Linguist List est-elle multilingue?
La Linguist List, que je modère, a pour politique d'accepter les informations dans toutes les langues, puisque c'est une liste pour linguistes. Nous ne souhaitons cependant pas que le message soit publié dans plusieurs langues, tout simplement à cause de la surcharge de travail que cela représenterait pour notre personnel de rédaction (nous ne sommes pas une liste fourre-tout, mais une liste modérée: avant d'être publié, chaque message est classé par nos étudiants-rédacteurs dans une section comprenant des messages du même type). Notre expérience nous montre que pratiquement tout le monde choisit de publier en anglais. Mais nous relions ces informations à un système de traduction qui présente nos pages dans cinq langues différentes. Ainsi un abonné ne lit Linguist en anglais que s'il le souhaite. Nous essayons aussi d'avoir au moins un étudiant-éditeur qui soit réellement multilingue, afin que les lecteurs puissent correspondre avec nous dans d'autres langues que l'anglais.
*Entretien du 26 juillet 1999 (entretien original en anglais)
= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?
Nous commençons maintenant à rassembler un grand nombre de données. Nous gérons plusieurs bases de données avec moteur de recherche: résumés de thèses de linguistique, informations sur les programmes universitaires de linguistique, informations professionnelles sur les linguistes, etc. A ma connaissance, le fichier des résumés de thèses est la seule compilation électronique qui soit disponible gratuitement sur l'internet.
BILL DUNLAP [EN, FR]
[EN] Bill Dunlap (Paris & San Francisco)
#Founder of Global Reach, a methodology for companies to expand their Internet presence through a multilingual website
Founder of Global Reach, Bill Dunlap specialized in international online marketing and e-commerce among mainly American companies. Global Reach is a methodology for companies to expand their Internet presence into a more international framework. This includes translating a website into other languages and actively promoting it, to increase local website traffic from countries by a promotional campaign.
Bill Dunlap, an MIT (Massachusetts Institute of Technology) graduate, has made a life of bringing high-tech products and services to the international markets. When the microcomputer industry was in its early stages in the early 1980s, he set up a company to export popular Apple and PC software to top European markets. This led to a thorough familiarity with the European PC distribution business, and he worked then as AST Research's first European sales manager. Further opportunity brought him into Compaq Computer's newly established Paris office, where he became Compaq's first sales manager in France. He continued with Compaq afterwards at their European headquarters in Munich and managed Scandinavian sales.
Since the mid-1980s, Bill Dunlap has developed the international marketing consultancy Euro-Marketing Associates from Paris and San Francisco. In 1995, Euro-Marketing Associates was restructured into a virtual consultancy called Global Reach, a group of top online marketers throughout the world. The goal is to promote clients' websites in each targeted country, thus attracting more online traffic: more traffic, more sales.
[Interview 11/12/1998 // Interview 23/07/1999]
*Interview of December 11, 1998
= How did using the Internet change your professional life?
Since 1981, when my professional life started, I've been involved with bringing American companies to Europe. This is very much an issue of language, since the products and their marketing have to be in the languages of Europe in order for them to be visible here. Since the Web became popular in 1995 or so, I've turned these activities to their online dimension, and have come to champion European e-commerce among my fellow American compatriates. Most lately at Internet World in New York, I spoke about European e-commerce and how to use a Website to address the various markets in Europe.
= What is the purpose of the Global Reach program?
Promoting your Web site is at least as important as creating it, if not more important. You should be prepared to spend at least as much time and money in promoting your Web site as you did in creating it in the first place. With the Global Reach program, you can have it promoted in countries where English is not spoken, and achieve a wider audience… and more sales. There are many good reasons for taking the online international market seriously. Global Reach is a means for you to extend your Web site to many countries, speak to online visitors in their own language and reach online markets there.
= How do you see the growth of a multilingual Web?
There are so few people in the U.S. interested in communicating in many languages — most Americans are still under the delusion that the rest of the world speaks English. However, here in Europe (I'm writing from France), the countries are small enough so that an international perspective has been necessary for centuries.
*Interview of July 23, 1999
= What practical suggestions do you have for the development of a multilingual website?
After a website's home page is available in several languages, the next step is the development of content in each language. A webmaster will notice which languages draw more visitors (and sales) than others, and these are the places to start in a multilingual Web promotion campaign. At the same time, it is always good to increase the number of languages available on a website: just a home page translated into other languages would do for a start, before it becomes obvious that more should be done to develop a certain language branch on a website.
= What is your best experience with the Internet?
Working in tandem with hundreds of people, without any pressure. It's a great life.
= And your worst experience?
Several times, I've published an online forum, in which several insulting individuals started sending nasty mail to the forum. It went out to hundreds of people, and then they started sending nasty mail back. It had a snowball effect, and I remember waking up one morning with over 4,000 messages to download. What a mess!
[FR] Bill Dunlap (Paris & San Francisco)
#Fondateur de Global Reach, société qui favorise le marketing international en ligne
Fondateur de Global Reach, Bill Dunlap est spécialiste du marketing en ligne et du commerce électronique international. Sa clientèle est essentiellement américaine. Global Reach est une méthode permettant aux sociétés d'étendre leur présence sur l'internet en leur donnant une audience internationale, ce qui comprend la traduction de leur site web dans d'autres langues, la promotion active de leur site et l'accroissement de la fréquentation locale au moyen de campagnes promotionnelles.