Histoire d'Henriette d'Angleterre
LETTRES RELATIVES A LA MORT
DE MADAME [267].
LETTRE ÉCRITE AU COMTE D'ARLINGTON [268],
ALORS SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE CHARLES II, ROI D'ANGLETERRE,
PAR MONSIEUR MONTAIGU [269], AMBASSADEUR A PARIS, MORT
DEPUIS DUC DE MONTAIGU.
Paris, le 30 juin 1670, à quatre heures du matin.
Milord,
Je suis bien fâché de me voir dans l'obligation, en vertu de mon emploi, de vous rendre compte de la plus triste aventure du monde. Madame, étant à Saint-Cloud, le 29 du courant, avec beaucoup de compagnie, demanda, sur les cinq heures du soir, un verre d'eau de chicorée qu'on lui avoit ordonné de boire, parce qu'elle s'étoit trouvée indisposée pendant deux ou trois jours après s'être baignée. Elle ne l'eut pas plus tôt bu qu'elle s'écria qu'elle étoit morte, et, tombant entre les bras de madame de Meckelbourg, elle demanda un confesseur. Elle continua dans les plus grandes douleurs qu'on puisse s'imaginer, jusqu'à trois heures du matin, qu'elle rendit l'esprit. Le Roi, la Reine et toute la Cour restèrent auprès d'elle jusqu'à une heure avant sa mort. Deui veuille donner de la patience et de la constance au Roi notre maître pour supporter une affliction de cette nature! Madame a déclaré en mourant qu'elle n'avoit nul autre regret, en sortant du monde, que celui que lui causoit la douleur qu'en recevroit le Roi son frère. S'étant trouvée un peu soulagée de ses grandes douleurs, que les médecins nomment colique bilieuse, elle me fit appeler, pour m'ordonner de dire de sa part les choses du monde les plus tendres au Roi et au duc d'Yorck, ses frères. J'arrivai à Saint-Cloud une heure après qu'elle s'y fût trouvée mal, et je restai jusqu'à sa mort auprès d'elle. Jamais personne n'a marqué plus de piété et de résolution que cette Princesse, qui a conservé son bon sens jusqu'au dernier moment. Je me flatte que la douleur où je suis vous fera excuser les imperfections que vous trouverez dans cette relation.
Je suis persuadé que tous ceux qui ont eu l'honneur de connoître Madame partageront avec moi l'affliction que doit causer une perte pareille.
Je suis, Milord, etc.
EXTRAIT D'UNE LETTRE ÉCRITE PAR LE COMTE D'ARLINGTON
A MONSIEUR LE CHEVALIER TEMPLE [270],
ALORS AMBASSADEUR D'ANGLETERRE A LA HAYE.
De Whitehall, le 28 juin 1670, vieux style.
Milord,
Je vous écris toutes les nouvelles que nous avons ici, à l'exception de celle de la mort de Madame, dont le Roi est extrêmement affligé, aussi bien que toutes les personnes qui ont eu l'honneur de la connoître à Douvres. Les brouilleries de ses domestiques et sa mort subite nous avoient d'abord fait croire qu'elle avoit été empoisonnée; mais la connoissance qu'on nous a donnée depuis du soin qu'on a pris d'examiner son corps [271], et les sentimens que nous apprenons qu'en a Sa Majesté Très-Chrétienne, laquelle a intérêt d'examiner cette affaire à fond, et qui est persuadée qu'elle est morte d'une mort naturelle, a levé la plus grande partie des soupçons que nous en avions. Je ne doute pas que M. le maréchal de Bellefond [272], que j'apprends qui vient d'arriver avec ordre de donner au Roi une relation particulière de cet accident fatal, et qui nous apporte le procès-verbal de la mort de cette Princesse et de la dissection de son corps, signé des principaux médecins et chirurgiens de Paris, ne nous convainque pleinement que nous n'avons rien à regretter que la perte de cette admirable Princesse, sans qu'elle soit accompagnée d'aucune circonstance odieuse, pour rendre notre douleur moins supportable.
LETTRE DE MONSIEUR MONTAIGU,
AMBASSADEUR D'ANGLETERRE,
AU COMTE D'ARLINGTON.
Paris, le 6 juillet 1670.
Milord,
J'ai reçu les lettres de Votre Grandeur, celle du 17 juin par M. le chevalier Jones, et celle du 23 par la poste. Je suppose que M. le maréchal de Bellefond est arrivé à Londres. Outre le compliment de condoléance qu'il va faire au Roi, il tâchera, à ce que je crois, de désabuser notre cour de l'opinion que Madame ait été empoisonnée, dont on ne pourra jamais désabuser celle-ci, ni tout le peuple. Comme cette Princesse s'en est plainte plusieurs fois dans ses plus grandes douleurs, il ne faut pas s'étonner que cela fortifie le peuple dans la croyance qu'il en a. Toutes les fois que j'ai pris la liberté de la presser de me dire si elle croyoit qu'on l'eût empoisonnée, elle ne m'a pas voulu faire de réponse, voulant, à ce que je crois, épargner une augmentation si sensible de douleur au Roi notre maître. La même raison m'a empêché d'en faire mention dans ma première lettre, outre que je ne suis pas assez bon médecin pour juger si elle a été empoisonnée ou non. L'on tâche ici de me faire passer pour l'auteur du bruit qui en court; je veux dire Monsieur, qui se plaint que je le fais pour rompre la bonne intelligence qui est établie entre les deux couronnes.
Le Roi et les ministres ont beaucoup de regret de la mort de Madame; car ils espéroient qu'à sa considération ils engageroient le Roi notre maître à condescendre à des choses, et à contracter une amitié avec cette couronne plus étroite qu'ils ne croient pouvoir l'obtenir à présent. Je ne prétends pas examiner ce qui s'est fait à cet égard, ni ce qu'on prétendoit faire, puisque Votre Grandeur n'a pas jugé à propos de m'en communiquer la moindre partie; mais je ne saurois m'empêcher de savoir ce qui s'est dit publiquement, et je suis persuadé que l'on ne refusera rien ici que le Roi notre maître puisse proposer pour avoir son amitié; et il n'y a rien de l'autre côté que les Hollandois ne fassent pour nous empêcher de nous joindre à la France. Tout ce que je souhaite de savoir, Milord, pendant que je serai ici, est le langage dont je me dois servir en conversation avec les autres ministres, afin de ne point passer pour ridicule avec le caractère dont je suis revêtu. Pendant que Madame étoit en vie, elle me faisoit l'honneur de se fier assez à moi pour m'empêcher d'être exposé à ce malheur.
Je suis persuadé que, pendant le peu de temps que vous l'avez connue en Angleterre, vous l'avez assez connue pour la regretter tout le temps de votre vie: et ce n'est pas sans sujet, car personne n'a jamais eu meilleure opinion de qui que ce soit, en tous égards, que celle que cette Princesse avoit de vous; et je crois qu'elle aimoit trop le Roi son Frère pour marquer la considération qu'elle faisoit paroître en toutes sortes d'occasions pour vous, depuis qu'elle a vécu en bonne intelligence avec vous, si elle n'eût été persuadée que vous le serviez très-bien et très-fidèlement. Quant à moi, j'ai fait une si grande perte par la mort de cette Princesse, que je n'ai plus aucune joie dans ce pays-ci, et je crois que je n'en aurai plus jamais en aucun autre. Madame, après m'avoir tenu plusieurs discours pendant le cours de son mal, lesquels n'étoient remplis que de tendresse pour le Roi notre maître, me dit à la fin qu'elle étoit bien fâchée de n'avoir rien fait pour moi avant sa mort, en échange du zèle et de l'affection avec lesquels je l'avois servie depuis mon arrivée ici; elle me dit qu'elle avoit six mille pistoles dispersées en plusieurs endroits, qu'elle m'ordonnoit de prendre pour l'amour d'elle: je lui répondis qu'elle avoit plusieurs pauvres domestiques qui en avoient plus besoin que moi; que je ne l'avois jamais servie par intérêt et que je ne voulois pas absolument les prendre; mais que, s'il lui plaisoit de me dire auxquels elle souhaitoit les donner, je ne manquerois pas de m'en acquitter très-fidèlement. Elle eut assez de présence d'esprit pour les nommer par leurs noms. Cependant elle n'eut pas plus tôt rendu l'esprit, que Monsieur se saisit de toutes ses clefs et de son cabinet. Je demandai le lendemain à une de ses femmes où étoit cet argent, laquelle me dit qu'il étoit en un tel endroit. C'étoit justement les premières six mille pistoles que le Roi notre maître lui avoit envoyées. Dans le temps que cet argent arriva, elle avoit dessein de s'en servir pour retirer quelques joyaux qu'elle avoit engagés en attendant cette somme: mais le roi de France la lui avoit déjà donnée deux jours avant que celle-ci arrivât, de sorte qu'elle avoit gardé toute la somme que le Roi son frère lui avoit envoyée.
Sur cela j'ai demandé ladite somme à Monsieur comme m'appartenant, et que, l'ayant prêtée à Madame, deux de mes domestiques l'avoient remise entre les mains de deux de ses femmes, lesquelles en ont rendu témoignage à ce Prince; car elles ne savoient pas que ç'avoit été par ordre du Roi notre maître. Monsieur en avoit déjà emporté la moitié, et l'on m'a rendu le reste. J'en ai disposé en faveur des domestiques de Madame, selon les ordres qu'elle m'en avoit donnés, en présence de M. l'abbé de Montaigu et de deux autres témoins. Monsieur m'a promis de me rendre le reste, que je ne manquerai pas de distribuer entre eux de la même manière. Cependant s'ils n'ont l'esprit de le cacher, Monsieur ne manquera de le leur ôter dès que cela parviendra à sa connoissance. Je n'avois nul autre moyen de l'obtenir pour ces pauvres gens-là, et je ne doute pas que le Roi n'aime mieux qu'ils en profitent que Monsieur. Je vous prie de l'apprendre au Roi pour ma décharge, et que cela n'aille pas plus loin. M. le chevalier Hamilton en a été témoin avec M. l'abbé de Montaigu. J'ai cru qu'il étoit nécessaire de vous faire cette relation.
Je suis, Milord, etc.
P. S. Depuis ma lettre écrite, je viens d'apprendre de très-bonne part, et d'une personne qui est dans la confidence de Monsieur, qu'il n'a pas voulu délivrer les papiers de Madame à la requête du Roi avant que de se les être fait lire et interpréter par M. l'abbé de Montaigu; et même que, ne se fiant pas entièrement à lui, il a employé pour cet effet d'autres personnes qui entendent la langue, et entre autres madame de Fiennes; de sorte que ce qui s'est passé de plus secret entre le Roi et Madame est et sera publiquement connu de tout le monde. Il y avoit quelque chose en chiffres qui l'embarrasse fort, et qu'il prétend pourtant deviner. Il se plaint extrêmement du Roi notre maître à l'égard de la correspondance qu'il entretenoit avec Madame, et de ce qu'il traitoit d'affaires avec elle a son insu. J'espère que M. l'abbé de Montaigu vous en donnera une relation plus particulière que je ne le puis faire; car, quoique Monsieur lui ait recommandé le secret à l'égard de tout le monde, il ne sauroit s'étendre jusqu'à vous, si les affaires du Roi notre maître y sont intéressées.
LETTRE ÉCRITE PAR MONSIEUR DE MONTAIGU A CHARLES II,
ROI D'ANGLETERRE.
Paris, le 15 juillet 1670.
Au Roi.
Sire,
Je dois commencer cette lettre en suppliant très-humblement Votre Majesté de me pardonner la liberté que je prends de l'entretenir sur un si triste sujet, et du malheur que j'ai eu d'être témoin de la plus cruelle et de la plus généreuse mort dont on ait jamais ouï parler. J'eus l'honneur d'entretenir Madame assez longtemps le samedi, jour précédent de celui de sa mort. Elle me dit qu'elle voyoit bien qu'il étoit impossible qu'elle pût jamais être heureuse avec Monsieur, lequel s'étoit emporté contre elle plus que jamais deux jours auparavant à Versailles, où il l'avoit trouvée dans une conférence secrète avec le Roi, sur des affaires qu'il n'étoit pas à propos de lui communiquer. Elle me dit que Votre Majesté et le roi de France aviez résolu de faire la guerre à la Hollande dès que vous seriez demeurés d'accord de la manière dont vous la deviez faire. Ce sont là les dernières paroles que cette princesse me fit l'honneur de me dire avant sa maladie; car Monsieur, étant entré dans ce moment, nous interrompit, et je m'en retournai à Paris. Le lendemain, lorsqu'elle se trouva mal, elle m'appela deux ou trois fois, et madame de Meckelbourg m'envoya chercher. Dès qu'elle me vit, elle me dit: «Vous voyez le triste état où je suis; je me meurs. Hélas! que je plains le Roi mon frère! car je suis assurée qu'il va perdre la personne du monde qui l'aime le mieux.» Elle me rappela un peu après et m'ordonna de ne pas manquer de dire au Roi son frère les choses du monde les plus tendres de sa part et de le remercier de tous ses soins pour elle. Elle me demanda ensuite si je me souvenois bien de ce qu'elle m'avoit dit, le jour précédent, des intentions qu'avoit Votre Majesté de se joindre à la France contre la Hollande; je lui dis qu'oui; sur quoi elle ajouta: «Je vous prie de dire à mon frère que je ne lui ai jamais persuadé de le faire par intérêt, et que ce n'étoit que parce que j'étois convaincue que son honneur et son avantage y étoient également intéressés; car je l'ai toujours aimé plus que ma vie, et je n'ai nul autre regret en la perdant que celui de le quitter.» Elle m'appela plusieurs fois pour me dire de ne pas oublier de vous dire cela et me parla en anglois.
Je pris alors la liberté de lui demander si elle ne croyoit pas qu'on l'eût empoisonnée. Son confesseur, qui étoit présent, et qui entendit ce mot-là, lui dit: «Madame, n'accusez personne, et offrez à Dieu votre mort en sacrifice.» Cela l'empêcha de me répondre; et, quoique je fisse plusieurs fois la même demande, elle ne me répondit qu'en levant les épaules. Je lui demandai la cassette où étoient toutes ses lettres, pour les envoyer à Votre Majesté; et elle m'ordonna de les demander à madame de Bordes [273], laquelle, s'évanouissant à tout moment et mourant de douleur de voir sa maîtresse dans un état si déplorable, Monsieur s'en saisit avant qu'elle pût revenir à elle. Elle m'ordonna de prier Votre Majesté d'assister tous ses pauvres domestiques et d'écrire à milord Arlington de vous en faire souvenir; elle ajouta à cela: «Dites au Roi mon frère que j'espère qu'il fera pour lui, pour l'amour de moi, ce qu'il m'a promis; car c'est un homme qui l'aime et qui le sert bien.» Elle dit plusieurs choses ensuite tout haut en françois, plaignant l'affliction qu'elle savoit que sa mort donneroit à Votre Majesté. Je supplie encore une fois Votre Majesté de pardonner le malheur où je me trouve réduit de lui apprendre cette fatale nouvelle, puisque de tous ses serviteurs il n'y en a pas un seul qui souhaite avec plus de passion et de sincérité son honneur et sa satisfaction, que celui qui est, Sire, de Votre Majesté, etc.»
LETTRE DE MONSIEUR DE MONTAIGU A MILORD ARLINGTON.
Paris, le 15 juillet 1670.
Milord,
Selon les ordres de Votre Grandeur, je vous envoie la bague que Madame avoit au doigt en mourant, laquelle vous aurez, s'il vous plaît, la bonté de présenter au Roi. J'ai pris la liberté de rendre compte au Roi moi-même de quelques choses que Madame m'avoit chargé de lui dire, étant persuadée que la modestie n'auroit pas permis à Votre Grandeur de les dire au Roi, parce qu'elles vous touchent de trop près. Il y a eu depuis la mort de Madame, comme vous pouvez bien vous l'imaginer dans une occasion pareille, plusieurs bruits divers. L'opinion la plus générale est qu'elle a été empoisonnée; ce qui inquiète le Roi et les ministres au dernier point. J'en ai été saisi d'une telle manière, que j'ai eu à peine le cœur de sortir depuis. Cela, joint aux bruits qui courent par la ville du ressentiment que témoigne le Roi notre maître d'un attentat si rempli d'horreur, qu'il a refusé de recevoir la lettre de Monsieur et qu'il m'a ordonné de me retirer, leur fait conclure que le Roi notre maître est mécontent de cette cour au point qu'on le dit ici. De sorte que quand j'ai été à Saint-Germain, d'où je ne fais que de revenir, pour y faire les plaintes que vous m'avez ordonné d'y faire, il est impossible d'exprimer la joie qu'on y a reçue d'apprendre que le Roi notre maître commence à s'apaiser, et que ces bruits n'ont fait aucune impression sur son esprit au préjudice de la France. Je vous marque cela, Milord, pour vous faire connoître à quel point l'on estime l'union de l'Angleterre dans cette conjoncture et combien l'amitié du Roi est nécessaire à tout leurs desseins; je ne doute pas qu'on ne s'en serve à la gloire du Roi et pour le bien de la nation. C'est ce que souhaite avec passion la personne du monde qui est avec le plus de sincérité, Milord, etc.
LETTRE DE MONSIEUR DE MONTAIGU A MILORD ARLINGTON.
Milord,
Je ne suis guère en état de vous écrire moi-même, étant tellement incommodé d'une chute que j'ai faite en venant, que j'ai peine à remuer le bras et la main. J'espère pourtant de me trouver en état, dans un jour ou deux, de me rendre à Saint-Germain.
Je n'écris présentement que pour rendre compte à Votre Grandeur d'une chose que je crois pourtant que vous savez déjà: c'est que l'on a permis au chevalier de Lorraine de venir à la Cour et de servir à l'armée en qualité de maréchal de camp [274].
Si Madame a été empoisonnée, comme la plus grande partie du monde le croit, toute la France le regarde comme son empoisonneur et s'étonne avec raison que le roi de France ait si peu de considération pour le Roi notre maître que de lui permettre de revenir à la Cour, vu la manière insolente dont il en a toujours usé envers cette Princesse pendant sa vie. Mon devoir m'oblige à vous dire cela, afin que vous le fassiez savoir au Roi, et qu'il en parle fortement à l'ambassadeur de France, s'il le juge à propos; car je puis vous assurer que c'est une chose qu'il ne sauroit souffrir sans se faire tort.
APPENDICE
APPENDICE
I. FRAGMENTS DE «LA PRINCESSE OU LES AMOURS DU
PALAIS-ROYAL.»
Le comte de Guiche voyoit tous les jours Madame, et sentoit en lui-même augmenter sans cesse le plaisir qu'il prenoit à la voir, sans songer à ce qui lui en arriveroit. Mais la pente au précipice étoit grande; il ne fut pas longtemps sans reconnoître qu'il avoit fait plus de chemin qu'il ne vouloit. Madame, d'un autre côté (sans savoir les pensées du comte), le regardoit d'une manière à ne le pas désespérer: elle a un certain air languissant, et quand elle parle à quelqu'un, comme elle est toute aimable, on diroit qu'elle demande le cœur, quelque indifférente chose qu'elle puisse dire. Cette douceur est un puissant charme pour un homme sensible comme l'étoit le comte: la beauté et le rang de la personne élevèrent dans son âme tant de brillantes espérances, qu'il n'envisagea les périls de son entreprise que pour s'en promettre plus de gloire.
«Enfin il s'abandonna tout à l'amour. Je le vis [275] quelquefois rêveur et chagrin; et, lui ayant un jour demandé ce qu'il avoit, il me dit qu'il n'étoit pas temps de l'expliquer, qu'il me répondroit précisément quand il seroit plus ou moins heureux qu'il ne l'étoit alors, et que par aventure il m'annonçoit qu'il étoit amoureux.
«A mon retour d'un voyage de trois semaines, je trouvai le comte qui m'attendoit chez moi; mais il me parut si brillant, si magnifique et si fier, qu'à le voir seulement je devinai une partie de ses affaires. «Ah! cher ami, me dit-il d'abord, il y a trois jours que je meurs d'impatience de vous voir!» Et s'approchant de mon oreille: «Je ne sentois pas toute ma joie ni ma bonne fortune, poursuivit-il tout bas, ne vous ayant pas ici pour vous en confier le secret.»
«Mes gens s'étant retirés, le comte ferma la porte de ma chambre lui-même, et m'ayant prié de ne l'interrompre point, il me parla en cette sorte: «Bien que je ne vous aie pas nommé la personne que j'aime, vous pouvez bien connoître que ce ne peut être que Madame, de la manière dont je vous parle; ainsi je crois que l'aveu que je vous fais ne vous surprend pas. Je sais que, si je vous avois ouvert mes sentimens dans le commencement de ma passion, vous m'auriez dit mille choses pour m'en détourner; mais elles auroient été inutiles autant que toutes celles que m'a dit ma raison, qui m'y a représenté des dangers effroyables pour ma fortune et pour ma vie, sans donner seulement la moindre atteinte à mes desseins. A n'en mentir pas, j'aimois déjà trop quand je me suis aperçu que je devois m'en défendre, et je n'ai voulu m'abstenir qu'alors que je me suis vu sans résistance; j'ai senti que j'étois jaloux presque aussitôt que je me suis vu amant. Le Roi m'a donné des chagrins si terribles qu'il a mis vingt fois le désespoir dans mon âme; il témoignoit tant d'empressement auprès de Madame que tout le monde croyoit qu'il l'aimoit et qu'elle en étoit persuadée elle-même; cela a duré deux ou trois mois, et assurément ils ont été pour moi deux ou trois siècles de souffrance. Tandis que le Roi faisoit tant de galanteries pour Madame, je la voyois tous les jours et je remarquai avec une rage extrême qu'elle les recevoit avec joie. J'en devins maigre, hâve, sec et défait, dans le temps que vous m'en demandâtes la raison; et, ce qui pensa me faire mourir, ce fut que le Roi me demanda si j'étois malade, et Madame m'en fit la guerre. Enfin ma prudence m'alloit abandonner, et j'allois être la victime de mon silence et de mon rival (car je n'avois encore rien dit à Madame que par le pitoyable état ou j'étois) lorsque je reçus une consolation à laquelle je ne m'attendois pas. Le Roi, qui avoit son dessein formé, continuoit toujours de venir chez Madame; et, soit que son procédé eût été jusqu'alors une politique ou qu'il devînt scrupuleux, il détourna tout d'un coup les yeux de sa belle-sœur et les attacha sur mademoiselle de La Vallière [276]. La manière d'agir de ce Prince fut si éclatante que peu de jours firent remarquer sa passion à tout le monde: il garda toutes les mesures de l'honnêteté, mais il ne s'embarrassa plus des égards qu'on croyoit qu'il avoit pour Madame; et cette princesse, qui s'imaginoit que le cœur étoit pour elle, fut bien étonnée de le voir aller à sa fille d'honneur; de l'étonnement elle passa au ressentiment et au dépit de voir échapper une si belle conquête; et l'un et l'autre furent si grands qu'elle ne put s'empêcher de nous en témoigner quelque chose, à mademoiselle de Montalais [277] et à moi.
«Un jour que le Roi entretenoit sa belle à trente pas de Madame: «Je ne sais, nous dit-elle tout bas, si l'on prétend nous faire servir longtemps de prétexte; j'ai honte pour les gens de les voir s'attacher si indignement, et de voir tant de fierté réduite à un si grand abaissement.» En achevant ces paroles, elle se tourna de mon côté. «Madame, lui dis-je, l'amour unit toutes choses quand il s'empare d'un cœur; il en bannit toutes les craintes et les scrupules, et cette sorte d'inégalité que vous condamnez n'est comptée pour rien entre les amants. Le Roi ne peut aimer dans son royaume que des personnes au-dessous de lui; il y a peu de Princesses qui puissent l'attacher; et, comme ses prédécesseurs, il faut qu'il porte sa galanterie aux demoiselles s'il veut faire des maîtresses.—Il me semble, reprit-elle assez brusquement, qu'ayant commencé d'aimer en Roi, il ne devoit pas faire une si grande chute; cela me fait connoître, ce que je ne croyois pas de lui, que, la couronne à part, il y a des gentilshommes dans son royaume qui ont plus de mérite que lui, et plus de cœur et de fermeté. Je parle librement devant vous, comte, dit-elle, parce que je crois que vous avez l'âme d'un galant homme, et que j'ai une entière confiance à Montalais. Mais je vous avoue que je voudrois que le Roi prît un autre attachement.—Qu'importe à Votre Altesse? reprit Montalais; il a toujours à peu près les mêmes déférences, il ne voit point La Vallière qu'après vous avoir rendu visite; si vous aimez les divertissemens, il ne tient qu'à vous d'être des parties qu'il fera. Du reste, Madame, je n'ai jamais cru que vous y dussiez prendre part, et du dernier voyage de Fontainebleau je me suis douté de ce que je vois aujourd'hui à deux conversations qu'il a eues avec elle.—Voilà justement, dit Madame, ce qui me fâche de cette aventure, dont ils m'ont voulu faire la dupe.—Et c'est pourquoi, repartis-je, Votre Altesse se peut faire un divertissement agréable, si elle veut regarder cela indifféremment.»
«Et alors Madame, se repentant d'en avoir tant dit: «Vous avez raison, dit-elle, je ferai semblant d'ignorer la chose, je ne troublerai point les plaisirs du Roi; et je ferai si bien mon personnage, qu'il ne saura pas que sa conduite m'ait donné le moindre chagrin. Mais, pour changer de discours, qu'avez-vous eu si longtemps, continua-t-elle en s'adressant à moi, que vous aviez la tristesse dans les yeux, et presque la mort peinte sur le visage? Dites-nous, poursuivit-elle, voyant que je demeurois immobile et que je ne faisois que soupirer, qui vous a ainsi changé? Parlez librement, je suis de vos amies, je serai discrète et Montalais le sera aussi, car vous ne revenez au monde que depuis quinze jours.—Ah! Madame, que voulez-vous savoir?» lui dis-je. Je n'en pus dire davantage, et je ne sais comment je serois sorti d'un pas si dangereux, si Monsieur ne fût arrivé avec plusieurs femmes, qui se mirent à jouer au reversis. Voilà l'unique fois que sa personne m'a réjoui, car je l'aurois souhaité bien loin en tout autre temps. Le lendemain, Madame vint jouer chez la Reine, où le Roi se trouva. En sortant je donnai la main à Montalais, qui me dit assez bas: «On m'a donné ordre de vous dire que vous n'en êtes pas quitte, et qu'il faut que vous disiez ce que l'on veut savoir. Pour moi, ajouta-t-elle, je n'ai plus de curiosité pour cela; je pense en être bien instruite, et si vous m'en croyez, vous en direz la vérité.—Si on veut que je la déclare, repartis-je, ne vaut-il pas mieux mourir en obéissant que se perdre par un silence qui me causeroit mille douleurs?—Ne soyez pas si fou, me dit-elle; allez, vous me faites pitié, adieu.» Je n'eus le temps que de lui serrer la main sans lui répondre, car elle se trouva à la portière du carrosse, où elle monta, et je crus qu'ayant compassion de ma peine je lui en pouvois faire confidence, ou du moins trouver quelque soulagement à l'entretenir.
«A deux jours de là, je suivis le Roi chez Madame, qui, après lui avoir fait son compliment, s'en alla chez La Vallière, où Vardes, Biscaras [278] et quelques autres le suivirent. Pour moi, je demeurai chez Madame, où j'eus le loisir d'entretenir Montalais. Tandis que la comtesse de Soissons était en conversation avec Madame, je fis ce que je pus pour gagner l'esprit de cette fille; je lui exprimai les sentimens de mon cœur les plus secrets, et tout ce que je pus tirer d'elle fut qu'elle vouloit bien être de mes amies, mais que je prisse garde de lui rien demander qui fût contre les intentions de sa maîtresse, et qu'elle me plaignoit de me voir prendre une visée si dangereuse. Elle me dit mille choses de bon sens là-dessus, auxquelles j'ai souvent pensé pour ma conduite, et je n'ai jamais pu savoir d'elle si Madame avoit d'aussi bons yeux qu'elle pour découvrir ma passion. Je la conjurai de me dire encore quelque chose, lorsque la comtesse sortit.
«Ce fut alors que me trouvant seul, tout le monde étant parti excepté Montalais, je tremblai de l'assaut que l'on m'alloit donner. Je n'eus pas fait cette réflexion que Madame me dit: «Eh bien, comte de Guiche, parlerez-vous aujourd'hui?—Je ne sais pas précisément ce que je dirai, répondis-je, mais je sais bien que je vous obéirai toujours aveuglément. J'aurois bien voulu vous taire mes folies, par le profond respect que j'ai pour Votre Altesse, et parce que je ne puis faire de tels aveux sans confusion.—Je me doutois bien, reprit-elle, qu'il y avoit quelque chose, et par ce que vous venez de me dire vous avez redoublé ma curiosité; mais assurez-vous encore une fois que vous ne hasarderez rien à la satisfaire.—J'avois besoin de cette assurance, Madame, lui dis-je, pour me résoudre tout à fait; mais vous vous souviendrez, s'il vous plaît, que vous me l'avez ordonné. Il y a six mois, poursuivis-je, que j'aime une dame qui touche assez près à Votre Altesse pour craindre que vous ne preniez ses intérêts contre moi, et que vous ne trouviez à dire que j'aie osé élever mes yeux et mes pensées jusqu'à elle. Mais qui auroit pu lui résister, Madame? Elle est d'une taille médiocre et dégagée; son teint, sans le secours de l'art, est d'un blanc et d'un incarnat inimitables; les traits de son visage ont une délicatesse et une régularité sans égale; sa bouche est petite et relevée, ses lèvres vermeilles, ses dents bien rangées et de la couleur de perles; la beauté de ses yeux ne se peut exprimer: ils sont bleus, brillans et languissans tout ensemble; ses cheveux sont d'un blond cendré le plus beau du monde; sa gorge, ses bras et ses mains sont d'une blancheur à surpasser toutes les autres; toute jeune qu'elle est, son esprit vaste et éclairé est digne de mille empires; ses sentimens sont grands et élevés, et l'assemblage de tant de belles choses fait un effet si admirable qu'elle paroît plutôt un ange qu'une créature mortelle [279]. Ne croyez pas, Madame, que je parle en amant; elle est telle que je la viens de figurer, et si je pouvois vous faire comprendre son air et les charmes de son humeur, vous demeureriez d'accord qu'il n'y a pas au monde un objet plus adorable. Je la vis quelque temps sans imaginer faire autre chose que l'admirer; mais je sentis enfin que je n'étois plus libre, et que l'embrasement étoit trop grand pour le penser éteindre; il ne me resta de raison que pour cacher le feu qui me dévoroit. Ce n'est pas que lorsque je me trouvois auprès de cette dame je ne fusse hors de moi, et que, si elle a pris garde à ma contenance et à mes petits soins, elle n'ait pu aisément remarquer le désordre où me mettoit sa présence. La crainte de me faire le rival du plus redoutable du royaume me rendit si mélancolique que j'en perdis l'appétit et le repos, et que je tombai dans cette langueur qui m'a défiguré pendant deux mois. J'étois rongé de tant d'inquiétudes que je n'avois plus guère à durer en cet état, lorsqu'il a plu à la fortune de me guérir d'un de mes maux. Ce rival, auquel je n'osois rien disputer, a pris un autre attachement et m'a délivré des persécutions que je souffrois de la première galanterie. Ainsi, me voyant moins malheureux, j'ai respiré plus doucement et j'ai repris de nouvelles forces pour me préparer à de nouveaux tourmens.»
«Madame, voyant que j'avois cessé de parler: «Est-ce là tout, comte? me dit-elle; le nom de cette belle, ne le saurons-nous point? Je ne vois rien à la Cour semblable au portrait que vous avez fait, et je ne connois point non plus ce rival qui vous a fait tant de peine.—Quoi! Madame, voudriez-vous bien me réduire à déclarer ce que je n'ai pas encore dit à la personne que j'aime? Du moins attendez que je lui aie fait ma déclaration, pour savoir son nom; je promets à Votre Altesse que vous le saurez aussitôt que je lui aurai parlé.—Et bien, je me contente de cela, reprit-elle; mais je vous conseille, de quelque manière que ce soit, de l'instruire au plus tôt de vos sentimens, de peur que quelqu'autre moins respectueux que vous ne vous donne de l'esprit. Jusques à cette heure vous avez aimé comme on fait dans les livres, mais il me semble que dans notre siècle on a pris de plus courts chemins, pour faire la guerre à l'amour, que l'on ne faisoit autrefois. On prétend que ceux qui ont tant de considération n'aiment que médiocrement; quand votre passion sera aussi grande que vous le croyez, vous parlerez sans doute. Ce n'est pas qu'une discrétion comme la vôtre soit sans mérite; mais il faut donner de certaines bornes à toutes choses.—Ha! Madame, lui dis-je, quand vous saurez combien il y a loin de moi à ce que j'aime, vous direz bien que je suis téméraire.»
«Je voulois poursuivre, lorsque mademoiselle de Barbezière entra, qui dit à Madame que le Roi alloit repasser. Tandis que ceux qui le précédoient entrèrent, Montalais, qui n'avoit fait qu'aller et venir par la chambre durant notre conversation, me demanda si j'étois bien sorti d'affaire. Je lui dis qu'on ne pouvoit faillir avec un aussi bon conseil que le sien. Nous n'eûmes pas loisir de nous entretenir davantage, car le Roi sortit, après avoir prié Madame de se tenir prête pour aller le lendemain dîner à Versailles, et moi je me coulai dans la presse.
«Le Roi mena La Vallière sur le soir chez Monsieur; nous y trouvâmes la comtesse de Soissons, madame de Montespan, près de laquelle Monsieur faisoit fort l'empressé, et plusieurs autres dames de la Cour. Madame y arriva un moment après, si parée de pierreries et de sa propre beauté, qu'elle effaça toutes les autres. Je m'avançai pour me trouver sur son passage; je la regardai avec des yeux qui marquoient quelque chose de si soumis et si rempli de crainte, que, me voyant en cet état, elle eut quelque compassion de moi et me fit un petit signe de tête si obligeant que j'en fus une demi-heure hors de moi, tant les grandes joies sont peu tranquilles. On dansa, on joua, et pendant tout ce temps je me trouvai le plus souvent que je pouvois en vue de Madame sans l'approcher. J'aurois toujours fait la même chose pendant la collation, si Montalais ne se fût approchée de moi, laquelle voyoit par mes yeux dans le fond de mon cœur, et ne m'eût averti de prendre garde à moi et à ce que je faisois; elle y ajouta l'ordre de ne pas manquer de me trouver chez Madame le lendemain au soir, et, quelque question que je lui fisse, elle ne me voulut rien dire davantage, ni même m'écouter.
«Vous pouvez croire que je ne manquai pas de me rendre au Palais-Royal avec une exactitude extrême. Montalais me vint recevoir dans un petit passage, d'où elle me mena dans sa chambre, où nous nous entretînmes quelque temps. Je la conjurai de me dire si elle ne savoit point ce qu'on vouloit faire de moi, lorsque Madame entra elle-même; elle étoit en robe de chambre, mais propre et magnifique. D'abord je lui fis une profonde révérence; et, après que je lui eus donné un fauteuil, elle me commanda de prendre un siége et de me mettre auprès d'elle. Dans le même temps, Montalais s'étant un peu éloignée de nous, elle parla ainsi:
«Comte, votre malheur a pris soin de me venger de vous; je le trouve si grand, que je veux bien vous en avertir, afin que vous vous y prépariez. J'ai lu votre billet, et, comme je le voulois brûler, Monsieur l'a arraché de mes mains et lu d'un bout à l'autre. Si je ne m'étois servie de tout le pouvoir que j'ai sur lui et de toute mon adresse, il auroit déjà fait éclater sa vengeance contre vous. Je ne vous dis point ce que la fureur lui a mis à la bouche. C'est à vous à penser aux moyens de sortir du danger où vous êtes.
—Madame, lui dis-je en me jetant à ses pieds, je ne fuirai point ce mortel danger qui me menace; et si j'ai pu déplaire à mon adorable Princesse, je donnerai librement ma vie pour l'expiation de ma faute. Mais si vous n'êtes point du parti de mes ennemis, vous me verrez préparé à toutes choses avec une fermeté qui vous fera connoître que je ne suis pas tout à fait indigne d'être à vous.—Votre parti est trop fort dans mon cœur, reprit-elle en me commandant de me lever et me tendant la main obligeamment, pour me ranger du côté de ceux qui voudroient vous nuire. Ne craignez rien, poursuivit-elle en rougissant, de tout ce que je vous viens de dire de votre billet: personne ne l'a vu que moi. J'ai voulu vous donner d'abord cette alarme pour vous étonner. Croyez que je ne saurois vous mal traiter sans être infidèle aux sentimens de mon cœur les plus tendres. J'ai remarqué tout ce que votre passion et votre respect vous ont fait faire, et, tant que vous en userez comme vous devez, je vous sacrifierai bien des choses et je ne vous livrerai jamais à personne.—Est-il possible, lui dis-je, que Votre Altesse ait tant de bonté, et que la disproportion qui est entre nous de toute manière vous laisse abaisser jusqu'à moi? C'est à cette heure, Madame, que je connois que j'ai de grands reproches à faire à la nature et à la fortune, de ce qu'elles m'ont refusé de quoi offrir à une personne de votre mérite et de votre rang. Mais, Madame, si un zèle ardent et fidèle, si une soumission sans réserve vous peut satisfaire, vous pouvez compter là-dessus et en tirer telles preuves qu'il vous plaira.—Comte, répondit-elle, j'y aurai recours quand il faudra; soyez persuadé que, si je puis quelque chose pour votre fortune, je n'épargnerai ni mes soins ni mon crédit.—Ah! Madame, lui dis-je, jamais pensée ambitieuse ne se mettra avec ma passion.—Hé bien, repartit-elle, si pour vous satisfaire il faut faire quelque chose pour vous, on vous permet de croire qu'on vous aime.»
«Et alors, voyant que Montalais n'étoit plus dans la chambre, je me laissai aller à ma joie, et, à genoux comme j'étois, je pris une des mains de Madame, sur laquelle j'attachai ma bouche avec un si grand transport que j'en demeurai tout éperdu. Je fus une demi-heure en cet état, sans pouvoir prononcer une parole et sans avoir seulement la force de me lever. Je commençois un peu à revenir, lorsque Montalais vint avertir Madame qu'il étoit temps qu'elle retournât dans sa chambre, où Monsieur alloit venir. Je ne fus pas fâché de cet avis, car je me sentois en un abattement si grand, que je serois mal sorti d'une conversation plus longue. Elle ne me donna pas le temps de dire un mot, et, s'étant levée de sa place: «Venez, Montalais, dit-elle, je vous le remets entre les mains; ayez en soin, je crois qu'il est malade......»
II. LETTRE D'HENRIETTE D'ANGLETERRE A LA PRINCESSE PALATINE [280].
De Saint-Cloud, le 29 juin 1670.
Il est juste de vous rendre compte d'un voyage que vos soins ont tâché de rendre heureux du seul côté où il pouvoit manquer à l'être [281]. Je vous avouerai que j'étois à mon retour persuadée que tout le monde en seroit content, et je trouve les choses beaucoup pires que jamais. Vous savez, pour me l'avoir dit de la part de Monsieur, qu'il désiroit trois choses de moi: la première, que j'établisse une confiance sur toutes les affaires entre le Roi mon frère et lui, que je lui procurasse la pension de son fils [282] et que je fisse quelque chose pour le chevalier de Lorraine. Le Roi mon frère a eu assez de bonté pour moi, dans l'assurance que je lui ai donnée qu'il ne trouveroit plus à Monsieur des procédés aussi bizarres que ceux qu'il a eus sur le voyage, pour me donner sa parole qu'il se fieroit à Monsieur, pour peu qu'il se trouvât comme je lui disois; il a offert de plus à Monsieur de donner retraite au chevalier de Lorraine dans son royaume jusqu'à ce que, les choses étant un peu radoucies, il pût faire davantage en sa faveur. Pour la pension, j'ai beaucoup d'espérance de l'obtenir, pourvu que je puisse répondre que Monsieur en sera assez content pour finir une comédie qu'il n'y a que trop longtemps qu'il donne au public; mais vous comprenez bien que je ne suis pas en droit de la demander après tout ce que Monsieur a fait pour m'empêcher de l'obtenir, à moins que je ne puisse assurer qu'il y va du repos domestique, et qu'il ne me prendra plus à partie de tout ce qui se passe dans toute l'Europe. Je lui ai parlé de tout ceci, ne doutant guère que je ne fusse bien reçue; mais, comme de toutes choses, le retour du chevalier n'est pas présent, Monsieur m'a déclaré que tout le reste étoit inutile, et que je devois m'attendre à tout ce qu'il y avoit de fâcheux pour moi dans la perte de ses bonnes grâces, jusqu'à ce que je lui eusse fait rendre le chevalier. Je vous avouerai que j'ai été extrêmement surprise de ce procédé, si différent de ce que je l'attendois. Monsieur souhaite l'amitié du Roi mon frère, et quand je lui offre, il l'accepte comme s'il lui faisoit de l'honneur; il refuse le parti d'envoyer le chevalier en Angleterre, comme si les choses se raccommodoient en ce siècle d'un quart d'heure à l'autre, et traite la pension d'une bagatelle. Il n'est pas possible que Monsieur fasse la moindre réflexion, et qu'il puisse rester dans les sentiments où il est, et j'ai tout sujet de penser qu'il veut se plaindre de moi préférablement à toutes choses en lui voyant prendre mes soins de la manière qu'il fait. Le Roi a eu la bonté de lui faire des serments extraordinaires que je n'avois aucune part dans l'exil du chevalier, et que son retour ne dépendoit point de moi; mon malheur l'empêche de croire le Roi, qui n'a jamais dit ce qui n'étoit pas, et le même malheur m'empêchera peut-être de le servir dans un temps où cela ne seroit pas impossible, et où les actions qu'il exige tant peuvent être mises en pratique.
Voilà, ma chère cousine, l'état de mes affaires. Monsieur a désiré trois choses de moi, je crois lui en procurer deux et demie, et il s'acharne précisément à ce que je ne puis, et ne compte pour rien l'amitié du roi mon frère, ni ses intérêts particuliers; quant à moi j'ai fait plus que je n'espérois; mais si je suis assez malheureuse pour que Monsieur continue dans cet acharnement sur tout ce qui me regarde, je vous déclare, ma chère cousine, que je lerrai [283] tout là, et ne penserai plus ni à la pension, ni au retour du favori, ni à la liaison du Roi mon frère; la première et la dernière de ces choses sont difficiles à obtenir, et peut-être que tout autre les compteroit d'une grande conséquence; mais il n'y a rien si facile à détruire, il n'y a qu'à n'en plus parler, et observer en cela la maxime que Monsieur garde en toutes choses où je le prie de s'expliquer en ma faveur; et quant au retour du chevalier, si mon crédit y pouvoit autant que Monsieur se l'imagine, je crois vous l'avoir déjà dit, l'on ne me fera jamais rien faire à coup de bâton; ainsi, comme deux des choses que Monsieur m'avoit demandées sont inutiles pour ravoir l'honneur de ses grâces, et qu'il ne veut pas chercher les voies de parvenir à la troisième, mais désire la trouver faite d'une manière impraticable dans tous les temps, mais plus dans celui-ci où le Roi ne fait que ce qui lui plaît, je pense que le seul parti que j'aie à prendre, après vous avoir dit ce que je puis, c'est d'attendre la volonté de Monsieur; s'il veut que j'agisse, je le ferai avec la dernière joie, n'en pouvant avoir de véritable que je n'aie ses bonnes grâces, sinon je me tiendrai dans un silence proportionné à l'état où je serai auprès de lui, attendant tous les méchans traitemens dont il se pourra aviser, desquels je ne me défendrai jamais qu'en tâchant de ne lui pas donner occasion par ma conduite de me blâmer; sa haine est volontaire, l'estime ne l'est pas, et j'ose dire que, si j'ai l'une sans l'avoir méritée, je ne suis pas absolument indigne de l'autre par beaucoup d'endroits; c'est ce qui me console en quelque façon dans l'espérance qu'il peut -y avoir des retours favorables pour moi; vous y pouvez plus que personne, et je suis si persuadée que les intérêts de Monsieur et les miens vous sont chers, que j'espère que vous y travaillerez. Je n'ai qu'une chose de plus à vous faire remarquer, c'est que, quand on laisse perdre les occasions, elles ne se retrouvent pas toujours; j'en vois une favorable pour la pension, et l'avenir est douteux; après quoi je vous dirai que la vôtre d'Angleterre sera payée, le Roi mon frère m'en a donné sa parole; les personnes par qui ces choses doivent passer m'ont promis d'y apporter toutes les facilités possibles, et si vous étiez ici, nous travaillerions aux moyens de l'établir, car vous savez que je n'étois pas assez bien instruite pour faire autre chose que de tirer les paroles qu'on m'a données; je souhaiterois pouvoir trouver d'autres moyens de vous témoigner ma tendresse, je le ferois avec le plus grand plaisir du monde [284].
NOTES:
[1] Page 5 de notre édition.
[2] Page 100 de notre édition.
[3] Notice sur madame de La Fayette, collect. Petitot, t. LXIV, page 360.
[4] Page 115 de notre édition.
[5] Comparez, pour mieux sentir cela, la relation de la mort d'Henriette par madame de La Fayette et la relation de la mort de madame de Beaumont par Chateaubriand (dans les Mémoires d'Outre Tombe).
[6] Page 33 de notre édition.
[7] «Estant à Sainte-Marie de Chaliot où elle a pratiqué beaucoup de vertus, nous l'avons veue prendre sens répugnance et sens chagrin le soin de sa despence quy a esté en certains temps fort petite; elle en fesoit les contes, et s'occupoit à cela dens un esprit de pénitence et d'humilité». (Mémoire ayant servi à Bossuet pour l'Oraison funèbre de Henriette-Marie de France, Londres, 1880, in-4o, pp. 27-28). Ce mémoire, fort curieux, a été publié pour la première fois par M. Gabriel Hanotaux.
[8] Le 14 juillet 1648. Mémoires de madame de Motteville, collect. Petitot, t. XXXVII, p. 414.
[9] Voir le mémoire publié par M. G. Hanotaux:
«Nous luy avons veu vendre touttes ses hardes l'une après l'autre, ces meubles et le reste de ces piéreries, et engager jusques aux moindres choses pour pouvoir subsister quelques jours de plus. Elle nous fit l'honneur de nous dire un jour, estant dans les grandes Carmélites, qu'elle n'avoit plus ny or ny argent à elle qu'une petite tasse dens quoy elle buvoit.» P. 28.
[10] Elle était de dix mille écus par mois, mais ne suffisait pas à soutenir la foule des pauvres royalistes.
[11] Mémoires du cardinal de Retz, publ. par A. Feillet, édit. A. Regnier, t. II, p. 197.
[12] Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collect. Petitot, t. XLIII, p. 157.
[13] Mémoires de La Fare, collect. Petitot, t. LXV, p. 176.
[14] «On trouva... le poumon adhérant aux côtes du côté gauche, rempli d'une matière spumeuse, le côté droit meilleur, mais non pas tout à fait bon.» (Mémoire d'un chirurgien du roi d'Angleterre qui a été présent à l'ouverture du corps de Madame. Biblioth. nat., ms. franç. no 17052.)
[15] Lettres de Guy Patin, Paris, 1846, in-8o, t. II, p. 127.
[16] Mémoires de Cosnac, t. I, pp. 420-421.
[17] Cosnac, loc. cit., pp. 420-422.
[18] Mémoires de madame de Motteville, collect. Petitot, t. XXXVIII, p. 317.
[19] Choisy dit, il est vrai, que les yeux de Madame étaient noirs. Mais les yeux bleus, ceux surtout qui sont d'un bleu de saphir, et ce sont les plus beaux, paraissent noirs quand la pupile est dilatée. Voici d'ailleurs, si peu qu'il vaille, le portrait tracé par l'abbé: «Jamais la France n'a vu une princesse plus aimable qu'Henriette d'Angleterre, que Monsieur épousa: elle avoit les yeux noirs, vifs et pleins du feu contagieux que les hommes ne sauroient fixément observer sans en ressentir l'effet; ses yeux paroissoient eux-mêmes atteints du désir de ceux qui les regardoient. Jamais princesse ne fut si touchante, ni n'eut autant qu'elle l'air de vouloir bien que l'on fût charmé du plaisir de la voir. Toute sa personne étoit ornée de charmes; l'on s'intéressoit à elle et on l'aimoit sans penser que l'on pût faire autrement. Quand quelqu'un la regardoit, et qu'elle s'en apercevoit, il n'étoit plus possible de ne pas croire que ce fût à celui qui la voyoit qu'elle vouloit uniquement plaire. Elle avoit tout l'esprit qu'il faut pour être charmante, et tout celui qu'il faut pour les affaires importantes, si les conjonctures de les faire valoir se fussent présentées, et qu'il eut été question pour lors à la Cour d'autre chose que de plaire.»
(Mémoires de Choisy, collect. Petitot, t. LXIII, pp. 385-386.)
[20] La Princesse ou les amours de Madame, dans l'Hist. amoureuse des Gaules, 1754, t. II, p. 119.
[21] La Princesse, loc. cit., p. 108.
[22] Buste. «Madame Henriette-Anne, Princesse de la Grande-Bretagne. CM del.»—Nous reproduisons ce portrait ci-contre. Des épreuves postérieures portent «Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans, née à Exeter le 16 juin 1644, morte à Saint-Cloud le 30 juin 1670. Cl. Mellan G. del. et sc.»
[23] «Henriette d'Angleterre, dernière fille de Charles Ier, Roy de la Grande-Bretagne, et de Henriette-Marie de France, née à Excester, le 15 juin 1644, accompagna la Reine sa mère, lors qu'elle se sauva par mer en France. A Paris, chez L. Boissuin.» Non signé.
Le même:—«Van der Werff pinxit. J. Audran sculpsit.»
Plus récemment les graveurs Tavernier et Dieu ont donné chacun une copie très-infidèle de ce portrait de Van der Werff. On le trouve reproduit à l'eau forte, en tête de ce volume, par M. Boulard fils.
[24] De face. «Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, dernière fille de Charles Ier du nom, roy de la Grande-Bretagne, et de Henriette-Marie de France, nasquit à Exceter le 15 juin 1644, accompagna la reine sa mère lors qu'elle se sauva par mer en France, espousa Philippe de France, duc d'Orléans, frere unique du Roy.»
[25] De trois quarts. Elle porte une guimpe empesée et montante; le costume est sévère. C'est ainsi que la reine accouchée aurait voulu voir Madame à ses relevailles (v. p. xvj). Au fond, une draperie dont un coin soulevé laisse voir à gauche une chasse en forêt.
[26] De trois quarts. «Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans.»
[27] De face. «Henriette Stuard, Desroches sc.»
«Cette princesse à qui tout avoit concouru,
«Pour lui gagner les cœurs et se voir adorée
«Semble n'avoir paru
«Que pour estre pleurée.»
[28] De face. «Henriette-Anne d'Angleterre épouse de Philippe de France duc d'Orléans. G. Schouten f.» Plusieurs épreuves non signées. Ce portrait a été mis dans l'édition de 1720.
[29] No 2083 du catalogue.—Ecole française, XVIIe siècle.—H. 0,72-L. 0,62. On lit en haut du tableau: HENRIETTE-ANNE DANGLETERRE DUCHESSE DORLÉANS.
[30] No 2502 du catalogue.—Ecole de Mignard.—H. 0, 76-L. 0, 63. Elle est représentée assise, vêtue d'une robe bleue fleurdelisée. On lit sur le tableau: HENR. D'ANGL. D. DORLans.
[31] No 3503 du catalogue. H. 1,75.-L. 1,39.
[32] No 2157 du catalogue. «Famille de Louis XIV par Jean Nocret.» Madame y porte le costume et les attributs du Printemps.
[33] Discours au roi, 1666.
[34] L'abbé se faisait appeler, comme on sait, madame de Sancy. Sur la fausse dame de Sancy, voir la chanson:
Sancy, au faubourg Saint-Marceau,
Est habillé comme une fille.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tout le peuple de Saint-Médard
Admire comme une merveille
Ses robes d'or et de brocard,
Ses mouches, ses pendants d'oreille,
Son teint vif et ses yeux brillants.
Il aura bientôt des amants.
(Ms. de Choisy, t. III, fo 57.)
[35] Mémoires de Choisy, collect. Petitot, t. LXIII, p. 127.
[36] Page 44 de notre édition.
[37] Mémoires, coll. Petitot, t. XXXIX, p. 117.
[38] Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.
[39] T. II, p. 2, avec le fac-simile en regard.
[40] Sur madame de Monaco, voir page 40, la note 164.—Sur madame de Thianges, voir page 16, note 124.
[41] Catalogue Chambry, par Etienne Charavay, 1881 no 381.
[42] Mémoires de Cosnac, t. I, p. 415.
[43] Voir p. 139 de notre édition.
[44] Dictionnaire de Furetière, au mot galanterie.
[45] Remarques sur la langue françoise, utiles à ceux qui veulent bien lire et bien écrire. 1647, in-4o.
[46] Dans le Trévoux, au mot galant. Voir aussi La Bruyère: «Une femme galante veut qu'on l'aime, etc., etc.»
[47] Mémoires de mademoiselle de Montpensier, coll. Petitot, t. III, p. 389.
[48] Remarquons en passant que Molière fait parler Mascarille et Jodelet, non comme des valets qui singent leurs maîtres, mais comme des marquis véritables. Ce qu'ils disent est ridicule, mais n'est nullement de mauvais ton. Il n'est pas extraordinaire qu'en les écoutant Cathos et Madelon crussent entendre des personnes de qualité. Mademoiselle de Scudéry ou quelque autre «illustre» de l'hôtel de Rambouillet s'y fût trompée comme elles.
[49] «Il avoit épousé la fille du duc de Sully, petite-fille, par sa mère, du chancelier de France [Séguier], bien faite, sage et riche; mais jusqu'alors (1665), elle avoit été mariée sans l'être.» (Mémoires de madame de Motteville, collect. Petitot, t. XL, p. 227.) Si l'on était sous Louis XV, cela ne voudrait rien dire, puisqu'il s'agit d'une femme, non d'une maîtresse. Mais nous sommes en 1665, et le mot est significatif. D'ailleurs madame de Sévigné est plus nette encore, à propos d'une maîtresse. (Voir plus bas, p. XLIV.)
[50] Un sottisier lui fait dire aux dames:
. . . . . je n'ai point d'armes
Pour vous servir, comme le grand Saucourt.
Je ne commente point, voyez aussi la chanson citée plus loin page V.
[51] Lettre du 15 janvier 1672.—Elle écrivait trois mois auparavant: «Le comte de Guiche est à la Cour tout seul de son air et de sa manière, un héros de roman, qui ne ressemble point au reste des hommes (Lettre du 7 octobre 1671).»
[52] Les deux lettres qu'on trouve pour la première fois dans l'édition de 1754 de l'Histoire amoureuse des Gaules (t. II, pp. 120 et 148) sont apocryphes. Voir Appendice I, à la fin de ce volume.
[53] Lettre du 15 janvier 1672.
[54] Lettre du 29 avril 1672.
[55] Ermeland, en latin Varmia, petit pays dans le palatinat de Marienbourg, qui appartint à la Pologne de 1466 à 1772. L'évêque avait le titre de Prussiæ regiæ primas.
[56] Elles nous ont été communiquées par M. Etienne Charavay.
[57] Cela nous ramène encore aux Précieuses ridicules et à la «furieuse plaie» de Mascarille. Je le répète, ce Mascarille est un vrai marquis.
[58] Page 99 de cette édition.
[59] Mémoires de madame de Motteville, coll. Petitot, t. XL, p. 232.
[60] Lettre du 13 janvier 1672.
[61] Lettre du 27 avril 1672.
[62] L'archevêque de Rouen était Harlay de Chanvallon.
[63] Mémoires du maréchal de Gramont, édit. Petitot, t. LVII, p. 95.
[64] Page 65 de notre édition.
[65] La Princesse, voir la note de la page LVIII.
[66] Voir p. 138 de ce volume.
[67] Tome II, p. 99.—On en connaît au moins trois manuscrits, tous plus complets que l'imprimé de 1754. Un de ces manuscrits a servi à M. Charles Livet pour sa publication de La Princesse dans le troisième volume de l'Histoire amoureuse des Gaules, édition Jannet. La bibliothèque nationale en possède deux; l'un fait partie d'un recueil de pièces satiriques et a pour titre: Histoire de Madame et du comte de Guiche, de Madame la comtesse de Soissons et de M. de Wardes (In-4o, f. fr. 15229). L'autre, intitulé Histoire des amours de Madame, est précédée d'une relation confuse et erronée des relations de Louis XIV avec Madame qui ne peut être du même auteur que le reste (In-8o, f. fr. 13777). Nous donnons en appendice deux fragments de ce libelle.
[68] Sur Montalais, voir p. 60.
[69] L'habit de cour qu'on ne pouvait porter sans brevet.
[70] Lettre du 26 mai 1683.
[71] Voir la Princesse, à la fin de ce volume.—Je cite ici d'après le ms. de la biblioth. nat., f. fr. 13777.
[73] Lettre à madame de Saint-Chaumont, Cosnac, loc. cit., p. 407.
[74] Lettre de Louis XIV, septembre 1669.
[75] Dans la dédicace d'Andromaque, en 1667.
[76] «Bérénice fut un duel dont tout le monde sait l'histoire. Une princesse fort touchée des choses de l'esprit, et qui eût pu les mettre à la mode dans un pays barbare, eut besoin de beaucoup d'adresse pour faire trouver les deux combattants sur le champ de bataille sans qu'ils sussent où on les menoit.» (Fontenelle, Vie de Corneille, dans l'Histoire de l'Académie françoise, par Pellisson, 1729, in-4o, p. 195.)
[77] Voir p. 118 de cette édition.
[78] Voir Appendice II, à la fin de ce volume.
[79] Edit. Chéruel, 1856, t. III, p. 180 et suiv.
[80] Saint-Simon dit, par exemple, qu'un garçon de la chambre de Madame fit l'eau de chicorée, et madame de La Fayette, qui était de la maison et savait comment tout s'y passait, dit précisément que madame Desbordes, première femme de chambre de Madame, prépara l'eau de chicorée. Il fallait que Saint-Simon fût bien mal renseigné sur madame, car il dit dans ce récit qu'elle «étoit d'une très bonne santé». La lettre de Guy Patin qu'on a lue plus haut, le sentiment de Monsieur Vallot sur la mort de Madame (ms. de Conrart, t. XIII), l'abominable propos de Monsieur, pendant le voyage de Flandre (Voir p. 120 de notre édition), prouvent que Madame n'avait pas même les apparences de la santé. Mademoiselle de Montpensier qui la vit après le voyage de Douvres fut effrayée: «Elle (Madame) entra chez la reine comme une morte habillée, à qui on auroit mis du rouge, et comme elle fut partie, tout le monde dit, et la reine et moi nous nous souvînmes que nous avions dit: «Madame a la mort peinte sur le visage.» (Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collection Petitot.)
[81] Voir la note 244 page 123. Lisez cette note en mettant une virgule au lieu d'un point à la ligne 5 (entre t. III et l'abbé Bourdelot).
[82] 1872, in-8o, pp. 429 et suiv. Cette étude avait d'abord été publiée dans la Philosophie positive, en septembre-octobre 1867.—M. Littré a mis Valet pour Vallot et le chevalier du Temple pour le chevalier Temple.
[83] Madame de La Fayette dit que cette eau était dans une bouteille. Saint-Simon dit qu'elle était dans un pot. Cela n'a l'air de rien et pourtant trahit l'arrangement. D'Effiat pouvait jeter très vite le poison dans un pot. Le couler dans une bouteille était plus difficile et plus long. On risquait d'être surpris pendant l'opération. La métamorphose de la bouteille en pot a donc son intérêt.
[84] Lefèvre d'Ormesson dit, dans son journal: «Les dames qui étoient avec elle (Madame) avoient bu de cette même eau et ne l'avoient point trouvée si mauvaise.» (t. II, p. 593). Mais Lefèvre d'Ormesson ne fut pas témoin et madame de La Fayette l'était. Ce qui est rapporté à ce sujet dans une lettre de Bossuet, citée par Floquet, est encore moins croyable, car la lettre elle-même est véhémentement soupçonnée d'être fausse. «Monsieur, est-il dit dans cette lettre, Monsieur qui avoit donné à boire à Madame de Meckelbourg, qui s'y trouva, acheva de boire le reste de la bouteille pour rassurer Madame.» On voit dans la relation de madame de La Fayette qu'il était lui-même peu rassuré et nullement disposé à tenter une épreuve de ce genre.
[85] Et comme le curare.
[86] Ulcère simple de l'estomac (Cruveilhier), ulcère perforant de l'estomac (Rokitansky).
[87] Mémoire d'un chirurgien du roi d'Angleterre, voir plus haut, page XV, note 9
[88] Pathologie, 1877, t. II, p. 159.
[89] Les 2, 3 et 4 novembre.
[90] Loc. cit. p. 309.
[91] Jaccoud, loc. cit., p. 162.
[92] Jaccoud, loc. cit., p. 160.
[93] Voir p. 123, note 1.
[94] Histoire de madame Henriette d'Angleterre, première femme de Philippe de France, duc d'Orléans, par madame la comtesse de La Fayette, publiée par feu A. Bazin. Paris, Techener, M. D. CCC. LIII, in-16, avec un portrait qui n'est que le cuivre des Galeries de Versailles découpé en médaillon ovale.
[95] Il ne remarqua pas, par exemple, une certaine note de la page VIII qui donne à l'héroïne même de l'histoire les prénoms de sa mère, et il laissa madame Desbordes, première femme de chambre de Madame, devenir madame Descois.
[96] Voir la note 156 de la page 33.
[97] En 1644.
[98] Louise Motier de La Fayette, née vers 1616, morte en 1665, fille d'honneur de la Reine; après avoir inspiré à Louis XIII une passion qui resta innocente, elle se retira au couvent des Filles Sainte-Marie ou de la Visitation, à Paris, y prit le voile et fut en religion la mère Angélique. Elle mourut âgée d'environ cinquante ans dans une maison du même ordre qu'elle avait établie à Chaillot et dont elle était la supérieure. (Voir: Mémoires de madame de Motteville, collection Petitot, t. XXXVI, p. 387 et suiv.)
[99] François Ier de La Fayette, abbé de Dalon, évêque de Limoges du 19 mars 1628 au 3 mars 1695, oncle de l'amie de Louis XIII et du mari de l'auteur de ce livre.
[100] Marie-Catherine de La Rochefoucauld, veuve, en 1622, de Henri de Bauffremont, marquis de Senecey. Elle mourut en 1677, âgée de quatre-vingt-neuf ans.
[101] Madame de Motteville donne à croire qu'il n'en fit guères. Le père Caussin, qu'elle cite, rapporte, dans ses Mémoires, qu'à la nouvelle de la retraite de madame de La Fayette, le roi pleura, mais fit cette réponse résignée: «Il est vrai qu'elle m'est bien chère; mais si Dieu l'appelle en religion, je n'y mettrai point d'empêchement.»
[102] Le 15 février 1655.
[103] Henriette-Anne. Voir p. 33, note 155.
[104] «Ni la surprise, ni l'intérêt, ni la vanité, ni l'appât d'une flatterie délicate ou d'une douce conversation qui souvent, épanchant le cœur, en fait échapper le secret, n'étoit capable de lui faire découvrir le sien; et la sûreté qu'on trouvoit en cette princesse, que son esprit rendoit si propres aux grandes affaires, lui faisoit confier les plus importantes.» (Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.)
[105] Le texte de 1720 porte, par erreur, 1664.
[106] Armand de Gramont et de Toulongeon, comte de Guiche, fils aîné d'Antoine III et arrière-petit-fils de la belle Corisande, né en 1638, mort le 29 novembre 1673. Il avait épousé, le 23 janvier 1658, Marguerite-Louise-Suzanne de Béthune-Sully.
[107] Madame avait lu sans doute la Princesse de Montpensier, Paris, Cl. Barbin, (ou Th. Joly, ou de Sercy), 1662, in-8o. Zayde ne parut qu'en 1671, et la Princesse de Clèves qu'en 1678.
[108] Anne-Marie d'Orléans, quatrième enfant de Madame, née le 27 août 1669, épousa, le 9 avril 1684, Victor-Amédée, duc de Savoie, puis roi de Sicile et de Sardaigne. Elle mourut à Turin le 26 août 1728. Si ces mots «aujourd'hui régnante» n'ont point été ajoutés au texte, il faut faire descendre la rédaction de cette préface jusques après 1684.
[109] Ces marques n'ont malheureusement pas été conservées à l'impression. Nous en parlons dans la Notice.
[110] Comparez ce qu'elle écrit à madame de Sévigné le 30 juin 1673: «Il y a aujourd'hui trois ans que je vis mourir Madame; je relus hier plusieurs de ses lettres, je suis toute pleine d'elle.»
[111] Olympe Mancini (1640-1708), qu'on vit en faveur auprès du jeune roi, dans l'hiver de 1656. Loret parle, dans la Muse historique du 6 février 1657, de
Cette Olympe au divin esprit
Et dont, sur le cœur des monarques,
Le pouvoir peut graver ses marques.
Mais en ce moment ce pouvoir finissait. Elle épousa, le 20 février de la même année, le prince Eugène de Carignan, qui prit le titre de comte de Soissons.
[112] Marie Mancini, autre nièce du cardinal (1640-1715), inspira à Louis XIV un sentiment très-vif. Elle épousa, en 1661, le connétable Colonna. (Voir: Apologie ou Les véritables mémoires, Leyde, 1678).
[113] Le 9 juin 1659.
[114] Le 9 mars 1661. «Il mourut enfin, moins chrétien que philosophe, avec une constance admirable.» (Mémoires de Choisy, coll. Petitot, t. LXIII, p. 208.)
[115] Armand-Charles de La Porte, marquis de La Meilleraye, né en 1632, mort en 1712.
[116] Sœur puinée de Marie. Le mariage eut lieu le 28 février 1661.
[117] Gabrielle d'Estrées, dame de Liancourt-Damerval, puis marquise de Monceaux et duchesse de Beaufort, maîtresse de Henri IV.
[118] Le texte de 1720 porte, ici, en titre: «Portrait de la Reine mère, Anne d'Autriche» et, plus loin, aux endroits que nous indiquerons, des titres analogues qui sont évidemment une interpolation de l'éditeur et qui présentent l'inconvénient d'interrompre la suite du récit. C'est pourquoi nous ne les avons pas conservés. Ces titres ont été mis avec si peu de discrétion qu'il s'en trouve un pour madame de Thianges que l'auteur ne fait que nommer. On n'a qu'à se reporter à la page 29 de notre édition pour se convaincre que ces titres n'entraient pas dans les intentions de madame de La Fayette, puisque la phrase qui commence par ces mots «Il y avoit encore» et la suivante ne souffrent pas qu'on les sépare, le mot ceux qui est dans la seconde se rapportant au mot yeux qui est dans la première.
[119] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de madame Thérèse d'Autriche.» Il faut lire «Marie-Thérèse.»
[120] Née en 1628.
[121] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de Philippe de France, duc d'Orléans.»
[122] Philippe, duc d'Orléans, né en 1640.
[123] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de madame de Thianges.»
[124] Gabrielle, fille de Gabriel, duc de Rochechouart-Mortemart, et sœur aînée de madame de Montespan, mariée, en 1655, à Claude-Léonor de Damas, marquis de Thianges.
[125] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de Louis XIV encore jeune».
[126] Nicolas Foucquet, surintendant des finances, né à Paris en 1615, mort détenu à Pignerol en 1680.
[127] Michel Le Tellier, secrétaire d'État, puis chancelier de France, père de Louvois, né en 1603, mort en 1685.
[128] Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, ministre et secrétaire d'État, né à Reims le 29 août 1619, mort le 6 septembre 1683.
[129] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de M. Foucquet.»
[130] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de M. Le Tellier.»
[131] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de M. Colbert.»
[132] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de la comtesse de Soissons.»
[133] Olympe Mancini. Voir la note de la page 10.
[134] «Elle étoit brune; elle avoit le visage long et le menton pointu. Ses yeux étoient petits, mais vifs, et on pouvoit espérer que l'âge de quinze ans leur donneroit quelque agrément.» (Mémoires de madame de Motteville.)
[135] Louis-Marie, marquis de Villequier, duc d'Aumont, né en 1632, mort en 1704.
[136] François-René Crespin du Bec, marquis de Vardes, comte de Moret, gouverneur d'Aigues-Mortes, capitaine des Cent-suisses, mort le 3 septembre 1688.—Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de la connétable Colonne.»
[137] Voir la note 112 de la page 11.
[138] En 1658.
[139] Pendant la campagne de 1658, il fut atteint de la petite-vérole.
[140] Juin 1659.
[141] Petite ville et port de mer de la Basse-Saintonge (Charente-Inférieure).
[142] Cette réponse de Mademoiselle Mancini à Louis XIV a été mise par Racine dans la bouche de Bérénice (1670):
Vous êtes empereur, seigneur, et vous pleurez!
(Bérénice, acte IV, scène V.)
Comparez aussi la petite pièce suivante:
PREUVES D'AMOUR.
Alcandre étoit aux pieds d'Aminte,
Le cœur gros de soupirs, la langueur dans les yeux;
Et mille serments amoureux
Accompagnoient sa triste plainte.
Elle, ne se payant de pleurs ni de sanglots,
Bannissant alors toute crainte,
Lui répondit en peu de mots:
«Je crois que mon départ vous touche,
Qu'il vous accable de douleur
Et que vous avez dans le cœur
Ce que vous avez dans la bouche;
Je croy tous vos sermens et tout ce que je voi;
Mais enfin je pars, Sire, et vous êtes le roi.»
(Sentimens d'amour tirés des meilleurs poëtes modernes, par le sieur de Corbinelli. Paris, 1665, t. II, p. 194.)
[143] Le 6 juin 1660.
[144] Charles de Lorraine, fils du duc Nicolas-François (1643-1690).
[145] Charles IV, comte de Vaudemont, duc de Lorraine (1604-1675).
«Quant aux assiduités que M. de Lorraine et le prince Charles, son neveu, avoient pour mademoiselle Mancini, M. le Cardinal les désapprouva, et leur fit dire qu'il les remercioit, qu'il avoit pris d'autres mesures; de sorte que le prince Charles n'eut plus d'entrées chez mademoiselle de Mancini.» (Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collect. Petitot, t. XLII, p. 533).
[146] Hortense Mancini, voir notes 115 et 116 de la page 12.
[147] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de madame Mazarin.»
[148] Le texte de 1720 porte en titre: «Portrait de madame d'Armagnac et de mademoiselle de Tonnay-Charente.»
[149] Catherine de Neufville de Villeroi, femme (en 1660) de Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, grand écuyer de France. Elle mourut en 1707, âgée de soixante dix-huit ans.
[150] Françoise-Athénaïs de Rochechouart, née en 1641, au château de Tonnay-Charente (Saintonge), mariée en 1663 au marquis de Montespan, morte le 28 mai 1707.
[151] Mariée le 11 avril 1661, elle partit le 13 du même mois.
[152] Le 31 mars 1661.
[153] Charles Ier, roi d'Angleterre, décapité le 9 février 1649.
[154] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait de Madame.»
[155] Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans, née à Exeter le 16 juin 1644, morte à Saint-Cloud le 29 juin 1670, fille de Charles Ier et de Henriette de France. C'est l'héroïne de cette histoire.
[156] Henriette-Marie de France, troisième fille de Henri IV et de Marie de Médicis, née le 15 novembre 1609; elle épousa, en mai 1625, Charles Ier qui venait de succéder à Jacques Ier sur le trône d'Angleterre. Elle mourut à Colombes (Seine) le 10 septembre 1669.
[157] La Fare dit qu'elle avait tout l'agrément possible, «bien qu'un peu bossue». (Voir notre Introduction).
[158] Charles II, rétabli sur le trône d'Angleterre en 1660.
[159] George Villiers, duc de Buckingham, fils de George, né en 1627, ambassadeur et ministre en 1671, auteur de comédies, mort en 1688. Son père fut, non pas décapité, mais assassiné à Portsmouth par John Felton, le 23 août 1628. Les deux membres de cette famille qui eurent le sort que madame de La Fayette attribue au favori de Charles Ier sont Henri, duc de Buckingham, qui eut la tête tranchée sous Richard III, en 1483, et Edmond, fils de Henri qui mourut par le même supplice, sous Henri VII, en 1521.
[160] Henriette-Marie, fille de Charles Ier, veuve, en 1650, de Guillaume de Nassau, prince d'Orange.
[161] Dans le texte de 1720, en titre: «Portrait du comte de Guiche.»
[162] Voir la note 3 de la page 6. Ajoutons que madame de Sévigné, plus détachée, trouvait au comte de Guiche un air précieux, un langage obscur, beaucoup d'affectation.
[163] Anne-Marie de La Trémoille, née vers 1641, mariée en 1659 à Adrien-Blaise de Talleyrand, prince de Chalais, plus tard princesse des Ursins, (Degli Orsini), par son second mariage avec Flavio Orsini, duc de Bracciano (1675), morte le 5 décembre 1722.
[164] Catherine-Charlotte de Gramont, mariée en 1660 à Louis Grimaldi, duc de Valentinois, prince de Monaco, morte en 1678, à trente-neuf ans.
[165] Anne-Armande de Saint-Gelais de Lansac, femme de Charles III, duc de Créquy, morte en 1709.
[166] Isabelle-Angélique de Montmorency, né, en 1626, veuve, en 1649, de Gaspard de Coligny, duc de Châtillon.
[167] Marie-Charlotte de La Trémoille épousa, en 1662, Bernard de Saxe-Weimar.
[168] L'auteur de cette Histoire.
[169] 1661.
[170] Premier aumônier de Madame.
[171] Bonne de Pons, mariée, en 1666, à Michel Sublet, marquis de Heudicourt, grand louvetier de France, morte en 1709, à soixante-cinq ans.
Le maréchal d'Albret était baron de Pons.
[172] Elle épousa, en 1665, Portail, conseiller au Parlement.
[173] Françoise-Louise de La Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière, née en 1644, morte en 1710.
[174] Mascarille parle ainsi chez Cathos et Madelon: «Moi je dis que nos libertés auront peine à sortir d'ici les braies nettes...»
(Les Précieuses ridicules, scène XII.)
Et l'impromptu du faux marquis ressemble beaucoup aux galanteries de M. de Guiche.
Oh! oh! je n'y prenais pas garde:
Tandis que, sans songer à mal, je vous regarde,
Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur.
Au voleur! au voleur! au voleur! au voleur!
(Loc. cit.)
C'est un rapprochement qu'il est intéressant de faire dans une édition de Molière.
[175] Marie de Rohan, née en 1600, veuve, en 1621, du connétable de Luynes et, en 1657, de Claude de Lorraine, duc de Chevreuse.
[176] Geoffroy, marquis de Laigue, né en 1614, mort en 1674. (Voir Mémoires de madame de Motteville, coll. Petitot, t. XL, p. 113.)
[177] Chez la duchesse de Chevreuse.
[178] Le 17 août 1661.
[179] François de Beauvillier, comte, puis duc de Saint-Aignan, né en 1607, mort en 1687.
[180] De Lionne, Le Tellier, Colbert.
[181] Christophe de Lévis, comte de Brion, duc de Damville en 1648.
[182] Antonin Nompar de Caumont, marquis de Puyguilhem, depuis duc de Lauzun, cadet de la maison de Caumont, et non de Lauzun, né en 1633, mort en 1723. Quand madame de La Fayette écrit Peguilin, elle figure la prononciation de Puyguilhem. De même Racine écrit dans une de ses lettres Chammelay le nom de la Champmeslé qu'il connaissait pourtant bien.
[183] Par sa grand'mère qui était de Gramont.
[184] Mademoiselle de Montalais, fille de Pierre de Montalais, seigneur de Chambellay, et de Renée Le Clerc de Sautré, sœur de madame de Marans.—Le texte de 1720 porte en titre: «Portrait de Montalais.»
[185] Marguerite de Lorraine, veuve de Gaston, duc d'Orléans.
[186] Intendant de la maison de Gaston d'Orléans.
[187] Françoise Le Prévost, mariée successivement à messire Bernard Rosay, conseiller en la cour du Parlement de Paris, à Laurent de La Baume Le Blanc, chevalier, seigneur de La Vallière, dont elle eut Louise-Françoise, qui devint maîtresse de Louis XIV, et à M. de Saint-Remi, premier maître d'hôtel de Gaston d'Orléans. Voir page 46, lignes 14 et suivantes.—Bazin écrit, je ne sais pourquoi, «La Valière».
[188] Germain Texier, comte de Hautefeuille, baron de Malicorne, gentilhomme ordinaire du Roi, conseiller d'État d'épée, marié, en 1665, à Catherine Marguerite de Courtarvel, fille du premier lit de Jacques de Saint-Remi, mort en 1694.
[189] Louis-Alexandre de La Trémoille, né en 1642.
[190] Philippe IV, roi d'Espagne.
[191] Dona Maria Molina.
[192] Suzanne de Baudean de Neuillan, femme de Philippe de Montault-Bénac, duc de Navailles, dame d'honneur de la Reine.
[193] Le 27 mars 1662.
[194] Claude-Marie du Gast d'Artigny épousa en 1666 Louis-Pierre-Scipion de Grimoard de Beauvoir de Montlaur, comte du Roure, cousin du duc de Créquy. «C'était, dit Saint-Simon, une intrigante de beaucoup d'esprit et que la faveur de mademoiselle de La Vallière avait accoutumée à beaucoup de hauteur. Elle se trouva mêlée dans beaucoup de choses avec la comtesse de Soissons, qui les firent chasser chacune de la Cour, puis avec la même dans les dépositions de la Voisin.... Elle en fut quitte pour l'exil en Languedoc où elle a passé le reste de sa vie.»
[195] Françoise de Barbezières Chemerault, mariée en 1645 à Macé Bertrand de la Basinière, baron de Vouvans et du Grand-Précigny, trésorier de l'Epargne.
[196] Colombe Le Charron, femme de César, duc de Choiseul, maréchal du Plessis, première dame d'honneur de Madame.
[197] Anne-Lucie de La Mothe-Houdancourt, nièce d'Antoine de La Mothe, marquis d'Houdancourt, maréchal de France.
[198] Philibert, chevalier et plus tard comte de Gramont, le héros des Mémoires d'Hamilton, frère du maréchal Antoine III, duc de Gramont.
[199] Paul d'Escoubleau, marquis d'Alluye et de Sourdis, gouverneur d'Orléans.
[200] Bénigne de Meaux de Fouilloux, épousa Paul d'Escoubleau marquis d'Alluye, en 1667. «Amie intime de la comtesse de Soissons et des duchesses de Bouillon et Mazarin, [la marquise d'Alluye] passa sa vie dans les intrigues de la galanterie, et quand son âge l'en exclut pour elle-même, dans celles d'autrui.... D'estime elle ne s'en étoit jamais mise en peine, sinon d'être sûre et secrète au dernier point; avec cela tout le monde l'aimoit, mais il n'alloit guère de femmes chez elle.» (Saint-Simon). Elle mourut en 1720, âgée de plus de quatre-vingts ans.
[201] Julie-Lucie d'Angennes, duchesse de Montausier, femme de Charles de Sainte-Maure, marquis de Salles, puis duc de Montausier, première dame d'honneur de la reine.
[202] Suzanne-Charlotte de Gramont, marquise de Saint-Chaumont, tante de M. de Guiche, préférée à madame de Motteville comme gouvernante des enfants de Monsieur. Elle fut remplacée dans cette charge par la maréchale de Clérembaut. Madame de Saint-Chaumont mourut le 31 juillet 1688.
[203] Elle ne l'a pas dit.
[204] Le ballet royal des Arts, 8 janvier 1663.
[205] François VII, prince de Marsillac, duc de la Rochefoucauld, fils aîné de François VI, duc de la Rochefoucauld, auteur des Maximes. François VII, né en 1634, était grand maître de la garde-robe et grand veneur de France.
[206] De 1663.
[207] Armand de Bourbon, prince de Conti, frère du grand Condé, mort le 9 novembre 1685. «Il est le fils d'un saint et d'une sainte, il est sage naturellement, et par suite de pensées emmanchées à gauche, il joue le fou et le débauché et meurt sans confession, et sans avoir eu un seul moment, non-seulement pour Dieu, mais pour lui, car il n'a pas eu la moindre connoissance.» (Madame de Sévigné, 24 novembre 1685.)
[208] Henri-Jules de Bourbon, duc d'Enghien, puis prince de Condé, fils du grand Condé. On l'appela Monsieur le Duc jusqu'à la mort de son père, puis Monsieur le Prince.
[209] Alexandre de Choiseul, comte du Plessis-Praslin, fils de César de Choiseul, maréchal de France, et de Colombe Le Charron, tué devant Arnheim, en 1672.
[210] Jean Corbinelli, l'ami de madame de Sévigné. L'auteur de l'Histoire d'Henriette d'Angleterre le connaissait bien. Madame de Sévigné nous apprend qu'il dîna avec elle chez madame de la Fayette le jeudi 3 février 1689, et qu'on y mangea «des perdrix d'Auvergne et des poulardes de Caen.» En 1678, il écrivit à Bussy: «J'ai lu vos réflexions sur la Princesse de Clèves, Monsieur. Je les ai trouvées excellentes et pleines de bon sens.» Or, plusieurs invraisemblances sont relevées dans ces réflexions. Mais la première partie (le 1er volume) y est traitée «d'admirable.» (Lettre du 29 juin 1678.)
[211] Le 25 août 1663.
[212] Marsal, place forte de Lorraine, cédée à la France en 1663.
[213] Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, sacré coadjuteur en 1645, archevêque de Sens du 16 août 1646 au 19 septembre 1674. Il était oncle du marquis de Montespan.
[214] Isabelle-Angélique de Montmorency Bouteville, veuve de Gaspard de Coligny, duc de Châtillon, mariée en secondes noces à Christian-Louis, duc régnant de Mecklembourg. Madame de Sévigné écrit, comme madame de La Fayette, Meckelbourg.
[215] Catherine de Neufville, mariée, en 1660, à Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, grand écuyer de France.
[216] Françoise-Madeleine d'Orléans, fille de Gaston, première femme (en 1663) de Charles-Emmanuel II, duc de Savoie.
[217] M. le Grand, c'est-à-dire M. le grand écuyer, le comte d'Armagnac.
[218] François-Henri de Montmorency, duc de Luxembourg, né en janvier 1628, à Paris, maréchal de France en 1675, mort, à Versailles, le 4 janvier 1695.
[219] Madame de Beauvais, femme de chambre de la reine mère. Elle n'avait aucune alliance avec la famille de la Cropte de Beauvais dont était Uranie, femme de chambre de Madame. Le texte de 1720 porte: «M. de Beauvais»; c'est une faute que A. Bazin a corrigée.
[220] Mars 1664.
[221] Dans la Princesse de Montpensier, de madame de La Fayette, le comte de Chabanes, amoureux de la princesse, la sert pourtant dans ses amours avec un rival. L'édition de 1720 porte: «chabanier», ce qui est un non sens que A. Bazin a corrigé très-heureusement par conjecture.
[222] Bazin a corrigé à tort le texte pour mettre «une médianoche» et plus loin «de la médianoche.» Sur le genre de ce mot cf. madame de Sévigné, lettre du 26 avril 1671.
[223] 15 mai 1664.
[224] Juin 1664.
[225] Philippe-Charles, duc de Valois, né le 16 juillet 1664, mort le 8 décembre de la même année. Le texte de 1720 porte fautivement: «mademoiselle de Valois.»
[226] Elisabeth Hamilton, épousa, en Angleterre, en mars 1664, Philibert chevalier, puis comte de Gramont frère du maréchal et oncle du comte de Guiche.
[227] Jacques Rouxel, comte de Grancey, maréchal de France, eut, de son mariage avec sa seconde femme, Charlotte de Mornay, deux filles que madame de Sévigné nomme les Anges, l'aînée Elisabeth, connue sous le nom de comtesse de Grancey, morte en 1711, à cinquante-huit ans (c'est de celle-ci qu'il s'agit); l'autre, Marie-Louise, mariée en 1665 au comte de Marey, veuve en 1668.
[228] Françoise-Marie de Vienne, comtesse de Chateauvieux, femme, en 1649 de Charles IV, duc de la Vieuville, morte en 1669.
[229] Le 7 janvier 1665.
[230] Elle accoucha, le 9 juillet 1665, d'une fille qui ne vécut pas. «La Cour alla à Saint-Germain et faisoit souvent des voyages à Versailles. Madame s'y blessa, et y accoucha d'une fille qui étoit morte il y avoit déjà dix ou douze jours; elle étoit quasi pourrie; ce fut une femme de Saint-Cloud qui la servit: l'on n'eut pas le temps d'aller à Paris en chercher une. On éveilla le Roi, et l'on fit chercher le curé de Versailles, pour voir si cette fille étoit en état d'être baptisée. Madame de Thianges lui dit de prendre garde à ce qu'il feroit: qu'on ne refusoit jamais le baptême aux enfans de cette qualité. Monsieur, à la persuasion de l'évêque de Valence, vouloit qu'on l'enterrât à Saint-Denis. J'étois à Paris; j'allai droit à Versailles pour rendre ma visite à Madame. Dès le même soir Monsieur alla coucher à Saint-Germain, où je trouvai la Reine affligée de ce que cette fille n'avoit pas été baptisée, et blâmoit Madame d'en être cause par toutes les courses qu'elle avoit faites sans songer qu'elle étoit grosse. Madame disoit qu'elle ne s'étoit blessée que de l'inquiétude qu'elle avoit eue que le duc d'York n'eût été tué, parce qu'on lui avoit parlé d'une bataille qu'il venoit de donner sur mer, sans lui dire s'il en étoit revenu. On laissa Madame dès le même jour de ses couches, parce que la Reine mère d'Angleterre arrivoit et qu'on vouloit lui laisser le logement de Versailles.» (Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collect. Petitot, t. XLIII, p. 87).
[231] Philippe, chevalier de Lorraine, frère puîné du comte d'Armagnac, né en 1643.
[232] François de Neufville, marquis puis duc de Villeroi, appelé le Charmant par madame de Sévigné, né en 1644.
[233] Il alla dans son gouvernement d'Aigues-Mortes, au sortir de la Bastille où il n'était resté que quelques jours. On voit par une lettre de Corbinelli à Bussy (23 août 1673) combien son exil fut rigoureux.
[234] Le comte de Guiche fut accusé d'avoir voulu empêcher la vente de Dunkerque qui fut faite par l'Angleterre à la France en 1662.
[235] Dont il était colonel.
[236] Vardes fut arrêté à Aigues-Mortes en mars 1665 et mis dans la prison de Montpellier.
[237] Sur ce passage, qui semble bien être une note écrite par Madame, voir le paragraphe I de notre Préface.
[238] 1668.
[239] Jacques, fils naturel de Charles II (du moins il était tenu pour tel) et de Lucy Waters, né à Rotterdam le 9 avril 1649, décapité le 15 juillet 1685. Choisy s'étend davantage sur l'accueil que Madame fit à son jeune neveu de la main gauche: «Le duc de Monmouth passa d'Angleterre à la Cour dans ce temps-là (1667). C'étoit un prince mieux fait et plus beau qu'il n'étoit aimable. L'intérêt que Madame parut prendre à ce prince, qu'elle honoroit du nom de son neveu et auquel elle eut soin d'ordonner les plus magnifiques habits de France, la manière dont il dansoit les contre-danses qu'il apprit à Madame, la familiarité que donne la commodité de parler quelquefois une même langue que les autres n'entendent pas, l'assiduité de ce prince à se trouver aux heures auxquelles Madame étoit visible, les manières de cette princesse toujours charmantes, tout cela fit croire qu'il y avoit entre eux une sorte de jargon dont il n'est que trop aisé de soupçonner ceux qui sont naturellement galans. Le chevalier de Lorraine, dont la faveur auprès de Monsieur subsistoit avec plus d'éclat que jamais, eut le malheur d'être regardé comme celui qui entretenoit les petites divisions qui renaissoient souvent entre Monsieur et Madame... Le Roi fit ce qu'il put pour empêcher l'éclat que ces divisions préparoient dans sa maison... Il exila pour quelque temps le chevalier de Lorraine, qui se retira en Italie; et le duc de Monmouth repassa en Angleterre.» (Mémoires de l'abbé de Choisy, collection Petitot, t. LXIII, pp. 397, 398.)
[240] Janvier 1669.
[241] Lors du mariage de Monsieur avec la princesse d'Angleterre, le château de Villers-Cotterets fut compris dans les apanages de la maison d'Orléans.
[242] 1670.
[243] Mémoires de mademoiselle de Montpensier, collection Petitot, t. XLIII, pp. 121-184.
[244] Les relations de la mort de Madame sont assez nombreuses et concordantes. Mademoiselle de Montpensier (Mémoires, coll. Petitot, t. XLIII, p. 192), l'abbé Feuillet (Relation de la mort de Madame dans les Mémoires intéressants pour servir à l'Histoire de France, par Poncet de la Grave, 1789, t. III). L'abbé Bourdelot, médecin (Relation de la maladie, mort et ouverture du corps de Madame, mêmes Mémoires), Daniel de Cosnac (Récit inséré à la page xlvij du tome Ier des Mémoires) confirment le récit de Madame de La Fayette et le complètent sur quelques points. Cosnac seul n'est point un témoin oculaire mais il paraît bien informé. Consultez aussi: Relation de la mort de Madame, envoyée par le marquis de Lionne à M. de Pomponne, ambassadeur en Suède; juillet 1670, mss. Arsenal, no 598 in-fo, et Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, t. 2, pp. 592-593.
[245] Elle avait passé vingt jours auprès du roi Charles II, son frère, du 26 mai au 15 juin 1670. Le but de cette entrevue était de détacher le roi d'Angleterre de la Sainte-Alliance, pour l'allier à la France. Ce but fut atteint et un traité secret fut conclu entre Louis XIV et Charles II.
Dans la suite de Madame était cette belle bretonne, Louise-Rénée de Penancoët de Kéroualle «dont l'étoile, dit madame de Sévigné, avoit été devinée avant qu'elle partît.» Charles II en fit ce qu'on avait souhaité; elle devint duchesse de Portsmouth et, moyennant finance, elle servit auprès du roi d'Angleterre les intérêts du roi de France, son maître.
[246] Madame de La Fayette admire à trois reprises la douceur de Madame. A trois reprises aussi Bossuet la vante dans son Oraison funèbre. «Votre mémoire vous la peindra mieux, avec tous ses traits et son incomparable douceur, que ne pourront jamais faire toutes nos paroles.»—«Toujours douce, toujours paisible autant que généreuse et bienfaisante.»—«Oui, Madame fut douce envers la mort comme elle l'étoit envers tout le monde.» L'évêque de Valence, qu'elle estimait avec raison, parle de cette douceur qui ne s'est point démentie: «Puis, ayant demandé un peu de repos, avec ce même sourire et cette même douceur dont elle accompagnoit ordinairement ses paroles...» (Cosnac, Relation de la mort de Madame). «Elle mêloit dans toute sa conversation une douceur qu'on ne trouvoit point dans toutes les autres personnes royales.» (Cosnac, Mémoires, t. I, p. 420). Ajoutons que Molière, qui lui dédia l'Ecole des femmes, en 1663, alors qu'elle avait à peine dix-neuf ans, loue «cette douceur, pleine de charmes» dont elle tempérait la fierté de ses titres (L'Ecole des femmes, épître).
[247] C'est après cette phrase que, dans l'édition originale, se trouve ce titre: Relation de la mort de Madame. Il est pourtant évident que la relation commence plus haut par ces mots: «Madame étoit revenue...» Nous avons placé ce titre de manière à ce qu'il commandât le récit au lieu de le couper. De la sorte le lecteur distinguera, à première vue, d'une part ce qui a été écrit sous l'inspiration de la princesse et le petit supplément emprunté à madame de Montpensier, de l'autre part, la relation que Madame de La Fayette ajouta à son histoire interrompue.
[248] 27 juin.
[249] Marie-Louise, née le 27 mars 1662.
[250] Serait-ce le peintre Pierre van der Faes, si célèbre en Angleterre sous le nom de Lely et peintre ordinaire du roi Charles II?
[251] Marie du Cambont, veuve de Bernard de Nogaret, duc d'Épernon.
[252] «L'on sut que... Madame estant à Saint-Cloud avec Monsieur [le dimanche 29], avoit diné en public, s'étoit amusée avec madame de La Fayette à la décoiffer, pour voir les blessures qu'elle avoit eues à la tête d'une chute de chassis sur la tête; qu'elle lui avoit demandé si elle avoit eu peur de la mort; que, pour elle, elle ne croyoit pas qu'elle en eût eu peur.» (Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, t. 2, p. 593).
[253] Marie-Antoinette de Loménie de Brienne épousa en 1642 Nicolas-Joachim Rouault, marquis de Gamaches; elle mourut en 1704 à l'âge de quatre-vingts ans.
[254] «Rappelez-vous en pensée ce qu'elle a dit à Monsieur. Quelle force! quelle tendresse! O paroles qu'on voyoit sortir de l'abondance d'un cœur qui se sent au-dessus de tout.» (Bossuet, Oraison funèbre.)
[255] Monsieur de Valois, son fils, mort à vingt-huit mois.
[256] C'étoit «un homme qu'elle ne connoissoit pas», à ce que rapporte mademoiselle de Montpensier.
[257] Antoine Vallot, né en 1594, mort le 9 août 1671. D'abord premier médecin d'Anne d'Autriche, il remplaça Vautier auprès du roi en 1652. Il préconisait l'émétique, le quinquina et le laudanum. Malheureux dans les soins qu'il donna à Henriette de France en 1669, il acheva de perdre au lit de mort de la fille le crédit qu'il avait compromis au lit de mort de la mère. Pourtant il avait mal auguré de la santé de Madame. Il disait que depuis trois ou quatre ans, «elle ne vivait que par miracle». (Mignet: Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. III, p. 207).
[258] Charles III, duc de Créquy, premier gentilhomme de la Chambre du Roi, mort en 1711 à l'âge de quatre-vingt cinq ans.
[259] Bossuet.—Il faut entendre sur ce point mademoiselle de Montpensier qui vint avec le roi: «Monsieur s'approcha; je lui dis: «On ne songe pas que Madame est en état de mourir, et qu'il lui faudroit parler de Dieu.» Il me répondit que j'avois raison; il me dit que son confesseur étoit un capucin qui n'étoit propre qu'à lui faire honneur dans un carrosse, pour que le public vît qu'elle en avoit un; qu'il falloit un autre homme pour lui parler de la mort. Qui pourroit-on trouver qui eût bon air à mettre dans la gazette pour avoir assisté Madame?» Je lui répondis que le meilleur air qu'un confesseur dût avoir dans ce moment-là etoit celui d'être homme de bien et habile. Il me dit: «Ah! j'ai trouvé son fait: l'abbé Bossuet, qui est nommé à l'évêché de Condom. Madame l'entretenoit quelquefois; ainsi ce sera son fait (t. XLIII p. 191).»
[260] Nicolas Feuillet, chanoine de Saint-Cloud, né en 1622, mort en 1693. «Il s'était, dit Moréri, acquis le droit de parler avec une entière liberté aux premières personnes de la Cour et de les reprendre de leurs dérèglements.» Appelé au chevet de Madame, il fut envers cette jeune femme courageuse et douce, qui se mourait, d'une odieuse dureté.
[261] «En vain Monsieur, en vain le Roi même tenoit Madame serrée par de si étroits embrassements. Alors ils pouvaient dire l'un et l'autre, avec saint Ambroise, stringebam brachia, sed jam amiseram quod tenebam: «Je serrois les bras; mais j'avois déjà perdu ce que je tenois.» La Princesse leur échappoit parmi des embrassements si tendres.» (Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre).
[262] Celui dont Monsieur disait qu'il n'était propre qu'à faire honneur à Madame dans un carrosse pour que le public vît qu'elle avait un confesseur (voir la note de la page 138).
[263] Lord Montagu «qui était des amis de Madame», dit La Fare. Voir plus bas, aux «Lettres.»
[264] «Elle donnoit non-seulement avec joie, mais avec une hauteur d'âme qui marquoit tout ensemble et le mépris du don et l'estime de la personne. Tantôt par des paroles touchantes, tantôt même par son silence, elle relevoit ses présents; et cet art de donner agréablement, qu'elle avoit si bien pratiqué durant sa vie, l'a suivie, je le sais, jusqu'entre les bras de la mort.» (Bossuet, Oraison funèbre.)
L'inventaire des meubles de feu messire J.-B. Bossuet, évêque de Meaux, commencé à Paris, le 20 mai 1704, porte désignation «d'un anneau d'or dans lequel est enchâssée une émeraude verte, garnie, aux côtes, de cinq petits diamants,..... trois cents livres.»
C'était l'anneau donné par Madame. Le Dieu dit qu'il valait cent louis. (Voir Floquet, Etudes sur Bossuet, t. III, p. 406).
[265] Il semble que Dieu ne lui ait conservé le jugement libre jusqu'au dernier soupir, qu'afin de faire durer les témoignages de sa foi....
«J'ai vu sa main défaillante chercher encore en tombant de nouvelles forces pour appliquer sur ses lèvres ce bienheureux signe de notre rédemption....» (Bossuet, Oraison funèbre.)
[266] «Comme Dieu ne vouloit plus exposer aux illusions du monde les sentiments d'une piété si sincère, il a fait ce que dit le Sage; «il s'est hâté.» En effet, quelle diligence! en neuf heures l'ouvrage est accompli.» (Bossuet, Oraison funèbre.)
[267] Ces lettres, qui figurent dans l'édition de 1720 et qui n'ont pas été reproduites dans l'édition publiée par Bazin, complètent si heureusement le récit de Madame de la Fayette que nous n'avons pas cru pouvoir les en détacher.
[268] Henri Bennet, comte d'Arlington, né en 1618, à Arlington, dans le comté de Middlesex, trésorier et premier secrétaire d'État de Charles II, depuis 1662. C'est seulement en 1672 qu'il fut créé comte d'Arlington. Il mourut le 28 juillet 1685.
[269] Ralph Montagu, second fils d'Édouard lord Montagu. Ambassadeur en France (1669), admis au conseil privé (1672), créé marquis de Monthermer et duc de Montagu (1705). Mort le 7 mars 1708.
[270] Sir William Temple, né en 1628, à Londres, résidant à Bruxelles en 1667; ambassadeur extraordinaire auprès des États généraux, à La Haye, en 1668, mort le 27 janvier 1699.
[271] Il y a à la Bibliothèque nationale, dans les manuscrits français, au no 17052 une pièce qui porte pour titre: Mémoire d'un chirurgien du roi d'Angleterre qui a été présent à l'ouverture du corps de Madame. Il résulte de ce document que le péritoine portait les traces d'une inflammation suraiguë, que l'estomac était percé d'un petit trou, que le bas-ventre était plein d'huile (l'huile qu'elle avait bue comme contre-poison et qui s'était épanchée hors de l'estomac perforé). Il est vrai que le chirurgien du roi d'Angleterre, surpris de la netteté de cette lésion, l'attribua à un coup de scalpel donné par mégarde pendant l'autopsie; «sur quoi, dit-il, je fus le seul qui fis instance.» Mais M. Littré démontre que ce trou n'a pas été accidentellement fait après la mort. Il y reconnaît une modification pathologique et, tant d'après cette lésion que par une interprétation méthodique des autres symptômes qui ont marqué la maladie de Madame, il diagnostique l'ulcère simple de l'estomac, qui n'était pas connu au XVIIe siècle. Nous avons consacré à l'examen de la maladie de Madame tout un paragraphe de notre Préface.
[272] Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, né en 1630, maréchal de France le 8 juillet 1668, ambassadeur extraordinaire en Angleterre en 1670 et en 1673, mort au château de Vincennes, dont il était gouverneur, le 4 décembre 1694.
[273] C'est cette première femme de chambre que Madame de la Fayette et Cosnac nomment Desbordes.
[274] Ce passage étoit écrit en chiffres (note de l'éditeur de 1720, qui met ce passage, à partir de: «Je n'écris présentement», en italiques, pour le distinguer).
[275] C'est Bernard de Manicamp, un ami de M. de Guiche, qui est censé parler. Sur Manicamp, voir Bussy: «Pour l'esprit, il l'avoit assez de la manière du comte de Guiche.... Naturellement ils avoient tous deux les mêmes inclinations à la dureté et à la raillerie: aussi s'aimoient-ils fortement, comme s'ils eussent été de différents sexes.» (Histoire amoureuse des Gaules, édit. Boiteau, t. I. p. 69).
[278] «MM. de Biscaras, de Cusac et de Rotondis étoient trois frères que M. de La Chataigneraie, grand père de M. de La Rochefoucauld, quand il étoit capitaine des gardes de Marie de Médicis, avoit fait entrer dans sa compagnie, parce qu'ils lui étoient parents. Depuis, Biscaras fut officier dans la compagnie des gendarmes de Mazarin. Un démêlé qu'il eut avec M. de La Rochefoucauld, du temps qu'il étoit encore M. de Marsillac, amena pour lui une série de mésaventures; d'abord ils furent mis l'un et l'autre à la Bastille, Marsillac conduit par un exempt et Biscaras par un simple garde. Marsillac sortit le premier, et quand leur différend fut porté devant le tribunal d'honneur des maréchaux, on continua à mettre entre eux une grande différence; on fit même des recherches sur la noblesse de Biscaras; elle fut enfin confirmée, et ce fait explique et autorise sa présence ici auprès du roi.» (Note du premier éditeur).
[279] Voir pp. VII-VIII et 33.
[280] Anne de Gonzague, née en 1616, morte en 1684.
[281] C'est-à-dire de donner à ce voyage l'agrément de Monsieur.
[282] Mort en bas âge.
[283] «Autrefois on disait, et aujourd'hui encore le peuple dit, je lairrai pour je laisserai, je lairrais pour je laisserais.» Littré.
[284] Cette lettre a été publiée dans les Archives de la Bastille t. IV, p. 33.