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Femmes nouvelles

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TROISIÈME PARTIE

I

La route bordée de noyers atteignait le sommet du plateau. La vallée de Rosay apparut, toute lumineuse et fraîche dans la belle matinée de mai. A l'écart du village, dont le clocher d'ardoises se découpait sur l'azur, les bâtiments de la colonie, entourés de vignes et de bois, dressaient leurs constructions grises ; des hangars neufs faisaient tache blanche.

Hélène contemplait avec une sorte d'apaisement la ligne molle des collines, les grandes prairies humides où les vaches pâturaient et cette douce légèreté de l'air qui baigne les ciels limpides de Touraine. Elle se retourna vers son amie Mme Sassy, la directrice, forte et rude femme au visage d'énergie et de bonté.

— Il fait bon vivre ici!

Elles côtoyaient un champ ; les pensionnaires de Rosay, cottes et blouses brunes, courbées en deux sur les sillons, buttaient des pommes de terre. Comme on était loin de Paris, loin de cette vie factice et fiévreuse où chacun poursuivait âprement la curée de ses égoïsmes, à travers le mensonge tour à tour bienveillant ou implacable de la société! Hélène, toute meurtrie encore, un cerne de fatigue autour de ses beaux yeux, éprouvait, en songeant à l'homme, une amère rancœur. Elle n'évoquait que visage de haine, de convoitise, de sécheresse et de ruse.

Ah non! certes, l'homme n'était pas beau lorsque, sous le masque arraché des habitudes et des convenances, son âme cachée, cette âme que la vie quotidienne dissimule, se dévoilait dans sa laideur. On parlait toujours de l'éducation de la femme! Comme si celle de l'homme n'était pas d'abord à modifier tout entière. Mais renoncerait-il jamais, avec son individualisme féroce, à chercher dans sa compagne une serve de plaisir, et de son bon plaisir? Lui imposerait-il toujours, en s'en libérant lui-même, une rançon d'argent, de dévouement, de soins et de devoirs? Quand cesserait-il de vouloir primer dans la lutte séculaire, faite d'amour et de haine?… Parmi l'escorte des visages qui hantaient son désenchantement, elle revoyait l'expression dédaigneuse et dure d'André, le jour de leur grande explication après l'éclat de Du Marty. Elle avait toujours souffert par lui ; dès l'enfance, il l'avait écrasée jusque dans leurs jeux de sa supériorité tyrannique, de ses taquineries malveillantes ; plus tard, c'était l'antagonisme sourd de leurs intelligences en éveil, ses sentiments de femme toujours rappelés à la soumission ; enfin la lutte ouverte des caractères, des intérêts méconnus, son légitime désir d'égalité toujours froissé, refréné. A coup sûr, elle le savait personnel, volontaire, bornant à lui tout l'horizon ; mais jamais elle n'aurait cru que ce laborieux, dont elle estimait la soi-disant droiture et la décision, s'abaissât à d'aussi viles satisfactions, à un pareil manque de conscience et d'honnêteté. Depuis, à peine l'avait-elle revu une ou deux fois en quinze jours, et à l'attitude glaciale d'André, à sa propre froideur, elle avait senti l'irréparable.

Du Marty? La face correcte, le sourire sur les lèvres comme le monocle dans l'œil, ce vernis de politesse et d'élégance, cela s'écaillait, tombait, faisait place à l'odieuse violence d'un palefrenier, à un inconcevable mélange de bêtise et de canaillerie. L'inflexible indifférence du grand-père Pierron, figé dans son respect de la loi et son culte tenace du passé, l'égoïsme avisé de l'oncle Marcel, grand défenseur des principes pourvu qu'ils se conciliassent avec ses intérêts, tout contribuait à augmenter son isolement, sa tristesse. D'autres souvenirs la harcelaient : le museau de brochet de Simonin, sans cesse prêt à s'ouvrir pour happer une proie, et, dans ces éclairs qui à certains moments illuminent on ne sait pourquoi les coins sombres de la mémoire, tels traits épars dans le paysage de Moranges et d'Hautneuil, la trogne libertine du vieux contremaître rougeaud, le mufle veule de Lepillier, la sordide silhouette du père Lefèvre avec ses yeux morts d'aveugle…

Mais par-dessus tout, elle revenait malgré elle au visage de Vernières, tel qu'elle l'avait vu la dernière fois, à ce visage d'une pâleur terreuse où était apparue brusquement l'âme de boue. Elle ressentait encore le cruel déchirement, la douleur d'avoir si mal placé son affection, et de la découvrir à l'épreuve plus sincère qu'elle n'avait supposé. Du moins, c'était bien fini, mais l'orgueil de cette constatation lui laissait une blessure, l'impression endolorie d'un grand vide. A peine le silence et l'éloignement qu'elle était venue chercher à Rosay, commençaient à lui rendre par moments un peu de calme, sinon d'oubli. La duplicité de Vernières, son infamie découverte, voilà, sans qu'elle s'en rendît compte, ce qui lui faisait haïr aujourd'hui tous les hommes. Sous la grâce et la distinction qui l'avaient séduite, elle ne voyait plus que l'universelle vilenie, le déchaînement irrésistible des instincts bas et méchants.

Triste vie, où les meilleurs sont les dupes des pires, où les faibles sont fatalement victimes des habiles et des rapaces, de la foule brutale des sans-scrupules et des sans-cœur. Et dans une angoisse douloureuse, elle cherchait en elle-même le secours des visages amis. Entre les bons sourires d'Édith et de Minna, l'image fortifiante de son père surgit. Émue, elle reconnaissait les yeux graves et doux, la fine bonhomie, les traits chers. Comme il lui manquait, ce guide patient et sûr, qui l'avait quittée au tournant du chemin ; elle se rappela l'air de lassitude, le tendre regard fatigué du vieillard, dans son cabinet de travail de la Neuville, lorsque, assis derrière la table, il la contemplait, séparé d'elle par tant d'années de vie, à la fois si près et si loin. Des mots de naguère lui revinrent avec l'inflexion connue : « Nous voudrions te confier à quelque brave compagnon de route… » Pauvre père!

Elle avait beau chercher autour d'elle, personne. Parmi les jeunes gens qu'elle connaissait, ou qu'elle avait entrevus, aucun qui ne lui fût indifférent ou dont l'affection lui parût mériter de tenir une place dans sa vie ; et des profils se précisèrent : les lieutenants Ythier-Bourrel et de Céry dans l'or roux des bois de la Roche-Guyon? grandes moustaches et petites cervelles… Schmet, avec son nez crochu et ses cheveux frisés?… Dormoy? oui, de l'allure, une espèce de charme cavalier, une belle franchise ; mais non, il devait être comme les autres?… Ce bourru d'Arden, avec sa laideur intelligente?… Rien ne se détachait du fond sombre de ses pensées ; elle était encore trop près de sa peine pour se tourner vers l'avenir.

Mme Sassy, qui était pleine de délicatesse, respectait ce silence. Sous sa capeline noire, ses cheveux gris en broussaille découvraient un haut front rêveur ; seule la courbe prononcée du nez, du menton, décelait la volonté forte. Nature disparate, où de vastes conceptions théoriques neutralisaient souvent les énergies de l'application, Mme Sassy, depuis la mort de son mari, neveu du célèbre philanthrope et lui-même agronome distingué, avait assumé la tâche de diriger seule les établissements de Rosay. Toujours la première debout, la dernière couchée, promenant partout ses robes courtes et sa fameuse capeline noire, de l'étable au rucher, de la laiterie aux champs, elle dépensait en mille détails de surveillance son infatigable activité, sa pitié bourrue. L'asile aujourd'hui n'employait plus que cent cinquante pensionnaires. Ces femmes, de misères identiques et de provenances diverses, pour un bon nombre sortant de maisons de correction, ou bien filles repenties, filles-mères abandonnées, n'apportaient à Rosay que des corps las, des cœurs malades, toute une variété de déchéances physiques et de plaies morales. Personnel ombrageux, difficile à manier, qui, dans la fatigue salutaire du travail, gardait une redoutable vivacité d'instincts, exigeait de la part des sous-maîtresses autant d'activité que de tact. Entreprise onéreuse, où les admirables qualités de Mme Sassy ne parvenaient pas à contrebalancer ses défauts, tendance à voir trop grand, engouement de méthodes nouvelles de culture, achats sans compter d'outils perfectionnés. Les sommes affectées à la fondation par le baron Sassy étaient, comme sa propre fortune et les deux cent soixante-cinq mille francs d'Hélène, aventurés dans cette exploitation trop lourde pour les bras qui la mettaient en œuvre. De mauvaises récoltes depuis deux ans, l'hostilité du pays entier, des petits propriétaires atteints dans leur commerce par la concurrence à meilleur marché, un incendie qui avait détruit les hangars de réserve reconstruits depuis à grands frais, tout avait ajouté au médiocre état des affaires.

Hélène s'était arrêtée, le long du chemin, devant une pièce de terre où une dizaine de femmes étaient en train de repiquer un immense carré de choux. L'air de santé d'un gamin aux joues rouges, aux yeux vifs, qui poussait une brouette chargée de plants, lui fit penser à la maigre figure souffreteuse du petit Georges. Elle eut un tressaillement de colère méprisante : Georges Leroy? non, Georges Vernières! Ah! combien il serait mieux ici, le petit malheureux, à l'air libre, au soleil, que dans la corruption du ruisseau de Paris!

Mme Sassy, qui la voyait souffrir, et qui, depuis son arrivée, s'efforçait de la distraire sans l'interroger, lui proposa d'abréger la promenade. Elles rentreraient par un sous-bois, dont elle désigna un peu plus loin la verdure jeune, taillis de chênes bas tout frémissants d'un feuillage nouveau, tachés de place en place par des arbustes roux gardant encore leur dépouille d'automne.


Peu à peu, l'existence rustique menée par Hélène la détendait, la pacifiait. Toute la semaine, elle avait accompagné Mme Sassy dans ses tournées quotidiennes. Elle avait toujours aimé, mais n'avait jamais à ce point reconnu le bienfait d'une vie mêlée à la grande vie de la terre, des animaux et des choses. C'était moins le plaisir d'en goûter la beauté sereine, le spectacle magnifique et simple, que de participer à l'immense effort invisible, à la lente et féconde transformation.

D'humbles détails, nouveaux pour elle, l'intéressaient. Mises en relief par le recul de Paris et l'oubli de son agitation stérile, leur raison d'être, leur utilité lui apparaissaient pour la première fois dans leur modeste grandeur. Elle sut qu'avec Mai se modèrent, puis cessent les irrigations des prairies, se terminent les dernières semailles, colza de printemps, chanvre et maïs ; elle s'étonna de rester toute une matinée au grand air, dans les prés où, d'un geste large, des faucheuses récoltaient le trèfle incarnat, en chargeaient à la fourche de lourds chariots. Avec joie, elle respirait l'odeur fraîche et sucrée de l'herbe fleurie ; et cette expression de force saine, presque allègre, elle la surprenait aussi sur le visage bruni et dans les mouvements rythmés de ces femmes, à qui leur labeur était en train de refaire une âme. Elle se passionna pour la lutte intelligente, chaque jour, dans les vignes, contre le ravage obscur du mildiou ; elle vit, dans le soufrage soigneux des ceps, le patient emblème de toutes les guérisons.

Mme Sassy ne lui faisait grâce de rien : explications et projets. Elles visitèrent longuement la basse-cour, le rucher, les étables. On commençait à mettre les animaux au régime du vert. Plus loin, quelques femmes, trop délicates pour les travaux des champs, jetaient de leurs tabliers gonflés les grains à poignées au milieu des cercles de dindons et de poules, renouvelaient constamment la boisson des poussins. Hélène s'amusait aussi à voir placer, pour faciliter l'essaimage, des ruches en paille en vue du rucher ; c'était l'époque de la grande miellée. Le soir, elle se couchait rompue, mais l'âme tranquille ; elle retrouvait des sommeils d'enfant.

Plus encore peut-être que l'œuvre apaisante de la nature, elle admirait les soins constants de Mme Sassy, la cure journalière poursuivie par elle sur ces déshéritées. Don merveilleux de convaincre, d'émouvoir, puissance irrésistible de la charité! Ah! si chacun, dans la mesure de ses forces et la limite de son intelligence, se consacrait à cet apostolat, au moins la misère humaine serait soulagée, puisqu'il est impossible de la supprimer vraiment. Mais l'on pensait à soi d'abord! Combien l'exemple d'abnégation que Mme Sassy donnait depuis vingt ans tranchait avec l'égoïsme d'André, dont l'ambition se limitait à des jouissances de fortune et d'orgueil, avec la bassesse et la cruauté d'un Du Marty, d'un de Vernières… Vernières? Elle y pensait maintenant presque avec indifférence. Le mépris avait tué la douleur. Et cependant de tels hommes représentaient une part de l'élite de la classe dirigeante ; ils n'en étaient que plus coupables.

Oui, cette œuvre était réellement belle. A côté du labeur physique, des cours élémentaires achevaient par les longs soirs d'hiver le relèvement progressif. Jamais d'insoumises ; de se sentir libres, elles travaillaient mieux ; les portes ouvertes par charité ne retenaient personne de force. Depuis la fondation, plus de huit cents jeunes filles ou femmes à qui leur séjour à la colonie avait permis de se constituer un petit trousseau, une réserve d'économies, s'étaient mariées honorablement, avaient pu se refaire une humble mais durable position. Les gages de chaque employée étaient versés tous les mois à leur nom dans une caisse qu'alimentaient encore certains dons. Ainsi elles retrouvaient à leur sortie le fruit de leur travail, sous une forme tangible. La plupart demeuraient reconnaissantes, écrivaient à Mme Sassy, revenaient la voir. Elle citait trois de ses anciennes pensionnaires devenues sous-maîtresses à force de travail et d'honnêteté. Elle recevait de la société des épaves, elle lui rendait des êtres conscients, capables d'une vie nouvelle.

Un matin, ces deux lettres pour Hélène :

White-House, 17 mai.

« Darling,

« Moi qui t'avais promis de t'écrire longuement aussitôt débarquée! Mais impossible de trouver une minute. A peine ai-je le temps de t'embrasser aujourd'hui. A bientôt une vraie lettre. Te savoir à Rosay me rassure un peu. Je te vois allant, venant, avec la bonne Mme Sassy ; j'ai foi en cet air si doux, si pur de la Touraine, consolant comme une caresse. Pour moi, avec quel soulagement j'ai retrouvé ma vieille maison, mes prés, le brouillard matinal sur la rivière. Tu te doutes si on était heureux de me revoir! Georges, je ne t'en parle même pas, tu connais sa chère affection ; mais les petits, Fred et Bertha! Rien d'amusant comme de voir master Willy faire le Parisien, leur débiter mille contes… Ce mot seulement, chère Hélène, pour te dire que je t'aime et que je pense à toi.

« Édith. »

Hélène décachetait la seconde lettre où elle avait reconnu l'écriture de sa mère. Les lignes descendaient, signe de dépression. Les derniers événements avaient porté au comble l'abattement de Mme Dugast. Elle avait eu pendant si longtemps l'habitude du bonheur! L'apprentissage des mauvais jours, à soixante ans, c'était dur… Et avec moins d'empressement qu'elle n'en avait mis à parcourir les nouvelles d'Angleterre, Hélène commençait à lire celles de Paris.

18 mai.

« Ma chère fille

« Pourquoi répondre des billets si courts à mes lettres détaillées? Je m'efforce de te donner une impression fidèle de mes occupations, de mes tracas, et toi, tu résumes dans un bulletin de quelques lignes tes longues journées de campagne. Pas grand'chose de nouveau depuis avant-hier, où le dîner chez ton grand-père s'est bien passé. Il ne va pas mal, quoique nos chagrins lui aient été plus pénibles qu'il ne le laisse voir. Ce qui m'inquiète, c'est l'affaiblissement de ta pauvre grand'mère. Pas moyen de lui faire comprendre un mot de ce qui nous préoccupe. Elle est aussi sourde d'esprit que d'oreille. Elle demeure, quoi qu'on lui dise, engouée de Du Marty dont elle interprète toutes les actions à rebours.

« Hier matin, je suis allée chez ton oncle, j'ai trouvé la maison sens dessus dessous. Crac! au moment où on espérait pincer ce vilain monsieur, le voilà parti aux courses de Pau ; la surprise était organisée pour l'après-midi et voilà huit jours de perdus. Cela n'empêche que tout le monde était en joie, ton oncle conserve le meilleur espoir. Germaine, outrée de la conduite de son mari, — et vraiment il y a de quoi! — s'apprêtait à sortir avec Yvonne pour faire quelques achats au Louvre. Tante Portier m'a chargée de ses amitiés pour toi, elle a retrouvé toute sa sérénité, elle est bien heureuse!

« Puis, déjeuner triste à la maison, toute seule dans la grande salle à manger. Je crois que j'aurais passé une après-midi funèbre si je n'avais reçu à deux heures une belle visite. Devine qui? Dormoy, qui venait nous apporter des cartes pour son exposition ; elle a lieu dans quinze jours, chez Petit. Il a paru surpris de ne pas te trouver, a bien répété combien nous lui ferions de plaisir en allant toutes deux à l'ouverture. Le Figaro en parlait ce matin et vantait son talent. On dit qu'il sera décoré au 14 juillet. C'est un homme charmant et bien distingué, avec ses façons d'artiste.

« Voilà, ma chère fille, le bavardage d'aujourd'hui. Toujours pas de nouvelles d'André! Cinq jours que je ne l'ai vu. Mais je m'inquiète sans doute à tort, il va bien, car Dormoy l'avait aperçu lundi à la première du Vaudeville.

« Au revoir, ma chérie, prends exemple sur moi, écris longuement. Songe que c'est le seul plaisir des vieilles mamans sacrifiées.

« Ta mère qui t'aime. »

En se levant de table, le lendemain, Mme Sassy achevait d'exposer à Hélène la situation nette de leurs affaires : elle le devait à la jeune fille qui lui avait apporté si spontanément l'aide puissante de ses capitaux. Depuis qu'Hélène était là, ce besoin de confiance, de franchise, tourmentait l'excellente femme. Les recettes des dernières années, celles que faisait prévoir l'année en cours restaient à ce point au-dessous des dépenses qu'elle se faisait un scrupule de ne pas l'en prévenir. Elle désira savoir au juste de quoi se composait sa fortune. Elle savait Marcel Dugast immensément riche, elle savait qu'aux 265.000 francs d'Hélène s'était ajouté l'héritage de son père. N'allait-elle pas avoir besoin de revenus plus considérables? A peine si Rosay donnerait cette année deux pour cent.

Hélène s'expliqua simplement. Sa part de succession s'élevait à 200.000 francs placés dans l'usine Dugast : produit net, sept pour cent. Elle avait, par déférence aux supplications, aux instances de sa mère consenti à ne pas déplacer la somme. C'était bien le moins que la différence de Rosay rétablît l'équilibre! Ce qu'elle n'ajoutait pas, c'est qu'indignée de voir sa mère réduite par la volonté d'André au quart de l'usufruit, elle l'avait priée de conserver l'entière direction des 200.000 francs, en lui laissant en plus la jouissance du Vert-Logis, indivis entre son frère et elle. Elle remerciait chaleureusement Mme Sassy, elle était heureuse de s'associer au moins par l'argent, puisqu'elle ne pouvait lui apporter d'autre concours, à son œuvre admirable. Elle eût voulu l'aider de sa personne, se dévouer comme elle ; mais son devoir filial la réclamait.

Une servante frappait à la porte. Un petit vieillard desséché et propret, blouse bleue et pantalon de velours rapiécé, — l'exprès du télégraphe, s'avança une dépêche à la main : — « Hélène Dugast. Rosay, Maine-et-Loire. »

— Rien de grave, j'espère? demanda Mme Sassy.

— C'est de maman, fit Hélène qui lut d'un regard, puis lui tendit le papier bleu : « André veut partir Russie d'Asie. Désespérée. Reviens vite pour joindre remontrances aux miennes. »

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