Hokousaï: L'art japonais au XVII Siècle
XXVI
En 1817, pendant un voyage d'Hokousaï à Nagoya, le peintre recevait la commande de nombreuses illustrations de livres et, comme ses élèves vantaient l'exactitude de la représentation des êtres et des choses dans les dessins du maître, dessins d'un format relativement très petit, les adversaires de la peinture vulgaire déclaraient que les petites choses que produisait le pinceau d'Hokousaï étaient du métier, n'appartenaient pas à l'art. Propos qui blessaient Hokousaï et qui lui faisaient dire que, si le talent du peintre consistait dans la grande dimension et les grosses touches d'une oeuvre, il était prêt à étonner ses adversaires. Et c'est alors que son élève Bokousen et ses amis lui vinrent en aide pour exécuter en public une formidable peinture,—un Darma d'une bien autre proportion que celui déjà peint en 1804.
Ce fut le cinquième jour du dixième mois de l'année que cette peinture eut lieu devant le temple de Nishighakéjo, et la biographie japonaise d'Hokousaï en donne la relation illustrée d'après un récit avec dessins de Yénko-an, un ami du peintre.
Au milieu de la cour du nord du temple, défendue par une palissade, avait été développé un papier fait exprès et ayant plusieurs fois l'épaisseur du papier servant à couvrir les manteaux au Japon. Et ce morceau de papier sur lequel Hokousaï devait peindre avait la superficie de 120 nattes. Or la natte japonaise mesure 90 centimètres de largeur sur 180 de hauteur, ce qui faisait à l'artiste un champ de peinture de 194 mètres. Et, pour que le papier pût rester tendu, il avait été fait dessous un lit de paille de riz d'une grande épaisseur et, de distance en distance, des morceaux de bois, servant de presse, empêchaient le vent de soulever le papier. Un échafaudage avait été monté contre la salle du conseil et faisant face au public: échafaudage au haut duquel des poulies étaient attachées à des cordes pour soulever l'immense dessin dont la tête était fixée à un madrier de bois gigantesque. Des pinceaux de grande dimension se voyaient tout prêts, des pinceaux dont le plus petit était de la grosseur d'un balai, et l'encre de Chine était préparée dans des cubes énormes et transvasée dans un tonneau. Ces préparatifs occupaient toute la matinée où, dès les premières lueurs du jour, se pressaient dans la cour du temple, pour voir exécuter le dessin, une foule de nobles, de manants, de femmes de toutes sortes, de vieillards, d'enfants.
Dans l'après-midi Hokousaï et ses élèves, dans une tenue demi-cérémonieuse, les jambes et les bras nus, se mettaient à l'oeuvre, les élèves puisant l'encre dans le tonneau et la mettant dans un bassin de bronze avec lequel ils accompagnaient, là où il allait, le peintre peignant. Tout d'abord Hokousaï prit un pinceau de la grosseur d'une botte de foin et, après l'avoir trempé dans l'encre, dessina le nez, puis l'oeil gauche du Darma: alors il fit plusieurs enjambées et dessina la bouche et l'oreille. Après il courut tracer la ligne de la configuration du crâne. Cela fait, il exécuta les cheveux et la barbe, prenant pour les dégrader un autre pinceau fait de filaments de coco et qu'il trempa dans une encre de Chine plus claire. A ce moment ses élèves apportèrent, sur un immense plateau, un pinceau fait de sacs de riz, tout imbibé d'encre. A ce pinceau était attachée une corde et, le pinceau posé à l'endroit que Hokousaï indiqua, il attacha la corde à son cou, et on le vit traîner le pinceau attaché à la corde, le traîner à petits pas et faire ainsi les gros traits de la robe du Darma.
Quand les traits furent achevés et qu'il fallut mettre le rouge à la robe, les élèves prirent dans des seaux la couleur, la jetèrent avec des pelles, tandis que quelques-uns d'eux pompaient avec des linges mouillés les endroits où il y avait trop de couleur.
Ce ne fut qu'à la tombée de la nuit que l'exécution complète du Darma fut terminée et qu'on put soulever, au moyen des poulies, la grande machine peinte, et il y eut encore une partie du papier traînant au milieu de la foule qui, selon l'expression japonaise, semblait une armée de fourmis autour d'un morceau de gâteau. Et ce ne fut que le lendemain qu'on put surélever l'échafaudage et accrocher complètement en l'air la peinture.
Cette séance fit éclater le nom d'Hokousaï comme un coup de tonnerre, et pendant quelque temps, dans toute la ville, on ne vit dessiné sur les châssis, sur les paravents, sur les murs, et même sur le sable par des enfants, rien que des Darma, rien que l'image de ce saint qui s'était imposé la privation du sommeil et dont la légende raconte qu'indigné de s'être endormi une nuit il se coupa les paupières, les jeta loin de lui comme de misérables pécheresses et que, par suite d'un miracle, ces paupières prirent racine où elles étaient tombées, et qu'un arbrisseau, qui est le thé, poussa donnant la boisson parfumée qui chasse le sommeil.
Ce ne fut pas la seule grandissime peinture que peignit Hokousaï. Plus tard il peignit, à Honjô, un cheval colossal, et plus tard encore à Riôgokou un Hôteï géant, Hoteï qu'il signa Kintaïsga Hokousaï, ce qui veut dire «Hokousaï de la maison au sac de brocart», par allusion au sac de toile qui est toujours l'accessoire de ce dieu. Le jour où il peignit le cheval de la grandeur d'un éléphant, on raconte qu'il posa son pinceau sur un grain de riz et, quand on examina ce grain de riz à la loupe, on eut l'illusion de voir dans la tache microscopique du pinceau l'envolée de deux moineaux.
XXVII
En 1818 Hokousaï illustre Hokousaï Gwakiô, LE MIROIR DES DESSINS
D'HOKOUSAÏ ou Dénshin Gwakiô, MIROIR DES DESSINS QUI VIENNENT DE
L'ÂME.
Ce livre qui contient cinquante pages de dessins est avec le Shashin gwafou l'album où Katsoushika Hokousaï se montre le plus magistral, le plus en possession de tout son talent.
La préface dit: «Les anciens ont dit que pour faire un grand peintre, il fallait trois conditions:
    L'élévation de l'esprit;
    La liberté du pinceau (l'exécution);
    La conception des choses.
Et généralement il est difficile de trouver un artiste qui possède une de ces conditions. Eh! bien, il y a un homme de Yédo, appelé Hokousaï, adonné depuis de longues années à la peinture, et qui remplit ces trois conditions.»
Et la préface n'exagère pas.
D'abord le titre dans un bel encadrement michelangesque, représentant des oni, des mauvais génies:—un encadrement qui a l'air de la première page d'un de nos beaux livres du XVIe siècle.
Alors une série d'images du plus puissant dessin anatomique, où tous les muscles sont indiqués dans la chair comme par une calligraphie savante où se voit, dans le carré de leur forme, le rondissement des mollets, où dans les pieds, dans les mains, transperce l'ossature du squelette: du nu qui a quelque chose d'un Mantegna animé par une fièvre de la vie. Et défilent, sous vos yeux, ces anatomies bossuées et ressautantes de Bénkéi, le représentant de la force, montant une cloche au haut de la montagne Ishiyama; tuant à coups de hache un ours; de Momotaro écrasant sous lui un diable; de ces deux aveugles se battant à coups de bâton, etc., etc.
Et le mouvement et la trépidation des muscles chez Hokousaï s'étend aux vêtements, ainsi que dans cette aérienne apparition d'un Darma au haut d'un rouleau de papier et chez lequel, de la courbe de son corps sous sa tête rejetée en arrière, sous ses pieds en retraite, l'envolée derrière lui de sa robe ressemble à des lanières de fouet.
Et à côté de ces représentations de la force, en sa tourmente musculaire, les jolies images de la grâce des enfants, de la gentillesse éveillée de ces petits Japonais aux figures rondelettes, aux trois houppes de cheveux sur le front et les tempes. Il y a une charmante planche d'enfants faisant de la musique, une autre délicieuse planche d'enfants jouant à une espèce de jeu de dames; mais la planche qui est tout à fait un chef-d'oeuvre est la réunion de quatre gamins japonais faisant du trapèze après les traverses d'une barrière et dont l'un, la tête en bas, a son petit derrière à l'air: un dessin qui est le vrai dessin de la grâce gymnastique.
Une autre composition intéressante est un gras Hôteï renversé sur le dos et riant aux larmes, et qui fait danser au haut de ses pieds levés, ainsi que dans la Gimblette de Fragonard, un petit Japonais. Au milieu de ces dessins de l'humanité petite ou grande, des croquis d'animaux, comme ces deux grues penchées sur l'eau, comme ce groupe d'une poule et d'un coq, où le croquis n'a jamais été plus loin, par cette connaissance qu'a maintenant Hokousaï de ce qu'on doit mettre et de ce qu'on doit omettre dans un dessin, pour que ce dessin ait tout son effet. Et encore des planches de poissons de toutes les formes, au milieu desquels un cuisinier est renversé, cul sur tête, par la décharge d'un poisson électrique.
Et la grandeur et la puissance du dessin du maître, conservées dans des riens, comme une tige d'iris.
XXVIII
Hokousaï publie en 1819, avec la collaboration de ses élèves d'Osaka, Senkwkoutei, Hokouyô, Sekkwatei Hokoujoû, Shungôtei, Hokkei (un autre que le Hokkei connu), publie Hokousaï Gwashiki, MÉTHODE DE DESSIN PAR HOKOUSAÏ, un volume aux dessins en noir teintés d'une coloration rose et bleuâtre.
À côté du gros et gras Yébis ou pêchant à la ligne, c'est une assemblée de Rakans, de prêtres bouddhiques, dont l'un fait sortir de sa coupe une vapeur qui se change en un gigantesque dragon; c'est le malheureux prince Ohtô en sa noire prison, dans une anfractuosité de rocher; c'est l'hallucination de Yorimitso devant cette gigantesque araignée dont la toile ferme la sortie d'une pièce; c'est la lutte corps à corps de Kawazou-no-Sabouro et de Matano-no-Gorô, ces deux formidables guerriers du XIIe siècle, c'est Bishamon tuant un diable. Et ce sont des pêcheurs de crabes, des laveurs d'ignames, des bûcherons, des portefaix, des humains, si vivants, si parlants, si gesticulants, qu'il y a chez eux comme une ivresse de la vie et une joie gaudriolante, non seulement des physionomies aux bouches fendues en tirelire, mais encore des torses, des bras, de toute la musculature qui semble remuée, agitée, secouée par un rire comique[17].
[Note 17: En 1849, a paru un recueil en trois volumes de Hokousaï Gwashiki, avec les planches réduites et teintées grossièrement de rose et de bleu: chaque volume précédé d'un prêtre du culte Kami.]
Et de cette mimique du dessin, parfois un peu caricaturale mais qui n'est pas absolument particulière à Hokousaï, mais presque générale chez tous les peintres japonais, il est une explication. Le Japon est le pays où le masque d'Okamé, la déesse de la grosse joie, figure dans le vestibule de toutes les habitations: où le proverbe: «Le sourire est la source du bonheur et de la fortune» est à l'état d'axiome; où l'on n'entend jamais pleurer un enfant; où la femme est la seule femme de l'Orient qui ait une nature rieuse; où la bataille de la vie n'est pas âpre; où, dans ce pays de gais paysages et de ciel bleu, la mélancolie ne semble pas exister; enfin où les atteintes prolongées de chagrins chez les peuples septentrionaux ne sont que momentanées.
XXIX
En 1822 paraissent Kiôka Moumazoukouski, POÉSIES SUR LES CHEVAUX, poésies où une seule planche double signée Hokousaï, fou de la Lune, représente trois de ces chevaux chevelus, à la crinière hirsute, dont l'un, les fers en l'air, se roule à terre en détachant de terribles ruades.
En 1826, dans Hankon Shirio, LES VIEUX PAPIERS JETÉS, deux volumes de Tanéhiko, il existe un curieux fac-similé d'Hokousaï d'après Tori-i Kiyonobou, peintre du XVIIe siècle, représentant un fameux marchand de caramels de longévité pour les enfants, si populaire que sa personnalité fut mise au théâtre par le fameux acteur Nakamoura Kitibei.
XXX
De 1800 à 1826, les feuilles séparées, publiées par Hokousaï, sont nombreuses et de toute nature. Un jour c'est une estampe industrielle, un autre jour une estampe de l'art le plus pur.
Dans les années qui suivent 1800, ce sont deux séries de petites bandes, au nombre d'une vingtaine, contenant des sujets variés.
Vers le même temps, une suite d'impressions caricaturales, parmi lesquelles une assez drôlatique: un garçon d'un marchand de saké remettant la facture à une bonne qui, prenant la facture pour une lettre d'amour, se sauve et que le garçon est obligé de rattraper par ses jupes: une série d'une dizaine de planches presque entièrement consacrée, avec la série des CENT PROVERBES COMIQUES, aux aventures amoureuses des bonnes et à leur engrossement.
Dans cette série existe une autre planche où un Japonais, dans un saut périlleux, passant par-dessus une femme lavant du linge, la trousse. Les yeux émerillonnés, le nez en as de trèfle, la bouche entr'ouverte de poisson cuit de la laveuse, ça ne peut se dire!
Vers 1802, voici des images à composer pour enfants, faites de deux planches au moyen de la découpure desquelles les enfants doivent constituer une maison avec les personnages du dedans et de l'extérieur. Et cette maison qu'ils doivent composer, est une «Maison Verte». Une constitution plus compliquée est un établissement de bains qui se fabrique avec la découpure de cinq planches et où vous avez tout le détail de l'établissement, avec les hommes et les femmes à l'état de nudité dans les deux bains.
Cette «Maison Verte» et ce bain sont publiés, en même temps que deux suites sur les rônins, une petite série à l'imitation des sourimonos, et une grande série datée de 1806; puis une belle suite de paysages, donnant dans une planche, pour ainsi dire, la gaîté d'une habitation de femme noble, en ces légères constructions à jour toutes remplies de branches de cerisier en fleurs dans de grandes potiches, et avec ces galeries courant sur un petit lac.
Vers 1810, c'est dans un grand format, les six impressions des six poètes qui sont:
    Onono Komati (une femme de la cour);
    Ariwara-no Narihira (un seigneur);
    Sôjô Hénjô (un grand prêtre);
    Kisén Hosshi (un prêtre);
    Ohtomo-no Kouronoushi (un lettré noble);
    Boun-ya-no Yasouhidé (un poète de la bourgeoisie).
Et les contours du corps des six poètes, par une chinoiserie fort à la mode dans ce pays, sont faits avec les lettres de leurs noms, et parmi ces poètes se trouve une Komati d'une très belle couleur au milieu d'espèces de crêtes de vagues violettes et vertes courant si joliment dans une de ses poésies.
Vers ce temps c'est une série de personnages, de paysages, d'oiseaux, de poissons tirés en bleu, contenant une dizaine de planches.
Dans les mêmes années, paraît la représentation d'une «Maison Verte» avec tous ses détails en cinq planches.
Sous l'escalier, l'emmagasinement des barillets de saké; à gauche, le petit bâtiment contre l'incendie, vers lequel il y a une allée et une venue incessante de porteuses de choses. Dans la première pièce, le patron et la patronne assis devant un chibatchi et une théière de thé, et entourés d'un cercle de femmes accroupies. Derrière eux, une petite pagode, avec ses lions de Corée, ses petits Darma, et ses deux bouteilles de saké en laque, comme offrande aux dieux,—et aussi, comme offrande, sur les marches du petit escalier, un moment déposé, l'argent reçu par les femmes, mais qu'elles reprennent bientôt après. Une galerie où, à travers le jardin, on entrevoit des femmes faisant leur toilette. Une pièce où les femmes nettoient des plateaux de laque et enferment dans des coffres des bols et des assiettes. Puis la cuisine où un homme souffle le feu d'un grand fourneau, près d'une colossale marmite de riz, surmonté de quatre petites pyramides de riz et de deux petites bouteilles de saké, toujours comme offrande à Bouddha.
Maintenant un jeu de cartes, le jeu de cartes des poésies de Guénji, se composant de 110 cartes minuscules décorées d'un éventail, d'une bouteille de saké, d'un vol de deux papillons, d'une écritoire, d'une branchette d'arbre, d'un chapeau de paille, d'un panier de légumes, etc.
Et encore un écran où sont représentés deux esprits du saké, ces petits êtres fantastiques aux cheveux rouges, dont l'on porte sur l'épaule le gobelet à queue avec lequel on puise le saké dans la terrine, et l'autre qui joue de la flûte.
Trois curieuses impressions d'écrans en camaïeu bleu, avec les figures et le nu des corps, réservés en blanc, et dans le ciel le rouge d'un soleil couchant, signées: Manji (vers 1834), font partie de la collection de M. Vever. L'un représente un établissement thermal dans la province de Kahi; l'autre, un lac sur la route de Kiso; le dernier un rocher pittoresque dans la province de Jôshû. Deux autres impressions d'écrans faisant partie de la même suite, sont tirées en couleur: l'une, c'est la représentation de pêcheurs tirant leurs filets, l'autre, un parcours de voyageurs le long de la mer par un temps de neige.
Des dessins d'écrans, M. Bing en possède aussi une intéressante suite. Un faisan et un serpent; une réunion de sept coqs, impression très originale; une femme apportant une tasse de thé,—le tirage en noir de l'impression primitive; des teinturières; des pêcheuses de sel au bord de la mer qui moutonne et se brise autour d'elles.
Un aigle volant au-dessus d'un nuage est dans la collection Manzi.
On connaît aussi, publiées vers ce temps, un certain nombre d'impressions d'éventails dont je ne veux citer que le plus remarquable, qui est dans la collection de M. Bing. C'est la tête d'un aigle tenant dans ses serres un petit ourson, dont les ailes étendues remplissent, de la manière la plus heureuse, l'hémicycle de l'éventail.
Enfin, en l'année 1823, l'année où Hokousaï va publier ses plus belles feuilles séparées, va faire paraître ses premières planches des TRENTE-SIX VUES DE FOUGAKOU (Fouzi-yama), il met au jour une curieuse impression. C'est une très grande planche, du format de nos plans de ville: un paysage imaginaire contenant cent ponts dans une seule vue, un paysage d'un pittoresque indescriptible. Et voilà ce que Hokousaï a écrit, comme légende de l'estampe: «Pendant l'automne dernier, j'étais tristement rêveur, et soudain j'ai imaginé de me promener dans un paysage pittoresque, en passant un nombre innombrable de ponts, et je me suis trouvé tellement heureux de ma longue promenade dans ce paysage que j'ai pris de suite mon pinceau et l'ai dessiné, ce paysage, avant qu'il ne se perdît dans mon imagination.»
XXXI
Cette note sur le Paysage à cent ponts est un témoignage du tempérament poétique du peintre, et la biographie de Kiôdén affirme en effet que Hokousaï fut un excellent poète dans la poésie Haï-kai (la poésie populaire).
A propos du goût d'Hokousaï pour la poésie, on raconte qu'il était membre d'une société de poètes, nommés les sociétaires de Katsoushika et, en raison de sa supériorité sur ses confrères, y exerçant une sorte de présidence. Or dans cette société il y avait des gens de service, ignorant que le peintre et le poète étaient le même homme, et il arriva qu'un soir on lui apporta une lanterne dont le papier était blanc, sans aucune ornementation; Hokousaï demanda un pinceau et dessina des tiges de fougères, d'un trompe-l'oeil si extraordinaire que le domestique qui avait apporté la lanterne ne put s'empêcher de crier: «Oh! vraiment, monsieur Hokousaï, quelle disposition vous avez pour le dessin!»
On entend l'éclat de rire des sociétaires de Katsoushika en train de regarder Hokousaï peindre.
XXXII
De 1823 à 1829 paraît, sous le titre de: LES TRENTE-SIX VUES DE FOUGAKOU (Fouzi-yama), une série d'impressions célèbres, qui dans le principe ne devait compter que 36 planches, et dont le nombre a été porté à 46 planches.
Cette série en largeur, aux couleurs un peu crues, mais ambitieuses de se rapprocher des colorations de la nature sous tous les aspects de la lumière, est l'album inspirateur du paysage des impressionnistes de l'heure présente.
1. Yéjiri (de la province de Sourouga).
        Un coup de vent.
2. Ohno-shindén (de la province de Sourouga).
        Transport de fagots par des boeufs.
3. Champs de thé de Katakoura (de la province de Sourouga).
        Un homme ferrant un cheval.
4. Foujimi-no-hara (de la province d'Owari). Un Japonais agenouillé dans le cercle d'une immense cuve qu'il assemble et où l'on voit dans le fond le Fouzi-yama.
5. Un matin de neige à Ko-ishikawa (à Yédo).
        Femme indiquant, d'un kiosque, le Fouzi-yama.
6. Todo-no-Oura.
        Des tori-i dans l'eau, au bas desquels sont des pêcheurs de
        coquillages.
7. L'autre côté du Fouji, vu de Minobougawa (nom de rivière).
        Chevaux au bord de la rivière.
8. Beau temps par un vent du Sud (daté 1825). Le Fouzi-yama, en la coloration rouge d'une brique, avec quelques lézardes de neige à l'extrémité de son pic, et se détachant sur un ciel d'un bleu intense tout rayé de nuages blancs stratifiés qui donnent au ciel le caractère d'une plage dont la mer vient de se retirer. Une impression de la plus grande originalité et où l'artiste japonais eu la bravoure de rendre l'effet qu'il a vu, dans toute sa vérité invraisemblable.
9. Orage au pied de la montagne. Le Fouzi-yama vu tout pourpre à la clarté d'un éclair.
10. Ascension des hommes. Montée de Japonais, par des échelles, à la caverne de Fouzi-yama déjà toute pleine de pèlerins.
11. Naroumi de la province de Kazousa. Grand bateau couvert de nattes.
12. Oushibori de la province de Hitati. Aménagement d'un grand bateau japonais dont on ne voit que la moitié.
13. Le lac de Souwa, de la province de Shimano. Une hutte sous un arbre.
14. Dans la montagne de la province de Tôtômi. Des scieurs de bois débitant une énorme solive s'élevant dans le ciel portée sur quatre poutres. Une des planches les plus harmoniques aux colorations simplement vertes et bleues sur le jaune du papier, avec quelques rehauts d'encre de Chine.
15. La roue hydraulique de Ondén.
        Une femme, un baquet sous le bras, une autre en train de laver,
        dans la chute d'eau un panier rempli d'herbages.
16. Inoumé-tôghé de la province de Kahi.
        Le Fouzi-yama, d'un rouge brun à la base, d'un bleu d'outremer au
        milieu, puis blanc de neige au sommet.
17. La surface de l'eau de Sansaka de la province de Kahi.
        Le Fouzi-yama jaune d'ocre, reflété dans le bleu de la rivière.
18. La passe de Mishima de la province de Kahi. Un gigantesque cèdre dont trois hommes sont en train de mesurer le tronc de leurs bras étendus. Encore une de ces harmonieuses planches faites de colorations bleues et vertes sur papier jaune: au fond les colorations de nos grisailles amoureuses du XVIIIe siècle.
19. L'Aube de Isawa de la province de Kahi. Au-dessus de toits de chaume d'habitations de paysans, le Fouzi-yama tout noir, sauf l'extrémité du pic.
20. L'intérieur du flot en face de Kanagawa (à Tôkaïdô). Planche qui devrait s'appeler la Vague et qui en est comme le dessin un peu divinisé par un peintre sous la terreur religieuse de la mer redoutable entourant de toute part sa patrie: dessin qui vous donne le coléreux de sa montée dans le ciel, l'azur profond de l'intérieur transparent de sa courbe, le déchirement de sa crête qui s'éparpille en une pluie de gouttelettes ayant la forme de griffes d'animaux.
21. Hodogaya sur le Tôkaïdô. Le passage d'un pont de bateaux par des piétons et un Japonais à cheval par un temps de neige.
22. Yoshida sur le Tôkaïdô.
        Maison de thé où hommes et femmes prennent du thé, fument,
        se reposent sur le banc intérieur de la maison d'où par une grande
        baie on aperçoit le Fouzi-yama. Dans un coin un voyageur ramollit
        sa chaussure à coups de maillet.
23. Kanaya sur le Tôkaïdô.
        Norimon porté dans l'eau.
24. Plage de Tago près de Yéjiri sur le Tôkaïdô.
        Une barque, au-dessus le Fouzi-yama, tout bleu.
25. Yénoshima de la province de Sagami.
        Maison rustique dans une île.
26. Nakabara de la province de Sagami.
        Porteurs près d'un petit monument bouddhique.
27. Shitiri-ga-hama de la province de Sagami.
        Un bouquet d'arbres bleuâtres.
28. Le lac de Hakoné de la province de Sagami. Paysages montant au-dessus de sommets d'arbres au bas de la planche.
29. Menesawa de la province de Sagami. Assemblées de grues.
30. Tatékawa de Honjô (à Yédo). Le quartier des chantiers de bois à Yédo, avec d'un côté ses piles de bois et de l'autre ses assemblages de planches debout.
31. Le pont Mannén-bashi de Foukagawa (à Yédo).
        Un bateau à l'avant.
32. La pagode des 500 Rakan (à Yédo).
        Sur la terrasse de la pagode.
33. Le pin de Aoyama (à Yédo). Pin à l'étendue des branches couvrant un terrain immense, branches que soutient une forêt de tuteurs.
34. Kajika-sawa de la province de Kahi.
        Homme retirant, du haut d'un rocher, un filet jeté dans un lac.
35. Mégouro inférieur (à Yédo).
        Faubourg de Yédo où se fabriquent les meules pour écraser le riz.
36. Sénjû (un faubourg de Yédo).
        Homme préparant pour un cheval la sandale de paille employée avant
        l'adoption du ferrage.
37. Vue du Fouji à travers la ville des fleurs (Yoshiwara)
    du côté de Sénjû.
        Une marche de porteurs de fusils dans des gaines rouges.
38. Tsoukouda-zima (une île à l'embouchure de la Soumida).
        Barque chargée de ballots de coton.
39. Tamagawa (nom de rivière) de la province de Mousashi. Petite barque sur cette belle et claire rivière alimentant Yédo d'eau potable.
40. Fouzi vu de Shinagawa à travers Gotènyama (à Yédo).
        Montée de gens dans le paysage; à droite collation sur un tapis.
41. Le pont Nihonbashi de Yédo.
        La perspective des entrepôts.
42. Les magasins de Mitsui de Yédo.
        Magasins d'objets de luxe.
43. Sourougadaï de Yédo.
        Colline au centre de Yédo, porteurs gravissant un chemin.
44. Le temple bouddhique Hongwanji d'Asakousa de Yédo.
        Le fronton de la toiture d'un des plus grands temples bouddhiques.
45. Le soir du pont Riôgokou, vu du quai des Écuries.
        Une barque où un homme laisse flotter un linge dans l'eau.
46. Le village de Sékiya, au bord de la Soumida
        Trois cavaliers galopant sur la route.
À cette série des TRENTE-SIX VUES DU FOUZI se joignent, comme impressions de la même facture, la série des CASCADES et la série des PONTS.
La première série intitulée: Shokokou Takimégouri, VOYAGE AUTOUR DES CASCADES, publiée vers 1827, se compose de huit planches en hauteur. C'est sans doute, vu le nombre des cascades célèbres qui existent au Japon, une série qui devait être continuée.
1. Cascade Kirifouri (de la rosée tombante) dans la montagne kourokami-yama (montagne de cheveux noirs) de la province de Shimozouké. Trois Japonais en contemplation devant la cascade.
2. Cascade de Ono sur la route de Kiso.
        Cinq porteurs sur un pont.
3. Kiyotaki (cascade pure) de Kwannon de Sakanoshita, sur la route de
    Tôkaïdô.
        Montée de gens vers un temple de Kwannon.
4. Mouma aroïnotaki, cascade à Yoshino, dans la province d'Izoumi.
        Cascade où le guerrier Yoshitsouné a lavé son cheval et où, par
        une allusion à ce souvenir historique, il est représenté dans
        cette impression un cheval rouge qu'un homme est en train de laver.
5. Amida-ga-taki (cascade de Bouddha) au fond de la montagne de Kiso.
        Trois Japonais en train de faire une collation, au bas de cette
        cascade dans la chute de laquelle le Japon voit une ressemblance
        avec la tête d'un Bouddha.
6. Cascade de la colline des mauves (Aoyégaoka) à Yédo.
        Un homme s'épongeant le front, appuyé sur le bâton de ses paniers.
7. Cascade de Rôbén (nom d'un ancien prêtre), dans la montagne Ohyama,
    province de Sagami.
        Gens se baignant dans la cascade.
8. Yôrô-no-taki (cascade de Yôrô) dans la province de Mino.
        Un groupe de Japonais assis, se reposant au bas de la cascade.
La série des PONTS intitulée: Shokokou Meikiô Kiran, vues pittoresques des ponts de diverses provinces, et publiée de 1827 à 1830, se compose de onze planches en largeur.
1. Le pont de la Lune crachée (reflétée) dans la montagne Arashiyama de
    la province de Yamashiro.
        Pont sur pilotis de bois.
2. Pont de bateaux de Sano, de la province de Kôzouké.
        Pont sur un cours d'eau très variable relié avec des cordages sur
        lesquels sont jetées des planches.
3. Koump-no-kakéhashi (le pont du nuage) dans la montagne Guiôdôsan
    à Ashikaga.
        Pont reliant les deux pics d'une montagne.
4. Tsouribashi (pont suspendu) sur la frontière des deux provinces de
    Hida et de Yettchû.
        Un pont de cordage avec un filet dessous: un vrai pont d'acrobates.
5. Kintaïbashi dans la province de Sou-wô.
        Pont avec des piles en pierre et un tablier de bois.
6. Yahaghi-no-hashi de Okazaki, sur la route de Tôkaïdô.
        Pont courbe en bois sur piliers très élevés, forme nécessitée
        par la fonte des neiges au printemps.
7. Taïko bashi (pont de tambour) du temple de Tènjin de Kameïdo à Yédo.
        Pont à la forme surélevée de terre et rondissante d'une moitié
        de tambour.
8. Les ponts de Tempôzan sur la rivière Kazikawa dans la province de
    Settsou.
        Deux ponts, près de Ohsaka, reliant une petite île pittoresque
        à la terre ferme.
9. Temma bashi (à Ohsaka) province de Settsou.
        Représentation sur ce pont de la fête des Lanternes.
10. Le pont de Foukouï de la province de Yétizén. Un pont moitié en pierre d'un côté, moitié en bois de l'autre, séparant deux districts de la même province dont l'un était régi par un daïmio riche, l'autre par un daïmio pauvre.
11. Yatsou-hashi (le pont en 8 parties) de la province de Mikawa. Un pont aux compartiments zigzaguant sur un vaste marais, de la forme de ces châssis mobiles sur lesquels les enfants font avancer des soldats, un pont élevé pour aller voir dessus la floraison des iris du marais.
XXXIII
Tout peintre japonais, disais-je, dans mon étude sur Outamaro, a une oeuvre érotique, a ses shungwa, ses peintures de printemps.
Et je parlais alors de la peinture érotique de l'Extrême-Orient, «de ces copulations comme encolérées, du culbutis de ces ruts renversant les paravents d'une chambre, de ces emmêlements des corps fondus ensemble, de ces nervosités jouisseuses des bras, à la fois attirant et repoussant le coït, de ces bouillonnements de ventres féminins, de l'épilepsie de ces pieds aux doigts tordus battant l'air, de ces baisers bouche-à-bouche dévorateurs, de ces pâmoisons de femmes, la tête renversée à terre, la petite mort sur leur visage, aux yeux clos, sous leurs paupières fardées, enfin de cette force, de cette énergie de la linéature qui fait du dessin d'une verge un dessin égal à la main du Musée du Louvre, attribuée à Michel-Ange.»
Ces lignes, je les écrivais d'après trois albums d'impressions merveilleuses dont j'ignorais encore l'auteur, et que je sais maintenant être Hokousaï, et avoir pour titre: Kinoyé no Komatsou, LES JEUNES PINS, dont la publication est de 1820 à 1830.
C'est dans ces albums qu'existe cette terrible planche: sur les rochers verdis par des herbes marines, un corps nu de femme, évanoui dans le plaisir, sicut cadaver, à tel point qu'on ne sait pas si c'est une noyée ou une vivante, et dont une immense pieuvre, avec ses effrayantes prunelles, en forme de noirs quartiers de lune, aspire le bas du corps, tandis qu'une petite pieuvre lui mange goulûment la bouche.
C'est dans ces albums que se trouve cette planche d'un voluptueux indescriptible: sur les ondulations d'une étoffe de pourpre, le bas d'un ventre de femme, où s'est introduit un doigt de sa main, d'une main au poignet nerveusement cassé, aux longs doigts contournés, à l'attouchement doucement titillant, d'une main qui, dans sa courbe, a l'élégance volante d'une main du Primatice.
Je laisse là la description des autres albums, je veux seulement signaler une série de petits sourimonos, dont quelques-uns sont à cache, et ont été sans doute publiés vers les dernières années du XVIIIe siècle, et dans lesquels, au milieu des frénésies animales, on trouve des affaissements béats, des brisements de cous de nos primitifs, des attitudes mystiques, des mouvements d'amour presque religieux.
XXXIV
En 1828 paraît le Yèhon Teikinwôra, CORRESPONDANCE TRAITANT DU JARDIN DE FAMILLE, un des plus parfaits livres illustrés par Hokousaï et gravés par Yégawa Tomékiti: trois volumes où les compositions d'Hokousaï, prenant tantôt le milieu, tantôt le haut de la page, sont encastrées dans une ancienne écriture d'une grasse calligraphie admirablement rendue par le graveur calligraphe Bountidô.
C'est l'ancienne éducation intellectuelle du Japon faite dans la maison paternelle et pas dans les écoles. Et ce livre, où le mot tei veut dire jardin, et le mot kin éducation, nous fait connaître un traité dont le texte écrit en langage courant, usité dans les correspondances journalières, a pour but de donner une éducation morale aux enfants dans la famille, même pendant qu'ils jouent au jardin.
L'intérêt de ces volumes, où une illustration, toute moderne, et sans rapport avec le texte, est intercalée au milieu de cette écriture du XIVe siècle, c'est surtout la représentation des industries et des métiers du pays.
Voici une cuisine: la cuisine officielle du souverain où les cuisiniers ne peuvent toucher à rien qu'avec des baguettes; voici l'atelier d'un sculpteur sculptant une chimère colossale; voici deux planches de forgerons, dans l'une desquelles un vieux ciseleur, aux lourdes besicles, est en train d'entailler une garde de sabre; voici une teinturerie avec le teinturier aux bras teints jusqu'à la saignée; voici des brodeurs brodant la soie étendue sur un châssis; voici les métiers à tisser de la ville et de la campagne; voici la faiseuse de chapeaux de paille, et la faiseuse de papier à l'usage domestique; voici le fabricant de parapluies, voici le faiseur de petites boîtes en lames de bois roulées; voici le peintre de kakémonos; voici le sculpteur spécialiste des statues et statuettes de Bouddha, voici le diseur de bonne aventure offrant de la rue à des femmes dans leur intérieur son petit faisceau de cinquante baguettes révélatrices de bonne ou mauvaise chance de leur vie; voici enfin la boutique du libraire avec l'annonce des derniers livres.
Et, dans cette représentation des industries et des métiers, une merveille que le d'après nature des attitudes, la vérité des mouvements, l'attentionnement des hommes et des femmes à la chose qu'ils font, et la tranquillité calme de l'application pour les besognes délicates, et la violence des anatomies pour l'effort des gros ouvrages.
Dans le second volume c'est le fabricant de nattes, tatami; c'est le modeleur de théières en métal; c'est le chandelier, à la main enduisant de cire une tige de bambou, qu'on retire; c'est le vendeur d'huile; c'est un entrepôt de saké; c'est un marchand de légumes frais; c'est un marchand de légumes secs; c'est un préparateur de plantes marines comme l'aonori, le kombou, et qu'on mange bouilli, grillé ou séché; c'est une faiseuse de filets; c'est un séchoir de pieuvres dont la chair séchée sert à faire des soupes très délicates.
Le troisième volume contient un très petit nombre de planches d'industries. Il n'y a guère qu'un tourneur de meules avec lesquelles on blanchit le riz; un broyeur de thé en poudre, pour le genre de cérémonie dite Tcha-noyu, et se divisant en Koïtcha et Mattcha; un faiseur de macaronis de sarrasin, représenté à côté des figures comiques de deux avaleurs de macaroni, tout à la joie gloutonne de leur occupation. Et, parmi ces industries, un industriel particulier, un conteur d'histoires, jouant un peu les personnages qu'il met en scène et toujours entouré d'un nombreux public de gens qui ne savent pas lire et, ainsi que dans nos feuilletons, arrêtant son récit au moment le plus intéressant et faisant revenir les gens avec la suite à demain.
Plusieurs planches sont consacrées à la célébration de légumes phénoménaux de certaines provinces du Japon. Ici une rave de la province d'Ohmi qu'il faut deux hommes pour porter, là une pousse de bambou de la province de Iyo qui a l'air d'un mât de navire, plus loin encore, deux navets gigantesques de la province Owari, enfin un petasite d'Akita, cette petite plante grande comme une laitue qui sert dans l'image qui la représente de parasol à un homme et à une femme.
Et dans les trois volumes, mêlées aux planches représentant des métiers et des industries, des planches de toutes sortes: l'audience d'un daïmio; une rue de Yédo; un intérieur d'un temple bouddhique; une salle de tribunal avec les trois juges sur une estrade, et le public assis à terre; le frappement sur un taï en bois pour annoncer un service religieux; la récolte des kaki; la pêche au cormoran; et encore des planches, comme les quatre classes de la société japonaise: le guerrier, le paysan, l'ouvrier, le marchand, la dernière classe dans cette société aristocratique.
Mais, de toutes ces images, les plus charmantes sont des sortes de culs-de-lampe, représentant celle-ci, une femme vue de dos à sa toilette qui se met une épingle dans les cheveux devant un miroir reflétant sa figure, abaissée avec le plus gracieux mouvement du cou, et l'abandon derrière elle d'une main tenant un écran; et celle-là, formée tout simplement du groupement d'une chimère, de deux peignes, d'une coupe à saké, d'une pipe, d'une fleur.
Le premier volume est publié en 1828, le second en 1848, le troisième est sans date, mais tous les dessins sont de 1828.
Le baron de Hubner, dans sa PROMENADE AUTOUR DU MONDE, raconte qu'à Odawara, après le repas dans la grande maison de thé de la ville, un homme s'est présenté, porteur d'une boîte divisée en quatre compartiments contenant du sable rouge, bleu, noir, blanc, et qui, en le jetant sur le plancher comme un cultivateur jette la semence, dessinait et peignait à la fois des fleurs des oiseaux, et à la fin,—au milieu des rires bruyants des hommes et des femmes, des sujets érotiques dignes de la Chambre secrète de Pompéi.
En 1828, un livre qui est, pour ainsi dire, le manuel de cet art, mais pour les femmes, et sans aucun modèle obscène, paraissait sous ce titre: Bongwa hitori keiko, ÉTUDE PAR SOI-MÊME DU DESSIN SUR PLATEAU, par Mme Tsu-kihana Yei, avec une illustration due pour la plus grande part à Hokousaï.
La première planche représente, à côté de boîtes de sables de différentes couleurs, deux jeunes femmes accroupies par terre devant un plateau: l'une, une cuiller à la main, l'autre, une planchette, toutes deux en train de composer un tableau.
Et l'album contient, représentés en deux couleurs,—une couleur grisâtre, une couleur rougeâtre,—d'abord des motifs élémentaires comme une tige de bambou, une fleur d'iris, des lapins éclairés par la lune, puis des motifs plus compliqués, comme une tortue, un faisan doré, un paon.
Et dans le texte de petits croquetons donnent la figuration de la planchette, de la cuiller, et la manière dont la main doit les tenir et laisser tomber le sable.
XXXV
En 1830, paraissent en planches séparées:
Hiakou monogatari, LES CENT CONTES: une série d'estampes fantômatiques, d'un caractère terrifique tout à fait extraordinaire et dont il n'a paru que cinq planches, peut-être à cause de l'effroi qu'elles causaient.
La plus effrayante, c'est une lanterne fabriquée sur le modèle d'une tête de mort, avec les cheveux hérissés sur le haut de la tête, et flasques et pendants sur les tempes, avec les fibrilles de sang du blanc des yeux, avivés par la lueur intérieure de la lanterne, avec la couture ou le collage du papier, imitant d'une manière invraisemblable les sutures d'un crâne; et cette tête de mort, produit d'une imagination ingénieusement macabre, se détachant sur le bleu noir de la nuit.
Une autre estampe: une femme ogresse, aux cheveux ressemblant à une crinière, aux yeux demi-fermés remplis d'une noire prunelle, au nez busqué d'un bouc, aux crocs bleuâtres saillant des deux côtés d'une bouche tachée de sang, à la main de squelette avec laquelle elle tient, derrière son dos, une tête d'enfant qu'elle a commencé à dévorer.
Une autre estampe: une femme fantôme soulevant une moustiquaire où dort un sommeil tranquille une femme, moitié à l'état de squelette, moitié à l'état anatomique dénudé de la peau, et dont les osselets de la main sont verts dans l'ombre et couleur de chair dans la lumière.
Une autre estampe: une pâle tête de morte chevelue, à la bouche ouverte d'où un soupir se dessine sur le ciel noir comme le dessin d'un souffle sur de l'air glacé, et le haut du corps sortant d'un puits formé comme des anneaux d'un serpent et qui sont un enchaînement d'assiettes vertes. C'est l'apparition de la petite servante Okikou dont j'ai raconté l'histoire dans la MANGWA.
Une autre estampe simplement allégorique représentant la fiche d'un mort, la feuille où sont inscrites la date de sa naissance, la date de sa mort, avec au milieu son nom et, à côté, les bonbons apportés pour l'anniversaire de son décès, une feuille d'un bouquet tombée dans un bol, un présentoir autour duquel s'enroule un serpent.
XXXVI
En cette même année 1830, ou dans des années qui la touchent de très près, paraît Shika Shashinkiô, IMAGES DES POÈTES, une série de dix grandes impressions en couleur (H. 50, L. 22 centimètres) qui, selon moi, est la série révélatrice du grand dessinateur et du puissant coloriste qu'est Hokousaï.
Dans ces dix compositions, du plus fier dessin, de la plus savante assurance dans le trait, la coloration de l'aquarelle qui les recouvre a une solidité, pour ainsi dire, un gras qui vous enlève toute impression d'un coloriage sur du papier, mais vous fait regarder ces images ainsi que vous regarderiez des panneaux recouverts de la plus sérieuse peinture à l'huile. Non, rien ne peut donner une idée de la grandeur, du pittoresque, de la couleur à la fois réelle et poétique des paysages en hauteur où se passent ces scènes lyriques.
Les titres de cette série de la plus grande rareté tantôt portent le nom d'un poète, tantôt le titre d'une poésie.
I. Dans un paysage montagneux, au bord de la mer, un poète chinois, une branche de saule lui servant de cravache, chevauche sur un cheval blanc à la selle toute garnie de houppes écarlates: un cheval dont la blancheur se détache merveilleusement sur le bleu intense du lointain de la mer.
II. Le poète chinois Lihakou, appuyé sur un long bambou, avec deux enfants dans les plis de sa robe, est en contemplation devant une cascade qui a l'air de tomber perpendiculairement du haut du ciel, une cascade aux bleus transparents, aux violets transparents de l'eau dans sa chute. Une planche d'une coloration sourde et comme patinée, d'un effet admirable.
III. Dans une anse de la mer, où est remisé un bateau, en face d'un rocher rose à moitié perdu dans les nuages et à la forme d'une architecture féerique, entouré de ses disciples, le poète chinois Hakou-rakou-tén, à qui l'on doit des poésies descriptives célèbres, est penché vers un batelier qui d'en bas, semble le renseigner sur le site.
IV. Un Japonais qui traverse un pont, portant sur l'épaule une perche aux bouts de laquelle sont attachés deux bouquets de la plante qui remplace au Japon le papier de verre. Les grands arbres du haut du paysage, éclairés par la lune, dans une fin de jour crépusculaire, sont d'une tonalité verte indicible, d'un vert tendrement assoupi sur les hachures ombrées des roseaux de la rivière.
V. Sous un immense pin, au bord de la mer, au-dessus de rochers rouges ayant la forme accidentée de congélations, adossé à la balustrade d'une haute terrasse, dans un élégant mouvement de retournement de la tête en arrière, un homme contemple le ciel où brille la lune.
C'est le poète japonais Nakamaro, devenu ministre en Chine, qui a fait, en sa nouvelle patrie, un poème où il dit que, lorsque son âme se promène dans le ciel et qu'il voit cette lune qu'il a vue aux flancs de la montagne de Mikasa, près de Kasouga, cette lune le console, lui fait oublier les misères de l'existence, lui rappelle son Japon,—une pièce qui fut cause de sa disgrâce, par le témoignage qu'elle apportait de son attachement pour son ancienne patrie.
VI. Un épisode de l'histoire de la Chine: un homme monté sur un arbre, une porte que deux soldats chinois sont en train d'ouvrir, près d'un coq qui chante sur un toit. Voici l'explication de l'estampe. Un prince, après une défaite, au moment d'être fait prisonnier dans un pays étranger, a pu arriver, poursuivi de très près, à la porte de la frontière. Mais il fait encore nuit et la barrière ne s'ouvre qu'à l'heure où les coqs chantent, lorsqu'un fidèle du prince a l'idée de monter sur un arbre, d'imiter le chant du coq, que reprennent tous les coqs de l'endroit, et la porte s'ouvre.
VII. Un poète japonais se dirigeant dans la campagne vers une montagne à la cime d'un fauve volcanique.
VIII. Un poète japonais des vieux siècles, dans sa robe jaune, tenant sur son épaule l'éventail aux palettes de bois en usage avant l'invention du papier, sous le bleu limpide d'un ciel où se voit le premier croissant de la lune au-dessus d'une bonzerie. Au-dessous du poète, des branches d'arbres toutes remplies d'oiseaux roses.
IX. Un bord de rivière où une femme à la clarté de la lune blanchit avec son garçonnet de la toile, à grands coups de battoir.
C'est l'illustration d'une poésie de Narihira sur le désespoir d'une femme quittée par son mari, et dont le battement désolé, sous cette lune, que contemplait à la même heure, dans un autre pays, son mari, lui était apporté comme un cri du coeur de sa femme.
X. Un paysage couvert de neige où un poète chinois, monté sur un cheval rouge, se détache sur le blanc de la terre, sur le bleu pâle du ciel.
XXXVII
Ces années, c'est le temps des plus belles, des plus colorées impressions paraissant en feuilles séparées.
Signalons, en première ligne, la suite de ces cinq planches (H. 37, L. 17), à la signature d'Hokousaï I-itsou.
Un faucon sur son perchoir au milieu de la floraison de pruniers: une impression à la belle tourmente du trait, au fier contournement de la tête de l'oiseau de proie.
Trois tortues, dont l'une nage en pleine lumière et se voit comme dans la clarté cristalline d'un aquarium.
Deux carpes: l'une remontant le rapide d'une cascade, l'autre en sortant.
Deux grues dans la neige où le pourpre de la tête et le rose des ailes se détachent du triste neutralteinte d'un ciel neigeux. Une merveilleuse impression dont il n'y a à Paris que trois ou quatre épreuves, parmi lesquelles une épreuve admirable est dans la collection Manzi: une épreuve qui vient de la collection Wakaï et qui, hélas! comme toutes les épreuves qui viennent de cette collection, font mépriser les autres; une épreuve où le vert des bouquets d'aiguilles des sapins, le brumeux du ciel, le blanc de la neige, le doux rose et le doux bleu des ailes des grues sont rendus dans une harmonie que nulle impression d'aucun pays au monde n'a jamais pu attraper,—et n'a jamais pu, à la fois, en donner le détachement et la fonte.
De cette série ferait encore partie l'impression de deux chevaux et d'un poulain, d'une furie, d'un emportement, d'un mors aux dents du dessin si extraordinaire, et la plus rare des cinq impressions faisant partie de la collection de M. Vever.
Une autre suite, dont on ne connaîtrait que deux planches (H. 50, L. 28), et qui semble une série des Mois de l'année, à deux planches, que j'ai rencontrées seulement dans la collection Hayashi.
Le premier mois. Deux femmes passant devant un temple suivies d'un serviteur portant un enfant.
Le dixième mois. Un balayeur tendant un gâteau à un singe que regarde un enfant.
Une autre suite de dix grandes planches (H. 20, L. 38), représentant des fleurs signées: Hokousai I-itsou.
Des fleurs violettes.—Des camélias rouges.—Des volubilis.—Des pivoines.—Des chrysanthèmes.—Des fleurs étoilées.—Des iris.—Des hortensias.—Des datura.—Des pavots.
Les Chrysanthèmes, les Iris et les Pivoines, sous un coup de vent dans lequel vole un papillon, les ailes retournées: des planches admirables par le style apporté à la fleur par les Japonais seuls!
Il existe encore une série de dix autres planches de fleurs, d'un format plus petit.
Parmi les planches isolées, citons encore:
Une série de petits paysages, dont il y a neuf planches dans la collection de M. Vever, signées I-itsou, précédemment Hokousaï, d'une perfection d'exécution merveilleuse, et parmi lesquelles la représentation d'une pêche, par une nuit étoilée, est un petit chef-d'oeuvre.
Une déesse Kwannon montée sur un éléphant blanc, avec dans des cartouches un sanglier, un coq, des petits chiens; une impression qui pourrait bien faire partie d'une suite encore inconnue.
Le lac Souwa pendant l'hiver et que des piétons et des gens à cheval traversent sur la glace.
Matsoushima, une baie semée de rochers couverts de pins, un des sites les plus pittoresques du Japon.
Une carpe dressée toute droite, traversant dans l'eau des courants de lumière.
Un roseau avec des fleurettes.
Des pivoines rouges au milieu desquelles est une pivoine blanche, joliment gaufrée.
Enfin, dans une impression en couleur de la collection Bing (H. 45, L. 60), la plus grande impression en couleur que l'on connaisse et que le propriétaire regarde comme unique, une poule, ses poussins, et le plus ornemental des coqs à la queue en faucille.
Citons encore six pièces capitales faisant partie de la collection Vever.
La première, un diptyque reproduisant un épisode de métamorphose du renard à neuf queues en Impératrice du Japon, signée: Hokousaï (vers 1800).
La seconde, une très grande pièce d'un format tout à fait extraordinaire (H. 40, L. 51), dans la facture large et libre des sourimonos de Kiôto, représentant la danse de nô où figurent deux hommes et une femme qui joue du tambourin. Signé: Hokousaï, fou de dessin.
Enfin, une troisième impression, une merveille. Une des planches les plus mouvementées du maître, dans le coloriage le plus délicatement harmonique, une planche en forme de kakémono (H. 64, L. 14). C'est un groupe de danseurs de la rue, présenté d'une façon pyramidale, et que surplombe en haut un danseur faisant de la musique avec son éventail contre le manche de son parasol ouvert, se continuant dans la gesticulation forcenée de quatre hommes vus de dos et de face, et se terminant en bas par deux femmes dont l'une, les deux bras jetés derrière elle, avec un retournement de la tête en arrière, offre la plus belle attitude mimodramatique. Signé: Hokousaï, fou de dessin.
XXXVIII
Tout en publiant ces planches séparées, Hokousaï a continué, depuis 1804, à publier de nombreux sourimonos, dont nous donnons un catalogue bien incomplet, mais en signalant les plus beaux, les plus importants, les plus originaux.
1805.
Une série des Poétesses de six planches.
Une série des CINQ ÉLÉMENTS.
Une série appelée Téjin, du nom d'un Kami, où une mère élevant, avec des bras de tendresse, un enfant au-dessus de sa tête, lui fait cueillir des fleurs de prunier.
Une série: LES DISTRACTIONS AU PRINTEMPS, série d'un format un peu plus grand que le format ordinaire des séries de femmes, et du faire le plus raffiné.
Cette année étant l'année du boeuf, des représentations de toute sorte de cet animal, comme un rocher qui en a la forme.
Parmi les grandes planches:
L'entrée d'un temple où, à la porte, un homme offre de l'eau aux fidèles pour faire leurs ablutions.
Un marchand forain présentant, sur le seuil d'une habitation, des objets de toilette à des femmes.
La fête des poupées, avec une nombreuse exposition sur un dressoir de ces figurines en carton, et au milieu desquelles est dressé un taï pour la collation.
1806.
Une série de sept courtisanes, parmi lesquelles l'une d'elles, jouant du schamisén, est du plus heureux mouvement.
Une série intitulée: LES DIFFÉRENTS PAYS, pays imaginaires, dont une estampe vous montre: le Royaume des Femmes, où un certain jour de l'année, sous l'influence d'un vent d'Ouest, les femmes deviennent enceintes,—et toutes sont tournées vers le souffle de ce vent.
Et, comme cette année 1806 est l'année du tigre, il y a des femmes qui portent des robes brodées de tigres.
Parmi les grandes planches:
Les sept dieux de l'Olympe japonais, sous la peau d'un immense lion de
Corée dont ils font les mouvements.
Le paysage de l'autre coté de la Soumida, et où se voit le temple d'Asakousa.
Un bateau chargé de barriques de saké.
1807.
Deux enfants qui luttent.
Deux amoureux étendus l'un à côté de l'autre, la femme fumant une pipette.
Des natures mortes: deux poissons attachés à une tige de bambou; un masque en carton, la face et le revers.
1808.
Un très petit nombre de sourimonos, parmi lesquels une grande planche représentant un écran, un bol, une épingle à cheveux sur un plateau de laque.
1809.
De petits sourimonos où sont des poissons, des coquilles, des plumes de faucon pour épousseter les choses délicates.
Parmi les grandes planches:
La confection d'un étendard dont la devise est en blanc sur fond bleu, et à laquelle travaillent six femmes, dans de jolies poses: un étendard qui va être offert à Yénoshima, au temple de la déesse Bénten.
1810.
Quelques petites natures mortes, entre autres un sourimono représentant des bâtons d'encre de Chine et une boîte à cachet.
1812[18].
Une nature morte représentant une coupe et un présentoir en laque.
[Note 18: Les années non inscrites, sont des années où l'on ne connaît pas de sourimonos.]
1813.
Okamé lisant une lettre.
1816.
Kintoki jouant avec des animaux.
1817.
Des femmes habillées d'étoffes à damier le damier étant à la mode cette année.
Une dame de la noblesse, accompagnée d'une suivante, passant devant une grille où sont affichés des programmes de concert.
1818.
Deux planches d'un format carré qui va devenir le format habituel des sourimonos.
1819.
Daïkokou se promenant au bord d'une rivière peuplée de lézards fantastiques.
1820.
Réapparition de nombreux sourimonos dont la production était devenue assez rare dans les années précédentes, et sourimonos où, chose curieuse, apparaît l'influence de Gakoutei et de Hokkei, les deux élèves supérieurs de Hokousaï.
Une série de monuments roulants de fêtes qu'on traîne dans les rues.
Une série de cinq poétesses.
Une série intitulée: COMPARAISON DE LA FORCE DES HÉROS DE LA CHINE ET DU
JAPON.
Parmi les planches détachées: une jeune fille en train de tirer une épreuve près d'un graveur entaillant une planche; un Japonais tenant contre lui, posée sur une table de go, une élégante poupée japonaise aux colorations merveilleuses se détachant d'un fond d'or harmonieusement vert-de-grisée. Et nombre de natures mortes, comme un bol de laque noire et une boîte de baguettes à manger; comme une grande planche où sont groupés un barillet de saké, une jonchée d'iris et de chrysanthèmes, un panier d'oranges,—un sourimono exécuté pour un banquet donné à un lettré.
1821.
Une série intitulée: LES FRÈRES DES SUJETS GUERRIERS DE LA CHINE ET DU JAPON; une série rappelant les ressemblances entre les faits héroïques de l'un et de l'autre pays.
Une grande série de métiers dont on ne sait pas le nombre.
Une série d'industries des bords de la mer.
Des natures mortes, parmi lesquelles une série de coquilles.
Une feuille isolée représentant un grand serpent blanc, ce serpent porte-bonheur qu'on dit être l'annonce d'un évènement heureux pour celui qui a la chance de l'apercevoir.
1822.
Une impression curieuse. Deux énormes perles jetant comme des rayons, deux perles apportées à la reine Jingô par la déesse de l'Océan sortie de son palais du Dragon: des perles qui avaient le pouvoir de faire baisser la marée et qui lui ont permis de s'emparer de la Corée.
Une série de quatre planches intitulée: QUATRE NATURES, parmi lesquelles un dessin de corbeau d'un grand caractère.
Et comme cette année où au bout de dix ans est revenu le cheval dans le calendrier japonais, ce retour a incité Hokousaï à faire une de ses séries les plus parfaites. Cette série en l'honneur du cheval, où dans l'association des bibelots les plus divers, un objet comme un mors, une selle, rappelle le cheval, porte la marque d'une petite gourde imprimée en rouge. Et ce rappel du cheval va jusqu'à faire représenter à Hokousaï la rue des Étriers où l'on vend des images, le quai des Écuries où, sauf le nom, le cheval n'a rien à faire.
1823.
Une série d'acteurs de cinq planches, d'acteurs à l'imitation de Toyokouni, et qu'Hokousaï signe: I-itsou, le vieillard de Katsoushika faisant la singerie d'imiter les autres.
1825.
Deux grues au bord de la mer.
1826.
La princesse Tamamo-no-mahé, le renard à neuf queues métamorphosé en femme et dont les neuf queues sont figurées par le gaufrage de l'impression dans la traîne de sa robe.
1829.
Une femme à cheval sur un boeuf.
1835.
Un pêcheur au bord de la mer, la pipette à la bouche, une ligne entre ses jambes croisées l'une sur l'autre. Hayashi, dans ce vieillard chauve, au nez retroussé, à la bouche railleuse, à la physionomie d'un Kalmouck ironique, serait disposé à voir un portrait d'Hokousaï. Et il serait amené à cette hypothèse par la légende de la planche, qui est celle-ci: Quelle nouvelle chose que de voir pousser la jeune mariée (le nom d'une espèce de salade de là-bas) dans le sable de la plage! Or, cette impression en couleur est faite pour le Jour de l'An de l'année qui a suivi celle où l'on verra que Hokousaï est parvenu à arrêter les fredaines de son petit-fils et à le marier, et dans ce mot à double sens il exprimerait la joie que lui a causée l'entrée dans la maison de la «jeune mariée» de son petit-fils.
XXXIX
À propos de ce portrait hypothétique d'Hokousaï, avouons l'incertitude où l'on se trouve relativement à un portrait bien authentique du Maître. Le portrait d'Hokousaï, en compagnie du romancier Bakin, donné dans le catalogue Burty, d'après une estampe de Kouniyoshi, n'est pas plus un portrait que le croquis le représentant agenouillé, offrant à l'éditeur son petit livre jaune de LA TACTIQUE DU GÉNÉRAL FOURNEAU OU DE LA CUISINE AU HASARD.
On n'aurait du grand artiste ni un portrait de sa jeunesse, ni un portrait de son âge mûr; il n'existerait que le portrait donné par la biographie japonaise de I-ijima Hanjûrô, un portrait de sa vieillesse conservé dans la famille et qui aurait été peint par sa fille Oyéi, qui signe Ohi.
C'est un front sillonné de rides profondes; des yeux à la patte d'oie, aux poches de dessous tuméfiées et où il y a, en leur demi-fermeture, comme un peu de cette buée que les sculpteurs de nétzkés mettent dans le regard de leurs ascètes; c'est un grand nez décharné; c'est une bouche démeublée à la rentrée sous le pli de la joue; c'est le menton carré d'une volonté résolue, attaché au cou par des fanons. Et, à travers la coloration de l'image qui imite assez bien le ton d'une vieille chair, ce sont les blancheurs anémiées des poches des yeux, de l'entour de la bouche, des lobes de l'oreille.
Ce qui vous frappe dans cette tête d'homme de génie, c'est la longueur du visage, des sourcils au menton, et le peu d'élévation et la fuite cabossée du crâne,—un crâne qui n'est pas du tout européen, avec sur les tempes de rares petits cheveux ressemblant aux herbettes de ses paysages.
Un autre portrait d'Hokousaï, dont un fac-similé a été également publié dans le Katsoushika dén, nous le représente vers l'âge de 80 ans, près d'un pot à pisser, accroupi sous une couverture, laissant voir un bout de profil d'une vieille tête branlante et que dépassent des jambes ayant la maigreur de jambes de phtisique. Et voici quelle serait l'origine de ce portrait. L'éditeur Souzambô ayant commandé à Hokousaï l'illustration des CENT POÈTES, l'artiste, avant de commencer son travail, envoyait un spécimen, à l'effet de déterminer le format de la publication et, sur ce spécimen, son pinceau jetait ce portrait-charge.
XL
En 1833 Hokousaï publie Tôshisén Yéhon, LES POÉSIES (de la dynastie)
DES THANG.
La première série, éditée en cinq volumes, comprend les poésies chinoises, en cinq caractères chinois par ligne, littéralement cinq mots.
La seconde série, éditée également en cinq volumes, et parue en 1836, contient le recueil des poésies en sept mots par ligne.
Un sujet d'étonnement pour les Chinois, c'est l'exactitude avec laquelle Hokousaï, qui n'a jamais été en Chine, s'est assimilé le costume, le port du corps, le caractère de la tête des habitants du Céleste Empire.
Ces dix volumes contiennent des dessins du meilleur temps d'Hokousaï: ainsi la femme chinoise dans le somptueux luxe de ses robes; ainsi une carpe panachée monumentale, qui a la puissance et la solidité d'un dessin fait d'après une sculpture; ainsi un amusant croquis de trois ivresses: l'ivresse de l'ivrogne qui rit, l'ivresse de l'ivrogne qui se fâche, l'ivresse de l'ivrogne qui pleure.
Mais peut-être, parmi ces dessins, les plus réussis, ce sont des croquis rendant, d'une manière fidèle, l'admiration de la nature chez ces peuples de l'Orient: des renversements, la tête en arrière, d'hommes couchés, appuyés sur leurs coudes; des rêveries en face de paysages, d'hommes debout, les mains dans les manches de leurs bras, derrière le dos.
Parmi ces planches admiratives, il est une vue de dos d'un homme, appuyé sur la traverse d'une baie qui donne sur un lac, disant toute la jouissance intérieure de cet amoureux de la nature.
XLI
En 1834[19] Hokousaï illustre le Yéhon Tchûkiô, DEVOIRS ENVERS LE MAÎTRE, texte chinois avec commentaires de Ranzan.
    [Note 19: À la date présumée de cette année, auraient paru en feuilles
    séparées:
Une série d'écrans, avec le titre dans un médaillon.
Une série intitulée Skôkei-Kiran, VUES PITTORESQUES DES PAYSAGES DISTINGUÉS, série tirée en bleu clair, où se rencontre une curieuse vue d'un bain public sur une route.
Une série intitulée Shôkei Sétsou guekkura, VUES DISTINGUÉES DE LA NEIGE, DE LA LUNE, DES FLEURS. Série probablement de 9 feuilles en largeur, dont 3 pour la Neige, 3 pour la Lune, 3 pour les Fleurs. Jolie coloration. Série, qui aurait été précédée deux ans avant, en 1832, de Ruikiù Hakkei, réunion de huit paysages, d'une facture un peu maigriote.]
Un volume de morale, tout rempli d'exemples d'héroïsme et d'abnégation, et où une planche représentant des courtisans saluant un roi donne une idée du respect des fronts et des échines courbés, en cette patrie de la vénération.
Les gravures, à l'incision à la fois très douce et très nette, sont de
Souguita Kiûsouké.
En 1834 Hokousaï illustre le Yéhon Kàkiô, LA PIÉTÉ FILIALE, un ancien traité de morale chinoise entré dans l'éducation japonaise: un traité publié en deux volumes, avec texte chinois et japonais.
La première planche portraiture Confucius, la seconde son disciple bien-aimé Sôshi.
Une planche curieuse, c'est la figuration des quatre classes du Japon représentées par un membre de la première classe, un guerrier en train de lire un livre posé sur un pupitre;—un membre de la seconde classe, un paysan, en train de lire un livre attaché à sa bêche;—un membre de la troisième classe, un ouvrier, un graveur, faisant sauter à coups de maillet des morceaux de bois d'une planche qu'il entaille;—un membre de la quatrième classe, un marchand, un libraire faisant ses comptes.
Puis, un peu à la diable à travers l'illustration, ce sont des tireurs, des jongleurs, des danseuses, au milieu desquelles se trouve, comme dernière planche, une composition tout à fait amusante: une grande lettre ayant l'air d'un monument de pierre et en forme d'une croix à double branche sur laquelle sont montés, grimpés, accrochés, un tas de petits bonshommes qui, dans toutes les attitudes, la nettoient, la grattent, la brossent, l'inondent de l'eau d'une pompe.
Cette grande lettre, c'est le caractère signifiant la piété, et ce nettoyage veut dire qu'on doit nettoyer sa piété, ainsi que nous disons chez nous qu'il faut garder sa conscience pure.
XLII
En 1834 paraît le premier livre des CENT VUES DU FOUZI-YAMA, Fougakou
Hiakkei, un premier livre suivi d'un second, d'un troisième volume et où
Hokousaï a apporté dans ses dessins une science, un art, une observation
humoristique tout à fait supérieure, et dont les gravures, exécutées par
Yégawa, le graveur préféré par Hokousaï, sont de petits chefs-d'oeuvre.
Cette célébration par l'illustration du grand artiste de la montagne vénérée du Japon, de la montagne aux 12 450 pieds, n'est pas tant une représentation des ascensions qui ont lieu, chaque année, pendant les grandes chaleurs, que cent fois la montre de la montagne, vue de Yédo, et des campagnes au nord, au sud, à l'est, à l'ouest du Fouzi-yama.
La première planche est la figuration de la déesse du Japon, Konohana-Sakouya-himé (princesse de la fleur épanouie), la divinité du Fouzi-yama: dessinée sa noire chevelure épandue dans le dos et tenant d'une main un miroir, de l'autre une branche d'arbuste, dans une ample robe dont les cassures font à ses pieds comme des vagues.
La seconde planche nous fait voir des groupes de Japonais accroupis ou agenouillés, se montrant dans la stupéfaction la grande montagne, là où il n'y en avait pas: planche faisant allusion au jaillissement de la montagne sous l'empereur Kôrei (285 ans avant Jésus-Christ), au moment où, à cent lieues de là, se creusait le lac Biwa.
Dans la troisième planche, c'est le premier ascensionniste de la montagne, le prêtre bouddhique Yennoguiôja, tenant contre un bras le bâton à la poignée noire, ayant l'autre enlacé dans un chapelet, et représenté dans les nuages du sommet de la montagne.
Et commencent les planches de la première série. Dans celle-ci, la montée en une gorge étroite d'une armée de pèlerins dont on ne voit que les grands chapeaux de jonc, portant deux caractères signifiant Fouzi et, dans celle-là, leur descente vertigineuse sur les grands bâtons en une dégringolade mouvementée.
C'est suivi d'une planche représentant, avec une furia extraordinaire, une éruption de 1707 semblable à l'explosion d'une mine, et jetant dans le noir du ciel des poutres, des tonneaux, des cadavres brisés.
Cette éruption qui a fait pousser sur la droite du Fouzi-yama un petit mamelon, amène une planche caricaturale où un Japonais explique à un Japonais, affligé d'une énorme loupe à la joue, qu'il est arrivé à la montagne ce qui est arrivé à sa joue. Et cela est dit dans un groupe de Japonais qui se tordent de rire.
Puis des planches où commence la représentation de vues actuelles: la vue du Fouzi-yama vu dans le brouillard, une planche merveilleuse d'effet, comparable à la planche du brouillard de Gakoutei. Et c'est la vue du Fouzi-yama à travers le grêle feuillage de saules pleureurs,—la vue du Fouzi-yama, entrevue une fois du petit balcon existant sur le toit de toutes les habitations de Yédo pour observer les incendies, entrevue au milieu d'un ciel coupé par les banderoles de la fête des Étoiles; entrevue, une autre fois, d'une rue de Yédo, emplie de la promenade joyeuse des Manzaï, un premier Jour de l'An;—la vue du Fouzi-yama, d'Ohmori, de la baie de Yédo, au-dessus des roseaux de la Soumida;—la vue du Fouzi-yama, d'une hutte de la campagne pour surveiller et éloigner les oiseaux;—la vue du Fouzi-yama, avec le coucher d'un soleil, au rayonnement remplissant le ciel;—la vue du Fouzi-yama, parmi la floraison des cerisiers du printemps sous lesquels, à la porte d'une maison de thé, une Japonaise fait de la musique au milieu d'une collation en plein air;—la vue du Fouzi-yama, à travers les champs de riz de l'automne.
Dans le second volume, il est des compositions où des noirs rembranesques, admirablement rendus par le graveur, en font des planches du plus grand caractère. Ainsi, la navigation dans un de ces curieux bateaux primitifs sur un lac de la province de Shinano, ainsi, l'ascension du dragon montant au ciel pendant l'orage, ainsi «la Vague» avec, pour ainsi dire, les griffes de sa crête, ainsi le faucon étripant un faisan, ainsi l'averse avec un éclair mettant son zigzag dans la nuée qui va crever, ainsi le Fouzi-yama dans la nuit, au-dessus d'un chien hurlant à la lune.
Et, opposées à ces planches de nuit et de pénombre, les jolies planches de clarté lumineuse, comme celle qui a pour titre: Les trois blancs; le blanc du Fouzi-yama, le blanc d'une grue, le blanc de la neige sur les sapins.
Et encore le paysage du dessous des grands bambous, le paysage des sept ponts, le paysage maritime de Shimada-ga-hana aux pilotis pittoresques si spirituellement croqués; enfin la planche curieuse où bien certainement Hokousaï s'est représenté en train de peindre le Fouzi-yama, accroupi sur un carton pendant que deux de ses compagnons ouvrent des caisses et qu'un troisième fait chauffer du saké dans un chaudron accroché à trois bambous noués dans le haut.
Et au milieu de ces paysages, de savantes études d'hommes et de femmes; l'étude des bûcherons attachés par le milieu du corps à des branches d'arbres qu'ils coupent au-dessus de leurs têtes; l'étude de ces deux Japonais dont l'un montre à l'autre par un châssis relevé une vue du Fouzi-yama, étude qui a pour titre: La première idée d'un kakémono; l'étude des pèlerins dans une des grottes du haut du Fouzi-yama servant d'endroit à coucher pour l'ascension; l'étude du poète antique s'inspirant devant la célèbre montagne et assis sur un terrain à la végétation de fantaisie toute différente du réel paysage du fond; l'étude puissante de Nitta tuant le sanglier monstre; enfin l'étude charmante de ce Japonais fatigué de la lecture, regardant, la tête renversée entre l'étirement de ses deux bras, la reposante montagne.
Et toutes ces représentations vous donnant à voir, dans chaque planche, le Fouzi-yama de tous les côtés, et à travers des filets, des grillages, une toile d'araignée, et non seulement dans son altitude droite, mais encore dans le renversement de cette altitude. Ainsi, dans le premier volume, une planche le montre, la tête en bas dans les eaux d'un lac où une troupe d'oies sauvages est en train de prendre son vol. Dans ce second volume, ce renversement a fourni à l'imagination du peintre un motif tout à fait joli. Un Japonais qui va boire une coupe d'eau s'arrête un moment étonné et charmé devant le microscopique cône de la montagne reflété dans l'eau qu'il porte à ses lèvres.
La première planche du troisième volume, c'est la lutte corps à corps, au IIe siècle, des deux guerriers, Kawazou et Matano, en vue du Fouzi-yama. Et tout le volume continue à être la représentation de la montagne, à l'aube, par la pluie, par la brume, par la tombée de la neige, et vue de la grande cascade, et vue d'un monument sinthoïste où jaillit du creux d'un arbre l'eau pour la purification de la prière, et vue de l'observatoire de Yédo, et vue enfin, de la Corée.
Et dans ces planches: le beau dessin d'un cerf bramant; le dessin mouvementé de la cavalcade de l'ambassade coréenne apportant son tribut; le dessin curieux de ces deux gigantesques sapins de la province Yashiû se rejoignant dans le ciel, et sur la tête desquels, par la neige, se fait un chemin parcouru par des voyageurs trouvant au milieu de la route une auberge; et la dernière planche, comme le dit l'inscription en tête: c'est le Fouzi-yama fait d'un seul coup de pinceau.
Le premier volume de la première édition appelée l'édition à la plume de faucon, par suite de la représentation d'une plume de cet oiseau sur la couverture, édition rare, a paru en 1834, le second volume en 1835. De cette édition on ne connaît pas le troisième volume.
Cette première édition était tirée en noir, mais peu de temps après paraissait une édition alors composée des trois volumes où le tirage en noir était teinté d'une teinte bleuâtre dont le léger azurement sur le papier crème du Japon fait le passage le plus harmonique des blancs aux noirs des gravures.
Les deux éditions sont signées: la Vieillard fou de dessin, précédemment
Hokousaï-I-itsou âgé de 75 ans.
XLIII
Vers la fin de 1834 de graves ennuis tombèrent dans la vie du vieux peintre. Hokousaï avait marié sa fille Omiyo, qu'il avait eue de sa première femme, avec le peintre Yanagawa Shighénobou. Du mariage naquit un vrai vaurien dont les escroqueries toujours payées par Hokousaï furent une des causes de sa misère pendant ses dernières années. Même peut-être, par suite d'engagements pris par le grand-père pour empêcher son petit-fils d'aller en prison, engagements qu'il ne put tenir, il se trouva obligé de quitter Yédo en cachette, de se réfugier à plus de trente lieues de là en la province Sagami, dans la ville d'Ouraga, cachant son nom d'artiste sous le nom vulgaire de Miouraya Hatiyémon, et même de retour à Yédo, n'osant, dans les premiers temps, donner son adresse et se faisant demander sous la dénomination du prêtre-peintre emménagé dans la cour du temple Mei-ô-in, au milieu d'un petit bois.
Cet exil, qui dura de 1834 à 1839, nous a valu la publication de quelques lettres intéressantes du peintre à ses éditeurs. Ces quelques lettres nous font entrer dans les tribulations causées au vieil homme par les coquineries de son petit-fils, nous peignent le dénuement de ce grand artiste se plaignant, par un rude hiver de n'avoir qu'une seule robe pour tenir chaud à son corps de septuagénaire, nous dévoilent ses tentatives d'attendrissement des éditeurs par la mélancolique exposition de ses misères illustrée de gentils croquetons, dévoilent quelques-unes de ses idées sur la traduction de ses dessins par la gravure, nous initient à la langue trivialement imagée avec laquelle il arrivait à faire comprendre aux ouvriers chargés du tirage de ses impressions, le moyen d'obtenir des tirages artistiques.
En 1834 Hokousaï adresse cette lettre à ses trois éditeurs, Kobayashi,
Hanabousa et Kakoumarouya:
Étant en voyage, je n'ai pas le temps de vous écrire séparément, et vous adresse à vous trois cette seule lettre que je vous prierai de lire tour à tour. Je ne doute pas que vous voudrez bien accorder au vieillard les demandes qu'il vous adresse, et j'espère que dans vos familles vous vous portez tous bien. Quant à votre vieillard, il est toujours le même, la force de son pinceau continue à augmenter et à faire, plus que jamais, diligence. Quand il aura cent ans, il entrera dans le nombre des vrais dessinateurs.
Alors le vieux peintre signe longuement: l'ancien Hokousaï, le vieillard fou de dessin, le prêtre mendiant, et sa lettre est pour ainsi dire tout entière dans ce post-scriptum:
Pour le livre des GUERRIERS (sans doute le Yéhon Sakigaké, imprimé et gravé par Yégawa), je vous prie, vous trois, de le donner à Yégawa Tomékiti. Quant au prix, vous vous arrangerez directement avec lui. La raison pour laquelle je tiens absolument que la gravure soit de Yégawa, c'est que, soit la Mangwa, soit les Poésies, certes les deux ouvrages sont bien gravés, mais ils sont loin d'avoir la perfection des trois volumes du Fouzi-Yama, gravés par lui. Or, si mon dessin est gravé par un bon graveur, ça m'encourage à travailler et, si le livre est réussi, c'est aussi à votre avantage, parce qu'il vous rapporte plus de bénéfices. De ce que je vous recommande si chaudement Yégawa, n'allez pas croire que c'est pour toucher une commission: ce que je recherche, c'est la netteté de l'exécution, et ce serait une satisfaction que vous donneriez au pauvre vieillard qui n'a plus bien loin à aller. (Ici le peintre se dessine, sous l'aspect d'un vieillard marchant appuyé sur deux pinceaux au lieu de béquilles.) Quant à l'HISTOIRE DE ÇAKYAMOUNI (publiée en 1839), Souzanbô m'a promis de la faire graver par Yéyawa, et j'ai dessiné en me basant sur ce choix: le tournant des cheveux chez les Indiens étant très difficile à graver, et même la forme des corps, et il n'y a absolument que Yégawa qui puisse exécuter ce travail.
Hanabousa, lors de sa visite, il y a déjà quelque temps, m'a dit, en me commandant les GUERRIERS, qu'il ne me laisserait plus dans l'inoccupation, et je lui rappelle sa bonne parole.
Vous avez commandé à ma fille une illustration des CENT POÈTES, mais j'aime mieux dessiner ce livre, que j'entreprendrai moi-même après avoir fini les GUERRIERS. Pour le prix, nous nous entendrons, tant par poète, mais n'est-ce pas? il est convenu d'avance que ce sera Yegawa qui gravera le livre.
Et la lettre se termine par un croqueton où il salue ses éditeurs.
Une autre lettre d'Hokousaï, adressée à l'éditeur Kobayashi, et qui serait datée du dixième mois de l'année 1835:
Je suis resté sans vous demander de vos nouvelles, mais je suis heureux de savoir que vous êtes en bonne santé. Quant à moi, j'ai vu le délinquant, l'incorrigible qui va retomber sur moi. Et depuis il m'a fallu réunir des conseils d'amis et de famille; enfin j'ai trouvé un répondant (quelqu'un qui a pris la responsabilité de le surveiller). Nous allons lui faire tenir une boutique de poissons, et nous lui avons aussi trouvé une femme qui va arriver ici dans deux ou trois jours. Mais tout cela est toujours à mes frais. C'est par ces empêchements que je suis en retard, pour dessiner le SOUÏKODÉN et TÔSHISÉN (les poésies des Thang), dont j'ai commencé seulement les esquisses; je vous enverrai cependant, quelques dessins, et dans ce cas-là je compte sur… Ici, le peintre dessine une main tenant une pièce d'argent.
Une autre lettre sans date, adressée à l'éditeur Kobayashi:
Dans les tons clairs de l'encre de Chine, je supprime toutes les dégradations. Car, si ça va tout seul au bout du pinceau, pour le peintre, l'ouvrier tireur des planches peut à peine faire deux cents exemplaires dégradés: au delà de ce nombre c'est impossible sur le même bois. Et pour ce ton de l'encre claire, faites-le le plus clair possible: la tendance au foncé rendant le tirage désagréable à l'oeil. Dites à l'ouvrier que le ton de l'encre claire doit être de même que la soupe aux coquilles c'est-à-dire claire comme tout. Maintenant, pour le ton de l'encre demi-foncée, si on tire trop clair, ça ôte de la puissance à la teinte et c'est le cas de dire à l'ouvrier tireur que la teinte demi-foncée doit avoir une tendance épaisse, un peu semblable à la soupe aux haricots. En tout cas, j'examinerai les essais mais, dès à présent je recommande ces détails parce que je veux arriver à avoir une bonne cuisine de mes dessins.
Une dernière lettre d'Hokousaï, écrite au commencement de l'année 1836, et adressée à l'éditeur Kobayashi d'Ouraga. Cette lettre, écrite à propos du Jour de l'An, a en tête un croqueton où le peintre en costume officiel, entre deux branches de sapin, fait une grande révérence.
Il y a plusieurs portes où je dois exprimer mes souhaits du Jour de l'An, donc je reviendrai un autre jour, et au revoir, au revoir… Mais, en attendant, pour ce qui regarde les dessins à graver, adressez-vous pour les détails à Yégawa, toutefois vous trouverez plus loin une recommandation pour les autres graveurs.
Je vous remercie de vos prêts fréquents. Je pense qu'au commencement du second mois de l'année je serai épuisé de papier, de couleurs, de pinceaux, et que je serai forcé d'aller à Yédo, en personne, alors je vous rendrai visite en cachette et je vous donnerai, de vive voix, tous les détails dont vous pouvez avoir besoin. Par cette rude saison, surtout dans mes voyages, que de choses dures, et entre autres, passer ce grand froid avec une seule robe, à mon âge de 76 ans. Je vous prie donc de songer aux tristes conditions dans lesquelles je me trouve; mais mon bras (ici un croqueton de ce bras) n'a nullement faibli, et je travaille avec acharnement. Mon seul plaisir c'est de devenir un habile artiste.
Ici, sa lettre finie, il la date du dix-septième mois, et se représente, dans un croquis microscopique, saluant humblement entre son chapeau et son dessin posés à terre.
Mais Hokousaï aime les post-scriptum, et la lettre continue:
Je recommande au graveur de ne pas ajouter la paupière en dessous quand je ne la dessine pas; pour les nez, ces deux nez sont miens (ici le dessin d'un nez de profil et de face) et ceux qu'on a l'habitude de graver sont des nez d'Outagawa que je n'aime pas du tout, et qui sont contraires aux règles du dessin. Il est aussi de mode de dessiner les yeux ainsi (et ce sont des dessins d'yeux avec un point noir au milieu), mais je n'aime pas plus ces yeux que les nez.
Hokousaï termine sa lettre par cette phrase: Comme ma vie, dans ce moment, n'est pas au grand jour, je ne vous écris pas ici mon adresse.
Enfin une lettre de 1842, adressée aux éditeurs Hanabousa Heikiti et
Hanabouza Bounzô, après son retour à Yédo où il continue à se tenir caché:
Je vous remercie mille fois de votre dernière visite amicale, et aussi de ne pas abandonner le vieillard, et encore de vos bonnes étrennes. Depuis le printemps dernier, mon débauché de petit-fils a eu une conduite déplorable, et j'ai dû, tous les jours, m'occuper à nettoyer les suites de sa sale vie, et j'étais au moment de le mettre à la porte. Mais il s'est trouvé, comme toujours, des personnages bien trop indulgents qui m'ont fait patienter jusqu'au jour d'une dernière et plus grosse faute. Toutefois, au commencement de cette année, j'ai dû le faire prendre par son père Yanagawa Shighenobou et conduire dans la province de Montzou (une province du Nord) mais il est bien capable de s'être échappé en route. En attendant, ça me donne à respirer un peu. Voici les raisons qui m'ont empêché d'aller vous remercier du livre de SOGA MONOGATARI (livre ancien prêté). Ce nouvel an, je n'ai ni sou ni vêtement, et j'arrive seulement à me nourrir tant bien que mal, ne voyant mon vrai nouvel an de cette année qu'au milieu de son second mois.
Au deuxième mois de l'année dernière, quand Yeiboun est venu me voir, j'avais déjà deux volumes terminés du SOUIKO (roman en 90 volumes commencé en 1807), mais je n'ai pu avancer davantage. En somme, j'ai perdu une année tout entière grâce à mon coquin de petit-fils, et je regrette cette précieuse année perdue.
Je garde longtemps votre SOGA MONOGATARI, mais je vous prierai de me laisser jusqu'au second mois, où je vous rendrai visite. Autre recommandation. Envoyez-moi, le plus tôt possible, la soie pour peindre la déesse Daghinitén (la déesse représentée montée sur un renard) car le temps passe rapide comme la flèche, et vous m'avez demandé que cette peinture vous soit livrée dans le second mois.
Si le texte de GWADÉN est prêt, envoyez-le-moi, et quand vous m'enverrez la soie, joignez-y le prix de l'illustration des deux volumes de GWADÉN. Quand vous viendrez, ne demandez pas Hokousaï, on ne saurait pas vous répondre, demandez le prêtre qui dessine et qui est emménagé récemment dans le bâtiment au propriétaire Gorobei, dans la cour du Temple Mei-ô-in, au milieu du buisson (petit bois d'Asakousa).
XLIV
Tant de représentations de combats, de luttes corps à corps, de duels héroïques éparpillés dans tout l'oeuvre d'Hokousaï, racontant le passé militaire du Japon, ne satisfaisaient pas le maître. Sur la fin de sa vie, il voulut des albums particuliers consacrés tout entiers à ces hommes de guerre à la fois terribles et doux, dont les ANNALES DU JAPON nous décrivent le type dans ce portrait de Tamoura-maro:
«C'était un homme très bien fait; il avait 5 pieds 8 pouces de haut, sa poitrine était large de 1 pied 2 pouces. Il avait les yeux comme un faucon et la barbe couleur d'or. Quand il était en colère, il effrayait les oiseaux et les animaux par ses regards; mais, lorsqu'il badinait, les enfants et les femmes riaient avec lui.»
Oui, Hokousaï voulut dessiner des albums montrant uniquement ces guerriers armés de sabres au dire des légendes coupant des boeufs en deux, sous des masques de métal, dans des cuirasses, des épaulières, des brassards, des gantelets, des jambières, comme fabriqués sur le moulage du corps et que l'acier le plus souple uni à la soie la plus résistante—et plus tard les pièces articulées, sortant de l'atelier de la famille Miôtchin, —enfermaient dans un vêtement de fer laissant aux membres toute la liberté des mouvements que jamais ne donna l'armure moyenageuse de l'Europe.
Donc en 1835 Hokousaï publia un premier album, bientôt suivi de deux autres, où la mythologie guerrière se mêle à l'histoire batailleuse des premières dynasties de la Chine et du Japon. Ce premier album a pour titre: Wakan Homaré, LES GLOIRES DE LA CHINE ET DU JAPON, et devrait avoir en tête la curieuse préface que Hokousaï a écrite pour l'ILLUSTRATION DES PERSONNAGES DE SOUIKODÉN, et que voici:
«Je trouve que dans toutes les représentations japonaises ou chinoises de la guerre, il manque la force, le mouvement, qui sont les caractères essentiels de ces représentations. Attristé de cette imperfection je me suis brûlé à y remédier et à y apporter ce qui manquait… Il y a indubitablement dans mes dessins des défauts, des excès, mais tout de même mes élèves veulent s'en servir comme modèles.»
Sur la première page des GLOIRES DE LA CHINE ET DU JAPON est un Mars bouddhique, aux cheveux droits sur la tête, aux sourcils et aux moustaches coléreusement retroussés, se détachant d'un grand nimbe dans son armure ornementale.
Puis se succèdent les gravures d'Isanaghi, le premier homme de la terre du Japon tuant Kagoutsouti, le mauvais génie de la contrée; de Foumeitchôja, mettant en fuite le renard à neuf queues; du soldat Sadayo, tout percé de flèches et mourant en enfonçant des deux mains son sabre dans le corps d'un ennemi étendu sous lui; du Dieu du tonnerre s'humiliant devant la hache monstrueuse de Kintoki; de Yorimitsou, qui vient de trancher la tête du géant de la montagne de Ohyéyama: tête qui est en train de retomber et d'aller se ficher sur les cornes du casque du jeune guerrier; de l'intrépide explorateur qui entra le premier dans la grotte du Fouzi-yama et que l'on voit la parcourir la torche à la main; du cavalier Ogouri Hangwan, faisant assembler les quatre pieds de son cheval sur la tablette d'un étroit jeu de go; du général Yoshisada demandant au génie de l'Océan, dans la logette faite par la courbe d'une vague, demandant de retirer la marée pour laisser passer son armée.
Sur la dernière page se voit un peintre qui élève en l'air, d'une seule main, une masse ficelée de rouleaux de sapèques au bout desquels est fiché son pinceau—une allusion d'Hokousaï, je crois bien, à la force qu'il dépense dans ses dessins.
L'année suivante, en 1836, un jour de printemps… mais écoutez Hokousaï lui-même: «Pendant que je profitais d'un beau jour de printemps, dans cette année de tranquillité, pour me chauffer au soleil, j'eus la visite de Souzambo (son éditeur), qui venait me demander de faire quelque chose pour lui. Alors j'ai pensé qu'il ne fallait pas oublier la gloire des armes, surtout quand on vivait en paix et, malgré mon âge qui a dépassé soixante-dix ans, j'ai ramassé du courage pour dessiner les anciens héros qui ont été des modèles de gloire.»
Le livre pour lequel Hokousaï ramasse sa vieille énergie s'appelle Yéhon Sakigaké, LES HÉROS.
Et tour à tour défilent l'Hercule mythologique Tatikarao-no-mikoto, portant un rocher sur sa tête; le premier Empereur du Japon regardant son héritier dormant entouré d'un énorme dragon; le ministre Moriya, battant un prêtre bouddhique, après avoir jeté à terre la table et les écrits religieux qu'elle portait; le guerrier Hiraï-no-Hôshô tuant l'araignée monstre ressemblant à une énorme pieuvre; le guerrier Shôki en train d'étrangler un diable; le mangeur d'enfants Mashukoubô, tenant par les pieds un enfant dont il ouvre le ventre au-dessus d'une marmite qui recueille le sang; le guerrier Bénkei portant une cloche au haut de la montagne Ishiyama; la divinité bouddhique Foudô, symbolisant la fermeté de la conviction que ne peuvent ébranler ni le feu ni l'eau où son corps est à la fois plongé; la guerrière Hangakou qui écrase un guerrier sous un tronc d'arbre.
Une suite des HÉROS paraît, la même année, 1836, sous le titre de: Yéhon Mousashi Aboumi; LES ÉTRIERS DU SOLDAT, une suite où l'effort d'Hokousaï est d'étudier l'armure sur le corps du guerrier et de montrer la vie, le mouvement, communiqués à cet habit de fer par l'attaque et la défense de la vie: conquête que se vantait d'avoir faite Hokousaï dans le dessin.
Et rien, dans les ÉTRIERS DU SOLDAT, que des hommes et des femmes sous l'armure. C'est l'impératrice Jingô, une tête coupée à ses pieds, en train de tendre son formidable arc; c'est le prince Yamatodaké qui vient de tuer le chef ennemi sous un déguisement de femme; c'est un général japonais blessé par une flèche qui est à ses pieds, et qui envoie dans le camp ennemi, à celui qui l'a blessé, un colossal taï et une cruche monumentale de saké: un acte de courtoisie militaire très commune en ces temps; et ce sont des combats où, sous le harnachement de fer des cavaliers, se cabrent des chevaux hirsutes et échevelés, aux yeux de feu, à la robe toute noire, pareils à des coursiers de l'Érèbe.
À ces planches consacrées à la guerre il faudrait encore ajouter cinq feuilles de guerrier sur fond bleu, avec des verts, des rouges, des jaunes un peu criards, sur les armures.
    Kamakoura Gongoro tuant Torino-oumi Yasabrô.
    Watanabé-no-Tsouna tuant Yénokouma aïyemon.
    Kousounoki Tamomarou se battant avec Yaono Bettô.
    Ohtomono Soukouné arrêtant Ohtomono Mahtori.
    Onikojima Yatarô disputant une cloche avec Saïhô-in.
XLV
En 1835 Hokousaï illustrait le Yéhon Sénjimon, MILLE LETTRES ILLUSTRÉES, un ancien ouvrage chinois entré dans l'éducation japonaise et dont la traduction japonaise est donnée en regard du texte chinois.
Deux espèces de jolis culs-de-lampe: des enfants, dont l'un est sur le dos de sa mère, en contemplation devant les ombres chinoises d'une lanterne, et deux enfants entrevus sur une barque à moitié cachée par les nénuphars d'un étang. A côté de ces culs-de-lampe, un beau dessin représente la veuve de Kousounoki Masashighé, élevant en l'air le rouleau où est le testament de son mari et arrêtant son fils au moment où il va se tuer.
En 1837, dans le Nikkô sanshi, GUIDE DE NIKKÔ, la montagne où sont enterrés les premiers shôgouns de Tokougawa, un recueil de 5 volumes dont l'illustration est due à la collaboration de plusieurs artistes, Hokousaï publie deux paysages d'après la cascade de Riûdzou (tête de dragon): deux grandes planches, où la fusée blanche de l'armature des arbres se détache, d'une manière remarquable, sur le noir de la feuillée.
XLVI
Tous les arts descendant du dessin, Hokousaï veut que son imagination aille à ces arts, que son pinceau y touche, que sa main en donne des modèles. C'est ainsi qu'en 1836, le vieux peintre qui signe: le vieillard fou de dessin, publie le Shin-Hinagata, NOUVEAUX MODÈLES DE DESSINS D'ARCHITECTURE, et écrit en tête cette préface:
Depuis l'antiquité, l'homme a copié la forme des choses: ainsi dans le ciel il a pris le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les montagnes, les arbres, les poissons, et puis les maisons, les champs; et ces images simplifiées, modifiées, dénaturées, sont devenues les caractères de l'écriture. Mais celui qui se fait appeler un dessinateur doit respecter la forme originale des choses, et, ce dessinateur, quand il dessine les maisons, les palais, les temples, il est de toute nécessité qu'il sache comment les charpentes sont agencées.
Il existait un ouvrage fait par un architecte, sous ce titre: LES MODÈLES DE L'ARCHITECTURE, mon éditeur m'a demandé de dessiner le second volume. Le premier a été fait par un homme du métier, avec des données techniques. Moi, ce que j'ai fait dans ce volume est plutôt du domaine de l'art; toutefois si, grâce à mon enseignement, les jeunes dessinateurs arrivent à ne pas faire un chat à la place d'un tigre, un tombi à la place d'un faucon, quoique mon travail ne soit qu'un caillou à côté d'une montagne, je serai glorieux de ce résultat devant la postérité.
Et, à l'appui de la préface, après la représentation du fil à plomb, ce sont des modèles de constructions en bois à la légère et élégante menuiserie; ce sont des terrasses aux balcons complètement ajourés, aux escaliers aériens; ce sont des toits aux souplesses courbes d'une toile de tente, avec de jolis auvents de bambous; ce sont des modèles de cloches pour bonzeries, au bronze sillonné de dragons fantastiques de la mer; ce sont de riches frontons formés de deux énormes taï et affrontés; ce sont des ponts de cordage passant au-dessus des arbres; ce sont des lanternes de jardin faites de la pyramide de trois enfants japonais montés l'un sur l'autre; ce sont les développements d'un temple bouddhique dans toute sa hauteur:—dessins précédés de la figuration, en son riche et nobiliaire costume, de l'architecte officiel du palais impérial et des charpentiers travaillant sous ses ordres. Le volume gravé par Yégawa, l'habile graveur des CENT VUES DU FOUZI-YAMA, eut une seconde édition, faite postérieurement et teintée de rose. A la fin de l'édition en noir l'éditeur annonçait la publication de trois volumes qui devaient suivre et qui n'ont pas paru.
Détail curieux, le professeur d'architecture d'Hokousaï fut un des élèves de son atelier, nommé Hokou-oun, qui s'assimila tellement la manière de son maître qu'il publia une MANGWA où des pages de croquis seraient données par les plus fins connaisseurs à Hokousaï.
Mais ce n'a pas été seulement de la forme et du contour de l'habitation qu'a été préoccupée la pensée artistique d'Hokousaï, il a donné des heures de son pinceau à la décoration des objets de la vie intime de son temps, cherchant à faire, ainsi que cela a été dans notre société du moyen âge, un objet d'art de tout objet servant à la vie usuelle, et sur la pipe et le peigne, ces deux choses où les Japonais ont dépensé les plus jolies imaginations et associé à leur ornementation les plus belles et délicates matières, il a laissé deux merveilleux petits livres sous le titre: Imayô Koushi Kisérou Hinagata, MODÈLES DES PEIGNES ET DES PIPES À LA MODE D'AUJOURD'HUI. Trois volumes, dont deux consacrés aux peignes, avaient paru en 1822, et dont le troisième, consacré aux pipes, paraissait en 1823.
Le volume des peignes, qui a pour frontispice une Japonaise en train de polir des peignes sur une meule, contient les plus variés et les plus divers motifs d'ornementation de ce joli objet de toilette où la laque, l'ivoire, la nacre, l'écaille, les pierres dures, se mêlent et se marient pour le décor.
Et le goût dépensé sur ces peignes! Ici, ce semis de pétales de fleurs, là, cette jonchée d'iris, là, cet enguirlandement par un volubilis, là, ce couronnement par une fleur de nénuphar. Et des envolées à tire d'aile de grues, et des nages de canards mandarins, et des batailles de moineaux. Et encore, en leur petitesse minuscule, des coins de village, des plages, des aspects du Fouzi-yama, des vues panoramiques aux grands horizons. Et enfin des choses qu'aucun peuple n'a fait servir à la décoration des objets usuels et familiers, comme les cassures du charbon de terre, le treillis d'une vannerie, le fouillis enchevêtré de clous, les crêtes des vagues, les rayures de la pluie.
À la suite de la préface, Hokousaï écrit ces quelques lignes.
La fabrication des objets change selon le temps. Des objets qui étaient carrés, on les fait ronds et le monde trouve cela plus beau: ça s'appelle la mode. Tous les objets sont soumis à cette modification, à plus forte raison les peignes et autres objets de toilette servant aux femmes dont les caprices se plaisent au changement. Si je ne dessinais que pour la mode présente, mes dessins ne seraient d'aucune utilité pour les fabricants de l'avenir; donc les dessins de ce petit volume ont été faits avec l'idée de créer un décor pouvant s'appliquer à des formes variables. Ainsi, si la mode exige que les peignes soient épais, les artistes devront augmenter le dessin pour couvrir l'épaisseur. Dans le cas contraire, ils n'ont, ce qui leur sera plus facile, qu'à simplifier le dessin. Donc j'ai tâché de prévoir, autant que possible, ces variations.
Et il signe: Précédemment Hokousaï Katsoushika I-itsou.
Le volume des pipes a, pour frontispice, un Coréen qui fume une pipe interminable; et commence une suite de petits carrés où se trouve le motif dessiné de la ciselure entre un fourneau et un tuyau de pipe: motif en général exécuté sur une pipe toute en argent, ou sur une pipe en bambou avec des revêtements partiels en argent, ou sur une pipe en bronze avec des parties en ivoire. Et les motifs représentent tout un monde: un tigre, un ascète, une cascade, un enfant enlevant un cerf-volant, un Hotei, des chauves-souris, le porteur du bâton aux morceaux de bambous pour battre le thé, une biche, une branche de sapin, un acrobate, un Darma, une assemblée de renards au clair de la lune, une grenouille, une mouche, des flammes, des bulles de savon.
De ces volumes sur l'architecture, sur les peignes et les pipes, on pourrait rapprocher le Shingata Komon-tchô, ALBUM DE PETITS DESSINS POUR NOUVEAUTÉS, publié en 1824.
Une série de planches où l'ingénieuse combinaison de l'enlacement, de l'entre-croisement, de l'enchevêtrement de carrés, de ronds, de losanges, fait le décor de robes, et qui devait être suivi d'un autre volume consacré aux broderies qui n'a pas paru.
En tête de ce volume, la préface de Tanéhiko dit: «Les artistes qui dessinent librement sont d'ordinaire maladroits avec le compas et la règle, et ceux qui font des dessins géométriques ne savent pas dessiner librement. Hokousaï, lui, fait tout bien, et il arrive à faire avec sa règle et son compas, non pas seulement des dessins artistiques, mais encore des dessins d'une invention infinie.»
XLVII
À la suite de trois mauvaises récoltes du riz, pendant les années 1836, 1837, 1838, l'année 1839 fut une année de disette pendant laquelle les Japonais restreignant leurs dépenses n'achetaient plus d'images, et où les éditeurs se refusaient à faire les frais de publication d'un livre, d'une planche séparée. En cette grève des éditeurs, Hokousaï comptant sur la popularité de son nom, eut l'idée de composer des albums au bout de son pinceau, et il trouva à vivre à peu près cette année de la vente de ces dessins originaux vendus sans doute très bon marché.
Un de ces albums, composé de douze dessins, existe dans la collection de M. Hayashi. Un demi-quarteron de lavis rapides, au coloriage brutal, lavis où, sous le barbouillage hâtif, se sent le maître, dans la silhouette des êtres et des choses. C'est Foukorokou déroulant un makimono sur lequel une tortue vient se promener, c'est le diable déguisé en prêtre faisant sa prière. Et ce sont aussi bon nombre de motifs déjà publiés par lui, et qu'il répète sans pudeur: ainsi le hoche-queue sur un rocher, qui revient si souvent dans ses dessins, ainsi le Japonais regardant s'envoler des papillons, du Shas-hin gwafou.
L'album est signé: Gwakiô rôjin manji (vieillard fou de dessin à l'âge de 80 ans).
XLVIII
En cette mauvaise année pour l'art, Hokousaï a cependant la chance de trouver un éditeur pour une grande série de planches séparées, et cette date de 1839 est non seulement appuyée par la signature Manji, précédemment Hokousaï, mais certifiée par une lettre d'Hokousaï, datée de cette année, où il est question de la commande de cette série faite par l'éditeur Yeijudô, lettre que Hayashi aurait eue entre les mains, au Japon.
Cette série renfermant une suite de paysages en largeur, tirés en couleur, de la même facture que les TRENTE-SIX VUES DU FOUGAKOU est intitulée: Hiakounin isshu Ouwaga Yétoki, LES CENT POÉSIES EXPLIQUÉES PAR LA NOURRICE.
Des 100 planches, qui devaient former la collection, 27 seulement ont paru.
1. Poésie de l'empereur Tenti.
      La récolte du riz.
2. Poésie de l'impératrice Jitò.
      Un bord de rivière l'été, avec lavage de linge.
3. Poésie de Kakinomoto-no-Histomaro.
      La nuit auprès d'un feu allumé, des pêcheurs tirant un filet.
4. Poésie de Yamabé-no Akahito.
      Le n° 4 manque.
5. Poésie de Saroumarou Duyù.
      À l'automne, retour de paysans de la cueillette, leurs pelles
      fourchues sur l'épaule. Au haut d'une montagne, un cerf bramant,
      qui fait songer aux paysans à l'attente de leurs femmes.
6. Yakamoti.
      Un bateau à la forme de gondole, sur une rivière baignant une ville
      bâtie sur un rocher.
7. Abéno Nakamaro.
      La lune rappelant en Chine au poète japonais son pays.
9. Onono Komati.
      Paysanne en train de nettoyer une étoffe sur une porte détachée de
      ses gonds.
11. Sanghi Takamoura.
      Pêcheuses de coquilles, appelées awabi.
12. Sôjô Henjô.
      Danseuse de temple, dansant la nuit, en grand costume, les cheveux
      épars, un éventail à la main. Le poète dans la poésie, en tête de
      la planche, dit au vent d'empêcher les nuages de couvrir la lune.
17. Ariwarano Narihira (aux environs de Kiôtô). Gens traversant un pont sur une rivière dont les eaux roulent la pourpre de nombreuses feuilles de momiji.
18. Foujiwara Toshiyuki. Bâtiment de commerce japonais.
19. Issé (une poétesse).
      Sur l'avance d'une petite terrasse, deux femmes regardant la
      campagne.
20. Motoyoshino Shinnô.
      Un boeuf chargé de roseaux, au milieu de promeneurs autour d'une
      baie.
24. Kwanké.
      Voiture aux roues énormes, ayant l'air d'un temple portatif et à
      laquelle est attelé un boeuf: voiture dans laquelle, seul, le
      souverain peut monter.
26. Teijinkô.
      Noble visitant le temple d'Ogouroyama, célèbre pour ses momiji.
28. Minamoto-no-Mounéyuki.
      Chasseurs faisant du feu dans la neige.
32. Haroumiti-no-Tsouraki.
      Scieurs de bois au bord d'une rivière.
36. Kiyowarano Foukayabou.
      Bateaux de promenades à Yédo, au milieu desquels un bateau-restaurant
      va de l'un à l'autre.
37. Boun-yano Asayasou.
      Sur un bateau, de jeunes garçons de la noblesse cueillant des pousses
      de lotus: un mets dont les Japonais sont très friands.
36. Sanghi Hitoshi.
      Un daïmio, accompagné de serviteurs, parcourant la campagne.
46. Ohnakatomi Norinobou.
      Serviteurs japonais attendant leur maître à la porte d'un jardin
      impérial.
50. Foujiwarano Yoshitaka.
      Établissement de bains où l'on voit des femmes en peignoir sur une
      terrasse d'où sort un jet de vapeur d'eau chaude.
52. Foujiwarano Mitinobou.
      Porteurs de cago descendant une route.
68. Sanjô-no-in.
      L'intérieur d'un temple sinthoïste.
71. Dainagon Tsounénobou.
      Fontaine où des femmes remplissent des baquets.
97. Gontûnagon Sada-iyé.
      Au bord de la mer, un four à sel.
Enfin, à cette série il y aurait encore à rattacher la série ayant pour titre: Sétsouguekkwa, NEIGE, LUNE ET FLEURS, composée de trois planches.
1. La neige de la Soumida à Yédo.
2. La lune de Yodogawa (nom de rivière) à Ohsaka.
3. Les Fleurs de Yoshino (nom d'une montagne toute rose de ses arbres en fleurs) aux environs de Kiôto.
XLIX
Oui, cette année 1839 où Hokousaï au bout de ces quatre ans d'exil passés à Ouraga revient à Yédo, est une année vraiment malheureuse: une année fatale pour l'artiste. A peine s'est-il logé, établi à nouveau dans le quartier Honjô, le quartier campagnard, affectionné par le peintre, qu'un incendie brûle sa maison, détruit un grand nombre de ses dessins, et les esquisses et les croquis qu'il a pris tous les jours de sa vie,—et de la maison où brûle son oeuvre le peintre n'emporte que son pinceau.
L
De 1840 à 1849, l'année de sa mort, Hokousaï illustre Wakan Inshitsoudén, TRADITIONS CHINOISES ET JAPONAISES SUR LES CONSÉQUENCES DE LA CONDUITE INVISIBLE (sur les bonnes ou mauvaises actions secrètes, non connues), et où le bien et le mal se trouvent récompensés dans la personne des gens bons ou mauvais ou dans leurs descendants. Dans ce petit livre, chaque personnage, dont on rapporte un acte de la vie, a son nom imprimé près de la représentation de cette action.
Peut-être cette année ou une des années suivantes, Hokousaï illustre le Yéhon Onna Imagawa, le LIVRE ILLUSTRÉ DE L'ÉDUCATION DES FEMMES.
Dans les environs de l'année 1840, Hokousaï publie encore quatre estampes en hauteur représentant le travail en paille exposé dans la cour du temple d'Asakousa.
Ces planches représentent les douze signes du zodiaque, les deux guerriers Kôméi et Schûsô, une femme sur un éléphant blanc, une cage de grues, une arme d'une longueur de 23 mètres.
Vers le même moment paraît encore Shimpan Daïdô Zoui, NOUVELLES PLANCHES
DES DESSINS SUR LA VOIE PUBLIQUE, une série de douze feuilles en largeur.
Une série d'un mouvement diabolique: un défilé de pèlerins sous des masques de Téngous, de garçons de marchands de saké ayant trop goûté à leurs marchandises, de marchands de savon faisant des bulles au bout d'un chalumeau, de forgerons d'ancres, d'aveugles masseurs, de mendiants criant, chantant, dansant en brandissant des écrans, menant une bacchanale folle, épileptique, bras et jambes en l'air, et qui serait la fin des étudiants paresseux de là-bas.
Sous la même date, on classe aussi Tiyénooumi, L'OCÉAN D'IDÉES, une série rarissime.
En 1843 Hokousaï publie le Shoshin gwakan, ALBUM DE DESSINS POUR LES COMMENÇANTS, un album qui a une certaine parenté par le faire avec le Shashin gwafou.
Des dessins de premier coup, de la brutalité la plus savante, faisant mépriser le joli et le fini du petit art.
D'abord un dessin comique d'Hotei, le dieu des enfants, s'ouvrant de ses deux mains la bouche jusqu'aux oreilles, avec devant lui un petit Japonais qui lui tire la langue.
Puis des riens du tout, comme des champignons, comme un morceau de bambou, etc., etc., des merveilles d'un rendu comme produit par la fièvre du dessin.
Et, au milieu de ces croquis, le dessin du dialogue d'un ministre retiré des affaires et d'un pêcheur où, dans l'épine dorsale et la gesticulation gouailleuse des mains de ce pêcheur, est donné comme l'accent de la phrase qu'il jette au ministre démissionnaire, disant qu'il a quitté le ministère parce que le monde a l'esprit à l'envers: «N'est-ce pas vous qui êtes à l'envers? Moi, quand la rivière est trouble, je me lave les pieds dedans et, quand elle est claire, je la bois!»
Les gravures de cette publication ont été republiées plus tard en couleur, en mauvaise couleur, sous le titre de Hokousaï Gwayén, LE JARDIN DES DESSINS d'HOKOUSAÏ.
En 1847, deux ans avant la mort de l'artiste, paraît Rétsoujo Hiakouninshû, CENT PENSÉES DE CENT FIDÈLES FEMMES, dont les cent figures sont de Toyokouni, mais dont les dix premières pages sont d'Hokousaï.
Il semble qu'alors l'artiste, qui a 87 ans, redoute la responsabilité de l'illustration d'un livre tout entier, et il se contente d'une espèce d'introduction dessinée, faite par de petits croquis jetés dans un trait, mais des plus spirituels.
En 1848, c'est Shûga hiakounin shû, LES CENT POÈTES, publication due à la collaboration de Kouniyoshi, Shighénobou, Yeisén, mais dont les dix premières pages sont d'Hokousaï.
Une planche d'un beau sentiment: un Empereur exilé, regardant mélancoliquement du bord de la mer une volée d'oiseaux se dirigeant vers son pays.
Cette même année 1848, Hokousaï donne une grande planche en largeur, représentant une opération topographique faite avec nos instruments d'arpentage et qui a presque le caractère d'un dessin européen. Elle est signée: Manji rôjin à l'âge de 89 ans.
Au printemps de 1849, l'année de la mort d Hokousaï, c'est Yokou yeiyû hiakounin shû, CENT POÉSIES DE HÉROS, illustration due à plusieurs artistes, et où Hokousaï a encore dix feuilles de dessins dont la première est une planche de détails d'armures.
LI
En 1848, un an avant sa mort, Hokousaï publie Yéhon Saïshiki-tsou, LE TRAITÉ DU COLORIS, sur la couverture duquel on voit Daïkokou déroulant un kakémono où sont gravés le titre du volume et le nom de l'auteur, et où la première planche représente, au-dessus d'un petit rapin japonais préparant l'encre de Chine, le peintre dans une espèce de danse de Saint-Guy picturale, peignant un pinceau dans la bouche, un pinceau dans chaque main, un pinceau dans chaque pied.
Le traité qui est rédigé par Hokousaï, sous le nom d'Hatiyémon, mérite d'être traduit dans quelques-unes de ses parties. Il commence ainsi:
L'ignorant Hatiyémon dit: J'ai fait ce petit volume pour apprendre aux enfants qui aiment à dessiner la manière facile de colorier… publiant ce petit volume à bon marché, dans l'espoir que tout le monde pourra l'acheter et donner à la jeunesse l'expérience de mes quatre-vingt-huit ans.
Dès l'âge de six ans, j'ai commencé à dessiner, et pendant quatre-vingt-quatre ans j'ai travaillé dans l'indépendance des écoles, ma pensée, tout le temps, tournée vers le dessin. Or donc, comme il m'est impossible de tout exprimer en un si petit espace, je voudrais seulement apprendre que le vermillon n'est pas la laque carminée, que l'indigo n'est pas le vert, et aussi apprendre, d'une façon générale, le maniement du rond, du carré, et des lignes droites ou courbes; et si j'arrive, un jour, à donner une suite à ce volume, je mettrai les enfants en état de rendre la violence de l'Océan, la fuite des rapides, la tranquillité des étangs, et chez les vivants de la terre, leur état de faiblesse ou de force. En effet, il y a des oiseaux qui ne volent pas très haut, des arbres à fleurs qui ne produisent pas de fruits, et toutes ces conditions de la vie autour de nous méritent d'être étudiées à fond, et si j'arrive à persuader les artistes de cette vérité, j'aurai le premier traîné ma canne sur le chemin[20].
[Note 20: J'aurai le premier indiqué le chemin.]
Puis, c'est un tableau d'une cinquantaine de couleurs employées par le maître, et à la page suivante, au-dessus de deux mains qui tiennent un pinceau penché, délayant de la couleur dans une soucoupe, ces recommandations:
Les couleurs ne doivent être ni trop épaisses, ni trop claires, et le pinceau doit se tenir couché; autrement il produit des malpropretés; —l'eau du coloriage plutôt claire que foncée, parce qu'elle durcirait le ton;—le contour jamais trop net, mais très dégradé;—n'employer la couleur que lorsqu'elle a reposé et qu'on a rejeté la poussière montée à la surface;—la couleur fondue avec le doigt, et jamais avec le pinceau; ne passer la couleur que sur les lignes noires de l'ombre, où seulement la couleur peut se superposer.
Et ce sont les couleurs spéciales qu'il faut employer pour colorier les animaux et les plantes, représentés en noir dans les planches qui se succèdent,—pour colorier le hoho, le coq, l'aigle, les canards, les poissons.
Le noir lui fait dire:
Il y a le noir antique et le noir frais, le noir brillant et le noir mat, le noir à la lumière et le noir dans l'ombre. Pour le noir antique, il faut y mêler du rouge; pour le noir frais, c'est du bleu; pour le noir mat, c'est du blanc; pour le noir brillant, c'est une adjonction de colle; pour le noir dans la lumière, il faut le refléter de gris.
À propos de fleurs, Hokousaï nous révèle un curieux ton de l'aquarelle de là-bas: c'est le ton du sourire. Mais écoutez le vieux maître:
Ce ton appelé le ton du sourire, Waraï-gouma, est employé sur la figure des femmes pour leur donner l'incarnat de la vie, et aussi employé pour le coloriage des fleurs. Pour le fabriquer ce ton, voici le moyen: il faut prendre du rouge minéral, shôyén-ji, fondre ce rouge dans de l'eau bouillante, et laisser reposer la dissolution: c'est un secret que les peintres ne communiquent pas.
Hokousaï ajoute:
Pour les fleurs, on mêle généralement de l'alun à cette dissolution: mais ce mélange brunit le ton. Moi, j'emploie bien aussi l'alun, mais d'une manière différente, due à mon expérience. Je le bats longtemps dans un godet et le tourne sur un feu très doux jusqu'à ce que le liquide soit desséché complètement. Cette matière ainsi obtenue, on la conserve à sec, pour s'en servir, en la mélangeant avec du blanc. Et pour obtenir ce blanc teinté d'un soupçon de rouge, j'étends le blanc d'abord, et ensuite en délayant le shôyén-ji dans beaucoup d'eau, et le laissant précipiter au fond de cette eau à peine teintée, passée sur la gouache, j'obtiens la coloration voulue.
Ce qu'il y a de curieux dans le professorat d'art d'Hokousaï, c'est l'indépendance que prêche à ses élèves le maître indépendant, leur déclarant qu'ils n'aient pas à croire qu'il faut se soumettre servilement aux règles indiquées, et que chacun, dans son travail, doit s'en tirer selon son inspiration.
La même année, il publie un second volume portant le même titre, où il dit: Dans le premier volume, j'ai indiqué les couleurs à l'état général, dans celui-ci, je m'occupe des couleurs à l'état liquide; et ce sont des procédés, comme dans l'autre volume, pour peindre un lion de Corée, un sanglier, des lapins.
Dans le premier volume, un moment, il nous entretient du procédé hollandais de la peinture à l'huile de l'Europe, disant: Dans la peinture japonaise, on rend la forme et la couleur, sans chercher le relief, mais dans le procédé européen on recherche le relief et le trompe-l'oeil, et Hokousaï conclut, sans parti-pris, qu'on peut admettre les deux procédés.
Dans ce second volume, faisant sans doute allusion à des planches de Rembrandt qu'un critique américain l'accusera d'avoir transportées dans le vieux sacro-saint dessin japonais, Hokousaï parle du procédé hollandais de l'eau-forte, du procédé qui consiste à dessiner sur le cuivre recouvert d'un vernis, et annonce qu'il dévoilera ce procédé dans le volume suivant. Mais ce second volume du TRAITÉ DU COLORIS devait être la dernière publication du peintre.
Un second livre, où Hokousaï professe longuement, est le Riakougwa-haya shinan, LEÇON RAPIDE DE DESSIN ABRÉGÉ, ouvrage paru en trois volumes, le premier en 1812, le second en 1814, le troisième sans date.
Dans le premier volume, aux croquis assez brutaux, il y a une chose curieuse: que chaque dessin soit un Darma, soit un scolopendre, il est reproduit dans les contours de sa forme par les lignes courbes de moitiés de circonférences, de quarts de circonférences, et de temps en temps par un carré.
Dans la préface[21], Hokousaï blaguant les anciens, s'exprime ainsi:
[Note 21: La préface est de Kiôrian, mais elle est répétée dans le Shoshin Yédéhon, MODÈLES DE DESSINS POUR LES COMMENÇANTS, sous le nom d'Hokousaï.]
Les anciens ont déclaré que la montagne se fait avec la hauteur de dix pieds, les arbres avec la hauteur d'un pied, le cheval avec la hauteur d'un pouce, l'homme avec la grosseur d'un haricot, et ils ont proclamé que c'est la loi de la proportion dans le dessin. Non, les lignes du dessin, ça consiste en des ronds et des carrés… Maintenant notre vieil Hokousaï, lui, a pris une règle et un compas, et c'est avec cela qu'il a dessiné toutes les choses pour en bien déterminer la forme: un procédé qui ressemble un peu à ce vieux moyen de tâtonner avec le pinceau-charbon (morceau de bois brûlé, du fusain). Or, celui qui apprendra à bien manoeuvrer la règle et le compas, il pourra arriver à exécuter les dessins les plus fins et les plus délicats.
Et à la fin du volume, ces lignes sont encore d'Hokousaï:
Ce livre apprend la manière de dessiner au moyen du compas et de la règle, et celui qui travaillera à l'aide de ce moyen apprendra par lui-même la proportion des choses.
Dans le second volume, Hokousaï se représente peignant avec la bouche, les mains, les pieds, dessin que nous trouvons répété en 1848 dans le TRAITÉ DU COLORIS, et c'est une série de dessins assez semblables aux dessins géométriques du premier volume, mais qui seraient inspirés par la contexture des mots de la langue japonaise. Dans ce volume en une langue impossible, aux localités invraisemblables, et sous des noms imaginaires, moquant le style de rivaux et de concurrents, Hokousaï plaisante ainsi:
En aimant le style prétentieux de Hé-ma-mousho-Niûdô, le peintre Yama mizou Téngou, de Noshi-Koshi yama, s'est approprié l'art incompréhensible de ses dessins. Or, moi qui ai étudié ce style près de cent ans, sans y rien comprendre plus que lui, il m'est cependant arrivé ceci de curieux, c'est que je m'aperçois que mes personnages, mes animaux, mes insectes, mes poissons ont l'air de se sauver du papier. Cela n'est-il pas vraiment extraordinaire? Et un éditeur, qui a été informé de ce fait, a demandé ces dessins de telle façon que je n'ai pu lui refuser. Heureusement que le graveur Koizoumi, très habile coupeur de bois, s'est chargé, avec son couteau si bien aiguisé, de couper les veines et les nerfs des êtres que j'ai dessinés et a pu les priver de la liberté de se sauver. Ce petit volume, je l'affirme, sera un bijoux précieux pour la postérité, et les personnes entre les mains desquelles il se trouvera, doivent l'étudier avec toute confiance.
Et il signe: Yamamizou Téngou Téngoudo Nettétsou (fer chaud).
Dans le troisième volume, qui est toujours une suite de dessins cherchés d'après la forme des mots, et où en haut des pages il y a la figuration de ces mots au-dessus des sujets dessinés, la première image représente le peintre qui a signé la préface du second volume Téngou Téngoudo, présentant un dessin à un Téngou, à un de ces génies aux cheveux en poils de bête, au nez en vrille[22], et Hokousaï met en tête de ce volume:
Ce livre apprend le dessin sans maître. On a emprunté les lettres, les caractères de la calligraphie pour faire l'étude plus facile à l'élève. Dans chaque dessin, la marche du pinceau est indiquée par le numérotage, afin que les enfants puissent retenir l'ordre de la marche.
Mais ce livre n'est pas pour l'enfant seulement; les grandes personnes, les poètes par exemple, qui veulent exécuter un dessin rapide dans une société, seront aidées par ce livre. C'est donc les préliminaires du dessin cursif.
[Note 22: La tête de Téngou est formée par les mots Yama (montagne) et Mizou (eau), et la tête du peintre par une réunion de caractères faisant hé-ma-mou-sho.]
À la fin du volume, Hokousaï ajoute:
L'idée qui m'a fait faire ce volume vient de ce que, un soir, chez moi, Yû-yû Kiwan nom fantaisiste m'a demandé: Comment peut-on apprendre à faire un dessin d'une manière rapide et facile? Je lui ai répondu que le meilleur moyen était un jeu qui consistait de chercher à former les dessins d'après les lettres, et j'ai pris mon pinceau, et lui ai montré comment on peut facilement dessiner. Quand j'ai eu exécuté deux ou trois dessins l'éditeur Kôshodô, qui était là, n'a pas voulu laisser perdre ces dessins, et il m'a fait dessiner tout un volume, qu'on doit regarder, au fond, comme une distraction, comme un amusement pour rire.
Autour de ces deux traités techniques écrits par Hokousaï, il n'est peut-être pas sans intérêt de grouper les albums d'Hokousaï traitant spécialement du dessin et du coloris, dont les préfaciers ont été sans doute inspirés dans leurs préfaces par les théories, les idées, les ironies d'Hokousaï.
Ainsi dans l'album intitulé Hokousaï Sogwa, DESSINS GROSSIERS D'HOKOUSAÏ, publié en 1806, et dont la première planche représente le génie fantastique de l'encre de Chine, le préfacier Sakaudô, se faisant l'interprète des conversations du peintre, s'exprime dans ces termes: «Il n'est pas difficile de dessiner des monstres, des revenants, mais, ce qu'il y a de difficile, c'est de dessiner un chien, un cheval, car ce n'est qu'à force d'observer, d'étudier les choses et les êtres qui vous entourent, qu'un peintre représente un oiseau qui a l'air de voler, un homme qui a l'air de parler. Or, le talent extraordinaire du vieillard Taïtô (Hokousaï) n'est que le résultat de ce travail, de cette observation dans laquelle il a apporté cette attention infatigable que j'ai toujours admirée et qui a fait de lui le grand artiste indépendant et le maître unique.»
Ainsi l'album Shosin Yédéhon, MODÈLES DE DESSIN POUR LES COMMENÇANTS, sans date (deux volumes dont le second est en couleur), où la succession des coups de pinceau à donner est indiquée par un numérotage venant d'Hokousaï, et où, pour une étude de tête de profil, la marche du pinceau est ainsi indiquée: 1, le front; 2, la ligne du nez; 3, la narine; 4, le dessus de la bouche en partie cachée par la robe; 5, l'oeil; 6, le sourcil; 7, l'intérieur de l'oreille; 8, le contour, et les cheveux de 9 à 16.
Ainsi le RÉPERTOIRE RAPIDE DE DESSIN, sous le titre de Yéhon hayabiki, qui a suivi la LEÇON RAPIDE DE DESSIN ABRÉGÉ, et qui a paru en deux volumes publiés en 1817 et 1819.
Ces albums, qui contiennent par page 50 ou 60 silhouettes humaines de la grosseur d'un insecte, sont une sorte d'inventaire et de catalogue de tous les motifs de dessin classés sous la première lettre de leurs noms: le premier volume commençant à la lettre i et le second finissant à la lettre sou, la quarante-septième et dernière lettre de l'alphabet japonais.
Dans ce recueil, la tête est presque toujours indiquée seulement par le contour de l'ovale. Et ce mode de dessin, adopté par Hokousaï, vient à la suite d'une discussion avec un ami du peintre, qui soutenait que la physionomie d'un être humain ne pouvait être reproduite qu'avec le dessin de ses yeux et de sa bouche: discussion dans laquelle Hokousaï se fit fort de rendre l'expression, la vie d'un visage, en ne les y dessinant pas[23].
[Note 23: Le Mousha Bouri, RÉPERTOIRE DES GUERRIERS, est un recueil dans le même genre que le RÉPERTOIRE RAPIDE DE DESSIN, et qui donne la nomenclature des guerriers célèbres. A la fin de ce volume, publié en 1841, Hokousaï annonce qu'il prépare un volume sur les poètes et les artistes célèbres, mais ce volume n'a pas paru.]
Ainsi, dans l'album d'Ippitzou gwafou, LE DESSIN A UN COUP DE PINCEAU, album publié en 1823, et où un seul coup de pinceau donne si curieusement la silhouette d'oiseaux qui volent, de tortues qui nagent, de lapins qui digèrent, et de Japonais et de Japonaises dans toutes les actions de leur vie. Ici, le préfacier avoue que ce mode de dessin n'a pas été inventé par Hokousaï, qu'il est de l'invention de Foukouzénsaï de Nagoya, et que, dans un séjour dans cette ville, Hokousaï a été intéressé par ce procédé de dessin et, craignant qu'il ne se perdît, il a dessiné différents sujets de la même façon, pour que, plus répandu, il soit connu par la postérité[24].
[Note 24: Un autre album, intitulé Sôhitsou gwafou, ALBUM DE DESSIN CURSIF, publié par Hokousaï en 1843, est fabriqué un peu dans le même esprit de coloriage.]
Ainsi l'album intitulé Santaï gwafou, ALBUM DE TROIS DIFFÉRENTES SORTES DE DESSINS, imprimé en 1815, où Hokousaï signe Taïto, et dans lequel le préfacier Shokousan-jïn, traduisant la pensée du peintre, dit: «Dans la calligraphie il y a trois formes, et ce n'est pas seulement dans la calligraphie que ces trois formes existent, c'est dans tout ce que l'oeil de l'homme observe. Ainsi, lorsqu'une fleur commence à s'épanouir, sa forme est, pour ainsi dire, une forme rigide; lorsqu'elle est défleurie, sa forme est comme négligée; lorsqu'elle tombe à terre, sa forme est comme abandonnée, désordonnée.» Et au milieu de différentes images, une planche d'orchidée, trois fois répétée, est comme la confirmation de l'idée un peu paradoxale du peintre.
Ainsi l'album Hokousaï Gwashiki, MÉTHODE DE DESSIN D'HOKOUSAÏ, publié avec la collaboration de ses élèves, d'Ohsaka, Sénkwakou-teï, Hokouyô, Sekkwatei, Hokoujû, Shunyôtéi, Hokkei, et où le préfacier fait ainsi l'éloge d'Hokousaï: «La peinture est un monde à part et celui qui veut y réussir doit connaître par coeur les diversités des quatre saisons et avoir au bout des doigts l'habileté du créateur. Le Katsoushika Hokousaï de Yédo aima cet art dès l'enfance, eut pour unique maître la nature, et il a pénétré le mystère de l'art; enfin c'est l'unique grand peintre de la peinture ancienne et de la peinture moderne. Depuis des années il a donné des albums pour servir aux élèves, mais des albums insuffisants aux demandes. Et aujourd'hui l'éditeur Sôyeidô a demandé au maître un nouvel et plus complet album qui servira de méthode pour la jeunesse.»
Et à la fin de toutes ces révélations sur l'art du maître, qu'elles émanent de ses amis ou de lui-même, donnons la plus curieuse de toutes, que Hokousaï, en 1835, jeta en tête des CENT VUES DU FOUZI-YAMA:
Depuis l'âge de six ans, j'avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l'âge de cinquante ans, j'avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j'ai produit avant l'âge de soixante-dix ans ne vaut pas la peine d'être compté. C'est à l'âge de soixante-treize ans que j'ai compris à peu près la structure de la nature vraie, des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes.
Par conséquent, à l'âge de quatre-vingts ans, j'aurai fait encore plus de progrès; à quatre-vingt-dix ans je pénétrerai le mystère des choses; à cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j'aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant;
    Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens ma
    parole.
    Écrit à l'âge de soixante-quinze ans par moi, autrefois Hokousaï,
    aujourd'hui Gwakiô Rôjin, le vieillard fou de dessin[25].
[Note 25: L'Art Japonais, par Gonse. Quantin. 1883, t. I.]
LII
À l'âge de 68 ou 69 ans, Hokousaï avait eu une attaque d'apoplexie, dont il s'était tiré en se traitant par la pâtée de citron, un remède de la médecine japonaise et dont la composition était laissée par le peintre à l'ami Tosaki, avec, dans la marge de l'ordonnance, des croquetons de la main du peintre représentant le citron, le couteau à couper le citron, la marmite où on le fait cuire.
Voici la composition de cette pâtée de citron:
«Avant que vingt-quatre heures japonaises (48 heures) se soient écoulées depuis l'attaque, prenez un citron, découpez-le en petits morceaux, avec un couteau de bambou et non pas de fer ou de cuivre. Mettez le citron, ainsi découpé, dans une marmite de terre. Ajoutez-y un go (un quart de litre) de saké extra bon, et laissez cuire au petit feu jusqu'à ce que le mélange devienne épais.
«Alors il faut avaler, en deux fois, la pâtée de citron dont on a retiré les pépins, dans de l'eau chaude; et l'effet médical se produit au bout de vingt-quatre ou trente heures.»
Ce remède avait complètement guéri Hokousaï et semble l'avoir mené bien portant jusqu'en 1849 où il tombait malade de ses 90 ans, dans une maison d'Asakousa, le quatre-vingt-treizième logis de cette existence vagabondante d'une habitation à l'autre.
C'est alors, sans doute, qu'il écrivit à son vieil ami
Takaghi cette lettre ironiquement allusive:
Le roi Yemma[26] est bien vieux et s'apprête à se retirer des affaires. Il s'est fait construire, dans ce but, une jolie maison à la campagne et il me demande d'aller lui peindre un kakémono. Je suis donc obligé de partir et, quand je partirai, je prendrai mes dessins avec moi. J'irai louer un appartement au coin de la rue d'Enfer, où je serai heureux de vous recevoir, quand vous aurez occasion de passer par là.
HOKOUSAÏ.
[Note 26: Yemma, roi des Enfers, le Pluton japonais. Cette lettre a été publiée par M. Morse, dans l'Art Review, et reproduite, par Gonse, dans l'Art Japonais.]
En cette dernière maladie où Hokousaï eut les soins de sa fille Oyei, qui avait divorcé avec son mari et habitait avec son père, et où il fut entouré de l'affection filiale de ses élèves, la pensée du mourant fou de dessin, toujours toute à l'ajournement que le peintre sollicitait de la Mort pour le perfectionnement de son talent, lui faisait répéter d'une voix qui n'était plus qu'un soupir: Si le ciel me donnait encore dix ans… Là, Hokousaï s'interrompait, et après un silence: Si le ciel me donnait seulement encore cinq ans de vie… je pourrais devenir un vrai grand peintre[27].
[Note 27: D'après la biographie de Oukiyo yé Ronikô, par Kiôdén, qui le fait mourir le 13 avril 1849, la poésie de la dernière heure, que Hokousaï aurait formulée en mourant, est celle-ci:
      Oh! la liberté, la belle liberté, quand on va se promener aux champs
      d'été, en âme seule, dégagée de son corps.]
Hokousaï mourait à l'âge de 90 ans, le dix-huitième jour du quatrième mois de la deuxième année de Kayéï (le 10 mai 1849).
Un tombeau lui a été élevé, par sa fille Shiraï Tati dans le jardin du
Temple Seikiôji d'Asakousa, à côté de la pierre tombale de son père,
Kawamoura Itiroyémon.
On lit sur la face de la grande pierre tombale: Gwakiôjin Manjino Haka
(Tombeau de Manji, vieillard fou de dessin). Sur la base: Kawamoura Ouji
(Famille Kawamoura).
Sur le côté gauche de la pierre tombale, en hauteur, trois noms religieux: 1° Nansô-in kiyo Hokousaï shinji (Le chevalier de la foi, Hokousaï à la gloire pittoresque), Nansô (religieux du sud de Sô)[28]; 2° Seizen-in Hö-okou Miôju shin-nio, un nom de femme morte en 1828, qui pourrait être sa seconde femme; 3° Jô-oun Miôshin Shin-nio, un autre nom de femme morte en 1821, qui serait celui d'une de ses filles.
    [Note 28: Le mot Sô est l'abréviation du mot Shimofousa, où se trouve
    Katsoushika.]
LIII
Hokousaï s'est marié deux fois, mais on ignore les noms de ses deux femmes; on ne sait pas même si la séparation avec chacune d'elles a été amenée par la mort ou le divorce; seulement on a la certitude que le peintre vivait seul à partir de 52 ou 53 ans.
De sa première femme Hokousaï avait eu un fils et deux filles.
Le fils, c'est Tominosouké qui prit la succession de la maison du miroitier Nakajima Issé, et qui mena une vie de désordres, causant mille ennuis à son père.
Les filles, ce sont: Omiyo qui devint la femme de Yanagawa Shighénobou, le peintre, morte quelque temps après son divorce, et qui avait mis au monde ce petit-fils qui fut une source de tribulations pour son grand-père; et Otétsou, douée d'un vrai talent de peintre, qui mourut toute jeune.
De sa seconde femme Hokousaï eut également un fils et deux filles.
Le fils, c'est Takitiro, un petit fonctionnaire de Tokougawa, un peu poète, devenu le fils adoptif de Kasé Sakijiurô, qui éleva le tombeau d'Hokousaï et dont il prit le nom. Le petit-fils de Takitiro qui s'appelait Kasé Tchôjirô a été le camarade d'école de Hayashi, en l'étude de la langue française, dans la classe de M. Fontaine, actuellement maire d'Asnières.
Les filles, ce sont: Onao, qui mourut dans son enfance, et Oyei, qui se maria avec un peintre nommé Tômei, mais divorça et vécut, comme nous l'avons dit, la fin de la vie d'Hokousaï, avec son père. C'était un artiste, qui fit l'illustration de Onna tchôhôki: un livre d'éducation pour la femme, qui traite de la civilité.
Hokousaï avait deux frères aînés et une soeur cadette, tous morts dans leur jeunesse.
LIV
En l'année 1850, l'année qui suit la mort d'Hokousaï, paraît Guirétsou hiakoninshu, CENT EXEMPLES DE COURAGE, une illustration due à plusieurs artistes, mais où une planche d'Hokousaï représentant une terrible tempête nous montre Tatiwana-himé, la femme du prince Yamatodaké, se jetant dans la mer pour apaiser les flots par le sacrifice de sa vie.
Trente ans après la mort d'Hokousaï, en 1879, on a publié en deux volumes d'après ses dessins, le Yéhon Tôshisén Gogon-zekkou, ILLUSTRATION DES POÉSIES DES THANG, COMPOSÉES DE QUATRE VERS DE CINQ MOTS.
Les deux premières pages vous montrent: l'une, le poète écrivant à main levée, au pinceau, tandis qu'un enfant lui prépare l'encre de Chine; l'autre, le peintre peignant à l'encre de Chine sur un kakémono des oies sauvages, dans l'étonnement de ses disciples.
Après ces deux planches, les compositions les plus diverses: un homme qui nettoie un miroir de bronze; une abandonnée qui se désole dans son lit; une collation à la fin de laquelle l'amphitryon donne son sabre à son ami qui part pour une expédition militaire; des cygnes nageant à l'ombre de grands camélias.
Enfin, comme pendants aux deux premières planches, les deux dernières représentant la fabrication de l'encre de Chine: le ramassement de la suie dont elle est faite, et le moulage de cette suie en bâtons.
LV
KAKÉMONOS—MAKIMONOS—PANNEAUX
Ici, sous ce titre qui comprend tout ce qui touche à l'encre de Chine ou à l'aquarelle, la peinture japonaise de son pinceau, je vais essayer de signaler, bien incomplètement, les précieux morceaux de papier ou de soie, signés du glorieux maître, existant à l'heure présente en Europe, en Amérique, en Asie.
KAKÉMONOS
Une carpe dont le milieu du corps est traversé dans l'eau, où elle nage,
par un rayon lumineux.
      Signé: Hokousaï I-itsou manji. (Hokousaï à 75 ans).
      H. 29.—L. 34.
      Collection Hayashi.
Shishin, l'un des 108 héros du roman de Souikô. De profil, tourné à droite, la tête levée en l'air, tenant un bâton d'une main rejetée derrière le dos, Shishin est habillé d'une robe de dessous bleue, sa robe de dessus tombée autour des reins; il a, aux pieds, des espèces de bottes de cuir lui montant jusqu'aux genoux, et ses bras nus sont tatoués de neuf dragons.
Un dessin à l'aquarellage noyé, mettant autour des contours et des plis des teintes délavées, semblables à celles des bords de mers et d'océans dans nos atlas. Signé: Manji, vieillard fou de dessin à 80 ans. H. 120.—L. 52.
Riki, un autre héros des 108, surnommé le Tourbillon noir, à cause de la
rapidité avec laquelle il faisait tourner sa hache.
      De face, debout, les traits farouches, le menton appuyé sur sa
      main gauche, sa main droite tenant sa hache homicide. Une anatomie
      rocheuse, comme inspirée par les statues de pierre des Niô à la
      porte des temples, avec des chairs couleur brique, et quelques
      touches de bleu dans le noir de l'encre de Chine des vêtements.
      Même signature et même grandeur que le premier.
      Les deux pendants font partie de la collection Hayashi.
Un faisan, la tête retournée près d'une tige de pissenlit.
      Signé: Hokousaï (de 1800 à 1806).
      H. 31.—L. 54.
      Un faisan.
      Signé: Manji, vieillard fou de dessin à 80 ans.
      H. 29.—L. 57.
      Ces deux dessins font partie de la collection de M. Hayashi.
Kwakou Shighi, le ministre populaire de la Chine, le ministre a la plus nombreuse famille de tous les ministres de la terre, représenté assis sur une chaise tournante, la tête penchée vers sa femme, et entouré de plus de vingt-quatre enfants.
Un kakémono d'une facture dure, mais avec un effort chez Hokousaï de faire
plus portrait qu'il ne fait d'ordinaire, dans ces têtes d'enfants, au ton
rose de la pêche, et avec des rehauts de blanc sur le nez et les paupières.
      Signé: Manji, vieillard fou de dessin, autrefois Hokousaï changé de
      nom, vulgairement Nakashima Tetzouzô Fouji-wa-no Tamékazou, à l'âge
      de 88 ans.
      H. 100.—L. 43.
      Le même sujet vers 1807, plus ancien de 40 ans.
      H. 61.—L. 55.
Ces deux compositions font partie de la collection Hayashi.
«Le Lever.» Femme habillée d'une robe grise semée de fleurettes blanches, tenant en main un yutô, une cafetière en laque semée de pétales de fleurs d'oranger, servant au transport de l'eau chaude, qu'elle s'apprête à verser dans un bol de porcelaine décoré de paysages bleus, posé sur un plateau à pied, près d'une brosse à dents en bois. Signé: Hokousaï. H. 114.—L. 44.
«Le Coucher.» Femme qui va se coucher, en train de changer le papier de son oreiller, sa tête sortant du rose de sa robe de dessous, et son corps flottant dans les plis d'une robe de dessus d'un gris mauve, sillonné de petits oiseaux de mer appelés au Japon miyakodori. Même signature et même dimension que le Lever.
Ces deux kakémonos font partie de la collection de M. Hayashi.
Un troisième kakémono: la moustiquaire de cette série, est chez M. Gonse.
Tchôriô, conseiller d'État, rencontrant sur un pont Kosékikô, vieillard
mystérieux qui lui remet un rouleau avec l'étude duquel il met en état le
prince, son maître, de renverser l'Empereur qui a fait la grande muraille
de la Chine.
      Dessin de premier jet, avec quelques légères colorations dans le
      barbotage de l'encre de Chine.
      Signé: Sur la demande de Yeisai Soshû; Hokousaï Sôri a fait ce
      dessin. Le dessin n'est pas signé, mais porte un cachet où il y a
      le nom de Tokimasa (vers 1798).
      H. 115.—L. 47.
      Collection Hayashi.
Sur un fond brunâtre, une grande branche tortillarde de prunier en fleurs, rien qu'à l'encre de Chine avec les fleurs gouachées de blanc: un kakémono d'un relief extraordinaire, où le noueux, l'excorié, le liégeux d'un vieux bois, sont rendus d'une manière miraculeuse. Signé: Katsoushika Hokousaï (1806-1807). H. 126.—L. 52.
Trois grandes lanternes posées l'une à côté de l'autre. De la peinture
décorative enlevée rapidement.
      Non signé.
      H. 118.—L. 51.
Ces deux kakémonos appartiennent à M. Hayashi. Ils faisaient partie d'un paravent de six feuilles, dont deux maintenant sont en possession de M. Vever, et deux en possession de M. Monnet, paysagiste.
Femme lisant une pièce de théâtre, dans un mouvement de tête abaissée, au cou cassé. Coloration de la figure avec le blanc d'une face de pierrot, mais une robe aux tons changeants, semés de fleurettes de lespedèze, sur laquelle tranche le ton d'une ceinture verdâtre aux dessins jaune d'or. Un oiseau volant au-dessus de la tête de la liseuse. Signé: Hokousaï. H. 119.—L. 51. Collection Hayashi.
Femme de profil tournée à droite, à la tête de face surmontée de l'étoilement des épingles de sa chevelure, et avec le délicat ovale de sa figure sortant du rose d'une robe de dessous. Un dessin d'une grâce contournée charmante; la robe ayant aux épaules comme le renflement d'un dolman et se creusant à la rentrée des reins sous la ceinture, toute bouffante en avant et se répandant et s'étalant aux pieds en un large ondoiement. Des colorations, comme si le papier buvard sur lequel elles sont posées trempait dans l'eau; et un noir assoupi des cheveux, et un incarnat du visage, pour ainsi dire imperceptible, et un nuageux des plis de la robe qui semble impossible à obtenir. Un des plus désirables kakémonos d'Hokousaï. Signé: Taïto (1887). H. 107.—L. 29. Collection Hayashi.
Handaka, un disciple de Bouddha, élevant en l'air un bol d'où sort une fumée qui se change en dragon. Dessin d'un déchiquetage personnel à Hokousaï, et où les étoffes ont l'air de lanières volantes, comme si cette animation un peu exagérée, que l'artiste met dans les corps, il voulait la porter dans les étoffes. Lavis à l'encre de Chine sur un ton rosâtre. Signé: Hokousaï Taïto (1815). H. 100.—L. 43. Collection Hayashi.
Un prêtre shintoïste tenant un arc auquel sont attachées des poésies.
Facture tout à fait grossière, barbouillage inharmonique.
      Signé: Manji, vieillard de 85 ans (1844).
      H. 95.—L. 29.
      Collection Hayashi.
Un aigle, au moment où il se pose sur le rocher d'un écueil. Un des kakémonos d'Hokousaï, à la coloration la plus puissante, et qui porte en haut cette curieuse note: «L'année dernière, le 28 du 11e mois, l'oiseau était vu à Kazousa et, le 18 du mois suivant, il fut pris à Sounamoura, et l'ordre de le dessiner fut donné à Hokousaï, 6e mois 1848.» Signé: Manji autrefois Hokousaï, vieillard fou de dessin, vulgairement Nakashima Tétsouzô (et en vérité) Foujivara no Tamékazou, à l'âge de 88 ans. H. 123.—L. 52. Collection Hayashi.
Kakémonos des six Poètes, panneaux détachés d'un paravent:
            Ariwara no Narihira,
            Ohtomo no Kouronoushi,
            Boun-ya no Yasouhidé,
            Sôjô Hénjô.
      Peintures décoratives enlevées d'un pinceau rapide.
      Signé Katsoushika Hokousaï (1806-1812).
      H. 130.—L. 53.
      Collection Hayashi.
            Omono Komati,
            Kisén Hosshi.
      Ces deux panneaux complétant les six Poètes, et de la même
      dimension, et portant la même signature que les quatre autres,
      nous les retrouvons dans la collection de M. Vever.
Un Katsouo (poisson ressemblant au maquereau), dont une tranche a été
enlevée, posé sur une tige d'oeillet; un autre avec un navet: ce poisson
se mangeant avec du navet râpé.
      Signé: I-itsou Hokousaï (vers 1823).
      H. 92.—L. 27.
      Collection Hayashi.
Un vol de pluviers au-dessus d'un cours d'eau, par un jour de neige.
Kakémono d'une exécution poussée au fini.
      Signé: Hokousaï Tokimasa (1799-1800).
      H. 110.—L. 26.
      Collection Hayashi.
Un shôjô, un petit génie du saké, à la chevelure rouge envolée derrière
lui, soulevant de ses deux bras en l'air un barillet de saké.
      Signé: Hokousaï, fou de dessin (1801-1805).
      H. 84.—L. 26.
      Collection Hayashi.
Apparition de monstres. Une tête énorme, à côté d'une tête de vieille
femme, au long cou d'un serpent, sortant d'une boîte.
      Non signé.
      H. 31.—L. 57.
      Collection Hayashi.
Apparition. Derrière une lanterne de tombeaux, décorée de feuilles de
nénuphar (un symbole bouddhique), une femme, d'une main appuyée sur un
bâton, la tête enveloppée d'une chevelure épaisse, les yeux creux, le nez
décharné, les dents se détachant en blanc d'un trou noir, les chairs
livides éclairées par la blafarde lueur de la lanterne.
      Dessin fait pour une audition de Hayashiya Shôzô, conteur d'histoires
      de revenants, au moment où l'on éteignait les lumières et où ne
      restait éclairé que le dessin d'épouvante.
      Signé: Manji, vieillard fou de dessin, à l'âge de 80 ans (1839).
      H. 56.—L. 27.
      Collection Hayashi.
Deux têtes coupées, aux traits contractés, au blanc de l'oeil injecté de sang, attachées par une cordelette à une tige de bambou. Peinture qu'on sent faite d'après nature, sur un morceau de soie entièrement recouverte de gouache, et qui joue la peinture à l'huile. Signé: Manji, vieillard de 88 ans (1847). H. 32.—L. 53.
Lanterne de cimetière avec la planchette de prière; un serpent sortant de
la lanterne renversée.
      Non signé.
      H. 32.—L. 53.
Ces deux kakémonos, qui appartiennent à Hayashi, faisaient partie d'un paravent de 18 feuilles, que, sauf ces deux sujets, Hayashi a refusé d'acheter: les seize autres représentant des cadavres en liquéfaction.
Femme habillée d'une robe à l'imitation d'une queue de paon et sur laquelle neige un prunier en fleurs.
Peinture à la gouache, jouant la peinture à l'huile, sur une planchette
destinée à être attachée par un clou à un pilastre ou à une colonne.
      Non signé.
      Collection Hayashi.
Un homme, un masque de Téngou, sur la figure, dansant et chantant, mène le
branle de trois petits Japonais, aux joyeuses gambades.
      Dessin du faire le plus léger et le plus spirituel.
      Signé: Manji, vieillard fou de dessin (80 ans).
      H. 91.—L. 29.
      Collection Hayashi.
Daïkokou et Yebisou en voyage.
      Dessin caricatural en une aquarelle très pochée.
      Signé: Hokousaï, fou de dessin.
      H. 75.—L. 28.
      Collection Hayashi.
Paysage représentant, très modifiée, la vue de Tsou-kouba du Shashin.
      Non signé, mais portant le cachet d'Hokousaï.
      H. 29.—L. 45.
      Collection Hayashi.
Shôki en marche, un chapeau-parasol sur son sombre visage, les mains
croisées sous ses larges manches.
      Un dessin à l'encre de Chine sur un fond brunâtre, qui a quelque
      chose de farouche dans sa noire tonalité.
      Signé: Manji, vieillard de 88 ans.
      H. 67.—L. 26.
      Collection Hayashi.
La poétesse Seishônagon, la première romancière du roman d'amour au Japon, et qui a écrit, au VIIIe siècle, LE CAHIER DE L'OREILLER. Elle est représentée, ainsi que toutes les femmes de la noblesse dont sont sorties les poétesses, avec les deux mouches à l'encre de Chine sur le front, appelées, je crois, hòshi et les cheveux épars sur le dos, lisant un rouleau sur une petite table devant laquelle elle est accroupie. Signé: Hokousaï Taïto (1817). H. 99.—L. 39. Collection Hayashi.
Yébisou rapportant un taï dans un panier accroché derrière son dos.
      Dessin à l'encre de Chine avec quelques colorations rouges et bleues:
      gai dessin aux traits spirituels et au lavage léger.
      Signé: Sôri (1795-1798).
      H. 91.—L. 25.
Shôki, en train de lire, derrière le dos d'une femme, la lettre qu'elle
vient de recevoir.
      Même facture que le kakémono précédent.
      H. 85.—L. 27.
Ces deux kakémonos font partie de la collection Hayashi.
Cascade de Nounobiki (de la Toile accrochée), chute d'eau dont les ondes ont les ondulations horizontales d'une toile mollement suspendue en l'air, et qui sont dans le dessin rehaussées de gouache, avec la poussière de l'eau sur les rochers rendue dans une imitation parfaite par une poussière de blanc d'argent. Signé: Hokousaï (1800). H. 102.—L. 27. Collection Hayashi.
Une guésha en promenade, de profil, tournée à gauche, une lanterne
derrière elle. Elle est habillée d'une robe noire ocellée de plumes de
paon.
      Signé: Gwakiôjin Hokousaï.
      H. 82.—L. 28.
      Collection Bing.
Une vieille blanchisseuse, son panier sous le bras. Lavis à l'encre de
Chine.
      H. 86.—L. 27.
      Collection Bing.
Un bord de rivière. Encre de Chine.
      Signé: Hokousaï
      H. 34.—L. 56.
      Collection Bing.
Diable à la figure verte, accroupi devant une pipe et une tasse de saké.
Aquarelle.
      Signé: Manji à 88 ans.
      H. 18.—L. 15.
      Collection Bing.
Une femme versant du saké à un vieillard.
Kakémono à la finesse d'un sourimono.
      Signé: Gwakiôjin.
      H. 38.—L. 38.
      Collection Bing.
Un Shôski en pied, tout peint à l'encre rouge, sauf les yeux, et le trait
serpentant de la bouche. Ces peintures sont, je crois, considérées au
Japon comme des préservatifs des maladies.
      Signé: I-itsou à 75 ans.
      H. 64.—L. 27.
      Collection Bing.
Ouvrier nettoyant la neige sur un tonneau, se détachant d'un ciel d'hiver,
tout ouateux de neige[29].
    [Note 29: Kakémono qui a été reproduit dans une petite impression
    en couleur.]
      Signé: Hokousaï Taïto.
      H. 98.—L. 30.
      Collection Bing.
Réunion d'une tortue de longévité, de la perle sacrée, d'une lettre de
bonheur: dessin d'un groupement plein de style.
      Signé: Manji.
      H. 95.—L. 33.
      Collection Bing.
Le pèlerin Saïghiô, ayant quitté la cour, assis sur un tertre, et
contemplant la campagne avec des yeux contemplatifs d'ascète.
      Signé: Hokousaï.
      H. 64.—L. 27.
      Collection Bing.
Un prunier en fleurs, sous le clair de lune. Encre de Chine qui a
l'admirable papillotage de la lumière sur ces arbres, en leur floraison.
      H. 136.—L. 21.
      Collection Bing.
Une langouste dessinée avec la science ichthyologique du Maître.
      Signé: Hokousaï.
      H. 85.—L. 29.
      Collection Bing.
Un vieillard, fait avec le lavage brutal des vieilles années du peintre.
      Signé: Hokousaï,—bien certainement une signature fausse sur un
      dessin vrai, mais du temps où Hokousaï signe Manji.
      H. 74.—L. 20.
      Collection Bing.
Guésha, habillée d'une robe noire, aux transparences de la plus grande habileté, et marchant de profil tournée à gauche, ainsi que presque toutes ses études de courtisanes. H. 119.—L. 29. Collection Bing.
Un kakémono, divisé en trois compartiments. Entre une poésie chinoise et une poésie japonaise, dans la bande étroite du milieu, un paon, la tête soulevée pour attraper une araignée, pendant au bout d'un fil. Une aquarelle extraordinaire, où le maître a rendu la vie remuante de la plume: l'un des plus merveilleux kakémonos d'Hokousaï que j'aie vus. Signé: Gwakiôjin Hokousaï. Collection Bing.
Diables s'abritant sous le chapeau de Shôki. Peinture aux anatomies fragmentées, et aux colorations brutales non fondues, et ressemblant à des morceaux de mosaïque: peinture typique du faire des dernières années d'Hokousaï. Signé: Manji. H. 80.—L. 55. Collection Gonse.
Un faucon sur une branche de sapin. Aquarelle.
      Signé: Manji. Mais je crois le dessin antérieur à cette signature,
      qui y aurait été postérieurement apposée.
      H. 68.—L. 21.
      Collection Gonse.
Un coq et une poule. Aquarelle de la plus grande intensité.
      Signé: Gwakiô rôjin, à l'âge de 80 ans.
      H. 36.—L. 56.
      Collection Gonse.
Hotei couché à terre, enfonçant les mains dans son sac. Peinture d'un
grand relief, aux délicats détails du costume vert et bleu perdus dans
la masse, et aux belles lignes du sac.
      Non signé.
      H. 29.—L. 46.
      Collection Gonse.
Tige de bambou où vont se poser deux moineaux: la tige de bambou à l'encre de Chine, les moineaux pochés de ces rougeâtres et brunâtres taches qui font des moineaux d'Hokousaï de petites oeuvres de la plus grande maîtrise.
Ce kakémono, qui vient de la vente de l'atelier de Kiôsaï, et qui est signé: Katsoushika-tiyémon, à l'âge de 85 ans, a, en tête, une lettre d'envoi autographe du peintre, avec un croqueton de salutation semblable à ceux qu'il jette en tête de ses lettres à ses éditeurs, et l'envoi est fait à un ami habitant près du pont de Nakabashi, qu'il appelle dans sa lettre: Fleur de Nakabashi. H. 90.—L. 33. Collection Gonse.
Femmes ramassant des coquillages et les portant dans un bateau. Amusante
scène se détachant de profonds lointains, mais d'un faire un peu miniaturé,
un peu petit.
      Signé: Hokousaï Katsoushika.
      H. 42.—L. 45.
      Collection Gonse.
Kiyomasa, en son costume de guerre précieusement travaillé, sous son
casque à cornes, se voit superbement piété, une main appuyée sur le manche
de son sabre, dans l'enveloppement turgide de ses épaulières.
      Signé: Hokousaï I-itsou.
      H. 70.—L. 27.
      Collection Gonse.
Princesse dans une tempête de neige, au bord de la mer, suivie de deux serviteurs, dont l'un tient un parapluie au-dessus de sa tête. Une magique représentation du floconnement de la neige dans l'air avec, dans un coin du ciel, la fonte lumineuse de fleurs roses de pruniers, sous cette tombée de blancheur. Ce serait la mise en scène de la légende de Komati réclamant du ciel la pluie. Non signé. H. 79.—L. 27. Collection Gonse.
Un chasseur qui vient de tuer un sanglier, en train de le lier avec une
corde. Aquarelle au doux lavage, amorti, assoupi.
      H. 33.—L. 42.
      Collection Gonse
Guésha, la tête de trois quarts, baissée dans un penchement à gauche, et
habillée d'une robe de soie noire brodée de fleurettes aux transparences
rendues par la plus habile aquarelle.
      Signé: Hokousaï.
      H. 105.—L. 27.
      Collection Gonse.
Un prunier en fleurs. Lavis où l'arbuste est traité à l'encre de Chine, et
les fleurs gouachées de blanc, de la plus parfaite exécution artistique.
      Signé: Hokousaï Sôri.
      H. 120.—L. 35.
      Collection Gonse.
Yoshitsouné, sous son casque à cornes, et revêtu d'une armure rouge, que
dépassent derrière les flèches de son carquois et le manche d'un de ses
deux sabres. Spécimen d'une des peintures les plus parfaites et les plus
travaillées d'Hokousaï.
      Non signé.
      H. 81.—L. 40.
      Collection de M. Gonse, qui a donné le pendant au Louvre, faisant
      partie d'un paravent composé de trois compartiments.
Blanchisseuse agenouillée, battant le linge, dans un paysage montagneux.
      Signé: Hokousaï Sôri.
      H. 105.—L. 42.
      Collection Gonse.
Femme sous une moustiquaire, agenouillée, et d'une main tendue en l'air en train de brûler, avec une petite mèche enflammée, des moustiques, dans un mouvement de grâce qui dessine la molle et ressautante ligne de son dos. Très originale peinture où, dans la pénombre verdâtre de la moustiquaire, la femme en sa robe à fleurettes apparaît, ainsi que dans la coloration glauque d'un aquarium, au jour tombant, tandis que, comme opposition, se voit tout lumineux un petit morceau de sa robe fleurie, sur laquelle est relevée la moustiquaire. Signé: Hokousaï Sôri. H. 122.—L. 43. Collection Gonse.
Ce kakémono est le complément du «Lever» et du «Coucher», les deux kakémonos en possession de M. Hayashi.
Tête de Darma. Lavis d'une beauté tout à fait singulière. Une noyade d'encre de Chine où, dans le flou du lavis, les traits du saint apparaissent avec quelque chose de la solidité d'une sculpture qu'on apercevrait au fond de l'eau. Non signé. H. 59.—L. 28. Collection Gonse.
La marchande de fagots. Un boeuf sur lequel est un abri en roseaux et que conduit par la bride une femme fumant sa pipette. Une aquarelle où, sur la massivité sombre de l'animal, se détache l'éclatant bariolage de la robe de la conductrice. Signé: Taïto Hokousaï, changé de nom. H. 85.—L. 31. Collection Gillot.
Un vieux marchand d'écumoires en bambou pour la poudre de thé, appelées en japonais tchasén, accroupi à terre, au milieu de l'étalage des objets de sa vente. Un barbouillage d'encre de Chine, rehaussé de blanc, avec un ton de chair sur la figure et les mains; et où les petits yeux écarquillés, le nez en point d'interrogation, la bouche égueulée du marchand, montrent, sous quatre coups de pinceau, toute la narquoiserie d'une physionomie japonaise. Signé: Katsoushika Mousén hôshi, ou le prêtre sans le sou de Katsoushika, à 65 ans (1824). H. 65.—L. 35. Collection Gillot.
Sur un mortier du riz, un coq qui n'est pas l'éternel coq de profil d'Hokousaï, mais un coq de trois quarts, piété de côté dans une attitude batailleuse; un coq au rouge vineux de sa crête s'enlevant sur le noir de sa queue et de son poitrail: le coq le plus artistique des coqs du maître, et dont la pochade prend, à distance, le trompe-l'oeil de l'aquarelle la plus achevée. Signé: Taïto, autrefois Hokousaï. H. 80.—L. 29. Collection Gillot.
Un sanglier détalant dans la neige. Une merveille que ce déboulement
galopant, où sont si bien dessinées les délicates pattes en mouvement, du
lourd animal.
      Signé: Manji, vieillard de 88 ans (1847).
      H. 32.—L. 32.
      Collection Gillot.
Le prêtre Saïguio, poète voyageur, regardant, sur un pont, une grue volante dans le haut du ciel. L'homme, la main appuyée sur un bâton, est penché à droite, la tête cachée par son chapeau. Un dessin aux dessous solides, ressentis, sous des colorations éteintes, où se voient une besace au vert joliment passé, une robe jaunâtre aux cassants des plis relevés de filées de gouache. Un des beaux kakémonos que j'aie vus et qui, exécuté dans les dernières années de sa vie, a le doux enveloppement du beau temps de son talent. Signé: Manji, vieux de 85 ans. H. 95.—L. 28. Collection Gillot.
Deux canards mandarins à l'aquarelle: l'un, la tête levée, l'autre
fouillant la vase.
      Signé: Manji.
      H. 97.—L. 27.
      Collection Vever.
Sékizoro. Trois danseurs du Jour de l'An, tenant dans chacune de leurs
mains un bâton. Un dessin à l'habile groupement, et où un danseur de face
se voit entre deux danseurs de dos, comme dans une ascension pyramidale.
      Signé de la signature de ses derniers temps.
      H. 125.—L. 52.
      Collection Vever.
La poétesse Ono Komati, avec ses deux mouches au front des femmes de la noblesse et sa belle chevelure noire dépassant par derrière la traîne de sa robe, d'une main tenant un grand éventail qui lui masque la gorge et le bas du visage. Elle est vêtue d'une robe de dessous rouge, sur laquelle est jetée une robe de dessus à fleurettes. Non signé. H. 132.—L. 55. Collection Vever.
Le prêtre Kisén. Il est vu de dos, avec sa calvitie au milieu de la couronne de ses cheveux, et un bout de profil perdu qui ressemble à un profil de gorille. Appuyé sur un bâton, il est habillé d'une robe noire, sur laquelle est jetée comme une couverture à larges bandes, couleur de rouille. Non signé. H. 132.—L. 55. Collection Vever.
Ces deux kakémonos de Komati et du prêtre Kisén faisaient partie de la collection des six Poètes, dont quatre sont encore dans la collection de M. Hayashi.
Une chute de cascade, dans laquelle remontent deux carpes, avec des parties visibles et des parties noyées par la chute d'eau, dont le rejaillissement de l'écume est fait, à s'y tromper, au moyen de gouttelettes éclatées de gouache. Signé: Gwakiôjin. H. 109.—L. 48. Collection Vever.
Un piège à oiseau. Un baquet appuyé sur un bout de bambou que le moindre contact doit faire chuter et sous lequel il y a du grain. Vers le baquet descend une volée de moineaux dont l'un, sur le bord du baquet, est prêt à s'y glisser. Facture large. Signé: Gwakiôjin. H. 125.—L. 52. Collection Vever.
Sur la nuit noire d'un ciel dans lequel un éclair fait une éclaircie, le terrible Yorimasa, le général de Minamoto, contorsionné dans un mouvement de force qui dessine toute son anatomie herculéenne, tend un gigantesque arc dont la flèche va tuer le Nouyé, animal fantastique à la tête d'un tigre, au corps d'un taureau, à la queue d'un serpent. Signé du cachet: Svastica[30]. H. 100.—L.42. Collection Vever.
[Note 30: Svastica, un mot qui viendrait du sanscrit, et dont le signe est la représentation, en forme de tourniquet, du croisement de deux morceaux de bois, l'un sur l'autre, par allusion au feu des temps primitifs. Ce signe exprimerait le nombre dix mille, ou plutôt un nombre indéfini, que les Japonais prononcent man ou manji—et ce signe, Hokousaï l'a adopté un temps pour sa signature.]
Au-dessus de feuilles de momiji, une théière suspendue au bout d'une longue attache de fer passant sur une inscription contenue dans la figuration d'une sorte de tablette appelée, au Japon, papier à poésie (tansakou).
Voici ce que raconte cette théière à saké suspendue à un arbre. Sous l'Empereur Takakoura (XIIe siècle), un souverain poète, dans le jardin impérial, un jour de la fin d'automne, trois domestiques balayeurs avaient fait chauffer du saké pour se mettre un peu de chaleur au corps. L'Empereur, sorti de son palais pour admirer le coucher du soleil dans le bois d'érable, alors tout rouge, arriva seul, là où se tenaient les trois balayeurs. Le sans-gêne de ces domestiques du palais valait leur renvoi mais, avant que quelqu'un de sa suite pût les punir, l'Empereur s'écria sur un ton de bonne humeur: «Quel plaisir de voir ces pauvres gens partager mon inspiration poétique! Cela me rappelle la célèbre ligne ancienne qui dit: «Dans ce bois chauffant le saké, en brûlant les rouges feuilles d'érable…» Et les balayeurs furent pardonnés. Généralement le sujet est représenté avec les trois balayeurs habillés en blanc et coiffés de chapeaux noirs. Mais ici Hokousaï supprime les personnages.
Le tanzakou, placé au milieu, porte: «Le plaisir de la vie est d'admirer
les vues des quatre saisons, avec la lune, la neige, les fleurs, la
montagne verte, le bois à feuilles rouges, dont une partie tapisse la
terre.»
      Signé: Sajimoti.
      Le papier en large, placé en tête du kakémono, est une lettre
      d'Hokousaï qui recommande un élève au docteur Sanghino, lettre
      signée: Le paysan Hatiyémon, habitant en face de la pharmacie
      Jôsaï. Datée le 12e jour du 7e mois (probablement de la même année
      1843).
      H. 78.—L. 23.
      Collection Haviland.
Oiseaux sur un baquet renversé, près d'un oeillet et de marguerites: les
marguerites gouachées de blanc avec un tel art qu'elles semblent brodées.
      Signé: Katsouskika Hokousaï.
      H. 25.—L. 32.
      Collection Haviland.
À demi abritée par un paravent, une femme en train de se coiffer, les deux mains élevées au-dessus de sa tête, et soulevant par derrière sa natte à l'aide d'une grosse épingle à cheveux. Accroupie dans un mouvement plein de grâce, son miroir, qu'on ne voit pas, est posé sur le genou d'une jambe remontée; dans ce mouvement, un sein sort de sa robe et, sous la robe, s'entrevoit un rien du dessous de la cuisse et du pied de la jambe qui porte le miroir.
En ce kakémono, certainement un des plus soignés, et des plus parfaits du maître, Hokousaï a cherché une opposition entre la finesse de la linéature, pour ainsi dire graphique, faisant le contour des mains, du visage, du sein, de la cuisse, du pied, et le ton neutre et le lavage un peu brutal de la robe. Signé: Gwakiôjin Hokousaï. H. 97.—L. 32. Collection Haviland.
Au-dessus d'une cascade, au milieu de fleurs de cerisier, un aigle, le corps ramassé, la tête tendue et projetée en bas comme s'il s'apprêtait à fondre sur une proie. Peinture au cruel dessin de la tête, au solide noir et au beau fauve de la plume hérissée, et comme soulevée par l'instinct carnassier. C'est la même étude mais, je crois, plus poussée que celle de l'aigle pris à Sounamoura, en 1848, et qui est dans la collection de M. Hayashi. H. 106.—L. 54. Collection Manzi.
Sous la pleine lune, une courtisane en marche vers la droite; elle est
dans une robe de dessous jaunâtre étoilée de fleurs rouges, sur laquelle
est rabattue une robe de dessus bleuâtre décorée de glycines blanches.
      Signé: Gwakiôjin Hokousaï (1801-1805).
      H. 115.—L. 30
      Collection de Goncourt.
Une courtisane, vue de trois-quarts dans une robe décorée de branchettes de sapin lavées d'encre de Chine, sur lesquelles se détachent des grues volantes, gouachées de blanc.
En haut est jetée cette poésie, signée Méjiro Sanjin:
«Le Bouddha exploita la loi religieuse. Le premier prêtre exploita le Bouddha, les prêtres de la postérité continuent à exploiter leur ancien maître, et toi tu exploites ton corps. Ton commerce consiste à calmer la fièvre des passions. Au fond la réalité c'est le néant, et le néant c'est la réalité. Le feuillage offre sa verdure et la fleur sa couleur. La lune se baigne dans le lac, mais ce n'est là que son image.» Kakémono signé: Gwakiôjin Hokousaï (1801-1805). H. 115.—L. 30. Collection de Goncourt.
En Hollande, au musée ethnographique de Leyde, M. Gonse cite trois kakémonos représentant des courtisanes, kakémonos non signés mais dignes de lui être attribués.
En Angleterre, au British Museum, venant de la collection Anderson, un kakémono en couleur sur soie (Sise 21-5/8 x 32-3/8) représentant: «Tamétomo et les diables dans l'île des diables.» Le héros est assis sur un rocher, près de trois diables qui essayent avec de grands efforts son arc. M. Anderson dit dans son catalogue que c'est une peinture d'une grande vigueur et très expressive dans les figures: peinture exécutée dans l'année où Hokousaï illustrait la sixième partie du CROISSANT DE L'ARC, roman qui est l'histoire fabuleuse de Tamétomo.
Il est signé: Katsoushika Hokousaï.
Ce dessin, en haut duquel est une poésie de Bakin, l'auteur du roman, est datée: Une nuit d'hiver de 1811. La boîte du kakémono porte une inscription du petit-fils de Bakin, disant que cette peinture, conservée dans sa famille, avait été exécutée au moment où Bakin écrivait son roman.
Dans la collection de M. Ernest Hart, à Londres, se trouvent cinq kakémonos:
1° Des oies sauvages: kakémono signé Manji à 88 ans.
2° Okamé lapidant un diable avec des haricots. Aquarelle cursive, légèrement colorée en rose et bleu. Ce kakémono, où l'opposition est charmante entre la grâce d'Okamé et la hideur du diable épouvanté, est une des plus remarquables peintures du maître en Angleterre. Il est signé Manji, et provient de l'ancienne collection Wakai.
3° Trois chiens jouant. Signé: I-itsou.
4° Guerrier chinois. Signé: Gwakiô-rôjin Hokousaï.
5° Une Japonaise. Signé: Hokousaï Taïtô.
Dans la collection de M. S. M. Samuel, un kakémono, que le propriétaire considère comme un chef-d'oeuvre.
Une femme debout s'habillant et se regardant dans un miroir: Signé: Hokousaï.
En Amérique, dans la collection de M. Morse de Boston, dit M. Gonse dans son ART JAPONAIS, est conservé un kakémono (H. 17 pouces) représentant un guerrier japonais au milieu d'un passage montagneux, qui serait d'une harmonie exquise dans les rouges, les verts, les gris.
De nombreux kakémonos existeraient encore chez M. Fenellosa.
Enfin, voici plusieurs kakémonos d'Hokousaï qui font partie de la riche collection du Japonais Homma Kôsô, à Sakata, et dont les reproductions photographiques ont été publiées dans le Magazine of Art Japanese, paraissant en japonais et en anglais, à Tôkiô.
Le premier est un grand arbre penché sur les rapides d'une rivière, au milieu duquel est assis un petit berger qui, de là, regarde le Fouzi-yama.
Le second est une courtisane entre ses deux petites accompagnatrices, appelées Kamourô.
Les autres, au nombre de douze, et formant les panneaux d'un paravent, ont pour titre: LES PEINTURES DES SIX TAMAGAWA (des six rivières du même nom, dans six provinces différentes).
1° Une cascade.
2° Un bûcheron qui se repose sur son fagot.
3° Le poète Nô-in-hôsshi s'inspirant de la nature.
4° Une envolée de pluviers au-dessus d'un bord de rivière tout couvert de neige.
5° Un village de la province de Mousashi au bord de l'eau.
6° Des femmes blanchissant du linge.
7° Le cours d'une rivière de la province d'Ohmi, coupé par le feuillage des arbres de la rive.
8° Un poète ancien en contemplation devant la lune.
9° Une carpe, traversée dans l'eau de la rivière de la province de Ki-i, par des rayons lumineux.
10° Un coin de jardinet de la province de Settsu, au milieu duquel est du linge à laver.
11° [La description n'est pas donnée par l'auteur]
12° La princesse-poétesse Sagami composant une poésie.
Au Japon, Wakai posséderait encore une dizaine de kakémonos et une collection d'esquisses et d'études, parmi lesquelles un fragment d'un dessin à moitié brûlé, peut-être arraché à l'incendie de son atelier en 1839. Ce dessin exécuté au trait d'encre de Chine, à un seul coup de pinceau, sur plusieurs morceaux de papier assemblés, serait la première pensée du «Bain» et l'enfant tenu par sa mère aurait presque un tiers de sa grandeur naturelle.
Wakai cite dans une lettre, comme collectionneurs d'Hokousaï au Japon, MM. Houki, Kaivasaki, Masouda; mais le Japonais n'aime pas la publicité autour de ce qu'il possède, et le catalogue de l'oeuvre d'un peintre est très difficile à établir en ce pays artistique.
MAKIMONOS[31]
[Note 31: Rouleau de peinture qui, contrairement au kakémono, se déroule dans sa largeur et contient un certain nombre de motifs.]
Makimono contenant:—une feuille de lotus et son bouton,—une branche de pin,—un paysage par un jour de neige,—une feuille de tônabasou, un potiron du Japon de la grosseur de nos melons,—un sanglier,—une aubergine,—un renard habillé en Japonais,—un morceau de saumon salé, —un narcisse,—des poissons,—un rapide où flottent des fleurs de momiji, —un bol,—une racine de lotus,—un chat,—une anguille,—une traversée de renards sur la glace d'un lac: un dessin curieux, parce qu'il nous laisse voir, sous l'aquarelle, les restes d'une esquisse au bois brûlé, au charbon de polonia, le fusain du Japon, dont Hokousaï se servait parfois, et surtout quand il dessinait en présence de quelqu'un. Ce makimono aux nombreux dessins est signé: Manji, vieillard fou de dessin, âgé de 80 ans (hiver de Tempo X) (1839). Collection Hayashi.
Un autre makimono intéressant, c'est un panorama des bords de la Soumida, fait au temps de ses livres illustrés, avec des seconds plans qui son des merveilles de délicatesse, et où il y a une recherche du reflètement des choses dans l'eau, tout à fait nouvelle, et où, dans des arbres d'un centimètre, sont des réserves pour les branches. Je n'ai jamais vu d'Hokousaï une aquarelle aussi travaillée, aussi poussée au fini. Et la dernière aquarelle est une assemblée d'hommes et de femmes dans un salon. Ce makimono est signé: Koukoushin Hokousaï (1805) et avec la signature se trouve cette note: En souvenir d'une promenade que Hokousaï a faite avec ses amis sur la Soumida; et à la demande de Tausiûrô Yémba (un lettré qui a fait le récit de la promenade) Hokousaï a dessiné sur place à Yoshiwara, ses amis avec les courtisanes d'une Maison Verte: quatrième mois (le mois de mai).
Et il est à croire que le buveur, au crâne socratique, au petit nez relevé, aux yeux railleurs, habillé d'une robe d'un brun fauve, et qui montre sa coupe de saké vide, pour la faire remplir à nouveau, est Hokousaï. Collection Hayashi.
Un autre makimono d'une grande beauté, provenant de la vente de l'atelier de Kiôsaï, et contenant 46 sujets, fait partie de la collection de M. Gonse.
C'est une langouste posée sur un morceau de charbon, dessin symbolique des cadeaux du Jour de l'An,—une envolée de moineaux,—quatre croquetons de poètes, lisant à la lumière d'une lampe,—la jetée, sur une page, d'une tortue, d'un faisan, d'un crabe à l'encre de Chine, au milieu desquels est un pigeon modelé entièrement avec du blanc de gouache et dont le bec et les pattes sont roses,—des processionnaires et des bégonias,—un rat mangeant une tranche de pastèque,—des plantes de mer et des coquillages, —deux canards dormant, enlevés d'un coup de pinceau, à la façon des dessins de l'album Ippitzou,—des fizalis et une épingle à cheveux,—une poule d'eau,—un cyprin dans un vase de cristal,—une plieuse d'éventails, —la danse des moineaux, avec une amusante et infinie perspective des derniers petits danseurs, etc., etc.
PANNEAUX, DESSINS ENCADRÉS ET FEUILLES DÉTACHÉES
Dans la collection Hayashi.
Un diable, lapidé avec des pois, se met à l'abri sous le tableau de Shôki.
Un barbouillage tout à fait lâché.
      Non signé.
      H. 65.—L. 48.
Un guerrier tenant à la main une tête coupée.
      Non signé.
      H. 53—L. 26.
Un pigeon perché sur le haut d'un tori-i.
      Dessin de premier coup, fait avec un nuage d'aquarelle.
      Non signé, mais portant le cachet d'Hokousaï.
      H. 29.—L. 27.
Sous un énorme pot de saké, Hokousaï et ses élèves déguisés en shôjô, en train de boire. Hokousaï, au milieu, avec l'aspect d'un homme gris, à sa droite Hokouga faisant de la musique avec un balai; et derrière Hokouga, à la gauche d'Hokousaï, Shinshaï, la tête tombée dans ses mains; et, contre le pot de saké, Hiromaro. Chaque peintre dessiné et signé par lui. H. 38.—L. 39.
Une répétition de la «Vague» du Fouzi-yama, avec des pluviers volant
au-dessus.
      H. 30.—L. 52.
Enfant japonais ramassant des feuilles de pin.
      Signé: Manji, vieillard de 85 ans.
      H. 30.—L. 52.
Un tigre à la tête un peu humaine, comme les fait Hokousaï, qui n'en avait
jamais vu.
      Une encre de Chine pleine de furie.
      Signé: Hokousaï.
      H. 55.—L. 27.
Paysage, au lever du soleil éclairant sur le premier plan un rocher dans
la mer, au fond de montagnes bleuâtres.
      Signé: Hokousaï, fou de dessin.
      H. 26.—L. 28.
Cuvette de cuisine, dans laquelle est un pilon sur lequel est posé un oiseau et, derrière la cuvette, une tige de cerisier fleuri.
La cuvette et le pilon lavés d'un ton rosâtre, l'oiseau et la tige de
l'arbuste à l'encre de Chine. Effet original.
      Non signé.
      H. 27.—L. 44.
Une oie sauvage fendant l'air.
Un dessin très légèrement aquarellé.
      Signé: Manji, vieillard fou de dessin.
      H. 29.—L. 56.
Une grenouille sur une feuille de lotus.
      Non signé.
      H. 20.—L. 26.
Deux enfants de paysans, dont l'un, couché sur le ventre, écoute l'autre.
      Non signé.
      H. 26.—57.
Hotei mettant un petit Japonais dans son sac.
      Non signé.
      H. 27.—L. 42.
Dans la collection Bing.
Une tête coupée de femme, entourée d'un serpent.
Une encre de Chine très délavée, avec dans des parties un ton rougeâtre, et où le peintre a mis comme de la volupté dans le dessin des yeux demi-fermés, de la bouche entr'ouverte. H. 20.—L. 22.
Un pigeon sur un perchoir fait en forme de racine d'arbre. Encre de Chine, relevée de blanc, et lavée de rose au bec et aux pattes. Signé: Gwakiôjin.
Une perspective de sapins d'un lavis aux parties réservées dans les parties lumineuses, d'un art stupéfiant. H. 150.—L. 54.
Ce grand panneau aurait pour pendant un panneau d'égale grandeur, représentant un paysan qui, la tête entre ses jambes, chercherait avoir les feuilles en dessous.
Indépendamment de ces panneaux, M. Bing possède un certain nombre de feuilles détachées, dont je donne les feuilles principales.
Hotei, pour amuser les enfants, faisant danser un pantin attaché par des fils à un écran.
Des têtes de femmes publiées dans le JAPON ARTISTIQUE.
Pêcheur, un feu allumé au bout d'une gaule pour attirer le poisson.
Un serpent s'enroulant autour d'une branche, dessin qui rend, à la fois, et l'élasticité et la rigidité du reptile.
Une femme de profil, sur laquelle il y a un peu de bleu et de rose, comme bu par un papier buvard, dessin d'une délicatesse, d'une fluidité sans pareille.
Une guésha accroupie, vue de dos, jouant du schamisén, à la riche coiffure vue par derrière: dessin à la ligne sculpturale.
Un guerrier sur un cheval cabré, un de ces dessins où il y a comme l'emportement d'un pinceau.
Un groupement de poissons.
Une femme surplombant un Téngou auquel elle indique quelque chose de la main, dessin où la tête de la femme a une grâce voluptueuse indicible.
Une tête de profil d'apparition, qui n'a pas été gravée dans les CENT
CONTES.
Une belette guettant deux oiseaux perchés sur une branche.
Quatre femmes couchées à terre, dans des allongements d'une élégance adorable.
Une étude à l'aquarelle d'une tige de soleil.
Un cerf couché.
Une femme, avec, au bout du bras levé, une raquette.
Une promenade de femmes et d'enfants préparée pour la gravure, qui n'a pas la sécheresse habituelle de ces sortes de dessins.
Une femme qui fait sa toilette devant un miroir où se voit sa figure, et dont le bras droit tient, derrière elle, un autre miroir où se reflète le derrière de sa coiffure.
Dans la collection Gonse.
L'entrée de la Soumida. Une double rangée de rochers émergeant de l'écume
des flots. Un des plus beaux et des plus importants paysages à l'aquarelle
d'Hokousaï.
      H. 30.—L. 130.
Une étude de tête coupée de supplicié, la bouche et les yeux entr'ouverts,
avec un filet de sang qui, semblable à un rameau de corail, se répand de
l'oreille sur le pâle visage.
      Signé: Hokousaï I-itsou.
À ces deux dessins encadrés, il faut joindre trois feuilles détachées, trois merveilles provenant de la vente de l'atelier Kiôsaï.
Skôki jouant de la flûte. Une tapageuse encre de Chine, avec coloration en rouge de la tête et des mains. H. 40.—L. 28.
Deux canards mandarins, dans le sillage que leur nage met dans l'eau.
Aquarelle où la blancheur des deux canards se détache, de la façon la plus
harmonieuse, sur le bleuâtre de l'eau.
      H. 40.—L. 39.
Un aveugle appuyé sur un bâton, son chapeau tombé sur le dos, traversant
un gué. L'encre de Chine la plus largement traitée, et où est une tête du
dessin le plus savant.
      H. 38.—L. 28.
Dans la collection Vever.
Un grand dessin librement jeté dans un trait représentant le viol d'une femme, prise entre les jambes d'un homme, le haut du corps retombé de côté, d'une main repoussant la main qui veut s'introduire dans sa gorge, de l'autre main égratignant la figure de l'homme.
Ce grand et ce très beau dessin de la collection Vever (H. 30—L. 30) a été reproduit, ainsi qu'à peu près tous les dessins d'Hokousaï, en une réduction de 10 centimètres en hauteur, dans une gravure publiée parmi l'illustration de SOUIKÔ.
Dans la collection de M. Gillot.
La grande étude (H. 54—L. 53) de l'aigle, pris l'année 1848, et dont il y a un kakémono chez Hayashi, et un autre chez Manzi. Une étude de toute beauté, où se voit la cruelle courbe de ce bec déchireur de chairs palpitantes, et la grandeur morne de cette prunelle qui peut fixer le soleil.
Et une étude curieuse, parce qu'elle vous révèle des procédés d'aquarelle pareils aux dessous que nous faisons en Europe à la peinture à l'huile, dessous sur lesquels nous revenons avec des glacis, et nous avons ici, avant que ces colorations soient perdues et peut-être un peu assombries dans les kakémonos, le bleu du tronc d'arbre, le rougeâtre des ailes, enfin toute la variété des tonalités qui doivent dormir sous la couverte dernière.
Une femme brandissant une branche de fleurs au-dessus d'un guerrier couché à terre, sa hache entre les jambes.
Un certain nombre de paysages où, tout en haut d'une colline dominant la mer, se voit un homme portant sur l'épaule une perche où sont attachés deux paquets d'herbes.
Une tête de supplicié dans un plat. Un crâne où le sommet se termine par une grosse loupe, d'où pendent de longs cheveux mouillés de sueur, des paupières fermées, une bouche entr'ouverte dans un rictus sur lequel se détachent, dans une blancheur effrayante, les dents. La tête et le fond, comme éclairés par une lumière lunaire, où il tomberait de la neige.
Dans la collection Duret.
Deux aquarelles relevées de gouache et signées (H. 40.—L. 120) représentant des vues de la Soumida. Dans l'une, deux femmes, aux robes soulevées par le vent, font des signes au passeur dont le bateau est au milieu de la rivière; dans l'autre, c'est la marche, le long de la rivière, de cinq hommes et de deux femmes avec des enfants en promenade pour une partie de campagne.
Dessins très poussés, très finis, et ayant le caractère de ses dessins appliqués de la Soumida dans les dernières années du siècle dernier.
Dans la collection Edmond de Goncourt.
Deux crevettes à l'encre de Chine, trois à l'encre carminée.
Dessin, dans son jet rapide, d'une science extraordinaire.
      Signé: Katsoushika Hokousaï, avec le cachet de Tokimasa
      (vers 1812).
      H. 30.—L. 18.
La lune, vue au travers de deux branches d'un prunier. Grand effet de cette pâle lune sur le bleu nocturne d'où se détachent les blanches fleurs du prunier. Un dessin de poète. Non signé. H. 39.—L. 38.
En Angleterre, au British Museum, cinq croquis:
1. Un renard métamorphosé en prêtre.
2. Une grenouille nageant au-dessus de l'eau.
3. Rats et piments.
4. Décoration symbolique du Jour de l'An: sardine desséchée, orange, fougères, papier découpé.
5. Kousounoki Masashigé, le type du courage et de la loyauté, avant sa dernière campagne, remettant à son fils le rouleau ancestral.