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Florence historique, monumentale, artistique

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II

LES OFFICES

LA GALERIE DES OFFICES (Uffizi) occupe le palais que le grand-duc Cosme fît construire par Vasari, de 1560 à 1574, pour y réunir divers ordres de magistrats. Cet édifice est composé de deux longues galeries parallèles allant de la place de la Seigneurie à l'Arno et reliées du côté du fleuve par une courte galerie transversale. Un portique règne autour du monument, des niches contenant les statues modernes des Toscans célèbres sont disposées aux piliers. Du côté extérieur, face à l'Arno, placée haut, est la statue de Cosme Ier par JEAN DE BOLOGNE, entre celles de la Justice et de la Force. A l'entrée du portique de gauche, un escalier conduit à la galerie formée de la collection particulière des médicis et enrichie successivement par les ducs de la maison de Lorraine.

Dans le premier vestibule du Musée, bustes des Médicis, bas-reliefs antiques. Le deuxième vestibule a reçu des sculptures antiques: 1° Cheval qu'on présume avoir fait partie du groupe des Niobides; 2° Sanglier antique, célèbre et remarquable ouvrage grec.

Le long corridor occidental contient des sculptures et des tableaux. Les sculptures antiques de cette galerie n'ont qu'une valeur relative, elles consistent principalement en bustes et en sarcophages. Les murs des premières travées sont consacrés aux «Trecentisti». Au milieu d'œuvres d'un intérêt parfois secondaire se remarquent quelques joyaux précieux.

N° 17.—PIETRO LORENZETTI. Petit tableau des anachorètes, curieux à comparer avec la fresque du Campo Santo de Pise.

N° 25.—SIMONE DI MARTINO et LIPPO MEMMI. Annonciation. SIMONE est le maître le plus remarquable de l'école siennoise à l'époque de GIOTTO (1285-1344). Pendant les derniers temps de sa vie, son élève Lippo Memmi fut de moitié dans ses œuvres. Le meilleur ouvrage sorti de cette collaboration est l'Annonciation des Uffizi, peinte en 1333, où des figures très rehaussées d'or sur fond d'or nous montrent précocement appliqués les procédés de l'Angelico. Dans ce panneau sur bois d'un sentiment délicieux, peint en 1333, la Vierge assise ramène chastement autour d'elle le manteau dont elle est enveloppée. Un grand lys dans un vase d'or la sépare de l'ange agenouillé qui lui offre le rameau d'olivier, symbole de la réconciliation entre Dieu et les hommes amenée par la venue du Christ. Les ailes et la riche chasuble d'or de l'ange couronné de légères branches d'olivier, sont délicatement ouvragées, et son exquise figure est ravissante de grâce.

Nos 24 et 26.—Volets complétant ce triptyque: San Ansano en rose, tenant une bannière, et Santa Giuletta, en manteau gris, tenant la croix et la palme du martyre.

N° 45.—BICCI DI LORENZO (1350-1427). S.S. Cosimo et Damiano, patrons de la famille Médicis; debout à côté l'un de l'autre sur un fond d'or, vêtus de manteaux lie de vin, ils ont la tête couverte d'un voile rouge, et tiennent en main la plume et l'écritoire.

N° 52.—PAOLO UCCELLO (1397-1475). Tableau de bataille, un des quatre d'une série de mêmes sujets: mêlée de chevaux et de cavaliers se détachant sur un fond très sombre. La peinture est mouvementée pour l'époque, mais elle frappe bien plus par la recherche de la difficulté que par celle de la réalité et de la vie.

PIERO DEL POLLAJUOLO (1441-1489).

Nos 69, l'Espérance
_"_ 70, la Justice
_"_ 71, la Tempérance
_"_ 72, la Foi
_"_ 73, la Charité
Figures d'un grand
style, mais ayant
perdu leur caractère
sous de trop visibles
refaits.

N° 34.—LUCA SIGNORELLI. La Vierge avec l'Enfant. La Vierge, d'une expression charmante, est assise par terre, en corsage rouge et en long manteau bleu, et se penche vers l'Enfant entièrement nu qu'elle soutient de ses deux mains. Au fond, Signorelli a placé des figures nues tout à fait étrangères au sujet, celles d'un jeune homme faisant de la musique et d'un autre qui l'écoute appuyé sur un long bâton. Michel-Ange, inspiré par cette idée, usa de la même licence dans la Sainte Famille de la tribune.

Salles donnant sur le corridor occidental.




ÉCOLE TOSCANE

(TROIS SALLES)

1° Salle A.

N° 1157.—LÉONARD DE VINCI (?). Tête de jeune homme vue de face, les cheveux rejetés en arrière. Assez jolie de ton, mais d'un dessin un peu sec et d'une expression banale.

N° 1159.—LÉONARD DE VINCI (?). Tête de Méduse coupée et gisant à terre dans un effet de raccourci. Attribuée à Léonard, mais bien postérieure et probablement due à un peintre de l'école milanaise qui s'inspira de la description que Vasari avait faite d'une œuvre disparue du maître.

N° 1167.—MASACCIO (1401-1428). Beau portrait en buste d'un vieillard inconnu, vêtu et coiffé de blanc, se détachant sur un fond bleu pâle. Son visage rasé et ridé, légèrement incliné sur la poitrine, a une expression de bonhomie narquoise. Ce fragment de fresque est également attribué à Filippino Lippi.

N° 1154.—INCONNU. Le Médailleur. Portrait d'un jeune homme aux traits fins et intelligents; sur sa longue chevelure, il porte une calotte rouge. Vu à mi-corps, et vêtu de noir, il tient sur son cœur une médaille dorée, en relief, à l'effigie de Cosme de Médicis. Cette figure, dont les mains sont remarquablement modelées, se détache sur un très intéressant paysage; elle est connue sous le nom du Médailleur, et passe pour être le portrait de Pic de la Mirandole peint par Andrea del Castagno ou par Sandro Botticelli, à cette époque élève d'Andrea.

Nos 1156 et 1158.—SANDRO BOTTICELLI. Histoire de Judith et d'Holopherne, interprétée en deux très petits tableaux, avec ce délicieux sentiment de poésie allégorique propre à Botticelli. Si la précision, le fini précieux et l'anatomie sculpturale de l'Holopherne rappellent Mantegna, l'envolée et la grâce charmante de la Judith font de ce petit chef-d'œuvre une des meilleures pages du maître.

N° 1156.—La Judith. Judith, suivie de sa servante, retourne vers Béthulie qui forme paysage au fond. Elle tient d'une main un cimeterre recourbé et de l'autre présente un rameau d'olivier, comme annonce de la paix que par la mort d'Holopherne elle apporte à son peuple. Son ample robe flottante est retenue autour de sa taille par des liens compliqués, et sa démarche calme contraste avec la précipitation de sa servante, figure d'une beauté antique qui, pressant le pas dans un mouvement incomparable, d'une main relève sa robe pour n'être pas entravée dans sa marche, tandis que de l'autre elle soutient sur sa tête la corbeille où la tête d'Holopherne apparaît enveloppée de linges ensanglantés.

N° 1158.—Holopherne. Sur le lit placé au fond de sa tente, le général décapité gît nu. Deux groupes d'hommes, d'une facture remarquable et d'un relief saisissant, le contemplent consternés. Sous la draperie relevée de la tente on aperçoit encore deux cavaliers arrêtés dont les attitudes montrent l'effroi et la désolation.

N°1153.—ANTOINE POLLAJUOLO (1429-1498). Les Travaux d'Hercule. Ce tout petit diptyque représente Hercule frappant l'Hydre de Lerne et Hercule étouffant Antée. Ces compositions remarquables, modelées en pleine lumière, sont d'une beauté et d'une chaleur de coloris étonnantes. La vérité du mouvement, l'expression des physionomies, la finesse et le rendu des moindres détails ont été traités par le Pollajuolo avec la sincérité et l'emportement fougueux qui caractérisent son style.

Nos 1178 et 1184—FRA ANGELICO (1387-1445). Les Fiançailles et les Funérailles de la Vierge. Deux délicieux petits panneaux qui ont le fini de la miniature. Conçus avec la poésie exquise de l'Angelico, ils montrent, par la naïveté enfantine des détails matériels, à quel point toute recherche de la réalité était indifférente ou échappait au génie mystique du maître idéaliste.

N° 1182.—BOTTICELLI (1447-1510).—La Calomnie. Lucien fait d'un tableau disparu d'Apelles la description suivante:

«Sur la droite siège un juge qui porte de longues oreilles du même genre que celles de Midas. Debout à ses côtés, sont deux femmes: l'Ignorance et la Suspicion, ses conseillères. Il tend la main vers la Calomnie qu'on voit s'approcher sous les traits d'une femme divinement belle, mais à la figure enflammée, émue et comme transportée de colère et de fureur. De la main gauche elle tient renversée la torche de la justice, tandis que de la droite elle traîne par les cheveux un jeune homme nu, qui lève les mains vers le ciel, et semble le prendre à témoin de son innocence. Deux autres femmes accompagnent la Calomnie, l'encouragent, arrangent ses vêtements et prennent soin de sa parure, l'une est la Fourberie, l'autre l'Hypocrisie. En avant de ce groupe, marche une sinistre vieille voilée et vêtue de noir, c'est l'Envie, décharnée, pâle et hideuse.

En arrière se trouve une femme à l'extérieur désolé, c'est la Repentance; elle retourne la tête et, pleine de confusion, verse des larmes en regardant la figure nue de la Vérité, qui, seule et isolée, se tient debout, montrant le ciel du doigt, comme pour en invoquer la justice.»

Ce sujet était éminemment fait pour tenter Botticelli, et sa passion pour l'allégorie mythologique ne pouvait manquer de s'emparer d'un pareil motif. Interprète fidèle et presque scrupuleux du texte, il n'y apporta que son charme captivant et son incomparable maîtrise, appliqués aussi bien à la beauté des figures, aux vêtements somptueux et compliqués qui les parent, qu'au coloris lumineux et profond et aux architectures enrichies de statues qui forment décor au fond; ses portiques luxueux rappellent, par leur fini et même par une certaine sécheresse sculpturale, la manière du grand Mantegna, avec lequel du reste Botticelli a souvent plus d'un point de contact. Cette œuvre, par la réunion de ses qualités, est une des plus saisissantes compositions qu'ait laissées le riche XVe siècle, et les quelques défauts de composition ou de dessin qu'on pourrait lui reprocher se perdent dans la séduction exercée par l'ensemble.




ÉCOLE TOSCANE

2° Salle B.

N° 1257.—FILIPPINO LIPPI. L'Adoration des Mages (1496). Une certaine sécheresse dans la facture de ce tableau le rattacherait plutôt au style de Ghirlandajo qu'à celui de Masaccio, le maître de Filippino.

N° 1268.—FILIPPINO LIPPI. La Vierge et quatre Saints. Composition très supérieure à la précédente. La Vierge et l'Enfant assis sur un trône sont entourés des saints Victor et Jean-Baptiste et des saints Bernard et Zenobe. Ce dernier est une figure de vieillard de toute beauté.

N° 1112.—ANDREA DEL SARTO (1487-1531). La Vierge avec l'Enfant, saint François et saint Jean l'Évangéliste. Dans ce tableau célèbre se reconnaissent les qualités de coloris, de charme et de grâce extrême, propres à Andrea, mais aussi son absence totale de sentiment religieux et son impuissance à éprouver une émotion vraie.

N° 1279.—Sodoma. ANT. BAZZI (dit le Sodoma) (1477-1549). Saint Sébastien. Tableau peint pour servir de bannière à la confrérie de Saint-Sébastien à Sienne. Le martyre du Saint en occupe une des faces et l'autre est consacrée à la Vierge avec l'Enfant, accompagnés de sainte Gismonda, œuvre admirable d'une sincérité et d'une conviction qui ne laissent aucune place à la convention ou à l'a peu près.

N° 1252.—LEONARD DE VINCI. L'Adoration des Mages. Esquisse d'un tableau disparu, exécuté en 1478 pour le Palais Vieux. Tout incomplète que soit cette composition traitée en clair obscur, elle témoigne de la prodigieuse sincérité de Léonard et de la conscience avec laquelle il se livrait aux plus minutieuses études pour la moindre composition. Il a cherché ici le contraste violent entre le calme des personnages en adoration sur le premier plan et l'agitation des figures du second plan où se poursuivent des luttes et des combats.

N° 1257.—FILIPPO LIPPI (1454-1504). Adoration des Rois. Une des œuvres les plus remarquables et les plus considérables du maître. Commandée en 1496 par les Médicis, l'artiste dut y représenter leurs portraits sous les traits des Rois Mages, et il groupa dans leur suite ceux de tout ce que Florence alors comptait d'hommes illustres.

N° 1288.—LÉONARD DE VINCI. L'Annonciation. Ce tableau en longueur fut exécuté en 1471, pendant que Léonard était encore sous la direction de Verrocchio. Il avait été commandé par le couvent de Monte Oliveto, et si l'on sent encore quelque inexpérience dans la couleur un peu lourde et dans l'emploi d'architectures trop surchargées, les figures et les paysages sont déjà traités avec un art consommé.

Rien ne peut rendre le charme et la grâce de la Vierge, la noblesse de son attitude, l'ampleur de ses vêtements. Assise sur une terrasse au seuil de sa maison, elle lit un livre placé sur un pupitre dont la base est un admirable autel antique.

L'Archange reposant à peine sur terre, tant il semble encore soutenu par ses ailes déployées, s'agenouille en face de la Vierge pour la salutation angélique; un lys à la main, et vêtu de blanc, il est drapé d'un somptueux manteau rouge, rehaussé d'ors discrets.

La terrasse, parsemée de fleurs, laisse apercevoir par-dessus sa balustrade un paysage idéal auquel les cyprès du premier plan, avec leurs grêles silhouettes découpées sur le fond du ciel, donnent le caractère de poignante mélancolie particulière aux couchers de soleil toscans.

N° 1301.—ANTONIO DEL POLLAJUOLO. Saint Eustache, saint Jacques et saint Vincent. Ces trois magnifiques figures sont debout sur une terrasse d'où l'on découvre un vaste paysage. Elles sont peintes avec une vigueur de style et une fraîcheur de coloris admirables et vêtues avec une somptuosité extrême. Cette œuvre, une des plus parfaites d'un grand et noble artiste, est de premier ordre.

N° 1300.—PIERO DELLA FRANCESCA. Portraits de Frédéric de Montefeltro, duc d'Urbin, et de Battista Sforza, sa femme. Ce petit diptyque est considéré comme le chef-d'œuvre des peintures à l'huile du maître, tant la composition et l'exécution en sont d'une incomparable beauté. Le prince et la princesse, en buste et de profil, se regardent; ils sont modelés en pleine lumière, sans ombre, et se silhouettent avec une vigueur étonnante sur un fin et délicieux paysage.

Les volets extérieurs du diptyque sont, avec une égale perfection, peut-être plus curieux encore par l'idée mythologique qu'ils interprètent. Sur un fond de paysage faisant suite au précédent, s'avancent l'un vers l'autre deux chars triomphaux. Sur l'un, est assis le duc Frédéric couronné par la Victoire, debout derrière lui. Les chevaux sont conduits par l'Amour, et, devant le prince, sont groupées les Vertus cardinales.

La duchesse occupe l'autre, elle est assise également et escortée de deux figures de femmes. Son char est attelé de licornes, symboles de pureté, que précèdent la Foi et la Charité.

Toutes ces figures minuscules sont peintes avec délicatesse; elles n'occupent que la partie supérieure des panneaux, dont le bas est pris par une inscription latine.

N° 1290.—BEATO ANGELICO. Couronnement de la Vierge. Le sujet de ce tableau a permis au maître de s'abandonner sans réserve au ravissement de traiter des béatitudes célestes; aussi est-ce un de ceux qu'il a peints avec le plus de perfection et d'amour.

Sur un fond d'or strié figurant les rayons d'une gloire, trônent le Christ et la Vierge entourés d'un chœur immense de délicieux petits anges dansant, chantant ou jouant de divers instruments, tandis qu'en avant s'échelonnent les élus et les saints. Rien ne peut exprimer la grâce et la divine allégresse de toutes ces délicates figures vraiment béatifiées par le mysticisme profond et touchant d'une âme exquise. Les attitudes sont variées à l'infini, les visages sont peints avec le précieux fini de la miniature; quant aux vêtements, ils sont toujours traités de la même manière, dans les tons extrêmement vifs de l'enluminure, avec de nombreux rehauts d'or. Au premier abord, ce parti pris donne quelque chose d'un peu heurté, et presque de désagréable, auquel il faut que l'œil s'habitue pour subir dans sa plénitude le charme fascinateur propre aux compositions idéales de l'Angelico.

N° 1306.—ANT. DEL POLLAJUOLO. La Prudence. Superbe figure de femme assise sur un siège de marbre. Elle tient d'une main le miroir symbolique, tandis qu'autour de l'autre s'enroule le serpent de la sagacité. Elle est vêtue d'une tunique enrichie de pierres avec des manches de brocart; sur ses épaules et sur ses genoux est drapé un magnifique manteau dont la coloration fait déjà pressentir celle de Michel-Ange.

Le détail de cette œuvre de premier ordre est une merveille de rendu.

N° 1267bis.—SANDRO FILIPEPPI, dit BOTICELLI. La Vierge et l'Enfant. Ce tableau en forme de médaillon compte assurément parmi les meilleures compositions religieuses du maître, dont la nature, d'ailleurs éminemment profane, fut hostile par essence aux interprétations pieuses qui réclament une absence de recherche et une simplicité inconciliables avec la complication de son propre tempérament. La Vierge, assise de profil, tient l'Enfant mal dessiné et boursouflé; sa tête délicieuse, légèrement penchée, est couverte d'un fin tissu de gaze rayée noué autour du cou d'une manière recherchée. Debout devant elle, deux ravissantes figures d'adolescents lui présentent un livre ouvert et une écritoire, tandis que, plus en arrière, s'incline en souriant un troisième jeune homme.

N° 1289.—BOTTICELLI. La Vierge et l'Enfant à la Grenade.

N° 1299.—BOTTICELLI. La Force. On retrouve l'école dans ce tableau de jeunesse peint pour la série des Vertus, dans l'atelier de Pollajuolo.

Botticelli, n'étant pas encore maître de son talent, a appliqué à cette œuvre des principes contraires à son tempérament; aussi y contracte-t-elle quelque chose de dur et de heurté.

N° 1307.—FRA FILIPPO LIPPI (1412-1496). La Vierge adore l'Enfant présenté par deux anges. Ce tableau, peint pour la chapelle du palais de Cosme l'Ancien, est une des dernières et des meilleures œuvres du maître; la Vierge surtout est une des plus charmantes créations de la peinture florentine. Elle est représentée sous les traits d'une très jeune fille à l'expression naïve et pure, vêtue d'une robe coupée à la mode florentine et dont la légère chevelure est couverte de fins voiles transparents. Assise dans un fauteuil, elle joint les mains et contemple avec recueillement l'Enfant que lui présentent deux anges d'un dessin peu agréable et même défectueux.

N° 1291.—LUCA SIGNORELLI (1441-1524). Sainte Famille. Ce tableau rond, dans le style large, dépouillé de tout artifice du maître, montre avec ses admirables qualités de composition et de dessin, sa science consommée du clair obscur, égale souvent à celle de Léonard.

N° 1298.—LUCA SIGNORELLI. L'Annonciation, la Nativité et l'Adoration des Mages. Précieuse prédelle où les très petites figures sont traitées tout à la fois avec un fini remarquable et la largeur de style des «Fulminati» d'Orvieto ou des «soldats de Totila» du Mont-Cassin.




LA TRIBUNE

La décoration de la Tribune, haute pièce ronde surmontée d'une coupole, fut confiée par les Médicis, en 1581, à Pocetti; elle est ce qu'a pu donner de moins mauvais le style barocco, et les incrustations de nacre qui en forment l'ornementation ne manquent ni d'élégance ni de goût.

Au pourtour de cette salle sont placées de célèbres statues antiques.

N° 342.—La Vénus, dite de Médicis, ouvrage du sculpteur athénien KLEOMENES, fils d'Apollodoros, est environ du IIe siècle avant notre ère.

Entre toutes les représentations d'Aphrodite, la Vénus de Médicis est évidemment le meilleur spécimen de celles où les artistes tentèrent de montrer la déesse sous des traits jeunes et purs, peu en rapport, semble-t-il, avec l'idée évoquée par la déesse de l'amour, dans la plénitude d'une force physique exclusive de toute gracilité mièvre ou efféminée. Elle fut découverte en 1680, près de Tivoli, dans les premières fouilles de cette villa dont l'empereur Adrien avait fait un incomparable musée et d'où furent exhumés en même temps les deux chefs-d'œuvre, ses voisins à la Tribune: les Lutteurs et le Rémouleur. Les trois statues, achetées par le cardinal Ferdinand de Médicis, furent apportées à Florence dès 1681, sous le règne de Cosme III.

La Vénus, retrouvée sans bras, a été restaurée dans le mauvais style du XVIIe siècle, par des praticiens médiocres; il est donc difficile de la concevoir dans sa splendeur passée alors que la chevelure était dorée, que les oreilles étaient garnies de pendants précieux et que les yeux étaient peints.

N° 343.—Les Lutteurs. Des nombreux groupes de lutte, sujet si cher à l'antiquité, celui de la Tribune semble un des meilleurs.

Il a, par malheur, subi tous les remaniements possibles. Retrouvé sans têtes, on lui donna celles de deux Niobides, mais ce choix fut fait par quelqu'un de si versé dans l'art sculptural qu'elles s'adaptent de façon à faire croire qu'elles sont les têtes originales. A dire vrai, les torses seuls sont intacts, mais ils suffisent, tels quels, pour rendre ce groupe captivant par la prodigieuse sensation de mouvement et de vie qui s'en dégage.

N° 344.—Le Satyre dansant, œuvre grecque de la plus belle époque. La tête, les bras et les cymbales ont été refaits par Michel-Ange. Le reste du corps est un chef-d'œuvre de mouvement, tant le satyre apporte de vie et de passion à sa danse; le pied droit est appuyé sur le «scabillum», instrument en forme de soufflet, dont se tiraient des sons perçants.

N°345.—L'Apollino. La beauté de cette statue antique est singulièrement diminuée par l'enduit de stuc dont on dut la recouvrir pour la consolider.

N° 346.—L'Arrotino (le Rémouleur). Un des marbres les plus célèbres de l'école de Pergame, c'est-à-dire de la dernière période de l'art grec. Cette statue, dont la parenté avec le Gladiateur mourant du Capitole est évidente, représente un homme âgé, accroupi devant une pierre sur laquelle il aiguise son couteau, la tête relevée et le regard interrogateur.

La critique considère maintenant l'Arrotino comme un Scythe, esclave d'Apollon, et son action comme la préparation à l'écorchement de Marsyas. Le polissage donné au marbre lors de sa découverte en 1675, l'a fait longtemps prendre pour une œuvre moderne de la Renaissance.

Les plus belles peintures des Offices sont réunies dans cette salle.

N° 1131.—RAPHAEL. Portrait du pape Jules II Les portraits peints par Raphaël sont d'un tout autre ordre que ceux de maîtres tels que le Titien ou Van Dyck, qui étaient spécialement des peintres de portraits. Raphaël ne fit le portrait qu'incidemment et toujours sous l'influence de sa manière du moment. Celui de Jules II est de l'époque romaine et d'une tonalité très sombre, fortement impressionnée comme coloris par les Vénitiens.

Dans cette toile qui appartenait à la famille de la Rovere, on regrette de ne retrouver ni la vivacité, ni le feu du regard qu'on serait en droit d'attendre du violent, passionné et fougueux pontife.

N° 129.—RAPHAEL. La Vierge du Chardonneret. Ce tableau, dans la première manière de Raphaël, fut exécuté en 1548, à Florence, pour la famille Nasi. D'une grâce charmante, mais banale, d'une perfection absolue, mais froide, sans aucun appel à un sentiment plus profond, il vous laisse indifférent.

N° 1127.—RAPHAEL. Saint Jean dans le désert, une des nombreuses copies de ce sujet traité par le maître et dont l'original a disparu.

N° 1123.—SEBASTIEN DEL PIOMBO. Portrait d'une jeune Vénitienne, tableau nommé la Fornarina et longtemps attribué à Raphaël. Fra Sebastiano peignit cette toile, véritable chef-d'œuvre, en 1512, à Rome, où l'avait appelé Agostino Chigi pour travailler à la décoration de la Farnésine. Si, dans cet ouvrage remarquable, il est encore sous l'influence de Palma le Vieux pour le dessin, il a bien davantage la coloration lumineuse et dorée de son maître le Giorgione.

N° 1120.—RAPHAEL. Portrait d'une Inconnue qu'on croit pourtant de la famille Doni. Ce portrait a été peint en 1505, au moment où Raphaël, à peine arrivé à Florence, était encore sous l'influence directe du Pérugin. C'est une très belle toile, d'une grande simplicité d'allure et d'une couleur superbe.

N° 1117.—TIZIANO VECELLI (LE TITIEN) (1477-1576). La Vénus au petit chien. Ce portrait de la duchesse d'Urbin la représente sous les traits d'une Vénus nue couchée sur un lit où se pelotonne son petit chien. Cette toile, d'une prodigieuse intensité de couleur, est superbe de modelé et de vie palpitante où débordent la joie et la volupté.

N° 1139.—MICHEL-ANGE BUONARROTI. Sainte Famille. Ce tableau en forme de médaillon est un des seuls de cet ordre et de cette dimension peints par le maître. Il y a uniquement recherché la difficulté, et la position de la Vierge assise à terre, élevant vers saint Joseph debout derrière elle l'Enfant qu'elle tient à bras tendus, donne un désagréable effet de raccourci où il n'a été apparemment visé qu'au tour de force. Le fond du tableau est occupé par des figures de jeunes hommes nus, que rien ne relie au sujet, placés là par Michel-Ange uniquement à l'instar de Signorelli, sans aucun des prétextes ni aucune des excuses de cet illustre devancier. En effet, à l'époque de Signorelli, l'art était limité par des bornes si étroites qu'il s'agissait avant tout de l'élargir, et, en plaçant avec une hardiesse presque téméraire des figures nues à l'arrière-plan d'un sujet sacré, Signorelli visait un but précis, celui d'émanciper l'artiste jusque-là asservi à des formules et de consacrer le principe de la liberté absolue dans le domaine des interprétations.

N° 1141.—ALBERT DÜRER (1461-1528). Adoration des Mages. Ce tableau, chef-d'œuvre de l'école allemande, atteint à la perfection. Le grand Dürer le peignit en 1504, après son voyage en Italie et au moment où il était à l'apogée de son beau et sincère talent. La foule des personnages qu'il a représentés dans des attitudes aussi nobles que variées, la somptuosité des vêtements, la diversité des physionomies, font de cette œuvre une peinture aussi intéressante qu'attachante. Dürer s'est livré à son goût pour la minutie dans sa recherche des détails: fleurs, insectes, papillons et scarabées traités avec le fini précieux de la miniature.

N° 1118.—CORRÈGE (1494-1534). Le Repos en Égypte avec saint Bernard. Ce tableau est un des premiers où le Corrège, se laissant aller à ses goûts personnels, fit d'un sujet religieux un tableau de genre. Malgré bien des imperfections et des incorrections encore, il a déjà son coloris lumineux et profond, ainsi que la beauté de son modelé.

N° 1111.—MANTEGNA (1431-1506). Triptyque admirable où sont peintes, l'Adoration des Rois et, sur les côtés, la Circoncision et la Résurrection.

Ces précieuses peintures, œuvres de la jeunesse de Mantegna, exécutées en 1454, décoraient la chapelle des ducs de Gonzague à Mantoue; le volet de droite, consacré à la Circoncision, est d'une beauté antique: c'est du grand art dans toute sa noble et sévère pureté et rien n'a jamais été fait de comparable comme élévation et comme forme.

ÉCOLE ITALIENNE

MAITRES DIVERS.

Salle IV.

Tableaux divers: Albane, Allori,
Bassano, Canaletto, Corrège
.

N° 1025.—ANDRÉ MANTEGNA. La Vierge aux Rochers. Cette petite perle, traitée comme de la miniature, fut peinte à Rome en 1489. La Vierge, assise sur un extraordinaire rocher de schiste hérissé de ses lamelles, est somptueusement vêtue: sur une jambe presque repliée, elle tient à califourchon l'Enfant pris dans un merveilleux raccourci, et sa tête austère et grave rappelle les belles figures des Van Eyck. Le long du rocher serpente en contre-bas une route suivie par des troupeaux et des personnages minuscules. La beauté du paysage est l'admirable complément de ce petit chef-d'œuvre.




ÉCOLE HOLLANDAISE

Salle V.

N° 695.—LUCAS DE LEYDE (?) (1494-1533). Petit portrait en buste de Ferdinand, infant d'Espagne.

Le profil, tourné à gauche et un peu sec, se détache sur un fond bleu clair. Le prince porte des cheveux longs et à son grand chapeau est fixé un insigne en pierreries.

Les Gaspard Netscher sont prodigués dans cette salle peu intéressante.




ÉCOLES ALLEMANDE ET FLAMANDE

(1re salle)

Salle VI.

N° 795.—ROGER VAN DER WEYDEN (1400-1468). Jésus au Sépulcre. Au-dessus du rocher où est creusé le sépulcre, on aperçoit les trois croix du Calvaire et la ville de Jérusalem. En avant du tombeau, saint Jean et la Vierge soutiennent les deux bras du Christ devant lequel est agenouillée la Madeleine, tandis que Nicodème et Joseph d'Arimathie supportent le corps raidi par la mort.

La coloration, le dessin et la pensée dont est animé ce tableau, sont admirables, et les costumes, traités avec le plus grand soin, sont remplis d'intérêt.

N° 784.—HANS HOLBEIN, LE JEUNE. Portrait de Zwingli. Le réformateur est un homme puissant, dont la large figure respire la bonhomie. Il porte la moustache et une longue barbiche blanche; l'œil est fin et intelligent.

Nos 777 et 768.—ALBERT DÜRER. Portrait de son père en buste. Cette œuvre admirable, d'une grande simplicité, appartient à la manière de Dürer avant l'influence italienne et forme un intéressant contraste avec les deux précédents.

N° 765.—HANS HOLBEIN, LE JEUNE. Richard Southwell. Il est en noir sur fond vert, coiffé d'une barrette noire; la tête a une certaine sécheresse.

N° 850.—HANS HOLBEIN (cadre contenant plusieurs petites têtes).

N° IX.—Médaillon de Hans Holbein. Charmante petite tête d'homme, de face; il porte toute sa barbe et est coiffé de la barrette noire.

N° 847.—LUCAS CRANACH (1472-1553). Luther et Mélanchthon.

N° 845.—Jean et Frédéric, électeurs de Saxe. Quatre petits portraits sur fond turquoise.




ÉCOLES ALLEMANDE ET FLAMANDE

(2e salle)

Salle VII.

SCHOUFFLEIN DE NUREMBERG (1492-1539). Plusieurs scènes de la vie de Saint Pierre et de Saint Paul.

N° 703.—JEAN MEMLING. La Madone sur un trône. Ce délicat petit tableau, d'une finesse exquise, si on le compare aux œuvres des primitifs florentins, donne peut-être la supériorité aux maîtres flamands pour le rendu et la minutie du détail. C'est de la peinture à la fois aussi large et aussi poussée que possible.

La Vierge, assise sur un trône derrière lequel est tendue une étoffe de brocart, est entièrement vêtue de rouge, y compris son voile, et le bas de sa robe tombe sur un superbe tapis d'Orient placé devant elle. De ses deux mains elle porte l'Enfant Jésus, qui tient de la main gauche une cerise et tend la droite pour recevoir une pomme présentée par un ange agenouillé. Cet ange, vêtu d'une dalmatique passée sur sa robe blanche, porte de l'autre main son violon et son archet, tandis qu'un second ange agenouillé joue de la harpe.

Le premier plan est séparé du fond par une arcade enrichie de motifs sculpturaux traités avec une étonnante perfection et à travers lesquels s'aperçoit un beau paysage flamand tout différent des fonds peints par les maîtres italiens.




ÉCOLE FRANÇAISE

Salle VIII.

N° 674.—LARGILLIÈRE. Portrait de Jean-Baptiste Rousseau.

La tête de face, d'une belle couleur, est coiffée d'un bonnet de velours bleu à la Rembrandt. Son costume se compose d'une robe du même velours bleu drapée avec art; elle est doublée de satin orange, brodée et garnie de dentelle.

N° 671.—ANTOINE WATTEAU. Le Joueur de flûte. Des cavaliers et des dames écoutent dans un jardin un joueur de flûte.

N° 667.—FRANÇOIS CLOUET (1500-1572). Petit portrait équestre du roi de France, François Ier, monté sur un cheval blanc harnaché d'entrelacs de velours cramoisi. Peut-être le chef-d'œuvre de Clouet.

Le roi est armé de toutes pièces, seulement le casque est remplacé par la petite toque noire à plume blanche; les détails infinis de l'armure noire niellée d'or sont traités d'une façon merveilleuse.




LES GEMMES

Salle IX.

La petite salle des gemmes est un cabinet de forme elliptique entouré de six armoires vitrées, où sont contenus les ouvrages en pierre dure, cristal de roche, lapis et autres gemmes, au nombre de quatre cents, qui constituaient la précieuse collection des Médicis.

Armoire II.—Cassette en cristal de roche, peut-être le plus précieux morceau de la collection. L'histoire de Jésus-Christ y est représentée en vingt-quatre compartiments gravés en creux. Cet objet fut commandé à VICENTINO BELLI par le pape Clément VII et fut donné par lui à François Ier, lors du mariage d'Henri II et de Catherine de Médicis. VICENTINO forcé, comme les della Robbia, par la matière à laquelle il s'était consacré, à une extrême tenue de style et à une simplicité sévère, déploie un art véritable dans ses ouvrages. Dans la même armoire, un autre exemple du goût de Vicentino est l'admirable coupe en cristal dont le couvercle en or émaillé, attribué à Benvenuto Cellini, porte les chiffres entrelacés d'Henri II et de Diane de Poitiers pour laquelle la pièce fut commandée.

Armoire V.—Coupe en pierre dure attribuée à Jean de Bologne et dont le couvercle est surmonté d'Hercule terrassant l'Hydre de Lerne.

Armoire VI.—Coupe en cristal de roche, par Benvenuto Cellini.

Corridor méridional donnant sur l'Arno.

N° 137.—Autel antique de la belle époque grecque. Il représente Iphigénie conduite au sacrifice.

N° 138.—Le Spinero, le tireur d'épines, réplique antique en marbre du beau bronze du Capitole.

N° 141.—Base triangulaire représentant trois belles figures de femmes en bas-relief, ouvrage grec du plus beau style.

MICHEL-ANGE. Bacchus avec un satyre derrière lui. Ce bel ouvrage de jeunesse fut exécuté pendant que le maître était encore tellement imbu de l'antiquité que tout l'art pour lui se réduisait à la reproduire exactement. C'est ce qui explique l'attribution d'antique donnée longtemps à cet ouvrage remarquable et d'un caractère unique dans l'œuvre du maître.

Dans le corridor occidental.

Nos 155 et 156.—Deux statues de Marsyas plus grandes que nature restaurées, l'une par Donatello, l'autre par Verrocchio.

Salles donnant sur le corridor occidental.




ÉCOLE VÉNITIENNE

(1re salle)

Salle XXIII.

ECOLE VÉNITIENNE. Le cardinal Léopold de Médicis acheta en 1654 la collection de Paul de Sera, riche marchand florentin établi à Venise. C'est de cette galerie que proviennent presque tous les tableaux de l'école Vénitienne du musée des Offices. Au milieu d'un ensemble plutôt secondaire, quelques toiles sont de premier ordre.

N° 767.—FRA SEBASTIANO DEL PIOMBO (attribué au Moretto). La Mort d'Adonis. Les belles formes et la noble attitude de Vénus accompagnée de nymphes désolées, rappellent la pure et grave manière de Palma. Le paysage du fond, franchement vénitien, est fort beau.

Nos 599 et 605.—TITIEN. Portraits du duc François-Marie d'Urbin en armure, sur un fond rouge, et de sa femme la duchesse d'Urbin assise dans un fauteuil et déjà âgée. Ces portraits, peut-être la plus remarquable œuvre de l'époque, furent peints en 1537; ils sont admirables de caractère, tout en étant d'un fini d'exécution précieux. On retrouve dans celui de la duchesse le même petit chien pelotonné que dans la Vénus couchée de la Tribune.

N° 626.—TITIEN. La Flore. Dans cette superbe toile on ne saura jamais la part réelle qu'a la nature ou qui revient à la fantaisie imaginative du maître. C'est une jeune et admirable Vénitienne blonde, vêtue d'une chemise légère, sur laquelle elle ramène une draperie rose, tandis que sa main tendue tient des fleurs. Rien ne peut rendre la largeur et la maëstria avec lesquelles le Titien a peint ce chef-d'œuvre.

N° 648.—TITIEN. Portrait de Catherine Cornaro, reine de Chypre. Elle est représentée avec la roue de sa patronne, sainte Catherine d'Alexandrie. Ce portrait est plus intéressant par le costume que par la facture.




ÉCOLE VÉNITIENNE

(2e salle)

Salle XXIV.

N° 629.—MORONE. Portrait d'un savant, remarquable peinture.

N° 631.—JEAN BELLIN (attribué à Basaiti). La Vierge au lac. Sur un rocher qui domine la rive d'un lac solitaire, la Vierge est adorée par saint Joseph, saint Paul, saint Sébastien et plusieurs autres saints. Le délicieux paysage du fond contribue à la beauté grave et mélancolique de ce délicat petit chef-d'œuvre.

Nos 601 et 638.—TINTORET. Deux très beaux portraits de l'amiral Venier et de Jacob Sansovino, sculpteur et architecte, peint dans sa vieillesse un compas à la main.

Au fond des salles de la peinture vénitienne s'ouvre le cabinet des médailles.

Retournant sur ses pas au corridor oriental, on prend un couloir conduisant à la salle dite de «Lorenzo Monaco» où ont été réunis quelques ouvrages remarquables des «Quatrocentisti». Ils sont mieux éclairés que dans les autres salles du musée.




SALLE DE LORENZO MONACO

N° 1309.—LORENZO MONACO. Le Couronnement de la Vierge, peint en 1413 et provenant de la Badia de Cerretan. C'est un grand retable sur fond or à trois compartiments, intéressant surtout par son style gothique absolu.

N°1310.—GENTILE DA FABRIANO(1425). Sainte Madeleine, Saint Nicolas de Bari, Saint Jean et Saint Georges dans quatre compartiments sur fond or; ces figures sont elles-mêmes richement rehaussées d'or.

N° 17.—BEATO ANGELICO. Grand retable à volets sur fond or. Peint en 1443 pour la corporation des marchands de tissus de lin. Au milieu est la figure colossale de la Vierge assise et sur les volets extérieurs et intérieurs sont les quatre Évangélistes. Dans ce tableau on peut se rendre un compte exact de l'impossibilité où se trouvait Angelico d'excéder certaines proportions hormis dans la fresque. Pour une œuvre de cette dimension, l'absence de science anatomique, le manque d'animation et de vie des personnages sont des défauts frappants, qui deviennent trop sensibles.

La véritable voie d'Angelico, celle où il est unique, est l'interprétation des joies et des béatitudes célestes par des figures hiératiques et mystiques de petites proportions; aussi les douze anges qui encadrent la Vierge et jouent de différents instruments sont-ils de beaucoup la meilleure partie de l'œuvre, et plusieurs d'entre eux peuvent compter parmi les plus idéales compositions du maître.

N°1297.—DOMENICO GHIRLANDAJO. Vierge et Enfant.—La Vierge est assise sur un trône entouré d'une balustrade derrière laquelle se pressent quatre chérubins avec des lys; sur son genou gauche L'Enfant porte la sphère et bénit. A ses côtés se tiennent saint Michel et L'archange Gabriel, au premier plan sont agenouillés deux saints évêques de chaque côté d'un vase de fleurs. La tonalité un peu grise de cette jolie composition la ferait plutôt attribuer à Ridolfo Ghirlandajo.

N° 1286.—SANDRO BOTTICELLI. Adoration des Mages (1466). Ce tableau, peint par Botticelli encore très jeune pour Cosme l'Ancien, se ressent des influences de ses maîtres et tel personnage semble échappé du pinceau de Pollajuolo, tandis que tel autre, comme la Vierge par exemple, est empreint du sentiment gracieux de Lippi. Toutefois, combien, par la science de la composition, par le groupement des personnages, Botticelli leur est-il déjà supérieur!

Devant un rocher, au milieu de ruines fantaisistes, la Vierge mince et élancée reçoit les Rois Mages agenouillés sur des plans différents et qui sont les portraits de Cosme, de son fils Jean et de son petit-fils Julien. Cosme, vêtu à la Pollajuolo d'une robe noire couverte de broderies d'or, est le plus rapproché de la Vierge.

Au premier plan, vu de dos, Jean, en manteau rouge à revers d'hermine, le chapeau posé à terre, est accompagné de son fils Julien vêtu de blanc.

Les autres personnages dont le groupement mouvementé concourt à l'action, sont également des portraits et quelques-uns même sont des portraits de premier ordre. Il faut citer particulièrement la splendide, austère et grave figure d'un homme jeune vêtu de noir avec des chausses vertes, puis celle d'un adolescent en manteau bleu clair dont le profil exprime l'adoration et l'extase, tandis qu'un autre portant la tunique florentine rouge à manches bleu de ciel, les mains croisées sur son épée fichée en terre devant lui, regarde d'un œil dédaigneux ce qui l'entoure; aussi, son voisin a-t-il l'air de le ramener à la réalité en lui montrant la scène.

On peut considérer cette œuvre comme une des plus précieuses qu'aient laissées les «Quattrocentisti» et une des plus complètement belles de l'art florentin.

N° 59.—SANDRO BOTTICELLI. La Naissance de Vénus. Autre œuvre de jeunesse, peinte simultanément avec l'allégorie du Printemps, sur l'ordre de Pierre de Médicis, pour la décoration de sa villa de Castello. C'est le premier sujet mythologique où s'essaya le maître; aussi est-il d'une jeunesse, d'une poésie et d'un charme inexprimables. Rien ne peut rendre la grâce de cette figure de Vénus quasiment vêtue de sa chevelure d'or, debout sur la conque à reflets dorés qu'elle va quitter pour descendre au rivage de Cythère. Son beau corps est légèrement penché en avant, sur son instable nacelle que poussent les zéphyrs, et le Printemps, figuré sous les traits charmants d'une jeune femme, sort d'un bois de lauriers à reflets dorés pour recevoir la déesse dans les plis d'un manteau semé de fleurs et gonflé par le vent. Moins énigmatique que celui de l'Académie, le Printemps est vêtu d'une flottante robe blanche, parsemée de bleuets, retenue autour de la taille par une ceinture formée de branches de roses. Ses admirables cheveux dorés flottent en arrière et toute son élégante silhouette se découpe sur le manteau de la déesse. Certaines naïvetés de facture, telles que les vagues de la mer, donnent encore une saveur particulière à cette charmante composition où les personnages sont d'une taille plus importante que ne le sont les figures habituelles de Botticelli.

N° 1309.—DOMENICO VENEZIANO. La Vierge trônant sous des arcades et entourée de quatre saints.

Cette peinture un peu blafarde est la seule sûrement attribuée à ce peintre, maître de Piero della Francesca.




SALLES DES PORTRAITS DES PEINTRES
PEINTS PAR EUX-MÊMES

Salle XIX.

MAITRES ANCIENS.

N° 233.—Rubens sans chapeau (1610).

N° 228.—Rubens avec chapeau (1620).

N° 354.—Giovanni Bellini. Beau portrait d'homme faussement donné comme le sien, buste dont le visage rose est encadré de longs cheveux roux coupés à la florentine.

N° 549.—Mme Vigée-Lebrun.

N° 290.—Michel-Ange (mauvaise œuvre du XVIIIe siècle).

N° 292.—Léonard de Vinci. Portrait exécuté probablement par Schidone. Belle tête jeune et énergique où de longs cheveux blonds se confondent avec la barbe soyeuse et épaisse, d'un ton doré.

N° 288.—Raphaël. Ce joli portrait (1506) est de la même époque et de la même valeur que celui de Madeleine Doni. Cette œuvre intéressante de sa première manière a malheureusement beaucoup souffert. Raphaël s'y est représenté sous les traits d'un jeune homme vu de dos, la tête tournée à droite et le visage encadré de longs cheveux châtains. Il porte la tunique et la barrette noire.

N° 287.—PIETRO PÉRUGIN. Le plus beau des portraits dus au Pérugin (1494). Il représente l'espagnol Lopez Perego et est d'une individualité, d'une finesse de coloration et d'un ton doré remarquables. Le visage rasé, vu de face, encadré de cheveux blonds ébouriffés, est surprenant de vie.

N° 223.—Antoine Van Dyck.

N° 237.—Quentin Matsys.

N° 236.—Antonio Moor assis devant une toile blanche, sa palette et ses pinceaux à la main.

N° 232.—Hans Holbein le Jeune. Dessin au charbon et au crayon avec une légère coloration à l'aquarelle. La tête est très fine, les cheveux rares sont arrangés en curieuses mèches sur le front.

Nos 451-452.—Rembrandt. Le premier de ces admirables portraits produit une profonde impression; il montre le maître au déclin de l'âge, dont les atteintes ont laissé leur profonde mélancolie sur son grave et beau visage.

AU MILIEU DE LA SALLE.

N° 339.—Vase Médicis. Ce cratère, fameux par l'élégance de sa forme et par la beauté de son bas-relief, représente le Sacrifice d'Iphigénie. On le considère comme un très remarquable ouvrage grec trouvé à Rome dans les fouilles du XVIIIe siècle.

Salle XVIII.

MAITRES MODERNES.

SALLES DES ANTIQUES ET DES PIERRES GRAVÉES

Salle XV.

Inscriptions grecques et latines provenant de Rome pour la plupart.

Au milieu: Statues antiques de Bacchus et d'Ampelos, de Mercure, de Vénus, d'Uranie, de Vénus Genitrix.

Salle XVI.

Cabinet de l'Hermaphrodite (à la suite de la salle précédente).

N° 308.—Ganymède et l'Aigle, restauré par Benvenuto Cellini dans son sentiment personnel.

N° 315.—Torse de Faune.

N° 306.—Hermaphrodite couché sur une panthère. Cette statue n'est pas une des plus belles interprétations qui existent de ce sujet si cher aux anciens. Toute la partie inférieure a été restaurée.

Salle XVII.

(Suite de la salle de l'Hermaphrodite.) Cabinet des Camées et des Pierres gravées.

La collection des Camées et des Intailles de ce cabinet provient des Médicis. Cette belle collection de plus de 4.000 numéros est exposée en douze compartiments. Les camées antiques les plus remarquables sont contenus dans le premier.

Le n° 7 est un excellent ouvrage grec sur onyx. L'amour ailé jouant de la lyre est monté sur un lion rugissant qui symbolise le pouvoir de l'amour destiné à dompter les natures les plus féroces.

La vitrine n°6 contient des portraits sur camée de personnages célèbres au XVe et au XVIe siècle.

La vitrine n°11, au n°2458, renferme la fameuse bague à sphinx dont Auguste se servait comme cachet. Elle fut trouvée dans son tombeau à Corea près de Rome.

PIERRES GRAVÉES DU XVe SIÈCLE.

N° 371.—Buste de Savonarole, ouvrage superbe de Giovanni delle Corniole, gravé sur cornaline.

N° 373.—Buste de Léon X en jade, œuvre présumée de Michelino, orfèvre florentin.

N° 334.—Scène allégorique de Mariage, ouvrage attribué à Valerio Vicentino. Différents objets intéressants sont encore dans cette salle.

A. Masque du Dante, moulé après sa mort.

B. Petit modèle en cire de Michel-Ange pour la statue du «Penseur» de la nouvelle sacristie de Saint-Laurent.

G. Petit cadre où sont renfermées les miniatures de Henri II et de Catherine de Médicis entourés des princes et princesses de la maison royale de France.

E. Vingt-quatre petits portraits des Médicis depuis Jean de Bicci, père de Cosme l'Ancien; plusieurs sont l'œuvre du Bronzino.

SALLE DU BARROCCIO

Salle XIV.

Œuvres d'intérêt secondaire.

Salle XIII.

Salle de Niobé. Ainsi nommée des seize statues du célèbre groupe de Niobé. En l'année 1583, on trouva dans la villa Palombara à Rome, entre Sainte-Marie Majeure et le Latran, une véritable mine de statues, parmi lesquelles se trouvèrent les Lutteurs de la Tribune et les statues de Niobé, de ses sept fils, de ses sept filles et des pédagogues tombés sous les flèches d'Apollon et de Diane. Ces statues appartiennent à des époques très différentes et la qualité même de leur marbre tend à prouver que ce sont des copies romaines de l'époque de la décadence plutôt que d'anciens originaux grecs, comme on l'avait pensé d'abord. Elles ont presque toutes une raideur de mouvement et une exagération de pose résolument contraires à cette attribution. Les deux plus belles sont:

N° 241.—Niobé et sa plus jeune fille, sujet principal de l'ensemble.

N° 244.—Jeune homme gisant à terre, dans un beau mouvement.

La taille et les attitudes différentes de ces statues font présumer qu'elles décoraient le fronton d'un temple.

Nos 140 et 147.—RUBENS. Ces deux belles compositions, où le talent de Rubens se montre sous son meilleur jour, représentent Henri IV à la bataille d'Ivry et son entrée à Paris.

BRONZES ANTIQUES

Salles XI et XII.

La collection des bronzes contenue dans deux salles comprend des pièces d'ordre secondaire, exception faite toutefois des numéros suivants.

N° 424.—Mercure, connu sous le nom de l'Idolino, statue nue de jeune homme, trouvée à Pesaro en 1530; œuvre grecque remarquable.

N° 148.—Le bronze repose sur une base du XVe siècle, ouvrage de DESIDERIO SETTIGNANO, travail d'une beauté, d'une élégance et d'une richesse extrêmes, aussi bien dans les bas-reliefs que dans les ornements qui le décorent.

A l'extrémité du corridor oriental s'ouvrent trois salles où sont contenus les dessins.

La Galerie de Florence possède une des plus riches collections connues de précieux dessins originaux des maîtres anciens. Commencée par le cardinal Léopold de Médicis, on présume qu'il acheta, pour la former, le fameux recueil composé par Vasari, alors qu'il travaillait à son ouvrage sur les peintres. Enrichie, par la suite, de legs et de dons successifs, elle se compose actuellement de plus de 35.000 dessins dont on a exposé les plus remarquables, tous par conséquent de premier ordre.

Salle I.

La paroi du mur de droite est occupée par les dessins de l'école de Giotto, parmi lesquels s'en retrouve un à la plume, très rare, de Taddeo Gaddi. Ceux de Masolino, de Masaccio, d'Uccello, de Fra Angelico et de Benozzo Gozzoli remplissent la paroi suivante. Les œuvres les plus saillantes sont:

N° 254.—PIERO POLLAJUOLO. Remarquables anatomies d'hommes assis.

Nos 267, 268, 269.—ANTONIO POLLAJUOLO. Études de nu.

Nos 261, 262, 263.—ANTONIO POLLAJUOLO. Études de femmes nues pour ses Vertus.

Nos 276, 277, 278, 279.—ANTONIO POLLAJUOLO. Pape bénissant, études.

Nos 59 (256).—SQUARCIONE. Guerrier en armure.

N° 187.—BOTTICELLI. Anges lisant.

N° 190.—BOTTICELLI. Étude de femme nue.

N° 192 à 199.—BOTTICELLI. Études plus ou moins poussées, toutes d'un beau mouvement et d'une grâce exquise.

N° 212.—BOTTICELLI. Étude admirable pour la Vénus de la National Gallery de Londres.

Nos 200, 201, 202.—BOTTICELLI. Études.

N° 203.—BOTTICELLI. Étude connue sous le nom de «Circé». Deux femmes nues drapées de gazes sont à côté d'un brasier où l'une d'elles prend des tisons.

N° 1440.—PIERO DELLA FRANCESCA. Esquisse de «la Résurrection» de Borgo San Sepolcro.

N° 184 T.—FRA FILIPPO LIPPI. Dessin rehaussé de blanc, la Vierge adorant l'Enfant soutenu par deux anges, carton du tableau.

N° 1307.—Placé dans la troisième salle de l'école Toscane.

N° 139.—FILIPPINO LIPPI. Étude de tête pour la Vierge de la Badia (bistre).

N° 129.—FILIPPINO LIPPI. Étude pour le Saint Bernard de la Badia.

FILIPPINO LIPPI. Esquisses à la plume et études pour les fresques de la chapelle Strozzi à Sainte-Marie Nouvelle.

La paroi gauche de la salle est occupée par des dessins de maîtres divers.

Ceux de MANTEGNA sont de premier ordre; ils semblent des bas-reliefs antiques.

N° 395.—Hercule étouffant Antée.

N° 397.—Merveilleux dessin de Vierge en adoration.

N° 404.—Judith mettant la tête d'Holopherne dans un sac présenté par sa suivante.

Étude plume, bistre et noir, d'une rare perfection. Elle porte la date de 1491.

N° 336.—Femme dont le vêtement s'envole. Les dessins de GHIRLANDAJO sont presque tous des compositions et des études de sa fameuse fresque du chœur de Sainte-Marie Nouvelle.

Nos 1246 et 1250.—SIGNORELLI. Études de démons et de damnés pour la chapelle Saint-Brizio d'Orvieto.

N° 566.—SODOMA. Buste de jeune homme couronné de lauriers, admirable dessin au crayon de couleur.

N° 594.—JEAN BELLIN. Portrait de jeune homme à la sanguine, qu'on croit être le sien.

Des dessins de SÉBASTIEN DEL PIOMBO, d'autres d'ANDREA DEL SARTO, compositions ou études pour les fresques exécutées à Florence, sont dignes de remarque. Les maîtres vénitiens sont aussi nombreusement et bien représentés.

Salle II.

N° 164.—PIERRE PÉRUGIN est représenté par des dessins de premier ordre. Dans un même cadre se trouvent réunies les trois feuilles de la composition du tableau de la «Déposition de Croix» du Musée Pitti. Toutes les figures de cette pièce remarquable sont exécutées à l'aquarelle rehaussée de blanc et précieusement finies.

Autre étude pour la fresque du couvent de Sainte-Madeleine des Pazzi.

N° 408.—Sainte Catherine, étude pour le tableau de Bologne.

N° 402.—Vénus et l'Amour, étude pour le Cambio de Pérouse.

Vingt-sept précieux dessins de LÉONARD DE VINCI de la plus grande rareté atteignent tous le summum de la perfection.

N° 435 (1re salle).—Admirable lutte d'une chimère contre un lion (au lavis).

N° 426.—Tête de jeune femme couverte d'un voile.

N° 425.—Tête de femme vue de face.

N° 414.—Jeune femme au crayon rouge, en buste.

N°427.—Admirable portrait d'homme, crayon rouge et noir.

N°419.—Tête de jeune femme au crayon rouge, d'un modelé précieux, véritable petit chef-d'œuvre. Son front est couvert d'un voile retenu par une bandelette, ses longs cheveux tombent sur ses épaules, son profil noble et délicat a une expression énigmatique.

N° 428.—Étude de tête pour une Madeleine, à la plume et au bistre.

Puis des études de draperies à la détrempe, des caricatures, des études sur le laid, et enfin une curieuse feuille avec des esquisses de machines annotée de la main de Léonard et datée de 1478.

Trente-sept dessins sont de la main de Raphaël. Quelques critiques que l'on puisse justement adresser à l'incroyable fécondité de Raphaël et à sa facilité trop excessive, comme dessinateur il est incomparable et la pureté de son style reste unique.

«La Cavalcata». Un de ses plus fameux dessins à la plume, rehaussé d'aquarelle. Il porte en haut l'explication du sujet et représente un des épisodes de la vie d'Æneas Silvius Piccolomini, celui où il se rend au concile de Bâle.

Le Pinturicchio, qui avait reçu la mission de retracer la vie d'Æneas sur les murs de la Libreria de Sienne, n'avait pas eu de cesse qu'il n'eût obtenu de son jeune camarade d'atelier que celui-ci exécutât un des sujets à son choix. Le dessin en question est l'étude de cette composition.

N° 259.—Étude pour le petit Saint George du musée de l'Hermitage de Saint-Pétersbourg.

N° 530.—Étude pour le petit Saint George de la National Gallery à Londres.

N° 521.—Étude pour la femme portant des amphores dans «l'Incendie du Bourg» (Vatican, Chambres).

N° 531.—Dessin appelé «l'Idolino». Bacchus jeune porte un vase sur sa tête.

Dessin pour la «Déposition de Croix» du musée Borghèse à Rome.

Étude au crayon rouge pour la «Vierge au voile» de la Tribune du Louvre.

Étude pour le «Saint Jean dans le désert» de la Tribune.

N° 1127.—Deux aquarelles rehaussées de blanc pour les loges du Vatican: «l'Adoration du veau d'or» et «Moïse faisant jaillir l'eau du rocher».

Au crayon noir, la première esquisse de la «Vierge du Grand-Duc» du musée Pitti. Au crayon rouge la composition de la «Madonna del Pesce» du musée du Prado à Madrid.

Enfin, à l'aquarelle rehaussée de blanc, le fameux dessin de la peste dit «il Morbetto» qui a été gravé par Marc-Antoine.

Les dessins de Michel-Ange, au nombre de vingt, sont autant de chefs-d'œuvre.

N° 608.—L'un d'eux offre le plus grand intérêt. A la plume et à l'aquarelle, il donne le plan du fameux tombeau de Jules II, inexécuté, au grand désespoir du maître.

N° 607.—Esquisse des tombeaux des Médicis à la sacristie neuve de Saint-Laurent.

Deux esquisses du célèbre carton détruit de la «Bataille des Florentins et des Pisans».

N° 599.—Têtes de femmes; l'une d'elles, casquée et la poitrine nue, passe pour être le portrait de Vittoria Colonna.

N° 594.—Étude pour un des esclaves de la Sixtine.

N° 601.—La Furie appelée aussi «el Damnato». Tête de face, la bouche ouverte et convulsée, les yeux féroces, les cheveux hérissés sous une draperie soulevée par le vent.

Nos 606, 613, 616.—Études pour la Sixtine.

N° 601.—Ganymède (sanguine).

N° 614.—La Prudence, assise, avec son miroir, protège un enfant contre la Folie symbolisée par un autre enfant caché derrière un masque.

N° 609.—La Fortune, le torse nu, à cheval sur sa roue.

3e Salle.

N° 1123.—ANTONIO POLLAJUOLO. Christ en croix entre la Vierge et saint Jean.

N° 1129.—GHIRLANDAJO. «Le Mariage de sainte Catherine.» Figures en camaïeu rehaussées de ton chair.

ALBERT DÜRER, dessins à la plume, précieux d'exécution et admirables de composition.

N° 1077.—«Jésus portant sa Croix».

N° 1060.—Tête de jeune négresse.

N° 1063.—Homme debout, en armure, monté sur un lion; derrière lui, femme montée sur un chien.

N° 1073.—«Le Cavalier de la Mort».

N° 1074.—«Le Fauconnier».

N° 1068.—«Déposition de Croix».

N° 1082.—MARTIN SCHÖNGAUER, soldat combattant contre un diable.

N° 1080.—Tête de Madeleine.

N° 1084.—ROGER VAN DER WEYDEN. Vision, personnages debout, agenouillés devant une fenêtre; étude pour le tableau de Berlin.


A côté de la salle de Lorenzo Monaco, se trouve l'escalier descendant à la galerie qui relie les Offices au palais Pitti en traversant l'Arno sur le Ponte Vecchio. On remarque d'abord, dans cet interminable passage, des gravures sur bois et sur cuivre des maîtres italiens, jusqu'à MARC-ANTOINE RAIMONDI; d'autres plus intéressantes sont celles de MANTEGNA, de DÜRER et de MARTIN SCHÖNGAUER; des vues des villes italiennes au XVIIe siècle, et enfin une grande collection de portraits tous mauvais, mais intéressants au point de vue de l'histoire du costume: membres de la famille des Médicis, Papes, Cardinaux, Sultans, Rois de France; portraits de dames de la Cour d'Angleterre et de Florentines renommées pour leur beauté.




III

DES OFFICES A SANTA CROCE

LE BARGELLO, VIA DEL PROCONSOLO, LA BADIA, VIA GHIBELLINA, MUSÉE BUONARROTI, INSTITUT PHILHARMONIQUE, PLACE SANTA CROCE, SANTA CROCE, SAN AMBROGIO.

LE BARGELLO. La Révolution de 1250 ayant supprimé la charge de podestat, elle fut rétablie en 1255 et la Seigneurie décréta, pour loger ce magistrat suprême de la République, la construction d'un palais pouvant tout à la fois lui servir de demeure et de prison. TADDEO GADDI fut donc chargé d'élever un édifice destiné à ce double usage. En effet, la situation de ce souverain juge était peu enviable. Pour que son impartialité fût absolue dans l'exercice de ses fonctions, il devait être choisi à l'étranger et être non seulement comte et guelfe, mais encore n'avoir ni amitié ni parenté dans la ville. Une fois entré en charge et investi de sa redoutable puissance, il devait vivre solitaire et séquestré dans son palais, car les Florentins avaient mis à l'exercice de ce pouvoir les conditions les plus dures. Le podestat devait ne partager ses repas avec qui que ce fût, n'adresser dans la rue la parole à personne, ne marcher qu'avec une escorte de pages et de cavaliers armés. S'il était marié et père de famille, pendant l'année que durait son pouvoir, il ne pouvait ni voir sa femme ou ses enfants, ni même leur donner signe de vie. Enfin, avant de résigner sa charge, il lui fallait rendre compte du somptueux mobilier dont il avait dû reconnaître l'inventaire.

La méfiance d'un peuple jaloux, la dureté d'un juge choisi pour être inexorable, les sentiments inspirés par ce tyran à la fois tout-puissant et tenu en captivité, sont exprimés avec force dans ce monument où s'allient une richesse sombre et la sévérité la plus grande.

L'extérieur du Bargello a l'aspect austère d'une forteresse; sa masse sinistre, couronnée de mâchicoulis et de créneaux, est à peine percée de rares fenêtres; et la tour carrée, élevée à un de ses angles, contribue encore à accentuer ce caractère.

Sous les Médicis, tout ce qui pouvait rappeler la grandeur de la République étant proscrit, le palais du Podestat devint cour criminelle, siège de la police, prison, le «Bargello» pour tout dire en un mot. Il renferme aujourd'hui le musée national et contient des objets d'art remarquables.

Sous la voûte d'entrée deux salles voûtées divisées en nefs par des piliers, décorées des armoiries des anciens podestats, renferment des collections d'armes intéressantes pour l'histoire de la ville. Les deux pièces les plus importantes, placées à l'extrémité de la salle, sont une rondache et un casque, œuvres de BENVENUTO CELLINI exécutées pour François Ier, roi de France.

La rondache représente l'histoire de Persée et d'Andromède. Le casque, surmonté d'une chimère, est décoré d'une riche ornementation dorée en relief.

La cour du Bargello forme un carré dont une face est occupée par le mur froid et nu de la sévère construction de Taddeo Gaddi, tandis que les trois autres sont atténuées par un portique dont les arcades cintrées sont supportées par des colonnes. Cette partie fut construite vers 1350 par BENCI DI CIONE et NERI FIORAVANTI. Pour donner un accès plus facile au palais, les architectes du XIVe siècle élevèrent contre l'aile de Taddeo un escalier coupé par un palier fermé d'une grille qu'ils firent aboutir à une loggia ouverte sur tout un côté de la cour. La décoration des murs de cette cour, unique en son genre, est aussi variée qu'intéressante; elle est formée par les écussons en relief des podestats semés à profusion sur ses quatre faces et affectant toutes les formes. Ils sont en pierre dure ou en marbre avec les traces des peintures qui les rehaussaient.

Au milieu de ces marques de la puissance des podestats, la République, toujours jalouse de sa suprématie, a placé partout l'empreinte de son autorité et partout se retrouvent les armes de la ville, des Guelfes et du peuple. Le même sentiment apparaît encore sous les portiques où sont encastrés les écussons peints en relief des divers «sestiere», tandis qu'aux voûtes sont représentées les armes de leurs gonfalons.

Sous les portiques au rez-de-chaussée s'ouvrent deux salles:

I

Tombeaux du XIVe siècle.

II

Sculptures des XVe et XVIe siècles.

Cinq bas-reliefs d'une grande allure, de BENEDETTO DA ROVEZZANO. Ils proviennent du tombeau de saint Gualbert et furent mutilés par les Espagnols après le siège de Florence (1519). L'intérêt particulier de cette salle est dans les nombreuses œuvres de MICHEL-ANGE qu'elle contient.

A.—Buste de Brutus. Cette figure énergique et sombre ne pouvait manquer de séduire Michel-Ange. Ce buste, fait à l'époque où le maître quitta définitivement Florence pour Rome, reflète les pensées dont il était alors hanté et dont l'inscription du socle est un si frappant témoignage.

Dum Bruti effigiem sculptor de marmore ducit, In mentem sceleris venit et abstinuit.

Semblable en cela aux statues de San Lorenzo, le buste, inachevé, fut abandonné à la même époque.

B.—Masque de satyre édenté.

C.—La Vierge, l'Enfant et Saint Jean. La tête de la Vierge, seule partie achevée de ce médaillon, est d'une rare beauté.

D.—Bacchus ivre. Cette statue fut exécutée en 1497, pendant le premier séjour de Michel-Ange à Rome, pour A. Galli. Le maître a cherché à reproduire l'antique Dionysos, et a représenté le dieu sous la forme d'un très jeune homme aux formes élégantes, dont la figure exprime l'ivresse par la fixité du regard. Il est couronné de grappes de raisin et tient une coupe.

E.—Petit groupe de Léda et du Cygne.

F.—Réduction en marbre du Moïse.

PREMIER ÉTAGE

Sous la loggia sont conservées cinq cloches de bronze. La plus ancienne, fort simple, est datée de 1183.

Une autre, un peu plus grande, porte le millésime de 1249 et a été fondue par BARTOLOMEO PISANO.

La troisième est de 1352.

La quatrième, ornée des bas-reliefs du Calvaire et de l'Annonciation, est de 1670.

La cinquième, de 1675, est la plus ornée.

Ainsi que la précédente, elle est l'œuvre de GIOVANNI CENNI.

Salle I (à droite de la loggia).

Cette salle est exclusivement consacrée à DONATELLO, ce grand et puissant génie, malheureusement parfois trop inégal et inférieur à lui-même. Il faut citer en tout premier lieu les quatre admirables bas-reliefs de Rondes d'enfants qu'il exécuta de 1433 à 1440 pour une des tribunes des orgues de la cathédrale; ils faisaient face à ceux de Luca della Robbia; et ils reproduisent avec des variantes ceux de la chaire de Prato.

Donatello traita ses sujets tout autrement que ne le fit Luca et ce qui, à cette heure, constitue la remarquable supériorité de l'œuvre de Luca sur celle de Donatello fut tout justement ce qui, lors de leur mise en place, donna l'avantage à Donatello. En effet, la condition essentielle de l'œuvre décorative doit être de se subordonner à la place qu'elle doit occuper et c'est à cet unique point de vue que se plaça Donatello. Comme ses bas-reliefs destinés à la tribune d'un orgue devaient être vus à une grande hauteur, il se préoccupa seulement de l'effet à produire à distance. De là sont venus ces modelés trop sommaires, ces raccourcis trop osés dans les figures de second plan, enfin ces défauts destinés à donner à l'ensemble vu de loin, une vigueur et une netteté incomparables.

Original du Marzocco en pierre grise.

L'Amour appelé aussi le Cupidon. La grâce et la poésie qui débordent de cette figure bizarre sont inexprimables. Ces ailes naissantes, ces serpents enroulés autour des pieds, ces culottes maladroitement assujetties, forment le mélange le plus imprévu et le plus attachant. Quelle naïveté dans l'attitude du jeune dieu les bras encore levés, après qu'ils ont lancé la flèche vers un but invisible; quelle malice et quelle joie dans ce regard gai et narquois tout ensemble!

David. Le séjour que Donatello fit à Rome de 1432 à 1433 développa certainement les tendances latentes de son esprit secrètement influencé par l'antiquité. Aussi quand, à son retour, Cosme lui commanda une statue en bronze destinée au Palais Vieux, cette statue fut le David, c'est-à-dire la première et parfaite étude de nu exécutée par les sculpteurs de la Renaissance. Le jeune pâtre a pour tout costume un pétase et des jambières; il est debout, un pied posé sur la tête de Goliath, le glaive dans la main droite et une pierre dans la main gauche qu'il appuie sur sa hanche. Son visage entouré de longs cheveux bouclés rayonne de joie et son beau corps trahit la force et la jeunesse. Il y a dans la poésie de cette figure enchanteresse un parfum antique et biblique tout ensemble qui lui donne sa grâce et son charme inexprimables.

Buste en terre cuite colorée de Niccolò da Uzzano, homme politique florentin considérable.

Ce morceau prodigieux est d'un réalisme à outrance, effrayant et d'une brutalité presque féroce. La tête est si profondément fouillée qu'elle paraît comme ravagée; on la dirait moulée sur nature, tant la laideur saisissante du modèle, galvanisée par l'intelligence, déborde de vie.

Buste en bas-relief et en pierre grise de Saint Jean-Baptiste enfant. La figure de saint Jean est une de celles qui tentèrent le plus l'imagination de Donatello; il représenta le saint en ronde bosse, en bas-relief, en buste, en pied, dans toutes les situations, à tous les âges, tant il s'était épris de passion pour l'ascète austère et le précurseur enthousiaste avec lequel les caractères osés de son art et de sa propre nature lui donnaient tant de points de contact.

Autre statue en marbre de Saint Jean-Baptiste en pied et debout. Donatello a représenté ici l'ascète décharné, aux traits sévères et inspirés; le prophète dévoré par le feu de l'enthousiasme ou illuminé par la vision intérieure.

David. Cette statue en marbre et en pied semble être la première étude que Donatello ait faite pour son Saint Georges, le chef-d'œuvre d'Or San Michele (1408). La pose et les draperies sont les mêmes, seulement avec des proportions moins parfaites et une expression incomplète.

A côté des Donatello, quelques sculptures marquantes se trouvent encore réunies dans cette première salle.

La plus célèbre est l'Adonis mourant de Michel-Ange. Cette œuvre paraît avoir été exécutée vers 1502, comme un délassement du labeur qu'imposait au maître son colossal David. Aussi peut-on presque dire que l'Adonis garde quelques traces de cette simultanéité et que les proportions y semblent un peu outrepasser le sujet. La tête est fort belle, et la chevelure, par son arrangement, se rattache au type adopté plus tard par Michel-Ange et dont la statue de Julien de Nemours fut la réalisation la plus haute. Cette composition doit pourtant être considérée comme secondaire dans l'œuvre du maître.

MICHEL-ANGE. Groupe nommé la Victoire. Vainqueur agenouillé sur un vaincu et ramenant son manteau dérangé par la lutte. Ce groupe n'est pas des meilleurs.

Salle II (dans la tour).

Meubles anciens et cristaux

Salle III.

Cette salle précède la chapelle et elle était nommée la salle des Condamnés, parce qu'ils y attendaient l'heure de leur dernière prière.

Elle renferme la collection des anciens vases de la pharmacie du couvent de San Marco, en faïence de Faënza, XVIe siècle.

Salle IV (chapelle).

Elle est décorée de fresques célèbres du GIOTTO respectées par l'incendie de 1337, mais malheureusement très détériorées par des badigeonnages successifs et par le partage, sous les Médicis, de la chapelle en trois étages de prisons.

Les huit divisions du mur de droite sont consacrées à sainte Madeleine et à sainte Marie l'Égyptienne. Le fond est occupé par le Paradis avec les portraits de Dante, de Corso Donati et de Brunetto Latini. Au-dessous de cette fresque deux petits panneaux sont attribués à GHIRLANDAJO. Ils sont datés de 1490 et représentent la Vierge et Saint Gérôme. Des stalles en marqueterie et le lutrin sont de bons ouvrages du XVe siècle.

Dans une vitrine, petit bas-relief en pierre de Sonthofen, par ALBERT DÜRER. Avec une finesse excessive, il représente Adam et Ève au pied de l'arbre de la connaissance où est enroulé le serpent.

Autre vitrine. La Cène, retable en argent doré, par JEAN DE BOLOGNE.

Huit baisers de paix en argent niellé et en émaux, dont trois sont d'admirables œuvres d'art.

I. La plus remarquable pièce des nielles, le Couronnement de la Vierge, fut exécuté en 1452, par MASO FINIGUERRA, pour le Baptistère Saint-Jean.

Maso, né à Florence en 1425, excellait dans l'art des nielles; c'est en travaillant à ce genre de gravure, qu'il imagina d'en tirer à l'aide de la presse des épreuves sur papier, invention qui fait de lui le créateur d'un art nouveau, celui de la gravure.

II. Autre paix niellée d'un beau caractère, le Crucifiement, pièce exécutée également pour le Baptistère, par MATTEO DEI.

III. La Déposition de Croix, ouvrage de toute beauté, d'ANTONIO POLLAJUOLO, en émail sur paillons.

Salle V.

1° Ivoires. 2° Ouvrages en ambre des XVIIe et XVIIIe siècles.

A.—Deux admirables triptyques d'ivoire des XIIIe et XIVe siècles, par ANDREA ORCAGNA.

B.—Deux superbes selles en ivoire du XIVe siècle: l'une, un travail allemand avec figures de princes, de chevaliers, de dames en bas-relief sur fond noir; l'autre, italienne, avec la devise «Amor aspetta tempo», ornée de scènes de chasse, d'armoiries et d'ornements fantastiques.

3° Coupes du XVIe siècle en cristal taillé et gravé. Certaines de ces pièces sont d'une rare beauté.

Salle VI (Bronzes).

GHIBERTI. Reliquaire de sainte Jacinthe. Il a la forme d'un petit sarcophage antique dont la face principale est simplement ornée de deux anges d'un mouvement gracieux qui soutiennent une couronne. Ghiberti montre une fois de plus dans cette œuvre combien il gagne à la simplicité (1428).

BRUNELLESCHI et GHIBERTI. Deux médaillons dorés polylobés représentant le Sacrifice d'Abraham. Ces médaillons sont les fameuses pièces du concours pour les portes du Baptistère à la suite duquel Brunelleschi retira sa candidature (1403).

Dans le relief de Brunelleschi se trouve déjà fortement accusée la tendance au naturalisme qui se développa chez Donatello. Le mouvement d'Abraham est sauvage, l'ange arrête son bras d'un geste peu admissible, le bélier et l'âne sont autant de recherches réalistes. A gauche, Brunelleschi a placé le tireur d'épines, «le Spinaro», dont l'antique venait d'être découvert. La composition manque d'unité, de simplicité et de grandeur.

Ghiberti au contraire sut tirer parti du sujet avec un art incomparable et placer ses personnages en observant strictement la loi de la valeur des plans. La figure d'Isaac retourné vers son père pour le questionner est de premier ordre.

LORENZO VECCHIETTA de Sienne (1412-1480). Statue couchée de Mariano Soccino provenant de son tombeau et certainement modelée sur le cadavre.

VERROCCHIO. Le David (1476). Cette statue fut exécutée sur l'ordre de Laurent le Magnifique désireux de voir, dans un sujet analogue, le Verrocchio surpasser Donatello. Il devient donc très intéressant de comparer deux œuvres si dissemblables. Tandis que Donatello faisait de son David un héros idéal, sorte de Persée moderne, Verrocchio faisait du sien un adolescent, presque un enfant, dont les formes encore frêles et anguleuses semblent plutôt délicates. Ce qui est de premier ordre est la tête adorable dont le sourire énigmatique et mystérieux est déjà celui du Vinci, les cheveux courts et bouclés encadrent le visage où à la joie du triomphe s'allie une certaine timidité.

Dans la vitrine.

ANTONIO DEL POLLAJUOLO. Petit groupe d'Hercule étouffant Cacus, d'une sauvage énergie et d'une superbe allure.

Salle VII (Bronzes).—BENVENUTO CELLINI. Buste colossal de Cosme Ier.

BENVENUTO CELLINI. Deux modèles pour son Persée. Ils présentent des différences notables; l'un est en bronze, l'autre en cire: ce dernier, très supérieur, même à l'exécution définitive, par la simplicité des attitudes et des formes.

DONATELLO. Petite frise en relief représentant une Bacchanale d'Enfants qui traînent le vieux Silène ivre dans un char. Ce petit chef-d'œuvre, exécuté pour Cosme de Médicis, est ce qui a pu exister depuis l'antiquité de plus parfait en ce genre.

JEAN DE BOLOGNE. Le Mercure. Cette statue, faite en 1598 pour une fontaine de la Villa Médicis, à Rome, est certainement la maîtresse œuvre de Jean de Bologne, celle où, dans une période de décadence, il s'est le plus rapproché de l'antiquité. Mercure s'envole d'un mouvement léger, au souffle d'Éole dont la tête lui sert de base.

DEUXIÈME ÉTAGE

Salle I.—Elle est décorée de huit portraits à la fresque peints par ANDREA DEL CASTAGNO en 1430, pour la Villa Carducci à Legnaia, et représentant en pied et plus grands que nature des poètes, des héros et des sibylles.

Dominus Philippus Descolaris Relator Victorie Theucrus. Filippe Scolari del Pipo Spano, chef du comitat de Temeswar, vainqueur des Turcs. Il est en armure et tient son yatagan des deux mains.

Dominus Farinata de Ubertis, sue patrie liberator (Farinata degli Uberti), de profil, en armure, avec surcot et bonnet rouge; il s'appuie sur son épée.

Magnus Tetrarcha d'Acciarolis neapleani regni dispensator (Niccolò Acciajuoli, grand sénéchal de Naples, fondateur de la chartreuse d'Ema). Une robe bleuâtre à longues manches de fourrure recouvre son armure; il tient le bâton de commandement.

Sibylle de Cumes en tunique rouge à reflets bleuâtres sur une jupe verte. Elle tient un livre et lit, le doigt au ciel.

Esther Regina, gentis suæ liberatrix. Demi-figure formant dessus de porte, robe et voile blancs bordés d'or, manteau vert, couronne en tête, dans une attitude pleine de noblesse.

Thomirta se de filio et patriam liberavit suam (Tomyris).

C'est une guerrière en robe jaune, les bras recouverts d'une armure, fièrement campée; elle s'appuie sur sa lance, qu'elle tient la pointe en terre.

Dantes de Alligieris, Florentinus (Dante Alighieri), en robe rouge.

Dominus Franceschus Petrarcha. Pétrarque est en manteau rouge fendu pour le passage des bras, la tête couverte d'un capuchon doublé de vert.

Dominus Johannes Boccacum (Boccace) en manteau bleuâtre et capuchon rouge.

Cette œuvre magistrale est malheureusement très mal placée; les personnages sont hors de proportion avec la salle, ce qui est nuisible pour le bon effet de l'ensemble.

Salle II.—Bas-reliefs en terre cuite émaillée par les DELLA ROBBIA. Les plus anciens, bleus sur fond blanc, sont d'Andrea; il faut remarquer deux Vierges, dont l'une a un joli socle en grès du style de Donatello. Les moins anciens sont de Giovanni et polychromes: Annonciation, Adoration de l'Enfant (1521), Pietà, Jésus et Madeleine, saint Dominique et cinq Saintes.

Trois vitrines contiennent des faïences.

1°.—Urbino. Vases, coupes et plats: décor raphaélesque.

2°.—Urbino, avec sujets. Deruta et Gubbio, très fins.

3°.—Faenza, Florence et divers. Belle collection avec quelques pièces hors ligne. Buste en terre cuite donné comme étant le portrait de Charles VIII, roi de France et l'œuvre d'ANTONIO DEL POLLAJUOLO.

Coupe en verre de Venise bleu, avec décoration peinte représentant le Triomphe de la Justice suivie des autres Vertus (XVe siècle).

Salle III.—Dans la tour. Suite de tapisseries allégoriques des Gobelins représentant les Cinq parties du monde, d'après LEONARDO BERNINI (1719).

En revenant sur ses pas, à gauche de la salle I, on passe dans la:

Salle V (marbres).—MINO DA FIESOLE. Buste de Rinaldo della Luna (1461), figure d'un aspect sévère.

ANDREA VERROCCHIO. Curieux haut relief représentant la femme d'un Tornabuoni, Francesca Pitti, morte en couches, et la remise de l'enfant au père éploré.

ANDREA VERROCCHIO. Portrait en bas-relief de Frédéric Montefeltro, de profil à gauche; portrait en bas-relief de FRANCESCO SFORZA, de profil à droite.

BENEDETTO DA MAJANO. Buste de Pietro Mellini, le donateur de la chaire de Santa Croce, tête très énergique, couturée de rides; il est vêtu d'une robe qui couvre ses épaules et où sont figurés des rinceaux de damas.

MINO DA FIESOLE. Bas-relief. Buste de Jeune femme et Sainte Famille.

ANTONIO DEL POLLAJUOLO. Buste dit le Jeune Guerrier, en terre cuite. Cette œuvre admirable est marquée du caractère puissant du maître. La tête imberbe, d'une énergie farouche et indomptable, est encadrée de cheveux coupés à la florentine et casquée d'une chimère. La cuirasse forme un buste bombé dont les bras sont absents; Pollajuolo y a représenté en bas-relief ses sujets favoris. D'un côté Hercule terrassant l'hydre de Lerne, et de l'autre Hercule vainqueur du sanglier d'Érymanthe.

Un second buste en terre cuite, connu sous le nom du Prêtre Florentin, a été indûment attribué à Antonio del Pollajuolo dont il n'a aucun des caractères; il paraît plutôt être l'œuvre de BENEDETTO DA MAJANO. C'est un jeune homme coiffé à la florentine, sans barbe, et portant une soutanelle ajustée avec une ligne de petits boutons.

Salle VI (marbres).—VERROCCHIO. La Vierge et l'Enfant Jésus. Bas-relief.

VERROCCHIO. Buste de femme serrant un petit bouquet sur sa poitrine. Tête plate peu agréable.

MATTEO CIVITALI. La Foi (bas-relief). Gracieuse figure de jeune femme assise dans une niche. Ses mains sont jointes en adoration devant le calice que lui apportent des chérubins. Une des rares œuvres de ce maître charmant dont les compositions sont presque toutes à sa ville natale, Lucques.

MINO DA FIESOLE. Buste de Pierre de Médicis le Goutteux.

MINO DA FIESOLE. Médaillon. La Vierge et l'Enfant.

BENEDETTO DA MAJANO. Saint Jean. Le saint, sous les traits d'un adolescent en tunique de peau de mouton, est maigre et décharné.

SANSOVINO. Statue de Bacchus, jeune, levant une coupe.

MICHEL-ANGE. Apollon (statue ébauchée). Il est adossé contre un tronc d'arbre, fléchissant la jambe droite placée sur une élévation, et regarde en arrière. Il porte sa main gauche à hauteur de l'épaule droite pour saisir une flèche dans un carquois. Cette œuvre, quoique à peine tirée du bloc, est admirable et rappelle la beauté des statues antiques.

Salle IV (sceaux et monnaies).—Suite de six tapisseries des Gobelins d'après Oudry. Chasses de Louis XV.

VIA DEL PROCONSOLO.

PALAZZO NONFINITO (occupé par le télégraphe). Construit en 1592 par BUONTALENTI. Lourde façade du style Barocco.

Au numéro 10 le PALAZZO DE RASTI (anciennement Quaratesi) a été construit par BRUNELLESCHI dans le style des beaux palais de Florence; il porte les armoiries des Pazzi, ses anciens propriétaires.

L'ÉGLISE DE LA BADIA fondée en l'an 1000 et reconstruite en 1285 par ARNOLFO DI CAMBIO, fut remaniée en 1625 par Ségaloni qui ne conserva de l'édifice précédent que le chevet et le ravissant clocher octogonal de 1330, dont la flèche de pierre forme avec la tour du Bargello un des points de vue les plus caractéristiques de Florence.

MINO DA FIESOLE obtint, après avoir terminé le monument de Salutati à Fiesole, la commande des deux tombeaux qui décorent la Badia:

1° A droite de l'entrée. La Vierge assise avec l'Enfant entre deux diacres; bas-relief à trois divisions où Mino n'est resté que trop fidèle au retable de la chapelle de Salutati.

2° Dans le bras gauche du transept, tombeau du comte Hugo, bienfaiteur de l'église (1481).

Dans ces deux monuments, Mino copia, pour ainsi dire, les tombeaux du Marsuppini et de Bruni de Santa Croce, plaçant les sarcophages sous une arcade et les surmontant de l'effigie couchée des défunts.

Dans la chapelle de la famille del Bianco, à gauche de l'entrée, le tableau d'autel: l'Apparition de la Vierge à saint Bernard, a été peint en 1480 par FILIPPINO LIPPI, encore à cette époque dans l'atelier de Botticelli. Saint Bernard, en robe blanche drapée à la perfection, est assis devant un rocher lui servant d'ermitage, dans les anfractuosités duquel sont placés ses livres. Le pupitre où il écrit est disposé sur un tronc d'arbre, mais il interrompt son travail et reste plongé dans une profonde adoration au moment où la Vierge lui apparaît et vient poser la main sur son manuscrit. La Vierge est entourée d'un groupe charmant de petits anges tout surpris de se trouver sur la terre et qui, par leur attitude, manifestent leur curiosité. Dans le bas du tableau, le donateur, à mi-corps, vêtu d'une robe noire à revers rouges, joint les mains en prière.

Cette composition, charmante de délicatesse et d'expression, a conservé toute sa vivacité de coloris, et l'ensemble est si parfait qu'on peut vraiment la considérer comme le chef-d'œuvre de Filippino Lippi.

Le cloître est entouré de deux étages de portiques. Sous le portique supérieur sont conservées des fresques d'ANTONIO SOLARIO LE ZINGARO (1512) d'un joli ton doré. Toutes ces peintures retracent la Vie de saint Benoît et semblent comme la préparation aux fresques si remarquables traitant le même sujet à l'église de San Severino, à Naples.

L'œuvre de la Badia, fort intéressante, montre des perspectives très bien traitées et des groupements harmonieux. Quelques-unes de ces compositions sont même de premier ordre; il faut citer:

A.—Saint Benoît enfant prie aux côtés de sa mère.

B.—Saint Benoît reçoit l'habit.

C.—Apparition d'un ange pour inviter le saint à la vie monacale.

D.—Portique avec des moines agenouillés et debout.

E.—Maure sauve Placide qui se noie.

F.—Repas des moines.

G.—Seigneurs et dames à cheval.

CASA BUONARROTI (Musée Michel-Ange, 64, Via Ghibellina).—Cette maison où Michel-Ange vécut à Florence fut consacrée au XVIIe siècle par son arrière-neveu le poète, son homonyme, à la gloire de son grand-oncle. Il la fit décorer, en 1620, par les meilleurs artistes de ce temps, de fresques et de peintures sur toile où sont retracés les principaux faits de la vie de Michel-Ange.

La «Casa Buonarroti» est en somme un musée intime et fort inégal, où, à côté de documents écrits, lettres autographes, papiers de famille, dessins d'architecture et croquis de toute sorte, brillent quelques pièces inestimables, comme le bas-relief de «la Guerre des Centaures et des Lapithes», celui de «la Vierge assise avec l'Enfant», l'esquisse du «David», le modèle en terre cuite de la «Vierge de Médicis», et enfin ce merveilleux carton à la sanguine d'une «Vierge avec l'Enfant», morceau de toute beauté, d'une incomparable maîtrise.

Chambre I.—Combat des Centaures et des Lapithes, une des premières œuvres de Michel-Ange. Il avait dix-sept ans quand il entreprit ce travail. C'est une composition de style héroïque où tous les personnages sont nus et où règne dans la mêlée une étonnante fougue épique; ce morceau non terminé garde encore les traces du ciseau. La jeunesse du maître se révèle par de certaines inexpériences; il n'a pas introduit de variété dans les formes et toutes les figures ont une saillie si faible qu'elles en sont comme déprimées; pourtant on y reconnaît déjà quelques traits de cet idéal dont la poursuite sera la constante obsession de sa vie.

Chambre II.—Dessins originaux. Cadre I.—N° 2.—Buste de Cléopâtre bizarrement coiffée. Elle est entourée d'un serpent qui lui mord le sein.

N° 3.—Belle tête de vieille femme de profil.

Cadre 9.—N° 75.—Projet de façade pour Saint-Laurent de Florence.

Cadre 13.—N° 65.—Esquisse primitive du Jugement dernier.

Cadre 14.—N° 70.—Sacrifice d'Abraham.

Cadre 15.—N° 75.—La Vierge allaitant l'Enfant. Ce dessin de toute beauté est au crayon noir, rouge et blanc.

Cadres 25, 26, 27, 30, 31, 32.—Divers plans des fortifications de Florence, à la plume, au crayon rouge et au bistre, faites pendant le siège de 1529.

Dans la Chapelle se trouve l'admirable bas-relief (n° 72) de la Vierge assise avec l'Enfant auquel elle donne le sein. Cette composition que Michel-Ange exécuta à la fois en marbre et en bronze, vers l'âge de seize ans, est influencée par le génie de Donatello et montre la forte emprise qu'un tel maître exerça sur lui par son réalisme viril et son naturalisme puissant. Mais tout grand que soit Donatello, ce qui dès l'abord le différencie profondément de son génial élève, est que chez l'un l'œuvre se double volontiers du portrait et recherche l'individualité, tandis que chez l'autre la conception tout idéale jaillit de son puissant cerveau pour ainsi dire par génération spontanée.

N° 78.—La Vierge avec l'enfant Jésus. Maquette en terre cuite, pour le groupe en marbre de la nouvelle sacristie de Saint-Laurent. La tête manque.

Bibliothèque. Armoire V.—N° 10.—David. Deux petites statuettes en cire, délicieuses et premières ébauches du David colossal de l'Académie des Beaux-Arts.

INSTITUT PHILHARMONIQUE (83, Via Ghibellina).—Dans l'escalier, protégée par des volets, est la curieuse fresque du GIOTTINO, l'Expulsion du duc d'Athènes chassé de Florence en 1308, le jour de la Sainte-Anne. Aussi l'artiste a-t-il peint sainte Anne remettant aux nobles florentins agenouillés à ses côtés les étendards de la ville et du peuple, pendant qu'au fond de la fresque saint Zenobe chasse de son trône le duc, qui fuit en barque sur l'Arno.

PIAZZA SANTA CROCE où se trouvent le monument moderne du Dante, le Palazzo dell'Antella décoré de fresques de 1610 en partie effacées, et enfin, sur le côté est, la façade moderne de l'église Santa Croce.

SANTA CROCE fut construite par ARNOLFO DEL CAMBIO en 1294 pour les Franciscains. L'architecte était tenu par son contrat «à élever une église comme il convient à l'humilité d'un ordre mendiant», c'est-à-dire une église dont les dimensions contiendraient tout un peuple appelé par la vogue extraordinaire dont l'ordre jouissait alors, mais où tout viserait uniquement à la simplicité et à la pauvreté en rapport avec l'esprit de l'ordre. Aussi les dispositions d'Arnolfo furent-elles sévères et froides dans le détail, mais grandioses par les immenses dimensions de la nef et des bas-côtés, dont l'aspect majestueux rappelle la basilique antique. Mais les transepts et la branche supérieure de la croix, à peine figurée par un chœur court et mesquin, ne répondent aucunement à ces proportions.

Au milieu du mur terminal s'ouvre, en guise de chœur, une sorte de chapelle accompagnée de chaque côté de cinq chapelles moins importantes, ouvertes sur les transepts. A ces chapelles du mur oriental s'en ajoutent quatre autres, deux ouvertes sur le mur occidental et deux fermant les transepts.

Il était de mode, dès le XIVe siècle, de se faire enterrer à Santa Croce et toutes les grandes familles de Florence y avaient leurs caveaux. Cet usage se perpétua si bien que l'église est devenue en quelque sorte le panthéon de l'Italie. Les tombes qu'elle contient appartiennent à toutes les époques et se trouvent soit adossées aux murs des bas-côtés, soit encastrées dans le pavé de l'église.

Placée trop haut, au-dessus du portail de l'église, est la belle statue de Saint Louis de Toulouse par DONATELLO. Ses vêtements, d'une grande somptuosité, sont d'une exécution poussée à l'extrême.

La chaire, le chef-d'œuvre de BENEDETTO DA MAJANO, d'une extrême légèreté, malgré son excessive richesse, fut exécutée en 1475. Pour ne pas déranger les lignes de son monument, Benedetto dissimula l'escalier de la chaire dans un des piliers auxquels elle est adossée, qu'il creusa à cet effet, et qu'il ferma par une délicieuse porte en marqueterie ouverte sur le bas-côté. La chaire, en marbre blanc, est pentagonale, et ses cinq pans, séparés par des colonnettes portées sur des consoles, sont consacrés à l'histoire de saint François traitée à la manière de Ghiberti, c'est-à-dire avec des bas-reliefs en ronde bosse au premier plan, pour finir au fond par des méplats.

1°.—Le Pape approuvant l'ordre des Franciscains.

2°.—La destruction des livres hérésiarques.

3°.—Saint François recevant les Stigmates.

4°.—Obsèques du Saint.

5°.—Martyre de Franciscains.

Cinq petites niches intermédiaires contiennent des statuettes de la Foi, de l'Espérance, de la Charité, de la Justice et de la Force qui sont peut-être ce que la sculpture de la première Renaissance a produit de plus parfait.

Nef de droite.—Monument de Michel-Ange, érigé en 1570 et œuvre de VASARI. Des trois figures de la Sculpture, de l'Architecture et de la Peinture, la moins mauvaise, celle de l'Architecture, est de GIOVANNI DEL OPERE. Si Michel-Ange avait jamais pu prévoir que Vasari lui élèverait un jour un tel tombeau, sa mort certes en serait devenue amère.

Sur le pilier, au-dessus du bénitier, Madonna del Latte, bas-relief de ROSSELLINO.

Cénotaphe du Dante, affreux monument de 1829.

Monument d'Alfieri par CANOVA, érigé par la comtesse d'Albany.

Monument de Machiavel, de 1787.

Tombeau de Lanzi.

DOMENICO VENEZIANO (attr. à Andrea Castagno). Ces deux petites fresques représentent Saint Jean-Baptiste et Saint François d'Assise sous les traits d'ascètes décharnés. La critique a rendu ces peintures à Domenico Veneziano, tant leur ressemblance est frappante avec le tableau de la salle de Lorenzo Monaco au musée des Offices et tant les figures de ces deux Saints en semblent détachées.

L'Annonciation, tabernacle sculpté en 1406 pour la chapelle Cavalcanti par DONATELLO. Cet ouvrage d'un jeune homme de dix-neuf ans est le plus pur et le plus suave des hauts-reliefs de Donatello; il s'y trouve une préoccupation d'élégance et de noblesse rares dans ses autres œuvres. Dans l'attitude de la Vierge l'afféterie coudoie la grâce et la recherche se mêle à l'émotion; debout, retournée vers l'Ange, elle met la main sur son cœur pour indiquer sa soumission à la nouvelle qu'il lui apporte. Quant à la figure de l'Ange, un genou en terre, la main droite relevée, elle est d'un si incomparable mouvement par son expression idéale, par son admirable pondération entre l'action et le mouvement, qu'elle ne saurait être dépassée.

Donatello a placé ses personnages au milieu d'une étonnante architecture dont les pilastres les enferment dans une sorte de cadre profond. Il a surmonté le fronton de deux petits génies en terre cuite, premiers et délicieux essais de ces figures d'enfants dans lesquelles il était destiné à passer maître.

Tombeau du secrétaire d'État florentin Leonardo Bruni, mort en 1444, par ROSSELLINO.

Sur un soubassement formé de guirlandes retenues par des enfants, repose le sarcophage de forme antique, sévère et pure, décoré uniquement de deux anges soutenant le cartouche de l'inscription, tandis que deux autres anges portent sur leurs ailes étendues la civière où repose la superbe effigie du défunt. Cette partie inférieure du monument est d'une grande beauté; la partie supérieure, un peu lourde, est mal venue. Le sol de Santa Croce est jusqu'à cette hauteur dallé de plaques tombales très simples des XIVe et XVe siècles, portant presque toutes des armoiries.

A partir des transepts, elles deviennent beaucoup plus belles et remontent, pour la plupart, à la fondation de l'église. Ce sont des monuments giottesques où les effigies sont sculptées en relief.

Transepts (Bras droit).—1°—Chapelle Castellani ou du Saint-Sacrement. Elle est décorée de fresques très abîmées d'AGNOLO GADDI relatives à Saint Nicolas et à Saint Jean-Baptiste d'une part, et à Saint Antoine et Saint Jean l'Évangéliste de l'autre (1380).

Saints François et Antoine de Padoue, belles statues en terre blanche vernissée de LUCA DELLA ROBBIA.

2°—Entre cette chapelle et la suivante, joli petit monument gothique de 1327.

3°—Chapelle Baroncelli, aujourd'hui Giugni (extrémité du transept).

Fresques de la Vie de la Vierge par TADDEO GADDI (1352-1356), ouvrage médiocre.

4—Sur le mur de droite, la Vierge à la ceinture, fresque de Menardi.

5°—Chapelle à droite du passage de la sacristie.

Le combat de l'archange saint Michel, fresque du temps de Cimabue.

8°—Chapelle Peruzzi. Elle contient deux fresques, œuvres admirables de GIOTTO, d'une conservation précieuse.

Celle de droite représente les _Funérailles de Saint Jean l'Évangéliste_. Le saint s'élance de sa tombe vers le Christ qui vient le chercher. D'un mouvement souple et plein de vie il s'élève vers Jésus qui l'attire à lui et l'enveloppe de ses rayons, tout en planant dans le ciel. Autour de la fosse béante se presse le groupe des disciples de Saint Jean, qui contemplent étonnés la scène prodigieuse accomplie sous leurs yeux. Quelques-unes de ces figures peuvent compter parmi les plus admirables créations des Trecentisti; le disciple penché vers le tombeau pour s'assurer qu'il est vide, celui qui d'un superbe mouvement s'abrite les yeux pour n'être pas aveuglé par les rayons divins et enfin une figure de vieillard absorbé dans la prière sont des œuvres magistrales.

La fresque de gauche, d'un sentiment plus archaïque, est consacrée à l'histoire de Saint Jean-Baptiste et présente en deux parties, à gauche, la décollation, le festin d'Hérode, la danse de Salomé, et sur la droite, la remise à Hérodiade de la tête de saint Jean, par Salomé à genoux.

Les autres fresques placées au-dessus des précédentes, complètent l'histoire des deux Saints, mais elles ont été tellement restaurées qu'il est impossible d'y retrouver la facture large et les belles qualités du maître.

9°—Chapelle Bardi.—Sur ses deux murs GIOTTO a représenté la Légende de Saint François d'Assise. Malheureusement ces fresques, découvertes en 1853 sous le badigeon, comme celles de la chapelle Peruzzi, ont subi de telles restaurations qu'il ne reste plus que l'idée poétique et élevée de la composition.

10°—Le Chœur est décoré de fresques d'AGNOLO GADDI consacrées à l'Invention de la Croix, XIVe siècle; compositions un peu grises, d'un médiocre intérêt.

Transept gauche.—11°, 12°, 13°.—Chapelles sans intérêt.

14°—Chapelle dei Pulci.—Fresques de BERNARDINO DADDI. Martyres de Saint Étienne et de Saint Laurent.

Sur l'autel, bas-relief de JEAN DELLA ROBBIA.

15°—Chapelle Saint-Sylvestre.—Fresques de Saint Sylvestre, par MASO DI BANCO, XIVe siècle.

Tombeau de Uberto di Bardi, dont le sarcophage sculpté occupe la partie inférieure.

Autre tombeau du XIVe siècle; ces monuments appartiennent à l'école Pisane et sont encastrés sous de profondes niches ogivales.

16°—Chapelle Nicolini.

17°—Chapelle Salviati, où se trouve le fameux Crucifix de Donatello fait en concurrence avec celui de Brunelleschi placé à Sainte-Marie Nouvelle.

Nef de gauche.—Monument du secrétaire d'État Carlo Marsuppini, mort en 1445, par DESIDERIO DA SETTIGNANO. Placé en face de celui de Bruni, il en reproduit la disposition générale, mais avec plus de richesse et peut-être aussi plus de maniérisme.

Monument de Galilée.

Sacristie.

(Le couloir qui s'ouvre dans le bras droit du transept conduit à la sacristie et à la chapelle des Médicis.)

La sacristie est une admirable salle carrée dont la charpente apparente a conservé sa décoration primitive. Elle est entourée sur deux côtés d'armoires basses du XIVe siècle, en marqueterie de citronnier et d'ébène à dessins géométriques. En arrière de ces armoires, le mur est revêtu d'un lambris du XIVe siècle également en marqueterie, dont chaque panneau est séparé par des pilastres à arabesques toutes différentes et rajoutées au XVe siècle. Les admirables vitrines et les lambris qui entourent le reste de la sacristie sont l'œuvre de BENEDETTO DA MAJANO, et rien n'est plus simple et plus riche à la fois que la mosaïque de bois traitée de manière à faire presque partie de l'architecture. Ces vitrines contiennent des missels dont quelques-uns sont fort beaux.

Le mur de droite est décoré de trois grandes fresques, le Chemin de la Croix, la Crucifixion et la Résurrection.

Une magnifique grille du XIVe siècle, en fer forgé, sépare la sacristie de la chapelle Rinuccini ouverte en face de l'entrée. Cette chapelle est décorée des fresques exécutées en 1365 par GIOVANNI DA MILANO dans la manière de Giotto ou, mieux encore, dans celle de son maître Taddeo Gaddi, avec un sentiment plein de charme et de mouvement et une perspective des mieux observées, pour l'époque.

A la voûte, les Évangélistes peints à fresque, et au-dessus de l'autel, le retable Vierge et Saints sur fond d'or, sont également de GIOVANNI DA MILANO.

La chapelle des Médicis fut construite par MICHELOZZO pour Cosme l'Ancien, «le Père de la Patrie». De chaque côté de l'autel, petits bustes de Saint François et de Saint Bernard d'ANDREA DELLA ROBBIA; au-dessous, Vierge avec des Saints: figures détachées en blanc sur un fond bleu également d'ANDREA; enfin, sur la porte, le Christ entouré de deux anges, du même.

Bas-relief en marbre de l'école de Donatello Vierge accroupie avec l'Enfant entre ses genoux et un groupe de trois anges.

Enfin, Tabernacle de MINO DA FIESOLE, dont l'entrée est gardée par quatre anges en haut relief.

Le premier cloître, bâti par ARNOLFO DEL CAMBIO, s'étend à droite de Santa Croce; il est de forme irrégulière; la galerie qui longe le mur de l'église à gauche est à un niveau plus élevé que les autres, il faut y accéder par un escalier; derrière ses belles arcades en marbre noir et blanc, les murs sont décorés de fresques très effacées de l'école de Giotto, au-dessus desquelles sont alignées les armoiries sculptées des familles qui reposent dans le Campo Santo, les Alamanni, les Pozzi, les della Torre, etc...

Au milieu du cloître s'élève la statue de Dieu le Père, une des moins mauvaises de Baccio Bandinelli. Sur le côté qui fait face à l'entrée se trouve la chapelle des Pazzi, rendus célèbres par la conspiration contre les Médicis. Elle a été construite en 1420 par BRUNELLESCHI et est un des plus élégants, des plus purs spécimens de l'architecture classique. Elle est précédée d'un vestibule dont la voûte en berceau repose sur six colonnes à chapiteaux corinthiens, au milieu desquelles s'ouvre une grande arcade coupant une ravissante frise composée de petits médaillons contenant des têtes de chérubins sculptées par DONATELLO.

Toutes ces petites têtes, plus charmantes les unes que les autres, sont variées à l'infini et ont chacune leur expression.

La voûte du vestibule, à la hauteur de la grande arcade médiane, est une coupole à cassettes émaillées de diverses couleurs. Une seconde frise avec des têtes de chérubins règne également sous le portique et s'étend sur le mur de la chapelle; les médaillons en terre cuite qui la composent sont dus à DESIDERIO DA SETTIGNANO.

L'intérieur de la chapelle, en forme de croix grecque, est orné de pilastres corinthiens en granit; malgré sa petitesse, l'harmonie de ses proportions en fait une œuvre parfaite. Elle est surmontée d'une coupole dont les pendentifs sont ornés de quatre médaillons en terre émaillée polychrome des DELLA ROBBIA, représentant les quatre Évangélistes accompagnés de leurs attributs. Enfin, sa partie supérieure est décorée de douze superbes médaillons de LUCA DELLA ROBBIA, représentant les douze Apôtres assis.

L'ancien réfectoire se trouve sur le côté droit du cloître; le mur du fond a conservé les fresques qui décoraient entièrement la salle. Dans le bas est un très curieux et très beau Cenacolo de TADDEO GADDI, où le Christ et les Apôtres sont simplement figurés assis derrière la table, sans qu'aucun détail d'architecture ou aucune fantaisie imaginative atténue la grandeur de la scène. Judas, très laid, isolé en avant, est seul à ne pas avoir la tête entourée du nimbe doré en relief dont sont encadrées celles de Jésus et des autres Apôtres.

Au-dessus de cette belle composition est une grande fresque de FRANCESCO DE VOLTERRA (fin du XIVe siècle) dont le sujet, des plus intéressants, montre le Christ en croix entouré du groupe des Saintes Femmes; saint François à genoux devant la croix l'embrasse. La croix forme la souche de l'arbre généalogique des Franciscains, entre les rameaux duquel sont représentés tous les membres célèbres de l'ordre. Sur les côtés sont quatre scènes de la Légende de saint François d'Assise. Enfin à gauche du réfectoire s'ouvre une petite salle où une fresque de Giovanni représente la Multiplication des pains, miracle opéré par saint François.

Le second cloître, construit par BRUNELLESCHI, s'étend à droite du premier et appartient aujourd'hui à la caserne établie dans l'ancien couvent des Franciscains.

SAN AMBROGIO.—A gauche de l'entrée on a découvert un fragment de fresque de l'école de GIOTTO, représentant le Martyre de Saint Sébastien. Le Saint est attaché à un pilastre, les pieds reposant sur une console placée à une certaine hauteur, de sorte que les archers qui lui décochent des flèches tirent en l'air, tandis qu'un ange lui apporte la palme du martyre. Sur le côté gauche de la nef est une petite niche sculptée, dont les montants sont couverts d'arabesques; elle contient une charmante statuette de Saint Sébastien, œuvre de LEONARDO DEL TASSO (XVe siècle); les deux anges en grisaille, peints dans la partie supérieure, et la petite Annonciation qui est placée dessous dans un médaillon sont de FILIPPINO LIPPI.

La chapelle à gauche du chœur est décorée d'une fresque de COSIMO ROSSELLI, représentant le Miracle de l'Enfant Jésus apparaissant dans le ciboire pendant la communion. La scène se passe au seuil d'une église, devant un palais, et présente une foule de personnages à costumes florentins du XVe siècle, très habilement groupés (1486).

Au fond de la chapelle, un tabernacle en marbre blanc, de MINO DA FIESOLE, reproduit le même miracle.




RIVE DROITE (EST)

DE SANTA CROCE A SAN MARCO

SANTA MADDALENA DE PAZZI; SANTA MARIA NUOVA, MUSÉE
ARCHÉOLOGIQUE ET DES TAPISSERIES, INNOCENTI, SANTA ANNUNZIATA,
ACADÉMIE, ÉGLISE ET COUVENT SAN MARCO, LO SCALZO.

SAINTE MADELEINE DES PAZZI (1, Via delle Colonne).—La salle du Chapitre contient une grande fresque du PÉRUGIN, le Christ en croix, peinte entre 1492 et 1496, l'ouvrage le plus important que Florence possède de l'artiste, maîtresse œuvre par la noblesse des figures, la gravité des attitudes, la richesse du coloris et enfin la beauté du paysage. Le Christ sur la Croix avec la Madeleine éplorée, comme écrasée de douleur à ses pieds, occupe le milieu de la fresque. Séparés du groupe principal par des pilastres et des arcatures se trouvent la Vierge et saint Benoît d'un côté et saint Jean avec saint Bernard de l'autre. Le réel défaut de ce parti pris a été de couper l'action où les personnages, isolés et séparés les uns des autres par l'architecture, ne semblent pas reliés à la scène principale dont l'intérêt réside dans le groupe de la Madeleine et du Christ.

ARCISPEDALE DE SANTA MARIA NUOVA.—Ce grand hôpital fut fondé au XIVe siècle par Falco Portinari, le père de la Béatrice du Dante. La façade de l'église San Egidio qui en dépend fut au XVIe siècle augmentée d'un portique, œuvre de Buontalenti, sous lequel deux fresques très restaurées sont intéressantes en ce qu'elles sont ce qu'au XVe siècle on appelait des fresques de Cérémonie, c'est-à-dire des compositions destinées à commémorer un événement. L'une, par LORENZO DE BICCI, fut peinte en 1420 et représente la consécration de l'église par le cardinal Correz, en présence du pape Martin V. L'autre, exécutée en 1435 par GHERARDO, rappelle les privilèges accordés à l'hôpital par le pape Martin V, à la requête du cardinal Correz.

La porte de l'église San Egidio est décorée du Couronnement de la Vierge (1420), bas-relief en terre cuite de LORENZO DE BICCI. A l'intérieur, derrière l'autel, a été placé un charmant bas-relief en bronze émaillé d'ANDREA DELLA ROBBIA, la Vierge et l'Enfant. Le délicat tabernacle du maître-autel est l'œuvre commune de ROSSELLINO et de GHIBERTI. Les anges en adoration sont du premier, et le bas-relief en bronze de la porte fait d'autant plus honneur au second qu'il est d'une plus grande simplicité.

GALERIE DE PEINTURE DE L'HOPITAL (25 et 29, place Santa Maria Nuova).

N° 104.—ANDREA DEL CASTAGNO. Crucifiement. Lunette provenant du cloître de l'hôpital. Le Christ est entre la Vierge, saint Jean et deux bénédictins agenouillés. Les figures de la Vierge et de saint Jean, animées par la plus grande des douleurs, sont de premier ordre.

(Au n°29, sur le pilier du premier étage.)

A.—Bas-relief en terre cuite rehaussée de peintures, la Vierge, l'Enfant, Saint Jean et deux Anges de l'école de Donatello.

F.—Admirable haut relief en terre cuite du VERROCCHIO. La Vierge, en buste, tient l'enfant debout sur un coussin. Verrocchio a certainement modelé d'après nature ce groupe d'une beauté et d'une vérité accomplies.

Salle I.—Nos 48, 49, 50.—HUGO VAN DER GŒS. L'Adoration des Mages, triptyque peint à Bruges, vers 1400, pour Francesco Portinari, agent des Médicis dans cette ville. C'est l'ouvrage le plus important et le chef-d'œuvre de ce maître excellent. Si le sujet principal, l'Adoration des Mages, est d'un ensemble plutôt défectueux avec des plans mal observés et des figures sans élégance ni charme, les détails sont en revanche d'une rare perfection et la coloration d'une fraîcheur et d'un éclat incomparables. Les deux volets, de toute beauté, furent pour le portrait l'école où les artistes florentins du XVe siècle vinrent apprendre leur art. Sur le volet de gauche, le donateur, Francesco Portinari, et ses deux jeunes fils sont agenouillés en avant de leurs patrons, saint Antoine abbé et saint Mathieu. Sur le volet de droite, sa femme agenouillée lui fait face; coiffée du hennin et vêtue du riche costume flamand, elle est accompagnée de sa fille, jeune enfant d'une dizaine d'années; leurs visages, ainsi que ceux de sainte Marguerite et de sainte Madeleine debout derrière elles, respirent la sérénité et portent l'expression idéale des figures des Memling et des Van der Weyden.

N°23.—BOTTICELLI. Vierge et l'Enfant, Saint Jean-Baptiste et anges.

Cette œuvre de sa jeunesse a longtemps été attribuée à Fra Filippo Lippi, tant il y est encore influencé par la manière de son maître. La Vierge se penche vers l'Enfant couché sur ses genoux qui lui tend les bras, tandis que deux anges délicieux les contemplent. La tête, entourée de légers voiles d'une disposition compliquée, est ravissante de grâce.

N° 71.—FRA BARTOLOMMEO. Le Jugement dernier. Cette grande fresque, peinte de 1498 à 1499, est malheureusement mal conservée. Elle n'en constitue pas moins, telle qu'elle est, un ouvrage d'une haute portée artistique, première œuvre où l'art italien ait uni au sentiment profond des primitifs, la noblesse et la beauté des formes, telles que les concevait la Renaissance.

Par la belle ordonnance du demi-cercle où sont rangés les Saints, par la rigoureuse observation de la perspective, par la profondeur de l'inspiration, cette composition est si remarquable que Raphaël l'a placée, presque intégralement, dans la partie supérieure de la Dispute du Saint-Sacrement, peinte, en 1508, pour les chambres du Vatican.

L'ANCIENNE ÉGLISE SANTA MARIA DEGLI ANGIOLI (Via degli Angioli) sert de bibliothèque à l'hôpital. Dans un de ses cloîtres est conservée une belle fresque d'ANDREA DEL CASTAGNO, le Christ en Croix entre la Vierge, saint Jean, la Madeleine au pied de la croix et deux bénédictins agenouillés de chaque côté, composition d'un sentiment et d'une facture admirables.

MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE, PALAIS DE LA CROCETTA. Le premier étage renferme le Musée égyptien et deux des plus riches collections qu'ait l'Italie en antiquités étrusques et en numismatique italienne du moyen âge et de la Renaissance.

Le MUSÉE ÉTRUSQUE se compose des objets découverts dans des fouilles faites à Chiusi, Orvieto, Grossetto et dans les nombreuses nécropoles mises au jour autour de ces villes.

La Salle II contient dans des vitrines toute la série des vases étrusques depuis l'époque la plus reculée jusqu'à l'apogée de cet art (VIe siècle avant J.-C.).

Ces vases contenaient les offrandes aux morts ou servaient d'urnes cinéraires; ils sont, en grande partie, décorés des emblèmes relatifs à leur emploi, soit de colombes ou de coqs chargés d'écarter des cendres les mauvais esprits, soit de panthères ou de cavaliers symbolisant, les uns les animaux dévorants, les autres le transport des âmes. Les poteries de ce temps, presque toutes en terre noire, ont des formes admirables.

La Salle IV renferme une très belle collection de petits bronzes étrusques d'un grand intérêt: groupes, candélabres, armures avec traces de dorure, miroirs, etc., etc.

La Salle V possède quelques pièces hors ligne.

A.—Statue de Minerve de grandeur naturelle, superbement drapée. La tête a un grand caractère, les orbites vides des yeux étaient remplis par des pierres précieuses (Arezzo).

B.—Statue d'orateur; portrait de Metellus, fils de Vesia, citoyen de Chiusi (IIe siècle avant J.-C.). Cette pièce célèbre a été découverte près du lac Trasimène (1570).

C.—Chimère affectant la forme d'un lion; sa queue, faite d'un serpent, vient mordre une tête de bouc greffée sur le dos de l'animal. Cette tête fantastique, remarquable comme mouvement et comme étude approfondie de la forme, appartient à la plus belle période de l'art grec (IVe siècle avant J.-C.) (Arezzo)

D.—Situla, petit vase suspendu, de la plus belle époque étrusque, il fut trouvé à Bolsène en 1871. Primitivement doré, orné de bas-reliefs de la plus extrême finesse, il représente Vulcain ramené à l'Olympe par Bacchus et Ariane.

Une vitrine isolée renferme des merveilles.

N° 1.—Tête de jeune homme (IIe siècle avant J.-C.).

N° 2.—Statuette de Bacchus avec un génie ailé sur les épaules (IVe siècle avant J.-C.).

N° 3.—Statuette de Jupiter (copie grecque du IIe siècle avant J.-C., d'après Phidias).

N° 4.—Statuette de Castor conduisant un cheval (art étrusque d'après l'art grec, IVe siècle avant J.-C.).

N° 5.—Minerve Medica.

N° 6.—Athéné, statuette très archaïque.

N° 9.—Statuette d'Hercule (IIIe siècle avant J.-C.).

Salle IV.—Au milieu de la salle, le fameux Vase François, ainsi nommé de son premier propriétaire, est orné de peintures divisées en bandes sur lesquelles sont représentées les chasses de Méléagre, Thésée et le Minotaure, le combat des Lapithes et des Centaures, les funérailles de Patrocle, les noces de Pélée et de Thétis, la procession des dieux quittant l'Olympe pour y assister, Bacchus et Vulcain, un combat des Pygmées contre les Grues, et enfin, sur les anses, la lutte autour du corps d'Achille. Cette belle œuvre grecque est du VIe siècle avant J.-C.

Salle VIII.—Sarcophage en terre cuite de Larthia Seranthia. La défunte, le torse redressé sur son lit funèbre, le bras gauche relevé sur un coussin, tient un miroir et procède à sa toilette. Ce splendide monument de la plastique chiusienne a conservé de nombreuses traces de peinture (IIe siècle avant J.-C.).

Salle IX.—I. Sarcophage en albâtre, non décoré de sculptures, mais peint à tempera, de scènes représentant les combats des Lapithes et des Centaures (art étrusque, Ve siècle av. J.-C).

II. Sarcophage en albâtre ayant conservé les traces de sa décoration polychrome. Sur le couvercle en ronde bosse, le mari, le torse nu, appuie la main sur l'épaule de sa femme assise à ses pieds qui relève son voile pour le regarder; elle porte un collier d'or et ses cheveux ont conservé leur peinture rouge (Ve siècle avant J.-C.).

III. Sarcophage de pierre également en ronde bosse. Aux pieds du défunt, une Parque accroupie lui montre le rouleau de sa vie terminée.

IV. Statue cinéraire en terre cuite de la Mater Matuta des Chiusiens. Elle est assise dans un fauteuil, tenant dans ses bras un enfant couché. La tête mobile sert de couvercle à l'urne contenue dans l'intérieur du corps (Ve siècle avant J.-C.).

DEUXIÈME ÉTAGE. GALERIE DES TAPISSERIES (ARAZZI).—La plupart des tapisseries proviennent de la fabrique de Florence fondée par le grand-duc Cosme Ier sous la direction de Nicolas Karcher et de Jean van Boost de Bruxelles. Après leur mort, l'atelier fut tenu par des Italiens et devint une véritable école, si bien que ce fut Pierre Lefèvre, français d'origine et directeur vers 1630, qui, appelé avec un brevet par Louis XIV en 1648, créa aux Tuileries un atelier où seraient appliqués les procédés italiens et développés les procédés français des manufactures érigées sous Henri IV, tandis que la manufacture de Florence, dès 1744, cessait d'exister.

Salle I.—Brocarts des XVème, XVIe et XVIIe siècles.

Salle II.—Devant l'autel de Sainte-Marie Nouvelle, le Couronnement de la Vierge, superbe broderie du XVe siècle.

Salles III, IV, V.—Broderies et étoffes.

Salle VI.—Tapisseries de Florence aux armes des Médicis (XVIIe et XVIIIe siècles). Les quatre Éléments d'après Moro.

Salle VII.—Tapisseries flamandes du XVIe siècle.

Salle VIII.—Tapisseries de Florence (XVIe siècle).

Salle IX.—Suite des mêmes tapisseries. Ensevelissement du Christ (Florence, XVIe siècle).

Nos 118 et 119.—Ecce Homo et Déposition (Florence, XVIe siècle).

Salle XII.—Histoire d'Esther. Trois tapis séries des Gobelins d'après Audran, XVIIIe siècle, splendides pièces de cette suite connue.

Salle XIII.—Suite de l'Histoire d'Esther. Les costumes turcs, remarquables, sont interprétés avec la fantaisie du XVIIIe siècle.

Salle XIV.—Trois tapisseries flamandes du XVIe siècle tissées d'or.

N° 74.—Série de tapisseries du XVIe siècle représentant des fêtes données à l'occasion du mariage d'Henri II et de Catherine de Médicis.

Salle XV.—Nos 67, 68, 69.—Suite de la même série.

Salle XVI.—Six bandes de tapisseries allemandes du XVIe siècle, Histoire de David et de Bethsabée.

N° 66.—Baptême du Christ (Flandres, XVe siècle).

Salle Galerie XVII.—Nos 67, 68.—Enlèvement de Proserpine et Chute de Phaéton, d'après les cartons de Bernin (Florence, XVIIIe siècle).

Nos 53, 54, 55, 56.—Admirable série de tapisseries des Flandres du XVIe siècle. Cette collection, la plus belle du musée, se compose de quatre pièces de grandes dimensions tissées d'or. Les sujets en sont: la Création de l'homme, la Création de la femme, la Tentation, Adam et Ève chassés du Paradis. Le paysage, la composition et le coloris de ces tapisseries sont de toute beauté.

N° 51.—Triomphe de déesse, d'après Coypel (Gobelins, XVIIIe siècle).

Nos 42, 50.—Histoire de Phaéton, d'après Allori (Florence, XVIIe siècle).

Salle XIII.—Fête champêtre.

Salle XIV.—Cinq scènes de la Passion (Florence, XVIIe siècle).

Salle XX.—Trois scènes de la même série, d'après Allori.

Salle XXI.—Les Douze Mois de l'année, d'après Bacchiacco (Florence, XVIe siècle).

Salle XXII.—Sept tapisseries avec grotesques sur fond jaune, d'après Bacchiacco (Florence, XVIe siècle).

LA PLACE DE L'ANNUNZIATA est bordée à droite par l'hospice des Enfants-Trouvés, les Innocenti, à gauche par la confrérie des Servi di Maria, bâtiments identiques, entre lesquels s'ouvre, au fond de la place, l'église de l'Annunziata. A l'angle de la Via dei Servi, le palais Manelli, de 1565, est une construction en brique de Buontalenti. Au milieu de la place, la statue équestre du grand-duc Ferdinand Ierest la dernière œuvre de Jean de Bologne, coulée en 1608 avec le bronze des canons enlevés aux Turcs.

De chaque côté, deux fontaines de Ph. Rocca, placées en 1629, sont ornées de monstres marins.

L'HOSPICE DES ENFANTS-TROUVÉS fut construit en 1421 par FRANCESCO DELLA LUNA, d'après les plans laissés par son maître Brunelleschi; il avait été commandé par la corporation des tisseurs de soie. Le rez-de-chaussée est bordé d'un beau portique précédé de marches qui, du côté de la place, offre entre ses arcatures des médaillons en terre vernissée blanche sur fond bleu, exécutés en 1460 par ANDREA DELLA ROBBIA. Ces médaillons, au nombre de quatorze, représentent chacun un enfant emmailloté, chef-d'œuvre de grâce et de délicatesse. Dans ces figures variées à l'infini, la manière d'Andrea diffère déjà profondément du style simple et sévère de Luca et se rapprocherait bien plutôt, par une recherche de douceur et de charme excessive, de celui des Ghiberti ou des Benedetto da Majano. La lunette de la porte de la Chapelle, où l'on entre par la cour, est occupée par une Annonciation, magnifique bas-relief émaillé d'Andrea della Robbia.

Au-dessus de l'autel de la chapelle Santa Maria degli Innocenti, le GHIRLANDAJO a peint, en 1488, une belle adoration des Mages fortement influencée, semble-t-il, par le Van der Gœs de l'hôpital Santa Maria Nuova. Cette page réunit à un haut degré les qualités du Ghirlandajo; non seulement il s'y révèle dessinateur émérite et savant coloriste, mais bien encore dans les moindres détails il pousse la conscience à l'excès et reste irréprochable comme exécution.

En face des Enfants-Trouvés le bâtiment des SERVI DI MARIA fut également construit, sur les plans laissés par Brunelleschi, par ANTONIO DA SANGALLO.

L'ÉGLISE SANTA ANNUNZIATA date de 1250, mais depuis elle fut agrandie et constamment modifiée. Sous le mauvais péristyle qui la précède, élevé en 1650 par CACCINI, s'ouvrent trois portes. Celle de gauche donne accès au cloître de l'ancien couvent des Servites, celle de droite à la chapelle des Pucci, et enfin celle du milieu au parvis décoré de fresques qui précède l'église. Ces fresques, abritées maintenant contre les intempéries par une galerie vitrée, furent en grande partie exécutées par Andrea del Sarto et sont un des plus beaux monuments du grand art italien.

A.—Saint Philippe donnant son habit à un malade.

B.—Joueurs frappés de la foudre pour s'être moqués de saint Philippe.

C.—Guérison d'un possédé.

D.—La mort de saint Philippe.

E.—Un enfant guéri par le contact du manteau de saint Philippe.

L'artiste exécuta ces peintures dans sa jeunesse, vers 1510. Le paysage a quelque importance, mais n'est pas suffisamment traité; ce ne sont plus les fonds idéalisés et mystérieux des primitifs, et d'autre part les artistes de l'époque d'Andrea sont encore loin de la perfection des maîtres qui rendront plus tard si merveilleusement la nature; ce sont des œuvres d'une époque de transition, n'ayant plus les qualités des anciens maîtres, sans pour cela avoir encore celles des nouveaux. Dans les fresques de l'Annunziata les personnages manquent de mouvement, mais leur défaut principal est l'absence de la foi profonde, de l'émotion et des sentiments vrais qu'auraient mis dans un tel sujet les «Quatrocentisti».

A droite, deux belles compositions d'Andrea del Sarto sont très supérieures aux précédentes.

L'Adoration des Mages bien groupée, avec le portrait de Sansovino tourné vers le spectateur, et au premier plan le portrait du peintre par lui-même.

La Naissance de la Vierge (1514), représentée dans une riche chambre du XVIe siècle avec des femmes portant les beaux costumes de l'époque. Au milieu de cette fresque remarquable, deux portraits de femmes dont l'une est la Lucrezia Fede, la terrible femme de l'artiste.

Les trois médiocres fresques suivantes sont dues à des amis ou à des élèves d'Andrea: Le Mariage de la Vierge par FRANCIABIGIO (1513). La Visitation par le PONTORMO (1516). L'Assomption par ROSSO (1517).

L'intérieur de l'Église, décoré au XVIIe siècle avec une triste somptuosité, consiste en une nef unique sur laquelle donnent des chapelles latérales, et qui aboutit à une grande rotonde où se trouve le chœur entouré de chapelles rayonnantes. A gauche de l'entrée, sous un baldaquin du XVIIe siècle de très mauvais goût, s'ouvre la chapelle «della Vergine Annunziata», construite aux frais de Pierre de Médicis par MICHELOZZO en 1448. Derrière l'autel, une Vierge miraculeuse, fresque du XIIIe siècle, est l'objet d'une grande vénération.

Au-dessus de la porte qui conduit du croisillon gauche au cloître des Servites est une fresque d'ANDREA DEL SARTO, «la Madone au Sac» (Madonna del Sacco), peinte en 1525, et justement considérée comme un chef-d'œuvre; elle est d'une grâce charmante avec des figures bien groupées. Saint Joseph debout, appuyé sur un sac, lit à côté de la Vierge assise à terre. Près de la fresque d'Andrea est le tombeau des Falconieri, fondateurs de l'église: sarcophage supporté par des consoles. Dans le deuxième cloître, grande statue de Saint Jean-Baptiste en terre cuite, bel ouvrage où MICHELOZZO a reproduit le Saint Jean qu'il avait placé dans le fameux reliquaire du musée du Dôme.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS (46, Via Ricasoli)

Salle I.—N° 31.—BALDOVINETTI. La Trinité.

N° 27.—ANGELICO. Retables.

Salle à Coupole.—MICHEL-ANGE. David.—Le David fut sculpté en 1501 par Michel-Ange tout jeune, qui fut rappelé de Rome tout exprès pour tirer d'un gigantesque bloc de marbre mal venu, une colossale statue destinée à être placée devant le Palais Vieux. Loin d'être arrêté par cette difficulté de métier, jamais Michel-Ange ne semble avoir été plus en possession de son admirable talent, plus maître de son art, que dans cette juvénile figure où la justesse des rapports, la perfection du modelé et le fini parfait excitent la plus vive admiration. Le maître a choisi l'instant où le héros va lancer sa fronde, et l'attente du geste décisif est parfaitement marquée par l'expression sévère et concentrée du visage qui frappe par sa ressemblance avec celui du Saint Georges d'Or San Michele, ce chef-d'œuvre de Donatello.

MICHEL-ANGE. Ébauche pour un Saint Mathieu. C'est la seule ébauche des statues des Apôtres que Michel-Ange devait exécuter pour Sainte-Marie des Fleurs, œuvre infiniment intéressante, puisqu'elle permet de saisir sur le fait son procédé de travail et sa préoccupation de mener de front l'étude de la forme et la recherche de l'effet. Dans l'espèce de grande dalle où la statue est encore engagée, il semble que le maître ait dessiné au ciseau toutes les valeurs, jusqu'à donner à l'œuvre l'aspect du bas-relief ou à produire l'impression d'un puissant et singulier carton.

Grande Salle III.—N° 36.—MASACCIO. La Conception.

Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant. Il est intéressant de constater dans cette œuvre de jeunesse du maître, combien son idéalisme d'alors était déjà combattu par son entraînement au réalisme et au naturalisme.

N° 41.—FRA FILIPPO LIPPI. Couronnement de la Vierge, œuvre tardive de 1441. Ce grand tableau, malheureusement très abîmé, est surchargé de personnages; de plus, comme le sujet principal est placé sur le second plan, il en perd toute grandeur. Le défaut ordinaire de Lippi, qui est de raplatir la tête de ses figures, a été poussé ici à un désagréable excès. Dans ce tableau, Lippi s'est peint lui-même à genoux et les mains jointes.

N° 42.—FRA FILIPPO LIPPI. L'Annonciation, belle prédelle de 1441.

Nos 37 et 39.—ANDREA DEL CASTAGNO. Sainte Madeleine et Saint Jean-Baptiste, figures ascétiques d'un grand caractère.

N° 38.—ANDREA DEL CASTAGNO. Saint Jérôme en prière.

N° 32.—GENTILE DA FABRIANO. Adoration des Mages. Ce chef-d'œuvre célèbre fut peint pour Palla Strozzi en 1423. Sorte d'Angelico ombrien, Gentile évoque un monde tout idéal, tout fantaisiste; il couvre ses personnages de vêtements somptueux où l'or tient la plus grande place, mais un or traité à la manière des icônes byzantines, c'est-à-dire en relief avec des incrustations et des gravures. Son goût prononcé pour la zoologie se traduisit par la recherche des animaux extraordinaires qu'il a figurés dans le cortège des Mages. Peu de tableaux laissent une aussi délicieuse impression de poésie et de fraîcheur.

N° 34.—FRA ANGELICO. La Déposition de la Croix. Ce chef-d'œuvre, d'une simplicité grandiose, est d'une perfection de composition, d'une profondeur de sentiment, d'une pureté de dessin qui en font une des plus impressionnantes œuvres du XVe siècle. La croix occupe le centre, et le corps du Christ en est détaché par saint Jean accompagné d'un groupe de disciples qui soutiennent le cadavre. D'autres groupes admirables sont composés de la Vierge, des Saintes Femmes et d'hommes qui contemplent avec commisération les instruments de la Passion montrés par l'un d'eux.

Les montants du cadre sont garnis de douze délicates petites figures de saints et les trois gâbles qui le surmontent représentent la Visite des Saintes Femmes au tombeau, la Résurrection et l'Apparition à la Madeleine. Pour bien apprécier cette œuvre de premier ordre, il faut se faire à un coloris d'une vivacité et d'une crudité de tons rares, même chez l'Angelico.

N° 43.—ANDREA VERROCCHIO. Baptême de Jésus-Christ. On a longtemps considéré ce tableau comme la seule peinture complète du Verrocchio, mais on est arrivé à reconnaître que l'œuvre, loin d'avoir jamais été achevée par lui, avait été terminée par son élève, Léonard de Vinci. La seule part attribuée maintenant à Verrocchio est la figure de saint Jean-Baptiste et le paysage du fond. L'artiste, avec le caractère plutôt abrupt de son talent et sa passion de l'anatomie et de la vérité, a trouvé un sujet digne de lui dans la figure réaliste et ascétique du précurseur, modelée en pleine lumière. Cette partie, un peu dure, forme un saisissant contraste avec les deux délicieuses figures d'anges agenouillés que Léonard a traitées en clair obscur, avec tout le charme de son incomparable génie.

N° 46.—SANDRO BOTTICELLI. La Vierge, l'Enfant Jésus, la Madeleine, sainte Catherine, saint Damien, saint Cosme et divers saints. Un des premiers ouvrages de Sandro et non des meilleurs. Les figures sont encore très influencées de celles de son maître, POLLAJUOLO.

N° 47.—SANDRO BOTTICELLI. Couronnement de la Vierge. Un des plus grands tableaux d'autel du maître.

N° 52.—SANDRO BOTTICELLI. La Vierge sur un trône entre des anges et des saints. Ces deux tableaux prouvent surabondamment combien le talent de Botticelli était rebelle aux sujets religieux.

N° 49.—FRA FILIPPO LIPPI. La belle Madone avec quatre Saints sous une architecture, est une des bonnes œuvres du maître. Elle est remarquable par la facture des vêtements.

N° 50.—GHIRLANDAJO. L'Adoration des Bergers, peinte vers 1485, est à peu près analogue à celle des Innocenti. L'influence de Van der Gœs et de l'œuvre de l'hôpital Santa Maria Nuova y est également sensible. Cet ouvrage, à bien des égards, est excellent; on y retrouve la scrupuleuse conscience de Ghirlandajo et, grâce à son coloris plus calme, il est d'un aspect plus agréable que le retable des Innocenti.

N°53.—PIERRE PÉRUGIN. Le jardin de Gethsemani.

N° 56.—PIERRE PÉRUGIN. Crucifixion. Ces deux tableaux furent peints par le Pérugin vers 1496, c'est-à-dire à cette période de sa vie où, par son absence de conviction artistique, il sacrifiait exclusivement à la grâce et à l'afféterie et laissait dans ses compositions une large place à de beaux paysages de convention.

N° 55.—PIERRE PÉRUGIN. Assomption, avec quatre saints dans le bas du tableau.

Cette grande composition, très conventionnelle, date de l'époque des fresques du Cambio avec lesquelles elle a de grands rapports de manière (1500).

N° 58.—PIERRE PÉRUGIN. Pieta. Ce tableau célèbre est une œuvre de jeunesse intéressante par sa singulière ordonnance et son architecture classique. Malheureusement l'expression des visages et l'attitude des personnages sont toujours de la plus désolante banalité.

N° 54.—LUCA SIGNORELLI. La Vierge avec le Christ, deux Saints et les archanges Michel et Gabriel. Remarquable tableau d'autel d'un coloris vif et fondu tout à la fois.

N° 57.—FILIPPINO LIPPI. Descente de Croix. Ce tableau d'autel, resté inachevé par suite de la mort de Filippino (1504), fut repris et terminé par le Pérugin.

N° 59.—ANDREA DEL SARTO. Quatre Saints.

N° 63.—Prédelle de ces tableaux avec la Vie de ces Saints. Ces deux très belles compositions sont de la même époque et de la même manière que les admirables fresques des Scalzo (1528).

Il est intéressant de constater combien, à cette date, André del Sarto était impressionné par le génie d'Albert Dürer.

N° 66.—FRA BARTOLOMMEO. Apparition de la Vierge à saint Bernard, œuvre de jeunesse (1506) avec encore un peu de sécheresse dans les contours et malheureusement d'une mauvaise conservation.

N°69.—FRA BARTOLOMMEO. Saint Vincent.

Nos 78 et 82.—FRA BARTOLOMMEO. Têtes d'Apôtres. Ces morceaux de fresques sont de premier ordre et donnent le plus utile renseignement sur la hauteur de vues, la noblesse de sentiments et la belle intégrité artistique du Frate.

Salle IV (Salle d'Angelico).—Cette salle contient un véritable trésor d'œuvres de l'Angelico qui, avec des qualités différentes, sont toutes inspirées de son exquise poésie symbolique et mystique.

N° 41.—Le Jugement dernier. Composition où se meuvent une multitude de petites figures d'une exécution relativement peu soignée pour l'Angelico. La partie la plus intéressante du tableau est constituée par une ravissante farandole de petits anges qui se déroule dans le Paradis, au milieu d'une prairie émaillée de fleurs.

Si Angelico est, par excellence, le peintre des joies célestes, il est moins apte à exprimer l'angoisse et la douleur des damnés, aussi la partie de l'enfer laisse-t-elle à désirer.

N° 16.—Six petits panneaux. Vies et supplices des saints Cosme et Damien.

Nos 11, 24.—Huit panneaux divisés en compartiments et formant trente-cinq sujets de la Vie de Jésus-Christ. Ils sont d'inégale valeur et plusieurs sont de la main de Baldovinetti. Toutefois, quelques-uns, comme finesse et perfection, sont de vraies miniatures. Parmi ceux-ci: la Fuite en Égypte, la Flagellation, le Portement de Croix, Jésus dépouillé par les soldats et les Saintes Femmes au tombeau sont hors ligne.

N° 20.—Couronnement de la Vierge, petit médaillon de la plus grande finesse.

N° 21.—Le Christ à mi-corps, debout dans le tombeau, entouré de toutes les scènes de la Passion. Cette belle conception, particulièrement affectionnée par l'Angelico, est d'un dessin large et savamment modelé.

PIERRE LORENZETTI.—Quatre épisodes très archaïques de la Vie de saint Nicolas de Bari.

N° 31.—FRA BARTOLOMMEO. Savonarole sous l'aspect de saint Pierre martyr.

N° 18.—PÉRUGIN. Beaux portraits de Baldassare Monaco et de don Biagio Milanesi, moines de Vallombreuse. La beauté, la simplicité et la sévérité de ces deux profils de moines les ont longtemps fait attribuer à Raphaël comme œuvre de jeunesse.

Salle V.—Cartons.—Collection d'admirables cartons de Fra Bartolommeo.

Carton du David, de Michel-Ange.

Salle VI.—N° 22.—ANTONIO DEL POLLAJUOLO. Saint Augustin, âgé. Admirable figure d'évêque debout, crossé et mitré.

N° 23.—ANTONIO DEL POLLAJUOLO. Sainte Monique, superbe figure de vieille femme, pendant du précédent.

N° 24.—VERROCCHIO. Tobie et les trois Archanges.

Les archanges Michel, Gabriel et Raphaël accompagnent le jeune Tobie retournant chez son père. Cette œuvre admirable est une des premières du Verrocchio et l'analogie du type des Archanges avec ceux du David au Bargello et du Saint Jean-Baptiste dans le Baptême de l'Académie est frappante.

La gravité, la noblesse et la beauté des figures, la minutieuse recherche des anatomies, le réalisme scrupuleux poussé jusqu'aux moindres plis des vêtements, enfin la poésie du délicieux paysage du fond, tout concourt à placer ce tableau parmi les productions les plus parfaites des Quatrocentisti.

N° 19.—LUCA SIGNORELLI. La Madeleine agenouillée au pied de la Croix. Cette page a la dureté et la crudité de couleur trop ordinaires chez Signorelli, défauts amplement rachetés du reste par la beauté de la composition et la profondeur et l'émotion uniques chez lui.

Le fond en perspective représente la Déposition, la Mise au sépulcre, et la Visite des Saintes Femmes au tombeau.

N° 16.—DOMINIQUE GHIRLANDAJO. Vierge entre des anges et divers saints, excellent ouvrage de jeunesse.

N° 12.—FRA FILIPPO LIPPI. Naissance de Jésus-Christ, retable de médiocre valeur, seulement intéressant comme étant le tableau de l'autel de la chapelle Riccardi auquel aboutissait toute la composition de Benozzo Gozzoli.

Nos 6, 7, 8, 9.—SANDRO BOTTICELLI. Le Christ ressuscitant.—Salomé avec la tête de Saint Jean-Baptiste.—Visions de Saint Augustin.—Mort de Saint Augustin.—Quatre adorables petits panneaux oblongs.

N° 20.—SANDRO BOTTICELLI. L'archange Raphaël et Tobie, tableau très abîmé, mais d'un délicieux sentiment. Les deux figures, rapprochées de celles du tableau du Verrocchio, expliquent l'attribution erronée de cette peinture faite longtemps à Sandro. Au bas, petite figure agenouillée du donateur Strozzi, dont les armes occupent le haut du tableau.

N° 27.—SANDRO BOTTICELLI. Allégorie du Printemps, tableau exécuté en 1462 sur la commande de Pierre de Médicis et destiné avec celui du musée des Offices, «l'Arrivée de Vénus à Cythère», à sa villa de Castello. C'est un chef-d'œuvre de paganisme mythologique, interprété avec toute la subtilité, tout le raffinement d'un «décadent» de la Renaissance. Il puisa son sujet dans le passage du cinquième livre de Lucrèce, où le poète décrit ainsi le réveil de la nature:

«Sur l'aile de Zéphyr le doux Printemps renaît et Vénus daigne sourire aux champs rajeunis. Sur leurs pas Flore, mère facile, épanche ses parfums et émaille les prés de ses dons enchanteurs.»

Comment Botticelli a-t-il traduit la pensée de Lucrèce? Dans un bois, figuré par des arbres chargés de fleurs et de fruits, dont les silhouettes noires sont violemment découpées sur un ciel pâle, s'ouvre une clairière semée de mille fleurs, traitées avec la patiente minutie de la miniature. Sur ce chemin fleuri s'avance Vénus précédée des Grâces et de Mercure, et suivie de la figure allégorique du Printemps. Flore, poursuivie par Zéphyr, occupe l'extrême droite du tableau, et l'Amour, les yeux bandés, vole au-dessus des groupes en décochant ses flèches.

Les sept personnages, presque aussi grands que nature, sont traités avec l'art le plus consommé autant par la perfection du dessin que par l'agrément du coloris. Les femmes, avec les formes élancées et un peu grêles chères à Botticelli, sont vêtues de gazes transparentes voilant à peine leur belle nudité. Une seule figure, la figure si énigmatique du Printemps, porte une tunique compliquée, semée de fleurs sur fond blanc; les cheveux fauves, coupés court, encadrent son délicieux visage et son expression étrange donne à sa physionomie quelque chose de problématique et de captivant. Les dimensions de cet ouvrage lui assureraient un rang à part dans l'œuvre de Botticelli, si d'ailleurs des qualités de premier ordre ne l'y plaçaient de droit.

LE COUVENT DE SAN MARCO, fondé par les moines de l'ordre de Saint-Sylvestre, fut concédé aux dominicains par le pape Martin V, sur les instances de Cosme l'Ancien, leur zélé protecteur, auquel l'ordre devait d'être rentré à Florence après en avoir été précédemment expulsé. Le couvent fut magnifiquement restauré par Michelozzo de 1436 à 1443, et Fra Angelico de Fiesole passa plusieurs années de sa vie à le décorer de ses fresques.

Le génie de Giotto avait contenu en germe toute la peinture italienne, c'est-à-dire l'idéalisme et le réalisme. Par la grandeur des choses vues de loin, il rehaussa la vérité des choses vues de près estompées sur le vif; en un mot, il conçut le premier l'union du symbole et du portrait.

Un demi-siècle après la mort de ce grand homme, alors que s'épanouissait la génération de ses élèves, deux courants se formèrent dont la source remontait également à son génie. Tandis que des artistes tels que les Masolino, les Masaccio ou les Fra Filippo Lippi développaient la peinture dans le sens de la vérité individuelle et du portrait, d'autres, comme Fra Giovanni de Fiesole, s'attachaient au spiritualisme puisé dans l'œuvre de Giotto ou inspiré par le platonisme de Dante et donnaient le jour à une peinture destinée, semble-t-il, à illustrer les missels du Paradis.

L'Angelico fut la plus haute manifestation de cet art et San Marco la plus parfaite expression de son talent.

Les fresques multiples que renferme le couvent ne sont pas des œuvres destinées à la critique ou au jugement d'un nombreux public. Elles devaient, en décorant des cellules où personne ne pénétrerait, ne servir qu'à l'édification ou à l'enseignement des moines, et Angelico pouvait se livrer, sans préoccupation mondaine, tout entier à l'inspiration de son âme. Beaucoup de ces fresques, sans recherche d'anatomie ou de dessin quelconque, sont très légèrement indiquées et c'est parfois de celles où ces défauts sont le plus accusés que se dégage l'impression la plus vive; on les dirait éclairées par une sorte de lumière intérieure dans le rayonnement de laquelle, toute trace de procédé matériel s'effaçant, elles apparaissent comme dans une atmosphère de pure spiritualité.

Le même état d'âme se manifeste au couvent de San Marco dans Baccio della Porta, dit Fra Bartolommeo, devenu moine en 1501, sous l'impression terrible qu'avait produite en lui la mort affreuse de son ami Savonarole. Après plusieurs années passées sans toucher à ses pinceaux, il les reprit par ordre du prieur, et c'est de cette époque que datent toutes ses admirables compositions religieuses où s'accuse si profondément le tour extatique et mystique de son esprit.

Il reste enfin à parler du plus célèbre des hôtes de San Marco, de celui dont le nom a marqué dans l'histoire de son pays, de celui dont la pensée grave et austère tenta la réforme morale et religieuse d'une époque déjà dissolue: de Jérôme Savonarole. A la fin du XVe siècle les regrets causés par l'affaiblissement de la foi et la perte de la liberté, les écarts des lettres et les périls de l'indépendance nationale provoquèrent à Florence une violente réaction politique et religieuse dont l'apôtre fut Jérôme Savonarole, un moine mystique doublé d'un tribun.

Cet homme sut, dans la païenne Florence d'alors, amener une révolution complète, il sut établir une république théocratique animée du souffle divin et fonder sur la puissance populaire la réforme des mœurs et le mépris des arts. Il tomba, sous le persiflage des libertins de la Renaissance, sous les attaques de l'aristocratie, sous les foudres de la papauté et sous ses propres excès, mais en laissant le souvenir pur d'un apôtre, d'un prophète et d'un martyr.

Jérôme Savonarole naquit à Ferrare en 1452, et une vocation irrésistible l'ayant entraîné vers les ordres, il entra en 1475 chez les dominicains de Florence, à l'âge de vingt-trois ans.

Il fut d'abord destiné à la prédication où, malgré sa foi ardente, son élocution difficile l'empêcha de réussir. Mais, loin de se décourager, il revint à l'étude de la Bible et, pendant quatre années, se voua au travail, au silence et à la solitude. Aussi, quand il quitta, pour rentrer à Florence, le sévère couvent de la Lombardie où il s'était retiré, se considérait-il comme élu par Dieu pour ramener l'Italie à la foi et aux bonnes mœurs par ses menaces et ses avertissements. Il la regarda désormais comme les prophètes regardaient la Judée, ne voyant plus dans son peuple qu'une nation de prédilection, que Dieu, selon les circonstances, soutenait ou châtiait impitoyablement.

Ainsi préparé et se croyant marqué du sceau divin, il recommença ses prédications (1490) et avec des figures et des citations bibliques flagella ses contemporains et les menaça, dans un langage violent et âpre, d'un redoublement de la colère céleste. La foule dès lors se pressa autour de lui et il dut abandonner la salle du chapitre de San Marco où il prêchait sous la fresque de l'Angelico, pour le jardin du cloître et ensuite pour l'église San Marco. La ville tout entière fut alors suspendue aux lèvres du moine dont la parole terrible menaçait l'Italie des «fléaux de Dieu: la conquête, la servitude et la ruine» si elle ne se réformait pas dans les mœurs et dans «le siècle».

La popularité de Savonarole lui valut la dignité de prieur et Laurent le Magnifique, que sa parole inspirée commençait à effrayer, put espérer que cette élévation tempérerait l'ardeur du moine. Mais cet espoir devait être déçu, car, loin de modérer sa fougue, Savonarole menaça de plus belle Laurent et Florence des pires châtiments. L'événement devait lui donner raison, et l'entrée des Français à Milan allait bientôt faire du dominicain une terrible puissance politique et religieuse avec laquelle il faudrait compter.

Pierre de Médicis, le successeur de Laurent, exila Savonarole et lui interdit l'usage d'une parole qui semblait complice de l'invasion; mais bientôt, Pierre ayant été chassé lui-même, les Florentins rappelaient leur prédicateur et l'envoyaient en ambassade auprès du conquérant dont il avait prédit la venue. Si toute son éloquence fut impuissante à empêcher Charles VIII d'entrer à Florence, il obtint du moins l'immunité pour elle et pour ses habitants et, une fois Charles et les Français partis, Savonarole resta le maître de la situation. Mis dans la nécessité d'organiser un gouvernement, il dut se prononcer sur la meilleure forme à donner à la République et décréta une constitution dont les principes étaient la crainte de Dieu, l'intérêt général primant l'intérêt particulier, l'oubli de toutes les anciennes haines, le pardon des offenses, la remise de toutes les dettes contractées envers l'État, l'amnistie pour tous les délits commis pendant les luttes des factions.

En donnant force de loi à cette paix universelle, Savonarole coupait court à toute recherche du passé, détournait toutes les vengeances, et par cela seul les œuvres de cet homme furent d'abord excellentes. Mais à cette constitution politique devait toujours manquer le rouage essentiel, celui d'une volonté motrice unique. Cette volonté, Savonarole la considérait comme une émanation divine, c'était décréter la politique de prophétie et l'illuminisme en permanence. Cependant, à voir les prompts résultats de son système, on put croire au couronnement de son œuvre; en effet, une transformation radicale s'était opérée dans Florence où l'on n'entendait plus que des chants religieux, où les femmes se dépouillaient de leurs parures, où les hommes ne marchaient plus que la Bible en main et où les artistes abandonnaient les sujets profanes et leurs chères études sur l'anatomie et sur l'antiquité pour se soustraire aux tentations de la chair. Dominé par cette obsession, Fra Bartolommeo se fait moine, Botticelli brise ses pinceaux, Marsile Ficin et Ange Politien se détournent des lettres profanes et deviennent les amis et les disciples du moine, Machiavel passe de l'étude de Tite-Live à celle du Deutéronome et enfin Michel-Ange, pénétré de l'esprit même de Savonarole, se voue presque exclusivement à la peinture et à la sculpture religieuses dans leurs interprétations les plus désolées et les plus farouches.

La situation de Savonarole devenait pourtant de jour en jour plus périlleuse, car l'illuminisme, si dangereux déjà dans la direction des âmes, est un écueil insurmontable dans le gouvernement des intérêts, et le moine avait beau dire: «Je ne me mêle pas des affaires de l'État», le peuple florentin, dont il était devenu le prophète et le juge, exigeait de lui secours efficace, aide et protection. Ce n'était pas assez pour satisfaire Florence, qu'au moment de la seconde campagne d'Italie, Savonarole eût obtenu le départ de Charles VIII; elle avait espéré de lui, qu'outre la liberté reconquise, il lui ferait reprendre les villes révoltées contre son autorité, auxquelles le passage des Français avait rendu l'indépendance. Aussi les Florentins murmuraient contre Savonarole et lui faisaient un grief de ce que la République épuisât en pure perte ses condottieri et son argent, comme ils le rendaient aussi responsable de la disette qui sévissait cruellement.

Si les partisans du prophète et de son gouvernement se refroidissaient eux-mêmes, des ennemis autrement redoutables allaient encore surgir contre lui. En effet, Savonarole n'avait pas craint d'attaquer avec la dernière violence le clergé, les moines et jusqu'à la papauté, invitant l'Église à quitter les biens du siècle pour la pauvreté, l'austérité et la prière. Il y avait là de quoi éveiller les craintes d'un pape tel qu'Alexandre VI Borgia, et, en juillet 1495, il mettait l'interdit sur Savonarole et lui ordonnait de comparaître devant lui. Le dominicain ne tint aucun compte de ces injonctions et continua de plus belle ses prédications, arguant que l'indignité du chef de l'Église déliait de toute obéissance à son égard. Après deux ans de tergiversations, Alexandre se décida à fulminer et lança ses foudres contre Savonarole, le frappant d'excommunication majeure, comme coupable de désobéissance et suspect d'hérésie.

Les Florentins se trouvaient ainsi placés entre leur foi catholique et leur amour pour le dominicain, si bien qu'une moitié de la ville était retournée contre l'autre.

Cette situation était encore compliquée par les incitations haineuses que Pierre de Médicis ne cessait d'adresser au pape contre Florence, de sorte que la Seigneurie, effrayée de la double perspective d'un schisme et d'une guerre également possibles, se résolut à interdire la parole à Savonarole et à lui enjoindre de s'enfermer dans son couvent.

Celui-ci ne devait pas y rester longtemps en paix, car la première chose qu'un peuple exige d'un prophète, quand il commence à ne plus croire en lui, est le signe manifeste de sa mission. On se rappelait à Florence la légende de Pierre de Feu qui, au XIe siècle, était entré dans les flammes pour prouver la simonie d'un évêque et qu'on disait en être sorti sain et sauf, et peu à peu s'établissait l'idée que le moine dominicain ne pouvait vraiment faire moins pour prouver qu'il avait raison contre un pape.

La foi de ceux qui lui étaient restés fidèles entraîna Savonarole dans cette voie insensée, et de nombreux frères s'étant offerts pour tenter l'épreuve à sa place, il fut décidé qu'on essaierait de cet étrange moyen de rendre la paix à la ville.

Après avoir délibéré, la Seigneurie désigna les deux victimes, Dominique Buonvicini pour Savonarole, et contre lui le frère mineur François de Pouille. Si le dominicain était brûlé, Savonarole devait quitter Florence (1498). Le jour venu, d'interminables discussions s'élevèrent entre les dominicains et les franciscains pour savoir s'il convenait d'entrer dans le bûcher avec ou sans vêtements, avec ou sans crucifix. Pendant ces contestations, un violent orage survint et dispersa acteurs et spectateurs; mais Savonarole faillit être écharpé par le peuple furieux de sa longue attente et exaspéré d'avoir été frustré du spectacle qu'il escomptait; le prophète était perdu, il n'avait pu faire ses preuves. Dès le lendemain, le peuple soulevé envahissait et saccageait le couvent de San Marco et le prieur, pour mettre fin aux scènes de tumulte, se faisait escorter au Palais Vieux et se remettait entre les mains de la Seigneurie qui, autant pour sauver sa vie que pour donner satisfaction au peuple, le faisait conduire en prison.

Mis à la torture, Savonarole resta héroïque; on fut si loin de lui arracher des aveux suffisants pour motiver une condamnation, qu'il fallut qu'Alexandre VI députât aux juges deux commissaires apostoliques, afin que le procès aboutît à une sentence de mort et permît au tribunal de condamner à être brûlé vif un homme dont le seul crime était de n'avoir pas fait un miracle pour délivrer le monde d'un Borgia. Mais, comme le fait ne tombait sous aucune loi, il fut condamné pour le crime irrémissible en politique d'être usé et vaincu.

Savonarole fut, devant la mort, égal à lui-même. Ses dernières paroles respirèrent la fierté et la foi. Lorsque, avant de le livrer au bûcher, on le déclara retranché de l'Église, il s'écria: «De la militante, oui; de la triomphante, non.»

L'opinion de Machiavel sur lui résume celle des contemporains: «S'il était sincère, l'Italie a vu un grand prophète; si c'était un fourbe, elle a vu un grand homme!»

La vérité est qu'il ne sut ni réformer l'Église à force de raison, ni la renverser, comme le tenta Luther, à force de volonté. Homme de passion surtout, il n'eut ni la sagesse de la pondération, ni la force du révolutionnaire.

Le couvent.—Le premier cloître, où l'on entre directement, est entouré de portiques décorés de détestables fresques de VANNI (1650). Pourtant il a conservé, au-dessus des lunettes des portes, cinq fresques de l'Angelico.

1°—Saint Thomas d'Aquin tenant un livre ouvert sur sa poitrine.

2°—Au-dessus de l'entrée des Étrangers (forestiera), le Christ reçu par saint Dominique et saint Thomas d'Aquin. Il est en pèlerin revêtu de la peau de mouton, un bourdon à la main.

3°—Au-dessus de la porte du réfectoire, un Christ mort, sortant à mi-corps du tombeau, est d'une grande et douloureuse expression.

4° Au-dessus de la salle du chapitre, Saint Dominique avec la discipline.

5° Au-dessus de la porte communiquant avec l'église, la fresque appelée le Silence est une des plus hautes compositions où l'âme ait été traduite par la forme; elle représente saint Pierre martyr, un doigt sur la bouche pour rappeler la règle de l'ordre enjoignant le silence.

A droite de la porte de l'église et en face de l'entrée du cloître se trouve une grande fresque où l'ANGELICO a peint Saint Dominique à genoux au pied de la croix qu'il tient embrassée. C'est un de ses rares ouvrages où les personnages soient de grandeur naturelle; et exceptionnellement ce développement a été loin de leur nuire, bien qu'ils aient conservé toute la finesse de la miniature.

La croix se détache sur le bleu intense du ciel et la tête du Christ, légèrement penchée, est d'une douceur et d'un renoncement admirables; la tête extatique de saint Dominique le regarde avec amour et compassion.

Le Réfectoire possède un Cenacolo peint à fresque par ANTONIO SOGLIANI, en deux parties dont l'inférieure montre des dominicains à table, servis par des anges et la supérieure, le Christ en croix entouré de la Vierge, de saint Jean et de dominicains. Un superbe encadrement sculpté du XVe siècle avec traces de couleurs a été rapporté dans cette salle; sa dimension fait supposer qu'il a encadré primitivement la grande fresque de Saint Dominique dans le cloître.

La Salle du Chapitre est décorée d'une fresque d'ANGELICO, le Calvaire, la plus grande de ses compositions, elle occupe le mur cintré du fond.

Loin de l'embarrasser, les proportions de cette fresque ne firent que lui inspirer un style plus ample, une exécution plus large qui, sans lui enlever rien de sa délicatesse, le firent gagner en résolution et en fermeté. Elle est une des dernières œuvres de l'Angelico âgé alors de cinquante-trois ans.

Le moine a placé la scène, non pas sur un calvaire, comme elle l'est généralement, mais dans un lieu caractérisé seulement par un tertre jaune, sans perspective, où les trois croix se détachent sur un ciel sanglant d'un ton uniforme. Les corps du Christ et des deux larrons sont les parties les moins bonnes et manquent de dessin par suite de l'ignorance anatomique dans laquelle l'Angelico avait toujours voulu rester.

A gauche, au pied de la croix, le groupe de la Vierge évanouie, soutenue par saint Jean, l'une des Marie et la Madeleine, feraient honneur aux plus grands maîtres, tant la dignité des figures, leur expression, leur mouvement et le jet des draperies sont vraiment admirables; et la Madeleine, avec sa tunique rose, dénouée et glissant à son insu, est, dans son désordre, d'une beauté surprenante.

Plus à gauche, se tiennent saint Jean-Baptiste, saint Augustin, saint Laurent, saints Cosme et Damien, patrons des Médicis. A droite, sont agenouillés saint Dominique et les fondateurs d'ordres fameux: saint Jérôme, saint François d'Assise, saint Benoît, saint Thomas d'Aquin, saint Pierre martyr. Derrière eux, debout, sont encore d'autres saints, entre lesquels saint Zenobe, évêque, patron de Florence. Tous ces personnages, dont la douleur est profonde, ont dû symboliser, dans la pensée de l'artiste doublé du prêtre, le cri d'angoisse de l'Église à cette époque de discorde et de schisme.

Sous cette fresque, Fra Giovanni a simulé une prédelle comprenant dix-sept médaillons encadrés dans l'arbre de Jessé des dominicains dont la souche est entre les mains de saint Dominique placé dans le médaillon du milieu. Dans les autres médaillons sont tous les dominicains célèbres, dont les têtes pleines de vie et d'expression se détachent sur un fond bleu.

Dans le passage conduisant au deuxième cloître se trouve, à côté de l'escalier, le petit Réfectoire décoré d'un Cenacolo peint à fresque par DOMENICO GHIRLANDAJO en 1493, copie textuelle de celui qu'il avait déjà peint en 1480 à Ognissanti. Celui-ci, de la dernière manière du maître, est moins parfait que le précédent. Les figures sont relevées par l'emploi des ors; la table, simplement servie, est parsemée de cerises.

Le premier étage comprend un large couloir régnant sur trois côtés et couvert d'une charpente apparente, le long duquel s'ouvre une suite de portes basses et étroites donnant chacune sur une cellule peu élevée de plafond. La monotonie des murs est, d'espace en espace, rompue par une fresque de l'Angelico.

N° I.—(En face de l'escalier.) L'Annonciation. Sous un portique la Vierge est assise sur un escabeau et adorable de grâce et de respect, s'incline chastement devant l'ange, qu'elle écoute avec confiance et soumission.

N° II—(A gauche de la porte) Saint Dominique, à genoux au pied de la Croix, contemple le Christ. Ce sujet, traité avec une grande finesse, a été reproduit plus grossièrement dans beaucoup de cellules par les élèves d'Angelico.

III.—(Couloir de gauche) Entre les cellules 25 et 26, Vierge assise sur un trône entouré de saints au nombre desquels se trouvent saints Cosme et Damien, saint Augustin, saint Laurent et saint Pierre martyr, sous les mêmes traits que dans la salle du chapitre.

Les quarante-cinq cellules sont décorées chacune d'une fresque carrée de petite dimension exécutée soit par Fra Angelico, soit sous sa direction, d'où il résulte une grande inégalité entre ces morceaux, sans que la profonde et saisissante impression d'unité en soit diminuée.

Cellule I.—Le bon Jardinier. Apparition du Christ à la Madeleine.

II.—Mise au tombeau. Les trois Saintes Femmes et saint Jean sont accroupis autour du corps devant le sépulcre. A gauche, saint Antoine s'avance doucement vers eux.

III.—Annonciation. L'Ange debout est d'une grande finesse; la Vierge agenouillée sur un petit banc, les mains croisées sur la poitrine, est dans une attitude très humble.

IV.—Christ en Croix sur fond sombre, entouré de saint Jean et de la Vierge, de saint Dominique et de saint Jérôme.

VII.—Ecce homo. Le Christ en robe blanche est assis sur un trône et tient dans ses mains le roseau qui devient un sceptre; le Christ voit à travers le voile dont ses yeux sont couverts. Derrière et autour de lui sont représentées les mains qui l'ont souffleté et la tête de l'homme qui lui a craché au visage. Toutefois, par une admirable inspiration de la foi, le peintre n'a pas osé la représenter couverte, et une main de celui qui outrage le Christ soulève instinctivement le chapeau. A gauche est assise la Vierge; à droite, saint Dominique semble commenter avec ferveur le livre ouvert devant lui. Cette œuvre, admirable dans sa simplicité, produit une profonde impression.

VIII.—Les Saintes Femmes au tombeau. La Madeleine regarde le fond du sépulcre, sa charmante tête est vue en raccourci et la Sainte s'abrite les yeux de la main pour ne pas être éblouie par les rayons lumineux qui entourent le Christ apparaissant radieux au-dessus du sépulcre. A gauche, saint Dominique à genoux.

IX. Le Couronnement de la Vierge. Dans la partie supérieure sont assis Jésus et la Vierge, tous deux drapés de blanc; la Vierge joint les mains et d'un mouvement gracieux se penche en avant pour recevoir la couronne.

Dans le bas de la fresque sont agenouillés saint Thomas d'Aquin, saint Dominique, saint François, saint Pierre martyr, et deux autres saints.

X.—La Circoncision avec Saint Pierre martyr, joli profil de la Vierge debout.

XI.—La Vierge sur un trône, entre un Évêque et Saint Thomas d'Aquin.

L'appartement du prieur est à l'extrémité du couloir et comprend:

XII.—Antichambre avec trois fresques de Fra Bartolommeo.

XIII.—Cabinet de travail.

XIV.—Cellule.

Ces deux pièces, les seules qui ne soient pas décorées de fresques, ont été habitées par Savonarole dont elles conservent des souvenirs. Les plus intéressants sont: la bannière qui le suivait partout: elle est en toile avec un Christ peint sur ses deux faces par l'Angelico; une copie d'un tableau de l'époque représentant son bûcher dressé sur la place de la Seigneurie; et son portrait par Fra Bartolommeo, tête de profil.

XV.—Saint Dominique au pied de la Croix.

XVI.
XVII.
XVIII. Saint Dominique représenté dans
XIX. les attitudes les plus diverses
XX.
XXI.

XXII.—La Vierge au pied de la Croix. Mater Dolorosa d'une superbe expression.

XXIII.—Christ en croix entre la Vierge et un Dominicain.

XXIV.—Baptême de Jésus-Christ avec Saint Antonin.

XXV.—Christ en Croix entre la Vierge, la Madeleine et saint Antoine.

XXVI.—Le Christ mort, debout dans le tombeau, étend les mains en signe de résurrection. Derrière lui se dresse la Croix, autour de laquelle apparaissent sur un fond noir les scènes de la Passion. A droite, l'Ecce Homo avec les mains et la bouche sacrilèges. Au-dessous, la main de Judas et la main qui lui donne les pièces d'or; enfin à gauche, le baiser de Judas et la tête de Pierre vers laquelle se penche le profil de la servante qui lui dit: «Vous êtes aussi de ces Nazaréens»; derrière eux une main tient trois petits bâtons indiquant les trois renonciations de Pierre.

Sur le devant du tombeau, la Vierge est assise à gauche, profondément inclinée, tandis qu'à droite saint Thomas d'Aquin agenouillé presse un livre sur sa poitrine.

XXVII.—Le Christ à la colonne avec la Vierge accroupie et saint Dominique se flagellant.

XXVIII.—Le Christ portant sa croix suivi de la Vierge mère apparaît à saint Dominique agenouillé.

XXIX.—Le Christ en Croix avec la Vierge et saint Pierre martyr.

XXXI.—Jésus aux Limbes. Ancienne cellule de saint Antonin (Antonio Pierozzi), mort archevêque de Florence en 1459; souvenirs de saint Antonin: son masque et son portrait au crayon, œuvre de Fra Bartolommeo.

XXXII.—Le Christ enseignant les Apôtres. Dans la petite pièce voisine, Tentation de Jésus-Christ.

XXXIII.—Jésus-Christ au Jardin des Oliviers, scène mouvementée comprenant le baiser de Judas et saint Pierre coupant l'oreille de Malchus. Dans cette cellule est un petit tableau, la Madone della Stella, ainsi nommée de l'étoile placée sur son front. Elle se détache debout sur un fond d'or entourée d'anges l'encensant et faisant de la musique; les trois délicats petits médaillons de la prédelle représentent saint Pierre martyr, saint Dominique et saint Thomas d'Aquin. Dans la pièce voisine: Couronnement de la Vierge. Ce tableau n'a pas la finesse ordinaire des œuvres de l'Angelico, il a les mêmes tons lourds que le Jugement dernier de l'Académie.

XXXIV.—Jésus au Jardin des Oliviers. A droite, la maison de Marthe et de Marie assises sur le seuil, lisant et priant. Dans cette cellule est un ravissant petit tableau de l'Angelico divisé en deux parties: dans le haut, l'Annonciation; dans le bas, l'Adoration des Mages; toutes les figures d'une grande finesse sur fond d'or estompé et divisé en une quantité de petits compartiments.

Dans la prédelle, la Madone entourée de dix Saints.

XXXV.—La Cène. Huit Apôtres sont assis derrière la table, quatre autres à genoux, et le Christ debout, tenant un ciboire, leur donne la communion. A gauche est agenouillée la Vierge.

XXXVI.—La Mise en Croix.

XXXVII.—Le Calvaire et ses trois croix derrière lesquelles sont saint Jean, la Vierge, saint Dominique, saint Thomas d'Aquin.

XXXVIII—Cellule où Cosme l'Ancien venait se reposer et partager la vie des dominicains. Le Christ en Croix: au pied de la croix sont agenouillés saint Cosme, la Vierge, saint Jean et saint Pierre martyr.

XXXIX.—Oratoire de Cosme communiquant par quelques marches avec la cellule précédente. Au-dessus du tabernacle et au fond d'une petite niche, Christ mort, debout dans son tombeau. La fresque, plus importante que celles des autres cellules, occupe les lunettes du fond de l'oratoire, et représente l'Adoration des Mages où se groupent admirablement de nombreux personnages. La figure de saint Joseph, drapée de jaune, est une des plus belles.

XLIII.—Christ en Croix avec la Vierge défaillante soutenue par saint Jean et la Madeleine. A droite, saint Thomas d'Aquin agenouillé et pleurant.

XLII.—Christ en Croix frappé de la lance. Il est entre Marthe, Marie et saint Jean martyr.

Entre les cellules quarante-deux et quarante-trois, s'ouvre la belle salle de la Bibliothèque, divisée en trois nefs par deux rangées de colonnes ioniques supportant des arcs cintrés.

La bibliothèque fut construite en 1441 par MICHELOZZO sur l'ordre de Cosme l'Ancien, qui la dota de quatre cents manuscrits.

La vitrine du milieu contient des livres de plain-chant et des missels enrichis de miniatures du XVe siècle; ils proviennent des anciens couvents de Florence supprimés depuis.

N° XV.—Fra Eustachio Donimeni, du couvent de San Marco. Cartouches séparés par des enfants courant au milieu de rinceaux.

N° I à XIV.—Fra Benedetto del Mugello, frère de Fra Angelico, missels provenant de San Marco.

L'ÉGLISE DE SAN MARCO a été fondée en 1290. Elle a été transformée au XVIe siècle. Sa façade, à gauche de l'entrée du couvent, date de 1780.

A l'intérieur au-dessus de la porte, Crucifix à la détrempe sur fond d'or par Giotto.

Deuxième autel à droite. FRA BARTOLOMMEO. Vierge debout devant un trône, entourée de quatre saints et de deux saintes à genoux, d'une couleur chaude et dorée; cette remarquable œuvre du Frate fut peinte en 1509.

Troisième autel à droite. Vieille mosaïque romaine représentant une grande Vierge bénissant, sur fond d'or; la bordure est une addition moderne.

A gauche, sous des fragments de fresques, sont les plaques commémoratives de Pic de la Mirandole, mort en 1494, et d'Ange Politien, mort la même année.

LE CLOÎTRE DELLO SCALZO, 69, via Cavour (clef au musée de San Marco). Ce joli petit cloître du XVIe siècle dépendait d'un couvent de carmes déchaussés; il est entièrement formé par de larges baies vitrées que séparent de délicates colonnes. Ses murs sont décorés d'admirables fresques en camaïeu brun sur brun, peut-être le chef-d'œuvre d'ANDRÉ DEL SARTO, exécutées par le maître entre les années 1515 et 1525, pendant lesquelles il y travailla presque sans interruption. Le parti pris d'uniformité semble avoir été adopté par Andrea pour lui permettre de donner la mesure de son talent. Dans ces fresques où aucune magie de coloris n'aide à l'illusion ou n'ajoute au plaisir des yeux, il s'est élevé à une extraordinaire hauteur d'art, et cette œuvre de sa maturité allie la noblesse du sentiment à la hauteur des idées, la puissance et la largeur du dessin à la somptuosité de l'architecture et des ornements qui parent et encadrent les fresques.

Deux des compositions, le Baptême du peuple par saint Jean-Baptiste et la Décollation de Saint Jean sont peut-être encore supérieures aux autres et semblent la continuation et presque le commentaire des fresques de Masaccio au Carmine, avec les progrès réalisés par un siècle de technique en plus. L'influence si prépondérante exercée par le génie d'Albert Dürer sur le talent d'Andrea est très visible dans les fresques de la Tentation au désert, de la Remise à Salomé de la tête de saint Jean, et enfin dans la belle allégorie de la Charité.

Seize fresques relatives à la vie de saint Jean-Baptiste décorent le cloître:

1°—La Foi (1520);

2°—Apparition de l'Ange à Zacharie (1525);

3°—La Visitation (1524);

-4°—La Naissance de Saint Jean-Baptiste (1526);

5°—La Mission de Saint Jean-Baptiste (1518);

6°—Rencontre avec Jésus-Christ (1519).

(Ces deux fresques furent exécutées par l'ami d'Andrea, Franciabigio, dont il se faisait quelquefois aider dans ses grands travaux.)

7°—Baptême de Jésus-Christ (1515).

(Cette fresque, la moins bonne de toutes, est due à la collaboration des deux artistes.)

8°—La Justice (1515);

9°—La Charité (1520);

10°—Prédication au désert (1515);

11°—Saint Jean-Baptiste baptisant le peuple (1517);

12°—Saint Jean-Baptiste arrêté (1517);

13°—Festin d'Hérode et danse de Salomé;

14°—La Décollation de Saint Jean-Baptiste (1523);

15°—La tête de saint Jean-Baptiste remise à Salomé (1524);

16°—L'Espérance (1525).

RIVE DROITE (NORD)

DE SAN MARCO A SAN LORENZO

PALAIS RICCARDI, SAN LORENZO, SANTA APOLLONIA, SAN ONOFRIO.

LE PALAIS RICCARDI (Via Cavour).—Jusqu'à Cosme l'Ancien, les Médicis avaient occupé la vieille demeure petite et sombre, berceau de leur famille; ils s'étaient contentés du «comptoir» source de la fortune de leur maison. L'insuffisance relative de cette habitation, par rapport aux ambitieux desseins de Cosme, le décida à confier à Michelozzo l'édification d'un palais somptueux. Le palais Médicis est un quadrilatère aux formes lourdes où fut employé pour la première fois l'ordre rustique aux bossages si atténués au fur et à mesure de la hauteur, que leur saillie se perd dans un mur plat que surmonte une formidable corniche écrasant l'édifice.

C'est dans ce palais que naquit Laurent le Magnifique, le 1er janvier 1449. C'est là qu'il tint sa brillante cour; là que naquirent ses trois fils, Pierre, Jean et Julien; là qu'habitèrent plus tard Jules de Médicis, pape sous le nom de Clément VII, Hippolyte de Médicis, cardinal, et enfin Alexandre de Médicis qui fut le premier grand-duc. Malgré les souvenirs évoqués par cette demeure, le grand-duc Ferdinand II la vendit en 1659 au marquis Riccardi dont elle a conservé le nom, bien qu'elle soit actuellement devenue la préfecture de Florence.

La Cour a servi de modèle aux innombrables cours construites au XVIe siècle. C'est un quadrilatère entouré de portiques dont les arcades retombent sur des colonnes corinthiennes. Au-dessus des arcades règne une frise où alternent sculptées les armes des Médicis et des bas-reliefs dans lesquels Donatello, par l'ordre de Cosme, reproduisit avec sa perfection accoutumée les principales pièces de sa collection de camées antiques.

Au premier étage, se trouve la chapelle fameuse décorée des fresques de BENOZZO GOZZOLI. C'est une très petite pièce carrée, sur laquelle fut encore empiété au XVIIIe siècle par le déplacement compliqué d'une partie de mur qu'on opéra pour former une entrée en tambour plus commode, sans toutefois supprimer la peinture. On a en outre ouvert dans un mur une fenêtre et un œil-de-bœuf; ces actes de vandalisme ont malheureusement endommagé les précieuses peintures de Gozzoli. Néanmoins, telles qu'elles subsistent, elles restent un inestimable monument de l'art florentin du XVe siècle.

Toute peinture, et en général tout art parvenu à son apogée, adapte forcément sa perfection aux goûts, aux idées et aux mœurs de leur époque. Pour les Florentins du XVe siècle, la passion dominante était un certain genre historico-allégorique où l'on aimait à se faire représenter avec sa famille et ses familiers dans des sujets soit absolument profanes, soit, à l'inverse, absolument sacrés.

Après la mort de Laurent le Magnifique, Pierre de Médicis résolut donc de confier à BENOZZO GOZZOLI la décoration de la chapelle de son palais, décoration dans laquelle l'artiste aurait à faire revivre les traits des principaux membres de sa maison.

Benozzo, après s'être séparé à Rome de son maître l'Angelico, avait été retenu plusieurs années à Montefalco par de nombreux travaux et se trouvait à Pérouse, quand les ordres de Pierre de Médicis vinrent l'appeler à Florence. C'est en 1457 que fut passé le contrat par lequel l'artiste s'engageait à «exécuter une marche des rois Mages en route pour Bethléem dans laquelle auraient à figurer les chefs des Médicis sous l'aspect des Rois, accompagnés de leurs amis et de leurs clients». Les conditions arrêtées, le travail commença aussitôt et Benozzo tira un parti admirable de ce cortège de seigneurs à cheval, en somptueux costumes du XVe siècle, suivis des plus jolis pages qu'ils eussent pu choisir dans la jeunesse florentine. Ces nobles florentins ont plutôt l'air de se rendre à la chasse ou à leurs vignes, que d'accomplir un pèlerinage, mais on n'éprouve pas un moindre plaisir à les voir promener leurs portraits et leurs robes de brocart et donner eux-mêmes le spectacle de leur élégance et de leur luxe.

Le retrait ménagé dans la pièce pour l'autel est mieux éclairé que le reste et tout peuplé d'anges, aux ailes dorées, semées d'yeux de paons. Ils sont comme les enfants de ceux de l'Angelico, plus modernes, plus humains, plus substantiels pour ainsi dire, que leurs aînés. Ils ont revêtu, eux aussi, leurs plus belles robes, autant pour assister à la messe des Médicis que pour venir adorer le Christ dont la naissance faisait autrefois le retable de l'autel. Aimables au possible, souriants, sagement rangés en ligne, comme il sied à des pensionnaires du Paradis, ils arrivent par troupes et par vols, ils accourent du fond des campagnes enchantées pour venir se mettre en adoration. Dans le nombre il s'en est détaché quelques-uns, celui-ci pour cueillir des fleurs, celui-là pour donner à manger à un paon, d'autres encore pour tresser des guirlandes de roses; qui croirait que les anges du Paradis se permettent, eux aussi, de faire l'école buissonnière! Dans cette pompeuse marche à travers un fantastique pays de montagnes et de gorges, cavaliers, pages, écuyers s'arrêtent, les uns pour chasser au guépard, les autres pour courre le cerf ou lancer le faucon. L'Évangile devient un simple prétexte pour peindre une des scènes les plus mondaines que jamais peintre nous ait laissées.

La cavalcade se déroule sur le mur de gauche avec Cosme de Médicis monté sur un cheval blanc et suivi d'une foule compacte. Après lui, elle tourne sur le fond où est représenté Laurent le Magnifique somptueusement vêtu, sous les traits d'un jeune homme; il est monté sur un cheval richement caparaçonné, et escorté de gens de pied et de cheval portant des présents.

Jean Paléologue les précède, grave et majestueux; il porte le turban d'où sort la couronne; autour de lui des pages à pied, d'une grâce charmante, se détachent sur un riant paysage. Aux rochers abrupts ont succédé des vallées arrosées, coupées de routes, couvertes de villes ou de châteaux, mais tout cela d'une grande naïveté et jalonné d'arbres à silhouettes extraordinaires.

Sur le mur de droite le patriarche grec, vieillard monté sur une mule grise, a été coupé par le malheureux tambour d'entrée. Plus loin est un des plus beaux morceaux de la fresque, le groupe des cavaliers arrêtés sur le bord d'un ruisseau. Après eux la marche s'achève par des routes tortueuses où circulent les chameaux et les mulets chargés de présents.

La préservation de cette belle œuvre est prodigieuse et ne peut se comparer qu'à celle du Pinturicchio de la Libreria de Sienne. Pas une nuance n'est ternie, pas un contour n'est effacé et les fresques restent aussi fraîches et aussi éclatantes de grâce juvénile que le jour où elles sortirent du pinceau de Benozzo.

La Salle du Conseil est ornée de grandes tapisseries de la manufacture de Florence, Allégories des Saisons, et de quatre petites, la Justice, la Foi, l'Espérance et la Charité.

La triste partie ajoutée au XVIIe siècle par le marquis Riccardi contient une grande salle des fêtes dont le plafond et une considérable fresque allégorique out été peints par LUCA GIORDANO.

PLACE SAN LORENZO. A l'angle nord est une mauvaise statue inachevée de Jean des Bandes Noires, père du grand-duc Cosme Ier, par BACCIO BANDINELLI.

L'ÉGLISE SAN LORENZO, fondée en 390 par saint Ambroise, mais incendiée en 1420, fut reconstruite sur les plans de BRUNELLESCHI en 1425, aux frais communs des sept plus nobles familles florentines et des Médicis. L'église n'a pas de façade, celle que devait exécuter Michel-Ange n'ayant jamais été entreprise.

Intérieurement BRUNELLESCHI renouvela le plan de la vieille basilique chrétienne à nefs égales terminées par un transept droit, mais il plaça au-dessus des colonnes l'entablement antique supprimé par le moyen âge et ouvrit sur les côtés des chapelles en forme de niches. La coupole, placée directement sur la croisée, n'est pas l'œuvre de Brunelleschi. Au-dessous d'elle est la belle et très simple plaque tombale de Cosme le Vieux par VERROCCHIO.

Les deux chaires de l'église ou, pour parler plus exactement, les deux ambons, puis qu'elles ont la forme traditionnelle de sarcophages élevés sur des colonnes et isolés de toute part, sont une des dernières œuvres de la vieillesse de DONATELLO, terminée même par son élève BERTOLDO. La Crucifixion, la Mise au tombeau, la Descente aux Limbes, la Résurrection et l'Ascension, tels sont les sujets représentés dans les chaires par des bas-reliefs en bronze. Si la Crucifixion et la Mise au tombeau, malgré leurs lacunes, présentent encore des beautés de premier ordre, on ne saurait en dire autant des trois bas-reliefs opposés qui trahissent une défaillance et une espèce d'agitation fébrile. Leur groupement factice produit presque une impression de malaise, tant le maniérisme en est excessif et exagéré.

Dans l'unique chapelle du transept gauche, l'Annonciation de FRA FILIPPO LIPPI est une des meilleures œuvres tardives du Frate, elle est d'un charmant et délicat sentiment; sous un portique ouvert sur un délicieux fond de paysage, l'Archange, accompagné de deux anges, se prosterne devant la Vierge.

Au mur de la Chapelle du Saint-Sacrement, au fond du transept droit, est appuyé un tabernacle de marbre blanc, chef-d'œuvre de DESIDERIO DA SETTIGNANO.

L'Enfant Jésus, les deux anges en adoration devant lui, ainsi que les deux figures d'enfants de chœur agenouillés de chaque côté, sont des études d'enfants qu'on ne saurait désirer plus parfaites.

Sur le bas-côté gauche, au-dessus de la porte d'accès au cloître, s'ouvre la tribune des Médicis, joli balcon, soutenu par des consoles et formé de niches séparées par des colonnes; c'est un ouvrage de DONATELLO.

L'ancienne sacristie construite par BRUNELLESCHI est une salle carrée de belles proportions, couronnée par une coupole polygonale. DONATELLO fut chargé par Cosme l'Ancien de sa décoration, travail dont il s'acquitta en respectant si bien l'architecture de Brunelleschi que l'ensemble forme le tout le plus homogène.

Au-dessous de la coupole, huit médaillons contiennent alternés un épisode de la vie du Christ et un Évangéliste assis, auquel son attribut présente son évangile. Sous cette première décoration court une étroite frise en stuccato composée de têtes de chérubins.

Les deux portes à double battant de la sacristie sont divisées en cinq panneaux de bronze où sont représentés en bas-relief des Apôtres et des saints. Chacune est surmontée d'un saint grandeur nature, bas-relief en marbre. Toute cette composition est d'une rare beauté et DONATELLO l'a traitée avec une remarquable perfection.

Au milieu de la sacristie est une vaste table rectangulaire soutenue par des colonnes au-dessus du sarcophage, œuvre de Donatello, où reposent les parents de Cosme l'Ancien, Jean Averado de Médicis et Piccarda Bueri, sa femme.

A gauche de l'entrée est un admirable sarcophage en porphyre décoré de bronzes, ouvrage de VERROCCHIO. Il contient les restes de Pierre de Médicis et de son frère Jean, les deux fils de Cosme. Les cendres de Laurent le Magnifique y furent également transférées par la suite.

Sur une des armoires de la sacristie est placé un ravissant buste en terre cuite de DONATELLO, Saint Laurent représenté très jeune et levant au ciel des yeux inspirés.

LA BIBLIOTHÈQUE LAURENTIENNE a son entrée dans le cloître dont elle occupe au premier étage toute une aile; elle fut exécutée par MICHEL-ANGE sur l'ordre de Clément VII.

L'escalier qui y donne accès devait, dans la pensée de Michel-Ange, offrir un aspect grandiose et monumental, mais il ne l'exécuta pas lui-même et, par malheur, ce fut Vasari qui s'en chargea. La lourdeur de cet ouvrage, qui jure avec les belles proportions du reste, donne la mesure de ce que peut perdre un plan à être interprété par un architecte autre que l'auteur du projet primitif.

Le vestibule qui suit l'escalier est d'une austère simplicité. Ses colonnes devaient supporter un ordre supérieur que Michel-Ange n'acheva jamais.

La salle de la bibliothèque est également fort simple dans ses belles proportions, mais la perfection des moindres détails y est poussée à l'extrême. Michel-Ange présida lui-même à tout, ce qui donne à l'ensemble un aspect d'homogénéité et d'harmonie parfaites.

Ainsi les dessins de l'admirable plafond en bois de cèdre se reproduisent renversés sur le pavé de marbre; les bancs et les pupitres alignés sur les côtés, exécutés par CIAPINO et DEL CINQUE, le furent sous la direction du maître, de même que les vitraux des fenêtres avec leurs légères arabesques de deux tons peints sur ses indications par JEAN D'UDINE.

La Bibliothèque est une des plus riches qu'il y ait. Cosme l'Ancien avait déjà commencé cette belle collection, qui fut enrichie par Laurent des livres les plus rares achetés à prix d'or. Leurs successeurs continuèrent à l'augmenter, aussi les manuscrits précieux y sont-ils en grand nombre. Le plus ancien est un Virgile du IVe siècle. Parmi les plus remarquables, figurent un Tacite du Xe siècle; les lettres familières de Cicéron écrites de la main de Pétrarque, de même que ses sonnets; l'original du Décameron de Boccace; une des premières copies manuscrites de l'Enfer du Dante; les Commentaires de César copiés pour Charles VIII et ornés d'une miniature le représentant au milieu de son camp; enfin tout l'ordre des livres ecclésiastiques, bibles, évangiles, Pères de l'Église, dans les éditions les plus rares et les plus curieuses.

Les Chapelles Médicis, autrefois dépendantes de l'église Saint-Laurent, forment maintenant un musée où l'on entre, derrière l'église, par la place della Madonna.

La première chapelle à laquelle on accède est la Chapelle des Princes, édifiée en 1604 par MATTEO NIGELLI, sur les plans de Jean de Médicis, pour servir de sépulture aux grands-ducs; c'est une vaste construction octogonale, terminée par un dôme qui s'ouvrait jadis sur le chœur de l'église par lequel on y accédait directement.

Cette chapelle, revêtue d'une profusion de marbres et de pierres dures multicolores, est anti-artistique. Autour sont rangés six sarcophages de grands-ducs tous semblables; ils sont en granit, surmontés de la couronne ducale posée sur un coussin. Deux niches contiennent les statues en bronze doré de Cosme II par JEAN DE BOLOGNE et de Ferdinand par TACCA.

La Nouvelle Sacristie.—Dès l'année 1520, le pape Léon X et le cardinal Jules de Médicis, plus tard pape sous le nom de Clément VII, tombèrent d'accord sur l'opportunité de demander à MICHEL-ANGE, alors dans toute sa célébrité, qu'il se chargeât d'édifier une nouvelle sacristie à l'église San Lorenzo, sorte de Panthéon pour leur famille. Dans leur pensée, cette salle devait contenir leurs propres sépultures en même temps que celles des principaux membres de leur maison; mais par la suite ces monuments funèbres se réduisirent à deux: celui de Julien, duc de Nemours, frère de Léon X, et celui de Laurent, duc d'Urbin, son neveu, le petit-fils de Laurent le Magnifique. Toute latitude était laissée à Michel-Ange pour la construction de cette Sacristie Neuve, destinée à faire vis-à-vis, dans le transept droit, à la Vieille Sacristie de Brunelleschi, qui occupait le transept gauche. Les phases diverses par lesquelles passa ce travail marquèrent des heures tragiques. Commencé dans le vif contentement que faisait éprouver à Michel-Ange l'élévation de Clément VII au siège apostolique, puis abandonné pendant la révolution de Florence, il fut repris et achevé après la prise de la ville, sur l'ordre formel du pape, qui mettait à ce prix le pardon de l'artiste coupable de républicanisme et de rébellion.

Tant d'alternatives dans la vie de Michel-Ange commentent d'une façon dramatique l'histoire de ce monument. Tour à tour favori, courtisan, citoyen, proscrit, enfin rentré en grâce après avoir vu sa vie en danger, s'il se sentit l'âme agitée et souffrante, le temps où il vécut fut terrible et affreusement troublé!

L'œuvre est une des plus complètes qu'ait laissées le maître, tant l'architecture et la sculpture contribuent par leur harmonie à rendre l'effet général imposant. La sacristie est une salle carrée aux dimensions restreintes, quoique la justesse de ses proportions la fasse paraître grande. La hauteur en semble considérable, grâce à l'artifice des caissons en perspective qui décorent la coupole terminée par une lanterne. L'ornementation consiste en deux ordres de pilastres très simples, destinés, dans l'idée de Michel-Ange, à servir d'encadrement à des niches remplies de statues. Ce projet resta malheureusement inexécuté, car à la mort de Clément VII survenue en 1534, Michel-Ange, abreuvé d'amertumes et voyant Alexandre de Médicis étouffer dans le sang toute velléité d'indépendance, jugea suffisamment payée sa dette de reconnaissance envers ses premiers patrons et quitta définitivement Florence.

Les parties terminées des monuments des Médicis ne furent même pas mises en place par le maître, et ce fut Vasari qui, en 1563, leur donna leur emplacement actuel; fâcheuse intervention dont est résultée la disproportion trop saillante entre les sarcophages dus à Vasari et les statues qu'ils supportent. Léon X, quand il commanda ces tombeaux à Michel-Ange, était loin de lui assigner une tâche facile. Il devait en effet immortaliser des rejetons médicéens plus que médiocres pour lesquels le Pape ne rêvait rien moins que de pompeux sujets allégoriques ou des Vertus exaltant le mort. L'artiste opposa aux vœux de Léon X une fin de non-recevoir systématique, et se borna à des figures purement décoratives, figures devenues célèbres sous le nom du Jour et de la Nuit, du Crépuscule et de l'Aurore. Dans ces admirables compositions, son génie semble avoir pris à tâche de démontrer combien la matière doit peu compter pour l'artiste et combien elle doit, comme cire molle, se plier à toutes les expressions de la pensée, à toutes les exigences de la volonté.

Les monuments des deux princes ont une ordonnance semblable et se font face, la statue de chacun est assise dans une niche au-dessous de laquelle sont les sarcophages sur lesquels Vasari a placé les grandes figures allégoriques de Michel-Ange.

A droite, Julien de Médicis, duc de Nemours, est représenté en costume romain avec la cuirasse. Il a en main son bâton de général des États de l'Église, et sa tête nue très frisée est inintelligente.

A gauche, Laurent de Médicis, de par Léon X duc d'Urbin, est une des plus admirables créations qui soient dues au ciseau de Michel-Ange. Le maître, inspiré par la tragique figure de ce Laurent qui fut tout à la fois violent, débauché et misanthrope, accusa plus encore l'aspect farouche du visage en l'abritant profondément sous la visière saillante du casque qui le plonge dans une ombre redoutable, pleine de mystère. Laurent rêve, le menton appuyé sur la paume de la main, mais on se demande à quel sombre drame peut ainsi songer éternellement ce visage crispé d'angoisse, au sourcil si violemment froncé que le surnom de «Pensiero» lui est resté comme pouvant seul vraiment convenir à cette tragique figure.

Au-dessous de Julien sont couchés le Jour et la Nuit, tandis qu'au-dessous de Laurent ce sont le Crépuscule et l'Aurore.

Le génie même de Michel-Ange semble résumé dans ces quatre magnifiques allégories où, à côté de parties à peine ébauchées, circulent le sang et la vie sous l'épiderme du marbre. L'angoisse même de son âme semble avoir trouvé à s'exhaler dans un cri de terreur et d'effroi devant la dureté des temps et elles reflètent tragiquement le sombre état de ses pensées et l'anéantissement douloureux de ses aspirations, en face du présent sinistre et de l'avenir obscur et incertain.

Pour un esprit d'une pareille profondeur, que pouvait symboliser le Crépuscule, sinon le jour achevé sans espoir, et que voir dans le visage accablé de l'Aurore, sinon l'immense découragement d'un jour semblable succédant au précédent?

Mais il semble en vérité que Michel-Ange ait réservé toute la puissance de son génie et qu'il ait attaché tout son amour à la tragique figure de la Nuit. Accablée sous le poids du Jour, la Nuit dort et son beau corps, irrémédiablement abîmé, s'abandonne dans une fatigue incurable, sans espoir et sans fin! On sent que jamais rien ne la réveillera du grand sommeil sans songes, et l'on dirait une sorte de déesse primordiale sur laquelle aurait passé le souffle des théogonies antiques.

A côté d'elle est placé le Jour, sous l'aspect d'un homme enchaîné, dans toute l'énergie du désespoir. Il est captif, mais il ne s'avoue pas vaincu, son visage contracté est plein de mépris et de colère, tandis que tous ses muscles, douloureusement bandés, montrent par quel effort surhumain il tente de se lever pour éclairer le monde.

Sur un des côtés de la chapelle est placée une belle Vierge inachevée qui, par sa grave et noble attitude, semble directement procéder de l'antique, tandis que l'Enfant de deux ou trois ans qui, debout et plein de vie, se retourne vers sa mère d'un charmant mouvement de précipitation, est d'un modernisme délicieux.

Les deux patrons des Médicis, les Saints Cosme et Damien, placés de chaque côté de la Vierge, sont des œuvres médiocres de deux élèves de Michel-Ange, MONTELUPO et MONTORSOLI.

L'ÉGLISE SANTA APOLLONIA sert maintenant de magasin d'habillements militaires. Dans l'ancien réfectoire du couvent de bénédictins dont elle dépendait est conservée une magnifique fresque, la Cène d'ANDREA DEL CASTAGNO, chef-d'œuvre d'exécution, d'émotion et de réalisme. Chacun des disciples est un portrait admirable, chacun d'eux participe à l'action, selon le caractère et la nature que lui a attribués la légende. Ainsi l'incrédulité de Thomas, l'adoration de Jean, l'étonnement défiant de Pierre, le cynisme sinistre de Judas sont marqués admirablement. Cette belle œuvre, d'une conservation remarquable, a été exécutée en 1425.

Au-dessus de la porte d'entrée du Cenacolo, Castagno a encore peint dans une lunette une magnifique Pietà, un Christ mort soutenu dans son tombeau par deux anges.

Via Faenza au n° 57, dans l'ancien COUVENT DE SAINT-ONUPHRE, une grande Cène de l'école du PÉRUGIN est faussement attribuée à Raphaël.

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