Journal des Goncourt (Deuxième série, troisième volume): Mémoires de la vie littéraire
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————Mme Sichel racontait, ce soir, que sa famille, après la Révolution, avait vécu du brûlement d'un meuble, en bois doré, que dans le petit appartement occupé par elle, on brûlait par petits morceaux, dans un petit poêle en fonte. Le meuble avait donné 1 500 francs d'or. Ils étaient vraiment dorés, les meubles de ce temps!
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Mardi 27 mai.—La SAPHO de Daudet est le livre le plus complet, le plus humain, le plus beau qu'il ait fait… le livre méritant le nom de chef-d'oeuvre.
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Dimanche 8 juin.—Pour rendre la nature, Théophile Gautier faisait seulement appel à ses yeux. Depuis, tous les sens des auteurs ont été mis à contribution pour le rendu en prose d'un paysage. Fromentin a apporté l'oreille, et fait son beau morceau sur le silence dans le désert. Maintenant c'est le nez qui entre en scène: les senteurs, l'odeur d'un pays, que ce soit le carreau de la Halle ou un coin de l'Afrique, nous les avons avec Zola, avec Loti. Et vraiment tous deux ont de curieux appareils olfactifs, Loti avec son nez sensuel, Zola, avec son nez de chien de chasse, et ses petits frémissements, qui ont quelque chose du chatouillement d'une muqueuse sous le passage d'une mouche.
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Jeudi 12 juin.—Je lisais, ces jours-ci, dans un article de Bonnetain sur le Tonkin, un portrait de fumeur d'opium, dont la pupille extrêmement dilatée, et la pâleur ivorine, me font penser que je ressemble ou du moins que je ressemblais, ces années, tout à fait au fumeur d'opium de Bonnetain. N'ayant jamais fumé d'opium, ce serait donc l'intoxication des très forts cigares que j'ai fumés, toute ma jeunesse.
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————Ce soir au dîner des Spartiates, Raoul Duval qui avait fait sa rentrée à la Chambre, dans la journée, disait qu'il en était sorti tout triste, trouvant la droite plus inintelligente, la gauche plus commune que jamais. Au milieu du dîner, quelqu'un s'écrie: «La nuance! oh, la nuance… elle est morte à l'heure qu'il est en France… Et la nuance, c'était toute la France, toute sa distinction… le don rare, en un mot, qu'elle seule avait parmi toutes les nations.»
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Jeudi 19 juin.—Je trouve, ce soir, Daudet en ses contractions de visage et ses remuements de jambes, disant qu'il a en plein ses douleurs.
—Vous souffrez, mon ami?
—Oui, toujours… c'est vraiment atroce la continuité de la douleur, et la perspective de cette continuité… autrefois, le lit c'était une espérance… maintenant c'est redoutable de surprises… j'ai besoin de me relever, il faut que je marche pour user ma douleur… Je souffre, voyez-vous, tout ce qu'il est possible de souffrir… tenez parfois, dans le pied, c'est comme si un train de chemin de fer me passait dessus… Ah! il me tarde d'être à Néris.
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————Je suis revenu ce soir, de Saint-Gratien, avec Primoli, et nous causions en chemin de fer, des cruels moments qu'on passe avec les êtres, dont l'intelligence est entamée, nous parlions de ces désespoirs énervés, de ces colères intérieures, de ces fuites de la maison, à la suite desquelles on bat la campagne, en coupant les fleurs avec sa canne!… et nous confessions, en même temps, les tendresses maternelles qui vous viennent pour ces pauvres créatures, nous rendant si malheureux.
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————-Ces épouvantables chaleurs m'enlèvent toute activité, tout ressort, toute faculté d'accomplir n'importe quoi. Comme en un pays de la soif, je ne songe qu'à boire, et gonflé d'eau rougie, je passe la journée sur mon lit, dans une somnolence qui est comme un demi-évanouissement. Et tard, bien tard, très tard, quand je me lève pour aller manger, mal éveillé, quelque chose dans un restaurant quelconque de Paris, il me semble à moi-même, que je suis un somnambule qui dîne.
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Vendredi 27 juin.—Ce soir, un général étranger racontait, qu'avant 1866, Bismarck lui parlant de ses projets et faisant allusion au Roi, son maître, dans une langue bien irrespectueuse, lui disait: «Je conduirai la charogne au fossé, il faudra bien qu'elle le saute!»
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Mercredi 9 juillet.—Où l'on retrouve l'amateur. En lisant ces jours-ci les journaux de toutes couleurs, indiquant les précautions qu'il y avait à prendre contre le choléra, je n'ai eu qu'une crainte, non la crainte de mourir, mais la crainte, si je mourais, que mes dessins, mes broderies, mes délicats bibelots, fussent perdus, abîmés, anéantis par la désinfection, faite d'autorité.
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Dimanche 13 juillet.—J'ai des idées particulières sur le choléra. Je crois qu'il vient maintenant en visite chez nous, tous les ans, mais qu'il se produit, seulement, lorsqu'il rencontre certaines conditions climatériques ou atmosphériques, que l'on ignore encore. Les années de choléra, j'ai été frappé par un certain bleu neutralteinte, bleu violacé, qu'il me semble retrouver dans le ciel, cet an. Maintenant je ne sais pas, si le développement du choléra ne correspond avec des malaises de certaines plantes, de certains arbres. Les platanes, cette année-ci, ont une maladie, ne l'avaient-ils pas les autres années de choléra?
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Mercredi 23 juillet.—Sur le perron de Jean-d'Heurs, dix heures du soir.
Un ciel tout zébré de noir, et au milieu duquel il éclaire, parmi les senteurs écoeurantes des orangers, parmi le bruit, comme brisé, de jets d'eau las. Il me semble vivre, un moment, dans les fonds fauves d'une de ces vieilles toiles, dont les maîtres vénitiens entourent un couple d'amoureux, pâlement enfiévrés, et aux lèvres, aux regards de sang.
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————Il est des femmes qui, avec des formes menues et des apparences délicates, ont des santés de portefaix.
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Lundi 28 juillet.—À relire ces épreuves d'En 18… mon premier bouquin, j'ai parfois des colères, contre le non vrai du livre, qui me font jeter les feuilles imprimées par terre, et les repousser du pied, loin de moi… Puis, je vais les rechercher.
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Vendredi 8 août.—Une cousine me parlait de la liberté de paroles des femmes du grand monde, de vingt ans, comparée à la liberté de paroles des femmes de trente ans. Son frère, qui se trouvait là, citait cette phrase, à lui dite par une de ces femmes, à brûle-pourpoint et sans invite à la chose: «Connaissez-vous le jeu de frotte-nombril?»
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Lundi 11 août.—Aujourd'hui par une percée, dans la verdure de l'Allée de ceinture, on voyait la campagne dans un ensoleillement de la blancheur des choses chauffées à blanc, et sur les champs moissonnés, l'entre-croisement des javelles dorées, apparaissait comme un délicat travail, de paille tressée.
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————Il y un certain nombre d'hommes à Paris qui doivent tout à leurs fournisseurs, et dont la valeur est uniquement faite du nom de leur tailleur, de leur bottier, de leur chapelier. Ne se plaignent-ils parfois, les malheureux, de payer cher!
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Mardi 10 août.—Comment va de Nittis?
—Bien pauvrement!
C'est Louise, la cuisinière qui me répond dans le vestibule de la maison de Saint-Germain.
Presque aussitôt j'entends, montant de l'escalier, une voix anhélante qui me dit: «Ah! c'est vous… c'est vous… je viens!»—et je vois mon pauvre de Nittis, avec la figure d'un vilain jaune, et une inquiétude hagarde des yeux, dont j'ai peur.
Nous nous asseyons sur un canapé du salon, et il me raconte ses troubles de la vue. «Oui, dit-il, avec la voix gémissante des personnes très faibles, oui, dans ce que je lisais, c'était comme s'il y avait des manques… tenez… ainsi que les trous que fait dans une feuille de papier, un coup de fusil chargé à plomb… J'ai averti le médecin… ça pouvait être, n'est-ce pas, l'effet de la digitale… il a changé le régime… ça a été mieux… mais un jour que j'avais été peindre une étude ici, tout près… il faisait un temps comme aujourd'hui… tout à coup il m'a semblé voir des nuages de mouches… mais vous avez été en Angleterre, vous avez vu un certain brouillard noir, qu'il fait là… Eh bien, c'était ça dans mes yeux… Ah! j'ai eu peur… c'est que vous savez, un moment le médecin d'ici ne savait pas, si je n'avais pas toutes les maladies… il croyait à une maladie de la moelle épinière, rapport à mes yeux… enfin ces jours-ci, il m'a rassuré, il pense qu'il n'y a que la chose du coeur.»
Comme je disais, quelques instants après, à de Nittis:
—Vous qui aviez une santé dont j'étais jaloux… c'est cette bronchite d'il y a deux ans?
—Cette bronchite, reprenait-il, non… c'est la fatigue de toute ma vie… c'est ma jeunesse passée dans la campagne à peindre sans manger… ce sont les demi-journées passées en Angleterre à peindre dans le brouillard… c'est, c'est…»
Quelques minutes avant de partir, affaissé à côté de moi, il laisse échapper à voix basse: «Voyez-vous, quand on est une fois détraqué, comme je le suis, on ne se remet pas.»
Je m'en vais navré, emportant de mon pauvre ami, l'impression d'un être frappé à mort.
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Jeudi 21 août.—Il y avait à peine quelques heures, que je venais d'écrire ces tristes impressions, quand j'ai reçu ce télégramme: Venez vite, M. de Nittis mort subitement.
À la gare de Saint-Germain, je tombe sur Dina, qui part pour acheter à Paris des effets de deuil, tout faits pour sa maîtresse. La pauvre fille me raconte dans son baragouin, entrecoupé de sanglots, cette soudaine mort de Nittis. Il s'était réveillé à sept heures, elle lui avait posé derrière le cou, les quatre ventouses que lui faisait poser son médecin de là-bas; mais ce jour, les ventouses avaient mal pris, et le malade était un peu nerveux. Il s'endormait cependant, se réveillait à huit heures et demie, s'habillait complètement, quand il se plaignait d'avoir dans la tête, des choses qui lui faisaient mal. La femme de chambre le peignait au peigne fin, et pendant qu'elles le peignait, voyant sa tête ne plus se soutenir, s'affaisser, tomber, elle lui demandait ce qu'il avait, s'il souffrait toujours. De Nittis lui répondait d'abord par des geignements, des soupirs douloureux, en se touchant le front, puis tout à coup s'écriait: «Ah! ah!… j'ai un vide dans ma tête… je me meurs!»
Dina portait le mourant sur son lit, où il ne parlait plus, n'ouvrait plus les yeux, avait seulement des contractions nerveuses des bras et des mains. Et le médecin n'arrivant pas, un interne mandé de l'hôpital, déclarait à Mme de Nittis, que mon ami avait tout le côté gauche paralysé. C'était une congestion cérébrale.
J'arrive à cette triste habitation, à cette maison qui m'a toujours semblé une maison de malheur. Mme de Nittis, dépeignée, un caraco mal boutonné sur une camisole, une jupe attachée de travers, de l'égarement dans les yeux, va incessamment d'un bout à l'autre du long salon, tombant un moment sur un fauteuil ou sur un canapé, qu'elle trouve en son chemin, se relevant aussitôt, et reprenant son éternelle promenade, avec des pieds qui traînent et qu'on sent las, et qui marchent toujours. Elle va donc ainsi, sans trêve et sans repos, poussant des: «Oh, mon Dieu!» qui ont l'air de lui déchirer la poitrine; prononçant des paroles douloureuses, avec, au dessus de sa tête, ses deux bras relevés dans un geste désespéré; disant des choses, de la voix étrange et un peu de l'autre monde, qu'ont les femmes parlant dans un rêve.
Et soudain, et à tout moment, la femme disparaissant dans la pièce voisine, où l'on entend un bruit sec, le bruit de ses genoux qui cognent le plancher, suivi du bruissement de baisers.
Elle me fait entrer dans cette pièce, une petite chambre blanche, décorée d'éventails japonais, et que les deux bougies allumées éclairent d'une lueur rose, parmi le jour crépusculaire. Alors, je l'ai vu, le pauvre cher ami, et jamais je n'ai vu la mort jouer le sommeil et un sommeil aussi souriant: un sommeil auquel il ne manquait pour vous tromper, que le soulèvement et l'abaissement de la poitrine sous le drap.
«Ça c'est vraiment par trop féroce!» s'écrie la malheureuse femme, se plantant devant vous, avec une interrogation folle des yeux et de la bouche, et sur votre silence, reprenant sa course, le dos baissé. Et ce sont, sortant d'elle, espacées par de longs silences, des phrases comme celles-ci: «L'amour des autres, non, non, ça ne ressemblait pas au nôtre… le monde ne peut pas savoir… c'est cependant bien simple… moi je n'ai pas de famille… lui était comme moi… nous étions tout l'un pour l'autre.» Et quelques moments après: «Oui, toute ma vie, toutes mes pensées, toutes mes actions, tout… ça allait toujours à lui… ça cherchait toujours à lui être agréable… à lui plaire même, quand j'achetais un bout de ruban… et ce sera chez moi, ainsi jusqu'à l'agonie, jusqu'à l'agonie!»
Et des phrases amenées par on ne sait quoi: «Il disait qu'il avait la bouche si amère!» Puis encore des ressouvenirs anciens, des détails d'une ascension au Vésuve, qui reviennent dans des paroles n'ayant plus de suite, n'ayant plus de sens. Et là dedans une phrase recommençant ainsi qu'une litanie: «Ah, nous sommes bien malheureux!»—une phrase qu'elle répète plusieurs fois de suite, et que la dernière fois on n'entend plus, que comme si elle la soupirait.
Enfin nous persuadons à la malheureuse femme de se coucher auprès de son enfant, resté toute la journée dans ces tristes choses, afin qu'il n'ait pas peur, s'il venait à se réveiller.
Et je me jette sur un canapé, pour veiller le mort, en compagnie de Mme
Techener, la femme du libraire, une parente de Mme de Nittis.
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Vendredi 22 août.—À une heure du matin, tombe dans la maison, un commis de Borniol, l'homme des pompes funèbres.
Au matin, l'impression est navrante dans la sereine indifférence de la nature, et le joyeux éveil de toutes les bêtes de la maison, qu'il aimait tant: les oies, les canards, les poules, la chèvre, et quand je descends prendre une tasse de café dans la salle à manger, son joli petit chat blanc vient prendre position sur le collet de ma jaquette, ainsi qu'il avait l'habitude de le faire, pendant le déjeuner de son maître.
Mme de Nittis qui a passé cinq ou six fois, cette nuit, devant nos yeux, comme un fantôme, fait sa rentrée dans le salon, et reprend son va-et-vient inlassable. Après deux ou trois tours, elle s'arrête soudain, et dit lentement avec des yeux, où l'espérance a l'air de sourire au milieu des larmes: «Ce matin… j'ai cru pourtant que ça allait n'être pas vrai!» Et allant et venant, elle murmure: «Ce matin, c'est singulier… je ne pouvais pas rassembler mes idées… mais ça revient… oui, oui, elles rentrent en place.» Puis soudainement, et comme si elle trouvait sous ses pieds un trou, un précipice, elle se met à crier: «Ah! je suis perdue… Qu'est-ce que je vais devenir?» Et comme on lui dit qu'il faut songer à son enfant, vivre pour lui: «Ah! sans lui, fait-elle, on se coucherait par terre comme un chien galeux… et que la maladie… que la mort vienne… elle serait la bienvenue!»
À neuf heures et demie, Alexandre Dumas arrive et le prix du convoi et de l'enterrement arrêté, nous allons signer l'acte de décès à la mairie de Saint-Germain.
En sortant de la mairie, Dumas me demande, avec une certaine gentillesse, de manger un morceau avec lui, et nous déjeunons dans un café quelconque, où, tout le temps du déjeuner, Dumas me parle curieusement de Girardin, et me conte une réponse qu'il lui a faite.
Un jour Girardin, exaspéré de la nullité de son fils, lui aurait dit: «Il m'aurait fallu un fils comme vous!—Les fils comme ça… voyez-vous, répondait Dumas, il faut les faire soi-même!» Et là-dessus, Dumas part pour jeter un coup d'oeil à la propriété, dont il vient d'hériter de Leuven.
Mais de retour à la maison, voici l'embaumeur et son aide, et de l'endroit où je suis dans le salon, tout en ne voyant pas ce qui se passe dans la pièce voisine, je commence à pâlir si visiblement, qu'on me renvoie dans le jardin.
Et je vais m'asseoir dans un coin, que le mort aimait, là où il y a une guérite en toile, une chaise longue en sparterie, un hamac: dans ce coin, dont il avait fait une espèce d'atelier, en plein air.
À son arrivée à Saint-Germain, il y peignait son dernier tableau ou plutôt sa dernière esquisse, et qui devait faire le pendant à son «Déjeuner dans le jardin» de l'année dernière. Cette esquisse qu'il avait abandonnée, lorsque sa vue avait commencé à se brouiller, il me la montrait, mardi dernier, au milieu des pots de confitures et des bocaux de pickles, confectionnés, ces jours derniers, par sa femme, et dont, un moment, dans une enfantine gaîté, il me faisait voir les jolies colorations, sentir les arômes piquants.
Cette nuageuse esquisse représente sa femme en robe blanche, couchée dans un hamac, mais presque perpendiculairement, et comme debout. Dans cette originale pose, elle conte au petit Jacques, assis à côté d'elle, dans un fauteuil de paille, elle conte une de ces histoires merveilleuses, qu'elle imagine si joliment.
Ce soir retour à Paris, et visite de bureaux de journaux, où je sollicite un peu de bruit autour de ce mort illustre.
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Samedi 23 août.—Dans un des bureaux de rédaction, où j'avais été hier, et où à peine remis de l'émotion de l'embaumement, j'avais dit qu'il m'était impossible de rédiger une note, on m'avait demandé: «Était-il grand ou petit?—Brun ou blond?—Était-il gai ou triste?» J'avais eu l'ingénuité de répondre au rédacteur qui me posait ces questions: «C'était une nature gaie, et la gaieté du pauvre garçon avait quelque chose de charmant, quelque chose de la gaieté enjouée et spirituelle d'un personnage de la comédie italienne.» Ce matin, j'ouvre le journal, et je lis que M. de Goncourt regardait de Nittis comme un personnage de la comédie italienne. Ah! ce que j'ai souffert de cette inconcevable interprétation de mes paroles!
En arrivant à Saint-Germain, je trouve aujourd'hui la malheureuse femme, comme calmée, apaisée, pacifiée. Les yeux presque secs, et soigneusement peignée, elle marche toujours dans le long salon, mais lentement, régulièrement, presque processionnellement, ainsi que marchent dans le choeur d'une église, les chantres, auxquels elle ressemble par derrière, avec son fichu noir, apparaissant comme un capuchon sur le dos d'un moinillon.
Elle marche les bras croisés, ses mains soutenant ses bras, dont elles se délient par des mouvements d'abandon. Elle continue aussi, en allant et venant, à parler, mais d'une voix éteinte, et avec des intermittences, et ressemblant de plus en plus à une voix d'une personne qui rêve tout haut: «Il ne faut pas que je pleure…» Et presque aussitôt: «Non, voyez-vous… quand je m'assieds… je pense à des choses auxquelles il ne faut pas penser… et quand je marche, quand je parle… je ne pense pas.»
Elle se tait longtemps, puis regardant alors du côté de la bière, qui doit partir demain matin, elle répète avec un accent impossible: «Mais quand il ne sera plus là… quand il ne sera plus là!»
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Dimanche 24 août.—Dans le petit salon, où elle tenait ses jours, le mardi, Mme de Nittis est assise, les yeux vitrifiés, les lèvres blanches, dans une immobilité automatique, avec des gestes, quand il faut en faire, semblant un effort, avec des paroles, quand elle veut en dire, si basses, qu'il est besoin d'approcher l'oreille d'elle.
Et cependant, elle veut assister à tout, à tout.
La mort de cet homme de trente-huit ans, de ce garçon si aimable et si ingénieux à vous faire du plaisir et de la joie chez lui, de ce peintre, si peintre, a rencontré une sympathie bien naturelle, et c'est merveilleux et touchant, le luxe des fleurs déposées sur son cercueil.
La voici à l'église, où elle a demandé qu'il n'y eût pas de chant, et où, je crois, une galanterie de l'ambassadeur d'Italie a fait envoyer des chanteurs. Et bientôt c'est une admirable voix chevrotante de vieillard—est-ce Tamberlick—que je sens mettre en elle, une inquiétude, une anxiété, la crainte de se trouver mal, de ne pouvoir aller jusqu'au bout. Je fais ouvrir par le sacristain la porte d'une balustrade, et aussitôt qu'elle a jeté son eau bénite, elle peut sortir et gagner, avec Mme Claretie, sa voiture de deuil, où elle fait monter Jacques près d'elle.
Nous sommes à la porte du caveau provisoire, devant lequel, elle se tient la tête renversée en arrière, les yeux fermés, les lèvres murmurantes de paroles d'adoration, dans une pose d'aveugle, ayant étendues devant elle, et agitées de mouvements convulsifs, ses mains gantées de laine noire: des mains tragiques.
Aux dernières paroles du prêtre, elle craint de s'évanouir, et sans se retourner, retirant derrière elle le petit Jacques, et appuyée sur ses épaules, de ses bras croisés autour de son cou, la veuve avec l'orphelin, dessine soudain le plus gracieux et le plus attendrissant groupe sculptural.
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Lundi 8 septembre.—Morel, le cocher de la princesse, bataillant avec elle, pour qu'on ne vende pas un vieux cheval, s'écrie: «Comment la princesse peut-elle avoir l'idée de se défaire du dernier cheval, que nous ayons… auquel on a présenté les armes!»
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Mercredi 10 septembre.—Il vient aujourd'hui une école de petites filles de Saint-Denis, jouer dans le parc de la princesse. C'est curieux, le côté laidement vieux de ces petites filles, elles semblent avoir été conçues dans l'ivresse du vin, les batteries de l'amour, la folie bestiale d'un rut alcoolisé. Ce ne sont plus les gentilles petites filles du peuple d'autrefois: elles ont l'air d'enfants de la Salpêtrière.
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Dimanche 14 septembre.—Parcouru hier les MALHEURS DE JUSTINE, de De Sade. L'originalité de l'abominable livre, elle n'est pas pour moi dans l'ordure, la cochonnerie féroce, je la trouve dans la punition céleste de la vertu, c'est-à-dire dans le contrepied diabolique des dénouements de tous les romans et de toutes les pièces de théâtre.
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Dimanche 28 septembre.—Je relisais aujourd'hui LUTÈCE, de Henri Heine, et j'y trouvais que le Français ne demandait pas l'égalité des droits, mais l'égalité des jouissances. Je crois que l'heure présente donne fièrement raison à cette pensée, écrite en 1830.
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Mardi 7 octobre.—Je retrouve, de retour de Néris, et d'autres lieux transalpins, je retrouve mon petit Daudet, toujours souffrant.
Ce soir éclate une amusante discussion entre le mari et la femme, à propos de Michel Montaigne.
La femme soutient que, lorsque son mari lit les ESSAIS, il n'est plus le Daudet qu'elle connaît, il n'est plus père, c'est un Daudet racorni. Et la voilà qui s'élève contre la bassesse de la philosophie du philosophe du Midi, le terre-à-terre égoïste de sa doctrine, le vilain pessimisme qui se dégage de sa prose. «Il est abominable, il est abominable avec ses appréciations sur la femme!» s'écrie-t-elle, et malgré les objections, la défense timide de son Alphonse, elle continue à tomber Michel, avec le doux entêtement et la parole placide, qu'elle apporte dans la contradiction.
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Mardi 14 octobre.—Je reçois aujourd'hui une lettre de l'Odéon, m'annonçant qu'on va prochainement y remonter HENRIETTE MARÉCHAL. Dieu le veuille! Car je suis un peu inquiet pour les années qui viennent. Si je tombais malade, si quelque grosse dépense relative à ma maison m'advenait. Mes dix mille livres de rente réduits à neuf par les impositions, avec le prix de la vie actuelle, et dans une grande installation comme la mienne, c'est vraiment bien peu d'argent. Ah! les gens raisonnables peuvent me dire: «Vous n'aviez qu'à placer les 200 000 que depuis dix ans vous avez mis en bibelots…» Mais si j'avais été raisonnable à leur image, est-ce bien sûr que j'aurais eu le talent, qui me les a fait gagner.
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Jeudi 16 octobre.—J'ai été longtemps, et je suis encore tourmenté par le désir de faire une collection d'objets à l'usage de la femme du XVIIIe siècle, une collection des outils de son travail,—et une petite collection qui tiendrait dans le dessous d'une vitrine de la grandeur d'une servante. Il faudrait avoir la navette en porcelaine de Saxe la plus extraordinaire, la paire de ciseaux la plus précieusement orfévrée, le dé le plus divin, etc., etc. J'avais bien débuté par le petit nécessaire en or de la vente Demidoff, qui a l'air d'avoir été ciselé sur un dessin d'Eisen, mais j'en suis presque encore, dans ma collection, à ce nécessaire.
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Vendredi 17 octobre.—L'affreux et bourgeois ensemble d'art au Louvre que la collection Thiers, avec sa vaisselle de table d'hôte d'Allemagne, ses copies de Raphaël à l'aquarelle, le collier de perles de Madame. Et vraiment dans les objets chinois et japonais, rien de supérieur.
Pendant que dans la salle des dessins français, j'étais arrêté devant le «Couronnement de Voltaire», de Gabriel Saint-Aubin, qu'enfin, ils se sont décidés, je puis dire sur mes objurgations, à exposer, un monsieur qui le regardait admirativement, comme moi, et qui était Beurdeley fils, me dit que son père avait vendu 8 000 francs à M. Thiers, la plus belle pendule en marbre, qu'il avait jamais possédée. Il s'étonnait de ne l'avoir pas retrouvée, et moi il me semblait, aussi, que mon regard n'avait pas rencontré le petit cabinet en laque, de la vente Montebello, acheté pour son compte, par Mallinet, 2 700 francs.
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Mercredi 29 octobre.—Hier, à ce qu'il paraît, à la suite d'une paraphrase de son professeur sur Schopenhauer, le jeune Daudet a eu, le soir, une attaque de sensibilité, une crise de larmes, demandant à son père et a sa mère: «si vraiment, la vie était comme ça…, ça valait la peine de vivre!»
Et le lendemain matin, le petit frère, dans l'oreille duquel étaient restés des mots, qui étonnent la pensée enfantine, passait tout le déjeuner, à vouloir savoir ce qu'on devenait, quand on était mort. Ah! dans le monde, il se prépare, en ce moment, des tristes, et c'est fini de la rigolade de la jeunesse d'autrefois.
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Jeudi 30 octobre.—Aujourd'hui Mme Daudet a été à la Belle-Jardinière, avec l'intention d'acheter un paletot pour son grand fils. Là, elle y voit des capotes en gros drap bleu, aux palmes et aux boutons d'or, avec une patte et trois plis dans le dos. Elle demande à un commis, si elle ne pourrait pas en avoir une pour son fils?
—Oh!—fit, avec un sourire, le commis—c'est pour les lycées de jeunes filles!
«Des capotes de soldats!… de vraies capotes de soldats,—s'écrie Mme
Daudet,—celles qui auront porté cela ne seront jamais des femmes!»
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—Une curieuse révélation qui m'est faite, ce soir, sur les cartons exposés dans les tirs. Les plus terrifiants seraient ceux de rastaquouères à épouses légères. Ils sont exposés comme épouvantails, non pour ceux qui auraient l'intention de les tromper, mais pour ceux qui seraient tentés de parler trop haut de leur cocuage.
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Dimanche 2 novembre.—Jour des Trépassés.
Comme chez la plupart des hommes et des femmes, que je vois s'aimer, il manque ce lien inexprimable de la liaison d'esprit, qu'il y avait entre mon frère et moi; et comme ces tendresses de la chair, toutes passionnées qu'elles soient, sont inférieures à ce qui nous unissait.
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————Il y a des jours, où Barbey d'Aurevilly m'apparaît comme un personnage de Byron, un Lara joué à Montparnasse, par un de ces acteurs qui représentent les pairs de France, avec un mouchoir à carreaux bleus d'invalide.
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————Le petit Zézé Daudet est vraiment doué picturalement, et a d'étonnants yeux de coloriste. J'ai vu d'autres enfants de son âge, dessiner, et dessiner aussi bien que lui, mais je n'en ai pas vu faire des ciels, des colorations d'orage, des feux d'artifice de soleil couchant, enfin se livrer à des barbouillages, ressemblant mieux à la marbrure brouillée d'une palette de peintre de talent.
Et sa mère me faisait lire deux ou trois lignes de lui, où il disait que la chose qu'il aimait surtout c'était la couleur orangée: des lignes tout à fait surprenantes, où l'enfant confessait son adoration de la couleur, dont Fromentin parlait avec une voix presque religieuse.
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Lundi 8 novembre.—Ces jours-ci, j'ai eu vraiment une jouissance d'esprit et de coeur, à me plonger dans un paquet de lettres de mon frère, retrouvé chez Louis Passy, un paquet de lettres de sa jeunesse, et qui me remontrent, en pleine lumière, des morceaux de notre vie, à demi effacés, et comme sortant tout à coup du brouillard, qu'apportent les années aux souvenirs d'un vieux passé.
Ces vieilles lettres ont même rejeté ma pensée, je ne sais comment, à des années plus anciennes, que celles qu'elles racontaient.
Elles ont évoqué chez moi, tout vivant et tout réel, le souvenir de ma blonde petite soeur Lili. Je l'ai revue, en cette année 1832, quand elle est venue avec la nourrice, me chercher à la pension Goubeaux, pour fuir le choléra. Je la vois la chère petite, aux yeux si bleus, aux cheveux si blonds, ne voulant pas s'asseoir à côté de moi, et se plaçant dans le fiacre, sur le rebord du bas de la portière, pour mieux me voir, pour mieux me manger des yeux, dans cette contemplation aimante, et comme agenouillée, qu'ont les enfants pour ceux qu'ils adorent. Pauvre enfant! la nuit suivante, dans la diligence qui nous emportait vers la Haute-Marne, elle était prise du choléra. Et pensez à ce voyage avec cette enfant mourante sur nos genoux, et mon père et ma mère n'osant s'arrêter dans un des villages ou une des petites villes, que nous traversions, dans la crainte de ne pas trouver un médecin qui sût la soigner. Nous arrivions seulement à Chaumont, quand elle était, pour ainsi dire, morte.
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Mardi 18 novembre.—Le haut de ma maison, je le bouscule, et jette à bas les cloisons, et cherche à faire des trois petites pièces du second sur le jardin, une espèce d'atelier sans baie, pour y installer, à la sollicitation de mes amis de la littérature, une parlote littéraire, le dimanche.
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Jeudi 20 novembre.—Tout le monde des lettres est décidément malade. Belot arrive chez Daudet avec son teint de gros garçon bien portant, et le voilà qui, à table, tire, de la poche de son gilet, des gouttes amères de noix vomique. Car il sort de chez Hardy, qui lui a dit que ses maux d'estomac avaient amené chez lui un gonflement, lui ayant fait remonter le coeur, et lui donnaient le sentiment d'un asthme.
Il veut passer tout l'hiver en Italie… il partira aussitôt qu'il aura de l'argent… il laissera son roman et le reste… et il se décidera tout à coup, comme ça, dans l'heure du réveil… au moment où il fume son premier cigare, et où il se garderait bien de lire une lettre… Oui, le soir, il s'embarquera, à dix heures,—il est très bien avec le chef de gare, qui lui donnera un compartiment pour lui tout seul—et il prendra du chloral… et il dormira jusqu'au matin… et quand il se réveillera… il se réveillera dans du soleil, dans de la gaieté.
À cette perspective, l'homme des colonies se retrouve en Belot, et il y a vraiment en sa personne, un peu de la jouissance sensuelle d'un homme de l'équateur, soudainement jeté dans une contrée de bananiers.
Est-ce curieux? cet homme qui, dans la souffrance, a des sensations distinguées, assaisonnées de remarques et de réflexions presque littéraires, lorsqu'il écrit, est absolument dénué de littérature, et ne se doute pas du tout de ce qui fait la beauté d'un livre.
* * * * *
————À propos des curieux dessins de costumes, enlevés à la plume et lavés d'une rapide aquarelle par Boquet, pour la confection des costumes de l'ancienne Académie royale de Musique, Nuitter me racontait, que le plus grand nombre de ces dessins avaient autrefois été donnés aux enfants des employés des Menus-Plaisirs, qui s'amusaient à les découper.
* * * * *
Samedi 29 novembre.—En feuilletant des lettres de ma mère, adressées à ma tante de Courmont, à Rome, et qui me sont communiquées, avec une lettre de mon frère, par la belle-fille de Mme de Courmont, je trouve cette lettre de ma mère, qui me reporte à un morceau ennuyeux et triste et douloureux de ma vie passée, qu'on voulait pousser à des choses, pour lesquelles j'étais bien peu fait.
«Edmond, chère Nephtalie, travaille toujours avec courage chez l'avoué, ce qui me fait un extrême plaisir. Puisse-t-il continuer et se mettre à même d'être, un jour, avocat à la Cour de cassation. Cette carrière est désirable sous tous les rapports, et d'ailleurs que faire, ne voulant pas entrer dans une administration, ce que je conçois bien.»
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Dimanche 30 novembre.—Mme Michelet est venue m'apporter, aujourd'hui,—pour la collection des livres contemporains avec autographes, que je m'amuse à faire,—est venue m'apporter un devoir de Michelet, corrigé par Villemain. C'est vraiment un curieux autographe.
Des cheveux tout blancs, une figure toute jeune, une voix légèrement voilée: c'est le portrait de l'aimable femme.
* * * * *
—Dans la vie moderne actuelle, avec l'exiguïté des demeures, c'est bien difficile, de faire durer éternellement les chapelles des morts, les chambres d'agonie, qu'on veut toujours conserver, telles qu'elles étaient, lorsque a sonné la dernière heure d'une personne aimée;—et ces jours-ci, ç'a été pour moi une véritable tristesse, quand j'ai entendu les coups de pioche, jetant à bas les cloisons de la chambre de mon frère, et détruisant cette espèce de survie d'un être cher, parmi les objets et les choses de son entour, brutalement démolis.
* * * * *
Mardi 2 décembre.—C'est curieux, la jeunesse actuelle semble cesser d'être une jeunesse d'imagination, pour devenir une jeunesse de pédagogie. Je suis frappé de cela, à la lecture des derniers numéros de la Revue Indépendante, qui contient trois articles de critique par des jeunes: trois articles tout à fait remarquables.
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Jeudi 4 décembre.—Première entrevue avec Porel, chez Daudet.
Il me dit qu'il veut jouer ma pièce, comme une pièce jouée de l'autre côté de la Seine, une pièce jouée sur le boulevard, et qu'il a engagé Léonide Leblanc, qui a une action sur le monde de l'argent, sur le monde de la gaudinerie. Ça ne me paraît pas si bête!
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Samedi 3 décembre.—La comtesse de Béhaine me contait aujourd'hui, qu'une jeune fille, qu'elle connaissait, donnait des répétitions dans une institution laïque du Nord de la France, et qu'elle conduisait, tous les dimanches, une vingtaine de fillettes à la messe—cela sur la demande des parents.
Toutes les jeunes filles en se rendant à la messe, portaient un bouquet de trèfle. La sous-maîtresse n'y fit pas attention, la première fois, mais à la seconde ou à la troisième, un peu intriguée, elle demanda la signification de ce bouquet, à l'une des fillettes, qui lui répondit:
«Ah! vous ne savez pas, vous ne savez pas… mais le trèfle est la fleur du doute!»
* * * * *
—Quelqu'un définissait ainsi un musicien de talent de ce temps: «Il a l'esprit gros et la méchanceté fine».
* * * * *
Mercredi 24 décembre.—Aujourd'hui, Maupassant qui est venu me voir, à propos du buste de Flaubert, me raconte des choses typiques de la grande mondanité.
À l'heure présente, les jeunes gens du monde chic, apprennent d'un maître d'écriture ad hoc, l'écriture de la dernière heure, une écriture dépouillée de toute personnalité, et qui a l'air d'un chapelet d'm.
Autre chic. Comme les Rothschild ont épuisé tous les genres de chasse, et qu'il n'y a plus de bête sur la terre, qui les intéresse à chasser, on promène, le matin, une peau de cerf dans le bois, et avec des chiens au nez tout particulier, on chasse, tout l'après midi, cette odeur de bête absente, dans une sorte de poursuite d'une ombre. Et Mme Alphonse Rothschild sautant très bien, on prépare d'avance des obstacles, et l'on arrose l'herbe, pour que, dans le cas où tomberait la chasseresse, elle ne se fasse pas de mal.
Maupassant m'avoue, que Cannes est un endroit merveilleux pour la documentation de la vie élégante.
* * * * *
————Je rencontre Burty, fort humilié, comme inspecteur des Beaux-Arts, d'avoir été envoyé par Kaempfen à la Chapelle, pour faire un rapport sur une cave à liqueurs, fabriquée de petits barillets, qu'un marchand de vin artiste et patriote, veut offrir au Louvre ou au moins à la nation.
* * * * *
————Ce soir, dans un coin du salon de la princesse, le Japonais Hayashi, me racontait un hara-kiri, dont son père avait été greffier, et auquel il avait assisté, tout enfant.
Les préparatifs connus, terminés, le condamné lisait une poésie, dans laquelle il disait avoir commencé à délivrer le peuple de son fléau, puis il tendit la main, prit le petit sabre, l'enveloppa de papier jusqu'à un pouce de l'extrémité de la lame, et seulement lorsqu'il se fut véritablement ouvert le ventre, dit à son maître d'escrime, qu'il avait choisi pour exécuteur: «Allez, maintenant!»
* * * * *
————Pas de chance, tant de complications, tant de retards, enfin tant de caps doublés, avec l'espérance de voir jouer HENRIETTE MARÉCHAL, et la mort de La Rounat qui remet tout en jeu.
* * * * *
FIN DU SIXIÈME ET DERNIER VOLUME
* * * * *
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS
A
Abbatucci (Mlle), 55.
About, 41, 264.
Alboni (Mme), 16.
Adam, 318.
Adam (Mme), 168, 184, 201.
Ambroise Thomas, 4.
Anastasi, 55, 84.
Arnauldet, 25.
Arnould (Sophie), 252, 265.
Asseline, 163.
Augier (Émile), 143, 196.
Auguste (M.), 252.
Aumale (duc d'), 242.
Avenin, 88.
Axenfeld, 12, 13.
B
Bacon, 140.
Balzac, 15, 41, 67, 119, 125, 256, 317.
Balzac (Mme de), 196.
Banville (Théodore de), 225, 313.
Bapst, 5.
Baraguay d'Hilliers, 12.
Barbé-Marbois, 132.
Barbé-Marbois (Mme), 132.
Barbet de Jouy, 111.
Barbey d'Aurevilly, 69, 339.
Bardoux, 4, 5, 6, 12, 58, 145.
Barnum, 162.
Baron (l'acteur), 203, 204.
Bartet (Mlle), 223.
Baudelaire, 264, 265.
Baudouin, 61.
Beaulieu (le peintre), 231.
Belot (Adolphe), 341, 342.
Benedetti, 55.
Bérendsen, 127.
Bergerat, 33.
Berquin, 182.
Bert (Paul), 28.
Berthelot, 5, 24, 242, 257, 295.
Berton, 279.
Beethoven, 148.
Bertrand (François), 91, 92.
Beurdeley (fils), 337.
Billaut, 258.
Bing, 174, 198, 298.
Bismarck, 49, 321.
Boissieu, 87.
Boitelle, 60, 61.
Bonnetain, 319.
Bonvin (François), 119, 285, 288.
Bonvin (le jeune), 90.
Boquet, 342.
Borniol, 328.
Bourget (Paul), 176, 178, 201.
Braquemond, 26, 87, 89, 100, 297.
Brainne (Mme), 141.
Brébant, 8, 20, 28, 57, 58, 71, 208, 257, 275, 292, 314.
Bréguet, 249.
Broglie (le duc de), 221.
Brohan (Madeleine), 149.
Brunetière (de), 184.
Burty, 15, 25, 27, 46, 69, 88, 118, 160, 294, 346.
Byron, 339.
C
Callot, 195.
Camargo, 306.
Cambon, 121.
Caro, 143.
Castellani, 77.
Céard (Henry), 15, 175, 177, 192.
Chabrillat, 57, 58.
Chabrol, 121.
Chambord (le comte de), 268, 270.
Champfleury, 316.
Chamfort, 318.
Chanzy, 201.
Charcot, 41, 124, 157, 193, 255, 256, 261.
Chardin, 297.
Charlemagne, 63.
Charles Edmond, 241.
Charles (Mme), 311.
Charpentier mère (Mme), 249.
Charpentier (Georges), 23, 42, 76, 109, 123, 135, 141, 150, 153, 177,
196, 209, 255, 308.
Charpentier (Mme), 7, 12, 27, 141, 150, 153, 196, 209, 249.
Charvet, 237.
Chateaubriand, 9, 116.
Chatrian, 216.
Chelles, 128, 133.
Child (Théodore), 159.
Cialdini, 12.
Cladel, 280.
Claretie (Mme), 333.
Claude Bernard, 15.
Clemenceau, 241.
Colardez, 24.
Commanville (Mme), 113.
Comte (Auguste). 90, 91.
Constantin (le grand-duc), 167.
Coquelin (l'aîné), 150, 193, 302.
Corneille, 114, 158.
Courbet, 19.
Courmont (Mme de), 343.
Croisette (Mlle), 149.
Cros (les), 178.
D
Daly (César), 88.
Darwin, 116.
Daudet (Alphonse), 4, 9, 10, 23, 24, 27, 57, 78, 101, 102, 103, 109,
110, 115, 128, 140, 150, 153, 165, 166, 177, 181, 184, 185, 193, 196, 204,
209, 220, 224, 228, 230, 235, 246, 256, 257, 260, 261, 267, 268, 269, 270,
277, 279, 280, 282, 285, 290, 292, 293, 299, 301, 303, 305, 309, 317, 318,
320, 335, 341.
Daudet (Mme Alphonse), 23, 24, 27, 57, 80, 132, 140, 150, 165, 175, 177,
181, 196, 204, 209, 261, 267, 270, 277, 279, 282, 285, 335, 338.
Daudet (Léon), 227, 262, 337.
Daudet (Lucien), 208, 339.
Daumier, 20.
Decazes (le duc de), 280.
Degas, 22, 75, 197.
Delacroix, 270.
Delair, 193, 278.
Delaunay, 150.
Delessart, 134.
Delpit (Albert), 261, 262.
Demidoff, 201.
Dentu, 305.
Deslandes, 279.
Diaz, 119.
Diderot, 19, 67.
Dieudonné, 277, 278, 279.
Dieulafoy, 198, 235.
Dina, 325, 326.
Dinah (Félix), 180.
Doré (Gustave), 103, 189, 243.
Doucet (Camille), 78, 100.
Du Barry (Mme), 123, 124.
Dubuisson (la), 163.
Dumas (père), 276.
Dumas (fils), 240, 329, 330.
Dumersan, 61.
Du Mesnil, 240.
Dumont, 241.
Dupont de l'Eure, 208.
Dupray, 70.
Daran (Carolus), 75, 196.
Durand-Ruel, 190.
Duval (Raoul), 319.
E
Ebner, 260, 261.
Eisen, 336.
Erckman, 216.
Esperanza, 245.
F
Falloux (de), 306.
Fenayrou, 210.
Feuillet (Octave), 11.
Flaubert, 4, 8, 10, 11, 23, 33, 35, 36, 62, 74, 76, 78, 85, 109, 110,
113, 114, 141, 289, 301, 345.
Fleuret, 205.
Floquet, 241.
Fontanes (de), 6.
Forain, 149, 178, 190, 197, 230.
Franck, 255.
Frandin, 94.
Frémiet, 84.
Freycinet (de), 277.
Fourcaud, 299, 300.
Fromentin, 184, 318, 340.
G
Gaboriau, 184.
Gallois (la baronne de), 55.
Galles (le prince de), 122.
Gambetta, 7, 8, 41, 58, 124, 159, 166, 175, 188, 189, 193, 194, 208,
235, 238, 240, 247, 280, 281.
Garnier, 277.
Gauchez, 182.
Gautier (Théophile), 33, 217, 281, 318.
Gavarret (Mme), 298.
Gavarni, 24, 116, 125, 281.
Gavarni (Pierre), 82, 281, 316.
Gavarni (Jean), 303.
Geoffroy, 8.
Georges, 25.
Gérome, 143.
Gille, 116.
Gillot, 63.
Girard, 291.
Girardin (Émile de), 5, 59, 116, 247, 281, 330.
Girardin (Mme Alexandre de), 167.
Gladstone, 281.
Giraud (Eugène), 37, 55, 60, 80, 169.
Got, 161, 222, 223, 224.
Goubeaux, 340.
Goupil, 263.
Grassot, 116.
Gravelot, 29.
Grenier, 41.
Grévy, 100, 223, 258.
Guichard, 87.
Guimond (Esther), 59.
H
Hadamard (Mlle), 314.
Hardy, 341.
Harpignies, 14.
Hayashi, 299, 346.
Hébert, 4.
Hébrard, 166, 240, 294.
Heilbuth, 196.
Heine (Henri), 145, 335.
Hérédia (José Maria de), 111, 140, 206.
Hobbema, 270.
Hoffmann, 63.
Holden, 63.
Holopherne, 87.
Homère, 8.
Houdin, 103.
Hugo (Victor), 59, 67, 91, 199, 201, 222, 223.
Huysmans, 175, 192.
I
Ingres, 87, 270, 296.
J
Jacqmin, 136.
Janvier, 58.
Jonkindt, 207.
Jordans, 19.
Joseph, 287.
Jourdain (Frantz), 267.
Jourdain (Mme Frantz), 297.
Judith, 87.
K
Kaempfen, 346.
Kenteux (Mme), 156.
Kistemackers, 182.
Korin, 298.
L
La Béraudière (de), 306.
Labiche, 55.
La Borde, 14.
La Bruyère, 67.
Lachaud, 68.
Lafarge (Mme), 68.
Laffitte, 165.
Lafontaine, 57, 128.
Lamballe (la princesse de), 92.
Lambert Thiboust, 274.
Lannelongue, 239.
Larrey (le baron), 218.
La Rounat, 205, 347.
Lasalle (le général), 59.
Lasalle (le colonel), 59.
La Tour, 265, 296, 297.
Lavoix, 244, 266, 267.
Leblanc (Léonide), 252, 344.
Leboeuf (le général), 85.
Leconte de Lisle, 5.
Lecouvreur (Adrienne), 306.
Ledoyen, 196, 257.
Lefebvre de Béhaine (le comte), 3, 99, 285.
Lefebvre de Béhaine (la comtesse), 345.
Lefebvre de Béhaine (Armand), 303.
Lefilleul, 175.
Legault (Mlle), 278.
Legros, 229.
Leleux (Adolphe), 123.
Lemaître (Frédérick), 76, 197.
Leroux (Hugues), 299.
Leroux (Pierre), 91.
Leuven (de), 330.
Lichtemberg (la comtesse de), 199.
Liesse (Henri), 72.
Lili, 310.
Liouville, 239, 297.
Liphart, 63.
Littré, 35, 142.
Lortic, 212.
Loti (Viaud), 227, 293, 318, 319.
Louis XIV, 295.
Louis XV, 123, 243, 290.
Lloyd (Mlle), 149.
M
Macé, 162.
Maéda, 36, 41.
Magitot, 168.
Magnard (Francis), 49, 116.
Magne (l'oculiste), 58.
Mahérault, 74.
Maillard (Albanel), 259.
Mallinet, 337.
Manet, 142.
Maquet, 56.
Marie-Antoinette, 275.
Marin, 29, 70.
Marpon, 175.
Marquis (le chocolatier), 21.
Mars (Mlle), 149.
Marsaud, 14, 24.
Massabie (Mme), 280, 281.
Masséna, 59.
Massenet, 5.
Massillon, 5.
Massin (Mme), 134.
Masson (Mme), 99.
Maspero, 92.
Mathilde (la princesse), 6, 7, 15, 38, 85, 116, 173, 174, 217, 219,
274, 334.
Matzugata, 41.
Maupassant, (Guy de), 109, 141, 182, 345, 346.
Mehemet-Ali, 217.
Meissonier, 143, 296.
Mennechet, 115.
Mérimée, 111.
Merton, 148.
Michelet, 289, 343.
Michelet (Mme), 343.
Millet, 296.
Minghetti, 272.
Mirès, 127.
Mistral, 303, 309, 317.
Molière, 67.
Molloy (le Dr), 265.
Montaigne, 335.
Moutaland (Céline), 133.
Montebello (comtesse de), 337.
Moreau (Michel), 61.
Moreau (Gustave), 145.
Morel, 334.
Morny (le duc de), 240.
Munckaczy, 247.
Murger, 55.
Musset (Alfred de), 153, 154.
N
Napoléon Ier, 49, 244, 275.
Napoléon III, 85, 143, 258.
Napoléon (le prince), 241, 244.
Napoléon (Louis), 55.
Napoléon (Victor), 55.
Nélaton, 237.
Nittis (de), 13, 14, 73, 103, 112, 127, 148, 176, 211, 231, 245, 254,
263, 274, 324, 325, 326, 330, 331.
Nittis (Mme de), 14, 44, 176, 211, 244, 326, 328, 329, 332.
Nittis (Jacques de), 331, 332.
Noël, 24, 81.
Noriac, 301.
Nuitter, 342.
O
Odry, 61.
Onimus, 119.
P
Pagans, 14, 50, 305.
Pailleron, 143.
Pascal, 140.
Pasteur, 258.
Passy (Hippolyte), 267.
Passy (Louis), 340.
Pélagie, 3, 214, 303.
Pelletan, 41.
Pétors (le restaurateur), 158.
Pie IX, 77.
Pillaut, 48.
Pingard, 26.
Pingat (le couturier), 250, 251, 252.
Poe, 145, 317.
Poisson, 136.
Pollet (le graveur), 160.
Ponson du Terrail, 184.
Popelin (Claudius), 55, 113, 216, 244.
Popelin (Gustave), 55.
Porel, 344.
Potain, 79.
Potin, 121.
Pouchet (Georges), 114, 276.
Pouyer-Quertier, 86.
Primoli (le comte), 320.
Prince Impérial (le), 78, 85.
Pugno, 280.
R
Rabelais, 208.
Rachel, 161, 180.
Racine, 158.
Rameau, 50.
Raffet, 72.
Raphaël, 72, 269, 337.
Ravaud, 164.
Raynal, 297.
Regnault, 252, 297.
Regulus, 276.
Rembrandt, 228.
Rémusat (le comte de), 268, 314.
Renan, 9, 49, 58, 142.
Ribot, 268.
Ribot (le peintre), 299, 300.
Ricasoli, 12.
Ripalda (le duc de), 218.
Robin (Charles), 8, 174, 238, 239, 276.
Roche (Jules), 268, 295.
Rochefort (Henri de), 11, 123, 124.
Rollinat, 265, 266.
Rothschild, 21, 76.
Rothschild (Alphonse), 123.
Rothschild (Mme Adolphe), 346.
Rouber, 258.
Rousseau (Théodore), 269, 270.
Rousseil (Mlle), 165.
Rousset (Camille), 144.
Rubens, 119, 270.
S
Sade (le marquis de), 179, 182, 334.
Saint-Aubin (Gabriel de), 61, 296, 337.
Sainte-Beuve, 9, 67.
Saint-Simon, 270.
Saint-Victor, 154, 298.
Salleron, 121.
Salvandy, 6.
Samary (Mlle), 149.
Sampayo, 267.
Sand (Mme), 9, 289.
Sandeau (Jules), 249.
Sandeau (Mme), 249.
Sarcey (Francisque), 140, 177, 181, 264.
Schopenhauer, 337.
Scudéry, 179.
Sébastiani (le général), 144.
Sélim (le sultan), 144.
Seymour-Haden, 228, 229.
Sichel (Auguste), 43, 77, 103, 243, 263, 298, 302.
Sichel (Mme), 298, 318.
Simon (Jules), 194.
Siraudin, 274.
Skobeleff, 188, 201.
Sommerard (du), 221.
Spuller, 7, 239, 242, 258, 294, 314.
Stendhal, 304.
Swinburne, 256.
T
Taine, 91.
Talleyrand, 145.
Tamberlick, 223.
Techener (Mme), 328.
Thiers, 145, 189, 337.
Thierry, 56.
Tien-Paô, 20, 21, 43, 44.
Tiepolo (Jean-Baptiste), 281, 282.
Tissot, 202.
Tite-Live, 276.
Titien, 108, 270.
Tolstoï (la comtesse), 34.
Tourguéneff, 9, 10, 101, 102, 141, 185, 186, 187, 255, 256, 273.
Troubetzkoï (la princesse), 201.
Trousseau, 35, 235, 236, 237.
Tseng (le marquis de), 94.
Turr (le général), 127.
V
Vallès (Jules), 77, 136, 138, 151, 179, 210, 288.
Vernet (Horace), 72.
Verneuil, 239.
Veuillot (Louis), 310.
Victor Adam, 41,
Victor-Emmanuel, 12.
Vierge, 91, 93.
Vignères, 305.
Villedeuil (Mlles), 164.
Villedeuil (le marquis de), 119.
Villemain, 196, 343.
Villiers de l'Isle-Adam, 178.
Virgile, 267.
Voillemot, 149.
Voisin, 279.
Voltaire, 19, 139.
W
Wallace (Richard), 122.
Watanobé-Seï, 46.
Watteau, 119.
Whistler, 229.
Wilde, 256, 259.
Worth, 68.
Y
Yung, 7.
Z
Zeddes (de), 31. Zola (Émile), 19, 21, 22, 23, 57, 58, 75, 76, 101, 102, 109, 112, 115, 126, 134, 140, 141, 150, 151, 162, 185, 187, 192, 194, 196, 209, 223, 224, 246, 248, 254, 255, 257, 267, 279, 288, 318. Zola (Mme), 11, 134, 140, 196, 209, 223.
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TABLE DES MATIÈRES
ANNÉE 1878 1
ANNÉE 1879 53
ANNÉE 1880 97
ANNÉE 1881 129
ANNÉE 1882 171
ANNÉE 1883 233
ANNÉE 1884 283
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