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Histoire Médicale de l'Armée d'Orient. Volume 1

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Certifié conforme aux états particuliers fournis par les corps et administrations de l'armée. Au Kaire, le 10 frimaire an IX.

Signé, l'ordonnateur en chef, Sartelon.

La fête du premier vendémiaire an IX fut célébrée avec la plus grande pompe, relevée par les victoires de la République en Europe. Nous connaissions en effet alors les éclatants exploits de Masséna dans la Suisse, et de Moreau sur le Rhin; et jusqu'aux habitants de l'Égypte, si indifférents sur ce qui se passe dans le reste du monde, savaient que Bonaparte avait gagné la victoire la plus signalée dans cette Italie, éternel théâtre de sa gloire; dans tous les lieux où ils se rassemblent ils s'entretenaient de la bataille de Marengo, de ce canon qui, pour y tonner, avait franchi des montagnes trois fois plus élevées que les plus hauts minarets, et ils s'attendrissaient aussi sur la fin prématurée du conquérant du Saïd, dont ils rappellent tous les jours la valeur et la justice.

Ordre du jour du 12 vendémiaire an IX.

«Menou, général en chef, sur le rapport de la commission extraordinaire de salubrité publique, ordonne ce qui suit:

Article premier.

Il sera fait une sereine générale de rigueur dans les villes du grand et du vieux Kaire, la citadelle, Gizeh, et Boulak;

II. La même sereine générale de rigueur aura lieu dans les villes d'Alexandrie, Rosette, Damiette, et toute autre ville de l'Égypte où la commission extraordinaire de salubrité publique jugera nécessaire de l'ordonner;

III. Il sera attaché à l'administration sanitaire d'Alexandrie deux préposés et deux gardes de santé de plus;

IV. Il sera aussi établi à Aboukir un préposé sanitaire, et à Bourlos un garde de santé;

V. La commission extraordinaire de salubrité publique proposera au général en chef les appointements qui doivent être accordés à ces divers employés.

VI. Les généraux commandant les places et les provinces, les commissaires des guerres, le directeur-général et comptable, l'ordonnateur en chef, les officiers de santé, sont chargés chacun dans ce qui les concerne de l'exécution du présent ordre.»

Signé Abd. J. Menou.

«Le général en chef, sur le rapport du citoyen Desgenettes, médecin en chef de l'armée, du 9 du courant, ordonne ce qui suit:

Article premier.

Il sera formé sur-le-champ à Alexandrie une commission, composée du chef de bataillon Sorbier, directeur des fortifications; du chef de brigade d'Anthouart, directeur du parc d'artillerie; du citoyen Faye, ingénieur des ponts et chaussées, et d'un médecin de la place: elle déterminera les canaux traversant la ville qui doivent être supprimés, et ceux qui doivent être conservés.

II. Les canaux conservés seront agrandis, pavés; on leur donnera une pente suffisante et bien réglée pour l'écoulement des eaux; ils seront réparés de manière à pouvoir être nettoyés facilement.

III. La commission examinera tous les moyens d'empêcher qu'il ne se forme à Alexandrie, pendant la saison des pluies, des amas d'eaux stagnantes, notamment sur les différentes places où le général en chef a vu par lui-même qu'il se formait des espèces d'étangs; la plus grande propreté sera entretenue dans toutes les places, et l'intérieur de l'enceinte d'Alexandrie.

IV. Le général en chef témoigne, au nom de l'armée, au citoyen Labatte, membre de la commission des sciences et arts, sa satisfaction publique pour les observations et recherches qu'il a faites sur les causes de l'insalubrité d'Alexandrie.

V. Le médecin en chef est chargé de faire faire promptement des recherches sur les causes de l'insalubrité qui peuvent exister à Rosette et à Damiette.

VI. Le général de division commandant le cinquième arrondissement est chargé de l'exécution du présent ordre, qui intéresse si puissamment la conservation de la garnison d'Alexandrie, et celle de ses habitants.»

Signé Abd. J. Menou.

J'adressai, le 12, au général de division Belliard, commandant des ville et province du Kaire, des observations sur l'état des prisons et des prisonniers détenus à la citadelle; le même jour il partit pour Alexandrie trente-six hommes condamnés aux galères; le 15, les prisonniers de guerre anglais partirent pour Damiette, et une portion des prisonniers turcs passèrent à Gizeh pour y être employés dans les ateliers de l'artillerie.

Le général en chef, par son ordre du jour du 14, ordonnait la confection de cent lits portatifs, propres à transporter des blessés ou malades, sur le modèle exécuté par les soins, et d'après les vues du citoyen Larrey, chirurgien en chef de l'armée.

Le général en chef ajoutait à la suite de l'arrêté qui fixait l'augmentation de notre traitement:

«Le général en chef ne croit pas nécessaire de recommander à tous les officiers de santé de redoubler encore, s'il est possible, de zèle et d'activité dans les soins qu'ils savent si bien donner aux malades de l'armée;

Il leur recommande d'examiner avec soin les causes de l'insalubrité qui affecte quelques cantons de l'Égypte;

De faire des travaux et des recherches suivis sur les maladies qui s'y manifestent le plus communément, et généralement enfin sur toute la topographie médicale de l'Égypte.»

Enfin l'ordre de l'armée du même jour était terminé par l'article suivant:

«Le général en chef recommande à tous les individus de l'armée qui sont attaqués de la maladie contagieuse, dont l'existence se manifeste le plus communément par des bubons, de déclarer dès les premiers instants le mal dont ils sont atteints: il existe beaucoup de moyens curatifs lorsque la maladie est attaquée dès sa naissance; il n'en existe presque plus lorsqu'elle est invétérée. Les malades peuvent être assurés qu'ils trouveront dorénavant tous les secours possibles dans les hôpitaux et les lazarets. Dans le commencement de notre séjour en Égypte la maladie contagieuse, étant presque inconnue, effrayait tous les individus; peu de soins étaient donnés aux malades. Aujourd'hui les officiers de santé, pénétrés d'attachement à leurs devoirs, et connaissant beaucoup mieux la cause et les effets de cette maladie, réclament avec instance d'être chargés de traiter les malades qui en seront atteints;

En conséquence le général en chef ordonne ce qui suit:

Les officiers de santé de l'armée sont chargés, en prenant les précautions usitées dans les maisons de quarantaine et les lazarets, de traiter tous les malades qui seront atteints de la maladie contagieuse: ils ne seront point astreints à être enfermés dans ces maisons. Le général en chef s'en rapporte à leur sagesse, ainsi qu'aux règlements qui devront être faits à cet égard par les officiers de santé en chef de l'armée, pour les précautions à prendre afin d'éviter les dangers des communications.»

Signé Abd. J. Menou.

Le général en chef prohiba, par son ordre du jour du 17, sous des peines très sévères, l'importation, la préparation, et la vente du hachich, plante de la distillation de laquelle on obtient une liqueur enivrante; il défendit également l'usage de fumer la graine de chanvre.

L'ordre de ce jour contenait encore l'article suivant:

«Le général en chef saisit cette occasion de rappeler à tous les individus qui composent l'armée, ou qui lui sont attachés, combien est pernicieux l'usage immodéré que font quelques-uns d'entre eux de l'eau-de-vie et autres liqueurs fortes: outre les excès de tout genre auxquels se portent les hommes qui sont ivres, excès qui quelquefois leur coûtent la liberté, la vie, ou, ce qui est encore plus, l'honneur, l'usage immodéré des liqueurs fortes rend ceux qui s'y livrent plus disposés à contracter l'affreuse maladie de la peste. Toutes les observations faites par les hommes les plus attentifs, et par tous les officiers de santé de l'armée, prouvent que la contagion se développe plus souvent dans les maisons de débauche, dans celles des cantiniers, et dans les cabarets que dans tout autre lieu; que de vingt individus attaqués de la peste, quinze au moins sont des hommes reconnus pour être ivrognes, ou se livrant journellement à des excès d'eau-de-vie;

En conséquence le général en chef ordonne à tous les officiers-généraux, chefs de corps, et autres officiers de tous les grades de punir sévèrement tous les hommes qui s'enivrent. Le bon ordre et la santé des individus de l'armée exigent ces mesures sévères.»

Signé Abd. J. Menou.

Le 18, les officiers de santé en chef de l'armée reçurent des recherches et des conjectures sur les causes de l'insalubrité de Rosette et d'Alexandrie, par les citoyens Viard, chirurgien du quinzième régiment de dragons, Robert, chirurgien de la quatrième demi-brigade d'infanterie légère, et Cousté, chirurgien de la dix-huitième demi-brigade d'infanterie de bataille.

L'ordre du jour du 22 contenait l'article suivant:

«Le général en chef est mécontent du peu de soin qu'on met à enterrer les morts: les endroits destinés aux sépultures, principalement ceux qui avoisinent les hôpitaux, ressemblent plus à des voiries qu'à des cimetières. Le général en chef recommande la plus grande surveillance, soit aux directeurs, soit aux commissaires des guerres chargés de la police des hôpitaux: ils doivent exiger la stricte exécution des règlements à cet égard; ce sont des mesures qui tiennent à la décence et à ce que nous devons à nos restes: partout elles sont nécessaires; elles le deviennent encore plus pour nous qui vivons au milieu d'un peuple qui a pour les morts le respect le plus religieux. Les généraux commandant les provinces et les places tiendront la main à l'exécution du présent ordre.»

Il continua de régner au Kaire, pendant ce mois, une fièvre éphémère, qui s'était manifestée à l'époque de l'ouverture du Calich, qui avait eu lieu dès le 29 thermidor; le Nil marquait alors à la colonne du mekias de l'île de Rhouadah seize coudées, et était déjà arrivé au terme des crues de l'an VII au 2 vendémiaire.

Voici le tableau de cette fièvre, fidèlement tracé par le citoyen Barbès:

«Une légère fièvre, de la tribu des catarrhales, règne depuis l'ouverture du Calich: la cause d'une indisposition aussi répandue, surtout dans l'armée, a été attribuée à l'humidité augmentée par la crue subite et considérable du Nil, et peut-être aussi l'eau jetée en abondance dans les rues du Kaire pour les arroser.

Presque tous les malades se plaignent au moment de l'invasion de ne plus suer, de ne plus même transpirer; cette constriction des pores cutanés occasionne des lassitudes et des malaises. Nos concitoyens répètent à l'envi qu'ils son convaincus de la justesse de l'usage du pays, qui veut que l'on substitue la question obligeante, Suez-vous? à celle, Comment vous portez-vous?

Cet état s'accompagne d'un léger mal-de-tête, d'innappétence pour les aliments; la langue est semée d'aspérités blanchâtres; on a un goût fade dans la bouche;

Au bout de trois ou quatre jours le pouls, d'abord tendu et fréquent, s'amollit; la peau, auparavant sèche et chaude, devient moite; elle se gonfle un peu, rougit, et on aperçoit une légère éruption à la face, sur la paume des mains, et sur diverses parties du corps; la région des lombes porte quelquefois des empreintes comme si elle eût été flagellée; enfin le ventre s'ouvre, et l'excrétion de la sueur reparaît d'une manière plus ou moins sensible.

Tels ont été en général les symptômes et la terminaison de cette fièvre abandonnée à la nature.

Néanmoins une tisane faite avec l'orge et un peu de salsepareille, à laquelle on ajoutait du sucre et du vinaigre, outre quelle était agréable, favorisait la solution de cette fièvre: nous l'avons conseillée après en avoir fait usage nous-mêmes.

D'autres personnes avaient encore avec cette fièvre l'éruption qui couvre le corps d'écailles furfuracées, et que l'on attribue à la boisson des nouvelles eaux du Nil; ceux-ci éprouvaient dans le principe des frissonnements dans les plans superficiels du corps, une chaleur plus vive, les exacerbations plus sensibles le soir, le ventre plus resserré, le sommeil plus pénible.

Quelques autres, surtout les militaires traités dans les hôpitaux, avaient en outre des nausées, la langue enduite d'un limon épais; ils éprouvaient un poids douloureux dans l'épigastre, tenant à un état des premières voies, entretenu chez eux par de mauvais aliments, ou l'excès de l'eau-de-vie.

Nous sommes devenus actifs à raison de la gravité des symptômes; c'est ainsi qu'en premier lieu nous avons fait dissoudre un grain ou un grain et demi de tartrate de potasse antimoine dans une pinte de tisane; nous avons ensuite en une seule fois donné une dose suffisante de cette préparation antimoniale pour exciter le vomissement; et lorsque nous avons reconnu des signes de turgescence inférieure, l'administration de l'émétique a été suivie de celle d'un eccoprotique.

Mais nous avons été bien éloignés d'avoir recours aux purgatifs violents; ils sont contre-indiqués toutes les fois qu'on doit favoriser le rétablissement d'une abondante transpiration. Cette terminaison des maladies dans les pays chauds a dirigé les avis répandus sur cet objet dans l'armée par le médecin en chef.

Il y a eu quelques convalescences pénibles à cause de la faiblesse des sujets.»

Ici se termine ce qu'a écrit sur la fièvre éphémère catarrhale ce judicieux praticien: ensuite il ajoute relativement aux dysenteries:

«Dans celles qui étaient récentes nous soutenions les évacuations alvines avec le petit-lait tamariné, le tartrate acidulé de potasse, et le sulfate de magnésie. Malheureusement les militaires viennent presque tous trop tard dans les hôpitaux, et alors la prostration de leurs forces ne permet plus d'évacuer la cause dysentérique, et nous sommes réduits à une pratique symptomatique, par conséquent incomplète et défectueuse.

Il n'est pas rare de découvrir des empâtements, des obstructions, même des hépatites chroniques ou inflammations lentes du foie chez la plupart de ces dysentériques. Ces complications redoutables sont dues à l'influence du climat, à l'excès de l'eau-de-vie, et à l'abus que commettent souvent les soldats en essayant de se resserrer le ventre avec la décoction de grenade.

Nous avons proscrit l'usage de l'opium, comme très nuisible; nous nous contentons, quand il se manifeste de la malignité, de recourir au camphre, et à l'acide sulfurique dulcifié; nous faisons prendre tous les matins du petit-lait avec quelques grains d'acétate de potasse aux malades qui se plaignent de douleurs dans l'hypocondre droit, et dans la journée des bols nitrés et camphrés: ce traitement doux empêche l'inflammation de se développer. Nous ajouterons bientôt les sucs d'herbes au petit-lait. Nous n'avions jamais tant donné de camphre et de nitre, mais nous les voyons agir, sur presque tous nos malades comme résolutifs des engorgements du foie.»

Le citoyen Daure, administrateur habile et actif, qui avait succédé le 1er frimaire an VII au citoyen Sucy, quitta, le 30 vendémiaire an IX, les fonctions d'ordonnateur en chef, et fut remplacé par le citoyen Sartelon, dont nous avons eu autant à nous louer que de son prédécesseur.

Il y eut pendant ce mois des malades dans les différents lazarets, même dans celui du Kaire, et nous perdîmes soixante-cinq hommes, 65 morts.

L'ordre du jour du 1er brumaire portait qu'il serait établi un cours de zootomie près du dépôt des remontes dans l'île de Rhouadah; le citoyen Loir, artiste vétérinaire, était chargé de cet enseignement, et les officiers de santé en chef de l'armée devaient se concerter avec le général-commandant du génie pour l'exécution de cet ordre.

Je chargeai, le 3, le citoyen Renati d'une visite de salubrité des forts, casernes, chambres de discipline, boucheries, cimetières, et voiries du Kaire, et places environnantes.

Le même jour j'écrivis au citoyen Savaresi, médecin employé à la citadelle, la lettre suivante (no 547 de ma correspondance.)

«D'après le règlement des hôpitaux militaires, citoyen, le service particulier dont vous êtes chargé se borne à visiter les malades reçus dans les salles des fiévreux.

Vos relations avec les prisonniers se bornent à visiter de temps en temps le local qu'ils habitent, et à vous assurer de la qualité de leurs aliments; ce qui est une simple surveillance de salubrité.

On ne peut sous aucun prétexte exiger des médecins de l'armée qu'ils traitent des malades dans les prisons: je vous autorise à vous y refuser avec les égards qu'exige l'humanité, et les ménagements dus à ceux qui pourraient désirer de vous cette condescendance.»

Le 6, on apprit par un bâtiment, arrivé de France en vingt-cinq jours, les nouvelles les plus consolantes sur la position de la République.

J'adressai, le 9, au général Belliard, commandant du Kaire, le résultat de la visite de salubrité dont j'ai parlé ci-dessus; et je terminais ainsi mon rapport (no 550 de ma correspondance).

«Il faudrait faire distribuer environ deux mille nattes dans les casernes, pour boucher, la nuit, les nombreuses fenêtres dont elles sont percées; ce qui expose continuellement la santé des soldats.

Il y a à Gizeh une compagnie d'artillerie de la marine logée dans une maison très délabrée et ouverte à tous les vents.

La garnison de la citadelle n'est pas assez abritée dans la mosquée qui lui sert de caserne: les prisons sont encore trop encombrées, et on ne peut trop surveiller cet objet.»

J'adressai au général en chef, le 12, la lettre suivante (no 553 de ma correspondance).

«Général,

Il serait très avantageux que vous ordonnassiez à la commission d'agriculture de faire semer ou planter autour de la ferme d'Ibrahim-bey de manière à y entretenir une abondante végétation. La même mesure peut s'appliquer à différents autres établissements.

Salut et respect.»

On reçut, le 15, au Kaire la nouvelle de l'armistice signé avec l'empereur d'Allemagne, par l'aviso le S.-Philippe, parti de Toulon le 19 vendémiaire, et entré le 9 brumaire dans le port d'Alexandrie.

Je chargeai le même jour le citoyen Renati de la visite des cadavres de ceux qui meurent subitement, afin de procurer à l'état-major de la place des rapports réguliers.

Extrait de l'ordre du jour du 18 brumaire an IX.

«Le général en chef ordonne ce qui suit:

Le général de division Belliard, commandant la place et l'arrondissement du Kaire, fera partie de la commission de salubrité publique.»

Signé Abd. J. Menou.

Dans l'un de ces élans généreux qu'inspire seul l'amour de son pays, nos invalides, presque tous horriblement mutilés, redemandèrent des armes, et une proclamation du 29 consacra à jamais un dévouement aussi beau.

La fièvre catarrhale, dont on a parlé, se termina vers la fin de brumaire, époque du décroissement du Nil.

On vit alors quelques fièvres contagieuses se manifester dans des habitations environnées d'eaux stagnantes.

Nous perdîmes en brumaire dans les hôpitaux et les lazarets soixante-sept malades, ci... 67 morts.

Je trouve dans mes notes du mois suivant que le lazaret du Kaire, situé dans l'île de Boulak, plus connue par l'armée sous le nom d'île de la quarantaine, recevait presque tous les jours des malades, que visitait avec beaucoup de soin le citoyen Emeric, qui m'adressait chaque matin un bulletin individuel.

J'écrivis au général en chef la lettre suivante (no 570 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 15 frimaire an IX.

«Général,

«J'ai trouvé ce matin, à 7 heures, la soixante-neuvième demi-brigade qui manœuvrait sur l'esplanade du fort de l'institut, au milieu d'un épais brouillard, auquel il est dangereux d'être exposé sans nécessité. Quand les circonstances exigent que les troupes essuient ainsi l'humidité, il conviendrait de donner à chaque homme une petite quantité d'eau-de-vie.

Salut et respect.»

Le 22, j'écrivis à l'ordonnateur en chef la lettre suivante (no 574 de ma correspondance).

«Citoyen, les médecins, et particulièrement ceux employés dans cette place, se sont très souvent plaints, et viennent encore de se plaindre à moi de ce que les officiers de santé attachés aux corps de troupes envoient leurs malades beaucoup trop tard dans les hôpitaux; ils y arrivent souvent sans ressource, et paraissent n'y avoir été envoyés que pour mourir: veuillez bien faire prendre au général en chef une détermination qui remédie à un abus aussi pernicieux.»

J'écrivis, le 26, à l'ordonnateur chargé de la police supérieure des hôpitaux, la lettre suivante (no 575 de ma correspondance).

«Les hôpitaux de cette place, citoyen, sont bien tenus sous le rapport de la propreté, des fournitures, et des aliments; mais il serait à désirer que le vinaigre, article très essentiel, fût, s'il est possible, de meilleure qualité.»

Le 30, j'adressai une lettre fort détaillée au citoyen Coste, membre du conseil de santé des armées, et je disais, entre autres choses, à ce chef distingué de la médecine militaire: «Les circonstances de la guerre ont empêché les officiers de santé en chef de l'armée d'Orient, et moi en particulier, de correspondre avec le conseil; des ordres précis des généraux qui ont successivement commandé en chef en ont fait une loi, de crainte que ces communications ne tombassent aux mains de l'ennemi... J'ai donc été forcé de taire une partie du compte que je vous devais, et j'ai tâché d'y suppléer en insérant dans nos journaux politiques et littéraires d'Égypte plusieurs articles que j'apprends avoir été réimprimés en France.»

Le nombre des malades reçus dans les lazarets augmenta pendant ce mois; la compagnie d'artillerie de marine, logée à Gizeh dans une mauvaise maison, et dont il est parlé page 192, envoya trois hommes au lazaret de Boulak. Nous perdîmes en frimaire soixante-neuf malades, ci... 69 morts.

J'écrivis au président de la commission extraordinaire de salubrité publique la lettre suivante (no 584 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 3 nivôse an IX.

«Je crois, citoyen président, devoir mettre sous les yeux de la commission l'indispensable nécessité de s'occuper avec activité du curage du Kalish si on veut éviter des maladies très graves et d'une communication facile.

«Je dois en même temps avoir l'honneur de vous prévenir que, sur les avertissements qui m'ont été donnés par notre honoré collègue le préfet maritime Leroy, je me suis fait rendre un compte exact et détaillé de l'état des environs de la porte dite Bab-luk: les causes de l'infection sont bien déterminées; c'est un reste d'eau croupissante dans l'une des branches du Kalish qui verse dans la place Ezbequier, et auquel viennent se joindre les eaux qui découlent d'une immense tannerie. Le cimetière voisin, qui a été pendant le siège le théâtre de tant de combats, ne contribue pour rien à l'infection, quoiqu'il ait été pénétré par les eaux à une grande profondeur; l'infection d'ailleurs est bornée à un cercle peu étendu, éloigné des habitations, et ne peut guère être portée sur la ville par les vents.

«Les travaux immenses entrepris pour les communications, les plantations commencées qui décoreront les routes, en les consolidant, contribueront en même temps à la salubrité; enfin on parviendra, en étudiant les localités, à un système d'irrigation, qui, sans nuire à l'agriculture, rassurera l'existence des habitants. Je dirige journellement mes observations et mes recherches vers ce but utile et désirable, et je m'empresserai toujours de faire hommage de leurs résultats à la commission.»

J'adressai, le 6, la lettre qui suit aux citoyens Barbès, Carrié, et Pugnet, médecins de l'armée (no 587 de ma correspondance).

«Je désire, citoyens, qu'indépendamment des services importants que vous avez rendus, et que je m'empresserai de faire connaître dans des circonstances favorables, vous attachiez plus particulièrement encore votre nom à l'histoire d'une expédition à jamais mémorable, quelle que puisse en être l'issue.

«Je vous charge en conséquence de la rédaction de la topographie physique et médicale de cette place: le travail, je le sais, est étendu; mais il est fort au-dessous des forces de chacun de vous, et par conséquent de la réunion de vos talents. Vous trouverez beaucoup de choses faites sur la géographie, la météorologie, l'état des décès, etc.; toutes les sources vous seront ouvertes, et vous aurez toutes les recommandations ou les ordres nécessaires pour les communications dont vous aurez besoin.

«Distribuez-vous donc l'ouvrage avec l'accord parfait qui règne entre vous: je suis loin de vous tracer un plan qui vous astreigne à aucune contrainte; mais pour mettre de l'uniformité dans nos travaux, je désire que vous suiviez le plan indiqué dans ma circulaire du 25 thermidor an VI. Je me suis borné à une simple invitation, parce que je vous estime trop pour vous donner des ordres quand il s'agit de travailler à honorer notre profession, et, ce qui vaut mieux, de faire du bien aux hommes.»

Lettre adressée, le 9, au citoyen Frank (no 588 de ma correspondance).

«J'ai plusieurs fois, citoyen, donné des ordres dans les hôpitaux pour qu'on ne lavât pas à grande eau les salles des fiévreux, et pour qu'on les nettoyât avec du sable sec; je vous prie de tenir la main à leur exécution dans l'établissement dont vous êtes chargé.»

Lettre adressée, le 11, au général Belliard, commandant des ville et province du Kaire (no 590 de ma correspondance).

«J'ai l'honneur, général, de vous prévenir directement que les habitants des maisons situées sur le Kalish y jettent journellement des immondices qui ajoutent à l'infection résultante des eaux croupissantes; il serait important de faire cesser cet abus par une prompte proclamation.»

La proclamation fut publiée le 12.

L'aviso le Turbulent, parti de Toulon le 12 frimaire, entra le 14 nivôse dans le port d'Alexandrie avec des dépêches du gouvernement, et d'excellentes nouvelles, qui parvinrent au quartier-général du Kaire le 18, et furent annoncées à l'ordre de l'armée du 19.

Le 20, le citoyen Emeric, chargé du service du lazaret de Boulak, étant tombé malade, je le fis remplacer par le citoyen Renati, qui développa une activité aussi éclairée et aussi soutenue que dans l'an VIII.

L'ordre de l'armée du 21 renfermait une lettre intéressante du ministre de la marine et des colonies sur la position de la république, et annonçait l'arrivée à Alexandrie d'un bâtiment marchand, venu de France en neuf jours; c'est par cette voie que l'on sut la reprise des hostilités avec l'empereur d'Allemagne, et la victoire de Moreau à Hohenlinden, etc.

J'adressai au général en chef la lettre suivante (no 601 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 23 nivôse an IX.

«Général,

Je viens de recevoir des citoyens Balme et Claris, médecins de l'armée employés à Lesbéh, un rapport très avantageux sur la santé des troupes du sixième arrondissement, confirmé par les mouvements des hôpitaux et du lazaret.

Ce territoire est l'un des plus dangereux de la basse Égypte à habiter; il est depuis longtemps le théâtre d'une maladie endémique, qui ne cessera que par de grands travaux, et surtout en éloignant, ainsi que l'on a commencé à le faire, la culture du riz de l'enceinte des villes.

J'ai cru devoir vous faire part de cette position rassurante d'un point de l'armée lorsque l'on compare la situation actuelle avec celle des années précédentes.

Salut et respect.»

J'écrivis, le 29, à l'ordonnateur en chef (no 604 de ma correspondance).

«Citoyen, je vous prie de faire maintenir l'exécution très importante de l'article suivant de l'ordre du jour du 12 nivôse an VIII:

Les corps n'enverront point aux lazarets les hommes suspectés de maladie contagieuse, comme quelques-uns l'ont fait; ils devront les envoyer directement dans les hôpitaux où il existe des salles d'observation.

La deuxième demi-brigade d'infanterie légère a envoyé ce matin un homme au lazaret sans se conformer à cet ordre, et cet envoi a été accompagné de circonstances qui, si elles n'ont pas de suite, peuvent au moins alarmer l'opinion publique.»

Les lazarets, surtout celui de Boulak, continuèrent à recevoir des malades: nous perdîmes en nivôse soixante-dix hommes, ci... 70 morts.

Le 6 pluviôse, j'envoyai le citoyen Savaresi à Birket-êl-Hadjy pour examiner la position et l'état de la santé de la garnison.

Je fis, le lendemain, au général en chef le rapport que voici (no 611 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 7 pluviôse an IX.

«Général,

J'envoyai hier un médecin de l'armée à Birket-êl-Hadjy; il a trouvé la garnison en bonne santé, ainsi que la compagnie de la dix-huitième demi-brigade, campée en réserve à un demi-quart de lieue au sud-ouest du fort.

Le soldat mort depuis quatre jours n'a présenté, pendant sa maladie ni après sa mort, aucun signe de maladie contagieuse; tout porte à croire qu'il est mort d'un excès d'eau-de-vie en sortant de prendre un purgatif.

Il faut fermer l'oreille aux hommes qui manquent des connaissances nécessaires pour décider de pareilles questions.

Salut et respect.»

Le 9, j'envoyai le citoyen Barbès dans le Delta, et je lui remis l'instruction suivante (no 612 de ma correspondance).

«Vous vous rendrez, citoyen, à Ménouf dans le Delta, où vous prendrez des informations sur l'état actuel de la santé des habitants et de la garnison française.

Dans le cas où il régnerait une maladie, vous chercherez à en déterminer la nature et la cause: vous pourrez vous aider de la topographie rédigée et publiée par le citoyen Carrié, que j'aurais envoyé lui-même sur les lieux si sa santé l'eût permis.

Le général en chef étant sur le point d'envoyer de troupes à Tentah, je serais bien aise que vous prissiez connaissance des localités sous le point de vue de leur salubrité.

Les escortes nécessaires pour voyager avec sûreté vous seront fournies, et je vous remets ci-joint pour cet effet un ordre précis du général chef de l'état-major-général aux commandants militaires.

Je ne vous prescris point le temps que doit durer votre mission, subordonnant le tout aux besoins des circonstances, me reposant d'ailleurs sur vous avec toute confiance.

Si vous le jugez convenable vous m'écrirez pendant votre tournée.

Dès que vous serez de retour vous m'adresserez un rapport circonstancié.»

J'écrivis au général en chef (no 614 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 12 pluviôse an IX.

«Général,

J'ai l'honneur de vous prévenir que la seconde édition de mon Avis sur la petite vérole, réimprimé en arabe par vos ordres, est actuellement à ma disposition, et je vous en envoie ci-joints trois cents exemplaires.

Je désirerais que cet opuscule fût répandu parmi les tribus arabes du désert, et même par les caravanes dans l'intérieur de l'Afrique.

J'en remettrai six cents exemplaires au général chef de l'état-major-général, en l'invitant à les adresser aux généraux commandant les arrondissements de l'Égypte pour les distribuer aux cheikhs des villes et des villages.

J'en remettrai trois cents exemplaires au général-commandant du Kaire et arrondissement.

Je ferai distribuer deux cents cinquante exemplaires au grand divan du Kaire.

Enfin j'en offrirai cinquante exemplaires à Setti-Nefi, comme un hommage rendu encore plus à ses vertus personnelles qu'au rang élevé de son époux.[21]

Salut et respect.»

Rapport adressé à la commission extraordinaire de salubrité publique (no 617 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 16 pluviôse an IX.

«Nous nous sommes transportés ce matin au village de Tanby, conformément à la délibération prise hier par la commission.

La mortalité ne correspond point, d'après les déclarations des cheikhs, à ce qui avait été annoncé.

Les deux malades, au sujet desquels il a été fait un rapport, ont effectivement des signes non équivoques de fièvre contagieuse; ils sont isolés: nous leur avons conseillé des remèdes; l'un des deux est très affaissé, et je crains que ces soins ne lui soient inutiles. On sera informé de l'issue de la maladie et de sa propagation si elle avait malheureusement lieu.

Les chefs du village ont promis de le tenir en réserve, et ils ont paru sentir que leur intérêt particulier se confondait dans cette circonstance avec le nôtre.[22]

Signés le général de division Belliard, et R. Desgenettes.

L'ordre du jour du 18 annonçait l'arrivée à Alexandrie de deux frégates françaises, apportant des troupes, des armes, et d'excellentes nouvelles, qui furent toutes rendues publiques.

J'adressai, le même jour, une note au président de la commission pour l'informer que j'avais reçu une lettre de Ménouf, en date du 14, qui contenait des détails rassurants sur la santé des troupes.

Rapport adressé au général en chef relativement aux conscrits arrivés de France (no 619 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 20 pluviôse an IX.

«Les officiers de santé en chef de l'armée, consultés par le général en chef sur les mesures à prendre pour l'acclimatement des troupes qui viennent d'arriver de France, sont d'avis:

1o Que ces troupes soient vêtues comme le reste de l'armée, soient tenues de porter la capote, et de s'en couvrir soigneusement la nuit; il est surtout essentiel de se couvrir la tête pour éviter l'ophtalmie, et les pieds pour éviter la dysenterie.

2o Il faut répéter journellement aux nouveaux arrivés que l'abus de l'eau-de-vie a sacrifié plus d'hommes que le fer de l'ennemi; qu'il prédispose aux maladies contagieuses, et les rend mortelles. Le café remplace avec avantage les liqueurs spiritueuses; l'usage exclusif des viandes et du poisson salé est très mauvais; les excès avec les femmes sont pernicieux; les excès de la pipe sont nuisibles surtout aux jeunes gens dont la poitrine n'est pas entièrement ou bien développée.

3o Il faut être très propre; porter du linge fréquemment lavé; se laver souvent le corps. Une des choses qui favorise le plus la propreté est de porter les cheveux courts.

4o Les exercices militaires doivent avoir régulièrement lieu vers le lever ou le coucher du soleil; il en est de même de la promenade, et particulièrement du bain dans la saison des chaleurs.

5o Ces troupes, destinées à être encadrées dans différents corps, doivent être envoyées de préférence dans les garnisons de Belbéis, et de Ssalehhyéh, ou mieux encore dans celles de la haute Égypte.

6o Il faut que les casernes destinées à loger ces troupes soient spacieuses, bien aérées, et que les hommes y soient peu rapprochés. Ce que l'on dit des casernes doit s'appliquer aux baraques de branches de palmiers, qui sont souvent préférables. Le logement des troupes, ainsi que leurs campements, doivent toujours, autant que faire se peut, être établis sur un terrain sec, exposé aux vents du nord, éloignés des lieux bas et marécageux, et, pour des raisons physiques et morales, plus volontiers écartés que rapprochés des grandes villes.

Signés R. Desgenettes, D. J. Larrey, et Boudet.

Rapport adressé au général en chef (no 620 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 21 pluviôse an IX.

«Général,

J'envoyai, d'après vos ordres, le 12 du courant, le citoyen Barbès à Ménouf pour avoir un rapport exact sur le développement des maladies qui pourraient vous inquiéter.

Ce médecin est de retour, et m'a rendu hier un compte, dont il résulte que la contagion a cessé d'exercer ses ravages; que sa cessation, indépendamment des changements de l'atmosphère, et d'autres causes indéterminées, est due aux soins aussi actifs qu'éclairés du chef de brigade de la vingt-cinquième le citoyen Lefevre, commandant du huitième arrondissement.

Les détails de ce qu'il a fait pour un campement très bien entendu, et des marches un peu forcées, vous seront sûrement déjà parvenus par le général chef de l'état-major-général.

J'avais donné des ordres au citoyen Barbès pour qu'il se rendît à Tentah et en examinât la salubrité. Cette place centrale du Delta est très habitable quoique l'eau y soit saumâtre; elle a d'ailleurs été un grand point de réunion par la superstition, qui y attirait une multitude prodigieuse près des restes d'un saint, et deux foires très fréquentées, tenues régulièrement chaque année. Il est probable que le saint et les foires se doivent de mutuelles obligations; mais le point qui vous intéresse, c'est que les troupes seraient bien à Tentah.[23]

Salut et respect.

Signé R. Desgenettes

J'adressai, le 24, à la commission extraordinaire de salubrité publique la note suivante (no 623 de ma correspondance).

«J'ai l'honneur, citoyen président, d'informer la commission que l'on a transféré ce matin au lazaret le cadavre d'un mamelouk mort depuis vingt-quatre heures; cet abus fréquemment renouvelé tend à jeter la plus grande confusion sur le résultat administratif et médical.»

Les lazarets, particulièrement celui de Boulak, reçurent des malades venant de Gizeh, du vieux et du grand Kaire, où l'épidémie se développa graduellement. Nous perdîmes en pluviôse soixante-douze hommes, ci....... 72 morts.

Rapport au général en chef (no 626 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 1er ventôse an IX.

«Général,

J'ai reçu une lettre d'Alexandrie, du 21 pluviôse, qui m'annonce qu'il est entré 150 conscrits dans les hôpitaux de cette place.

On m'informe cependant, et j'ai vu par les états de situation qu'il y avait de l'amélioration dans leur état.

Il est utile pour la conservation de ces militaires de mettre promptement en pratique les mesures que les officiers de santé en chef de l'armée ont eu l'honneur de vous proposer le 20 du mois passé.

Salut et respect.»

J'écrivis, le 5, au président de la commission extraordinaire la lettre suivante (no 628 de ma correspondance.)

«Je viens, citoyen président, avec le général de division Reynier, commandant du quatrième arrondissement, de visiter dans la province de Kelyoubéh les villages suspects.

Celui de Tatha est le seul qui ait eu récemment des malades; sur une population de près de douze cents habitants il n'est pas mort dans la dernière décade plus de six personnes, et le genre de leur mort n'est point exactement déterminé.

Il n'y a plus dans tout le village qu'une jeune femme malade, et elle est convalescente d'un engorgement glanduleux, qui n'a été accompagné d'aucun symptôme très grave.»

J'écrivis, le 10, au général Belliard (no 630 de ma correspondance).

«J'arrive, citoyen général, de faire une tournée, dans laquelle j'ai visité les conscrits et la douzième compagnie de canonniers, qui se trouvent les premiers autour du village d'Embabéh, et la seconde embarquée à la même hauteur.

Il y a tout au plus quinze malades dans ces deux corps, et il est urgent que l'on prenne des moyens pour les transférer à l'hôpital de la ferme d'Ibrahim-bey.

Les deux corps sont pleins de santé; mais ils ont le plus grand besoin, pour la conserver, d'entrer promptement dans un lieu abrité.»

J'écrivis, le 11, au citoyen Savaresi à Gizeh (no 634 de ma correspondance).

«Je vous préviens, citoyen, qu'il va être évacué quinze fiévreux convalescents de la ferme sur votre établissement.

Je vous rappelle que je vous ai invité à vous occuper de la rédaction de la topographie physique et médicale de Gizeh, et je désire que vous donniez une attention particulière à la fièvre miliaire qui attaque les habitants.

Vous n'avez pas dû oublier l'empressement avec lequel j'ai accueilli et présenté au public vos productions.»

On apprit, le 13, au quartier-général du Kaire qu'il avait paru le 10 à la hauteur d'Aboukir une flotte ennemie de cent trente-cinq voiles.

Les Anglais effectuèrent, le 17, leur débarquement sur la plage d'Aboukir: le résultat des efforts que nous fîmes pour les repousser est aussi connu que celui de la malheureuse journée du 30.

Le 20, je chargeai en chef du service, près du grand quartier-général, le citoyen Sotira, et je mis successivement sous ses ordres les citoyens Balme, Frank, Garos, Salze, Savaresi, et Vautier.

Le Kaire, et ses environs, continuèrent d'être pour moi le champ de bataille; j'employai à visiter les habitants jusqu'à trois médecins, et je terminais ainsi une lettre du 30 à l'adjudant-commandant Duchaume, chef de l'état-major de la place: «Toutes les fois que vous aurez quelque objet urgent et d'un intérêt majeur, continuez de vous adresser directement à moi: je crains beaucoup moins d'exposer ma vie que celle des autres (no 649 de ma correspondance).»

Nous perdîmes en ventôse soixante-dix-neuf hommes, ci............. 79 morts.

Il mourut aussi à Alexandrie, vers la fin de ce mois, Alexandre Gisleni, docteur en médecine, né à Corfou, en 1741, employé dans nos hôpitaux militaires, et spécialement chargé des lazarets, dans lesquels il a rendu de grands services; sa vie a été remarquable par un grand amour de ses devoirs, beaucoup de simplicité dans les mœurs, et une uniformité constante dans toutes ses actions. Son nom doit être honorablement placé près de celui de ses collègues Auriol, Bruant, et Turpaut mort à Rosette pendant l'expédition de Syrie. Une topographie très étendue d'Alexandrie, rédigée par Gisleni, donnera une juste idée de ses talents[24].

Les premiers jours de germinal furent employés à reporter graduellement nos malades sur des établissements centraux, et à former un hôpital spécial de pestiférés au milieu des décombres de la citadelle, près la porte de Romélie.

J'autorisai, le 6, les médecins de l'armée Carrié, Emeric, et Pugnet, malades, à se retirer à la citadelle.

J'écrivis, le 11, au citoyen Duprat, faisant les fonctions d'ordonnateur, la lettre suivante (no 664 de ma correspondance).

«Ce matin, citoyen commissaire, il y avait encore neuf hommes, attaqués de fièvres contagieuses, exposés sans aucun abri depuis trois jours sur la place d'armes de la citadelle, et n'ayant reçu depuis le même temps aucun secours, pas même de l'eau. Cependant on activait de bonne heure l'organisation de l'établissement de la porte de Romélie, et il faut espérer que nous ne reverrons plus un spectacle aussi affligeant. L'économe de l'hôpital et celui du lazaret disent qu'ils manquent des premiers fonds nécessaires à leur service: si cela tenait à une disette de la caisse, je vous offre d'y verser 3000 francs pour cet objet.»

Lettre au général en chef (no 669 de ma correspondance).

Au quartier-général du Kaire, le 15 germinal an IX.

«Général,

Depuis votre départ du Kaire l'épidémie a augmenté malgré la diminution de la garnison.

La mortalité parmi les habitants a été portée graduellement à cent individus, et elle est même arrivée jusqu'à cent dix dans un seul jour; ce qui excède le nombre connu depuis notre séjour en Égypte.

Les mesures de défense ayant exigé la translation des malades de tous les établissements dans la citadelle, il en est résulté un encombrement qui, quoique passager, a déjà été, et sera peut-être encore plus nuisible.

Le lazaret de Boulak subsiste encore avec soixante malades.

La ferme d'Ibrahim-bey contient trente convalescents du lazaret, et doit les recevoir successivement, s'il n'y a pas d'événements.

Les salles d'observation, et le lazaret de la citadelle, établi à la porte de Romélie, contiennent soixante à quatre-vingts hommes.

On donne à ces malades tous les soins que permettent les circonstances: je suis sans cesse occupé d'eux; et je n'ai pas laissé ignorer dans un cas particulier, où un oubli a compromis la vie de quelques hommes, que je vous rendais un compte direct de mon service.

Le général Belliard pourvoit à tout avec une admirable activité, et il est bien secondé par le commissaire Duprat, faisant fonctions d'ordonnateur.

J'ai dans la citadelle trois médecins éprouvés, les citoyens Barbès, Carrié, et Pugnet; mais malheureusement la santé des deux derniers ne répond plus depuis longtemps à leur zèle.

Le citoyen Sotira, qui me remplace à votre quartier-général, va avoir six médecins sous ses ordres.

Quelque avantageux et agréable qu'il fût pour moi d'être près de vous, général, j'ai cru que ma place était sur le point de l'armée où une épidémie exerçait ses plus grands ravages; vous connaissez mon dévouement.

Salut et respect.»

Le 15, au soir, la suppression du lazaret de Boulak et son évacuation sur la ferme d'Ibrahim-bey furent ordonnées pour le lendemain.

Je fus obligé à diverses reprises d'écrire aux autorités militaires et administratives relativement à l'insouciance des économes, à la mauvaise tenue et aux besoins essentiels des hôpitaux et des lazarets.

Le 30, j'écrivis au général en chef la lettre suivante (no 683 de ma correspondance).

«Général,

L'état des choses est avantageusement changé relativement à la salubrité du Kaire depuis que j'ai eu l'honneur de vous écrire en date du 15, sous le no 668.

L'épidémie, sans avoir cessé, frappe moins rapidement ceux qui en sont atteints; les entrants dans nos établissements sont de 21 à 24; les morts de 12 à 15 par jour.

Le lazaret de l'île de Boulak ne subsiste plus depuis environ 15 jours; il est remplacé par deux autres établissements dont j'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir: l'un d'eux, à la citadelle, sert à la fois et pour le traitement et pour l'observation; l'autre, à la ferme d'Ibrahim-bey, reçoit des convalescents et les gros malades de Gizeh.

Nous avons environ 150 malades au lazaret extérieur de la citadelle, et environ 125 dans l'établissement de la ferme.

L'hôpital de la citadelle est bien tenu et espacé; la maladie contagieuse ne s'y est point encore montrée.

La mortalité a diminué parmi les habitants du Kaire depuis le 15; dans ce moment elle est un peu au-dessous de 100 individus par jour.

Je compte sous trois jours vous adresser le relevé de mortalité de germinal, qui arrivera, à quelques hommes près, à 3000 habitants: il y a lieu d'espérer que ce fléau s'apaisera.

Salut et respect.»

Le 3 floréal, j'adressai au général en chef la lettre suivante (no 684 de ma correspondance).

«Général,

J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint le mouvement nécrologique des habitants du Kaire en germinal dernier, que je vous ai annoncé par ma lettre du 27 du même mois, no 683. Le nombre des décès est heureusement un peu au-dessous de mon attente.

Salut et respect.»

Résultat général des tables nécrologiques des habitants du Kaire en germinal an IX.

Hommes. Femmes. Enfants. Total.
563 705 1669 2937

Certifié véritable et conforme aux états particuliers et journaliers délivrés par les commandants des sections.

Au Kaire, le 3 floréal an IX.

L'adjudant-commandant chef de l'état-major de la place.
Signé Duchaume.

J'appelai, par mes lettres du 5 floréal (no 685 et 686 de ma correspondance), la sévérité des lois contre les brigandages qui se commettaient publiquement dans les lazarets du Kaire.

L'ordre de la place du même jour contenait des dispositions de police relatives aux hôpitaux.

Le 10, j'écrivis au général en chef (no 692 de ma correspondance).

«Général,

Le citoyen Paultre, votre aide-de-camp, vient de me remettre en mains propres votre lettre du 5 du courant, à laquelle j'ai l'honneur de répondre.

Depuis mes lettres des 30 germinal et 3 floréal, nos 683 et 684, l'état de l'épidémie a changé en bien.

Nous ne perdons plus qu'environ 12 hommes, français ou auxiliaires.

La mortalité parmi les habitants a été, depuis le 1er du mois, de 64 à 100, et n'a jamais excédé ce dernier nombre.

Salut et respect.»

Lettre au général de division Belliard (no 703 de ma correspondance).

À la citadelle du Kaire, le 21 floréal an IX.

«Général, le résultat du relevé des mouvements des lazarets depuis le 1er jusqu'au 19 floréal, que vous avez bien voulu me communiquer hier, est heureusement faux.

Après l'avoir examiné avec beaucoup d'attention j'ai trouvé la source de l'erreur, et voici comme elle se démontre:

L'état nominatif porte 342, et il est juste, ci 342
Pour arriver maintenant à un total de 522, il est évident que l'on a pris la somme des entrants à la ferme par billet et par évacuation, qui monte à 180, ci 180
  522

Mais on n'aurait dû compter comme entrants à la ferme que les malades reçus par billet; car en comptant les évacués ou les convalescents, on reproduit deux fois les mêmes individus.

Les entrants par billet, provenant de Gizeh, et quelques uns, par abus, du Kaire, ont été, ainsi qu'en font foi les mouvements journaliers, au nombre de 380.

Faites donc rétablir le résultat ainsi qu'il suit:

Entrés dans le lazaret du Kaire et de la ferme 380
Morts 147
Sortis 111

Il ne faut jamais oublier non plus qu'une portion du lazaret de la citadelle, servant de salles d'observation, reçoit fréquemment des malades qui n'ont rien de commun avec l'épidémie.

J'ai l'honneur de vous saluer.»

Lettre au général en chef (no 704 de ma correspondance).

À la citadelle du Kaire, le 21 floréal an IX.

«Général,

Depuis ma lettre du 10 du courant, remise aux mains propres de l'un de vos aides-de-camp, l'état de l'épidémie a diminué.

Nous perdons tout au plus dans les lazarets 9 hommes par jour, français ou auxiliaires.

La mortalité parmi les habitants a été, depuis le 10, de 55 à 78, sans passer ce dernier nombre.

Je démontre par une lettre, en date de ce jour, au général de division Belliard que le chef d'état-major de la place s'est trompé sur le résultat des entrants aux lazarets, en comptant pour entrés à la ferme les convalescents évacués de la citadelle.

Nous avons dans les lazarets plus de 250 hommes en parfait état de convalescence, et qui pourront reprendre les armes dans cette campagne.

Tous les détails que j'ai l'honneur de vous adresser sont appuyés sur des mouvements de situation de l'exactitude desquels je m'assure par une inspection journalière.

Salut et respect.»

Le corps de troupes aux ordres du général de division Lagrange s'étant reployé de Rahmanyéh sur le Kaire vers la fin de floréal, le nombre de nos malades augmenta tout-à-coup, et ce surcroît inattendu produisit de l'encombrement.

On fut obligé d'ouvrir un second hôpital dans la grande mosquée qui servait auparavant de caserne à la garnison de la citadelle.

Les citoyens Sotira, mon suppléant, et Salze, médecins de l'armée, ayant été forcés de suivre le sort de la garnison de Rosette, furent complètement dépouillés dans le canal de Ménouf, en se rendant au Kaire.

Prairial offrit également une suite non interrompue de mouvements rapides.

Le 9 de ce mois j'adressai la note suivante au général Belliard (no 717 de ma correspondance).

Situation des hôpitaux et lazarets.

«1o L'hôpital no 1 de la citadelle est bien tenu pour les fiévreux, et il est arrivé au point de désencombrement que je désirais.

2o L'hôpital no 2 s'organise lentement; plusieurs fiévreux sont encore sans lits; les vénériens, au contraire, ont usurpé sans pudeur les meilleures salles et les mieux approvisionnées de fournitures: je demande à cette occasion que les vénériens soient renvoyés à la ferme d'Ibrahim-bey, ou barraqués. Le titre VII du règlement du 30 floréal an IV, destiné en entier à statuer sur les dispositions à prendre pour les vénériens et les galeux, porte, Que les gonorrhées simples (et il y en a un grand nombre) seront, dans les armées du midi (en Europe), traitées sous la tente depuis le 1er floréal jusqu'au 1er vendémiaire.

3o Le lazaret, et la salle d'observation de la porte de Romélie, vont aussi bien que leur mauvaise position peut le permettre.

4o Le dépôt des convalescents de la ferme d'Ibrahim-bey va bien; mais il serait avantageux de l'évacuer peu-à-peu, par exemple par 25 hommes, de trois en trois jours, sur la citadelle, hôpital no 2. Ce rapprochement du lazaret et une surveillance immédiate tourneraient au profit du service. Il faut fermer l'oreille aux objections que la crainte ou l'intérêt personnel pourraient dicter à ce sujet.

5o L'expérience a prouvé dans tout le cours de l'épidémie que la balance que j'ai maintenue entre la réception des malades dans les divers établissements a été très avantageuse: continuons donc de suivre ce plan, et reposez-vous sur ma vigilance à cet égard.»

Le 15, on fit entrer dans les dépôts cinquante-sept vénériens.

Le partage des malades par classe d'affections, et ensuite par leur plus ou moins de gravité, se continua.

J'écrivis au général en chef (no 728 de ma correspondance).

À la citadelle du Kaire, le 25 prairial an IX.

«Général,

Je profite d'un détachement du régiment des dromadaires qui repart pour Alexandrie presque au moment où il en arrive, pour avoir l'honneur de vous écrire.

L'épidémie a cessé; la mortalité est au-dessous de ce que l'on pouvait désirer de plus avantageux d'après les données ordinaires; nous n'avons plus aujourd'hui, 25, que cent vingt-huit malades dans nos lazarets, et ils sont presque tous convalescents.

En conséquence dès qu'il se présentera une occasion favorable je m'empresserai de me rendre près de vous.

Salut et respect.»

Les événements de messidor exigèrent encore plus d'activité, quoique d'un genre différent.

Le 9 de ce mois, je remis au général Belliard la note suivante (no 740 de ma correspondance).

«J'ai l'honneur, citoyen général, conformément à vos intentions, qui m'ont été transmises verbalement par le chef de bataillon Majou, l'un de vos aides-de-camp, de vous adresser l'état des malades qui se trouvent dans les établissements de cette place, avec des observations relatives aux circonstances présumées d'une évacuation prochaine.

L'hôpital no 1 a aujourd'hui 291 malades, dont 125 fiévreux, 65 blessés, et 101 ophtalmiques ou vénériens, ci
fiévreux 125 291
blessés 65
ophtalmiques et vénériens 101
L'hôpital no 2 a aujourd'hui 342 malades, dont 77 fiévreux, et 265 ophtalmiques ou vénériens, ci
fiévreux 77 342
ophtalmiques et vénériens 265
Le lazaret de la citadelle renferme 64 malades presque tous convalescents, ci 64
Total général des hôpitaux et du lazaret 697

Le no 1 est en état d'être évacué; mais il faut, pour ne pas exposer les malades à rechuter, le faire par eau; trente auront besoin de montures pour arriver au lieu de l'embarquement, et quinze de brancards, ci,

Moyens extraordinaires de transport.

30 montures,
15 brancards.

No 2 a trois cents quarante-deux malades à évacuer par eau; quinze ont besoin de montures, et douze de brancards, pour arriver au lieu de l'embarquement, ci,

Moyens extraordinaires de transport.

15 montures,
12 brancards.

No 3 ou le lazaret a soixante-quatre malades à évacuer par eau, et isolés du reste, c'est-à-dire sur des bâtiments particuliers, il faut trente-six montures et douze brancards, ci

36 montures,
12 brancards.

Total des moyens extraordinaires de transport, ci

79 montures,
39 brancards.

Il faut faire entrer dans le nombre des barques de transport ce qui est nécessaire pour les officiers de santé, employés, et sous-employés de l'administration, qui doivent être commodément, et pour leur conservation personnelle, et pour pouvoir veiller à celle des autres.

L'aperçu que je vous adresse, citoyen général, est susceptible d'être modifié même avantageusement dans quelques jours de plus, quoique les dysenteries nous fournissent dans ce moment beaucoup de malades.

Cette note est concertée avec le citoyen Boussenard, chirurgien de première classe, faisant fonctions de chirurgien en chef.

Signé R. Desgenettes.

J'écrivis le même jour au général Belliard la lettre suivante (no 741 de ma correspondance).

«Je fus engagé à rester au Kaire, Citoyen général, lors du départ du quartier-général de l'armée pour Alexandrie, par l'état de l'épidémie qui menaçait la population de cette ville, sa garnison, et les nombreux Français attachés aux divers services militaires et administratifs.

Dès que l'épidémie a cessé j'aurais cherché les moyens de me rendre au quartier-général, poste qui m'est assigné par les règlements, si les voies eussent été praticables.

Aujourd'hui, général, que des bruits trop publics, et trop répétés pour n'avoir pas de solides fondements, annonçant une capitulation ou une convention partielle, je vous demande les passeports nécessaires pour me rendre à Alexandrie, s'il y a possibilité.

J'ai l'honneur de vous saluer.»

La convention du Kaire fut publiée le lendemain, 10; elle m'ôta la faculté d'entrer dans Alexandrie.

Le 13, j'eus à Gizeh une conférence pour l'évacuation de nos malades avec M. Young, inspecteur-général des hôpitaux de l'armée anglaise, et le 15 je lui adressai la lettre suivante (no 747 de ma correspondance).

«Monsieur, j'ai l'honneur de vous prévenir que, conformément à ce qui a été convenu entre nous, le 13, les convalescents du lazaret seront évacués le 16 sur l'île de Farchi, en face de Rosette, accompagnés d'un nombre suffisant d'officiers de santé, et d'employés et sous-employés de l'administration sanitaire.

Le citoyen Sotira, médecin de l'armée, qui vous remettra cette lettre, a reçu de moi l'ordre particulier de se concerter avec vous pour assurer aux malades, qui seront successivement transportés à Rosette, tous les soins dont ils pourront avoir besoin.

Je me repose avec la plus grande confiance sur les sentiments distingués et connus du général en chef Hutchinson, et sur l'assurance que vous m'avez tant de fois réitérée que vous ne mettrez pas de différence entre nos malades et les vôtres.

J'ai l'honneur de vous saluer.»

Le 21, j'adressai la réponse suivante à une lettre que m'avait écrite le chef de bataillon Alliot, qui se trouvait en otage au camp du grand vizir (no 751 de ma correspondance).

«Je ne reçois qu'aujourd'hui, citoyen commandant, votre lettre du 19, à laquelle je m'empresse de répondre pour satisfaire les désirs de S. Ex. le Reis Effendi, auquel je rends ses salutations.

C'est à l'eau, qui éprouve dans ce moment une altération manifeste, qu'il faut attribuer le léger vomissement qui a affecté les troupes dans les divers camps.

Pour en prévenir le retour, il est essentiel d'aller puiser l'eau du Nil, ainsi que nous le faisons, un peu avant et au courant, jusqu'à ce que la crue du fleuve soit arrivée à un plus haut degré.»

Le 24, nos hôpitaux descendaient le Nil, et le 27 ils étaient à la hauteur de notre camp d'Omdinar, d'où ils se portèrent à Rosette sans suivre les mouvements trop lents de l'armée.

Note pour l'ordre du jour.

Au camp de Teranéh, le 30 messidor an IX.

«L'armée est invitée par la chaleur excessive à se baigner dans les eaux du Nil; mais elle oublie les avis fréquemment répétés dans les ordres du jour relativement à l'usage du bain.

Il est dangereux de se baigner indistinctement à toutes les heures; on compromet sa vie en se baignant après avoir mangé; il est au contraire très bon de se tenir dans l'eau une demi-heure peu après ou peu avant le lever et le coucher du soleil.

L'armée se livre à un grand excès en mangeant des pastèques, qui ne sont pas bien mûres, et par conséquent indigestes. Une indigestion est une maladie pour un homme indispensablement soumis à la fatigue.

Les militaires qui couchent presque nus sur les bords du Nil s'exposent à des maux d'yeux, à des diarrhées, et à des dysenteries. Il faut se tenir couvert le matin, le soir, et la nuit, et surtout couvrir soigneusement ses yeux pendant la nuit.

Signé R. Desgenettes

J'arrivai dans la nuit du 3 au 4 thermidor devant Rosette, et j'arrêtai de suite avec l'inspecteur-général des hôpitaux les bases de l'évacuation de nos malades et de nos invalides; je profitai de cette circonstance pour réunir nos officiers de santé de toutes les professions et de toutes les classes avec ceux de l'armée anglaise, et donner un témoignage de nos regrets sur la perte de l'illustre Lorentz. J'étais loin de soupçonner qu'à la même époque le conseil de santé des armées, avec une bienveillance digne de toute ma reconnaissance, me désignait au ministre de la guerre pour occuper la place que ce premier-médecin laissait vacante dans l'hôpital-militaire-d'instruction de Strasbourg[25].

Je passe ici sur une foule de détails.

Le 7, j'écrivis au général Belliard la lettre suivante (no 764 de ma correspondance).

«J'ai eu lieu, général, d'être très satisfait de la détermination qui m'avait engagé à descendre à Rosette pour y surveiller nos établissements, organiser et hâter le départ de nos malades.

L'inspecteur-général Young, qui a trouvé avec raison beaucoup trop de frottement dans notre régime administratif, indépendamment de ce qu'un peu d'âpreté et de manque d'égards y ont ajouté, avait déjà déclaré ne vouloir communiquer qu'avec moi, ou celui par qui je me ferais représenter: il a tenu parole; mais j'ai tout arrangé de manière à ménager le plus possible les prétentions, pour pouvoir arriver plus directement à notre but.

La demande de médicaments, que j'ai approuvée parce qu'elle était juste, modérée, et conforme à nos besoins, n'a pas éprouvé la moindre difficulté: il n'en a pas été de même d'un long état de comestibles, de vêtements, d'effets, et fournitures, qui n'est basé, ni sur les règlements, ni sur les approvisionnements ordinaires des hôpitaux militaires des deux nations: l'état sera réduit aux termes nécessaires.

Nos malades vont s'embarquer: ils sont au nombre de 550; et de plus trente convalescents des lazarets. Il n'y avait le 3 du courant que sept hommes hors d'état d'être embarqués. On s'est conformé à vos intentions, qui m'étaient connues relativement au renvoi des légers malades à leurs corps respectifs: il y aura une semblable opération de faite quand on recevra le second convoi de malades.

L'amiral lord Keith n'a demandé relativement à notre trentaine de suspects que des mesures très raisonnables, et également profitables et rassurantes pour tous.

Le général Morand, qui veut bien se charger de vous remettre cette lettre, vous donnera de vive voix tous les détails que vous désirez.»

Le 8, le 9 et le 10 furent employés à notre évacuation.

Note pour l'amiral lord Keith, commandant des flottes de S. M. B. dans la Méditerranée (no 777 de ma correspondance).

«Les soussignés certifient que les convalescents du lazaret, au nombre de vingt-sept, ont été savonnés, ensuite lavés avec de l'eau et du vinaigre; que tous leurs effets ont été brûlés, qu'ils ont été revêtus de nouveaux habits, et qu'enfin ils sont dans un état à ne faire rien craindre de leur transport en Europe pour la santé publique.

Signés à l'original, écrit en anglais, sous la date du 29 juillet 1801, R. Desgenettes, médecin en chef de l'armée de la république française, et Th. Young, écuyer, inspecteur-général des hôpitaux de l'armée de S. M. B.»

J'écrivis au général Belliard le 12, (no 781 de ma correspondance).

«Général, j'ai la satisfaction de vous apprendre que nos hôpitaux et nos convalescents des lazarets sont enfin partis hier, et qu'ils ont probablement passé le Boghaz.

Il a été impossible de procéder dans les hôpitaux à une visite des convalescents susceptibles de rentrer dans leurs corps, parce que tous nos malades se sont précipités confusément hier sur les barques d'évacuation.

Je ne sais si on pourra faire cette opération en mer; dans le cas où elle ne pourrait avoir lieu, nous serons obligés de demander un quatrième bâtiment-hôpital.»

Le brigadier-général Oakes m'ayant communiqué avec empressement, le 14, une dépêche du lord Keith, qui mettait à la disposition de l'armée française, sur la demande du général Belliard, un quatrième vaisseau-hôpital, je prévins l'inspecteur-général qu'il nous restait cent quatre-vingts malades à embarquer.

J'écrivis, le 17, au général Belliard (no 792 de ma correspondance).

«Général, j'ai l'honneur de vous prévenir que M. l'inspecteur-général des hôpitaux de S. M. B. m'a informé qu'il avait donné des ordres pour fournir au quatrième vaisseau-hôpital, la Peggy-Success, tout ce qui lui est nécessaire.

Je lui ai fait quelques observations relativement à l'amélioration des vivres et fournitures; mais il s'est constamment retranché dans les termes de la convention, qui porte que nous serons traités conformément aux règlements maritimes de l'Angleterre.

Le Niger, vaisseau-hôpital, a mis à la voile avec tant de précipitation qu'il n'a pu recevoir différents objets très essentiels qui lui étaient destinés.»

Le lendemain l'évacuation totale des malades étant terminée, et les troupes rendues au lieu de l'embarquement, en partant pour me rendre à bord, j'écrivis la lettre suivante à M. l'inspecteur-général Young (no 795 de ma correspondance).

Rosette, le 18 thermidor an IX.

«Monsieur, j'ai l'honneur, en quittant cette place, de vous prévenir que nous y laissons cinq à six malades hors d'état d'être évacués sans compromettre ce qui leur reste d'existence.

J'espère que vous voudrez bien donner des ordres pour qu'ils soient transférés dans vos hôpitaux, où je ne doute pas qu'ils recevront le traitement le plus convenable à leur malheureuse situation.

Agréez les témoignages de l'estime la plus distinguée, que je ne cesserai de conserver pour vous, d'après vos manières loyales, et la confiance amicale que vous avez portée dans toutes nos relations.»

Nous mîmes enfin à la voile; mais nos regards se portèrent encore longtemps sur la terre antique et célèbre dont nous nous éloignions, et sur cette Alexandrie où nous laissions nos concitoyens, nos amis, nos frères.

J'avais des sujets particuliers d'inquiétude: une lettre que j'adressai en messidor à l'ordonnateur en chef pour qu'il chargeât le citoyen Garros de me suppléer ne lui parvint point, et je fus remplacé, contre toutes les convenances, par un médecin qui se crut dispensé pour toujours de correspondre même avec moi. Cependant j'avais appris avant de quitter l'Égypte que le scorbut commençait à régner à Alexandrie, où il a depuis fait tant de ravages, qu'il a hâté, s'il n'a pas nécessité la reddition de cette place.

Une traversée plus ou moins longue, mais qui fut en général de six semaines, nous porta sur les côtes de France. Moins heureux qu'un grand nombre d'autres, nous ne touchâmes la terre sacrée qu'au bout de cinquante et quelques jours. Au moment où nous l'aperçûmes nous la saluâmes par des cris d'allégresse, et nous oubliâmes nos fatigues et nos maux: bientôt le tableau riant de la prospérité et de la gloire de notre pays vint ajouter à nos délices. Qu'y a-t-il de nouveau, criâmes-nous tous à la fois à un pilote côtier qui vint le premier au-devant de nous en mer, je ne sais pas trop, nous répondit-il, parce que je sors d'entre deux rochers où je passe ma vie, près la Ciotat; mais je vais vous dire le prix du pain et du vin, que l'on mange et que l'on boit à présent tranquillement partout... puis, pour les ennemis de la République, il faut que notre premier consul les ait envoyés à tous les diables, car on n'en parle plus... il devrait bien en faire autant, ajouta-t-il, de ces petits bâtiments anglais qui rôdent encore par-là tous les jours... on ne peut seulement pas pêcher.

Le général Cervoni, commandant de la huitième division militaire, qui revoyait ces troupes à la tête desquelles il se signala souvent en Italie, le général Léopold Berthier, spécialement chargé de l'honorable mission de recevoir l'armée d'Orient, enfin les conservateurs de la santé publique nous procurèrent dans le lazaret tout ce que nous pouvions désirer dans notre position.

Ce fut dans cette enceinte que des cris de joie nous apportèrent la nouvelle des préliminaires qui devaient bientôt nous rapprocher de l'Angleterre; et ce fut un touchant spectacle que de voir l'enthousiasme qu'inspirait à tant d'intrépides guerriers l'espoir d'une paix profonde.

Je m'empressai, citoyens membres du conseil de santé des armées, de vous écrire d'abord le 7 vendémiaire an X (no 797 de ma correspondance) pour vous prévenir que le nombre de nos malades au moment du départ était d'environ six cents.

Ma dépêche du 10 (no 800 de ma correspondance) contenait neuf états des médecins employés à toutes les époques, l'état de situation de nos malades le 7 du courant, et deux autres pièces.

Ma dépêche du 21 (no 807 de ma correspondance) vous faisait part du mouvement des hommes sains et malades, avec indication des maladies.

J'écrivis au citoyen Lorentz, médecin en chef de l'hôpital militaire de Marseille, la lettre suivante (no 813 de ma correspondance).

Au lazaret de Marseille, le 25 vendémiaire an X.

«J'ai l'honneur de vous prévenir, citoyen collègue, d'une évacuation d'environ 130 malades, au nombre desquels il y a 32 fiévreux, et qui doit avoir lieu demain sur votre hôpital.

J'ai donné des ordres pour qu'il vous fût adressé une liste nominale avec l'indication de l'état antérieur et actuel de chaque malade.

J'informerai de ce mouvement le conseil de santé des armées, et il ne pourra plus concevoir d'inquiétude pour nos malades quand il saura qu'ils sont confiés à vos soins.»

J'écrivis au conseil les deux lettres suivantes, que je crois devoir rapporter ici (no 815 et 824 de ma correspondance).

Au lazaret de Marseille, le 25 vendémiaire an X.

«Citoyens,

J'ai eu l'honneur de vous faire connaître par ma lettre du 21 du courant, no 807, l'état des malades arrivés à bord des vaisseaux-hôpitaux l'Amiral-Mann, et le Niger, et de ceux fournis par les autres bâtiments de cartel.

Demain 26, une portion de ces malades sera évacuée avec toutes les formalités exigées et requises sur l'hôpital militaire de Marseille; l'autre portion est déjà rentrée ou rentrera dans le jour dans les différents corps.

J'ai la satisfaction de vous annoncer que le Julius-César, autre vaisseau-hôpital, est entré dans le port de Pomegue le 22 du courant. D'après le rapport que m'adresse le citoyen Carrié, médecin de l'armée chargé du service de ce bâtiment, il mit à la voile de la rade d'Aboukir le 13 thermidor; avant de relâcher à Malte il perdit dix-neuf hommes, et il fut contraint de laisser neuf malades dans le lazaret de ce port. Le 25, il n'y a plus sur ce bord que six malades dont un seul l'est très gravement.

Nous n'allons conserver qu'un seul hôpital: il y a aujourd'hui quinze malades; on en attend six ou sept du Julius-César; en supposant que quinze autres bâtiments, à bord desquels se trouvent environ quatre mille hommes, et dont l'un porte notre respectable corps d'invalides, ne fournissent pas plus de malades, le mouvement du 30 de ce mois n'excédera pas quatre-vingt-dix fiévreux.

J'ai l'honneur de vous saluer.»

Au lazaret de Marseille, le 1er brumaire an X.

Citoyens,

Je vous écris fréquemment, parce que je crois pouvoir calmer par ce moyen une partie des sollicitudes du ministre sur les restes précieux d'une armée constamment l'objet de ses affections.

Vous trouverez ci-joint le mouvement journalier de l'hôpital établi dans le lazaret de Marseille pour la troisième décade de vendémiaire, relevé d'après les mouvements délivrés par l'économe, certifiés par le médecin de l'armée chargé du service, et visés par le commissaire des guerres chargé de la police dudit établissement.

La note qui répond au 15 vendémiaire vous fera connaître que l'évacuation dont je vous ai prévenus le même jour par ma lettre no 815, a eu lieu le lendemain.

Une seconde note portée sur le même mouvement indique que les seize bâtiments de l'arrivée desquels je vous prévenais aussi, et notamment le Julius-César, n'ont pu, à cause de la houle, débarquer leurs malades avant le 30. Cette cinquantaine de malades va recevoir les soins que nous lui devons, et que lui assurent la cordialité fraternelle de nos troupes, et les sentiments distingués et connus des généraux qui les commandent.

Nos maladies sont, comme je vous l'ai annoncé, des dysenteries chroniques: nos derniers entrants ont été affectés d'un violent coup de vent du nord, qui a porté sur les organes de la respiration et de la déglutition des hommes mal couverts; mais au moment où j'écris le vent paraît vouloir passer au sud.

Je vous enverrai au sortir de ma quarantaine, qui sera, je l'espère, terminée le 9 du courant, 1o une note des travaux publiés par les médecins de l'armée d'Orient; 2o celle des travaux déposés entre mes mains; 3o celle des travaux annoncés. J'aurais voulu faire beaucoup plus, et je m'y suis pris de toutes les manières pour exciter les autres à faire davantage; mais des circonstances pénibles et difficiles ont contrarié mon zèle et l'ardent désir que j'avais de vous offrir l'hommage d'un travail plus complet, et plus digne de l'attention de l'Europe, si longtemps fixée sur notre armée[26].

J'ai l'honneur de vous saluer.»

Ma quarantaine se trouvant terminée, je sortis du lazaret le 9. L'administration eut lieu d'être satisfaite de la discipline et de la docilité de nos troupes; c'était le résultat de notre expérience. J'eus en mon particulier beaucoup à me louer de la confiance dont m'honorèrent les conservateurs, en me faisant concourir avec leurs officiers de santé à toutes les visites et à tous les rapports de salubrité pendant mon séjour dans le lazaret.

Je désirerais seulement qu'on supprimât la cérémonie puérile et illusoire du parfum la veille de la sortie, et qui consiste à enfumer les personnes en brûlant une botte de foin. Il ne faut pas qu'un établissement aussi utile puisse fournir matière à aucun ridicule.

Le jour de ma sortie j'envoyai au conseil de santé des armées le mouvement journalier des hôpitaux du lazaret pour la première décade de brumaire jusqu'au 7 inclusivement; je le prévins que nous avions évacué vingt-un malades sur l'hôpital militaire de Marseille; enfin je lui annonçai l'arrivée d'une partie de la garnison d'Alexandrie.

Le 12, j'adressai une note sous forme d'instruction au citoyen Vautier, en le félicitant sur son heureuse arrivée d'Alexandrie, et en le chargeant seul, pour le moment, du service pénible du lazaret, d'après les motifs que j'avais de me reposer sur son zèle (no 839 de ma correspondance).

J'écrivis au conseil, avant mon départ pour Paris, les lettres suivantes:

À Marseille, le 18 brumaire an X.

(No 855 de ma correspondance.)

«Citoyens,

J'appris, le 9 du courant, et après ma dépêche de ce jour, no 836, quelques détails sur la garnison d'Alexandrie.

Au moment de la reddition de cette place elle avait 1700 malades, dont 1300 scorbutiques, et le reste blessés.

Il a dû, d'après les conventions, rester en Égypte 400 scorbutiques.

Le dernier mouvement des hôpitaux établis dans le lazaret de Marseille a donné pour résultat:

Hôpital de l'enclos neuf, 125 malades, qui doivent avoir l'entrée le 22 du courant.

Hôpital du grand enclos, 350 malades, sur lesquels il y a 300 scorbutiques, dont l'état s'améliore chaque jour, et 30 blessés.

Ne pouvant d'après les règlements du lazaret surveiller personnellement le service, je me rends auprès du ministre de la guerre pour y prendre des ordres ultérieurs relativement à ma nouvelle destination.

Les citoyens Barbès, Renati, et Sotira, doivent vous adresser une demande pour être employés dans l'expédition d'Amérique: ce sont des médecins habiles, distingués par un grand zèle, et qui ont subi toutes les épreuves.

Tous les médecins attendent avec impatience, ainsi que les chirurgiens, et pharmaciens, que vous leur donniez une destination ou leur congé; une grande partie sont près de leur famille, et le séjour de Marseille est très coûteux.

Je vous ai adressé pour mon service, dès le 10 vendémiaire, sous le no 800, neuf états très détaillés.

Vous trouverez ci-jointe la note sur les travaux littéraires des médecins de l'armée, dont je vous ai déjà annoncé l'envoi par ma lettre du 1er de ce mois, no 824.

J'ai l'honneur de vous saluer.»

Marseille, le 21 brumaire an X.

(no 856 de ma correspondance.)

«Citoyens,

Des pluies affreuses, qui durent encore, et ont déjà causé pour plusieurs millions de dégâts dans le territoire de cette commune, ont retardé mon départ.

Je profite de cette prolongation de séjour pour vous communiquer la nouvelle satisfaisante de l'arrivée de onze bâtiments parlementaires le 19 du courant.

Voici la note de ces bâtiments:

  • La Peggy-Success, quatrième bâtiment-hôpital des troupes du Kaire, partie d'Aboukir, et portant cent soixante-quinze hommes, dont trente malades seulement; le reste en bonne santé 175 hommes.
  • Le Trent, parti du même lieu, portant 101 hommes.
  • La Peggy, venant d'Alexandrie, portant 150 hommes.
  • L'Alexandre, venant du même lieu, portant 185 hommes.
  • La bombarde le S.-Antoine, venant du même lieu, et portant 88 hommes.
  • Le gouverneur Miller, venant du même lieu, portant 98 hommes.
  • Le S.-Nicolas, venant du même lieu, portant 231 hommes.
  • L'Infatigable, venant du même lieu, portant 217 hommes.
  • Le Juste, venant du même lieu, portant 124 hommes.
  • Le brigantin le S.-Georges, venant du même lieu, portant 182 hommes.
  • La polacre la Bellette, venant du même lieu, portant 150 hommes.
  •   ——————
  • Total 1701 hommes.
  •  ==========

Je n'ai de renseignements à vous donner que sur la santé du premier de ces bâtiments, sur le sort duquel j'étais très inquiet.

J'ai l'honneur de vous saluer.»

Après l'évacuation de l'Égypte le citoyen Frank est resté chargé du service de l'hôpital conservé à Alexandrie conformément à la capitulation.

RÉSUMÉ.

Maintenant quels sont les résultats de cette expérience, suivie plus de trois ans et demi sur trente mille hommes transportés d'Europe en Afrique, et ayant fait en Asie une pénible campagne?

La première question qui se présente est celle de l'acclimatement; on le voit se faire en deux ans environ: les Anglais que le sort de la guerre rend nos prisonniers le subissent comme nous; il est marqué par des éruptions à la peau, des ophtalmies, des diarrhées, et des dysenteries.

Cependant la salubrité du climat de l'Égypte, et surtout de la haute, est définitivement jugée par le nombre comparatif des malades, moindre dans l'armée d'Orient que dans aucune des autres armées de la République en Europe sans nulle exception.

Les fièvres pestilentielles, ou mieux la peste (car il est temps de donner aux choses leur véritable nom, lorsqu'aucunes considérations politiques n'empêchent plus de le faire) a été enfin abordée, étudiée, et traitée par plusieurs médecins: mais les secours ont manqué pour des observations plus exactes et plus suivies; j'entends parler du local convenable, des médicaments, du concours des soins d'hommes courageux et intelligents. Ici, par exemple, je dois faire remarquer qu'il n'y a rien eu de déterminé avec précision sur l'efficacité du traitement par les onctions ou frictions d'huile; les ouvertures des cadavres n'ont été ni assez multipliées ni assez authentiques pour en rien déduire également de positif.

La peste est endémique dans l'Égypte inférieure, et le long des côtes de la Syrie, puisqu'elle y règne depuis des siècles, et qu'elle a été cent fois observée dans cent lieux qui n'avaient eu entre eux aucune espèce de communication.

La peste se développe généralement dans une saison déterminée; mais on a vu dans le courant de cette histoire qu'il y en a eu des exemples à toutes les époques de toutes les années.

Les vents du sud, l'air chaud et humide, en favorisent, s'ils n'en produisent pas seuls le développement.

Les vents du nord, les extrêmes du froid et du chaud, la font cesser presque entièrement.

La peste est évidemment contagieuse; mais les conditions de la transmission de cette contagion ne sont pas plus exactement connues que sa nature spécifique. Les cadavres n'ont pas paru la transmettre; le corps animal dans une chaleur, et plus encore dans la moiteur fébrile, a paru la communiquer plus facilement. On a vu la contagion cesser en passant d'une rive à l'autre du Nil; on a vu un simple fossé, fait en avant d'un camp, en arrêter les ravages; et c'est sur des observations de ce genre qu'est fondé l'isolement avantageux des Francs, dont la pratique a été suffisamment détaillée par divers voyageurs.

La peste a attaqué plus particulièrement les hommes exposés à passer subitement d'une atmosphère chaude dans une atmosphère froide, et réciproquement, tels que les boulangers, les forgerons, les cuisiniers, etc.: les hommes adonnés à l'excès des liqueurs spiritueuses et des femmes ont rarement guéri de la peste.

Cette maladie, comme je l'ai dit ailleurs, a divers degrés d'intensité; ces degrés constituent des épidémies plus ou moins meurtrières, mais dans chaque épidémie la maladie ne frappe pas toujours au même degré.

Elle est bénigne quand il n'y a ni adynamie ni ataxie.

Quand il y a l'une des deux, ou l'une et l'autre avec peu d'intensité, il y a espoir de guérison, et c'est l'espèce que je considère comme moyenne.

Quand l'adynamie et l'ataxie sont portées très loin il n'y a presque aucun espoir de guérison. J'ai indiqué les moyens que j'ai tentés en Syrie; on peut voir ce que j'ai dit sur les vomitifs, les toniques, et les antiseptiques, ainsi que sur l'application particulière et prompte des vésicatoires.

Malgré la gravité de ce que j'appelle la troisième espèce, on a vu des guérisons, même entièrement dues à la nature, et je ne puis en passer sous silence deux exemples remarquables, quoique mon objet ne soit pas de présenter ici des faits particuliers.

Un sapeur, attaqué de la peste pendant l'expédition de Syrie, s'échappa nu, dans un violent délire, du fort de Cathiéh, et erra pendant près de trois semaines dans le désert; deux bubons qu'il avait abcédèrent et se cicatrisèrent d'eux-mêmes; il subsista, quand il sentit le besoin des aliments, avec cette petite espèce d'oseille dont j'ai parlé ailleurs.

Le second cas est celui d'un artilleur qui avait deux bubons et un charbon; dans un violent délire, il s'échappa, le jour de son entrée, des baraques du lazaret de Boulak, et se précipita dans le Nil: il fut retiré au bout d'une demi-heure au-dessous d'Embabéh par des habitants de ce village, et il guérit parfaitement.

La peste de l'an VII se trouve amplement décrite dans l'expédition de Syrie; elle a été très meurtrière.

Celle des années VIII et IX n'a point offert de différences assez tranchantes pour forcer à en varier le traitement: on a guéri environ un tiers des malades dans l'an VIII.

L'an IX, où nous avons eu dans la citadelle du Kaire jusqu'à sept cents pestiférés, nous avons eu la douce satisfaction d'en voir guérir au-dessus du tiers, et dans quelques circonstances près de la moitié: les jeunes Nègres et les Syriens au service de la République ont particulièrement souffert de la peste.

Indépendamment des fautes et des omissions que l'on pourra rencontrer dans cet ouvrage, j'aurais bien désiré le terminer par un tableau de la mortalité de l'an IX, détaillé comme je l'ai fait pour les six derniers mois de l'an VI, et la totalité des années VII et VIII, mais je m'en suis abstenu parce que les nombreux mouvements que je me suis procurés ont encore besoin d'être contrôlés par les déclarations des corps militaires et administrations: travail dont s'occupent, au reste, dans ce moment les bureaux du département de la guerre.

Je m'abstiens de toutes observations relatives au traitement ou à la suite des bubons et des charbons, cet objet devant être exposé fort au long par le chirurgien en chef de l'armée dont les services ont été justement appréciés.

Si je n'ai pas parlé du citoyen Boudet, pharmacien en chef, c'est que mon suffrage ne peut rien ajouter aux éloges publics qu'il a reçus de la première autorité de l'armée.

Il faut regarder le régime administratif de nos lazarets de l'Égypte, même dans les années VIII et IX, où il fut en partie dirigé par des officiers de santé, comme une transaction entre les principes d'hygiène, et des idées populaires qu'il a fallu respecter. Au reste notre conservateur Guyrard a aussi mérité des palmes civiques par son zèle, son désintéressement, et son humanité.

L'on n'a jamais veillé dans aucune armée avec plus de soin sur la conservation des troupes; généraux, officiers supérieurs, et de tous les grades, les simples soldats même y ont concouru. Les plus braves des hommes sont donc encore les plus compatissants et les plus généreux!

Dans les moments les plus désastreux nos hôpitaux ont été souvent aussi bien tenus que les établissements de nos grandes villes de guerre: si les soins y ont quelquefois manqué, nos officiers de santé sont sans reproches.

Le ministre leur a rendu une éclatante justice en vous chargeant, CITOYENS MEMBRES DU CONSEIL DE SANTÉ DES ARMÉES, de les utiliser de préférence à tous les autres.

Il me reste cependant à vous recommander le citoyen Emeric, sexagénaire accablé d'infirmités contractées au service, et qui attend à Toulon quelque témoignage de la reconnaissance du gouvernement.

Signé R. DESGENETTES.

P. S. Je remettrai au secrétariat-général de l'administration de la guerre les mouvements des lazarets, tels que j'ai pu me les procurer, persuadé que ces documents pourront être utiles à la tranquillité de plusieurs familles.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

Note 1: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 2: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 3: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 4: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 5: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 6: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 7: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 8: Le journal entier des marches, l'indication des lieux où il se trouve de l'eau, et plusieurs remarques sur la nature des terrains parcourus, sont relevés sur la belle carte de la campagne de Syrie, dressée par le citoyen Jacotin, directeur des ingénieurs-géographes de l'armée.[Retour au Texte Principal]

Note 9: Voyez sur cet itinéraire:

1o Description de la route du Kaire à Ssalehhyéh par le chef de brigade Shulkouski, Mémoires sur l'Égypte Ier volume.

2o Notice sur la topographie physique et médicale de Belbéis, par le citoyen Vautier, médecin de l'armée.

3o Notice sur la topographie physique et médicale de Ssalehhyéh, par le citoyen Savaresi, médecin de l'armée, insérée ainsi que la précédente, dans la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 10: Voyez le mémoire sur le lac Menzaléh, publié par le général Andréossy, Mémoires sur l'Égypte Ier volume.[Retour au Texte Principal]

Note 11: Voyez Mémoire sur les sables du désert, par le citoyen Costaz, Mémoires sur l'Égypte, IIe volume.[Retour au Texte Principal]

Note 12: Voyez pour les détails militaires la Relation des campagnes du général Bonaparte en Égypte et en Syrie, par le général Alex. Berthier; Paris, an IX.[Retour au Texte Principal]

Note 13: Gierus. lib., canto IX.[Retour au Texte Principal]

Note 14: Virgilius, Ænæidos, lib. IX.[Retour au Texte Principal]

Note 15: Volt., Henriade, chant III.[Retour au Texte Principal]

Note 16: Voyez le Courier d'Égypte no 61, 62, 63, 64, 65.[Retour au Texte Principal]

Note 17: Le citoyen Thévenin, qui, après avoir rendu, en qualité de chef de différentes administrations, les plus grands services, a généreusement aidé l'armée de sa bourse et de son crédit dans des circonstances difficiles, et qui, voulant le premier faire jouir la France des avantages commerciaux que promettait la possession de l'Égypte, a expédié dans l'an IX douze bâtiments qui sont tous tombés aux mains des ennemis.[Retour au Texte Principal]

Note 18: Voyez ce rapport dans les Mémoires sur l'Égypte, tome III, page 103.[Retour au Texte Principal]

Note 19: Le citoyen Larrey a fait tous les ans des cours d'anatomie d'institutions et de clinique chirurgicales. (Note ajoutée).[Retour au Texte Principal]

Note 20: Voyez l'ordre du jour du 15 fructidor. (Note ajoutée).[Retour au Texte Principal]

Note 21: Setti-Nefi, dont il est ici question, longtemps célèbre dans l'Orient par les charmes de sa beauté, est la veuve d'Aly, et aujourd'hui de Mourat-bey: constamment chérie, honorée, et consultée par ses deux illustres époux, c'est elle qui leur inspira la justice, la libéralité, la clémence, qui les distinguèrent de la foule des barbares, et placeront leurs noms parmi ceux de grands hommes. (Note ajoutée.)[Retour au Texte Principal]

Note 22: L'un des malades mourut effectivement le surlendemain: on n'a pas entendu parler depuis de nouveaux accidents dans ce village. (Note ajoutée.)[Retour au Texte Principal]

Note 23: Le citoyen Girard, ingénieur en chef des ponts et chaussées, qui s'est livré à une foule de recherches utiles avec l'activité et le talent qui le distinguent, a publié depuis, dans le no 111 du Courier d'Égypte, un article fort intéressant sous le titre suivant: Sur la ville de Tentah et les partis qui divisent les habitants de la basse Égypte.[Retour au Texte Principal]

Note 24: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 25: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

Note 26: Voyez la seconde partie de ce recueil.[Retour au Texte Principal]

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