Journal des Goncourt (Deuxième volume): Mémoires de la vie littéraire
Au dîner, à propos d'un mot de je ne sais qui, la princesse s'emporte contre l'antiquité, la tragédie; et déclare n'aimer, ne sentir, ne comprendre que le moderne,—et semble avoir pour tout le classique l'horreur d'un écolier pour un pensum.
Le soir, Chesneau vient remercier la princesse de sa croix. Dans la journée, elle m'avait demandé si Flaubert était décoré, et comme je lui répondais qu'il ne l'était pas, et que ce serait un honneur pour le gouvernement de le décorer, elle s'est écriée: «Je n'en savais vraiment rien; si j'avais su ça, je l'aurais demandé directement; mais je le savais si peu, que, l'autre jour, nous nous le demandions avec Charlotte.»
A onze heures et demie, les hommes sont montés causer et raconter des histoires chez le vieux Giraud jusqu'à deux heures du matin. C'est l'habitude de la maison.
J'oubliais. La princesse a eu toute la journée une joie enfantine. On lui a apporté sa médaille d'or. Elle veut en faire un bijou, une espèce d'ordre et à la fois un bouquet de côté, pour porter dans ses soirées.
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Mardi 15 août.—Eugène Giraud nous mène à la maison rustique qu'il possède à Saint-Gratien, une maison inventée dans une grange, et bâtie et décorée de débris moyenageux, et où les lierres, la vigne folle, toutes les plantes de liberté, jettent leurs lianes et leur verdure zigzaguante sur le bric-à-brac de l'architecture de l'intérieur. C'est le cottage, le vrai nid d'une lune de miel romantique.
Giraud n'y habite jamais. On a voulu la lui acheter le prix qu'il en voudrait. Il s'y est refusé. Singulier homme, vrai artiste, original qui a passé sa vie à faire des folies comme l'achat de cette maison, comme l'achat de sa grande maison de Paris, folies qui l'ont fait riche sans qu'il y songeât. Vieil habitué de coulisses, honnête noctambule du boulevard, faisant lit commun avec sa femme, dans une coucherie patriarcale, qui a le grand fils au pied du ménage, en travers, sur un lit de sangle.
En retournant au château, nous trouvons la princesse revenant du TE DEUM pour la fête de l'Empereur, dont elle a eu la discrétion de ne pas nous parler. Au déjeuner, il est question des nominations de la Légion d'honneur, passées au MONITEUR. A ce propos, Giraud trouve qu'il y a des croix qu'on aurait dû donner, et, poussé par la princesse, finit par prononcer le nom de Carpeaux, déclarant que ceux qui la méritent le plus, sont ceux à qui on la fait le plus attendre.
La princesse, qui a la voix nerveuse et le rire strident d'une femme qui a éprouvé quelque contrariété, la princesse s'emporte, et avec une sorte de colère, soutient que les gens de talent ont le temps d'attendre, qu'il ne faut pas les combler, qu'à force de récompenses, on les endort, qu'il faut qu'ils aient quelque chose à espérer. Giraud ne démord pas de sa proposition, et la soutient, nettement, bravement, carrément.
Quand on l'entend parler ainsi, l'estime vient pour cet homme qui passe pour un courtisan, et qui, dans cette maison, gardant toutes les libertés de la discussion, fait à tout moment passer la voix de la vérité sous le couvert de la blague.
Il pleut, Giraud est parti. La princesse travaille à l'atelier. Elle a repris un portrait commencé, un portrait aux trois crayons de la princesse Primoli, qui pose avec ses beaux et bons yeux, ses noirs cheveux luisants, ses dents blanches, toute la ronde bienveillance de son visage, qui a l'air chatouillé d'envie de dormir.
Hébert, assis derrière la princesse, sans toucher un crayon, préside au travail, et c'est à tout moment:
«Faites donc cela avec la main morte… Indiquez ceci comme cela… Mettez de la sauce là… je sais bien, vous ne voulez pas vous salir les doigts?»—«Si Monsieur!» répond la princesse. Une leçon coupée de petites révoltes charmantes et de bougonnements pleins de grâce, au milieu de laquelle tombe soudainement une envie de manger du cocomero.
Et voilà les figures des deux femmes entrant dans ces tranches roses bordées de vert, qui leur laissent aux joues comme du fard mouillé, et où ça et là, un pépin noir fait une mouche.
Les trois chiens ronflent dans leur panier, et toujours des dépêches, et un travail, par ce jour de fête, comme si la princesse avait à gagner sa vie, et attendait pour dîner le prix de son portrait.
Cela dure presque jusqu'à six heures et demie, où chacun va passer l'habit du dîner. Au second service, on annonce la fanfare d'Ermont. «Dites que je suis couchée et que j'ai la migraine,» fait la princesse. On passe du champagne, et la princesse levant son verre: «A la santé du tyran!» comme dit Giraille….
Et l'on cause peinture et commandes. Hébert demande à la princesse conseil à propos d'un travail que sollicite de lui la Païva, qui est venue un jour l'enlever dans son atelier. La princesse est fort indignée qu'un peintre, de la valeur d'Hébert, travaille pour une pareille femme, et lui dit:
—«Une drôlesse comme ça, protéger l'art… Mais vous ne pourriez pas seulement mener chez elle votre mère voir vos peintures!
—Ne faites pas vos yeux jaunes, dit Hébert, en se défendant mollement.
—C'est que pour moi, c'est bien simple ces questions-là, reprend la princesse, vous pouvez faire tout pour ces dames, quand c'est gratis, mais du moment qu'il y a de l'argent… Est-ce que vous ne pensez pas comme moi?» dit-elle brusquement à Soulié, qui soutient cyniquement qu'un artiste comme Raphaël aurait travaillé pour n'importe quelle femme de son temps, et finit par s'écrier: «Moi je n'ai pas de principes!»
Cette déclaration fait lever la princesse, qui se retournant, prête à sortir, nous souhaite le bonsoir, en nous jetant: «Vraiment, avec vos indulgences si je revenais au monde, vous me feriez désirer, Messieurs, d'être une femme à tempérament, une gueuse!»
Nous remontons avec Hébert qui nous parle de Rome, de l'Académie, des lignes de la campagne de là-bas avec une voix amoureuse et émue d'un homme qui y aurait là, la patrie de son talent, de ses goûts, de ses bonheurs. Comme nous causions, un grand laquais m'a apporté de la part de la princesse une pommade quelconque pour un rhume de cerveau. La princesse a beaucoup de ces gentilles attentions, de ces petites façons de vous dire qu'elle pense à vous.
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Mercredi 16 août.—Arrivent ce matin, à déjeuner, le ménage Benedetti, et le médecin du prince Napoléon, qui vient de couper à la princesse une petite verrue qu'elle avait sur la paupière. On cause santé, et comme quelqu'un fait à la princesse compliment de sa belle santé, elle dit: «Oh! moi, je n'ai jamais été malade. Sauf une scarlatine, jamais rien de rien, jamais de sangsues, de vésicatoires. Je ne connais que l'huile de ricin et l'eau de Pulna.»
Dans l'omnibus qui nous a ramenés à Sannoy, nous repassions ces trois journées. Nous jugions la princesse. Nous trouvions que peu de bourgeoises mettraient autant de bonne enfance dans leur amabilité. Nous revoyions, dans la princesse, une maîtresse de maison plus attentive aux gens qu'elle invite, et les distinguant plus délicatement, que presque toutes les femmes du monde que nous avons vues jusqu'ici. Nous pensions à cette liberté, à ce charme de brusquerie, à cette parole passionnée, à cette langue colorée d'artiste, à ce sabrement des choses bêtes, à ce mélange de virilité et de petites attentions féminines, à cet ensemble de qualités, de défauts même, marqués au coin de notre temps, et tout nouveaux dans une Altesse,—et qui font de cette femme le type d'une princesse du XIXe siècle: une sorte de Marguerite de Navarre dans la peau d'une Napoléon.
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19 août.—La joie de voir bientôt notre pièce jouée, un peu mêlée de tressaillement et d'angoisse, et même cette joie légèrement atténuée par l'approche trop rapide de la réalisation de la chose, qu'on aimerait mieux continuer à sentir devant soi, à sentir à l'horizon.
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28 août.—30, rue du Petit-Parc, avenue de l'Impératrice. M. Bressant? Un domestique nous introduit dans un salon, tout empli de tableaux de Bonvin et de Wattier, parmi lesquels se voit un grand et noir portrait de Bressant, où la jeunesse de l'acteur est peinte fatalement, avec des empâtements blafards, et je ne sais quel air sinistre d'Hamlet chez M. Scribe. Au milieu de ces peintures est un buste en marbre d'une élégante femme, portant des armoiries à la ceinture… Bressant entre, commence par refuser le rôle, nous dit que les autres rôles sont superbes et mettent le sien au second plan, qu'il y a longtemps qu'il n'a joué, qu'il veut créer quelque chose, et que notre rôle ne lui semble qu'un rôle de confident. Là-dessus, comme nous nous levons, en lui témoignant tous nos regrets, il s'écrie qu'il voudrait bien nous rendre service, qu'il a peut-être lu le rôle d'une manière superficielle, qu'il le relira et qu'il verra…
Je commence à m'apercevoir que les comédiens sont comédiens chez eux. Leur habitude est de commencer par dire: non. Ils aiment à se faire prier et veulent se faire obtenir. Il me semble que j'entre dans un monde de diplomatie particulière, où la parole est donnée à l'acteur pour déguiser l'envie qu'il a d'un rôle, la crainte qu'il a de le voir aller à un autre.
Rue du Petit-Parc, 32. C'est chez Delaunay. Thierry nous a dit que c'était une affaire faite, et nous allons, par politesse, le remercier d'avoir pris le rôle.
Ici, c'est un autre intérieur, de petites pièces, des meubles de damas, des gravures consacrées: la Vierge à la Chaise, Napoléon Ier, des photographies parmi lesquelles un portrait de Delaunay en regard d'un portrait de femme. Entre les rideaux on aperçoit un jardinet à tonnelle de marchand de vin de la banlieue. Delaunay est dans une élégante chemise de nuit.
Aux premiers mots de remerciements que nous lui adressons, il fait l'étonné, dit qu'il ne comprend pas, que Thierry ne lui en a pas parlé, que ses camarades l'ont assuré qu'on avait engagé un amoureux, qu'il pensait que c'était pour ce rôle. Comme nous insistons sur la valeur du rôle, il nous dit qu'à la lecture, il n'y a pas fait attention, qu'il était tout à la pièce, qu'il est impossible qu'il joue un rôle de dix-sept ans. Nous voilà forcés de le prier. Il veut bien nous dire qu'il réfléchira. Nous sortons, en ne comprenant pas, mais pas du tout…
Un étonnement nous est venu de la laideur, chez eux, de ces hommes qui représentent l'amour devant la rampe, avec leur teint gris, leurs traits comme grossis et déformés par la mimique théâtrale, leurs narines larges et dilatées.
A quatre heures, nous allons raconter à Thierry, nos visites à Bressant et à Delaunay. Le diplomate, presque ecclésiastique qu'il y a en lui, laisse percer de ces comédies une sourde colère. Et sa voix, si onctueuse, prend un petit tremblement rageur: «Comment! Delaunay vous a dit… Mais je lui ai racheté son congé précisément, pour l'avoir au mois de septembre… Voyez-vous, ici, rien n'est vrai… Ce qu'on dit n'est pas vrai… Le mensonge même n'est pas vrai… Oui, oui, rien n'est vrai ici!»
Dîner le soir chez Magny. Sainte-Beuve et Soulié nous confirment l'annonce de l'INDÉPENDANCE BELGE. Nous devions être décorés le 15 août. La princesse l'avait demandé directement à l'Empereur, sans nous en parler, et nous avait invités à passer la fête chez elle, pour nous faire la surprise de la croix. Nous sommes vraiment fort touchés, et véritablement reconnaissants à la princesse de cette pensée de coeur, que nous n'aurions pas connue sans l'indiscrétion de ses amis.
Notre croix est remise au mois de janvier, où nous devons être décorés en compagnie de Taine et de Flaubert.
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29 août.—Encore à table, nous causons de nous, après dîner… Je n'ai pas les mêmes aspirations que l'autre de nous. Lui, sa pente, s'il n'était ce qu'il est, ce serait vers le ménage, vers le rêve bourgeois d'une communion d'existence avec une femme sentimentale. Lui est un passionné tendre et mélancolique, tandis que moi je suis un matérialiste mélancolique… Je sens encore en moi, de l'abbé du XVIIIe siècle, avec de petits côtés cruels du XVIe siècle italien, non portés toutefois au sang, à la souffrance physique des autres, mais à la méchanceté de l'esprit[1]. Chez Edmond, au contraire, il y a presque de la bonasserie. Il est né en Lorraine: c'est un esprit germain. Edmond se voit parfaitement militaire dans un autre siècle, avec la non-déplaisance des coups et l'amour de la rêverie. Moi je suis un latin de Paris… moi, je me vois plutôt dans des affaires de chapitre, des diplomaties de communautés, avec une grande vanité de jouer des hommes et des femmes pour le spectacle de l'ironie. Est-ce qu'il y aurait chez nous une naturelle prédestination de l'aîné et du cadet, comme elle fut sociale autrefois. Nous découvrons cela pour la première fois.
[Note 1: Je donne la note telle qu'elle a été rédigée par mon frère après avoir été parlée; mais je dois déclarer qu'il y a dans cette note de mon frère une exagération à se peindre en laid et à me peindre en beau.]
Au résumé chose étrange, chez nous, la plus absolue différence de tempéraments, de goûts, de caractère, et absolument les mêmes idées, les mêmes sympathies et antipathies pour les gens, la même optique intellectuelle.
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30 août.—C'est décidément plus difficile de distribuer une pièce que de composer un ministère. Ce qui me paraît dominer chez l'acteur, ce n'est pas le désir d'avoir un beau rôle, c'est d'empêcher un camarade de l'avoir.
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31 août.—Bressant a pris le rôle de Got. Nous allons chez Got pour tâcher d'obtenir qu'il joue le rôle de Bressant. Nous le trouvons aujourd'hui en débraillé, en pantalon de toile bleue, en vareuse d'ouvrier. C'est un autre particulier que les autres. Rien de réservé, de diplomatique. S'il joue quelque chose, c'est plutôt la rondeur. Il s'invite sans façon à déjeuner chez nous pour le lendemain, cause de notre pièce, des rôles non distribués, du péril de tomber dans le babouin, si nous n'avons pas Mme Plessy, etc., etc.
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1er septembre.—Got vient déjeuner chez nous. C'est un acteur qui a fait ses classes et qui a l'air d'arriver de la campagne avec une gaie figure de vicaire de village et de madré campagnard. Il a une gaîté de sanguin, le rire large, ouvert, communicatif.
On sent en lui l'acteur qui voit, qui observe, qui est à la recherche de types, de caractéristiques silhouettes humaines: il nous dit, sans savoir dessiner, jeter très bien le mouvement d'un bonhomme sur le papier. Comme nous lui parlions de la mystérieuse cristallisation du rôle d'un auteur dans la personne d'un acteur, il nous confesse le composer d'abord avec la pensée de l'auteur, en y entrant entièrement,—c'est pour cela qu'il ne crée jamais sûrement un rôle dans une pièce d'auteur mort, car pour lui, avec l'auteur, le rôle meurt.—Il faut qu'il entende l'auteur lire et expliquer le rôle dans son mouvement à lui. Puis, dit-il, quand il a le bonheur de pouvoir raccorder la pensée de l'auteur avec un type vivant qu'il a en vue: c'est fait, il tient son personnage. Dans Giboyer par exemple, son type vivant a été Jean Macé, avant qu'il fût un homme rangé.
Sur le nom de Mme Plessy prononcé par moi, il nous fait d'elle un portrait de forte mangeuse, d'une femme qui dévorerait un dindon. «Oui, dit-il, après des pièces, elle a des paresses, des langueurs de créole. Tout à coup son oeil s'allume et elle s'écrie avec une bouche humide: «Mon Dieu! que je mangerais bien un peu de boeuf à l'huile!»
«Ah! vous allez avoir de rudes répétitions, continue-t-il, des répétitions de trois heures, mais il faut cela, voyez-vous. Voilà un joli mot de Mlle Mars; au milieu de répétitions qui n'en finissaient pas, elle s'écria: «Ça ne m'amuse pas plus que vous autres, mais je «ne vomis pas encore assez mon rôle!»
Comme tous les hommes d'un talent moderne et vivant, il a le goût d'écouter dans la rue, sur les impériales des omnibus, et il nous conte ce dialogue entendu par lui, ce dialogue de deux ouvriers, le plus jeune gourmandant le plus vieux: «Elle se fichait de toi, cette femme!—Je l'aimais.—Mais elle couchait dans le garni avec un sergent de ville!—Je le savais… cette femme-là, vois-tu, je lui aurais mangé le délivre!»
Et nous voici avec Got à attendre, aux Français, Thierry qui est allé lire notre pièce à Mme Plessy et essayer de la décider à jouer son premier rôle de mère. Nous attendons en compagnie de ce pauvre Guyard, le lecteur mélancolique de tous les ours, un homme si attristé de toutes les tragédies infiltrées en lui, qu'il rêve toutes les nuits que son ménage est dans un cachot, et assailli à tout moment, à propos de ces tragédies, d'incidents comme celui-ci: il vient de recevoir une lettre d'un malheureux qui lui écrit d'un lit de la Charité, qu'il a un pistolet sous son traversin, pour se brûler la cervelle, si sa pièce n'est pas reçue.
Ces histoires coupées d'esquisses drolatiques par Got des gens passés et présents du Théâtre-Français, et qui comparait l'attitude d'Empis, devant les cotillons de la Comédie-Française, à celle d'un dindon mis en présence d'un oeuf en plâtre.
Là-dessus Thierry entre, fatigué, éreinté, les cheveux pleurant sur la face, les yeux coulés dans les joues, pareil à la peinture d'un christ byzantin, très fatiguée. Mme Plessy se décide, non sans hésitation, à jouer, mais elle exige une excellente composition.
Dans cette fatigue d'émotions perpétuelles, assis sur une chaise du boulevard, après dîner, la réalité des passants, des choses, du boulevard, perd de son relief, et tout prend à nos yeux des effacements de rêve.
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Samedi 2 septembre.—La loge de Got: un divan qui fait le tour de la pièce couvert en algérienne, une grande natte par terre, trois étagères, une sorte de panoplie faite avec des sabres, des épées.
Ce soir, Got en s'habillant, nous raconte ses débuts. Lorsqu'il a commencé à répéter, il avait encore son habit de troubade sur le dos; il était caporal. Il nous parle de sa première création, de la création de l'abbé dans IL NE FAUT JURER DE RIEN, rôle qui lui échut à la suite du refus de tous les sociétaires. Musset aux répétitions l'y trouvait détestable et ne se cachait pas de le lui dire. Il voulait qu'il le jouât en soutane, et Got précisément, à cause des circonstances, ne voulait le jouer qu'en lévite.
Cette altercation entre l'auteur et l'acteur se termina par cette phrase de Musset: «Au fond je m'en f…, puisqu'on se tire des coups de fusil!» C'était le 22 juin 1848.
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3 septembre.—… Aujourd'hui la princesse a été d'un révolutionnarisme terrible; au milieu du monde académique qu'elle avait à dîner, elle a déclaré tout haut et violemment qu'elle préférait un vase japonais à un vase étrusque… Retour en chemin de fer avec Carpeaux qui déborde d'esthétique passionnée. Le beau pour lui est toujours la nature: le beau trouvé comme le beau à trouver… Et encore pour lui le corps humain actuel, dans les beaux échantillons, offre d'aussi beaux modèles que la Grèce. Il y a encore des athlètes: ainsi ce cent-garde qui fait un trou à une pièce de vin, et la boit en la tenant au-dessus de sa tête.
Pour Carpeaux comme pour tous les gens de talent et d'avenir de ce temps-ci, il n'y a pas d'idéalisation du beau, il n'y a que sa rencontre et sa perception. Bref, c'est un artiste capable de faire un croquis en omnibus,—ce dont le blague, comme un imbécile qu'il est, un membre de l'Institut qui est là.
Ce Carpeaux: une nature de nervosité, d'emportement, d'exaltation, ce Carpeaux: une figure fruste, toujours en mouvement, avec des muscles changeant continuellement de place, et avec des yeux d'ouvrier en colère:—la fièvre du génie dans une enveloppe de marbrier.
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6 septembre.—8, rue des Saints-Pères, chez Mme Plessy. Nous allons la remercier. Elle allait sortir. Elle a son chapeau sur la tête. Une poignée de main vive, des paroles animées, des gestes de passion. La voix perlée du théâtre, perdue, emportée dans la chaleur des entretiens émotionnés. J'ai rarement vu la vie se dégager aussi électriquement d'une femme.
Elle nous a dit ce joli mot: «C'est le premier rôle de maman que je joue… après cela, elle est si coupable!»
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11 septembre.—Relecture de notre pièce aux acteurs. Maintenant qu'on a décidé Got à prendre le rôle de Bressant, Mme Plessy à remplir un rôle de mère, maintenant qu'il y a eu pour engager les uns et les autres à jouer, plus de démarches, de courses, de diplomatie dépensée que pour un traité de paix,—voici Delaunay—le personnage sur lequel repose toute la pièce—qui refuse son rôle, non qu'il se plaigne que la pièce soit mauvaise ou le rôle déplaisant, au contraire; mais il le déclare trop jeune pour lui. Il faut par malheur que, le matin même, le CONSTITUTIONNEL l'ait trouvé trop vieux dans Damis, et d'ailleurs, ainsi que tous les jeunes premiers dont la coquetterie est à rebours, il aspire aux rôles plus vieux que son âge, au rôle du Misanthrope. Au fond il semble qu'il veuille avoir la main forcée, de façon à être couvert par un ordre ministériel.
Tout philosophe qu'on peut être, et quelque raisonnement qu'on se fasse, cette continuité d'exigences, de prétentions, d'importances, de vanités d'acteurs, vous agace à la fin jusqu'à l'impatience. Et c'est que cela vous arrive de tous côtés, des petits comme des grands. La petite Dinah me demande assez maussadement d'ajouter dix jolies lignes à son rôle, et Lafontaine me témoigne un peu de mauvaise humeur d'avoir été ouvrier dans le passé de M. Maréchal.
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13 septembre.—Il est pour les auteurs, un empoisonnement, un empoisonnement, où chaque jour apporte sa petite dose de poison: c'est la vie au milieu de gens pleins de doute, prêtant au succès d'une pièce les hasards du jeu, et défiants naturellement d'un début, et par les demi-mots, les sous-entendus, les consolations par avance même du four futur, vous glaçant petit à petit, et qui arrivent à vous donner une certaine défiance de l'oeuvre, dans laquelle vous aviez une foi entière.
Il y a dans tout ce monde des acteurs une impersonnalité qui inquiète. Ils n'ont pas l'air d'être quelqu'un; mais les personnages qu'ils travaillent à être. Il y a chez ces êtres une habitude de changer de peau, qui ne laisse pas en eux un bonhomme sur lequel on puisse mettre la main. Le tréfonds de leur pensée et de leur conscience ne vous apparaît pas.
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14 septembre.—Delaunay refuse décidément son rôle, et avec le refus de son rôle, la pièce a l'air de devenir impossible. La pièce se désagrège, et, comme nous dit Thierry, «cette maille qui part, fait partir tout le bas du filet».
Une journée où on se promène avec du désespoir. Nous traînons nos pieds dans les feuilles mortes du jardin des Tuileries, sans vision des choses ni des gens, de l'amertume plein la bouche.
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15 septembre.—Eh bien! vieil ami, on nous a dit que tu étais un peu souffrant?
—Ah! vous savez, on est bête!
Et il lui vient, se pressant, un tas de phrases embrouillées par de l'oppression de poitrine, par une émotion qui monte et met des larmes dans ses yeux et dans sa voix qui se mouille et bredouille.
Puis essayant comme de se railler: «Je lui avais bien dit: On ne tue pas seulement un homme avec un coup de pistolet… chaque fois que ça me revient, depuis deux mois… c'est comme une aiguille à tricoter qui me passe là—et il se touche la poitrine à l'endroit du coeur.—Je viens de voir le docteur… Je lui ai tout dit… dans ces choses-là, vous comprenez, il faut tout dire… Ah! un fort saisissement que j'ai eu… C'est que ç'a été si brusque… Je l'avais quittée le mardi… Elle m'a écrit le mercredi… et le dimanche ses bans étaient publiés… Il n'y avait rien eu entre nous, la dernière fois… Seulement en s'en allant elle m'avait montré son chapeau… c'était sans doute son chapeau pour se marier… Mon Dieu, quand elle m'avait parlé de se marier, je l'avais toujours engagée à le faire… mais ça a été trop prompt… Puis ces derniers jours aussi, elle m'avait dit—oui, j'en ai été frappé:—«Je croyais n'avoir que cela, j'ai tel âge…» Elle l'avait vu, son âge, sur l'acte de naissance, qu'elle avait fait venir pour son mariage.
Ainsi il va se raccrochant à chaque petit souvenir, en en dégustant l'amertume, avec une voix qui à tout moment sombre dans de l'émotion, pendant que du jaune lui monte dans le teint.
Le soir, après dîner, il nous dit: «Les *** étaient retournés en Italie. Je n'avais plus personne, mon fils était en pension… Dans mes rêves creux, je demandais à Dieu une femme pour la protéger, pour être un intérêt dans ma vie… Quand je reçus sa lettre, mes voeux étaient exaucés… Je la voyais, tous les quinze jours, dans un hôtel… jamais chez moi ni chez elle. Je m'étais défendu de jamais aller chez elle, de peur d'être jaloux… Je voulais ne pas l'être, ne rien savoir… Tous les quinze jours, j'arrivais le premier… Les femmes, vous savez, ça se fait toujours attendre… On me donnait mon journal… Il y avait du feu… Je lisais en l'attendant… Elle arrivait, elle ôtait son chapeau… Je lui disais: «Qu'est-ce que vous avez fait depuis que je ne vous ai vue… dites-moi tout…» Elle me le racontait longuement… Puis elle me demandait des renseignements sur des choses qu'elle n'aurait pas osé demander à d'autres… Je lui donnais des livres à lire… Nous causions sur ce qu'elle avait lu… Elle me disait souvent: «Vous ne savez pas, je ne dis pas l'amour, mais l'attachement que j'ai pour vous… Nous déjeunions… Je passais là, quatre ou cinq heures… Elle s'en allait, je la regardais dans l'escalier…. Qu'est devenu tout cela?… Il y a deux mois que je n'ai reçu une lettre d'elle.
Il cherche sur lui des lettres, et les feuilletant:—«Tiens, voilà la dépêche de ma mort, pour mon fils!
—Oh! vieil ami!
—J'étouffe, non, je ne peux pas surmonter cela!»
C'est un vieil ami de la famille, un vieillard de 76 ans, qui nous dit cela, avec l'accent d'une vie brisée, d'un homme blessé à mort, qui aurait perdu du même coup une habitude de quinze ans, une famille, une fille, une maîtresse. Je ne sais quoi de tragique, de funèbre et de touchant s'échappe de la désolation passionnée de ce vieillard, qui semble ne plus vouloir avoir la force de vivre, et que le délaissement frappe au coeur comme avec une épée.
Comme je lui parlais d'un voyage, en compagnie de son vieux domestique que nous avons baptisé Leporello, le vieil homme a murmuré d'un ton moitié triste, moitié ironique: «Pauvre don Juan que je ferais!»
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Dimanche 17 septembre.—Mérimée vient faire une visite à Saint-Gratien. De gros traits, d'épais sourcils noirs, la forte encolure des hommes d'esprit de Louis-Philippe, le type d'un censeur de collège de province. Comme il désire faire acheter à la princesse une villa à Cannes, il en a apporté les dessins faits par lui: des gouaches criardes rappelant les éruptions du Vésuve encadrées de noir.
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18 septembre.—Nous allons voir Camille Doucet à propos de l'affaire Delaunay. Dans l'antichambre le garçon lit la GAZETTE DES ÉTRANGERS, et de gras cabotins de province, et des Antony de troupe ambulante attendent mélancoliquement sur les banquettes. Delaunay sort du cabinet de Camille Doucet, qui nous dit avoir tout épuisé auprès de lui sans succès. Delaunay ne veut décidément pas jouer, et demande, pour y être forcé, un procès.
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25 septembre.—Nous sommes dans la situation de gens qui font effort, pour tuer le temps, l'anéantir, par de continuels changements de place et de lieux, toutefois pleins de tressaillements à un coup de sonnette, à un bout de lettre aperçu dans notre case, chez le portier.
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26 septembre.—On est venu nous dire que le vieil ami se mourait. Déjà!
Nous sommes dans un grand salon, où il y a le vide et le désordre d'un emménagement commencé. Par une glace sans tain, on voit sur une commode une rangée de bouteilles et de remèdes, et dans un lit quelqu'un, qu'on devine couché derrière les oreillers relevés, et à travers ce cadre transparent qui ouvre l'appartement sur la mort, passe et repasse, active et glissante, une soeur de Bon-Secours, noire sous sa coiffe blanche.
Il se meurt. Il a voulu recevoir l'extrême-onction ce matin. Un prêtre de Saint-Augustin a été appelé, et le prêtre là, il n'a pas voulu le recevoir. C'est le prêtre qui a marié la femme qu'il aimait. Est-ce curieux, et ça ressemble-t-il aux inventions d'auteur, les combinaisons dramatiques amenées par les événements de la vie?
Nous sommes entrés dans sa chambre. Il nous reconnaît. Il nous serre la main avec une main presque encore vivante, et refermant les yeux, nous dit comme avec le dernier soupir de sa gaîté passée: «Castor et Pollux.» Rien de déchirant comme ce suprême sourire d'un homme qui commence à être un mort.
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27 septembre.—C'est une agonie horrible, le mourant éprouve un sentiment de vide, si douloureux dans le corps, qu'il demande qu'on le remplisse avec des chiffons, de la viande, avec n'importe quoi… De temps en temps, il supplie Dieu, de le faire mourir. Aux paroles des gens qui le réconfortent, aux discours du médecin il a des gestes d'un abandon désespéré…
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28 septembre.—C'est fini. Nous voyons le mort, un foulard noué en turban sur la tête, le drap remonté sous le menton et tombant droit avec une croix sur la poitrine, et dans son profil sculpté par la mort, un calme où il y a presque un souffle et un sourire…
Des ballots noirs sont dans la salle à manger, des ballots au milieu desquels est une demoiselle de magasin de deuil, qui les déficelle, en faisant l'article: «Voulez-vous un châle carré pour les domestiques?… Désire-t-on une robe de chambre pour la toilette de l'eau… Prenez ceci, c'est très avantageux.» C'est la devinaille de toute une maison, et de la situation, et de l'âge des domestiques, et du degré de douleur à ménager chez les parents, et d'un merveilleux bagou approprié à la qualité du chagrin de chacun.
Aujourd'hui Thierry nous déclare qu'il est impossible de jouer la pièce dans ce moment, qu'il faut la remettre après celle de Ponsard. «Il y a un vent de grève sur le théâtre français,» nous dit-il. Et nous avons cette mauvaise fortune sans exemple à la Comédie-Française, d'être arrêtés, les rôles distribués et acceptés par les meilleurs acteurs de la troupe, les décors faits et essayés,—et cela par la volonté d'un seul acteur qui a reçu notre pièce à boule blanche, et qui joue, tous les soirs, dans Musset, des rôles aussi jeunes que celui, dont il a prétexté la jeunesse pour ne le pas jouer. Du reste, nous savons à peu près le fond de l'affaire. Delaunay nous a dit qu'il jouerait notre pièce, la répéterait le lendemain du jour où le ministère lui accorderait ce qu'il lui avait demandé. Qu'est-ce? sans doute une position égale à Bressant.
Bref, notre pièce est tuée par ce refus.
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2 octobre—Saint-Gratien… Nous sommes dans le potager. Je vois à la princesse les yeux rouges. Elle vient de recevoir de Girardin la dépêche annonçant la mort de sa fille, très touchée de la tournure: «L'angélique enfant ne dira plus: «Comme j'aime la «princesse!»
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Dimanche 8 octobre.—Retour de Cernay, d'une assez lugubre auberge de paysagistes, où nous étions arrivés hier, en repassant par Dampierre, le royaume des Luynes: une de ces grandeurs mortes tristes à faire pleurer et qui enversaillent l'âme.
J'ai remarqué, que dans tous les endroits où il y a de vieux monuments d'histoire, il se rencontre plus de vieilles gens qu'ailleurs: les centenaires s'abritent aux vieilles pierres.
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10 octobre.—Vraiment c'est une chose injuste qu'on n'ait pas donné à notre corps l'étoffe de notre caractère. Nous voici tous les deux pris de crises d'estomac et de foie, qui se succèdent et renaissent de nos mutuelles anxiétés. Et voilà ces mauvaises nuits de maladie, où sans personne à la maison, le plus valide de nous est à courir le pharmacien, à découvrir un médecin quelconque, à maladroitement et fiévreusement chercher à faire du feu avec de la braise dans un fourneau—avec une vague terreur et qu'on ne se communique pas, du choléra qui court.
—En notre état de maladie, de souffrance, une espèce d'insapidité de tout, et des impressions pâteuses des choses dans l'esprit comme dans la bouche.
—Tout pourrit et finit sans l'art. C'est l'embaumeur de la vie morte, et rien n'a un peu d'immortalité que ce qu'il a touché, décrit, peint ou sculpté.
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20 octobre.—Barbizon, forêt de Fontainebleau. Il y a vraiment du courage à nous, si malingres dans ce moment, d'être venus ici, pour travailler à notre roman (MANETTE SALOMON); oui, du courage, d'habiter cette mauvaise auberge, à l'inconfortable accepté par la nature ouvrière des peintres, dans ces chambres sans cheminée, à cette table où l'on est obligé de se jeter sur le gruyère à la fin des repas, et sur laquelle plane la tristesse des fruits secs, assis là cette année: tristesse se mêlant à la sinistre mélancolie des maladies qui commencent à s'y donner rendez-vous.
Il s'y trouve une espèce de fou, un phtisique qui tousse toute la nuit, un malade de la moelle qui fauche d'une jambe. Ce dernier, un nommé Vittoz, qui est un sculpteur, plein de choses et de ressouvenirs de toutes les grandes capitales de l'Europe, parlait ce soir, et très bien, de Sauvage, l'inventeur de l'hélice, qu'il a beaucoup connu.
Il le peint avec ses cheveux blancs, sa barbe blanche, sa belle tournure théâtrale, ses grands gestes dans les habits de la misère, dans son immense redingote bleue, et se détachant, en sa silhouette d'ouvrier stoïque, sur les hauteurs de Ménilmontant, où on le voyait rapporter du marché, son déjeuner et son dîner du lendemain.
Il nous montre ce type d'inventeur sublime volé, volé, volé par tout le monde, volé par Ericsen de sa découverte de l'hélice, volé par Girardin de sa découverte du physionotrace, et vivant, à la fin de sa vie, d'une misérable pension faite par le ministère de la marine, et toujours la tête dans un tas de découvertes, et soutenant en lui la flamme qui fait trouver avec de l'eau-de-vie,—et se préparant aux travaux de la nuit par le jeu enragé de deux ou trois heures de violon.
Il est mort en disant que «c'était vraiment dommage!» parce que la véritable application de son hélice était dans l'air et non dans l'eau.
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31 octobre.—Tous ces temps-ci, c'est une succession de petits accidents hostiles, une conjuration d'ennuis de tous les jours et de toutes les choses; une série de déveines, les taquineries bêtes et à la fois insupportables d'un enguignonnement… A côté des mauvais sommeils, des malaises de corps, toutes sortes de tracas intérieurs: notre toit, ouvert par les maçons pour une réparation, et la pluie tombant sur nos tapisseries comme dans la rue, et nous faisant relever, toute une nuit, pour décadrer des dessins et les sauver d'un déluge.
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1er novembre.—A la porte du petit salon de la princesse, une forme de femme blanche, en camisole et en jupon court. Un cri. Des chiens qui jappent. C'est la princesse en déshabillé, qui se sauve avec deux femmes en noir. Ces deux femmes en noir étaient la princesse Murat et sa fille Anna, dont la mère venait annoncer le mariage avec le jeune duc de Mouchy.
Après dîner, Sainte-Beuve parle de ses grandes colères à l'Académie—le jeudi—quand il avait les nerfs montés et toutes les susceptibilités hérissées par l'excitation de son article du CONSTITUTIONNEL. Il avoue que c'est allé, un jour, chez lui, à la suite d'une petite altercation avec Villemain, jusqu'à lui crier qu'il était aussi méprisable que… et à lever son parapluie sur lui. Car il y a toujours un parapluie dans toutes les grandes actions de Sainte-Beuve.
Mérimée vient le soir, et pour la première fois, nous l'entendons causer. Il cause en s'écoutant avec de mortels silences, lentement, mot par mot, goutte à goutte, comme s'il distillait ses effets, faisant tomber autour de ce qu'il dit une froideur glaciale. Point d'esprit, point de trait, mais un tour cherché, une façon de vieil acteur qui prend ses temps, avec un fond d'impertinence de causeur gâté, un mépris affecté de tout ce qui est illusion, pudeur, convenance sociale. Je ne sais quoi de blessant pour les gens bonnement constitués, s'échappe de cette sèche et méchante ironie, travaillée pour étonner et dominer la femme et les faibles.
C'est ainsi qu'il conte, en épais universitaire au ton léger, cette vieille histoire des CENT NOUVELLES, la belle jeune fille de la peste de Grenoble, se repentant, au lit de mort, d'avoir désespéré l'amour de sept ou huit soupirants, et leur en demandant un pardon si vif, qu'ils en meurent et qu'elle en guérit.
Et comme on parle de l'amour et de tous les sentiments complexes qui peuvent y entrer, il raconte l'histoire de son ami Malleville, enlevant une religieuse en diligence, vivant trois jours avec elle, au bout desquels, en apprenant qu'il était protestant, elle éprouva une telle révolution intérieure, que sa digestion fut dérangée. Et de là, passant au méli-mélo de la religion avec ces choses-là, il cite comme un modèle une lettre qu'il aurait bien voulu copier,—un chef-d'oeuvre du genre, à ce qu'il dit—une lettre qui commençait par l'invitation à l'amant d'aller au mois de Marie, à la suite un petit sermon, puis une petite infamie à laquelle on l'invitait après, et en post-scriptum un rendez-vous avec quelques jolies polissonneries.
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2 novembre.—En chemin de fer pour Bar-sur-Seine. Quatre heures et demie. Une ronde lune jaune. Un ciel presque indéfinissable du plus fin cobalt, d'un bleu pareil au bleu au-dessus des montagnes où il y a de la neige. Les petits tons grillés de l'automne noyés dans une vapeur où se perd la sourde et harmonieuse richesse des valeurs fanées. Les arbres, —une légèreté dorée—apparaissant dans la nuit comme feuilles de brouillard.
—La province dépasse le Roman. Jamais le Roman n'inventera la femme d'un commandant de gendarmerie mettant en vers les sermons du vicaire.
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5 novembre.—Je suis enfoncé sous l'édredon de la province. Ma vieille cousine me jette une lettre sur mon lit. Je l'ouvre. C'est Thierry qui m'annonce que Delaunay accepte le rôle, qu'il faut revenir, que la pièce doit être jouée le 1er décembre.
Le théâtre est vraiment une terrible machine à surprises.
Ce soir, le maire d'ici contait cette amusante anecdote. Il est lié avec Paul de Kock, lui envoie du cochon et du boudin, et a reçu en échange son portrait. Sa femme, un jour de Fête-Dieu, pour orner son reposoir, avait donné tout ce que le ménage avait d'artistique et le portrait de Paul de Kock était exposé à la vénération des fidèles, au beau milieu du reposoir.
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6 novembre.—… Sur le chemin de fer, il y avait une voiture avec un coupé et des volets fermés. On y a fait monter des femmes qui pleuraient dans des mouchoirs de cotonnade bleue. Des oiseaux qui étaient posés sur la voiture se sont dépêchés de s'envoler… J'ai lu alors: SERVICE DES PRISONS.
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10 novembre.—Enfin nous voici faisant répéter sur la scène, à côté du souffleur assis à une table. A la première répétition nous avons eu encore une terreur. A son entrée, Delaunay ne paraissait pas… On l'a appelé, enfin il est venu…
Ce qui nous frappe surtout, c'est le long ânonnement que les acteurs mettent à dire. Ils commencent à répéter, à réciter un peu comme des enfants. On sent le besoin qu'ils ont d'être serinés, montés, chauffés. Ils tâtonnent l'intonation, ils manquent le geste. A tout moment ils font des contresens à rencontre de ce que vous avez écrit. Et comme ils vous semblent longs à entrer dans la peau de votre rôle!
Il faut excepter pourtant Mme Plessy, elle seule a l'intelligence véritablement littéraire. Du premier coup elle comprend et elle rend. Elle a eu immédiatement le sentiment des choses observées, des choses vraies du rôle de Mme Maréchal. Elle a mis le doigt sur tous les cris du coeur, en disant: «C'est étonnant, les hommes, je ne sais pas où ils nous prennent cela?» Et chez elle, c'est une compréhension si vive, que l'a traduction est immédiate, intelligente toujours, quelquefois sublime.
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16 novembre.—Après les répétitions, dans cette haute salle des Français, on a l'impression de trouver le plafond de son chez soi écrasant, et le sommeil vous ennuie… La nuit vous paraît vide et impatientante, ainsi qu'à un homme qui a quelque chose devant lui qu'il voudrait hâter. On ne vit plus que sa première représentation.
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17 novembre.—Rien d'une volupté discrète comme l'ancien cachemire. Toutes les modes actuelles, avec leur tapage, me semblent habiller la femme de scandale: le cachemire me paraît envelopper le mystère et le secret de la femme du monde qui sort de chez son mari,—pour aller à son premier rendez-vous.
Il vous vient dans les répétitions une incroyable irritation nerveuse, produite par tous les remaniements imposés, exigés, conseillés, postulés par l'un, par l'autre. Suppression de ceci, atténuation de cela, changement d'entrée, déplacement d'un chapeau. C'est un tas d'observations, une suite de coupures dans le vif de votre phrase, de votre idée: c'est énervant à la longue comme une amputation faite à coups de canif.
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18 novembre.—Quelque chose d'austère au fond dans le théâtre. Les femmes y sont peu femmes. Elles y viennent un peu en tenue d'ouvrage, en brûleuses de maison. Robes et sourires, elles gardent tout, on le sent, pour le public. Nulle coquetterie, à peine de sexe. Rien de donné par elles au roman des coulisses. Pas la moindre intention de trouver là, l'amant ou le caprice. L'affaire de la pièce: rien que cela.
Singulière existence à rebours que cette vie des répétitions. Tout le jour dans de la nuit, dans des ténèbres éclairées par deux quinquets. Une absolue suppression de la vie réelle, du soleil, de l'heure du dehors. En sortant du théâtre à quatre heures, par une fin de jour, on tombe dans la rue, tout hébété et tout désorienté, et on ne sait plus si on vit ou si on rêve.
Une vie bien empoignante après tout, par sa création d'inventions, d'ingéniosités, de toutes sortes de petits détails d'une délicatesse infinie, enfin de tout un art insoupçonné. C'est la recherche et la trouvaille du geste qui est le geste de la parole qu'on dit, la formation des groupes, les communications établies ou brisées entre les personnages, tous les soulignements mis sous les paroles, le naturel à se lever, à s'asseoir, qui demande des dix reprises de la scène: toutes petites choses si absolues, si positives, d'une vérité si flagrante, qu'elles font crier, aussitôt trouvées: «C'est cela!»—et le mouvement trouvé, une petite émotion de joie passe en vous comme une chaleur.
On ne se doute pas de ce travail, de ce remâchement perpétuel dont ont besoin les acteurs pour se pénétrer de leur rôle. Il leur faut une infiltration quotidienne pendant un mois.
Le seul défaut de Mme Plessy est son instantanéité d'intuition qui ne s'arrête et ne se fixe pas. Elle comprend si vite qu'elle comprend chaque jour quelque chose de nouveau. C'est ainsi qu'elle a joué toute notre pièce de répétitions en répétitions, et morceau par morceau, d'une manière supérieure, mais elle n'était supérieure chaque jour qu'à un endroit, où elle ne l'était plus le lendemain.
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19 novembre.—Eugène Giraud nous racontait que Sainte-Beuve, pour se préparer à la charge qu'il en a faite à une soirée de Nieuwerkerke, avait pris l'étonnante précaution de prendre un lavement, afin, disait-il très sérieusement, d'avoir le teint plus frais.
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20 novembre.—Perpétuelle émotion que cette vie de théâtre! Aujourd'hui, quand tout semble gagné, Thierry nous dit que la censure est dans la plus grande animation contre la pièce, qu'elle conclura peut-être à l'interdiction.
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22 novembre.—Je sors navré de chez Gavarni. Mlle Aimée me raconte qu'on est dans la misère la plus affreuse, que ce sont tous les jours des scènes effroyables de fournisseurs. Il serait déjà expulsé de la maison qu'il a achetée 260 000 francs, si M. Trélat n'était mort. Par là-dessus des dettes, qu'on croyait éteintes, renaissent. Un menuisier a surgi avec un compte de 15 000 francs pour des fournitures impossibles, pour des portes qui étaient de la pure ébénisterie. Malgré son apparente indifférence, il y a des moments, où Gavarni se rend compte de sa position. Il lui est échappé de dire à Aubert «qu'il ne connaissait pas dans le monde un homme dans une position plus terrible que la sienne»!
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24 novembre.—Mlle Rosa Didier a amené aujourd'hui son fils à la répétition, un joli enfant de dix ans, qui dans une figure pâle, a deux grands yeux tout noirs et tout doux. On l'assied auprès du souffleur, et il essaye de répéter de sa petite voix l'engueulement de Bressant. Ça ressemblait à un chérubin qui épellerait, dans le ciel, le catéchisme poissard.
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25 novembre.—Aujourd'hui, on répète au trou du souffleur. La pièce commence à être admirablement jouée. Mme Plessy est presque toujours sublime, oui sublime, je ne recule pas devant le mot. Et quelle grande artiste dramatique n'a-t-on pas utilisée! Quant à la voix de Delaunay, c'est la plus adorable musique que puisse rêver un auteur pour sa prose.
Mme Plessy racontait avoir vu Scribe, dans les derniers temps, manger un mouchoir pendant une mauvaise répétition.
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26 novembre.—J'entre chez le libraire France. Un monsieur, qui est là, entend dire qu'il n'y a plus de places pour notre première. Ce monsieur ne connaît pas notre nom, n'a jamais lu un livre de nous. Et il dit: «Si je passais au théâtre, peut-être que…» C'est bien là le monde parisien, ce monde qui a envie de ce qui n'est plus possible.
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26 novembre.—La salle pendant les répétitions. Salle dans la pénombre avec des lueurs de lune glissant d'un côté sur les toiles de couverte des balcons et sur les muscles des cariatides des avant-scènes; au-dessous tout le fond de la salle obscurée, piqué de petits trous de jour cerise, filtrant par les rideaux rouges du fond des loges.
Le lustre, au milieu de ces ténèbres, scintillant de feux prismatiques ainsi qu'un bouquet de pierres précieuses dans une cave, ou comme des stalactites pendues à la voûte d'une grotte neigeuse.
Dans l'orchestre enseveli, sous une vague de toile grise, et éclairé par les deux quinquets à abat-jour de la scène et la lampe du souffleur, le manche d'une contrebasse dépassant la rampe, rayé d'un trait de lumière.
De temps en temps le tournoiement du lustre descendu et le souffle du lampiste dans les verres, donnant la sensation de la sonnerie d'un collier de petit chien.
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27 novembre.—En lisant Victor Hugo. Il me semble voir une séparation, un abîme de distance entre l'artiste et le public de nos jours. Dans les autres siècles, un homme comme Molière n'était que la pensée de son public. Il était pour ainsi dire de plain-pied avec lui. Aujourd'hui, les grands hommes sont plus haut et le public plus bas.
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—Les formes les plus distinguées et les goûts les plus populaciers peuvent s'accorder chez la femme;—chez l'homme, non.
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29 novembre.—Gavarni nous donne une grande preuve d'amitié en venant à la répétition. Il est très malade. Dans l'escalier, il est obligé de rester assis dix minutes sur la banquette de l'escalier pour reprendre sa respiration. Quand nous l'aidons à remonter en voiture, il est suffoqué à ce point qu'il peut à peine nous parler.
Thierry nous montre une lettre de Camille Doucet, dans laquelle le ministre Rouher et le maréchal Vaillant nous font l'honneur d'avoir cherché, trouvé un dénouement à notre pièce. Rouher veut que la fille soit seulement blessée, et qu'il reste l'espérance d'un mariage avec l'amant de sa mère. Le maréchal Vaillant en a trouvé un autre à peu près du même goût. Heureusement qu'il n'y tient pas, et, comme militaire, il n'est pas trop opposé au coup de pistolet du dénouement.
On vit tout entier absorbé, dans l'enchantement, le doux enivrement, la musique du jeu de ses acteurs, et la volupté de cela vous fait passer entre les épaules de petits frissons agréables. Puis, quand c'est fini, la répétition vous reste encore dans la tête, dans les oreilles, au coeur, comme une douce émotion mourante.
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30 novembre.—En me voyant si près d'être joué aux Français, je commence à croire qu'il pourrait y avoir une providence pour la constance de l'effort et le courage de la volonté.
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1er décembre.—… Qui regarde, au Cirque, ce joli spectacle: les enfants avec leur bouche ouverte de surprise et d'attention, montrant le blanc de leurs petites dents d'en haut, les yeux grands ouverts, qui clignent, de temps en temps, de la fatigue de regarder, le front creusé de deux ombres au-dessus des sourcils par la contraction de l'attention, le haut des oreilles rouge, contre le blond d'or pâle de leurs cheveux.
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2 décembre.—Enfin la sourde inquiétude de ces jours-ci a disparu. La censure a envoyé, pour donner son visa, son bonhomme drolatique, le censeur Planté.
L'impatience de ces jours-ci a fait place en nous à un contentement plein, tranquille, et qui ne voudrait pas aller en avant. Nous serions désireux d'en rester où nous en sommes, longtemps. Nous avons presque un regret d'en avoir sitôt fini avec cette douce suspension de la vie réelle dans les répétitions, avec ces délicieuses petites bouffées d'orgueil qui vous passent par le nez, aux bons moments de votre pièce, aux beaux endroits de vos tirades aimées, avec enfin cette perpétuelle et toujours nouvelle attente du mot qu'on sait qui va venir, et que vos lèvres marmottent d'avance.
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3 décembre.—Aujourd'hui c'est la répétition en costume. J'entre dans le foyer, et j'y trouve, sautillante et adorable, Rosa Didier dans son costume de Bébé, avec ses beaux yeux sous sa perruque blonde, et dans le nuage de folle mousseline s'envolant autour d'elle. Il m'a semblé que tous les vieux portraits de ce foyer sévère, les ancêtres de la Tragédie noble et de la Comédie grave, les Orosmanes à turbans et les reines à poignard, fronçaient le sourcil devant le lutin du carnaval de l'Opéra.
Je rencontre dans un corridor Delaunay, que tout d'abord je ne reconnais pas, tant il s'est bien rajeuni par je ne sais quelle préparation magique, et tant il semble n'avoir que les dix-sept ans de Paul de Bréville.
En regardant, en écoutant ce monde aller, dire votre prose, jouer la vie de votre création; en voyant cette scène à vous, et sentant tout vous appartenir là, le bruit, le remuement, la musique, les acteurs, les figurants, tout, jusqu'aux machinistes et aux pompiers, je ne sais quelle joie orgueilleuse vous remplit de posséder tout cela… Comme public il y avait un curieux public, et tout d'abord Worth et sa femme, sans l'inspection desquels Mme Plessy ne joue jamais, et avec eux tout le monde des modistes et des tailleuses célèbres… L'effet de la pièce croît de répétition en répétition. Les acteurs s'étonnent d'eux-mêmes et s'admirent entre eux. Tout le théâtre croit à un immense succès, et la phrase qui court est celle-ci: «Il y a vingt ans qu'on n'a vu, aux Français, une pièce montée et jouée comme celle-ci!»
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5 décembre.—Une bonne nuit. Nous mettons des cartes aux critiques. Visite à Roqueplan. Nous le trouvons déjeunant. Il est tout en rouge, et botté d'espèces de grands mocassins brodés: l'air moitié bourreau, moitié Ojibewas. Il cause hygiène des gens de lettres. Il dit que, dans notre métier, «il faut combattre la déperdition nerveuse, qu'il vient de manger deux beefsteaks, qu'il y a un art de tâter son estomac, de l'entraîner…» Et comme nous lui faisions compliment de sa santé, de sa résistance à l'âge, il soupire: «Oh! tout le monde a sa maladie. J'ai, moi aussi, mon égout collecteur. Le matin, je graillonne… Ça me nettoie pour la journée.»
De là, été voir le vieux père Janin, qui ne descend plus de son chalet, qui est maintenant, avec sa goutte, critique de théâtre en chambre. Il m'apprend que sa femme s'habille pour aller voir notre pièce. Malgré tout, malgré le féroce éreintement des HOMMES DE LETTRES, il nous revient le souvenir de notre première visite à son premier article.
Enfin, nous attrapons l'heure du dîner, et nous allons nous attabler chez Bignon, où nous mangeons et buvons pour une trentaine de francs, absolument comme des gens qui ont devant eux cent représentations.
Pas la moindre inquiétude. Une sérénité absolue, la conviction que quand même le public ne trouverait pas notre pièce parfaite, elle est si remarquablement jouée, que le jeu des acteurs doit emporter le succès. Nous demandons l'ENTR'ACTE, et lisons et relisons les noms de nos acteurs. Puis, nous fumons des cigares, coudoyant ce Paris où notre nom grouille déjà, et que nous allons emplir demain, respirant comme la première bouffée d'un grand bruit autour de nous. Le théâtre! nous au théâtre! et nous pensons à ces petits bouts de rôle, aperçus sur des tables de nuit d'actrices de deux sous, et qui nous faisaient palpiter le coeur.
Nous arrivons aux Français. Les abords nous semblent assez vivants, assez remuants. Nous montons en victorieux cet escalier, que nous avons monté si souvent dans des dispositions d'esprit si différentes. Nous nous sommes bien promis, dans la journée, que si nous voyions, vers la fin de la pièce, l'enthousiasme aller trop bien, nous filerions bien vite pour n'être pas traînés en triomphe sur la scène.
Les corridors sont pleins. Il y a comme une grande émotion bavarde dans tout ce monde. Nous attrapons au vol des rumeurs de bruit, de tapage: «On a cassé les barrières à la queue!» Guichard, encore vêtu de son costume de Romain, entre au foyer assez déconcerté; il a été hué dans HORACE ET LYDIE. Nous commençons à respirer, peu à peu, un air d'orage. Got, sur lequel nous tombons, nous dit des spectateurs avec un singulier sourire: «Ils ne sont pas caressants!»
Nous allons au trou du rideau, essayant de voir dans la salle, et n'apercevons, dans une sorte d'éblouissement, qu'une foule très éclairée. Soudain, nous entendons qu'on joue. Le lever du rideau, les trois coups; ces choses solennelles que nous attendions avec un battement de coeur, nous ont totalement échappé. Puis, tout étonnés, nous entendons un sifflet, deux sifflets, trois sifflets, une tempête de cris à laquelle répond un ouragan de bravos.
Nous sommes dans un coin de coulisse, adossés à un portant, parmi les masques, et, en passant, il nous semble que les figurants nous jettent des regards apitoyés. Et on siffle toujours, et on applaudit aussi.
La toile baisse, nous sortons sans paletot, et nous avons chaud aux oreilles. Le second acte commence. Les sifflets reprennent avec rage, mêlés à des cris d'animaux, à des imitations des intonations des acteurs. On siffle tout, jusqu'à un silence de Mme Plessy. Et la bataille continue entre les acteurs, soutenus par une partie de l'orchestre et presque la totalité des loges où l'on applaudit, et le parterre et tout le poulailler qui veulent, à force de cris, d'interruptions, de colères, de blagues du Petit-Lazari, faire tomber la toile.
«Ah! c'est un peu secoué!» nous dit Got, deux ou trois fois. Nous restons, pendant tout ce temps, adossés à notre portant, recevant les bordées de sifflets en pleine poitrine, pâles, nerveux, mais debout, ne bronchant pas, forçant, par notre présence entêtée, les acteurs à aller jusqu'au bout.
Le coup de pistolet est tiré. La toile tombe dans la clameur d'une émeute. Je vois passer Mme Plessy qui sort de scène avec le courroux d'une lionne, rugissant des injures contre ce public qui l'a insultée. Et derrière la toile du fond, nous entendons, pendant un quart d'heure, des vociférations féroces ne pas vouloir permettre à Got de dire notre nom.
Nous sortons à travers les groupes tumultuants remplissant les galeries du Théâtre-Français, et nous allons souper à la Maison d'Or avec le comte d'Osmoy, Bouilhet, Flaubert. Nous y faisons très bonne figure, malgré une crise nerveuse qui nous donne envie de vomir, chaque fois que nous portons quelque chose à nos lèvres. Flaubert ne peut s'empêcher de nous dire qu'il nous trouve superbes; et nous rentrons à cinq heures du matin, chez nous, las de la plus infinie lassitude que nous ayons éprouvée de notre vie.
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6 décembre.—Le chef de claque m'affirme que, depuis HERNANI et les BURGRAVES, le théâtre n'a jamais vu de tumulte semblable.
Dîner chez la princesse, qui est rentrée hier les gants déchirés et les mains brûlantes d'avoir applaudi.
Ma bête de maîtresse, qui a assisté à la représentation d'hier, me disait, cette nuit, qu'elle n'osait plus sortir ce matin, qu'il lui semblait qu'elle avait la chose écrite sur la figure.
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7 décembre.—Singulière chose que l'idée fixe! Ces deux jours-ci, j'ai, toute la journée, des sifflets dans les oreilles. La soirée est presque bonne et les acteurs peuvent un rien jouer, et c'est un vrai rayon que l'embellie qui passe sur la figure de Mme Lafontaine, toute joyeuse, d'entrer en scène sans être sifflée.
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9 décembre.—Augier s'étonnait, à la première représentation d'HENRIETTE MARÉCHAL, de n'avoir pas vu la tranquillité faite par l'expulsion de dix ou douze personnes. A celle-ci, ainsi qu'aux deux précédentes, les acteurs ont l'air de se demander ce que signifie cette espèce de tolérance de la police. Coquelin, ce soir à la sortie, me contait qu'aujourd'hui, pendant que les sifflets empêchaient de rien entendre, les messieurs de deux ou trois loges de premières s'étaient réunis et avaient été trouver le commissaire de police, disant qu'ils avaient payé, qu'ils avaient amené leur famille, et qu'ils voulaient entendre. Le commissaire de police leur avait répondu qu'il n'avait pas d'ordres.
Ces heures douloureuses, recommençant tous les soirs, vous barrent absolument l'estomac, vous ferment l'appétit. Nous n'allons plus aux représentations qu'avec des pastilles de menthe anglaise: on pue l'émotion.
L'autre jour, à propos de cela, Dumas fils nous disait qu'à ses premières pièces, Labiche lui avait demandé:
—Eh bien, et l'estomac, tu n'en souffres pas encore?
—Non.
—Ah! tu verras, quand tu auras fait un peu de théâtre!
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11 décembre.—Notre premier acte est joué absolument comme une pantomime. On ne laisse pas entendre un mot.
Au milieu du tapage hostile de la salle, Bressant dans son rôle du «Monsieur en habit noir», le rôle le plus attrapé de la pièce, est admirable de courage.
Le matin, on a répandu une circulaire au quartier Latin, pour que la toile tombe au premier acte. Du reste, maintenant, le plan des siffleurs est bien visible: c'est de tuer toutes les scènes et les mots à effet. Ce qu'il y a de meilleur dans la pièce est ce qu'il y a de plus sifflé, et ce qu'il y a de plus dramatique est ce qu'il y a de plus égayé.
Une chose qui dit tout sur cette cabale, et je donne ma parole d'honneur de la chose, c'est ce fait: avant notre pièce, aujourd'hui, on a joué les PRÉCIEUSES RIDICULES. Ils ont sifflé. Ils ont sifflé Molière, croyant que c'était du Goncourt.
* * * * *
14 décembre.—C'est étonnant que deux souffreteux, comme nous, possèdent une force nerveuse qui ait pu résister à cette vie de dix jours, force qui étonne autour de nous, nos amis, les acteurs, et Thierry, nous disant un de ces soirs: «Vous passez des soirées bien cruelles!»
Je ne parle pas seulement du contre-coup en nous de ces huées sauvages, mais de cette vie sans un moment de repos de l'esprit ou du corps. Corriger les épreuves de la pièce pour l'ÉVÉNEMENT, faire les raccords, écrire vingt lettres par jour, remercier ici et là, lire tous les journaux, recevoir les gens qui viennent vous voir, rouler en coupé une partie de la journée, faire sa salle, distribuer son service, assister à toutes les représentations jusqu'au bout pour empêcher les acteurs de lâcher pied, emmener le soir des amis souper—et par là-dessus trouver le temps et le sang-froid d'écrire sa préface, par morceaux, par phrases crayonnées, en voiture, en mangeant, dans les cafés, dans les coulisses: c'est comme si on dépensait dix ans de sa vie, de son système nerveux, de son cerveau, en dix jours.
* * * * *
15 décembre.—Thierry est venu ce matin chez nous. La veille il avait reçu le premier exemplaire de notre préface. J'ai compris de suite, à première vue, que notre préface avait tué la pièce.
Eh bien, qu'importe! j'ai la conscience d'avoir dit la vérité, et d'avoir signalé la tyrannie des brasseries et de la bohème à l'égard de tous les travailleurs propres, de tous les gens de talent qui n'ont pas traîné dans les caboulots, d'avoir signalé ce socialisme nouveau, qui dans les lettres recommence tout haut la manifestation du 20 mars, et pousse son cri de guerre: «A bas les gants!» Car c'est surtout cela cette cabale, et peut-être les gens qui la trouvent drôle, parce qu'elle n'atteint que nous, n'en riront pas plus tard.
Thierry tire de sa poche un numéro de la GAZETTE DE FRANCE, et sur l'attaque qu'elle contient contre nous, suivie d'un curieux appel aux contribuables dont l'argent sert à monter une HENRIETTE MARÉCHAL, nous demande de retirer notre pièce. Nous refusons, en lui disant qu'il sait bien que ce qu'on siffle, n'est pas notre pièce; et que nous sommes résolus à attendre que le gouvernement nous interdise.
Ce soir, grâce aux chaudes amitiés d'inconnus amenées par ces inimitiés furieuses et sans raison, la représentation est un triomphe. Au moindre sifflet la salle se lève tout entière et demande l'expulsion de l'interrupteur. Après ce succès, nous sollicitons, auprès de Thierry, encore une représentation; il nous répond qu'il ne peut nous la promettre.
Eugène Giraud nous dit ce soir dans les coulisses que la princesse a reçu des lettres anonymes affreuses à propos de notre pièce, lettres lui promettant que la première torche serait pour son hôtel…
Je remarque que ma date de naissance est toujours marquée par un événement fatal dans notre vie: aujourd'hui c'est la suppression de notre pièce; il y a une dizaine d'années, notre poursuite en police correctionnelle avait lieu à propos d'un article paru le 15 décembre.
* * * * *
17 décembre.—II faut beaucoup pardonner et nous pardonnons beaucoup à Thierry, ce directeur pris entre la cabale et ce gouvernement, le plus lâcheur de tous les pouvoirs. Augier ce soir chez la princesse nous disait la phrase inqualifiable, et sournoisement diplomatique que le maréchal Vaillant laissait tomber sur le malheureux, cherchant une règle de conduite: «Monsieur, je vous regarde et je vous juge!»
* * * * *
23 décembre.—J'ai reçu, ces jours-ci, une lettre des quatre étudiants qui ont envoyé aux journaux le prodigieux manifeste littéraire auquel j'ai tenu à donner l'immortalité, dans ma préface. La lettre, beaucoup moins imagée, et un peu plus apaisée de ton, continue à affirmer que leur sifflets sont absolument littéraires; et j'allais presque le croire, lorsque, à la dernière phrase précédant les quatre signatures, j'ai trouvé une superbe faute d'orthographe: une de ces fautes d'orthographe qui demandent quatre personnes pour la commettre.
Du reste les attaques pleuvent de tous côtés et dans les journaux de toutes couleurs. Le MONITEUR DE L'ARMÉE appelle sur nous les colères de l'armée et de la Vendée à propos de l'innocente plaisanterie de «pacificateur de la Vendée». Dans je ne sais quel journal, je ne sais qui crie à la profanation de la Révolution, parce que nous avons comparé un vieux monsieur au cheval blanc de Lafayette… Fait énorme, en pleine Sorbonne, dans une leçon sur le droit de tester, le professeur Franck ayant assez pauvrement réussi auprès de son auditoire, par un compliment détourné à M. de Montalembert, s'est rejeté sur HENRIETTE MARÉCHAL, et l'a trépignée, au grand plaisir de tous les Pipe-en-Bois du cours.
Enfin il y a eu un premier, oui un premier Paris de La Guéronnière (signé
Polin) dans la FRANCE, le journal de l'Impératrice, mi-partie contre
HENRIETTE MARÉCHAL, mi-partie contre le salon de la princesse Mathilde.
N'y aurait-il pas eu une jalousie du salon des Tuileries contre le salon
de la rue de Courcelles, cette petite cour d'art et de littérature…
* * * * *
26 décembre.—Quelle chute! Dans la rue les gens qui se rencontrent, dans les restaurants, les gens qui causent; tout Paris parle de nous dans nos oreilles.
* * * * *
27 décembre.—Au Havre. Une joie de se sentir sortis de cet enfer de gloire. Mangé une bécasse exquise, respiré l'air salin de la mer: un peu de bonheur brut.
* * * * *
28 décembre.—De cet immense bruit qui a rempli Paris, tout un mois; de cette pièce tirée à quatre-vingt mille, et que des hommes, des femmes, des enfants s'arrachaient à six heures; de toute cette bataille que nous est-il resté? une lettre d'un fou! des lettres d'imbéciles!
Le plus grand signe du succès serait-il l'enthousiasme des gens bêtes?
* * * * *
29 décembre.—Toute la journée, le vent a secoué, à les décrocher, tous les plats à barbe des barbiers de la marine, le soir la mer donne une représentation de la Tempête. Nous avons été au bout de la jetée recevoir des vagues.
* * * * *
—On sent là-dedans, la banalité, l'impropriété, la chose à tous. Il y a un ordre froid, une symétrie inanimée, rien ne flâne, rien ne traîne, rien ne met aux meubles la trace d'un hier à vous, un livre, un objet oublié.
Au fond c'est nu, garni du strict nécessaire, des éléments du mobilier, sans le luxe et la distraction de la moindre inutilité, à peine une gravure au mur, pas un portrait, pas un souvenir, pas un de ces objets personnels, pour ainsi dire, à un lieu.
Les meubles ont la forme courante des ameublements à la grosse, écoulés aux commissaires-priseurs; ils ont les recouvrements tristes des couleurs insalissables. La cheminée n'est pas le foyer et n'a pas de cendres.
Voilà les mélancolies d'une chambre d'hôtel.
* * * * *
31 décembre.—Des journées entières, passées à se promener sur une plage perdue dans le brouillard et la nuée, parmi un vent abrutissant de bruit et de force, sous un ciel blafard, au bord d'une mer glauque, sale de colère, et à l'écume vous cinglant la figure comme de coups de fouet.
FIN DU DEUXIÈME VOLUME
* * * * *
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS
A
About, 63, 99, 209.
Achenbach, 107.
Adam (Mme veuve), 142.
Agar, 125.
Aimée (Mlle), 139, 223.
Alembert (d'), 164.
André, 211.
Anicet Bourgeois, 116.
Arago (Alfred), 282.
Arnould (Sophie), 59.
Artus, 92.
Aubert, 316.
Aubryet, 111.
Augier, 326, 329.
Autran, 65, 120,
B
Bach (Sébastien), 97.
Bacourt (de), 195.
Bakounine, 248.
Balzac, 12, 32, 111, 112, 165, 187, 219, 220, 221, 229.
Banville, 257, 263.
Barbey d'Aurevilly, 62.
Barbichon Walter, 199.
Barrière (François), 180.
Barthélémy, 81.
Bartsh, 29.
Baudry (Paul), 15, 114, 282.
Baudry (Frédéric), 96.
Beaumarchais, 209.
Beethoven, 200.
Bellanger (Marguerite), 30.
Benedetti, 289.
Béranger, 34.
Berthelot, 209, 265.
Bertin (des Débats), 186.
Béroalde de Verville, 55.
Bignon, 322.
Billon, 142.
Bitaubé, 112.
Boccace, 280.
Boitelle, 114, 127, 197.
Bonvin, 20.
Bosse (Abraham), 129.
Bossuet, 62.
Boucher, 29, 243.
Boudha, 31.
Bouilhet, 115, 325.
Boulanger (Gustave), 283.
Bracquemond, 81.
Bressant, 266, 291, 292, 294, 307.
Breton, 20.
Broglie (duc de), 63, 64, 65.
Burty, 253.
Busquet, 131.
C
Caillot (Marie). 145.
Cakia Mouni, 134.
Calamatta (Mme), 144.
Calvet-Rognat, 104.
Camille (Mme), 149.
Canning, 110.
Canova, 30.
Carpeaux, 255, 283, 287, 298, 299.
Carrier (le miniaturiste), 179.
Casanova, 51.
Chaix d'Est-Ange, 119.
Chambord (comte de), 219.
Chamfort, 63, 250.
Chardin, 152.
Charles Edmond, 7, 95, 247.
Charpentier, 223.
Chasseriau, 15.
Chateaubriand, 189.
Chennevières (le marquis), 61, 67, 71.
Chesneau, 82, 285.
Cheuvreux (Mmmes), 81.
Choiseul, 81.
Chollet, 158.
Circourt (Mme de), 147.
Clairville, 141.
Claude Bernard, 244.
Claudin, 51, 52, 97.
Clésinger, 191.
Cognard, 141.
Colet (Mme de), 7.
Colonna (la princesse), 150.
Condé (les), 59.
Condorcet, 212.
Confucius, 134.
Conti (les), 59.
Coquereau (l'abbé), 283.
Courbet, 204.
Courmont (Jules de), 210, 229.
Courmont (Cornélie de), 3, 143.
Cousin, 110, 150.
Coustou, 29.
Cranach, 29.
Crémieux (Hector), 101.
Cubières (de), 85.
D
Danremont, 60.
Dante, 183, 200.
Daru, 80.
Daumier, 252.
Decamps, 191.
Deffand (Mme du), 164.
Delacroix (Eugène), 15. 64, 141, 181.
Delaunay, 266, 291, 292, 299, 301, 304, 312, 313, 317, 321.
Demarne, 59.
Dennery, 13, 101, 141.
Desbarolles, 174, 175.
Desgranges (Mme), 21.
Deslions (Anna), 19, 20, 21, 30, 250.
Devéria, 15, 167.
Devosge, 15.
Dickens, 97.
Didier (Rosa), 317, 320.
Dinah Félix, 300.
Dodoche, 79, 87.
Doré, 100.
Dorval (Mme), 85.
Doucet (Camille), 304.
Drouyn de Lhuys, 149.
Dubois (l'accoucheur), 227.
Dufour (Mme), 218.
Dumas père, 101, 246.
Dumas (Alexandre), 141, 326.
Dunant, 121.
Duruy, 126.
Dusautoy, 23.
Duval (Amaury), 274.
E
Elisabeth (Sainte), 108.
Espinosa, 116.
Edwards, 184.
F
Falloux, 65,
Farcy (la), 9.
Ferogio, 15.
Ferraris (Mlle), 92.
Feuillet (Octave), 150.
Féval (Paul), 168.
Feydeau, 187.
Flandrin, 243.
Flaubert, 7, 8, 14, 16, 23, 24, 31, 80, 82, 84, 85, 86, 90, 91, 94,
96, 115, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 166, 167, 177, 250, 267, 269, 271,
285, 293, 325.
Fleury (le général), 114.
Florian, 70.
Fly (Mme de), 71, 285.
Forbin-Janson, 81.
Fournier (Marc), 9, 91, 92, 93, 116, 117, 251.
Fournier (Edouard), 68, 174.
Fragonard, 152, 212, 244, 254.
France, 5, 317.
Franck, 330.
Franconi (Mme), 142.
Fremiet, 250.
Freudeberg, 129.
Fromentin, 110, 275.
G
Gaiffe, 21,161, 162.
Galiani, 205.
Ganneau (Mme), 267.
Garibaldi, 53.
Gaspard de Pons, 147.
Gavarni, 61. 64, 66, 67, 71, 81, 91, 104, 126, 128, 130, 139, 151,
192, 223, 262, 316, 319.
Gautier (Théophile), 9, 11, 12, 13, 15, 21, 24, 50, 51, 52, 53, 54,
111, 113, 114, 120, 121, 123, 124, 125, 130, 131, 133, 134, 135, 141, 144,
146, 148, 149, 150, 160, 165, 184, 190, 191, 192, 196, 210, 266, 267.
Gautier fils, 54.
Gautier (Estelle), 54.
Gautier (Judith), 54.
Genlis (Mme de), 112.
Georges (Mlle), 94.
Girardin (Emile de), 20, 114, 149, 156, 180, 234, 282, 307.
Giraud (de l'Institut), 259, 260.
Giraud (Eugène), 78, 100, 180, 282, 283, 284, 286, 287, 316, 329.
Giraud fils, 282.
Gisette, 100.
Goethe, 31.
Got, 266, 268, 269, 271, 294, 295, 296, 297, 299, 323, 324, 325.
Goujon, 29.
Gounod, 13.
Goya, 79, 117.
Gramont-Caderousse, 30.
Grammont (la duchesse de), 164.
Gravelot, v 192.
Guerchin, 244.
Guérin (Maurice de), 106.
Guéronnière (de La), 330.
Guéroult, 114.
Guichard, 323.
Guilbert de Pixerécourt, 13.
Guizot, 89, 110, 250.
Guyard, 268, 296.
H
Hachette, 97.
Harmand, 265.
Havin, 114.
Hébert (l'auteur du Père Duchêne), 276.
Hébert (Ernest), 15, 180, 282, 284, 287, 288, 289.
Hegel, 214.
Heine (Henri), 91, 95, 96, 210, 221.
Hermann (Mlle), 254.
Herzen, 247, 248, 249.
Hertz, 148.
Hervier, 11.
Hoffmann, 175.
Holbach (baron d'), 209.
Homère, 112, 113, 121, 185, 277, 280.
Hubert-Robert, 274.
Hugo (le général), 198.
Hugo, 12, 31, 32, 84, 90, 91, 109, 122, 123, 133, 134, 150, 151, 187,
210, 318.
I
Imécourt (d'), 143.
Isnard, 72.
J
Janin, 219, 322.
Jenkins (mistress), 27.
Jésus-Christ, 132, 134.
Joseph II, 78.
Joubert, 189.
Julie, 164.
Juarez, 234.
K
Kock (Paul de), 81, 312.
Knaus, 279.
L
Laberge, 37.
Labiche, 204, 326.
Labruyère, 16.
Lacordaire, 107.
Lafontaine, 300.
Lamartine, 12, 63, 165.
Lami (Eugène), 107.
Lascaris, 132.
Lassailly, 133.
La Tour, 179.
Launai (Mlle de), 164.
Lawrence, 269.
Lebrun, 65.
Lecomte (Jules), 69.
Lefebvre (Armand), 59, 105, 231.
Lenormand (Mlle), 247.
Lesseps, 246.
Littré, 109, 110, 128.
Livry (Emma), 66.
Lockroy, 261.
Louis XV, 164. 240.
Louis XVII, 105.
Louis-Philippe, 189, 247, 304.
Luther, 183.
M
Macé (Jean), 298.
Magny, 66, 72, 77, 84, 95, 98, 102, 105, 111, 119, 121, 132, 141, 144,
146, 160, 165, 177, 184, 189, 192, 195, 199, 249. 265, 271, 280, 293.
Maintenon (Mme de), 164.
Malleville, 311.
Malthus, 124.
Manceau, 25, 146.
Marat, 6.
Marchai, 144, 282.
Marcille (Eudoxe), 269.
Marcille (Camille), 152, 279, 280.
Marcille (Mme Camille), 153.
Maria, 47.
Marie-Amélie, 189.
Marie-Antoinette, 85, 105, 274.
Mariquita, 92, 117.
Marivaux, 209.
Marmontel, 70.
Mars (Mlle), 298.
Masson (Bénédict), 247.
Matharel de Fiennes, 141.
Mathilde (la princesse), 42, 71, 82, 86, 110, 126, 127, 148, 168,
179, 190, 199, 233, 243, 244, 240, 259, 260, 274, 282, 253, 284, 285, 286,
287, 288, 289, 290, 298, 307, 310, 325, 329, 330.
Maubant, 125.
Meibomius, 28.
Mercier (Mlle), 17.
Mélingue, 92, 94.
Mérimée, 175, 304, 310, 311.
Méry, 198.
Michel-Ange, 200.
Michelet, 52, 63, 85, 151, 162, 163, 164, 165, 182, 183, 187, 250.
Michelet (Mme), 163, 183.
Migne (l'abbé), 216.
Mignet, 65.
Millet, 55.
Mirabeau, 144, 195
Mirès, 34, 58, 251.
Mole, 59.
Molière, 16, 32, 52, 58, 88, 151, 319, 327.
Mommsen, 97.
Monnier (Henri), 198.
Montalembert (comte de), 107, 108, 219, 330.
Montégut, 68.
Morère, 151.
Morisot, 104.
Morny (le duc), 114, 180.
Mouchy (duc de), 310.
Murat (la princesse), 310.
Musset (Alfred de), 218, 298.
N
Nadaud, 33.
Napoléon Ier, 239, 247, 256, 292.
Napoléon III, 168, 286, 293.
Napoléon (le prince), 51.
Nefftzer, 111, 112, 123, 125, 177.
Nesselrode (de), 261.
Nicolas Ier, 248.
Nieuwerkerke (comte de), 71, 78, 82, 100, 282, 316.
Noailles (le maréchal de), 240.
Noailles (duc de), 65.
Nodier (Mlle), 91.
Nogent-Saint-Laurens, 89,
O
Olivier, 59.
Osmoy (le comte d'), 325.
P
Païva (Mme de), 148, 190, 288.
Palizzi, 128, 136.
Parmesan, 29.
Pasquier (le duc), 89, 189.
Passy (Hippolyte), 71.
Pasteur, 82.
Patin, 65.
Perez (Gil), 92.
Pérugin, 108.
Peters, 50, 240.
Peyrat, 21.
Phidias, 250.
Planche (Gustave), 84, 85.
Planté, 320.
Plessy (Mme), 266, 295, 296, 207, 299, 313, 315, 317, 324.
Poe (Edgar), 169.
Ponsard, 280, 306.
Pradier, 155.
Préault, 269, 276.
Primoli (le comte), 282.
Primoli (la comtesse), 284.
Prince Impérial (le), 253.
Protais, 283.
Proudhon, 263.
Prud'hon, 152.
Puvis de Chavannes, 53.
Q
Quinet, 85.
R
Rabelais, 183.
Rachel (Mlle), 72, 94.
Racine, 125.
Radzivill (le prince), 24, 25.
Raphaël, 200.
Récamier (Mme), 80, 81, 228.
Rembrandt, 17, 18, 200.
Reminy, 267
Rémusat, 150.
Renan, 102, 103, 105, 112, 122, 134, 105, 209, 280.
Rivarol, 63.
Robespierre, 72, 73.
Roqueplan, 261, 322.
Rosalie, 142.
Rose, 8, 37, 40, 41, 45, 46.
Rossini, 13.
Rothschild, 58, 104.
Roulier, 319.
Rousseau (Jean-Jacques), 15, 90, 103, 145.
Rouvière, 257.
Royer-Collard, 88.
Rubens, 243, 247.
Rude, 250.
Rudolfi, 108.
S
Sabatier (Mme), 191.
Sacy, 114, 150.
Sade (marquis de), 32.
Saint, 179.
Saint-Arnaud (le maréchal), 224.
Saint-Aubin, 212.
Saint-Jean, 15.
Saint-Simon, 83, 114.
Saint-Victor, 27, 29, 33, 58, 86, 88, 98, 101, 112, 113, 114, 122,
123, 124, 125, 141, 152, 167, 184, 185, 190, 195.
Sainte-Beuve, 61, 62,63, 64, 66, 67, 69, 70, 71, 77, 80, 82, 84, 88,
89, 90, 96, 99, 102, 103, 104, 105, 108, 109, 111, 112, 113, 119, 120, 122,
123, 125, 126, 127, 128, 130, 133, 134, 144, 146, 147, 148, 150, 166, 107,
189, 190, 192, 195, 199, 200, 210, 218, 239, 259, 260, 277, 310, 316.
Saintin, 282.
Samuel Bernard, 59.
Sand (Mme), 25, 26, 72, 109, 112, 122, 144, 145, 146.
Sarte (André del), 34.
Sauvage, 309.
Sauvageot, 244.
Scherer, 125, 135.
Schopin, 92.
Scribe, 291, 317.
Ségur (Anatole de), 108.
Ségur (de), 121.
Séjour, 30.
Sénac de Meilhan, 190.
Sévigné (Mme de), 114.
Shakespeare, 200.
Simon (le docteur), 37, 38, 39, 168.
Solms (Mme de), 217.
Sophie, 144.
Soulié (Eudore), 122, 126, 196, 282, 289, 293.
Soumy, 254.
Spontini, 147.
Sue (Eugène), 217.
Survillo (Clotilde de), 70.
T
Tacite, 256.
Taine, 96, 97, 98, 99, 100, 121, 122, 123, 124, 177, 199, 200, 209,
283, 293.
Tallement des Réaux, 56.
Talma, 270.
Tamburini, 223.
Tardieu, 32.
Tasse (le), 256.
Tertullien, 9.
Theaulon, 122.
Thérésa, 252.
Thierry (Augustin), 110.
Thierry, 263, 205. 266, 268, 269, 270, 281, 291, 292, 301, 305, 306,
312, 316, 327, 328, 329.
Thiers, 4. 3l, 65, 89, 124, 144.
Tippoo Saeb, 141.
Tourbet (Mme de), 51, 190.
Tourguéneff, 95, 96, 97, 248.
Tournemine, 232, 272.
Trélat, 316.
Tresse, 97.
Tronchin, 214.
Trousseau (le docteur), 192, 193.
Trublet, 16, 102.
Turgan, 187.
V
Vaillant (le maréchal), 319, 329.
Valferdin, 212.
Van der Meulen, 275.
Véfour, 134.
Verdi, 13.
Vernet (Carle), 92, 283.
Véron, 84, 218.
Véry, 218.
Veyne (le docteur), 61, 67, 85, 89, 124, 134, 140, 192.
Viardot, 248.
Victoria (Lafontaine), 266, 325.
Vigny (de), 146, 147.
Villemain, 62, 65, 310.
Vincent de Paul (saint), 78.
Vitet, 150.
Vittoz, 308.
Voltaire, 16, 102, 103.
W
Walewski, 9, 104.
Watteau, 143, 163, 179, 245.
Wattier, 291.
Wikemberg, 107.
Winckelmann, 4.
Worth, 321.
* * * * *
TABLE DES MATIÈRES
ANNÉE 1862 1
ANNÉE 1863 75
ANNÉE 1864 171
ANNÉE 1865 237
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS 333
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Paris.—Typ. Georges Chamerot, 19, rue des Saints-Pères.—21015.