L'Assassinat de la Duchesse de Praslin
Étienne-Denis Pasquier,
Président de la Chambre des Pairs.
(Bibliothèque Nationale. Estampes.)
Cependant, le juge d'instruction a envoyé des agents rue du Harlay au Marais et a lancé un mandat de perquisition et un mandat d'amener contre Henriette Deluzy désignée par la voix publique comme pouvant être l'instigatrice du crime. Celle-ci est sortie depuis le matin de la pension Lemaire. Le duc, qui pensait à congédier ses concierges de Vaux, l'avait priée, dans une de ses lettres, de lui indiquer des gens sûrs pour les remplacer. Sur la recommandation des Rémy, un de leurs protégés, nommé Michel, s'était présenté à l'hôtel Praslin à huit heures du matin. De l'hôtel, Michel était accouru chez les Rémy, leur annonçant le meurtre. Aussitôt les Rémy étaient partis pour la rue du Harlay au Marais. Ils avaient trouvé Henriette très gaie à la pensée de passer une partie de l'après-midi avec ses élèves. A la nouvelle de la mort de la duchesse, elle avait eu une défaillance. «Ah! s'était-elle écriée quand elle avait pu parler, le malheureux! Pourvu qu'il n'ait pas eu d'explication avec elle.» Et elle avait raconté l'histoire de la lettre réclamée par Mme Lemaire. Les Rémy l'avait emmenée chez eux, rue de la Ferme-aux-Mathurins, emportant sur leurs conseils ses papiers et la cassette contenant les lettres reçues par elle de Vaux-Praslin. Toute la journée, elle y demeura, exprimant son tendre attachement pour les enfants, faisant à Dieu le serment de leur servir de mère. Dans l'après-midi, on avait envoyé Michel aux informations. Quand il rapporta que la duchesse avait reçu trente blessures et qu'on était sur la trace des assassins, Henriette se jeta à genoux devant une gravure de la Cène [95]: «Mon Dieu, mon Dieu! s'écria-t-elle, je vous remercie. Je suis heureuse qu'il n'y ait pas eu d'explication entre le duc et sa femme, comme je le craignais. Puisqu'elle a reçu trente blessures, c'est qu'il y a plusieurs assassins.» A sept heures du soir, elle écrivait à Louise de Praslin: «Ma bien-aimée Louise, vous comprenez pourquoi je n'ai pas volé près de vous en apprenant l'affreux malheur qui vous frappe... J'ai passé cette journée d'horrible angoisse chez les Rémy. Ce soir je veillerai et je prierai avec vous, de ma triste chambre. Louise, mon ange, du courage. Pauvres enfants, oh! mon Dieu! mon Dieu! je ne puis vous écrire. Je prie, Louise, je prie du fond de mon âme: Dieu seul peut vous consoler, vous soutenir. Louise, Berthe, mon cœur est avec vous. Ma pensée ne vous quitte pas une minute. Quand vous m'appellerez, j'irai mêler des larmes bien sincères à celles que vous versez. Vous connaissez les Rémy. Leur douleur égale presque la mienne [96]». Cette lettre à peine terminée, un homme se présenta, disant qu'il venait la chercher de la part de Louise de Praslin qui était chez la duchesse douairière. Elle se hâta de le suivre. C'était un commissaire de police qui lui donna en fiacre connaissance du mandat d'amener et la conduisit au Dépôt.
Les perquisitions, pratiquées à l'hôtel Sébastiani, avaient permis de retrouver, dans le tiroir du bureau du cabinet du duc, le manche brisé d'un poignard auquel adhéraient des traces de sang fraîchement répandu, mais on chercha vainement la lame. Le juge d'instruction saisit également un grand nombre de pièces de correspondance et de papiers.
Dans la journée du 19, la police se présenta chez Rémy pour y chercher les papiers d'Henriette Deluzy et se fit remettre toutes les lettres qui étaient relatives aux rapports du professeur ou de sa femme avec Mlle Deluzy ou les Praslin. Rémy déclara aux magistrats que les lettres, apportées chez lui par l'institutrice, avaient été dans la matinée déposées par sa femme, qui avait eu la curiosité de les parcourir, chez le docteur de la Berge qu'elle considérait comme le conseil de son amie [97]. Un transport de justice chez le docteur de la Berge mit bientôt en possession de lettres du duc de Praslin et d'une correspondance considérable émanant des jeunes filles. Le 19 également, une ordonnance royale saisissait la Cour des Pairs. En fait, au mandat d'arrestation près, l'action de la justice,—on pouvait le soutenir—n'avait pas été ralentie. L'état seul du duc de Praslin, dont l'affaissement, constaté dans le rapport d'Allard dès l'après-midi du 18 [98], n'avait fait qu'augmenter, allait gêner l'action des magistrats, qui n'en éprouvaient certainement nul déplaisir.
L'heure était mauvaise pour la Monarchie de Juillet.
L'année 1847 s'était ouverte par le suicide de Martin du Nord, garde des Sceaux, compromis dans une affaire de mœurs. On avait vu ensuite les condamnations d'Hourdequin, chef de division à la Préfecture de la Seine, et de Mounet, chevalier de la Légion d'honneur, tous deux concussionnaires, préluder à celles de Teste, ancien ministre, président de chambre à la Cour de cassation et du général Despans-Cubières, convaincus de trafic d'influence. La veille encore, Gudin, chef d'escadron, attaché à la maison royale, venait d'être condamné pour escroquerie. Allait-il falloir juger Praslin, pair de France, fils de pair, neveu de pairs, gendre de pair, chevalier d'honneur de la duchesse d'Orléans? Sa maladie semblait une aubaine pour le Parquet et le Ministère. En ces occasions, on suspecte volontiers les magistrats de n'avoir pas d'yeux et peu d'oreilles. Si, le 19 au matin, le docteur Reymond a signalé au commissaire de police et au procureur du roi sa crainte que les malaises de Praslin ne viennent de l'absorption d'un «poison», le magistrat n'est-il pas tout disposé à entendre, sans ou après réflexion, qu'il s'agit de «choléra» [99] et c'est en ce sens que Boucly écrit à Delangle: «Monsieur le procureur général, nous avons reçu tout à l'heure la visite de M. le chancelier qui, en s'appuyant d'une part sur la définition du flagrant délit telle qu'elle est inscrite dans l'article 41 du code d'instruction criminelle, et de l'autre sur l'article 121 du Code pénal, a émis l'opinion que, dans les circonstances de l'information qui nous occupe, les magistrats ordinaires étaient compétents pour décerner contre le principal inculpé un mandat d'arrestation. Je dois, monsieur le procureur général, vous soumettre la question et attendre à ce sujet vos instructions. J'ajouterai que dans ce moment, d'ailleurs, l'exécution d'un ordre d'arrestation paraîtrait difficile. M. de Praslin se trouve dans un état de faiblesse qui s'est empiré depuis quelques heures. Aux soins du jeune médecin, qui ne le quitte pas, sont venus se joindre ce matin ceux du docteur Louis [100]. Il y a déjà quelque temps que ce médecin avait été prié de venir une seconde fois et, comme il ne se présentait pas, je viens d'autoriser l'appel de M. Andral. M. de Praslin présente en ce moment LES SYMPTÔMES D'UNE SORTE DE CHOLÉRA [101]. Sa faiblesse augmente de plus en plus: son pouls baisse continuellement. J'ai prescrit que l'on me donnât avis immédiatement de tous les indices alarmants qui pourraient se manifester. L'instruction se poursuit activement. Sous la fenêtre de M. de Praslin, à l'entrée d'une cave, on a saisi de nouveaux débris de vêtements brûlés parmi lesquels se trouvent des parcelles et des boutons de gilet ou de chemise. Il devient évident qu'il a brûlé tout ce qu'il avait sur lui au moment du crime. Ce soir, on videra la fosse d'aisance et à ce sujet je dois vous prier de vouloir bien me donner l'autorisation nécessaire pour la dépense que cette opération entraînera». Le rapport d'Allard, en date du 20, constate que, dans la nuit précédente, le duc, suivi par les agents, a plusieurs fois tenté de se dérober à leur surveillance et de rester seul dans le petit corridor qui, derrière son cabinet de travail, fait communiquer sa chambre à coucher avec le cabinet d'attente. Charpentier a passé la nuit avec les agents dans la chambre du duc. «Son maître, dit le rapport d'Allard, le regardait parfois fixement. Il mettait un doigt sur la bouche, ensuite dedans, comme pour lui demander un silence devenu inutile. M. de Praslin levait dans la nuit, étant couché, ses yeux vers le ciel, joignant les mains et les appuyant ensuite sur la poitrine. Il semble être, bien qu'il ne laisse échapper aucune expression de regrets, sous l'influence du repentir.» A dix heures et demie du matin, Boucly avisait le procureur général du résultat des opérations de la matinée: «La vidange de la fosse d'aisance n'a rien produit. Nous nous sommes trompés dans nos prévisions. Il va falloir recommencer toutes les perquisitions avec un soin tout particulier. Ceci est d'autant plus fâcheux que ces perquisitions doivent avoir lieu principalement dans l'appartement du duc et que son état de santé ne s'améliore pas. Le docteur Louis trouve cet état très grave. Il sera peut-être bientôt nécessaire de prévenir la famille et je pense qu'il conviendrait que le Gouvernement et M. le Chancelier en soient avertis. Je dois voir aujourd'hui M. de Breteuil, oncle de M. de Praslin. Ne jugeriez-vous pas convenable de venir, avec M. le Chancelier ou le Grand Référendaire, prendre connaissance de cette situation et délibérer sur ces mesures qui peuvent, de moment à moment, devenir plus urgentes. [102]» Le rapport du docteur Andral s'exprime ainsi: «Les fortes émotions morales qu'a éprouvées M. de Praslin ont pu suffire pour le produire (cet état). Mais il est possible aussi qu'il soit dû à l'ingestion d'un poison.» En conséquence, le docteur Andral concluait à l'impossibilité de transporter Praslin à la prison du Luxembourg. [103] Pasquier insista. Il tenait à ce que le transfert fût fait sans délai et l'excitation populaire imposait de le pratiquer de nuit. «La foule, dit dans son journal le baron de Viel-Castel, ne cesse de stationner devant l'hôtel. Elle est très irritée, très disposée à craindre qu'on ne veuille sauver l'assassin parce qu'il est noble et riche.» Tout avait été préparé à la prison du Luxembourg pour recevoir le duc dans l'appartement qui donnait sur l'ancien petit cloître. Trois postes y avaient été établis, l'un confié à la Garde municipale à pied, l'autre au 34e de ligne, le troisième aux sous-officiers vétérans. A onze heures du soir, sur la demande du Chancelier, le docteur Andral procéda à un nouvel examen du malade et conclut, cette fois, qu'il pouvait être transporté sans danger, couché et accompagné d'un médecin. Ce n'était pas l'avis du docteur Louis. Quelque temps plus tard, il disait à Victor Hugo que si le Chancelier avait fait traîner le duc au Luxembourg malgré son avis, c'était dans l'espérance que le duc mourrait en route [104].
C'est au moment du transfert que l'on saisit, dans la robe de chambre du duc, une fiole portant l'étiquette de Marcotte, pharmacien, rue Saint-Honoré, et ayant contenu de l'acide arsénieux. Dans le bureau du duc, on trouva deux autres fioles, l'une avec un reste de laudanum, l'autre contenant de l'acide nitrique. Le trajet de l'hôtel Sébastiani au palais du Luxembourg ne dura pas moins d'une heure. La voiture du duc Decazes, qu'on employa, allait au pas, suivant les quais et les rues à peu près désertes à cette heure matinale. A cinq heures du matin, la voiture s'arrêta rue de Vaugirard, devant la geôle de la Cour des Pairs. Durant le trajet, le visage du duc, d'une pâleur mortelle, se contractait de douleur. On le porta à bras pour descendre de voiture. On le mit dans un fauteuil mais, à force de volonté, il réussit à gravir les deux étages d'escaliers. On le déshabilla en présence du chef de la police municipale Ellouin, d'Arbousse, chef de comptabilité, de Trevet, directeur de la prison du Luxembourg, du docteur Rouget de Saint-Pierre, médecin de la Chambre des Pairs. Il se plaignait d'une soif ardente. On lui donna à boire du vin de Bordeaux coupé d'eau. Dans la matinée, son état parut s'améliorer.
La Chapelle ardente de la duchesse de Praslin.
(Illustration du 28 août 1847.)
Le corps de la duchesse de Praslin, embaumé le 19 août, fut exposé dans une chapelle ardente installée dans le salon du rez-de-chaussée. Deux prêtres du clergé de la Madeleine veillèrent le corps pendant la nuit du 19 au 20 août. Transporté dans l'atelier des demoiselles dans la matinée du 20, il y resta sur un lit de parade, à visage découvert, jusqu'au 23, à six heures du matin. Alors, il fut transporté sans pompe à la Madeleine et déposé dans les caveaux de cette paroisse. Un service religieux y fut célébré le 24, à huit heures. Les ministres de l'Intérieur, des Travaux Publics, des Finances, de la Justice, les préfets de la Seine et de Police, le Chancelier de France y assistaient. Le deuil était conduit par le général Tiburce Sébastiani, le duc de Coigny, le comte de Praslin et le comte de Breteuil. Le roi, la reine et la famille royale étaient représentés par plusieurs aides de camp.
Lettre de Boucly à Delangle (voir page 160).
(Archives Nationales CC 808.)
Du Dépôt, Henriette Deluzy avait été écrouée à la Conciergerie. Dans la journée du 19 août, elle fut interrogée en présence du chancelier Pasquier par le juge Broussais. Elle protesta très énergiquement contre l'idée qu'elle avait pu être la maîtresse de Praslin. «Il n'y a rien eu de coupable dans le passé entre nous et il n'y avait pour l'avenir aucun projet coupable, disait-elle. Mme de Praslin serait morte naturellement et M. de Praslin m'eût offert sa main que, par intérêt pour ses enfants, je n'aurais jamais consenti à une mésalliance dont les circonstances seraient retombées sur eux. Jamais non plus, je n'aurais eu l'idée d'une autre liaison. Si M. de Praslin m'eût aimée, j'aurais pu lui sacrifier ma réputation, ma vie, mais je n'aurais pas voulu qu'il en coûtât un cheveu à sa femme. Je dis la vérité, messieurs, vous devez me croire. N'y a-t-il pas dans la nature un accent qui porte avec lui la conviction? Vous devez le sentir. Non, jamais, jamais!» Comme on lui reprochait son exaltation et qu'on voulait y voir la preuve de son amour pour Praslin: «L'exaltation, répliqua-t-elle, peut appartenir à tous les sentiments, ne le comprenez-vous pas? Et puis je ne voudrais pas répondre qu'à force de voir M. de Praslin si bon pour moi, si généreux, il ne se soit pas mêlé à l'affection que j'éprouvais pour les enfants une tendresse, une vive tendresse pour leur père. Mais jamais, jamais, je n'ai porté dans cette maison le trouble et l'adultère. Je ne l'aurais pas fait par respect pour ces enfants. J'aurais cru souiller le front de mes filles, si je les avais embrassées après être devenue coupable. Est-ce qu'on ne comprendra pas qu'on puisse aimer honnêtement?—Vous avez dû apprendre, continua le magistrat, que de très graves indices se réunissent pour accuser M. le duc de Praslin d'avoir donné la mort à sa femme.» Henriette Deluzy bondit: «Oh! non, non, non, Messieurs, dites-moi que cela n'est pas. C'est impossible. Lui, lui qui ne pouvait pas voir souffrir un de ses enfants! Non, ne me dites pas que ce sont des indices. Ne me dites pas qu'ils sont graves. Dites-moi que c'est un soupçon qui ne se renouvellera pas. Non, non, c'est impossible, répéta-t-elle en tombant à genoux et en joignant les mains. Oh! dites-le moi, Monsieur, je vous prie! Mon Dieu, vous me le diriez que je ne le croirais pas. Ma conscience me dit qu'il ne l'a pas fait. Mais s'il l'avait fait, grands Dieux!... Oh! mais c'est moi, c'est moi qui serais coupable! Moi qui aimais tant les enfants, moi qui les adorais, j'ai été lâche, je n'ai pas su me résigner à mon sort. Je leur ai écrit des lettres, des lettres que vous pouvez voir. Je disais que je ne pourrais plus vivre, que je me trouvais en face de la misère, car je suis un pauvre enfant abandonné, sans ressources, sans autre appui qu'un vieux grand-père qui est dur, qui me menaçait de me priver du peu qu'il faisait pour moi. J'ai été effrayée de l'avenir qui pouvait m'attendre. Oh! que j'ai eu tort! J'aurais dû leur dire que je me faisais à ma situation, que je pouvais être heureuse dans ma petite chambre, de m'oublier et d'aimer leur mère, mais je n'en ai rien fait. C'est mon crime. C'est moi qui suis coupable. Dites-le, Monsieur, écrivez-le. Il aura demandé cette malheureuse lettre de réhabilitation, elle l'aura refusée... et alors, oh! c'est moi, c'est moi qui suis coupable, écrivez-le.»
Le 21 août, le chancelier, en séance secrète, communiqua à la Chambre des Pairs, l'ordonnance du roi. Malgré le fougueux marquis de Boissy, qui taxait de violation de la Charte le mandat de dépôt délivré la veille au soir par le chancelier, sa conduite fut généralement approuvée par les pairs. Victor Cousin faisant observer que si la procédure avait été irrégulière, l'arrêt de la Cour allait tout régulariser. En effet, sur réquisitoire du procureur général, les Pairs, déclarèrent instruire contre Praslin et le chancelier désigna pour l'assister et le remplacer dans le cas d'empêchement dans l'instruction ordonnée, le duc Decazes, le comte de Pontécoulant, le comte de Saint-Aulaire, Victor Cousin, Laplagne-Barris et Vincens Saint-Laurent. La commission d'instruction se transporta aussitôt dans l'appartement de Praslin pour l'interroger.
«Pour se faire une idée des souffrances que le duc de Praslin a dû endurer, dit un contemporain, H. Morice, secrétaire de la Chambre des Pairs, qui assista à cet interrogatoire, il faudrait avoir vu cet homme, chez lequel le poison avait déjà fait de si grands ravages, luttant contre les remords, torturé par cette simple question «oui ou non?» se raidissant pour empêcher un oui de sortir de ses lèvres et ne pouvant pas dire non, tenté visiblement de fuir devant cette question, disant qu'il ne voyait plus, qu'il n'entendait plus, qu'il n'avait plus d'idées, renversant violemment la tête sur le dossier du fauteuil sur lequel on l'avait mis, par moments restant quelques minutes à pousser une sorte de râlement, puis cachant sa tête dans ses bras appuyés sur la table, suppliant de remettre cet interrogatoire ou plutôt ce supplice. Il faudrait avoir vu ce regard de Caïn, selon l'expression que dit M. Pasquier en sortant, ses yeux fixes préoccupés d'une idée qui le poursuivait. Tout prêtait à cette scène un caractère horrible: son costume, il était vêtu d'une robe de chambre brune sans collet, laissant voir sur son col toutes les contractions de la gorge; la salle de la prison, le silence lugubre des membres de la commission qui écoutaient, qui épiaient ses paroles. On avait froid; on sentait qu'on était en présence d'un autre tribunal, bien au-dessus de toutes nos justices ordinaires, de notre Cour des Pairs, que l'on allait entendre prononcer un arrêt qui ne tarderait pas à être exécuté [105]».
Était-ce bien le remords? N'était-ce pas plutôt le poids du secret qu'il ne voulait pas livrer qui torturait ainsi Praslin. Son interrogatoire, relu à la lumière des documents produits plus haut, semble conclure pour la seconde alternative. «—Vous savez, lui dit Pasquier, le crime affreux qui vous est imputé. Vous savez toutes les circonstances qui ont été mises sous vos yeux et qui ne permettent pas l'apparence d'un doute. Je vous engage à abréger les fatigues que vous paraissez ressentir en avouant, car vous ne pouvez pas nier, vous n'oseriez pas nier?—La question est bien précise, mais je n'ai pas la force de la réponse. Elle demanderait de bien longues explications.—Vous dites qu'il faudrait de longues explications pour répondre. Mais non, il suffit d'un oui ou d'un non.—Il faut une grande force d'esprit pour répondre un oui ou un non, une force immense que je n'ai pas.—Il n'y aurait pas besoin d'entrer dans de grandes explications, pour répondre à la question que je viens de vous poser.—Je répète qu'il faudrait une force d'esprit que je n'ai pas pour y répondre.—A quelle heure avez-vous quitté vos enfants, la veille du crime?—Il pouvait être dix heures et demie, onze heures moins un quart.—Qu'avez-vous fait en les quittant?—Je suis descendu dans ma chambre et je me suis couché tout de suite.—Avez-vous dormi?—Oui.» Praslin pousse un soupir. «—Jusqu'à quelle heure?—Je ne me le rappelle pas.—Votre résolution était-elle arrêtée quand vous vous êtes couché?—Non, d'abord, je ne sais pas si cela peut s'appeler une résolution.—Quand vous vous êtes réveillé, quelle a été votre première pensée?—Il me semble que j'ai été réveillé par des cris dans la maison et que je me suis précipité dans la chambre de Mme de Praslin.» Ici le duc ajoute en soupirant: «Je demanderais que vous me rendissiez la vie, que vous interrompissiez cet interrogatoire.—Quand vous êtes entré dans la chambre de Mme de Praslin, vous ne pouviez pas ignorer que toutes les issues autour de vous étaient fermées, que vous seul pouviez y entrer?—J'ignorais cela.—Vous êtes entré, ce matin-là, plusieurs fois dans la chambre de Mme de Praslin. La première fois que vous y êtes entré, elle était couchée?—Non, elle était malheureusement étendue par terre.—N'était-elle pas étendue à la place où vous l'aviez frappée pour la dernière fois?—Comment m'adressez-vous une pareille question?—Parce que vous ne m'avez pas répondu tout d'abord. D'où viennent les égratignures que j'aperçois à vos mains?—Je me les étais faite la veille en quittant Praslin en faisant précipitamment mes paquets avec Mme de Praslin.—D'où vous vient cette morsure que j'aperçois à votre pouce?—Ce n'en est pas une.—Les médecins qui vous ont visité ont déclaré que c'était une morsure.—Epargnez, épargnez-moi, ma faiblesse est extrême.—Vous avez dû éprouver un moment bien pénible, quand vous avez vu, en entrant dans votre chambre, que vous étiez couvert de ce sang que vous aviez versé et vous vous êtes empressé de le laver.—On a bien mal interprété ce sang. Je n'ai pas voulu paraître devant mes enfants avec le sang de leur mère.—Vous êtes bien malheureux d'avoir commis ce crime.» Praslin ne répond pas et paraît absorbé. «N'avez-vous pas reçu de mauvais conseils qui vous auraient poussé à ce crime?—Je n'ai pas reçu de conseil. On ne donne pas de conseil pour une chose semblable.—N'êtes-vous pas dévoré de remords? et ne serait-ce pas pour vous une sorte de soulagement d'avoir dit la vérité?—La force me manque aujourd'hui.—Vous parlez sans cesse de votre faiblesse. Je vous ai demandé tout à l'heure de répondre par oui ou par non?—Si quelqu'un pouvait me tâter le pouls, il jugerait bien de ma faiblesse.—Vous avez eu tout à l'heure assez de force pour répondre à un grand nombre de questions de détail que je vous ai adressées. La force ne vous a pas manqué pour cela.» Praslin ne répond pas. «Votre silence répond pour vous que vous êtes coupable.—Vous êtes venus ici avec la conviction que j'étais coupable. Je ne puis pas la changer.—Vous pourriez la changer; si vous nous donniez des raisons pour croire le contraire, si vous nous expliquiez autrement ce qui semble ne pouvoir s'expliquer par votre criminalité?—Je ne crois pas pouvoir changer cette conviction dans votre esprit.—Pourquoi croyez-vous que vous ne pouvez pas changer cette conviction?» Après un silence, Praslin déclare qu'il est au-dessus de ses forces de continuer. «Quand vous avez commis cette affreuse action, pensiez-vous à vos enfants?—Le crime, je ne l'ai pas commis. Quant à mes enfants, c'est chez moi une préoccupation constante.—Osez-vous dire affirmativement que vous n'avez pas commis ce crime?» Praslin met sa tête dans ses mains et reste quelques instants sans parler. «—Je ne puis pas répondre à une pareille question.—M. de Praslin, vous êtes dans un état de supplice et comme je vous le disais tout à l'heure, vous pourriez peut-être adoucir ce supplice en me répondant.» Praslin garde le silence et la Commission se retire en remettant à un autre jour la suite de cet interrogatoire [106].
Élie, duc Decazes.
Portrait publié par Le Pilori (1846).
(Bibliothèque Nationale. Estampes.)
Le 22, le docteur Andral trouvait l'inculpé plus mal. Le 23, il constatait que l'état s'était aggravé depuis la veille et, le 24, Andral, Rouget et Louis étaient d'accord pour estimer qu'il n'était pas impossible que le malade succombât peu de temps après leur réunion. C'est ce que faisait prévoir au public le National de la veille. «Il est peu probable, disait cet organe de l'opposition, que le duc de Praslin, pair de France, chevalier d'honneur à la Cour et prévenu d'assassinat, comparaisse devant la Cour instituée pour le juger. On nous annonce que son état de santé décline d'heure en heure. La faiblesse de ses organes est telle qu'il ne peut pas subir un interrogatoire de quelque durée et on a eu toutes les peines du monde à obtenir de lui des réponses intelligibles [107].» Ces dernières affirmations n'étaient pas exactes. S'il était vrai que Praslin souffrait énormément, il n'était pas douteux qu'il supportait ces souffrances avec le plus grand courage. Au milieu des tortures de l'arsenic, il n'articulait pas une plainte. Pourtant la fin approchait. Le 24 au matin, le chancelier fit appeler le curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, l'abbé Martin de Noirlieu. Vers dix heures le Grand Référendaire le duc Decazes se présenta. «Vous souffrez beaucoup, mon cher ami, dit-il à Praslin.—Oui.—C'est votre faute. Pourquoi vous êtes-vous empoisonné?» Praslin ne répondit pas. «Vous avez pris du laudanum?—Non.—Alors vous avez pris de l'arsenic?—Oui, avoua Praslin en relevant la tête.—Qui vous a procuré cet arsenic?—Personne.—Comment cela? Vous l'avez acheté vous-même chez un pharmacien?—Je l'ai apporté de Praslin.» Il y eut alors un moment de silence. Puis, le duc Decazes reprit: «Ce serait le moment pour vous, pour votre nom, pour votre famille, pour votre mémoire, pour vos enfants, de parler. S'empoisonner, c'est avouer. Il ne tombe pas sous le sens qu'un innocent, au moment où ses neuf enfants sont privés de leur mère, songe aussi à les priver de leur père. Vous êtes donc coupable?» Praslin garda le silence. «—Au moins déplorez-vous votre crime? Je vous en conjure, dites si vous le déplorez.» Le duc leva au ciel ses yeux et ses mains et dit avec une expression indicible d'angoisse. «Si je le déplore!—Alors avouez... Est-ce que vous ne voulez pas voir le Chancelier?» Praslin faisant un effort, dit: «Je suis prêt.—Eh bien, reprend le duc, je vais le prévenir.—Non, conclut Praslin après un silence, je suis trop faible aujourd'hui. Demain, dites-lui de venir demain [108].»
Dictée de Praslin à Decazes. (Papiers de Calais, secrétaire du chancelier Pasquier, adjoints au dossier en 1868.—Archives Nationales CC 808.)
Decazes n'insiste pas et sous la dictée du moribond, il écrit quelques lignes. «Ce qui m'arrive dans ce moment, vient des bontés du ciel pour moi. Cependant je puis dire combien je regrette vivement de ne pouvoir voir mes enfants avant mon dernier soupir, et recommander à mes filles Louise et Berthe le reste de leur famille et aux autres l'obéissance à ces deux-là. Je n'ai pas le temps de parler d'arrangements de fortune. Mais je laisse les objets mobiliers à Louise et à Berthe en les priant de les partager avec la raison que je leur connais.» Sur une autre feuille, Decazes écrit: «Je sens mes forces s'en aller tout à fait. Je suis heureux maintenant de laisser mes enfants à ma bonne vieille mère. Je les engage, quoiqu'il m'en coûte, à ne pas trop se fier aux conseils de leur grand-père et de leur oncle Sébastiani, ainsi que leur oncle Coigny... Mes idées n'y sont plus... J'ai laissé dans le portefeuille de mon porte-papiers un testament déjà ancien, je le ratifie de nouveau, sauf toutes les clauses qui seraient détruites.» Enfin, voici la troisième dictée. «Je suis heureux de voir qu'il y a avantage pour les affaires de leur grand-mère. Je tiens beaucoup à ce que les trois garçons restent chez M... (le nom est resté en blanc) le maître de pension, où ils ont été si bien jusqu'à présent. Je regrette de ne pouvoir les surveiller [109]».
A deux heures de l'après-midi, l'abbé Martin de Noirlieu revint au Luxembourg. Il s'entretint de nouveau avec M. de Praslin et lui administra le Sacrement de l'Extrême-Onction. Le chancelier, présent à la cérémonie, s'agenouilla dans le plus profond recueillement à la tête du lit. Eugène Cauchy, Morice et Trevel se tenaient au pied. Praslin chargea le prêtre de remettre à sa mère, après sa mort, le petit crucifix qu'il tenait dans ses mains. «Que de bien vous m'avez fait», lui dit-il. Comme il sortait de la chambre du mourant, l'abbé Martin dit au Chancelier: «M. de Praslin a un grand respect pour vous. S'il veut faire des aveux, il ne les fera qu'à vous». Le Chancelier fait alors, assisté de Morice, une nouvelle tentative d'interrogatoire. «Vous reconnaissez-vous coupable, demande-t-il, du crime qui a terminé la vie de votre femme?—Non, monsieur, je ne me reconnais pas coupable.—Vous ne pouvez pas le nier, votre interrogatoire de l'autre jour le prouve suffisamment. Si vous n'étiez pas coupable, vous ne vous seriez pas empoisonné avec de l'arsenic.—Non, monsieur le Chancelier, je ne suis pas coupable.—Mlle Deluzy vous a-t-elle donné quelques conseils qui vous aient poussé à l'action que vous avez commise?—Non, je n'ai jamais entendu former de pareils projets à Mlle Deluzy.—Je vous demande seulement de dire si vous êtes seul coupable du crime commis sur Mme de Praslin.—Non, monsieur le Chancelier, je ne puis pas dire cela. Je vous ai dit que je n'étais pas coupable.» Il n'y avait pas à insister. Pour éviter le déshonneur et le scandale, Praslin était résolu, en dehors de la confession, de garder pour lui son secret. Il se considérait comme étant dans la situation du condamné qui, la sentence prononcée, n'est point tenu à l'aveu: il ne se reconnaissait pas coupable. [110] Une demi-heure après, il expira [111]. Il était quatre heures trente-cinq.
A cinq heures, quand le docteur Andral se présenta au Luxembourg, le procureur du roi, assisté du directeur de la prison, venait de recevoir la déclaration du décès constaté par le docteur Rouget. Le médecin du Luxembourg attribuait la mort à un empoisonnement par l'acide arsénieux et jugeait l'autopsie nécessaire pour en acquérir la preuve matérielle. Les docteurs Andral, Louis, Rouget, Orfila furent commis pour la pratiquer. Quand on déposa le corps sur la table d'autopsie, l'un d'eux s'écria «Quel beau cadavre!» Le docteur Louis disait plus tard à Victor Hugo: «C'était un magnifique athlète». L'autopsie constata sept escarres dans l'estomac et une lésion du cœur imputable à l'arsenic. Le cerveau ne portait aucune marque de poison. Les viscères furent emportés en vase clos, pour être examinés plus tard. L'analyse des matières contenues dans l'estomac et les intestins ainsi que celle des organes fut faite par Orfila et Tardieu. Ils estimèrent que l'ingestion du poison avait probablement eu lieu vers la fin de la journée du mercredi 18 après quatre heures, et avant dix heures du soir [112].
Le transfert de Praslin de l'hôtel Sébastiani au Luxembourg s'était fait de nuit. Ce fut encore de nuit que le corps fut mis en bière devant Monvalle, commissaire de police de la Chambre des Pairs, Cauchy et Allard. Le cercueil cloué fut placé dans un grand fourgon des Pompes funèbres, introduit au Luxembourg par la grille de la rue de Fleurus et le jardin. A deux heures du matin, le procès-verbal de l'enlèvement du corps fut signé et le convoi, composé de trois voitures, partit pour le cimetière du Sud, où le commissaire Monvalle avait, dès la veille et par ordre, choisi la place où devait se faire l'inhumation. Tout le long de la route, des escouades d'agents avaient été échelonnées. Quand le fourgon entra dans le cimetière, les fossoyeurs étaient prêts et, en quelques instants, le cercueil fut descendu dans la tombe, le trou comblé, la terre piétinée [113]. «Ce matin, disait la Gazette des Tribunaux du 28 août, à l'ouverture des portes, quelques curieux, en s'enfonçant dans la partie ombragée de platanes et de tilleuls, remarquaient avec surprise dans une des lignes voisines du poteau indicateur de la 4e division, une tombe toute fraîche sur laquelle ne se trouvait même pas la simple croix de bois noir, indicatrice de la dernière demeure du plus obscur des décédés.» Longtemps après le drame, le comte Edgar de Praslin, qui continuait à habiter un pavillon dépendant du château de Vaux, fit transporter le corps de son frère dans les caveaux, et la tombe du cimetière du Sud ne demeura plus marquée que par une simple borne couverte de mousse et ombragée par un acacia [114].
Mathieu-Joseph-Bonaventure Orfila.
Dessin de Maurin. Lithographie de Villain.
(Bibliothèque Nationale. Estampes.)
L'opinion publique ne fut point satisfaite des laborieuses explications fournies par la Cour des Pairs sur l'empoisonnement [115]. Ce fut longtemps une opinion répandue que Praslin ne s'était pas suicidé et avait vécu jusqu'à quelques années après la guerre de 1870, dans les îles anglaises de la Manche. Les campagnes des journaux d'opposition de 1847 n'étaient pas étrangères à cette croyance. «Il y a des gens, écrivait un contemporain, qui soutiennent que les hautes familles intéressées à étouffer les détails de ce scandale ont obtenu du Gouvernement la fuite du coupable. Ceux qui ont assez de bon sens pour ne tenir aucun compte de cette absurde supposition n'en crient pas moins haut contre la tolérance et les ménagements qui ont permis au coupable de se soustraire à une honte et à une punition trop justes.» A plusieurs reprises et jusqu'à ces dernières années, la presse a repris le thème de l'évasion de Praslin, sans que jamais on ait apporté une preuve qui en soit une à l'appui de cette tradition [116]. Pour l'admettre, il faudrait supposer un bien grand nombre de complicités, depuis celle du docteur Louis qui participa à l'autopsie, jusqu'à celle de l'abbé Martin de Noirlieu qui se serait prêté à une véritable comédie, en laissant raconter par L'Ami de la Religion, une scène dans laquelle il aurait joué un rôle ridicule et presque sacrilège.
La faute du Gouvernement de Juillet fut toute différente. Comme l'écrivait le comte Molé au baron de Barante le 28 août 1847: «M. de Praslin s'est empoisonné, nemine contradicente [117]... Je sais si bien jusqu'où va la faiblesse de ceux qui nous gouvernent que de mon coin, j'avais écrit deux lettres pour montrer les conséquences de ce qui se préparait. M. Guizot, il y a longtemps que je l'ai appris, est roide, absolu, hautain, et dans l'occasion sans pitié. Mais il ne résiste pas à certaines influences.... Jamais à mon avis, il ne fit de plus grande faute dans des circonstances où elles pouvaient avoir tant de dangers. Rien dans aucun temps, dans aucun pays, n'en a approché.... Ce monstre, qui vient de reculer les limites de la barbarie humaine, a été huit jours dans sa maison entouré des égards de la police et du Parquet, bien plus que de sa surveillance; son propre médecin, celui de sa famille, ne l'a pas quitté et il déclare que ces flots de poison sortant de son corps par toutes les issues sont les attaques du choléra qu'il combat par les moyens propres à augmenter les effets du poison.... [118] J'hésite à vous envoyer cette lettre et si je le fais, c'est que je ne l'aurai pas relue [119].»
La mort du duc de Praslin ne désarmait pas la vindicte publique [120]. Henriette Deluzy avait été interrogée par la Commission de la Cour des Pairs, le 23 août. Son interrogatoire avait porté d'abord sur l'historique de son séjour chez les Praslin. Comme on lui reprochait ses correspondances avec les jeunes filles après sa sortie de la maison: «Oh! je vous le jure, s'écria-t-elle, qu'il n'y avait dans ces lettres ni art ni arrière-pensée. J'étais désolée et j'exprimais mon désespoir avec trop de chaleur, trop d'entraînement. Oh! je me le reproche maintenant. Mais encore une fois, ce n'était pas pour les éloigner de la mère. Les choses en étaient venues à ce point que moi je n'y pouvais rien. Ce qui a été bien malheureux, c'est que tout à coup on a voulu rompre pour ces jeunes filles, des liens de six années.» Elle était arrivée au Luxembourg, rapporte Allard qui était allé la chercher à la Conciergerie, dans un véritable état d'exaltation, pleurant, sanglotant, parlant des tentatives de suicide de la duchesse, se plaignant du maréchal Sébastiani. «Il parle de maîtresses, me dit-elle, si j'avais voulu, j'aurais bien pu être la sienne. Je devais même veiller sur les jeunes filles à son égard» [121]. Au retour à la Conciergerie, après l'interrogatoire, les traits de la prisonnière, rapporte Allard, étaient visiblement altérés. «Il est perdu, me dit-elle, messieurs les Pairs m'ont tout appris. Je n'aurais jamais cru que M. Rémy aurait conservé les lettres que je lui avais confiées pour être brûlées.» Je lui demandai, continue Allard, si elles étaient compromettantes. «Oui, me répondit-elle, au point de vue du procès. Ce sont les lettres des enfants où ils me parlent contre leur mère. Messieurs les Pairs m'ont aussi parlé de mes lettres que je croyais que le duc devait aussi brûler. Quel malheur! Ils sont tous perdus!» Cela, conclut Allard, s'appliquait au duc et aux enfants.
En sortant de l'Académie, Victor Hugo, le jeudi suivant, s'entretient avec Cousin et le comte de Saint-Aulaire. «Vous verrez cette demoiselle Deluzy, dit Cousin qui l'a réconfortée et encouragée plusieurs fois durant son interrogatoire. C'est une femme rare. Ses lettres sont des chefs-d'œuvre d'esprit et d'excellent langage. Son interrogatoire est admirable. Encore vous ne le lirez que traduit par Cauchy. Si vous l'aviez entendue, vous en seriez émerveillé. On n'a pas plus de grâce, plus de tact, plus de raison. Si elle veut bien écrire quelque jour pour nous, nous lui donnerons, pardieu! le prix Montyon. Dominatrice, du reste, et impérieuse. C'est une femme méchante et charmante.—Ah! ça, fait Victor Hugo, est-ce que vous en êtes amoureux?—Hé, hé!» Le comte de Saint-Aulaire demande au poète: «Que pensez-vous de l'affaire?—Qu'il faut qu'il y ait un motif. Autrement le duc est fou. La cause est dans la duchesse ou dans la maîtresse, mais elle est quelque part. Sans quoi, le fait est impossible. Il y a au fond d'un pareil crime ou une grande raison ou une grande folie. [122]» Le 30 août, la Cour des Pairs réunie entend un compte rendu du chancelier Pasquier qui flétrit Praslin [123] et célèbre avec lyrisme la vertu et la bienfaisance de la duchesse de Praslin. «Elle a donc succombé cet ange de bonté. Les paroles me manqueraient si je voulais rendre devant vous les sentiments qui m'ont été inspirés par les découvertes que j'ai dû faire durant le cours des recherches si déchirantes qu'il m'était ordonné d'accomplir.» Et après un résumé de l'instruction, le Chancelier annonce qu'il fait imprimer pour le distribuer aux Pairs le recueil qui doit rester «comme un éternel monument de la perversité de l'un des plus grands coupables qui aient jamais vécu.» [124] La Cour des Pairs est trop heureuse à se dessaisir. C'est à peine si le marquis de Boissy peut se faire entendre pour demander une punition pour les gardiens du duc qui l'ont laissé s'empoisonner. «Il est bien difficile, dit Pasquier, d'empêcher un empoisonnement puisqu'on voit des accusés aux assises s'empoisonner entre deux gendarmes.»
Le Palais du Luxembourg. (Le Diable à Paris, 1845.)
Le premier effet du dessaisissement, c'est de renvoyer Henriette Deluzy devant le juge d'instruction Broussais. Le secret est maintenu pour elle dans toute sa rigueur. Elle n'a la permission de se promener dans le préau qu'au moment où il est complètement désert, deux heures par jour. On ne l'interroge pas; on la laisse dans l'isolement jusqu'au 14 septembre. C'est peut-être le châtiment qu'on lui inflige pour avoir osé fournir à l'instruction quelques renseignements sur le tempérament violent et colère de la duchesse de Praslin. Ce laps de temps est peut-être nécessaire aussi pour lui faire comprendre sur quels points elle doit être prudente dans sa défense. L'interrogatoire du 14 septembre reprend par le détail les circonstances de son séjour chez les Praslin et aborde, avec plus de précision que les interrogatoires précédents, les dernières semaines qui ont précédé le meurtre. Le juge d'instruction insiste sur la certitude qu'a acquise la justice que Praslin est le meurtrier. «Je vous jure que je ne le crois pas, répond Henriette Deluzy, ne pouvait-il pas la quitter, vivre séparé d'elle, si elle lui était trop à charge? Elle voulait elle-même se séparer. Quant à la préméditation, je n'y croirai jamais. C'est un acte de folie, de démence, mais un crime jamais, non, non, jamais.—Le duc de Praslin a craint le jugement de ses pairs. Il a échappé par un nouveau crime à la répression, au châtiment qui devait l'atteindre. Mais cette mort volontaire est de sa part l'aveu du crime dont il vous laisse, actuellement, la responsabilité devant la justice.» Avant même que le juge n'ait terminé sa phrase: «Ne dites pas qu'il est mort,» s'écrie Henriette Deluzy en proie à une vive émotion et se dressant sur sa chaise. Puis elle se rassied. «Mort! mort! le malheureux! Quel malheur qu'il ne m'ait pas parlé! qu'il ne m'ait rien dit! Moi qui aurais donné ma vie pour lui, pour ses enfants, pourquoi ne m'a-t-il rien dit, je l'aurais arrêté.» L'accusation soutient que, perdant le bien-être d'une grande existence, elle a regardé la mort de la duchesse comme le moyen unique de ressaisir cette position. «Non! non! monsieur, non, non, elle était bien amère cette position. J'ai pu regretter mon éloignement, le dire, me voir avec douleur, isolée dans la vie, éloignée brutalement de mes chères élèves, mais la pensée d'un crime ne m'était jamais venue, et je me serais fait horreur moi-même de la lui donner.—Dans cette correspondance, reprend le juge d'instruction, on voit percer des espérances pour l'avenir. Vous rêvez de beaux jours, les ombrages de Praslin, votre demeure chérie, votre maison paternelle, votre paradis et vous sembliez assigner pour le printemps l'époque de votre retour.—Est-ce qu'on voit de beaux jours, lorsqu'on les achète par un crime? Il n'en est plus alors et la conscience suffit pour la punition.» Quand elle parlait de beaux jours explique-t-elle, c'était après le mariage des jeunes filles, quand elles seraient mères d'enfants qu'elle aimerait comme elle les avait aimées. «Dans une de mes lettres, je dis à Berthe que je les bercerais sur mes genoux, est-ce que si j'avais tué leur mère, j'aurais pu tenir un tel langage? Je pouvais avoir le cœur aigri contre Mme de Praslin, mais je ne lui aurais pas fait tomber un cheveu de la tête. Je l'aurais sauvée au péril de ma vie... Pourquoi ne suis-je pas morte moi-même?» Ses larmes baignent son visage. Elle s'est écroulée sur sa chaise. Le juge l'engage à se calmer, la réconforte et lui remet une lettre que lady Melgund, son ancienne élève, lui adresse par l'intermédiaire de l'ambassade d'Angleterre.
C'est un éclair qui illumine son désespoir. Quand elle est rentrée dans sa cellule, elle répond à lady Melgund: «Madame, car je n'ose plus vous nommer Nina! C'est du fond d'une prison que je vous écris, c'est sous le poids d'une douleur si grande qu'il n'est point de mots pour l'exprimer. Aujourd'hui, après trois semaines d'affreuses incertitudes, j'ai appris la fin de l'horrible catastrophe du 18 août. On m'a dit la mort de M. de Praslin... On m'a dit qu'on me croyait sa complice dans un crime que je ne croirai jamais qu'il a prémédité. Le juge, bon et compatissant, m'a donné votre lettre dans le moment où ces terribles paroles me frappaient au cœur. Je vous dois la raison. Votre lettre m'a fait pleurer... Soyez bénie, soyez bénie mille fois dans vos enfants, dans tout ce que vous aimez. Ah! que vous avez payé avec usure les soins que je vous ai donnés. Vous êtes venue à moi quand le ciel et la terre semblaient m'abandonner, Dieu vous récompensera de cette pensée généreuse et moi je mourrai en vous bénissant... A vous, je ne dirai pas même que je suis innocente; vous savez bien que je ne puis être coupable. La justice des hommes se trompe quelquefois. J'attends cependant son arrêt avec confiance... ils peuvent interroger ma vie jour par jour; ils le feront, et de leur terrible accusation, il ne restera que la honte de l'avoir encourue, honte indélébile, ineffaçable, qui me tuera. Vous dire cette triste tragédie dans toutes ses phases, je ne le puis..... Ils sont orphelins, ces enfants que j'aimais plus que moi-même, et celui qui fut pour moi un ami plus qu'un maître, celui duquel je n'ai reçu pendant six ans que des preuves de bonté et d'affection, celui qui ne m'a jamais dit une parole dure, qui adoucissait sans cesse ce que ma position avait de pénible... Il est mort, mort dans une prison, la conscience bourrelée et ils disent tous que j'ai provoqué l'affreuse démence qui l'a conduit à cette déplorable mort. Qu'il l'ait préméditée, ne le croyez jamais. C'était le meilleur, le plus excellent des hommes. Il est devenu fou. Oh! si vous saviez ce qu'était cet intérieur! Au milieu de cet enfer, chacun perdait la raison. Mais l'adultère, le meurtre comploté dans l'ombre, exécuté de sang-froid, horreur! C'était impossible.»
Et les jours de solitude à la Conciergerie recommencent. Le secret la brise. «Sa taille a perdu l'élégance et la souplesse de la jeunesse. Son teint pâle et mat indique la fatigue.» Le 27 septembre, elle est appelée de nouveau à l'instruction. Cette fois, elle est interrogée sur ses correspondances. On la questionne sur tout, sur ses lettres au duc, sur ses plaintes aux jeunes filles. Mais le juge d'instruction ne lui parle ni de sa lettre à Mme Remy sur les aveux qu'un des fils a faits à Praslin, ni de la lettre de Louise de Praslin sur cette mère qui a corrompu deux de ses enfants. Évidemment ce sont là des matières étrangères au procès; elles ne doivent rien avoir à faire avec les causes du meurtre. Nouvel interrogatoire, le 4 novembre. Même discrétion du juge. Maintenant, le non-lieu s'impose. D'une part, il n'y a point de preuves de complicité. De l'autre, il serait dangereux que le dossier que n'a pas voulu imprimer Pasquier, pût être feuilleté par des avocats, pût être soumis à un jury. Le 12 novembre, le procureur du roi Boucly conclut n'y avoir lieu à suivre. Le 17, en Chambre de conseil, l'arrêt de non-lieu est prononcé. La mise en liberté d'Henriette Deluzy-Desportes le suit immédiatement [125]. Elle en accueille la nouvelle avec une sorte d'indifférence. Le soir, elle sort de la Conciergerie et reçoit l'hospitalité des Remy. Puis, les journaux rapportent qu'elle est partie pour l'Angleterre. Cette affirmation n'est pas exacte.
Victor Cousin.
Lithographie de Julien (1839).
(Bibliothèque Nationale. Estampes.)
On a conservé tous ses papiers, sauf son acte de naissance de pauvre bâtarde. On garde même la lettre d'un Anglais qui lui offre une association. Sans nouvelle de lady Melgund, car sa lettre ne lui a pas été transmise par l'instruction, seule au monde, n'ayant pas un toit ou reposer sa tête, pas un bras pour la protéger, elle songe de nouveau au suicide. Elle entre dans une église. Un prêtre est en chaire. Il prêche sur le dogme. Sa prédication n'a nul point de contact avec ce qu'elle souffre. Les éclats de voix l'empêchent de prier. Elle sort de l'église. Un peu plus loin, c'est une autre église qu'elle aperçoit, l'Oratoire, devenu temple protestant. Un des grands orateurs du protestantisme français, Frédéric Monod, y parle de soumission à la volonté de Dieu, de patience, de résignation. Ce qu'il peut y avoir dans sa phraséologie d'un peu heurtant pour des oreilles catholiques, ne gêne pas Henriette Deluzy. Aux jours de son heureuse vie à Charlton, chez les Hislop, elle a fréquenté des églises anglicanes. Dans sa prison, elle a souvent lu et relu la Bible que lui avait donnée M. Drummond. D'ailleurs, elle est si peu catholique. Sa mère était une fille de la Révolution et les prêtres qu'elle a connus sont des Olivier et des Gallard. Son cœur se fond en entendant le prédicateur. Ses yeux, brûlés par la fièvre, s'emplissent de larmes. «J'avais erré tout le matin dans les rues, cherchant à me faire écraser par quelque voiture, racontait-elle plus tard dans une lettre à Cousin. Ma tête était en feu, ma raison presque complètement égarée. Sans savoir même quel était l'homme qui venait de parler, sans savoir s'il me serait miséricordieux ou sévère, je le suivis comme il sortait de la chaire; et me jetant à ses pieds, je le conjurai de me sauver de moi-même et de m'enseigner cette résignation qu'il prêchait. M. Monod calma mon délire, me visita dans ma solitude, que pas une âme sympathique n'avait cherchée, et enfin, deux mois après notre rencontre, me recueillait dans sa famille où sa femme et ses filles devenaient mes amies [126]». On l'envoie en Normandie sous le toit d'un pasteur. La dernière année de sa vie en France, dit-elle, elle vit plus de temples qu'elle n'en avait vus pendant toute la période précédente. [127]» Sa santé se rétablit, son désespoir se calme et quelques mois après, elle passe en Amérique, chaudement recommandée par Frédéric Monod à Mlle Haynes qui dirigeait à Grammercy Park le pensionnat le plus aristocratique de l'Amérique. C'était la sœur d'un ancien gouverneur du New-Jersey. Là, Henriette Deluzy fit la connaissance de Harry Field, pasteur presbytérien, qui demanda sa main. Elle était plus âgée que lui, mais elle n'hésita pas à lui confier son avenir.
Harry Field appartenait à une famille distinguée. Un de ses frères fut le créateur du premier câble transatlantique; l'autre était le meilleur avocat de New-York [128]. Elle ne voulut pas entrer dans cette famille sans lui apporter une autre preuve de son innocence que son attestation et ses larmes. Alors elle s'adressa à Victor Cousin dont elle n'avait pas oublié la sympathie dans ses angoisses. «Je n'ai, lui écrivit-elle, le 18 mars 1850, aucune preuve à leur donner. Les papiers, saisis chez moi, ne m'ont jamais été restitués [129]. J'ai parlé de votre bienveillance à mon égard, du témoignage généreux que je sais que vous m'avez rendu plusieurs fois. Monsieur, pouvez-vous en conscience, devant Dieu, me rendre ce témoignage que je n'étais pas l'infâme intrigante que l'on a livrée au mépris du monde? Vous étiez là; vous m'avez interrogée. Vous connaissez ce misérable intérieur; vous avez pu mesurer d'un œil impartial la part que j'ai eue dans ce sombre drame, où j'ai joué en aveugle ma destinée et celle des êtres qui m'étaient plus chers que la vie. Vous savez que ni l'ambition ni l'amour du pouvoir ne m'ont donné l'influence que j'avais sur mes malheureux élèves. Vous avez vu ses lettres à lui et vous savez qu'il ne m'aimait pas. Mais, rappelez-vous, monsieur, que je n'implore pas votre pitié; mais qu'au nom d'un homme d'honneur, j'en appelle à votre honneur. En me laissant le soin de vous écrire moi-même, on m'a imposé le devoir d'être doublement scrupuleuse; et si je vous dis, monsieur, que le bonheur de toute ma vie dépend des lignes que vous tracerez, c'est parce que je sais que cela ne peut influencer le témoignage que vous me rendrez. J'ai l'ambition de croire que vous me connaissez quelque force de caractère. Quoi que vous écriviez, je saurai que c'est l'expression de la pensée d'un homme aussi bon, aussi généreux qu'il est grand aux yeux du monde; et je m'y soumettrai avec le plus profond sentiment de reconnaissance et de respect que je vous conserverai jusqu'à mon dernier soupir.»
Victor Cousin avait-il vu clair dans le drame Praslin, lui qui avait de meilleurs yeux que Pasquier? En tout cas, son témoignage fut tel qu'Henriette Deluzy devint Mistress Field. Harry Field, qui avait beaucoup voyagé et qui a publié de nombreux récits de voyage, s'installa avec elle à Stockbridge dans le Massachussets. Henriette, très liée avec Mme Beecher Stowe [130] qui la qualifie de «femme de courage et de principes vrais et qui, non seulement voyait clairement ce qui était droit, mais avait le courage de l'accomplir à travers les circonstances les plus difficiles,» vécut longtemps dans une modeste cure de la vallée du Connecticut. Elle fit deux voyages en France, l'un en 1855 avec son mari, l'autre, lors de l'Exposition de 1867, avec des amis. En 1870-1871, elle s'employa activement à organiser des sociétés de secours pour les blessés de la guerre.
Lettre signée M. C. adressée au Procureur général le 22 août 1847.
(Archives Nationales) [131].
En 1874, atteinte d'une grave maladie, elle vit rapidement décliner sa santé. «Quand je serai morte, disait-elle à son mari, laissez-moi reposer en paix. Ne publiez rien pour attirer l'attention du monde. Le monde n'est rien pour moi. Je vais à Dieu. Laissez-moi vivre seulement comme un doux souvenir dans votre cœur et dans les cœurs de ceux qui m'aiment [132]». Elle rendit le dernier soupir le 6 mars 1875 à New-York. Jusqu'à son dernier jour, son salon était le rendez-vous des écrivains et des artistes de cette capitale, mais bien peu d'entre eux savaient quel était son passé. Ils la considéraient seulement comme une de ces vaillantes Françaises transplantées en Amérique par les événements, et chez lesquelles l'affection, vouée à leur nouvelle patrie, n'altère en rien l'amour ardent qu'elles conservent, dans le cœur, pour la terre natale. Ce fut seulement l'année qui suivit sa mort que M. Field publia sous le titre Esquisses familiales en France le recueil des lettres qu'elle lui avait écrites de Paris pendant son voyage de 1867 et les fit précéder d'une notice biographique. Jusque-là, on imaginait volontiers dans les milieux presbytériens, un peu étroits et fanatiques, qu'elle avait été la victime des persécutions des catholiques français. A quelques intimes seuls, Henriette Field avait parlé de ce qu'elle avait souffert, mais jamais à personne elle ne dévoila ce qu'elle avait su du secret de Praslin. [133] Quand elle le défendait, elle ne disait pas pourquoi elle le défendait. Mais peut-être espérait-elle que quelque jour, la justice immanente des choses rétablirait la vérité sur cet épouvantable drame.
NOTES:
[1] Ce renseignement, comme tous ceux qu'on trouvera par la suite sans indication de source, est emprunté aux lettres et notes de la duchesse de Praslin saisies à Paris par le juge d'instruction Broussais et à Vaux-Praslin par le juge d'instruction Legonidec. Le dossier de l'affaire est divisé aux Archives Nationales entre les cinq cartons C C 808 à 812.
[2] La marquise de Coigny.
[3] Sarah Newton, qui avait épousé en premières noces le général Letort, et en secondes noces, le comte Victor de Tracy.
[4] Tout ce qui concerne la marquise de Coigny est emprunté à l'étude de Paul Lacroix, précédant l'édition des lettres et à l'introduction écrite par Maxime de Lescure pour son édition des Lettres du prince de Ligne à la marquise de Coigny.
[5] Sur le rôle du duc de Coigny, familier de Marie-Antoinette, voir les Jours de Trianon, p. 170.
[6] Voir dans les Jours de Trianon, p. 144, le texte complet de ces couplets.
[7] Archiv Vorontsov, IX, 457.
[8] Voir pour Sébastiani sa biographie par Campi et Ed. Driault, La politique orientale de Napoléon.
[9] Moniteur Universel, 24 août 1847.
[10] Mme de Tracy. Essais divers, lettres et pensées, 1, 3-56. (Journal de Plombières, 1808).
[11] En 1809, Horace Sébastiani avait fait la cour à la nièce du général O'Farrill, la future comtesse Merlin (Souvenirs d'une créole, p. 193 et 196). Il épousa plus tard Aglaé Angélique de Gramont, veuve du général Davidoff, qui, presque toujours malade, mourut le 21 février 1842.
[12] Hortense, Léontine et Louise de Rovigo.
[13] Lawoestine et Lascours étaient les aides de camp du général Sébastiani.
[14] Baron de Saint-Clair, Révélations sur l'Assassinat du duc de Berry, 31-33. Dans son texte, le baron de Saint-Clair ne donne que: général S. Mais un exemplaire, avec notes marginales autographes de l'auteur, que nous a communiqué M. Adolphe Lanne, rétablit le nom en entier.
[15] Revue des Deux-Mondes du 15 décembre 1833. Artie de Loëwe-Weimar.
[16] Lettre du 6 août 1827.
[17] Voir dans A. Lanne, La Fortune des d'Orléans, p. 133-149, le récit de cette négociation.
[18] Lors des négociations de Belgique, Sébastiani est le seul qui connaisse la vraie pensée de Louis-Philippe.
[19] Le tsar Nicolas avait jusque-là refusé de recevoir le général Mortier, ambassadeur de Louis-Philippe. Il lui donna audience et souligna d'un mot son approbation du discours relatif à l'insurrection de Pologne.
[20] Lettre du 1er septembre 1830.
[21] Construite par le président Portail, vers 1759, sur l'emplacement du château bâti par Le Pautre pour le financier Girardin, ami de Fouquet, l'Orangerie, qui dépendait de l'héritage du maréchal-duc de Coigny, fut habitée pendant l'été par les Praslin de 1825 à 1841.
[22] Imprimée dans le recueil de la Cour des Pairs, cette lettre a été placée hors sa date. L'étude des dossiers de copies proposées pour l'impression, révèle des annotations telles que celles-ci: «il y a des inconvénients; à ne pas publier; non; pas à imprimer.» Bref, le dossier, livré par la Cour de Paris au public, a été délibérément maquillé et tronqué.
[23] Hortense de Rovigo (1802-1881) était mariée au baron de Soubeyran-Reynaud.
[24] A. Morrisson. Collection d'autographes, v. 198. Cette lettre est publiée avec la signature ajoutée à l'impression: Altarice Rosalba, duchesse de Praslin. En 1838, elle n'était pas duchesse mais marquise. Elle n'a jamais signé que Sébastiani-Praslin.
[25] C'est un médecin gynécologiste alors réputé.
[26] Trois ans, le 21 mai 1840! Et Raynald est né le 29 juin 1839! Comment compte la duchesse de Praslin?
[27] Emma-Eléonor-Elizabeth Elliott Murray, comtesse Malgund, puis Minto, morte en 1882.
[28] Le mémoire de Mlle Deluzy, écrit à la Conciergerie, en août 1847, a été publié au moment où le recueil de la Chambre des pairs a vu le jour. Ce mémoire n'existe pas à la Bibliothèque Nationale, mais les cartons des Archives en contiennent deux copies exécutées par les soins du greffier de la Cour des Pairs.
[29] Sur Félix Desportes, voir son opuscule: Appel à l'opinion des habitants du Haut-Rhin; Jung, Lucien Bonaparte; Geoffroy de Grandmaison, L'Ambassade française en Espagne sous la Révolution; la duchesse d'Abrantès, Histoire des Salons de Paris, III et, aux Archives Nationales, les cartons FIhI 15820 et F76680.
[30] Vicomte Révérend. Armorial du Premier Empire, I, 62.
[31] Publié par M. Chambon, d'après les papiers de Cousin (Journal des Débats, 29 octobre 1905).
[32] Papiers du duc de Praslin: Lettre du comte de Breteuil développant les propositions de la duchesse douairière.
[33] «J'ai toujours eu un grand goût pour Praslin, écrit-elle à son oncle, et peut-être ai-je été un peu aigrie de ne point pouvoir tout à fait m'y regarder comme chez moi. J'en conviens, ici j'ai encore été punie. Praslin m'avait tourné la tête étant jeune fille... Je suis bien punie de l'orgueil de jouer à mon beau château, en voyant la pauvre figure que j'y fais maintenant.»
[34] Journal de Mme de Praslin, 13 janvier 1842. Par décision du garde général des archives, ce journal a été retiré des cartons du procès et placé dans l'Armoire de fer. Il n'a pas été communiqué à l'auteur de ce livre qui peut citer uniquement les pages publiées par le recueil de la Cour des Pairs sans avoir pu les collationner.
[35] Journal, 24 janvier 1842.
[36] Journal, 23 avril 1842.
[37] Journal, 23 avril 1842.
[38] Journal, 23 avril 1842.
[39] Marie-Henriette Manuel de Locatel, marquise de Dolomieu.
[40] La lettre non datée est du 30 juillet 1842, jour des funérailles du duc d'Orléans. «Le voilà enlevé, parti, à jamais séparé de sa si malheureuse famille. Il y a eu dans cette dernière séparation un immense sacrifice, un affreux déchirement. Je le sentais pour eux quand seule, dans ma chambre, ces vingt et un coups de canon me faisaient un mal si poignant dans leurs cœurs dont de pauvres nerfs semblaient multiplier le retentissement.»
[41] Archives nationales, CC 809. Copie du greffier. L'original a été remis à la comtesse de Praslin.
[42] Déposition du 20 août 1847. Joséphine Aubert avait été congédiée par le duc le 17 août.
[43] Déposition de Duttenhoffer, 24 août 1847.
[44] Olivia de Chabot, dame pour accompagner la princesse Clémentine.
[45] Le projet de mariage Ossuna n'eut pas de suite. Vingt ans après le duc était encore célibataire.
[46] De plus d'ennuis.
[47] Dans votre intérêt.
[48] C'était l'anniversaire de la mort du père du duc Théobald.
[49] A. de Boudon. Histoire de Mgr Olivier, 390.
[50] Souligné par Mgr Olivier.
[51] Papiers de Mme de Praslin.—Le post-scriptum est à retenir: «J'arriverai à Paris le 19 janvier. Je compte y rester quinze jours au moins. Je descends 35, rue d'Argenteuil.»
[52] «Maintenant encore, dit le Mémoire à ses juges d'Henriette Deluzy, je ne puis deviner le mystère qui couvrit la conduite de Mme de Praslin... car enfin ce projet de séparation scandaleuse, qui surgit tout à coup dans l'esprit de Mme de Praslin, qui l'agite, qui la préoccupe sans cesse... cette jalousie contre moi qui se réveille soudain sans cause... a dû être inspiré par quelque perfide conseiller.»
[53] «J'ai, ajoute-t-elle en post-scriptum, j'ai à dîner ce soir une Espagnole que vous avez vue chez moi, Mme de Montijo et ses filles, M. de Lassus, M. Mullin, M. Mérimée. Si ce monde ne vous ennuie pas, vous me ferez bien plaisir de venir aussi en robe de chambre. Vous savez comme nous sommes à Passy et ce serait un bon moment pour moi, chère amie.»
[54] Papiers d'Henriette Deluzy (la lettre n'a pas trouvé sa destinataire).
[55] Le dossier du procès contient deux exemplaires en copie du greffier de ce mémoire Bourgogne où il est question, avec de visibles intentions de chantage, d'une jeune fille s'enfuyant en larmes de l'hôtel Sébastiani.
[56] Sur son emplacement s'étend aujourd'hui la rue de l'Élysée percée en 1860 et l'hôtel de l'impératrice Eugénie qu'acheta en 1873 le baron Hirsch.
[57] M. Georges Cain a, dans un récent article du Figaro (21 juin 1906), restitué l'hôtel Sébastiani avec sa parfaite connaissance du Paris d'autrefois.
[58] D'Alton-Shée. Souvenirs de 1847, p. 45.
[59] A la veille du mariage d'Isabelle, elle se plaint alternativement de sa belle-mère et de son père: «Mon père est d'une humeur assez capricieuse et irascible,» écrit-elle à son mari.
[60] Interrogatoire d'Henriette Deluzy du 6 novembre 1847.—Dépositions du Dr Louis et du notaire Cahouet.
[61] Lady Tankarville était Corisande-Armandine-Léonie-Sophie-Auguste de Gramont, fille de la duchesse de Guiche, née de Polignac, (6 octobre 1782-20 janvier 1865).
[62] La facture de Mouthion, marchand de meubles, 23, rue de l'Arcade, s'élève à 490 francs.
[63] Papiers saisis chez Rémy.
[64] Le on, c'est Mme de Saint-Clair, maîtresse de pension, avenue Châteaubriand et le conseiller qui l'a poussée rue du Harlay, c'est l'abbé Gallard.
[65] XXX, c'est Mme de Praslin.
[66] Lettre du 21 juillet 1847.
[67] Expressions de Mme de Praslin (26 juillet 1847).
[68] Lettres remises par le comte de Breteuil (lundi, 26 juillet).
[69] On comprendra pourquoi le nom qui se trouve dans l'original a été ici remplacé par un X.
[70] Papiers saisis chez Rémy. Arch. Nat. CC 809.
[71] Cette lettre n'existe qu'en copie faite par le greffier de la Cour des Pairs, (Arch. Nat. CC 811). C'étaient les 11e et 12e pièces saisies chez le Dr de la Berge. Sur la demande du général Tiburce Sébastiani, il lui a été remis deux liasses, l'une de 45, l'autre de 38 pièces, correspondance des demoiselles de Praslin saisie chez le Dr de la Berge, «le contenu de ces pièces se trouvant complètement étranger aux faits, sur lesquels une instruction avait été commencée devant la Cour!» M. Pasquier avait vraiment bien besoin de son célèbre abat-jour vert pour y voir clair!
[72] Lettre remise par le comte de Breteuil, datée: mercredi, à la porte du Sacré-Cœur.
[73] Une lettre d'Henriette Deluzy à Praslin révèle le pourquoi de ses hésitations: «M. Rémy ne veut pas des garçons, un peu à cause de son fils. La mauvaise réputation de X commence à transpirer, mais M. Rémy serait désolé s'il savait que je vous ai dit cela. Tenez bien sévèrement les garçons (8 août).»
[74] Un autre jour, (24 juillet) elle écrit: «Les beaux jours reviendront. Vous êtes si jeunes, si innocentes. Dieu aura pitié de vous. Mais votre père, mes bien-aimées, entourez-le, soignez-le. Il doit tant, tant souffrir dans ses affections, dans sa dignité. Quel père!... Que de choses il supporte par amour pour vous. De quelle tendresse vous devez le payer.»
[75] Déposition de Joséphine Aubert.
[76] Dépositions Delaqui, Lemonnier et Muller.
[77] Interrogatoires d'Henriette Deluzy; Déposition de Mme Lemaire; Déposition Reber; Déposition de Mme Lesueur, femme de chambre de Mme Lemaire.
[78] C'est un roman de Picard, le célèbre auteur de la Petite ville.
[79] Déposition d'Euphémie Merville-Desforges.
[80] Déposition de Joséphine Aubert.
[81] Le tournevis est un des premiers objets que l'on trouva dans les perquisitions dans le cabinet de travail du duc. (Gazette des Tribunaux, 27 avril 1847.)
[82] D'Alton Shée. Souvenirs de 1847, p. 40.—Victor Hugo, Choses vues.
[83] Cette reconstitution de la nuit du crime n'a jamais été tentée par les écrivains qui ont raconté l'affaire Praslin: elle découle logiquement des révélations du dossier. Comment admettre une querelle à quatre heures et demie du matin entre des époux qui font chambre à part? Comment expliquer le couteau de chasse et le pistolet si le meurtre est la conséquence d'une explication orageuse?
[84] La chambre de la duchesse de Praslin avait trois issues: l'une sur le grand salon, l'autre sur le boudoir, la troisième sur le cabinet de toilette communiquant avec l'antichambre donnant accès par quelques marches à la chambre à coucher du duc.
[85] Déposition de Charpentier et de Me Leclerc.
[86] Déposition d'Euphémie Merville.
[87] Gazette des tribunaux, 26 août 1847.
[88] Victor Hugo. Choses vues.
[89] Le Constitutionnel, 21 août 1847.
[90] Déposition du comte Pierre de Castellane, le 18 août au soir, par devant le commissaire de police.
[91] Interrogatoire du duc de Praslin.
[92] Déposition Allard devant la Chambre des Pairs.
[93] Rapport Allard 18 août, 11 heures du soir.—Meunier est un des auteurs de la tentative d'assassinat sur Louis-Philippe.
[94] Telle est alors la théorie du Parquet. On la soutiendra jusqu'au bout puisqu'elle supprime toute responsabilité pour le défaut de surveillance qui a permis à Praslin d'absorber le poison.
[95] Dépositions de Rémy et de sa femme.
[96] Papiers saisis chez Rémy.
[97] «Gardez bien ces lettres, lui avait dit une fois le docteur de la Berge à propos des lettres de la duchesse. Avec ces Sébastiani, ces Corses, on ne sait jamais».
[98] «Ses traits s'altèrent de plus en plus,» dit Allard.
[99] Dépositions du Dr Reymond devant la Cour des Pairs.—Lettre du procureur du roi Boucly protestant contre cette déposition.
[100] «Le Dr Louis, le médecin de toute la famille, disait, rapporte Victor Hugo:—Le lendemain du crime, à dix heures et demie du matin, j'étais appelé et j'arrivais chez M. le duc de Praslin. Je ne savais rien. Jugez de mon saisissement. Je trouve le duc couché; il était gardé à vue. Huit personnes, qui se relevaient d'heure en heure, ne le quittaient pas des yeux. Quatre agents de la police étaient assis sur des fauteuils dans un coin. J'ai observé son état qui était horrible; les symptômes parlaient. C'était le choléra ou le poison. On m'accuse de n'avoir pas dit de suite: il s'est empoisonné. C'était le dénoncer. C'était le perdre. Un empoisonnement est un aveu tacite. «Vous pouviez le déclarer, m'a dit le chancelier.» J'ai répondu: «Monsieur le chancelier, quand déclarer est dénoncer, un médecin ne déclare pas.» (Choses vues, 230.)
[101] Accident bizarre! La phrase est chargée de repentirs et de retouches d'une encre plus noire et qui semble moins ancienne, et la rature porte précisément sur la nature du mal dont souffre Praslin. Il y a bien «sorte de choléra» à l'encre noire. Qu'y avait-il à l'encre blanche?
[102] Arch. nat. CC 808. La lettre a été déchirée en menus fragments. Bizarre!
[103] Premier rapport du Dr Andral. Le chancelier Pasquier, toujours par ce hasard malheureux qui rend oublieux des magistrats qui ne sont pas des Daguesseau, a négligé l'insinuation du Dr Andral qui devra, le 31 août, se faire donner acte de son premier rapport du 20.
[104] «Le misérable duc, écrira plus tard Pasquier à de Barante (14 septembre 1847), en tranchant son existence, nous a, pour quelques moments, mis dans une difficile situation; mais au fond le dénouement a peut-être encore été le moins malheureux auquel on fût exposé.»
[105] Intermédiaire des chercheurs et des curieux, 10 janvier 1893, d'après les papiers de Morice (Bibliothèque Carnavalet).
[106] Arch. nat. CC 811.
[107] «Mon Dieu, disait une bouquetière, pourvu qu'on ne me le tue pas! Cela m'amuse tant de lire tout ça tous les matins dans le journal!» (Victor Hugo. Choses vues, 227.)
[108] Moniteur, 2 septembre 1847 (procès-verbal de la séance secrète du 30 août.)—Victor Hugo, Choses vues, 232.
[109] Arch. nat. CC 808. Papiers trouvés à sa mort chez Calais, ancien secrétaire du chancelier Pasquier (1868).
[110] C'est la doctrine de Gary et de Lehmkul, Casus conscientiæ?. C'est celle de Clément Marc Institutiones morales. Rome, 1898.
[111] Notes de Morice. Intermédiaire des chercheurs et des curieux, 10 janvier 1893.
[112] C'était l'heure fixée par l'agent Philippe pour les visites successives de Praslin à la garde-robe. Allard, au contraire, qui avait pris Praslin en observation à partir de dix heures du matin, voulait fixer l'empoisonnement aux premières heures de la matinée.
[113] Louis Favre. Le Luxembourg, p. 348 (d'après le procès-verbal de Monvalle).
[114] L'Impartial de Louviers (10 mars 1906), d'après Mme Monnier, ancienne concierge de Vaux, dit que le transfert fut postérieur à 1848.—Un article de la Libre Parole (25 octobre 1905) prétend que le corps fut transporté à Maincy vers 1871, «le duc étant mort en Angleterre.»
[115] Ce fut l'objet d'une enquête de la commission d'instruction.
[116] Jusqu'ici les preuves sont les suivantes: 1o Mme Frandidier, gouvernante des enfants Praslin, qui aurait été reconnaître le corps, l'aurait trouvé défiguré et ratatiné. (On ne voit nulle part le nom de Mme Frandidier parmi les gouvernantes, et les médecins trouvent le cadavre superbe); 2o Mme de Proisy, dame d'honneur de la reine Marie-Amélie, a vu Praslin en Belgique un an après le meurtre. (Mme de Proisy ne figure pas parmi les dames d'honneur de Marie-Amélie); 3o le cocher Paulmier, au service des Beauveau en 1847, rencontre Praslin boulevard Montmartre en 1861, quatorze ans plus tard. (Le comte de Bondy, d'après Victor Hugo, est le véritable ménechme de Praslin); 4o il a vécu à Guernesey, disent Robinet de Cléry et le baron Lumbroso, qui se bornent à l'attestation du rédacteur en chef de la Gazette officielle de Guernesey; 5o les contrats de mariage des filles porteraient obligation de faire une pension à personne inconnue habitant l'Angleterre (le texte des contrats est à publier et le chiffre réel de la pension à indiquer).
[117] Sans que nul y fasse obstacle.
[118] C'est l'opinion de Biéchy de l'Empoisonnement du duc de Praslin. «M. le duc de Praslin, dit-il, évidemment voulait en finir avec la vie et il a eu la bonne chance d'avoir à faire à des docteurs qui l'ont si bien aidé dans cette œuvre de suicide en lui faisant avaler de l'eau, de la glace, du nitrate de potasse, en lui soutirant du sang.» (p. 11).
[119] Barante. Souvenirs.
[120] On a prétendu que la Préfecture de police n'avait pas permis la publication d'images ou de complaintes relatives à l'assassinat. Nous reproduisons la seule image parue. Il y a aussi les complaintes: Pauvre duchesse, qui se chantait sur l'air de La lionne; Assistants, venez entendre, sur l'air de Fualdès; La prière de la duchesse de Praslin pour son fils sur l'air de T'en souviens-tu.
[121] Cette phrase de la déposition a été bâtonnée. Le docteur de la Berge répétait dans sa déposition des propos analogues: Elle me sembla attribuer son renvoi à l'inimitié du maréchal Sébastiani. Selon elle, il ne l'aurait pas toujours respectée et se serait porté sur sa personne, en deux ou trois circonstances, où il l'aurait trouvée seule, à des actes d'immoralité qu'elle aurait été obligée de repousser.»
[122] Victor Hugo. Choses vues.
[123] «Le dénouement, écrit Pasquier au baron de Barante, a eu pour moi l'inconvénient de m'imposer la nécessité de me faire l'organe de la vindicte publique et de prononcer après sa mort l'arrêt qui ne devait régulièrement l'atteindre que vivant. Cette irrégularité a été heureusement fort bien accueillie par les principaux organes de l'opinion.»
[124] Pasquier ne dit pas pour quelle raison il a rejeté tant de pièces qui permettent aujourd'hui de faire la lumière sur les causes du meurtre. Il est vrai que rencontrant Victor Hugo, en février 1849, il lui dira, en parlant des procès de 1847: «Je n'y voyais déjà plus clair et j'étais obligé de me faire lire les pièces, d'avoir toujours derrière moi M. de la Chauvinière pour me tenir lieu de mes yeux que je n'avais plus. Oh! se faire lire. Vous ne savez pas comme cela est gênant. Rien ne se grave dans l'esprit.» (Victor Hugo. Choses vues, 277.)
[125] «Il est évident, dit la Démocratie pacifique, qu'on ne l'a gardée en prison que pour satisfaire les misérables rancunes d'une famille puissante.» D'autres l'engagent au silence. Comme on prétend qu'elle va publier ses mémoires, un poète lui dit:
Oui, l'on prétend que l'avide scandale
S'est, aux aguets, placé sur ton chemin.
Tu l'entendras de sa voix sépulcrale
Crier l'aumône et te tendre la main;
De ce forban repousse la présence,
Sa voix perfide a de vénals accords.
Ah! par pitié, respecte le silence,
Le pieux silence des morts!
Cela se chante sur l'air de la Lionne.
[126] Journal des Débats, 29 octobre 1905, article de M. Chambon.
[127] M. H. Field. Home Sketches in France, 103.
[128] Intermédiaire des chercheurs et des curieux, 28 février, 30 avril 1906.
[129] Ses papiers sont dans le dossier des Archives, sauf les lettres de Louise et de Berthe de Praslin, remises à Tiburce Sébastiani.
[130] L'auteur de La Case de l'oncle Tom.
[131] Cette lettre a été écrite par une des rares personnes qui connaissaient le secret de Praslin et voulaient le sauver en égarant la justice sur une fausse piste. «L'auteur du meurtre, c'est moi, y lit-on, je suis désolé du scandale qu'occasionne cet acte coupable, mais cet assassinat n'est pas aussi innocent que vous pourriez le croire: la duchesse le méritait. Je connais les lois, je sais que c'est odieux de se faire justice soi-même. Ce qui m'y a déterminé, c'est la crainte de déshonorer l'illustre famille Sébastiani en rendant la chose publique.»
[132] Préface de Home Sketches in France.
[133] Jamais elle n'alla plus loin que dans le mémoire à ses juges, (août 1847). «C'est dans les enfants qu'on a dû le menacer; c'est son amour pour eux qui l'a perdu.»
TABLE DES CHAPITRES
| Préface | 5 | ||
| I. | — | Un grand mariage en 1824 | 7 |
| II. | — | Seize ans de vie conjugale | 29 |
| III. | — | Henriette Deluzy-Desportes | 60 |
| IV. | — | La question des mariages | 82 |
| V. | — | Trois mois d'enfer | 116 |
| VI. | — | Meurtre et suicide | 149 |
TABLE DES GRAVURES
| Marie-François de Franquetot, duc de Coigny (dessin de Maurin, d'après Rouget, lithographie de Villain) | 9 |
| Le général Horace Sébastiani, ambassadeur de la République française à Constantinople (peint par Gérard, gravé par Denon) | 17 |
| L'ordre règne à Varsovie (caricature de Grandville et Forest) (La Caricature, 1830) | 26 |
| Le Vaudreuil (Eure) (dessin et lithographie de G. de Pontalba) | 35 |
| La duchesse Hélène d'Orléans (imprimerie lithographique de Bêtremieux) | 37 |
| Le Vaudreuil: L'Orangerie (dessiné par Hostein, lithographie d'Engelmann) | 42 |
| Une soirée chez le duc d'Orléans (dessin d'Eugène Lami) (Jules Janin: Un hiver à Paris) | 50 |
| Vaux le Praslin (1845), (dessin de Rauch, gravé par Schraeder) | 52 |
| Le Château de Praslin (En-tête de papier à lettres de Louise de Praslin) (Archives Nationales) | 57 |
| Henriette Deluzy-Desportes (Mrs Harry M. Field) vers 1870 (Home Sketches in France, New-York, 1875) | 62 |
| Charles-Raynald-Laure-Félix, duc de Praslin, pair de France | 66 |
| Le maréchal comte Sébastiani (lithographie Delpech) | 68 |
| Lettre de la duchesse de Praslin à son mari (15 mai 1842) (Archives Nationales) | 75 |
| Le comte de Breteuil, pair de France | 81 |
| Caricature dessinée par la duchesse de Praslin (Archives Nationales, CC. 809) | 84 |
| Bastia (1843) (dessiné par L. Garneray) | 88 |
| Martyrium Sancti Sébastiani (La Caricature, no 21) | 92 |
| Portrait de Madame Adélaïde d'Orléans (peinture de Gérard (1826), gravée par P. Adam) | 95 |
| Vue de la fontaine de Ficayola, près Bastia (dessinée par d'Aubigny, gravée par Née) | 104 |
| Extérieur de l'hôtel Praslin (image populaire publiée en août 1847, par la lithographie Chatain, d'après le dessin de J. Février) | 116 |
| La Cour des Pairs: Une séance du procès Teste Cubières (illustration du 17 juillet 1847) | 120 |
| Lettre d'Henriette Deluzy au duc de Praslin (Archives Nationales, CC. 809) | 127 |
| Reçu des lettres de Louise et Berthe de Praslin adressées à Mlle Deluzy et remises au général Tiburce Sébastiani sur sa requête (Archives Nationales CC. 809) | 132 |
| Plan de l'hôtel Praslin (placard vendu en août 1847) | 151 |
| Claude-Alphonse Delangle, procureur général (lithographie éditée par Rosselin) | 155 |
| Étienne-Denis Pasquier, président de la Chambre des Pairs | 156 |
| La Chapelle ardente de la duchesse de Praslin (illustration du 28 août 1847) | 164 |
| Lettre de Boucly à Delangle (Archives Nationales, CC. 808) | 164 |
| Élie, duc Decazes (portrait publié par Le Pilori, 1846) | 171 |
| Dictée de Praslin au duc Decazes (papiers de Calais, secrétaire du chancelier Pasquier, adjoints au dossier en 1868) (Archives Nationales CC. 808) | 172 |
| Mathieu-Joseph-Bonaventure Orfila (dessin de Maurin, lithographie de Villain) | 176 |
| Le Palais du Luxembourg (Le Diable à Paris, 1845) | 183 |
| Victor Cousin (lithographie de Julien, 1839) | 185 |
| Lettre signée M. C. adressée au Procureur général le 22 août 1847 | 188 |
Imprimerie F. Schmidt, 5-7, avenue Verdier, Grand-Montrouge (Seine).