Histoire de France - Moyen Âge; (Vol. 1 / 10)
1—page 7—... parleurs terribles, etc...
Ὅσον ἄχρηστον ποιῆσαι τὸ λοιπὸν, Strab., l. IV, ap. Scr. R. Fr. I, 30.—Remarquons combien les anciens ont été frappés de l'instinct rhéteur et du caractère bruyant des Gaulois. Nata in vanos tumultus gens (Tit. Liv. à la prise de Rome).—Les crieurs publics, les trompettes, les avocats, étaient souvent Gaulois. Insuber, id est, mercator et præco. Cic. Fragm. or. contra Pisonem.—Voyez aussi tout le discours Pro Fonteio.—Pleraque Gallia duas res industriosissime persequitur, virtutem bellicam et argutè loqui. (Cato). Ἁπειληαι, χαὶ ἀνατατιχοὶ, χαὶ τετραγωδημένοι. Diodor. Sic., lib. IV.
2—page 9—... dissolus par légèreté...
Diodor. Sicul., l. V, ap. Scr. Fr., I, 310.—Strab., l. IV.—Athen., l. XIII, c. VIII.—Nous trouvons plus tard, chez les Celtes de l'Irlande et de l'Angleterre, quelque trace des mœurs dissolues de la Gaule antique. Le docteur Leland, t. I, p. 14, dit que les Irlandais regardaient l'adultère comme «une galanterie pardonnable». O'Halloran, I, 394.—Lanfranc, saint Anselme et le pape Adrien, dans son fameux bref à Henri II, leur reprochent l'inceste.—Voy. Usser., Syl. epis., 70, 94, 95.—Saint Bernard, in Vit. S. Malach., 1932, sqq. Girald. Cambr., 742, 743.
3—page 12—... des Kymry (Cimmerii?)...
Appien (Illyr., p. 1196, et de B. civ., I, p. 625) et Diodore (lib. V, p. 309) disent que les Celtes étaient Cimmériens.—Plutarque (in Mario) fait entendre la même chose.—«Les Cimmériens, dit Éphore (apud Strab., V, p. 375), habitent des souterrains qu'ils appellent argillas.» Le mot argel veut dire souterrain, dans les poésies des Kymry de Galles (W. Archaiol., I, p. 80, 152).—Les Cimbres juraient par un taureau. Les armes de Galles sont deux vaches.—Plusieurs critiques allemands distinguent toutefois les Cimmériens des Cimbres, et ceux-ci des Kymry. Ils rattachent les Cimbres à la race germanique.
La fougue, la promptitude et la mobilité des résolutions caractérisent également les Bolg d'Irlande, de Belgique et de Picardie (Bellovaci, Bolci, Bolgæ, Belgæ, Volci, etc), et ceux du midi de la France, malgré les mélanges divers de races.
Les Belges, dans les anciennes traditions irlandaises, sont désignés par le nom de Fir-Bholg. Ausone (de Clar. Urb. Narbo.,) témoigne que le nom primitif des Tectosages était Bolg: «Tectosagos primævo nomine Bolgas.» Cicéron leur donne celui de Belgæ: «Belgarum Allobrogumque testimoniis credere non timetis?» (Pro Man. Fonteio). Les manuscrits de César portent indifféremment Volgæ ou Volcæ.—Enfin saint Jérôme nous apprend que l'idiome des Tectosages était le même que celui de Trèves, ville capitale de la Belgique. Am. Thierry, I, 131.
5—page 17—Leur brenn leur recommanda, etc...
Ses derniers avis furent suivis pour ce qui regardait les blessés, car le nouveau brenn fit égorger dix mille hommes qui ne pouvaient soutenir la marche; mais il conserva la plus grande partie des bagages.—Diod. Sic., XXII, 870.—S'il y avait des enfants qui parussent plus gras que les autres, ou nourris d'un meilleur lait, les Gaulois, dans l'invasion de Grèce, buvaient leur sang et se rassasiaient de leur chair. Pausanias, l. X, p. 650.—Après le combat, les Grecs donnèrent la sépulture à leurs morts; mais les Kymro-Galls n'envoyèrent aucun héraut redemander les leurs, s'inquiétant peu qu'ils fussent enterrés ou qu'ils servissent de pâture aux bêtes fauves et aux vautours. Pausan., l. X, p. 619.—À Égée, ils jetèrent au vent les cendres des rois de Macédoine. Plut., Pyrrh., Diod. ex Val.—Lorsque le brenn eut connu, par les rapports des transfuges, le dénombrement des troupes grecques, pleins de mépris pour elles, il se porta en avant d'Héraclée, et attaqua les défilés, dès le lendemain, au lever du soleil, «sans avoir consulté sur le succès futur de la bataille, remarque un écrivain ancien, aucun prêtre de sa nation, ni, à défaut de ceux-ci, aucun devin grec.» Pausan., liv. X, p. 648. Am. Thierry, passim.—Le brenn dit, à Delphes: «Locupletes deos largiri hominibus oportere... eos nullis opibus egere, ut qui eas largiri hominibus soleant.» Justin, XXIV, 6.
6—19—Les Ligures...
Florus II, 3, trad. de M. Ragon.—La vigueur des Liguriens faisait dire proverbialement: Le plus fort Gaulois est abattu par le plus maigre Ligurien. Diod., V, 39. Voy. aussi liv. XXXIX, 2. Strabon, IV. Les Romains leur empruntèrent l'usage des boucliers oblongs, scutum ligusticum. Liv. XLIV, 35. Leurs femmes, qui travaillaient aux carrières, s'écartaient un instant quand les douleurs de l'enfantement les prenaient, et après l'accouchement elles revenaient au travail. Strabon, III. Diod. IV. Les Liguriens conservaient fidèlement leurs anciennes coutumes, par exemple, celle de porter de longs cheveux. On les appelait Capillati.—Caton dit dans Servius: «Ipsi unde oriundi sint exactâ memoriâ, illiterati, mendaces, quæ sunt et vera minùs meminêre.» Nigidius Figulus, contemporain de Varron, parle dans le même sens.
7—page 36—Marius enivré de sa victoire sur les barbares...
Valer. Max., l. III, c. VII.—Sallust. de B. Jug., ad. calc: «Ex eâ tempestate spes atque opes civitatis in illo sitæ.»—Vell. Paterc, l. II, c. XII: «Videtur meruisse.... ne ejus nati rempublicam pœniteret.»—Florus, l. III, c. III: «Tam lætum tamque felicem liberatæ Italiæ assertique imperii nuntium..... populus Romanus accepit per ipsos, si credere fas est, deos, etc.»—Plut., in Mario.
8—page 38—Le terrible Kirk, etc...
Kirk. Maxim. Tyr., Serm. 18.—Senec., Quæst. nat., l. V, c. XVII.—Posidon., ap. Strab., l. IV.—P. Oros., l. V, c. XVI. Greg. Turon, de Glor. confess., c. V. Dans le moine de Saint-Gall, Circinus est synonyme de Boreas.—Taranis. Lucan., l. I.—Vosège. Inscript. Grut., p. 94.—Pennin, liv. XXI, c. XXXVIII.—Ardoinne, Inscript. Grut.—Genio Arvernorum. Reines., app. 5.—Bibracte, Inscr. ap. Scr. rer. Fr., I, 24.—Nemausus. Grut., p. 111. Spon., p. 169.—Aventia. Grut., p. 110.—Belenus. Auson., carm. II.—Tertull., Apolog. c. XXIV.—Hesus. Dans un bas-relief trouvé sous l'église de Notre-Dame de Paris, en 1711, on voit Hésus couronné de feuillage, à demi-nu, une cognée à la main, et le genou gauche appuyé sur un arbre qu'il coupe.—Ogmius. L'écriture sacrée des Irlandais s'appelait Ogham. Voy. Toland O'Halloran, et Vallancey et Beaufort, dans les Collectanea de Rebus Hibernicis, etc.
Cet œuf prétendu paraît n'avoir été autre chose qu'une échinite, ou pétrification d'oursin de mer.
Durant l'été, dit Pline, on voit se rassembler dans certaines cavernes de la Gaule des serpents sans nombre, qui se mêlent, s'entrelacent, et avec leur salive, jointe à l'écume qui suinte de leur peau, produisent cette espèce d'œuf. Lorsqu'il est parfait, ils l'élèvent et le soutiennent en l'air par leurs sifflements; c'est alors qu'il faut s'en emparer avant qu'il ait touché la terre. Un homme, aposté à cet effet, s'élance, reçoit l'œuf dans un linge, saute sur un cheval qui l'attend, et s'éloigne à toute bride, car les serpents le poursuivent jusqu'à ce qu'il ait mis une rivière entre eux et lui. Il fallait l'enlever à une certaine époque de la lune; on l'éprouvait en le plongeant dans l'eau; s'il surnageait, quoique entouré d'un cercle d'or, il avait la vertu de faire gagner les procès et d'ouvrir un libre accès auprès des rois. Les druides le portaient au cou, richement enchâssé, et le vendaient à très haut prix.
10—page 45—Lorsque César envahit la Gaule...
Sur les révolutions de la province romaine, entre Marius et César, voyez Am. Thierry. Une grande partie de l'Aquitaine suivit l'exemple de l'Espagne, et se déclara pour Sertorius; c'est de la Gaule que Lépidus envahit l'Italie. Mais le parti de Sylla l'emporta. L'Aquitaine fut réduite par Pompée. Il y fonda des colonies militaires à Toulouse, à Biterræ (Béziers), à Narbonne (an 75), et réunit tous les bannis qui infestaient les Pyrénées dans sa nouvelle ville de Convenæ (réunion d'hommes rassemblés de tous pays); c'est Saint-Bertrand de Comminges. Le principal agent des violences du parti de Sylla en Gaule avait été un Fonteius, que Cicéron trouva moyen de faire absoudre. (Voy. le Pro Fonteio.) La Gaule romaine eut tant à souffrir que les députés des Allobroges furent au moment d'engager leur patrie dans la conjuration de Catilina. Voy. mon Histoire romaine.
11—page 46, note—Ver-go-breith...
Cæs., l. I, c. XVI. «Vergobretum, qui creatur annuus et vitæ necisque in suos habet potestatem.»—L. VII, XXXIII. «Legibus Æduorum iis qui summum magistratum obtinerent, excedere ex finibus non liceret... quùm leges duo ex unâ familiâ, vivo utroque, non solùm magistratus creari vetarent, sed etiam in senatu esse prohiberent.»—L. V, c. VII. «Esse ejusmodi imperia, ut non minùs haberet juris in se (regulum?), multitudo, quàm se in multitudine...» et passim.
12—page 62—Villes Juliennes, Augustales...
César établit des vétérans de la 10e légion à Narbonne, qui prit alors les surnoms de Julia, Julia Palerna, colonia Decumanorum. Inscript. ap. Pr. de l'Hist. du Languedoc.—Arles, Julia, Paterna Arelate.—Biterræ, Julia Biterra. Scr. fr. I, 135.—Bibracte, Julia Bibracte, etc.—Sous Auguste, Nemausus joignit à son nom celui d'Augusta, et prit le titre de colonie romaine. Il en fut de même d'Alba Augusta chez les Helves; d'Augusta, chez les Tricastins.—Augusto nemetum devint la capitale des Arvernes.—Noviodunum prit le nom d'Augusta; Bibracte, d'Augustodunum, etc. Am. Thierry, III, 281.
13—page 73—Combien la Gaule était déjà romaine... Strab., l. IV: «Rome soumit les Gaulois bien plus aisément que les Espagnols.»—Discours de Claude, ap. Tacit., Annal. II, c. XIV: «Si cuncta bella recenseas, nullum breviore spatio quàm adversùs Gallos confectum: continua inde ac firma pax.»—Hirtius ad Cæs., l. VIII, c. XLIX: «Cæsar... defessam tot adversis præliis Galliam, conditione parendi meliore, facile in pace continuit.»—Dio C., l. LII, ap. Scr. R. Fr. I, p. 520: «Auguste défendit aux sénateurs de sortir de l'Italie sans son autorisation; ce qui s'observe encore aujourd'hui; aucun sénateur ne peut voyager, si ce n'est en Sicile ou en Narbonnaise.»
14—page 73—Marseille, cette petite Grèce...
Strab., l. IV, ap. Scr. Fr. I, 9. «Cette ville avait rendu les Gaulois tellement philhellènes, qu'ils écrivaient en grec jusqu'aux formules des contrats, et aujourd'hui elle a persuadé aux Romains les plus distingués de faire le voyage de Massalie, au lieu du voyage d'Athènes.»—Les villes payaient sur les revenus publics des sophistes et des médecins. Juvénal: «De conducendo loquitur jam rhetore Thule.»—Martial (l. VII, 87) se félicite de ce qu'à Vienne les femmes même et les enfants lisent ses poésies.—Les écoles les plus célèbres étaient celles de Marseille, d'Autun, de Toulouse, de Lyon, de Bordeaux. Ce fut dans cette dernière que persista le plus longtemps l'enseignement du grec.
15.—page 73—... cette petite Grèce, plus sobre et plus modeste que l'autre...
Strab., ibid. «Chez les Marseillais, on ne voit point de dot au-dessus de cent pièces d'or; on n'en peut mettre plus de cinq à un habit, et autant pour l'ornement d'or.»-Tacit. Vit. Agricol., c. IV: «Arcebat eum (Agricolam) ab inlecebris peccantium, præter ipsius bonam integramque naturam, quôd statim parvulus sedem ac magistram studiorum Massiliam habuerit, locum græcâ comitate et provinciali parcimoniâ mixtum ac bene compositum.» On trouve dans Athénée, l. XII, c. V, un proverbe qui semble contredire ces autorités (πλεύσαις εἰς Μασσαλιαν).
16—page 77—Posthumius... le restaurateur des Gaules...
Zozim., l. I.—P. Oros., liv. VII: «Invasit tyrannidem, multo quidem reipublicæ commodo.»—Trebell. Pollio, ad. ann. 260: Posthumius... Gallias ab omnibus circumfluentibus barbaris validissime vindicavit.—Nimius amor ergà Posthumium omnium erat in Gallicâ gente populorum, quôd submotis omnibus germanicis gentibus, romanum in pristinam securitatem revocasset imperium. Ab omni exercitu et ab omnibus Gallis Posthumius gratanter acceptus talem se præbuit per annos septem, ut Gallias instauraverit.»—On lit sur une médaille de Posthumius: RESTITUTORI GALLIÆ. Script. Fr. I, 538.
17—page 78—Les provinces respirèrent sous ces princes cruels...
Tibère. Dans l'affaire de Sérénus, Tibère se déclara pour les accusateurs, contrà morem suum. Tacite, Annal., l. IV, c. XXX.—«Accusatores, si facultas incideret, pœnis afficiebantur.» L. VI, c. XXX.—Les biens d'un grand nombre d'usuriers ayant été vendus au profit du fisc: «Tulit opem Cæsar, disposito per mensas millies sestertio, factâque mutuandi copiâ sine usuris per triennium, si debitor populo in duplum prædiis cavisset. Sic refecta fides.» Annal., liv. VI, c. XVII.—«Præsidibus onerandas tributo provincias suadentibus rescripsit: Boni pastoris esse tondere pecus, non deglubere.» Sueton. in Tiber., c. XXXII.—«Principem præstitit, et si varium, commodiorem tamen sæpius, et ad utilitates publicas proniorem. Ac primo eatenus interveniebat, ne quid perperam fieret... Et si quem reorum elabi gratiâ rumor esset, subitus aderat, judicesque... religionis et noxæ de quâ cognoscerent, admonebat: atque etiam si qua in publicis moribus desidiâ aut malâ consuetudine labarent, corrigenda suscepit.» C. XXXIII.-«Ludorum ac munerum impensas corripuit, mercedibus scenicorum rescissis, paribusque gladiatorum ad certum numerum redactis..; adhibendum supellectili modum censuit. Annonamque macelli, senatûs arbitratu, quotannis temperandam, etc.—Et parcimoniam publicam exemplo quoque juvit.» C. XXXIV.—«Neque spectacula omnino edidit.» C. XLVII.—«In primis tuendæ pacis à grassaturis ac latrociniis seditionumqne licentiâ, curam habuit, etc.»—«Abolevit et jus moremque asylorum, quæ usquam erant.» C. XXXVII.
Néron. «Non defuerunt qui per longum tempus vernis æstivisque floribus tumulum ejus ornarent, ac modo imagines prætextatas in Rostris præferrent, modo edicta, quasi viventis, et brevi magno inimicorum malo reversuri. Quin etiam Vologesus, Parthorum rex, missis ad senatum legatis de instaurandâ societate, hoc etiam magnopere oravit, ut Neronis memoria coleretur. Denique cùm post viginti annos exstitisset conditionis incertæ, qui se Neronem esse jactaret, tam favorabile nomen ejus apud Parthos fuit, ut vehementer adjutus, et vix redditus sit.» Suet., in Nerone, c. LVII.
18—page 80—Les empereurs rendaient eux-mêmes la justice...
Tibère. «Petitum est a principe cognitionem exciperet: quod ne reus quidem abnuebat, studia populi et patrum metuens: contra, Tiberium spernendis rumoribus validum... veraque... judice ab uno facilius discerni: odium et invidiam apud multos valere... Paucis familiarium adhibitis, minas accusantium, et hinc preces audit, integramque causam ad senatum remittit. Tacit.» Annal., III, c. X.
«Messalinus... à primoribus civitatis revincebatur: iisque instantibus ad imperatorem provocavit.» Tacit. Annal., l. VI, c. V.—«Vulcatius Tullinus, ac Marcellus, senatores, et Calpurnius, eques romanus, appellato principe instantem damnationem frustrati.» Ibid., l. XII, c. XXVIII.—Deux délateurs puissants, Domitius Afer et P. Dolabella, s'étant associés pour perdre Quintilius Varus, «restitit tamen senatus et opperiendum imperatorem censuit, quod unum urgentium malorum suffugium in tempus erat.» Ibid., liv. IV, c. LXVI.
Claude. Alium interpellatum ab adversariis de propriâ lite, negantemque cognitionis rem, sed ordinarii juris esse, agere causam confestim apud se coegit, proprio negotio documentum daturum, quàm æquus judex in alieno negotio futurus esset.» Sueton., in Claudio, c. V.
Domitien. «Jus diligenter et industrie dixit, plerumque et in foro pro tribunali extra ordinem ambitiosas centumvirorum sententias recidit.» Suet. in Dom., c. VIII.
19—page 85—Lutte meurtrière entre le fisc et la population...
Lactant. de M. persecut. c. VII, 23. «Adeo major esse cœperat numerus accipientium quàm dantium... Filii adversus parentes suspendebantur...»—Une sorte de guerre s'établit entre le fisc et la population, entre la torture et l'obstination du silence. «Erubescit apud eos, si quis non inficiando tributa, in corpore vibices ostendat.» Ammian. Marc., in Comment. Cod. Theod., lib. XI, tit. 7, leg. 3a.
20—page 85—Sous le nom de Bagaudes...
Prosper Aquit., in Chronic: «Omnia penc Galliarum servitia in Bagaudam conspiravêre.»—Ducange, vo Bagaudæ, Bacaudæ, ex Paul. Oros., l. VII, c. XV; Eutrop., lib. IX; Hieronymus in Chronico Euseb.: «Diocletianus consortem regni Herculium Maximianum assumit, qui, rusticorum multitudine oppressa, quæ factioni suæ Bacaudarum nomen indiderat, pacem Gallis reddit.» Victor Scotti: «Per Galliam excita manu agrestium ac latronum, quos Bagaudas incolæ vocant, etc.» Pæanius Eutropii interpres Gr.: «Στασιάζοντος δὲ ἐν Γάλλοις τοῦ ἀγροιχιχοῦ, χαὶ Βαχαύδας χαλοῦντας τοὺς συνχροτηθέντας, ὄνομα δὲ ἔστι τοῦτο τυράννους δηλοῦν ἐπιχωρίους...» Βαγεύειν est vagari apud Suidam. At cùm Gallicam vocem esse indicet Aurelius Victor, quid si à Bagat, vel Bagad, quæ vox Armoricis et Wallis, proinde veteribus Gallis, turmam sonat, et hominum collectionem?—Catholicum Armoricum: «Bagat, Gall., assemblée, multitude de gens, troupeau.—Cæterum Baogandas, seu Baogaudas habet prima Salviani editio, ann. 1530.—Baugaredos vocat liber de Castro Ambasiæ, num. 8. Baccharidas, Idacius in Chronico, in Diocletiano.—Non desunt, qui Parisienses vulgo Badauts per ludibrium appellant, tanquam à primis Bagaudis ortum duxerint.—Turner, Hist. of A. I. Bagach, in Irish, is war-like. Bagach, in Erse, is fighting.—Bagad, in Welsh, is multitude.—Saint-Maur-des-Fossés, près Paris, s'appelait le château des Bagaudes. Voy. Vit. S. Baboleni.
21—page 86—Constantin, né en Bretagne...
Schæpflin adopte cependant une autre opinion. V. sa dissertation: Constantinus Magnus non fuit Britannicus. Bâle, 1741, in-4o.
22—page 87—Lois de Constantin...
«Cessent jam nunc rapaces officialium manus...» Lex Constantini in Cod. Theod., lib. I, tit. VII, leg. 1a.—Si quis est cujuscumque loci, ordinis, dignitatis, qui se in quemcumque judicum, comitum, amicorum, vel palatinorum meorum, aliquid... manifeste probare posse confidit, quod non integre, atque juste gessisse videatur, intrepidus et securus accedat; interpellet me, ipse audiam omnia;... si probaverit, ut dixi, ipse me vindicabo de eo, qui me usque ad hoc tempus simulatâ integritate deceperit. Illum autem, qui hoc prodiderit, et comprobaverit, in dignitatibus et rebus augebo.» (Ex lege Constantini in Cod. Theod., lib. I, tit. I, leg. 4a.)—«Si pupilli, vel viduæ, aliique fortuno injuriâ miserabiles, judicium nostræ serenitatis oraverint, præsertim cùm alicujus potentiam perhorrescant, cogantur eorum adversarii examini nostro suî copiam facere.» Ex lege Constantini, lib. I, tit. leg. 2a.—«A sextâ indictione... ad undecimam nuper transactam, tàm curiis, quàm possessori... reliqua indulgemus: ita ut quæ in istis viginti annis... sive in speciebus, sive pecuniâ... debentur, nomine reliquorum omnibus concedantur: nihil de his viginti annis speret publicorum cumulus horreorum, nihil arca amplissimæ præfecturæ, nihil utrumque nostrum ærarium.» Constantini in Cod. Theod., lib. XI, tit. XXVIII, leg. 16a.—«Quinque annorum reliqua nobis remisisti», dit Eumène à Constantin. (V. Ammian. Marc. in Comm. Cod. Theod., lib. XI, tit. XXVIII, leg. 1a.)
23—page 87.—Tantôt la loi essayait de protéger le colon contre le propriétaire... tantôt elle le livrait...
«Quisquis colonus plus a domino exigitur, quàm ante consueverat et quam in anterioribus temporibus exactum est, adeat judicem... et facinus comprobet: ut ille qui convincitur ampliùs postulare, quàm accipere consueverat, hoc facere in posterum prohibeatur, prius reddito quod superexactione perpetratâ noscitur extorsisse.» (Constant, in Cod. Justinian., lib. XI, tit. XLIX.)
«Apud quemcumque colonus juris alieni fuerit inventus, is non solùm eumdem origini suæ restituat... ipsos etiam colonos, qui fugam meditantur, in servilem conditionem ferro ligari conveniet, ut officia quæ liberis congruunt, merito servilis condemnationis compellantur implere». Ex lege Constantini in Cod. Theod., lib. V, leg. 9a, l. I.—«Si quis colonus originalis, vel inquilinus, ante triginta annos de possessione discessit, neque ad solum genitale... repetitus est, omnis ab ipso, vel a quo forte possidetur, calumnia penitus excludatur...» Ex lege Hon. et Theod. in Cod. Theod., lib. V, tit. X, leg. 1a.—«In causis civilibus hujusmodi hominum generi adversus dominos, vel patronos aditum intercludimus, et vocem negamus (exceptis superexactionibus in quibus retro principes facultatem eis super hoc interpellandi præbuerunt).» Arc. et Hon., in Cod. Justin., lib. XI, tit. XLIX.—«Si quis alienum colonum suscipiendum, retinendumve crediderit, duas auri libras ei cogatur exsolvere, cujus agros transfugâ cultore vacuaverit: ita ut eumdem cum omni peculio suo et agnitione restituat». Theod. et Valent., in Cod. Just., lib. XI. tit. LI, leg. 1a.
La loi finit par identifier le colon à l'esclave: «Le colon change de maître avec la terre vendue.» Valent. Theod. et Arc., in Cod. Justin., lib. XI, tit. XLIX, leg. 2a.—Cod. Just., LI. «Que les colons soient liés par le droit de leur origine, et bien que, par leur condition, ils paraissent des ingénus, qu'ils soient tenus pour serfs de la terre sur laquelle ils sont nés.»—Cod. Justin., tit. XXXVII. «Si un colon se cache ou s'efforce de se séparer de la terre où il habite, qu'il soit considéré comme ayant voulu se dérober frauduleusement à son patron, ainsi que l'esclave fugitif.» Voyez le Cours de Guizot, t. IV.—M. de Savigny pense que leur condition était, en un sens, pire que celle des esclaves; car il n'y avait, à son avis, aucun affranchissement pour les colons.
24.—page 88—... la morale sacrifiée à l'intérêt de la population...
Par la loi Julia, le cœlebs ne peut rien recevoir d'un étranger, ni de la plupart de ses affines, excepté celui qui prend «concubinam, liberorum quærendorum causâ».
25—page 88—Probus, etc..., transplantèrent des Germains pour cultiver la Gaule...
Probi Epist. ad senatum, in Vopisc. «Arantur Gallicana rura barbaris bobus, et juga germanica captiva præbent nostris colla cultoribus.»
Voyez Aurel. Vict., in Cæsar.—Vopisc. ad ann. 281.—Eutrop. lib. IX.—Euseb. Chronic.—Sueton., in Domit., c. VII.
Eumen., Panegyr. Constant.: «Sicut tuo, Maximiane Auguste, nutu Nerviorum et Treverorum arva jacentia letus postliminio restitutus, et receptus in leges Francus excoluit: ita nunc per victorias tuas, Constanti Cæsar invicte, quidquid infrequens Ambiano et Bellovaco et Tricassino solo Lingonicoque restabat, barbaro cultoro revirescit...» etc.
Cod. Theod., l. X, t. XXXI. «Non ante discedat quàm, insinuato judici desiderio, proficiscendi licentiam consequatur.»
Ibid., l. XII, t. XVIII. «Curiales omnes jubemus interminatione moneri, ne civitates fugiant aut deserant, rus habitandi causâ; fundum quem civitati prætulerint scientes fisco esse sociandum, eoque rure esse carituros, cujus causâ impios se, vitando patriam, demonstrarint.»
L. si cohortalis 30. Cod. Theod., l. VIII, t. IV. «Si quis ex his ausus fuerit affectare militiam... ad conditionem propriam retrahatur.—Cette disposition désarmait tous les propriétaires.
«Quidam ignaviæ sectatores, desertis civitatum muneribus, captant solitudines ac secreta...» L. quidam 63, Cod. Theod., l. XII, t. I.—«Nec enim eos aliter, nisi contemptis patrimoniis, liberamus. Quippe animos divinâ observatione devinctos non decet patrimoniorum desideriis occupari.» L. curiales, 104, ibid.
27—page 90—Le désert s'étendit chaque jour...
Constantini, in Cod. Justin., l. XI, t. LVIII, lex. l. «Prædia deserta decurionibus loci cui subsunt assignari debent, cum immunitate triennii.»
«Honorii indulgentiâ Campaniæ tributa, aliquot jugerum velut desertorum et squalidorum... Quingena viginti octo millia quadraginta duo jugera, quæ Campania provincia, juxta inspectorum relationem et veterum monumenta chartarum, in desertis et squalidis locis habere dignoscitur, iisdem provincialibus concessimus, et chartas superfluæ descriptionis cremari censemus.» Arc. et Hon., in Cod. Theod., lib. XI, tit. XXVIII, l. II.
28—page 90—Gratien, etc... hasardèrent des assemblées...
En 382, une loi porta: «Soit que toutes les provinces réunies délibèrent en commun, soit que chaque province veuille s'assembler en particulier, que l'autorité d'aucun magistrat ne mette ni obstacle ni retard à des discussions qu'exige l'intérêt public.» L. sive integra, 9, Cod. Theod., l. XX, t. XII. Voyez Raynouard, Histoire du Droit municipal en France, I, 192.
Voici les principales dispositions de la loi de 418:—I. L'assemblée est annuelle.—II. Elle se tient aux ides d'août.—III. Elle est composée des honorés, des possesseurs et des magistrats de chaque province.—IV. Si les magistrats de la Novempopulanie et de l'Aquitaine, qui sont éloignées, se trouvent retenus par leurs fonctions, ces provinces, selon la coutume, enverront des députés.—V. La peine contre les absents sera de cinq livres d'or pour les magistrats, et de trois pour les honorés et les curiales.—VI. Le devoir de l'assemblée est de délibérer sagement sur les intérêts publics. Ibid., p. 199.
29—page 90—Le peuple implorait l'invasion des barbares...
Mamertin., in Panegyr. Juliani: «Aliæ, quas a vastitate barbaricâ terrarum intervalla distulerant, judicum nomine a nefariis latronibus obtinebantur ingenua indignis cruciatibus corpora (lacerabantur); nemo ab injuriâ liber... ut jam barbari desiderarentur, ut præoptaretur a miseris fortuna captorum.»—P. Oros... «Ut inveniantur quidam Romani, qui malint inter barbaros pauperem libertatem, quàm inter Romanos tributariam servitutem.»—Salvian. de Provid., l. V. «Malunt enim sub specie captivitatis vivere liberi, quàm sub specie libertatis esse captivi... nomen civium Romanorum aliquando... magno æstimatum... nunc ultro repudiatur.—Sic sunt... quasi captivi jugo hostium pressi: tolerant supplicium necessitate, non voto: animo desiderant libertatem, sed summam sustinent servitutem. Leviores his hostes, quàm exactores sunt, et res ipsa hoc indicat; ad hostes fugiunt, ut vim exactionis evadant. Una et consentiens illic Romanæ plebis oratio, ut liceat eis vitam... agere cum barbaris... Non solum transfugere ab eis ad nos fratres nostri omnino nolunt, sed ut ad eos confugiant, nos relinquunt; et quidam mirari satis non possunt, quod hoc non omnes omnino faciunt tributarii pauperes... nisi quod una causa tantum est, quâ non faciunt, quia transfere illuc... habitatiunculas familiasque non possunt; nam cùm plerique eorum agellos ac tabernacula sua deserant, ut vim exactionis evadant... Nonnulli eorum... qui... fugati ab exactoribus deserunt... fundos majorum expetunt, et coloni divitum fiunt.»—V. aussi, dans Priscus, l'Histoire d'un Grec réfugié près d'Attila.
30—page 92—La primatie de Rome commence à poindre...
Au commencement du cinquième siècle, Innocent Ier avance quelques timides prétentions, invoquant la coutume et les décisions d'un synode. (Epist. 2: «Si majores causæ in medium fuerint devolutæ, ad sedem apostolicam, sicut synodus statuit et beata consuetudo exigit, post judicium episcopale referantur.—Epist. 29: Patres non humanâ sed divinâ decrevere sententiâ, ut quidquid, quamvis de disjunctis remotisque provinciis ageretur, non prius ducerent finiendum, nisi ad hujus sedis notitiam pervenirent).»—On disputait beaucoup sur le sens du célèbre passage: Petrus es, etc., et saint Augustin et saint Jérôme ne l'interprétaient pas en faveur de l'évêché de Rome. (Augustin, de divers. Serm., 108. Id., in Evang. Joan., tract. 124.—Hieronym., in Amos, 6, 12. Id. adv. Jovin., l. I). Mais saint Hilaire, saint Grégoire de Nysse, saint Ambroise, saint Chrysostome, etc., se prononcent pour la prétention contraire. À mesure qu'on avance dans le cinquième siècle, on voit peu à peu tomber l'opposition; les papes et leurs partisans élèvent plus haut la voix (Concil., Ephes. ann. 431, actio III.—Leonis I, Epist. 10: «Divinæ cultum religionis ita Dominus instituit, ut veritas per apostolicam tubam in salutem universitatis exiret... ut (id officium) in B. Petri principaliter collocaret.—Epist. 12: Curam quam universis ecclesiis principaliter ex divinâ institutione debemus, etc., etc.»—Enfin Léon-le-Grand prit le titre de chef de l'Église universelle (Leonis I epist., 103, 97).
31—page 92—Le premier exemple du travail accompli par des mains libres...
Régula S. Bened., c. 48: Otiositas inimica est animæ... «L'oisiveté est ennemie de l'âme: aussi les frères doivent être occupés, à certaines heures, au travail des mains; dans d'autres, à de saintes lectures.»—Après avoir réglé les heures du travail, il ajoute: «Et si la pauvreté du lieu, la nécessité ou la récolte des fruits tient les frères constamment occupés, qu'ils ne s'en affligent point, car ils sont vraiment moines s'ils vivent du travail de leurs mains, ainsi qu'ont fait nos pères et les apôtres.»
Ainsi, aux Ascètes de l'Orient, priant solitairement au fond de la Thébaïde, aux Stylites, seuls sur leur colonne, aux Εὐχίται errants, qui rejetaient la loi et s'abandonnaient à tous les écarts d'un mysticisme effréné, succédèrent en Occident des communautés attachées au sol par le travail. L'indépendance des cénobites asiatiques fut remplacée par une organisation régulière, invariable; la règle ne fut plus un recueil de conseils, mais un code.
32—page 93—Le druidisme proscrit s'était réfugié dans le peuple...
Ælianus Spartianus, in Pescenn. Nigro. Vopisc, in Numeriano: «Cùm apud Tungros in Galliâ, quâdam in cauponâ moraretur, et cum druide quâdam muliere rationem convictûs sui quotidiani faceret, at illa diceret: Diocletiane, nimium avarus, nimium parcus es; joco, non serio, Diocletianum respondisse fertur: Tunc ero largus, cùm imperator fuero. Post quod verbum druida dixisse fertur: Diocletiane, jocari noli: nam imperator eris, cùm Aprum occideris.—Id. in Diocletiano, Dicebat (Diocletianus) quodam tempore Aurelianum Gallicanas consuluisse druidas, sciscitantem utrum apud ejus posteros imperium permaneret: tùm illas respondisse dixit: Nullius clarius in republicâ nomen quàm Claudii posterorum futurum.»
Æl. Lamprid. in Alex. Sever. «Mulier druida eunti exclamavit gallico sermone: Vadas, nec victoriam speres, nec militi tuo credas.»
33—page 94—Saint Pothin fonda l'Église de Lyon...
C'est à cette époque, vers 177, sous le règne de Marc-Aurèle, que l'on place les premières conversions et les premiers martyrs de la Gaule. Sulpic. Sever., Hist. sacra, ap. Scr. fr. I, 573: Sub Aurelio... persecutio quinta agitata ac tùm primùm intrà Gallias martyria visa.—Avec saint Pothin moururent quarante-six martyrs. Gregor. Turonens. de Glor. martyr., l. I, c. XLIX.—En 202, sous Sévère, saint Irénée, d'abord évêque de Vienne, puis successeur de saint Pothin, souffrit le martyre avec neuf mille (selon d'autres, dix-huit mille) personnes de tout sexe et de tout âge. Un demi-siècle après lui, saint Saturnin et ses compagnons auraient fondé sept autres évêchés. Passio S. Saturn., ap. Greg. Tur., l. I, c. XXVIII: «Decii tempore, viri episcopi ad prædicandum in Gallias missi sunt:...Turonicis Gatianus, Arelatensibus Trophimus, Narbonæ Paulus, Tolosæ Saturninus, Parisiacis Dionysius, Arvernis Stremonius, Lemovicinis Martialis, destinatus episcopus.—Le pape Zozime réclame la suprématie pour Arles. Epist. I, ad. Episc. Gall.
34—page 95—Saint Martin.—Saint Ambroise...
Id. ibid., ap. Scr. Fr. I, 573. V. aussi Grég. de Tours, l. X, c. XXXI.—Saint Ambroise, qui se trouvait en même temps à Trèves, se joignit à lui (Ambros., Epist. 24, 26). Saint Martin avait fondé un couvent à Milan, dont saint Ambroise occupa bientôt le siège (Greg. Tur., l. X, c. XXXI). On sait quelle résistance Ambroise opposa aux Milanais qui l'appelaient pour évêque. Il fallut aussi employer la ruse, et presque la violence, pour faire accepter à saint Martin l'évêché de Tours. (Sulp. Sev., loco citato.)
35—page 97—Pourquoi y a-t-il du mal au monde...
Euseb. Hist. eccl., V, 37, ap. Gieseler's Kirchengeschichte, I, 139. Πολυθρύλλητον παρὰ τοῖς αἱρεσιώταις ζήτημα τὸ τόθεν ἡ χαχία;—Tertullian., de præser. hæret., c. VII, ibid.: «Eædem materiæ hæreticos et philosophos volutantur, iidem retractus implicantur, unde malum et quare? et unde homo et quomodo?»
S. Hieronym. ad Pammach.: «In libro Ηερὶ ἀρχῶν loquitur:... quod in hoc corpore quasi in carcere sunt animæ relegatæ, et antequàm homo fieret in Paradiso, inter rationales creaturas in cœlestibus commoratæ sunt.»—Saint Jérôme lui reproche ensuite d'allégoriser tellement le Paradis, qu'il lui ôte tout caractère historique (quod sic Paradisum allegoriset, ut historiæ auferat veritatem, pro arboribus angelos, pro fluminibus virtutes cœlestes intelligens, totamque Paradisi continentiam tropologicâ interpretatione subvertat). Ainsi, Origène rend inutile, en donnant une autre explication de l'origine du mal, le dogme du péché originel, et en même temps il en détruit l'histoire. Il en nie la nécessité, puis la réalité.—Il disait aussi que les démons, anges tombés comme les hommes, viendraient à résipiscence, et seraient heureux avec les saints (et cum sanctis ultimo tempore regnaturos). Ainsi cette doctrine, toute stoïcienne, s'efforçait d'établir une exacte proportion entre la faute et la peine; elle rendait l'homme seul responsable; mais la terrible question revenait tout entière; il restait toujours à expliquer comment le mal avait commencé dans une vie antérieure.
37—page 99 note—Pélage, en niant le péché originel, etc...
«Quærendum est, peccatum voluntatis an necessitatis est! Si necessitatis est peccatum, non est; si voluntatis, vitari potest.» Donc, ajoutait-il, l'homme peut être sans péché; c'est le mot de Théodore de Mopsueste: «Quærendum utrum debeat homo sine peccato esse? Procul dubio debet. Si debet, potest. Si præceptum est, potest.»—Origène aussi ne demandait pour la perfection que «la liberté aidée de la loi et de la doctrine».
38—page 106, note—... les dévoués des Galls et des Aquitains...
Cæsar, B. Gall, l. III, c. XXII: «Devoti, quos illi soldurios appellant... Neque adhùc repertus est quisquam qui, eo interfecto, cujus se amicitiæ devovisset, mori recusaret.»—Athenæus, l. VI, c. XIII:... Ἁδιάτομον τὸν τῶν Σωτιανῶν βασιλέα (ἔθνος δὲ τοῦτο Κελτιχὸν) έξαχοσίους ἔχειν λογάδας τερὶ αὐτὸν, οὕς χαλεῖσθαι ὐπὸ Γαλατῶν Σιλοδούρους έλληνιστὶ εὐχωλιμαίους.—Zaldi ou Saldi, cheval, dans la langue basque.
39—page 109—Quelques mots grecs dans l'idiome celtique...
M. Champollion-Figeac en a reconnu jusque dans le Dauphiné.—On retrouve à Marseille, sous forme chevaleresque, la tradition de la reconnaissance d'Ulysse et de Pénélope.—Naguère encore l'Église de Lyon suivait les rites de l'Église grecque.—Il paraît que les médailles celtiques antérieures à la conquête romaine offrent une grande ressemblance avec les monnaies macédoniennes. Caumont, Cours d'Antiq. monument., I, 249.—Tout cela ne me semble pas suffisant pour conclure que l'influence grecque ait modifié profondément, intimement, le génie gaulois. Je crois plutôt à l'analogie primitive des deux races qu'à l'influence des communications.
40—page 110—Si nous en croyons les Romains, leur langue prévalut dans la Gaule...
S. August., de Civ. Dei, l. XIX, c. VII: «At enim opera data est ut imperiosa civitas non solùm jugum, verum etiam linguam suam domitis gentibus, per pacem societatis, imponeret.»
Val. Max., l. II, c. II: «Magistratus verô prisci, quantopere suam populique romani majestatem retinentes se gesserint, hinc cognosci potest, quod, inter cætera obtinendæ gravitatis indicia, illud quoque magnâ cum perseverantiâ custodiebant, ne Græcis unquam nisi latine responsa darent. Quin etiam ipsâ linguæ volubilitate, quâ plurimum valent, excussâ, per interpretem loqui cogebant; non in urbe tantùm nostrâ, sed etiam in Græciâ et Asiâ; quo scilicet latinæ vocis honos per omnes gentes venerabilior diffunderetur.»
L. Decreta, D. l. XLII, t. I: «Decreta a prætoribus latine interponi debent.»—Tibère s'excusa auprès du sénat d'employer le mot grec de monopole... «Adeo ut monopolium nominaturus, prius veniam postulant quôd sibi verbo peregrino utendum esset; atque etiam in quodam decreto patrum, cùm ἔμβλημα recitaretur, commutandam censuit vocem.» Suet. in Tiber., c. LXXI.
41—page 112—Dans le langage... des traces de l'idiome national...
Dès le huitième siècle, le mariage des deux langues gauloise et latine paraît avoir donné lieu à la formation de la langue romane. Au neuvième siècle, un Espagnol se fait entendre d'un Italien (Acta SS. Ord. S. Ben., sec. III, P. 2a, 258). C'est dans cette langue romane rustique que le concile d'Auxerre défend de faire chanter par des jeunes filles des cantiques mêlés de latin et de roman, tandis qu'au contraire ceux de Tours, de Reims et de Mayence (813, 847) ordonnent de traduire les prières et les homélies; c'est enfin dans cette langue qu'est conçu le fameux serment de Louis-le-Germanique à Charles-le-Chauve, premier monument de notre idiome national.—Le latin et le gaulois durent, sans aucun doute, y entrer, suivant les localités, dans des proportions très différentes. Un Italien a pu écrire, vers 960: «Vulgaris nostra lingua quæ latinitati vicina est» (Martène, Vet. Scr. I, 298): ce qui explique pourquoi la langue vulgaire provençale était commune à une partie de l'Espagne et de l'Italie; mais rien ne nous dit qu'il en fût de même de la langue vulgaire du milieu et du nord de la Gaule. Grégoire de Tours (l. VIII), en racontant l'entrée de Gontran à Orléans, distingue nettement la langue latine de la langue vulgaire. En 995, un évêque prêche en gaulois (gallice. Concil. Hardouin, V, 734). Le moine de Saint-Gall donne le mot veltres (lévriers) pour un mot de la langue gauloise (gallica lingua). On lit dans la vie de saint Columban (Acta SS. sec. II, p. 17): «Ferusculam, quam vulgo homines squirium vocant (un écureuil).» Il est curieux de voir poindre ainsi peu à peu, dans un patois méprisé, notre langue française.
42—page 113—La langue vulgaire des Gaulois, analogue aux dialectes gallois, etc...
Alb, d'où: Alpes, Albanie; penn, pic, d'où Apennins, Alpes Pennines.—Bardd, Βάρδοι, ap. Strab., l. IV, et Diod., l. V. Bardi, ap. Amm. Marc., l. XV, etc.—Derwydd (V. note, p. 43); aujourd'hui encore en Irlande, Drui signifie magicien; Druidheacht, magie; Toland's Letters, p. 58. Dans le pays de Galles, on appelle les amulettes de verre: gleini na Droedh, verres des druides.—Trimarkisia, de tri, trois, et marc, cheval. Owen's welsch Dictionn. Armstrong's gael dict. «Chaque cavalier gaulois, dit Pausanias, l. X, ap. Scr. fr. I, 469) est suivi de deux serviteurs qui lui donnent au besoin leurs chevaux; c'est ce qu'ils appellent dans leur langue Trimarkisia (τριμαρχίσια), du mot celtique marca.»—À ces exemples, on en pourrait joindre beaucoup d'autres. On retrouve le gæsum. (javelot gaulois) des auteurs classiques dans les mots galliques: gaisde, armé; gaisg, bravoure, etc. Le cateia, dans gath-teht (prononcez ga-té). La rotta, ou chrotta (Fortunat., VII, 8), dans le gaélique cruit, le cymrique crwdd, est la roite du moyen âge.—Le sagum, dans l'armoric sae, etc., etc.
43—page 113—Le premier vers de l'Énéide, le Fiat lux, etc...
Il n'y a pas un homme illettré en Irlande, Galles et Écosse du Nord, qui ne comprenne:
| Arma | virumque(ac) | cano | Trojæ | qui | primus | ab | oris. | ||
| Gaeliq. | Arm | agg fer | can | pi | pim | fra | or. | ||
| Gallois. | Arvau | ac | gwr | canwyv | Troiau | cw | priv | o | or. |
| Γηνητήθω | φάος | χαὶ | ἐγένετο | φάος. |
| G'ennnet | pheos | agg | genneth | pheor, |
| Ganed | fawdd | ac y | genid | fawdd |
| Fiat | lux | et (ac) | lux | facta | fuit. |
| Feet | lur | agg | lur | feet | fet. |
| Tydded | lluch | a | lluch | a | feithied. |
Cambro-Briton, janvier 1822.
44—page 113—Analogies dans les mots, etc...
Ardennæ: l'article ar, et den (cymr.), don (bas-bret.), domhainn (gaël.), profond.—Arelate: ar, sur, et lath (gaël), llaeth (cymr.), marais.—Avenio: abhainn (gaël), avon (cymr.), eau.—Batavia: bat, profond, et av, eau.—Genabum (Orléans, et de même Genève): cen, pointe, et av, eau.—Morini (le Boulonnais): môr, mer.—Rhodanus: rhed-an, rhod-an, eau rapide (Adelung. Dict. gaël. et welsch.), etc.
45—page 114—... le même mot plus rapproché des dialectes celtiques que du latin...
On peut citer les exemples suivants:
| Breton. | Gallois. | Irlandais. | Latin. | |
| Bâton | batta | baculus. | ||
| Bras | braich | brachium. | ||
| Carriole, chariot | carr | carr | currus. | |
| Chaîne | chadden | caddan | catena. | |
| Chambre | cambr | camera. | ||
| Cire | ceir | cera. | ||
| Dent | dant | dens. | ||
| Glaive | Glaif | gladius. | ||
| Haleine | halan | alan | halitus. | |
| Lait | laeth | laith | lac, lactis. | |
| Matin | mintin | madin | manè, matutinus. | |
| Prix | pris | pris | pretium. | |
| Sœur | choar | seuar | soror. |
46—page 115—... à une époque où l'union du monde celtique n'était pas rompue encore...
Ces idées que je hasarde ici trouvent leur démonstration complète et invincible dans le grand ouvrage que M. Edwards va publier sur les langues de l'occident de l'Europe. Puisque j'ai rencontré le nom de mon illustre ami, je ne puis m'empêcher d'exprimer mon admiration sur la méthode vraiment scientifique qu'il suit depuis vingt ans dans ses recherches sur l'histoire naturelle de l'homme. Après avoir pris d'abord son sujet du point de vue extérieur (Influence des agents physiques sur l'homme), il l'a considéré dans son principe de classification (Lettres sur les races humaines). Enfin il a cherché un nouveau principe de classification dans le langage, et il a entrepris de tirer du rapprochement des langues les lois philosophiques de la parole humaine. C'est avoir saisi le point par où se confondent l'existence extérieure de l'homme et sa vie intime.—Ceci était écrit en 1832.—En 1842, nous avons eu le malheur de perdre cet excellent ami.—M. Edwards, né dans les colonies anglaises, était originaire du pays de Galles.
47—page 117—... les églises servaient de tribunaux en Irlande...
Partout où le christianisme ne détruisit pas les cercles druidiques, ils continuèrent à servir de cours de justice.—En 1380, Alexandre lord de Stewart Badenach tint cour aux pierres debout (the Standing Stones) du conseil de Kingusie.—Un canon de l'Église écossaise défend de tenir des cours de justice dans les églises.
48—page 118—... en Bretagne... une douzaine de femmes...
Guillelm. Pictav., ap. Scr. Fr. XI, 88: «La confiance de Conan II était entretenue par le nombre incroyable de gens de guerre que son pays lui fournissait; car il faut savoir que dans ce pays, d'ailleurs fort étendu, un seul guerrier en engendre cinquante; parce que, affranchis des lois de l'honnêteté et de la religion, ils ont chacun dix femmes, et même davantage.»—Le comte de Nantes dit à Louis-le-Débonnaire: «Coeunt frater et ipsa soror, etc.» Ermold. Nigellus, l. III, ap. Scr. Fr. VI, 52.—Hist. Brit. Armoricæ, ibid. VII, 52: «Sorores suas, neptes, consanguineas, atque alienas mulieres adulterantes, necnon et hominum, quod pejus est, interfectores... diabolici viri.»—César disait des Bretons de la Grande-Bretagne: «Uxores habent deni duodenique inter se communes, et maxime fratres cum fratribus et parentes cum liberis. Sed si qui sunt ex his nati, eorum habentur liberi, a quibus primùm virgines quæque ductæ sunt.» Bell. Gall., l. V, c. XIV.—V. aussi la lettre du synode de Paris à Nomenoé (849), ap. Scr. Fr. VII, 504, et celle du concile de Savonnières aux Bretons (859), ibid., 584.
49—page 118—Les Bretons qui se louaient partout...
Ducange, Glossarium. On disait: un Breton pour un soldat, un routier, un brigand. Guibert, de Laude B. Mariæ, c. X.—Charta an. 1395: «Per illas partes transierunt gentes armorum, Britones et pillardi, et amoverunt quatuor jumenta.»—On disait aussi Breton, pour: conseiller de celui qui se bat en duel. Édit de Philippe-le-Bel: «... et doit aler cius ki a apelet devant, et ses Bretons porte sen escu devant lui.» Carpentier, Supplément au Glossaire de Ducange.—(Breton, bretteur? bretailleur?)—Willelm. Malmsbur., ap. Scr. Fr. XIII, 13: «Est illud genus hominum egens in patriâ, aliàsque externo ære laboriosæ vitæ mercatur stipendia; si dederis, nec vilia, sine respectu juris et cognationis, detrectans prælia; sed pro quantitate nummorum ad quascumque voles partes obnoxium.»
50—page 118—... la femme, objet du plaisir...
Elle est esclave chez les Germains même, comme chez les Celtes. C'est la loi commune des âges où règne sans partage la brutalité de la force.
Strabon, Dion, Solin, saint Jérôme, s'accordent sur la licence des mœurs celtiques.—O'Connor dit que la polygamie était permise chez eux; Derrick, qu'ils changeaient de femme une fois ou deux par an; Campion, qu'ils se mariaient pour un an et un jour.—Les Pictes d'Écosse prenaient leurs rois de préférence dans la ligne féminine (Fordun, apud Low, Hist. of Scotland); de même chez les Naïrs du Malabar, dans le pays le plus corrompu de l'Inde, la ligne féminine est préférée, la descendance maternelle semblant seule certaine.—C'est peut-être comme mères des rois que Boadicea et Cartismandua sont reines des Bretons, dans Tacite.—Les lois galloises limitent à trois cas le droit qu'a le mari de battre sa femme (lui avoir souhaité malheur à sa barbe, avoir tenté de le tuer, ou commis adultère). Cette limitation même indique la brutalité des maris.—Cependant l'idée de l'égalité apparaît de bonne heure dans le mariage celtique. Les Gaulois, dit César (B. Gall., lib. VI, 17) apportaient une portion égale à celle de la femme, et le produit du tout était pour le survivant. Dans les lois de Galles, l'homme et la femme pouvaient également demander le divorce. En cas de séparation, la propriété était divisée par moitié. Enfin dans les poésies ossianiques, bien modifiées il est vrai par l'esprit moderne, les femmes partagent l'existence nuageuse des héros. Au contraire, elles sont exclues du Walhalla scandinave.
51—page 119—... qu'un seul doive posséder...
Le partage égal tombe de bonne heure en désuétude dans l'Allemagne; le Nord y reste plus longtemps fidèle. V. Grimm, Alterthümer, p. 475, et Mittermaier, Grundsatze des deutschen Privatrechts, 3e ausg., 1827, p. 730.—J'ai lu dans un voyage (de M. de Staël, si je ne me trompe) une anecdote fort caractéristique. Le voyageur français, causant avec des ouvriers mineurs, les étonna fort en leur apprenant que beaucoup d'ouvriers français avaient un peu de terre qu'ils cultivaient dans les intervalles de leurs travaux. «Mais quand ils meurent, à qui passe cette terre?—Elle est partagée également entre leurs enfants.» Nouvel étonnement des Anglais. Le dimanche suivant, ils mettent aux voix entre eux les questions suivantes: «Est-il bon que les ouvriers aient des terres?» Réponse unanime: «Oui.» «Est-il bon que ces terres soient partagées et ne passent pas exclusivement à l'aîné?» Réponse unanime: «Non.»
52—page 119—Cette loi de succession égale, etc...
V. mon IIIe vol. et les ouvrages de Sommer, Robinson, Palgrave, Dalrymple, Sullivan, Hasted, Low, Price, Logan, les Collectanea de Rebus Hibernicis, et les Usances de Rohan, Brouerec, etc. Blackstone n'y a rien compris.
53—page 120—... une cause continuelle de troubles...
Suivant Turner (Hist. of the Anglo-Saxons, I, 233), ce qui livra la Bretagne aux Saxons, ce fut la coutume du gavelkind, qui subdivisait incessamment les héritages des chefs en plus petites tyrannies. Il en cite deux exemples remarquables.
54—page 120—La petite société du clan, etc...
On sait qu'en Bretagne on donne le titre d'oncle au cousin qui est supérieur d'un degré. Cette coutume tendait évidemment à resserrer les liens de parenté.—En général, l'esprit de clan a été plus fort en Bretagne qu'on ne l'imagine, bien qu'il domine moins chez les Kymry que chez les Gaëls.
55—page 121, note—Les cousins du chef...
Logan, I, 192. Le jeune chef de clan Rannald, venant prendre possession et voyant la quantité de bêtes qu'on avait tuées pour célébrer son arrivée, remarqua que quelques poules auraient suffi. Tout le clan s'insurgea, et déclara qu'il ne voulait rien avoir à faire avec un chef de poules. Les Frasers, qui avaient élevé le jeune chef, livrèrent un combat sanglant où ils furent défaits et le chef tué.
56—page 122—... ils avaient essayé une sorte de république...
Suivant Gildas, p. 8, les Saxons avaient une prophétie selon laquelle ils devaient ravager la Bretagne cent cinquante ans et la posséder cent cinquante (interpolation cambrienne?).
A serpent with chains
Towering and plundering
With armed wings
From Germania...
(Taliesin, p. 94, et apud Turner, I, p. 312.)
Nous rapporterons aussi la fameuse prophétie de Myrdhyn, d'après Geoffroi de Montmouth, qui nous a transmis les traditions religieuses de la Bretagne renfermées autrefois dans les livres d'exaltation, comme disaient les Latins (libri exaltationis):
«Wortigern étant assis sur la rive d'un lac épuisé, deux dragons en sortirent, l'un blanc et l'autre rouge.» Le rouge chasse le blanc; le roi demande à Myrdhyn ce que cela signifie.... Myrdhyn pleure; le blanc c'est le Breton, le rouge c'est le Saxon...—«Le sanglier de Cornouailles foulera leurs cols sous ses pieds. Les îles de l'Océan lui seront soumises, et il possédera les ravins des Gaules. Il sera célèbre dans la bouche des peuples, et ses actions seront la nourriture de ceux qui les diront. Viendra le lion de la justice; à son rugissement trembleront les tours des Gaules et les dragons des îles. Viendra le bouc aux cornes d'or, à la barbe d'argent. Le souffle de ses narines sera si fort qu'il couvrira de vapeurs toute la surface de l'île. Les femmes auront la démarche des serpents, et tous leurs pas seront remplis d'orgueil. Les flammes du bûcher se changeront en cygnes qui nageront sur la terre comme dans un fleuve. Le cerf aux dix rameaux portera quatre diadèmes d'or. Les six autres rameaux seront changés en cornes de bouviers, qui ébranleront, par un bruit inouï, les trois îles de Bretagne. La forêt en frémira, et elle s'écriera par une voix humaine: «Arrive, Cambrie, ceins Cornouailles à ton côté, et dis à Guintonhi: La terre t'engloutira.»
Ce qui précède est emprunté à la traduction qu'en a donnée Edgar Quinet dans les épopées françaises inédites du douzième siècle. Voici la suite:
«Alors il y aura massacre des étrangers. Les fontaines de l'Armorique bondiront, la Cambrie sera remplie de joie, les chênes de Cornouailles verdiront. Les pierres parleront; le détroit des Gaules sera resserré... Trois œufs seront couvés dans le nid, d'où sortiront renard, ours et loup. Surviendra le géant de l'iniquité, dont le regard glacera le monde d'effroi.»
(Galfrid. Monemutensis, l. IV.)
57—page 123—En attendant... elle chante cette grande race...
Voici la plus populaire des chansons galloises: elle est mêlée d'anglais et de gallois.
Doux est le champ du joyeux barde,
Ar hyd y Nôs (toute la nuit);
Doux le repos des pasteurs fatigués,
Ar hyd y Nôs;
Et pour les cœurs oppressés de chagrin,
Obligés d'emprunter le masque de la joie,
Il y a trêve jusqu'au matin,
Ar hyd y Nôs.
(Cambro-Briton, novembre 1819.)
58—page 124—... la puissance de faire des rois, etc..
On couronnait le roi d'Irlande sur une pierre noirâtre, appelée la Pierre du Destin. Elle rendait un son clair, si l'élection était bonne. (Voyez Toland, p. 138.) D'Iona elle fut transportée dans le comté d'Argyle, puis à Scone, où l'on inaugurait les rois d'Écosse. Édouard Ier la fit placer, en 1300, à Westminster, sous le siège du couronnement. Les Écossais conservent l'oracle suivant: «Le peuple libre de l'Écosse fleurira, si cet oracle n'est point menteur: partout où sera la pierre fatale, il prévaudra par le droit du ciel.» Logan, I, 197.—En Danemark et en Suède, comme dans l'Irlande et l'Écosse, c'était sur une pierre qu'on faisait l'inauguration des chefs.—Id., page 198. Sur une belle colline verte, aux environs de Lanark, est une pierre creusée de main d'homme, où siégeait Wallace pour conférer avec ses chefs.
59—page 125—Une moitié du monde celtique perd sa langue, etc...
Voyez le Cambro-Briton (avec cette épigraphe: Kymri fu, Kymri fud).—Plusieurs lois défendaient aux Irlandais de parler le celtique, et de même aux Gallois, vers 1700.—Cambro-Briton, déc. 1821. Dans les principales écoles galloises, surtout dans le Nord, le gallois, loin d'être encouragé, a été depuis plusieurs années défendu sous peine sévère. Aussi les enfants le parlent incorrectement, n'en connaissent point la grammaire, et sont incapables de l'écrire. Mais il semble que les langues celtiques se soient réfugiées dans les académies. En 1711, le pays de Galles avait soixante-dix ouvrages imprimés dans sa langue: il en a aujourd'hui plus de dix mille. Logan, the Scotish Gaël, 1831.—Le costume n'a pas été moins persécuté que la langue. En 1585, le parlement défendit de paraître aux assemblées en habit irlandais. (Toutefois les Irlandais ont quitté leur costume au milieu du dix-septième siècle, plus aisément que les highlanders d'Écosse.)—On lit dans un journal écossais, de 1750, qu'un meurtrier fut acquitté parce que sa victime portait la tartane.
60—page 125—... l'Irlande, l'île des Saints...
Giraldus Cambrensis (Topograph. Hiberniæ, III, c. XXIX) reproche à l'Irlande de ne pas compter parmi ses saints un seul martyr. «Non fuit qui faceret hoc bonum: non fuit usque ad unum!» Moritz, archevêque de Cashel, répondit que l'Irlande pouvait du moins se vanter d'un grand nombre de personnages dont la science avait éclairé l'Europe. «Mais peut-être, ajouta-t-il, aujourd'hui que votre maître, le roi d'Angleterre, tient la monarchie entre ses mains, nous pourrons ajouter des martyrs à la liste de nos saints.»—O'Halloran, Introduct. to the hist. of Ireland. Dublin, 1803, p. 177.
61—page 126—Quatre cent mille Irlandais dans nos armées...
O'Halloran prétend que, d'après les registres du ministère de la guerre, depuis l'an 1691 jusqu'à l'an 1745 inclusivement, quatre cent cinquante mille Irlandais se sont enrôlés sous les drapeaux de la France. Peut-être ceci doit-il s'entendre de tous les Irlandais entrés dans nos armées jusqu'en 1789.
62—page 131—Chez les Germains, le culte des éléments...
Lorsque saint Boniface alla convertir les Hessois... «alii lignis et fontibus clanculo, alii autem aperte sacrificabant, etc.» Acta SS. ord. S. Ben., sect. III, in S. Bonif.
Tacit. Germania, c. XL: «Ils adorent Ertha, c'est-à-dire la Terre-Mère. Ils croient qu'elle intervient dans les affaires des hommes et qu'elle se promène quelquefois au milieu des nations. Dans une île de l'Océan est un bois consacré, et dans ce bois un char couvert dédié à la déesse. Le prêtre seul a le droit d'y toucher; il connaît le moment où la déesse est présente dans ce sanctuaire; elle part traînée par des vaches, et il la suit avec tous les respects de la religion. Ce sont alors des jours d'allégresse; c'est une fête pour tous les lieux qu'elle daigne visiter et honorer de sa présence. Les guerres sont suspendues; on ne prend point les armes; le fer est enfermé. Ce temps est le seul où ces barbares connaissent, le seul où ils aiment la paix et le repos; il dure jusqu'à ce que, la déesse étant rassasiée du commerce des mortels, le même prêtre la rende à son temple. Alors le char et les voiles qui le couvrent, et si on les en croit, la divinité elle-même, sont baignés dans un lac solitaire. Des esclaves s'acquittent de cet office, et aussitôt après le lac les engloutit. De là une religieuse terreur et une sainte ignorance sur cet objet mystérieux, qu'on ne peut voir sans périr.»
Le Castum nemus de Tacite ne serait-il pas l'île Sainte des Saxons, Heiligland, à l'embouchure de l'Elbe, appelée aussi Fosetesland, du nom de l'idole qu'on y adorait (... a nomine dei sui falsi Fosete, Fosetesland est appellata. Acta SS. ord. S. Bened., sect. 1, p. 25)? Les marins la révéraient encore au onzième siècle, selon Adam de Brème. Pontanus la décrit en 1530.—Les Anglais possèdent depuis 1814 cette île danoise, berceau de leurs aïeux (elle a pour armes un vaisseau voguant à pleines voiles); mais la mer, qui a anéanti North-Strandt en 1634, a presque détruit Heiligland en 1649. Elle est formée de deux rocs, comme le Mont-Saint-Michel et le rocher de Delphes. V. Turner, Hist. of the Anglo-Saxons, I, 125.
63—page 132—... des Amali, des Balti...
Jornandès (c. XIII, XIV) a donné la généalogie de Théodoric, le quatorzième rejeton de la race des Amali, depuis Gapt, l'un des Ases ou demi-dieux.—Baltha ou Bold (hardi, brave). «Origo mirifica», dit le même auteur, c. XXIX. C'est à cette race illustre qu'appartenait Alaric.—La famille des Baux, de Provence et de Naples, se disait issue des Balti. Voyez Gibbon, V, 430.
Saxones, Saxen, Sacæ, Asi, Arii?—Turner, I, 115. Saxones, i. e. Sakai-Suna, fils des Sacæ, conquérants de la Bactriane.—Pline dit que les Sakai établis en Arménie s'appelaient Saccassani (l. VI, c. XI); cette province d'Arménie s'appela Saccasena. (Strab., l. XI, p. 776-8). On trouve des Saxoi sur l'Euxin (Stephan de urb. et pop., p. 657). Ptolémée appelle Saxons un peuple scythique sorti des Sakai.
65—page 136—... l'esprit de la race germanique...
Distinguons soigneusement de la Germanie primitive deux formes sous lesquelles elle s'est produite à l'extérieur; premièrement, les bandes aventureuses des barbares qui descendirent au Midi, et entrèrent dans l'Empire comme conquérants et comme soldats mercenaires; deuxièmement, les pirates effrénés qui, plus tard, arrêtés à l'ouest par les Francs, sortirent d'abord de l'Elbe, puis de la Baltique, pour piller l'Angleterre et la France. Les uns et les autres commirent d'affreux ravages. Au premier contact des races, lorsqu'il n'y avait encore ni langues, ni habitudes communes, les maux furent grands sans doute, mais les vaincus n'oublièrent aucune exagération pour ajouter eux-mêmes à leur effroi.
66—page 136—... le mysticisme et l'idéalisme, etc...
J'ai parlé dans un autre ouvrage de la profonde impersonnalité du génie germanique et j'y reviendrai ailleurs. Ce caractère est souvent déguisé par la force sanguine, qui est très remarquable dans la jeunesse allemande; tant que dure cette ivresse de sang, il y a beaucoup d'élan et de fougue. L'impersonnalité est toutefois le caractère fondamental (V. mon Introduction à l'Histoire universelle). C'est ce qui a été admirablement saisi par la sculpture antique, témoin les bustes colossaux des captifs Daces, qui sont dans le Bracchio Nuovo du Vatican et les statues polychromes qu'on voit dans le vestibule de notre Musée. Les Daces du Vatican, dans leurs proportions énormes, avec leur forêt de cheveux incultes, ne donnent point du tout l'idée de la férocité barbare, mais plutôt celle d'une grande force brute, comme du bœuf et de l'éléphant, avec quelque chose de singulièrement indécis et vague. Ils voient sans avoir l'air de regarder, à peu près comme la statue du Nil dans la même salle du Vatican, et la charmante Seine de Vietti, qui est au Musée de Lyon. Cette indécision du regard m'a souvent frappé dans les hommes les plus éminents de l'Allemagne.
67—page 138—Élevée par un guerrier, la vierge, etc...
V. le commencement du Nialsaga.—Salvian. de Provident., liv. VII. «Gotorum gens perfida, sed pudica est. Saxones crudelitate efferi, sed castitate mirandi.»
68—page 139—... la femme cultivait la terre...
Tacit. Germ., c. XV. «Fortissimus quisque... nihil agens, delegatâ domûs et penatium et agrorum curâ feminis senibusque, et infirmissimo cuique ex familiâ.»
69—page 140—Mellobaud, Arbogast, etc...
Zozim., l. IV, ap. Script. Fr. I, 584:—Paul. Oros., l. VII, c. XXXV: «Eugenium tyrannum creare ausus est, legitque hominem, cui titulum imperatoris imponeret, ipse acturus imperium.» Prosper. Aquitan., ann. 394. Marcelin. Chron. ap. Scr. Fr. I, 640.—Claudien (IV Consul. Honor. v. 74) dit dédaigneusement:
Hunc sibi Germanus famulum delegerat exul.
70—page 140—Mériadec, ou Murdoch,...
Triades de l'île, de Bretagne, trad. par Probert, p. 381. «La troisième expédition combinée fut conduite hors de cette île par Ellen, puissant dans les combats, et Cynan, son frère, seigneur de Meiriadog, en l'Armorique, où ils obtinrent terres, pouvoir et souveraineté de l'empereur Maxime, pour le soutenir contre les Romains... et aucun d'eux ne revint, mais ils restèrent là et dans Ystre Gyvaelwg, où ils formèrent une communauté.»—En 462, on voit au concile de Tours un évêque des Bretons.—En 468, Anthemius appelle de la Bretagne et établit à Bourges douze mille Bretons. Jornandès, de Reb. Geticis, c. XLV.—Suivant Turner (Hist. of the Anglo-Sax., p. 282), les Bretons ne s'établirent dans l'Armorique qu'en 532, comme le dit la Chronique du Mont-Saint-Michel.—Au reste, il y eut sans doute de toute antiquité, entre la Grande-Bretagne et l'Armorique, un flux et reflux continuel d'émigrations, motivé par le commerce et surtout par la religion (V. César). On ne peut disputer que sur l'époque d'une colonisation conquérante.
71—page 145—... la bande de plus en plus gagnée à la civilisation romaine...
Procope oppose les Goths aux nations germaniques. De Bello Gothico, l. III, c. XXXIII, ap. Scr. Fr. II, 41.—Paul Orose, ap. Scr. Fr. I. «Blande, mansuete, innocenterque vivunt, non quasi cum subjectis, sed cum fratribus.»
72—page 146—Le nom oriental d'Attila, Etzel...
«Etzel, Atzel, Athila, Athela, Ethela.—Atta, Atti, Aetti, Vater, signifient, dans presque toutes les langues, et surtout en Asie, père, juge, chef, roi.—C'est le radical des noms du roi marcoman Attalus, du Maure Attala, du Scythe Atheas, d'Attalus de Pergame, d'Atalrich, Eticho, Ediko.—Mais il y a un sens plus profond et plus large. Attila est le nom du Volga, du Don, d'une montagne de la province d'Einsiedeln, le nom général d'un mont ou d'un fleuve. Il aurait ainsi un rapport intime avec l'Atlas des mythes grecs.» Jac. Grimm, Aldeutsche Walder, I, 6.
73—page 146—... Attila, avide comme les éléments...
On voit dans Priscus et Jornandès les Grecs et les Romains l'apaiser souvent par des présents (Priscus, in Corp. Hist. Byzantinæ, I, 72.—Genséric le détermine, par des présents, à envahir la Gaule.—Pour réparation d'un attentat à sa vie, il exige une augmentation de tribut, etc.).—Dans le Wilkina-saga, c. LXXXVII, il est appelé le plus avide des hommes; c'est par l'espoir d'un trésor que Chriemhild le décide à faire venir ses frères dans son palais.
74—page 147—... le front percé de deux trous ardents...
Jornandès, de rebus Getic, ap. Duchesne, I, 226: «Formâ brevis, lato pectore, capite grandiori, minutis oculis, rarus barbâ, canis aspersus, simo naso, teter colore, originis suæ signa referens.»—Amm. Marcel., XXXI, 1. «Hunni... pandi, ut bipedes existimes bestias: vel quales in commarginandis pontibus effigiati stipites dolantur incompti.»—Jornandès, c. XXIV. «Species pavendâ nigredine, sed veluti quædam (si dici fas est) offa, non facies, habensque magis puncta quàm lumina.»
75—page 148—... appelé par son compatriote Aétius...
Greg. Tur., l. II, ap. Scr. Fr. I, 163: «Gaudentius, Aetii pater, Scythiæ provinciæ primoris loci.»—Jornandès dit (ap. Scr. Fr. I, 22): «Fortissimorum Mœsiorum stirpe progenitus, in Dorostenâ civitate.»—Aétius avait été otage chez les Huns (Greg. Tur., loc. cit.).—Parmi les ambassadeurs d'Attila étaient Oreste, père d'Augustule, le dernier empereur d'Occident, et le Hun Édecon, père d'Odoacre, qui conquit l'Italie. Voyez la relation de Priscus.
76—page 150—Le chant d'Hildebrand et Hadubrand...
Le chant d'Hildebrand et Hadubrand a été retrouvé et publié en 1812 par les frères Grimm. Ils le croient du huitième siècle. Je ne puis m'empêcher de reproduire ce vénérable monument de la primitive littérature germanique. Il a été traduit par M. Gley (Langue des Francs, 1814) et par M. Ampère (Études hist. de Chateaubriand). J'essaye ici d'en donner une traduction nouvelle.
«J'ai ouï dire qu'un jour, au milieu des combattants, se défièrent Hildibraht et Hathubraht, le père et le fils... Ils arrangeaient leurs armures, se couvraient de leurs cottes d'armes, se ceignaient, bouclaient leurs épées; ils marchaient l'un sur l'autre. Le noble et sage Hildibraht demande à l'autre, en paroles brèves: Qui est ton père entre les hommes du peuple, et de quelle race es-tu? Si tu veux me l'apprendre, je te donne une armure à trois fils. Je connais toute race d'hommes.—Hathubraht, fils d'Hildibraht, répondit: Les hommes vieux et sages qui étaient jadis me disaient que Hildibraht était mon père; moi, je me nomme Hathubraht. Un jour il s'en alla vers l'Orient, fuyant la colère d'Othachr (Odoacre?); il alla avec Théothrich (Théodoric?) et un grand nombre de ses serviteurs. Il laissa au pays une jeune épouse assise dans sa maison, un fils enfant, une armure sans maître, et il alla vers l'Orient. Le malheur croissant pour mon cousin Dietrich, et tous l'abandonnant, lui, il était toujours à la tête du peuple, et mettait sa joie aux combats. Je ne crois pas qu'il vive encore.—Dieu du ciel, seigneur des hommes, dit alors Hildibraht, ne permets point le combat entre ceux qui sont ainsi parents! Il détache alors de son bras une chaîne travaillée en bracelet que lui donna le roi, seigneur des Huns. Laisse-moi, dit-il, te faire ici ce don!—Hathubraht répondit: C'est avec le javelot que je puis recevoir, et pointe contre pointe! Vieux Hun, indigne espion, tu me trompes avec tes paroles. Dans un moment je te lance mon javelot. Vieil homme, espérais-tu donc m'abuser? Ils m'ont dit, ceux qui naviguaient vers l'Ouest, sur la mer des Vendes, qu'il y eut une grande bataille où périt Hildibraht, fils d'Heeribraht.—Alors, reprit Hildibraht, fils d'Heeribraht: Je vois trop bien à ton armure que tu n'es point un noble chef, que tu n'as pas encore vaincu... Hélas! quelle destinée est la mienne! J'erre depuis soixante étés, soixante hivers, expatrié, banni. Toujours on me remarquait dans la foule des combattants; jamais ennemi ne me traîna, ne m'enchaîna dans son fort. Et maintenant, il faut que mon fils chéri me perce de son glaive, me fende de sa hache, ou que moi je devienne son meurtrier. Sans doute, il peut se faire, si ton bras est fort, que tu enlèves à un homme de cœur son armure, que tu pilles son cadavre; fais-le, si tu en as le droit, et qu'il soit le plus infâme des hommes de l'Est, celui qui te détournerait du combat que tu désires. Braves compagnons, jugez dans votre courage lequel aujourd'hui sait le mieux lancer le javelot, lequel va disposer des deux armures.—Là-dessus, les javelots aigus volèrent et s'enfoncèrent dans les boucliers; puis ils en vinrent aux mains, les haches de pierre sonnaient, frappant à grands coups les blancs boucliers. Leurs membres en furent quelque peu ébranlés, non leurs jambes toutefois...»
77—page 151—Les Goths, délestés du clergé des Gaules...
«Cùm jam terror Francorum resonaret in his partibus, et omnes eos amore desiderabili cuperent regnare, sanctus Aprunculus, Lingonicæ civitatis episcopus, apud Burgundiones cœpit haberi suspectus. Cùmque odium de die in diem cresceret, jussum est ut clàm gladio feriretur. Quo ad eum, perlato nuntio, nocte a castro Divionensi... demissus, Arvernis advenit ibique... datus est episcopus.—Multi jam tunc ex Galliis habere Francos dominos summo desiderio cupiebant. Unde factum est, ut Quintianus Ruthenorum episcopus... ab urbe depelleretur. Dicebant enim ei: «quia desiderium tuum est, ut Francorum dominatio teneat terram hanc...» Orto inter eum et cives scandalo, Gotthos qui in hâc urbe morabantur, suspicio attigit, exprobrantibus civibus quod velit se Francorum ditionibus subjugare; consilioque accepta, cogitaverunt eum perfodere gladio. Quod cùm viro Dei nuntiatum fuisset, de nocte consurgens, ab urbe Ruthenâ egrediens, Arvernos advenit. Ibique à sancto Eufrasio episcopo... benigne susceptus est, decedente ab hoc mundo Apollinari, cùm hæc Theodorico regi nuntiata fuissent, jussit inibi sanctum Quintianum constitui... dicens: Hic ob nostri amoris zelum ab urbe suâ ejectus est.—Hujus tempore jam Chlodovechus regnabat in aliquibus urbibus in Galliis, et ob hanc causam hic pontifex suspectus habitus à Gotthis, quod se Francorum ditionibus subdere vellet, apud urbem Tholosam exilio condemnatus, in eo obliit... Septimus Turonum episcopus Volusianus... et octavus Verus... pro memoratæ causæ zelo suspectus habitus à Gotthis in exilium deductus vitam finivit.» Greg. Tur., lib. II, c. XXIII, XXVI; l. X, c. XXXI. V. aussi c. XXVI et Vit. Fartr. ap. Scr. Fr., t. III, p. 408.
En 254, sous Gallien, les Francs avaient envahi la Gaule et percé à travers l'Espagne jusqu'en Mauritanie. (Zozime, l. I, p. 646. Aurel. Victor, c. XXXIII.) En 277, Probus les battit deux fois sur le Rhin et en établit un grand nombre sur les bords de la mer Noire. On sait le hardi voyage de ces pirates, qui partirent, ennuyés de leur exil, pour aller revoir leur Rhin, pillant sur la route les côtes de l'Asie, de la Grèce et de la Sicile, et vinrent aborder tranquillement dans la Frise ou la Batavie (Zozime, I, 666).—En 293, Constance transporta dans la Gaule une colonie franque.—En 358, Julien repoussa les Chamaves au delà du Rhin et soumit les Saliens, etc.—Clovis (ou mieux Hlodwig) battit Syagrius en 486.—Greg. Tur., l. II, c. IX: «Tradunt multi eosdem de Pannoniâ fuisse digressos, et primùm quidem litora Rheni amnis incoluisse: dehinc transacto Rheno, Thoringiam transmeasse.»
79—page 152—... les Francs dans les armées impériales...
Amm. Marcellin, l. XV, ad ann. 355... «Franci, quorum eâ tempestate in Palatio multitude florebat...»—Lorsque l'empereur Anastase envoya plus tard à Clovis les insignes du consulat, les titres romains étaient déjà familiers aux chefs des Francs.—Agathias dit, peu après, que les Francs sont les plus civilisés des barbares, et qu'ils ne diffèrent des Romains que par la langue et le costume.—Ce n'est pas à dire que ce costume fût dépourvu d'élégance. «Le jeune chef Sigismer, dit Sidonius Apollinaris, marchait précédé ou suivi de chevaux couverts de pierreries étincelantes; il marchait à pied, paré d'une soie de lait, brillant d'or, ardent de pourpre; avec ces trois couleurs s'accordaient sa chevelure, son teint et sa peau. Les chefs qui l'entouraient étaient chaussés de fourrures. Les jambes et les genoux étaient nus. Leurs casaques élevées, étroites, bigarrées de diverses couleurs, descendaient à peine aux jarrets, et les manches ne couvraient que le haut du bras. Leurs saies vertes étaient bordées d'une bande écarlate. L'épée, pendant de l'épaule à un long baudrier, ceignait leurs flancs couverts d'une rhénone. Leurs armes étaient encore une parure.» Sidon. Apollin., l. IV, Epist. XX, ap. Scr. Fr. I, 793.—«Dans le tombeau de Childéric Ier, découvert en 1653 à Tournai, on trouva autour de la figure du roi son nom écrit en lettres romaines, un globe de cristal, un stylet avec des tablettes, des médailles de plusieurs empereurs... Il n'y a rien dans tout cela de trop barbare.» Chateaubriand, Études historiques, III, 212.—Saint Jérôme (dans Frédégaire) croit les Francs, comme les Romains, descendants des Troyens, et rapporte leur origine à un Francion, fils de Priam. «De Francorum vero regibus, beatus Hieronimus, qui jam olim fuerant, scripsit quod prius... Priamum habuisse regem... cùm Troja caperetur... Europam media ex ipsis pars cum Francione eorum rege ingressa fuit... cum uxoribus et liberis Rheni ripam occuparunt... Vocati sunt Franci, multis post temporibus, cum ducibus externas dominationes semper negantes.» Fredeg., c. II.—On sait combien cette tradition a été vivement accueillie au moyen âge.
80—page 154—Ce n'est pas en qualité de chef national, etc...
Plusieurs critiques anglais et allemands pensent maintenant, comme l'abbé Dubos, que la royauté des Francs n'avait rien de germanique, mais qu'elle était une simple imitation des gouverneurs impériaux, præsides, etc. Voy. Palgrave, Upon the Commonwealth of the England, 1832, Ier vol.—En 406, les Francs avaient tenté vainement de défendre les frontières contre la grande invasion des barbares, et à plusieurs reprises ils avaient obtenu des terres comme soldats romains. Sismondi, I, 174.—Enfin, les Bénédictins disent dans leurs préface (Scr. r. Fr. I, LIII): «Il n'y a rien, ni dans l'histoire, ni dans les lois des Francs, dont on puisse inférer que les habitants des Gaules aient été dépouillés d'une partie de leurs terres pour former des terres saliques aux Francs.»
81—page 155—Les Francs s'unissaient sous le chef le plus brave...
Les passages suivants montrent à quel point ils étaient indépendants de leurs rois: «Si tu ne veux pas aller en Bourgogne avec tes frères, disent les Francs à Théodoric, nous te laisserons là et nous marcherons avec eux.» Greg. Tur., l. III, c. XI.—Ailleurs les Francs veulent marcher contre les Saxons qui demandent la paix.—«Ne vous obstinez pas à aller à cette guerre où vous vous perdrez, leur dit Clotaire Ier; si vous voulez y aller, je ne vous suivrai pas.» Mais alors les guerriers se jetèrent sur lui, mirent en pièces sa tente, l'en arrachèrent de force, l'accablèrent d'injures, et résolurent de le tuer s'il refusait de partir avec eux. Clotaire, voyant cela, alla avec eux, malgré lui.» Ibid., l. IV, c. XIV.—Le titre de roi était primitivement de nulle conséquence chez les barbares. Ennodius, évêque de Paris, dit d'une armée du grand Théodoric: Il y avait tant de rois dans cette armée, que leur nombre était au moins égal à celui des soldats qu'on pouvait nourrir avec les subsistances exigées des habitants du district où elle campait.»
82—page 155—Clovis embrassa le culte de la Gaule romaine...
Greg. Tur., l. II, c. XXXI.—Sigebert et Chilpéric n'épousent Brunehaut et Galswinthe qu'après leur avoir fait abjurer l'arianisme.—Chlotsinde, fille de Clotaire Ier; Ingundis, femme d'Ermengild; Berthe, femme du roi de Kent, convertirent leurs maris.
83—page 161—Clovis fit périr tous les petits rois des Francs...
Il envoya secrètement dire au fils du roi de Cologne, Sigebert-le-Boiteux: «Ton père vieillit et boite de son pied malade. S'il mourait, je te rendrais son royaume avec mon amitié...» Chlodéric envoya des assassins contre son père et le fit tuer, espérant obtenir son royaume... Et Clovis lui fit dire: «Je rends grâces à ta bonne volonté, et je te prie de montrer tes trésors à mes envoyés; après quoi tu les posséderas tous.» Chlodéric leur dit: «C'est dans ce coffre que mon père amassait ses pièces d'or.» Ils lui dirent: «Plonge ta main jusqu'au fond pour trouver tout.» Lui l'ayant fait et s'étant tout à fait baissé, un des envoyés leva sa hache et lui brisa le crâne.—Clovis, ayant appris la mort de Sigebert et de son fils, vint dans cette ville, convoqua le peuple, et dit: «Je ne suis nullement complice de ces choses, car je ne puis répandre le sang de mes parents; cela est défendu. Mais puisque tout cela est arrivé, je vous donnerai un conseil; voyez s'il peut vous plaire. Venez à moi, et mettez-vous sous ma protection.» Le peuple applaudit avec grand bruit de voix et de boucliers, l'éleva sur le pavois, et le prit pour roi.—Il marcha ensuite contre Chararic..., le fit prisonnier avec son fils, et les fit tondre tous les deux. Comme Chararic pleurait, son fils lui dit: «C'est sur une tige verte que ce feuillage a été coupé, il repoussera et reverdira bien vite. Plût à Dieu que pérît aussi vite celui qui a fait tout cela!» Ce mot vint aux oreilles de Clovis... Il leur fit à tous deux couper la tête. Eux morts, il acquit leur royaume, et leurs trésors, et leur peuple.—Ragnacaire était alors roi à Cambrai... Clovis, ayant fait faire des bracelets et des baudriers de faux or (car ce n'était que du cuivre doré), les donna aux leudes de Ragnacaire pour les exciter contre lui... Ragnacaire fut battu et fait prisonnier avec son fils Richaire... Clovis lui dit: «Pourquoi as-tu fait honte à notre famille en te laissant enchaîner? Mieux valait mourir.» Et levant sa hache, il la lui planta dans la tête. Puis se tournant vers Richaire, il lui dit: «Si tu avais secouru ton père, il n'eût pas été enchaîné.» Et il le tua de même d'un coup de hache.—Rignomer fut tué par son ordre dans la ville du Mans... Ayant tué de même beaucoup d'autres rois et ses plus proches parents, il étendit son royaume sur toutes les Gaules. Enfin, ayant un jour assemblé les siens, il parla ainsi de ses parents qu'il avait lui-même fait périr: «Malheureux que je suis, resté comme un voyageur parmi des étrangers, et qui n'ai plus de parents pour me secourir si l'adversité venait!» Mais ce n'était pas qu'il s'affligeât de leur mort; il ne parlait ainsi que par ruse et pour découvrir s'il avait encore quelque parent, afin de le tuer.» Greg. Tur., l. II, XLII.
84—page 168—Le climat fit justice de ces barbares...
L'expédition de Theudebert ne fut pas la dernière des Francs en Italie. En 584, le roi Childebert alla en Italie; ce qu'apprenant les Lombards, et craignant d'être défaits par son armée, ils se soumirent à sa domination, lui firent beaucoup de présents, et promirent de lui demeurer fidèles et soumis. Le roi, ayant obtenu d'eux ce qu'il désirait, retourna dans les Gaules, et ordonna de mettre en mouvement une armée qu'il fit marcher en Espagne. Cependant il s'arrêta. L'empereur Maurice lui avait donné, l'année précédente, cinquante mille sols d'or pour chasser les Lombards de l'Italie. Ayant appris qu'il avait fait la paix avec eux, il redemanda son argent; mais le roi, se confiant en ses forces, ne voulut pas seulement lui répondre là-dessus.» Greg. Tur., l. VI, c. XLII.
85—page 169—Les Saxons se tourneront vers l'Océan...
Sidon. Apollin., l. VIII, Epist. IX: «Istic (à Bordeaux) Saxona cærulum videmus assuetum antè salo, solum timere. «Carmen VIII:
Quin et Armoricus piratam Saxona tractus
Sporabat, cui pelle salum sulcare Britannum
Ludus, et assuto glaucum mare findere lembo.
86—page 169—Les successeurs de Clovis s'abandonnent aux conseils des Romains...
Clovis lui-même choisit des Romains pour les envoyer en ambassade, Aurelianus en 481, Paternus en 507 (Greg. Tur. Epist., c. XVIII, XXV). On rencontre une foule de noms romains autour de tous les rois germains: un Aridius est le conseiller assidu de Gondebaud (Greg. Tur., l. II, c. XXXII).—Arcadius, sénateur arverne, appelle Childebert Ier dans l'Auvergne et s'entremet pour le meurtre des enfants de Clodomir (Id., l. III, c. IX, XVIII).—Asteriolus et Secundinus, «tous deux sages et habiles dans les lettres et la rhétorique,» avaient beaucoup de crédit (en 547) auprès de Theudebert (Ibid., c. XXXIII).—Un ambassadeur de Gontran se nomme Félix (Greg. Tur., l. VIII, c. XIII); son référendaire, Flavius (l. V, c. XLVI). Il envoie un Claudius pour tuer Eberulf dans Saint-Martin de Tours (l. VII, c. XXIX).—Un autre Claudius est chancelier de Childebert II (Greg. de Mirac. S. Martini, l. IV).—Un domestique de Brunehaut se nomme Flavius (Greg. Tur., l. IX, c. XIX). À son favori Protadius succède «le Romain Claudius, fort lettré et agréable conteur» (Fredegar., c. XXVIII). Dagobert a pour ambassadeurs Servatus et Paternus, pour généraux Abundantius et Venerandus, etc. (Gesta Dagoberti, passim)... etc., etc.—Sans doute plus d'un roi mérovingien perdit dans ce contact avec les vaincus la rudesse barbare, et voulut apprendre avec ses favoris l'élégance latine: Fortunat écrit à Charibert:
Floret in eloquio lingua latina tuo.
Qualis es in proprià docto sermone loquelà
Qui nos Romano vincis in eloquio?
—«Sigebertus erat elegans et versutus.»—Sur Chilpéric, V. plus bas.—Les Francs semblent avoir eu de bonne heure la perfidie byzantine: «Franci mendaces, sed hospitales (sociables?).» Salvian., l. VII, p. 169. «Si pejeret Francus, quid novi faceret; qui perjurium ipsum sermonis genus esse putat, non criminis.» Salvian., l. IV, c. XIV.—«Franci, quibus familiare est ridendo fidem frangere.» Flav. Vopiscus in Proculo.
87—page 171—Le Romain Mummole bat les Saxons...
Lorsque les Saxons rentrèrent dans leur pays, ils trouvèrent la place prise: «Au temps du passage d'Alboin en Italie, Clotaire et Sigebert avaient placé, dans le lieu qu'il quittait, des Suèves et d'autres nations; ceux qui avaient accompagné Alboin, étant revenus du temps de Sigebert, s'élevèrent contre eux et voulurent les chasser et les faire disparaître du pays; mais eux leur offrirent la troisième partie des terres, disant: «Nous pouvons vivre ensemble sans nous combattre.» Les autres, irrités parce qu'ils avaient auparavant possédé ce pays, ne voulaient aucunement entendre à la paix. Les Suèves leur offrirent alors la moitié des terres, puis les deux tiers, ne gardant pour eux que la troisième partie. Les autres le refusant, les Suèves leur offrirent toutes les terres et tous les troupeaux, pourvu seulement qu'il renonçassent à combattre; mais ils n'y consentirent pas, et demandèrent le combat. Avant de le livrer, ils traitèrent entre eux du partage des femmes des Suèves, et de celle qu'aurait chacun après la défaite de leurs ennemis qu'ils regardaient déjà comme morts; mais la miséricorde de Dieu, qui agit selon sa justice, les obligea de tourner ailleurs leurs pensées; le combat ayant été livré, sur vingt-six mille Saxons, vingt mille furent tués, et des Suèves, qui étaient six mille quatre cents, quatre-vingts seulement furent abattus, et les autres obtinrent la victoire. Ceux des Saxons qui étaient demeurés après la défaite jurèrent, avec des imprécations, de ne se couper ni la barbe ni les cheveux jusqu'à ce qu'ils se fussent vengés de leurs ennemis; mais ayant recommencé le combat, ils éprouvèrent encore une plus grande défaite, et ce fut ainsi que la guerre cessa.» Greg. Tur., l. V, c. XV. V. aussi Paul Diacre, De Gestis Langobardorum, ap. Muratori, I.
88—page 173—Frédégonde, entourée de superstitions païennes...
Une affranchie, possédée de l'esprit de Python, riche, vêtue d'habits magnifiques, se réfugie auprès de Frédégonde. (Greg. Tur., l. VII, CXLIV.)—Claudius promet à Frédégonde et à Gontran de tuer Eberulf, meurtrier de Chilpéric, dans la basilique de Tours: «Et cùm iter ageret, ut consuetudo est barbarorum, auspicia intendere cœpit. Simulque interrogare multos si virtus beati Martini de præsenti manifestaretur in perfidis.» C. XXIX.
Le paganisme est encore très fort à cette époque. Dans un concile où assistèrent Sonnat, évêque de Reims, et quarante évêques, on décide «que ceux qui suivent les augures et autres cérémonies païennes, ou qui font des repas superstitieux avec des païens, soient d'abord doucement admonestés et avertis de quitter leurs anciennes erreurs; que s'ils négligent de le faire, et se mêlent aux idolâtres et à tous ceux qui sacrifient aux idoles, ils soient soumis à une pénitence proportionnée à leur faute.» Flodoard, l. II, c. V.—Dans Grégoire de Tours (l. VIII, c. XV), saint Wulfilaïc, ermite de Trèves, raconte comment il a renversé (en 585) la Diane du lieu et les autres idoles.—Les conciles de Latran, en 402, d'Arles, en 452, défendent le culte des pierres, des arbres et des fontaines. On lit dans les canons du concile de Nantes, en 658: «Summo decertare debent studio episcopi et eorum ministri, ut arbores dæmonibus consecratæ quas vulgus colit, et in tantâ veneratione habet ut nec ramum nec surculum indè audeat amputare, radicitus excindantur atque comburantur. Lapides quoque quos in ruinosis locis et silvestribus dæmonum ludificationibus decepti venerantur, ubi et vota vovent et deferunt, funditus effodiantur, atque in tali loco projiciantur, ubi nunquàm a cultoribus suis inveniri possint. Omnibusque interdicatur ut nullus candelam vel aliquod munus alibi deferat nisi ad ecclesiam Domino Deo suo...» Sirmund., t. III, Conc. Galliæ. V. aussi le vingt-deuxième canon du Concile de Tours, en 567, et les Capitulaires de Charlemagne, ann. 769.
89—page 176—Chilpéric faisait des vers en langue latine...
Greg. Tur., liv. VII, CXLV.—«Sed versiculi illi, dit Grégoire de Tours, nulli penitus metricæ conveniunt rationi.» Liv. V, c. XLV.—Cependant la tradition lui attribue l'épitaphe suivante sur Saint-Germain-des-Prés:
Ecclesiæ speculum, patriæ vigor, ara reorum,
Et pater, et medicus, pastor amorque gregis,
Germanus virtute, fide, corde, ore beatus,
Carne tenet tumulum, mentis honore polum.
Vir cui dura nihil nocuerunt fata sepulcri:
Vivit enim, nam mors quem tulit ipsa timet.
Crevit adhùc potiùs justus post funera; nam qui
Fictile vas fuerat, gemma superna micat.
Hujus opem et meritum mutis data verba loquuntur,
Redditus et cæcis prædicat ore dies.
Nunc vir apostolicus, rapiens de carne trophæum,
Jure triumphali considet arce throni.
(Apud Aimoin., l. III, c. x.)
Il ajouta des lettres à l'alphabet... «et misit epistolas in universas civitates regni sui, ut sic pueri docerentur, ac libri antiquitus scripti, planatipumice rescriberentur.» Greg. Tur., l. V, XLV.
90—page 176—... combien il ménageait l'Église...
Voy. dans Grég. de Tours (l. VI, c. XXII) sa clémence envers un évêque qui avait dit, entre autres injures, qu'en passant du royaume de Gontran dans celui de Chilpéric, il passait de paradis en enfer.—Cependant, ailleurs il se plaint amèrement des évêques (ibid., l. VI, c. XLVI): «Nullum plus odio habens quàm ecclesias: aiebat enim plerùmque: Ecce pauper remansit fiscus noster, ecce divitiæ nostræ ad ecclesias sunt translatæ; nulli penitus, ni soli episcopi regnant: periit honor noster, et transiit ad episcopos civitatum.»
91—page 186—Les grands du Midi accueillirent Gondovald...
«Comme Gondovald cherchait de tous côtés des secours, quelqu'un lui raconta qu'un certain roi d'Orient, ayant enlevé le pouce du martyr saint Serge, l'avait implanté dans son bras droit, et que lorsqu'il était dans la nécessité de repousser ses ennemis, il lui suffisait d'élever le bras avec confiance; l'armée ennemie, comme accablée de la puissance du martyr, se mettait en déroute. Gondovald s'informa avec empressement s'il y avait quelqu'un en cet endroit qui eût été jugé digne de recevoir quelques reliques de saint Serge. L'évêque Bertrand lui désigna un certain négociant nommé Euphron, qu'il haïssait, parce qu'avide de ses biens, il l'avait fait raser autrefois, malgré lui, pour le faire clerc, mais Euphron passa dans une autre ville et revint lorsque ses cheveux eurent repoussé. L'évêque dit donc: «Il y a ici un certain Syrien nommé Euphron, qui, ayant transformé sa maison en une église, y a placé les reliques de ce saint; et, par le pouvoir du martyr, il a vu s'opérer plusieurs miracles, car, dans le temps que la ville de Bordeaux était en proie à un violent incendie, cette maison, entourée de flammes, en fut préservée.» Aussitôt Mummole courut promptement avec l'évêque Bertrand à la maison du Syrien, y pénétra de force, et lui ordonna de montrer les saintes reliques. Euphron s'y refusa; mais, pensant qu'on lui tendait des embûches par méchanceté, il dit: «Ne tourmente pas un vieillard et ne commets pas d'outrages envers un saint; mais reçois ces cent pièces d'or et retire-toi.» Mummole insistant, Euphron lui offrit deux cents pièces d'or; mais il n'obtint point à ce prix qu'ils se retirassent sans avoir vu les reliques. Alors Mummole fit dresser une échelle contre la muraille (les reliques étaient cachées dans une châsse au haut de la muraille, contre l'autel), et ordonna au diacre d'y monter. Celui-ci, étant donc monté au moyen de l'échelle, fut saisi d'un tel tremblement lorsqu'il prit la châsse, qu'on crut qu'il ne pourrait descendre vivant. Cependant, ayant pris la châsse attachée à la muraille, il l'emporta. Mummole, l'ayant examinée, y trouva l'os du doigt du saint, et ne craignit pas de le frapper d'un couteau. Il avait placé un couteau sur la relique et frappait dessus avec un autre. Après bien des coups qui eurent grand'peine à le briser, l'os, coupé en trois parties, disparut soudainement. La chose ne fut pas agréable au martyr, comme la suite le montra bien.»—Ces Romains du Midi respectaient les choses saintes et les prêtres bien moins que les hommes du Nord. On voit un peu plus loin qu'un évêque ayant insulté le prétendant à table, les ducs Mummole et Didier l'accablèrent de coups.—Greg. Tur., l. VII, ap. Scr. Rer. Fr., t. II, p. 302.
92—page 197—Dagobert, le Salomon des Francs...
Fredegar., c. LX: «Luxuriæ suprà modum deditus, tres habebat, ad instar Salomonis, reginas, maximè et plurimas concubinas... Nomina concubinarum, eò quod plures fuissent, increvit huic chronicæ inseri.»
93—page 198—Les Saxons défaits par les Francs, etc...
Gesta Dagob., c. I. ap. Scr. Rer. Fr., II, 580. «Clotharius tum præcipue illud memorabile suæ potentiæ posteris reliquit indicium, quod rebellantibus adversus se Saxonibus, ita eos armis perdomuit, ut omnes virilis sexus ejusdem terræ incolas, qui gladii, quem tùm forte gerebat, longitudinem excesserint, peremerit.»
94—page 198—... le Franc Samo...
Fredegar., c. XLVIII. «Homo quidam, nomine Samo, natione Francus, de pago Sennonago, plures secum negotiantes adscivit; ad exercendum negotium in Sclavos, cognomento Winidos, perrexit. Sclavi jàm contra Avaros, cognomento Chunos... cœperant bellare... Cùm Chuni in exercitu contra gentem quamlibet adgrediebant, Chuni pro castris adunato illorum exercitu stabant; Winidi vero pugnabant, etc... Chuni ad hyemandum annis singulis in Sclavos veniebant; uxores Sclavorum et filias eorum stratu sumebant... Winidi, cernentes utilitatem Samonis, eum super se eligunt regem. Duodecim uxores ex genere Winidorum habebat.»
95—page 198—Les Avares défaits par une perfidie...
Fredegar., c. LXXII: «Cùm dispersi per domos Bajoariorum ad hyemandum fuissent, consilio Francorum Dagobertus Bajoariis jubet ut Bulgaros illos cum uxoribus et liberis unusquisque in domo suâ in unâ nocte Bajoarii interficerent: quod protinùs a Bajoariis est impletum.»
96—page 199—... des chorévêques...
Τοῦ χώρου ἐπίσχοποι,—Dans les Capitulaires de Charlemagne, on les nomme: «Episcopi villani;»—Hincmar, opusc. 33, c. XVI: vicani.—Canones Arabici Nicænæ Synodi: «Chorepiscopus est loco episcopi, super villas et monasteria, et sacerdotes villarum.»—Voy. le Glossaire de Ducange, t. II.
97—page 199—Les évêques du Midi, trop civilisés...
Saint Domnole, aimé de Clotaire pour avoir souvent caché ses espions du vivant de Childebert, allait en récompense être élevé au siège d'Avignon. Mais il supplie le roi «ne permitteret simplicitatem illius inter senatores sophisticos ac judices philosophicos fatigari». Clotaire le fit évêque du Mans. Greg. Turon., l. VI, c. IX.
98—page 207—«Les Irlandais sont meilleurs astronomes, etc...»
Dans l'île d'Anglesey, il y a deux places appelées encore le Cercle de l'Astronome, Cærrig-Bruydn, et la Cité des Astronomes, Cær-Edris. Rowland, Mona antiqua, p. 84. Low, Hist. of Scotl., p. 277.
99—page 207—En Irlande on baptisait avec du lait...
Carpentier, Suppl. au Gloss. de Ducange: In Hyberniâ lac adhibitum fuisse ad baptizandos divitum filios, qui domi baptizabantur, testis est Bened, abbas Petroburg.» T. I, p. 30. (On plongeait trois fois les enfants dans de l'eau, ou dans du lait si les parents étaient riches; le Concile de Cashel (1171) ordonna de baptiser à l'église.)—Ex Concil. Neocesariensi, in vet. Pœnitentiali, discimus infantem posse baptizari inclusum in utero materno, cujus hæc sunt verba: «Prægnans mulier baptizetur, et postea infans.»—On voyait souvent en Irlande des évêques mariés. O'Halloran, t. III.—Au neuvième siècle, les Bretons se rapprochaient par la liturgie et la discipline de l'Église bretonne anglaise. Louis-le-Débonnaire, remarquant que les religieux de l'abbaye de Landévenec portaient la tonsure dans la forme usitée chez les Bretons insulaires, leur ordonna de se conformer en cela, comme en tout, aux décisions de l'Église de Rome. D. Lobineau, preuves II, 26.—D. Morice, preuves I, 228.
100—page 210—Saint Colomban dans les Vosges, etc...
Nous avons son éloquente réponse à un concile assemblé contre lui.—Biblioth. max. Patrum, III, Epist. 2, ad Patres cujusdam gallicanæ super quæstiones paschæ congregatæ: «Unum deposco a vestrâ sanctitate ut... quia hujus diversitatis author non sim, ac pro Christo salvatore, communi Domino ac Deo, in has terras peregrinus processerim, deprecor vos per communem Dominum qui judicaturum... ut mihi liceat cum vestrâ pace et charitate in his sylvis silere et vivere juxtà ossa nostrorum fratrum decem et septem defunctorum, sicut usque nunc licuit nobis inter vos vixisse duodecim annis... Capiat nos simul, oro, Gallia, quos capiet regnum cœlorum, si boni simus meriti. Confiteor conscientiæ meæ secreta, quod plus credo traditioni patriæ meæ...»
101—page 213—La règle de saint Colomban...
Bibl. max. PP., XII, p. 2. La base de la discipline est l'obéissance absolue, jusqu'à la mort. «Obedientia usque ad quem modum definitur? Usque ad mortem certe, quia Christus usque ad mortem obedivit Patri pro nobis.»—Quelle est la mesure de la prière?: «Est vera orandi traditio, ut possibilitas ad hoc destinati sine fastidio voti prævaleat.» Celui qui perd l'hostie aura pour punition un an de pénitence.—Qui la laisse manger aux vers, six mois.—Qui laisse le pain consacré devenir rouge, vingt jours.—Qui le jette dans l'eau par mépris, quarante jours.—Qui le vomit par faiblesse d'estomac, vingt jours;—par maladie, dix jours.—Six coups, douze coups, douze psaumes à réciter, etc., pour celui qui n'aura pas répondu amen au bénédicité, qui aura parlé en mangeant, qui n'aura pas fait le signe de la croix sur sa cuiller (qui non signaverit cochlear quo lambit), ou sur la lanterne allumée par un plus jeune frère.—Cent coups à celui qui fait un ouvrage à part.—Dix coups à celui qui a frappé la table de son couteau ou qui a répandu de la bière.—Cinquante à celui qui ne s'est pas courbé pour prier, qui n'a pas bien chanté, qui a toussé en entonnant les psaumes, qui a souri pendant l'oraison, ou qui s'amuse à conter des histoires.—Celui qui raconte un péché déjà expié sera mis au pain et à l'eau pour un jour (pour que l'on ne réveille pas en soi les tentations passées?).—«Si quis monachus dormierit in unâ domo cum muliere, duos dies in pane et aquâ; si nescivit quod non debet, unum diem.—Castitas vera monachi in cogitationibus judicatur... et quid prodest virgo corpore, si non sit virgo mente?»
102—page 213—Saint Gall resta en Suisse...
Pour se dispenser de suivre Colomban en Italie, saint Gall prétendait avoir la fièvre... «Ille vero existimans eum pro laboribus ibi consummandis amore loci detentum, viæ longioris detrectare laborem, dicit ei: Scio, frater, jam tibi onerosum esse tantis pro me laboribus fatigari; tamen hoc discessurus denuntio, ne, vivente me in corpore, missam celebrare præsumas.»—Un ours vint servir saint Gall dans sa solitude, et lui apporter du bois pour entretenir son feu. Saint Gall lui donna un pain: «Hoc pacto montes et colles circumpositos habeto communes.» Poétique symbole de l'alliance de l'homme et de la nature vivante dans la solitude.
103—page 216—Le maire du palais choisi par le roi...
«In infantiâ Sigiberti omnes Austrasii, cùm eligerent Chrodinum majorem domûs... Ille respuens... Tunc Gogonem eligunt.» Greg. Tur., Epitom., c. LVIII.—Ann. 628. «Defuncto Gundoaldo..., Dagobertus rex Erconaldum, virum illustrem, in majorem domûs statuit...»—656. «Defuncto Erconaldo..., Franci, in incertum vacillantes, præfinito consilio Ebruino hujus honoris altitudine majorem domo in aulâ regis statuunt» (Dagobert était mort et ils avaient élu pour roi Clotaire III). Gesta Reg. Fr., c. XXLII, XLV.—626. «Clotarius II... cum proceribus et leudis Burgundiæ Trecassis conjungitur, cùm eos sollicitâsset, si vellent mortuo jàm Warnachario, alium in ejus honoris gradum sublimare. Sed omnes, unanimiter denegantes, se nequaquàm velle majorem domus eligere, regisgratiam obnixe petentes cum rege transigere...» Fredegar., c. LIV, ap. Scr. Fr., II, 435.—641. «Flaochatus, genere Francus, Major domûs in regnum Burgundiæ, electione pontificum et cunctorum ducum, à Nantichilde reginâ in hunc gradum honoris nobiliter stabilitur.» Id. c. LXXXIX, ibid. 447.—M. Pertz, dans son ouvrage intitulé: «Geschichte der Merowingischen Hausmeier (1819),» a réuni tous les noms par lesquels on désignait les maires du palais:—Major domûs regiæ, domûs regalis, domûs palatii, domûs in palatio, palatii, in aulâ.—Senior domûs.—Princeps domûs.—Princeps palatii.—Præpositus palatii.—Præfectus domûs regiæ.—Præfectus palatii.—Præfectus aulæ.—Rector palatii.—Nutritor et bajulus regis? (Fredeg. c. LXXXVI.)—Rector aulæ, imo totius regni.—Gubernator palatii.—Moderator palatii.—Dux palatii, Custos palatii et Tutor regni.—Subregulus.—Ainsi le maire devient presque le roi, et réciproquement gouverner le royaume s'exprima par gouverner le palais. «Bathilda regina, quæ cum Chlotario, filio Francorum, regebat palatium.»
104—page 221—Frédégaire exprime cet affaissement...
Fredegarius, ap. Scr. Rer. Fr. II, 414: «Optaveram et ego ut mihi succumberet talis dicendi facundia, ut vel paululum esset ad instar. Sed rarius hauritur, ubi non est perennitas aquæ. Mundus jàm senescit, ideoque prudentiæ acumen in nobis tepescit, nec quisquam potest hujus temporis, nec præsumit oratoribus præcedentibus esse consimilis.»
105—page 223—Arnulf né d'un père aquitain et d'une mère suève...
Acta SS. ord. S. Ben., sæc. II.—Dans une Vie de saint Arnoul, par un certain Umno, qui prétend écrire par ordre de Charlemagne, il est dit: «Carolus... cui fuerat trivatus Arnolfus.—... regem Chlotarium, cujus filiam, Bhlithildem nomine, Ansbertus, vir aquitanicus præpotens divitiis et genere, in matrimonium accepit, de quâ Burtgisum genuit, patrem B. hujus Arnulfi.»—Et plus loin: «Natus est B. Arnulfus aquitanico patre, sueviâ matre in castro Lacensi (à Lay, diocèse de Tulle), in comitatu Calvimontensi.»
106—page 223—... la famille des Ferroli...
V. Lefebvre, Disquisit., et Valois, Rerum. Fr. lib. VIII et XVII. On trouve dans l'ancienne vie de saint Ferréol: «Sanctus Ferreolus, natione Narbonensis a nobilissimis parentibus originem duxit; hujus genitor Anspertus, ex magno senatorum genere prosapiam nobilitatis deducens, accepit Chlotarii, regis Francorum, filiam, vocabulo Blitil.»—Le moine Ægidius, dans ses additions à l'histoire des évêques d'Utrecht, composée par l'abbé Harigère, dit que Bodegisile ou Boggis, fils d'Anspert, possédait cinq duchés en Aquitaine. D'après cette généalogie, les guerres de Charles-Martel et Eudes, de Pepin et d'Hunald, auraient été des guerres de parents.
107—page 223—...des mariages des familles ostrasiennes et aquitaines...
V. l'importante charte de 845 (Hist. du Lang., I, preuves, p. 85, et notes, p. 688. L'authenticité en a été contestée par M. Rabanis). Les ducs d'Aquitaine Boggis et Bertrand épousèrent les Ostrasiennes Ode et Bhigberte. Eudes, fils de Boggis, épousa l'Ostrasienne Waltrude. Ces mariages donnèrent occasion à saint Hubert, frère d'Eudes, de s'établir en Ostrasie, sous la protection de Pepin, et d'y fonder l'évêché de Liège.
108—page 224—Cette maison épiscopale de Metz...
La maison Carlovingienne donne trois évêques de Metz en un siècle et demi, Arnulf, Chrodulf et Drogon. Les évêques étant souvent mariés avant d'entrer dans les ordres, transmettaient sans peine leur siège à leurs fils ou petits-fils. Ainsi les Apollinaires prétendaient héréditairement à l'évêché de Clermont. Grégoire de Tours dit au sujet d'un homme qui voulait le supplanter: «Il ne savait pas, le misérable, qu'excepté cinq, tous les évêques qui avaient occupé le siège de Tours étaient alliés de parenté à notre famille.» (L. V, c. L, ap. Scr. Fr. II, 264.)
109—page 226—Charles-Martel, physionomie très peu chrétienne...
À en croire quelques auteurs, la France, à cette époque, eût pensé devenir païenne.—Bonifac., Epist. 32, ann. 742: «Franci enim, ut seniores dicunt, plus quàm per tempus LXXX annorum synodum non fecerunt, nec archiepiscopum habuerunt, nec Ecclesiæ canonica jura alicubi fundabant vel renovabant.»—Hincmar., epist. 6, c. XIX. «Tempore Caroli principis... in Germanicis et Belgicis ac Gallicanis provinciis omnis religio Christianitatis pene fuit abolita, ita ut... multi jàm in orientalibus regionibus idola adorarent, et sine baptismo manerent.»
110—page 227—Ce choc de deux races... immense massacre...
Selon Paul Diacre (l. VI) les Sarrasins perdirent trois cent soixante-quinze mille hommes.—Isidore de Béja a raconté cette guerre vingt-deux ans après la bataille, dans un latin barbare. Une partie de son récit est en rimes, ou plutôt en assonances. (On retrouve l'assonance dans la chanson des habitants de Modène, composée vers 924):
Abdirraman multitudine repletam
Sui exercitûs prospiciens terram,
Montana Vaccorum disecans,
Et fretosa el plana percalcans,
Trans Francorum intus experditat
...........
(Isidor. Pacensis, ap. Scr. Rer. Fr. II, 721.)
111.—page 228—... Charles-Martel distribuait les dépouilles des évêques...
Chronic. Virdun., ap. Scr. Fr., III, 364. «Tantâ enim profusione thesaurus totius ærarii publici dilapidatus est, tanta dedit militibus, quos soldarios vocari mos obtinuit (soldarii, soldurii? on a vu que les dévoués de l'Aquitaine s'appelaient ainsi)..., ut non ei suffecerit thesaurus regni, non deprædatio urbium... non exspoliatio ecclesiarum et monasteriorum, non tributa provinciarum. Ausus est etiam, ubi hæc defecerunt, terras ecclesiarum diripere, et eas commilitonibus illis tradere, etc..»—Flodoard, l. II, c. XII: Quand Charles-Martel eut défait ses ennemis, il chassa de son siège le pieux Rigobert, son parrain, qui l'avait tenu sur les saints fonts de baptême, et donna l'évêché de Reims à un nommé Milon, simple tonsuré qui l'avait suivi à la guerre. Ce Charles-Martel, né du concubinage d'une esclave, comme on le lit dans les Annales des rois Francs, plus audacieux que tous les rois ses prédécesseurs, donna non seulement l'évêché de Reims, mais encore beaucoup d'autres du royaume de France, à des laïques et à des comtes; en sorte qu'il ôta tout pouvoir aux évêques sur les biens et les affaires de l'Église. Mais tous les maux qu'il avait faits à ce saint personnage et aux autres Églises de Jésus-Christ, par un juste jugement, le Seigneur les fit retomber sur sa tête; car on lit dans les écrits des Pères que saint Euchère, jadis évêque d'Orléans, dont le corps est déposé au monastère de Saint-Trudon, s'étant mis un jour en prière, et absorbé dans la méditation des choses célestes, fut ravi dans l'autre vie; et là, par révélation du Seigneur, vit Charles tourmenté au plus bas des enfers. Comme il en demandait la cause à l'ange qui le conduisait, celui-ci répondit que, par la sentence des saints qui, au futur jugement, tiendront la balance avec le Seigneur, il était condamné aux peines éternelles pour avoir envahi leurs biens. De retour en ce monde, saint Euchère s'empressa de raconter ce qu'il avait vu à saint Boniface, que le saint-siège avait délégué en France pour y rétablir la discipline canonique; et à Fulrad, abbé de Saint-Denis et premier chapelain du roi Pepin, leur donnant pour preuve de la vérité de ce qu'il rapportait sur Charles-Martel, que, s'ils allaient à son tombeau, ils n'y trouveraient point son corps. En effet, ceux-ci étant allés au lieu de la sépulture de Charles, et ayant ouvert son tombeau, il en sortit un serpent, et le tombeau fut trouvé vide et noirci comme si le feu y avait pris.»