← Retour

L'Ystoire de Eurialus et Lucresse, vrays amoureux, selon pape Pie

16px
100%
Menelao uxorem custodies
Menelaus sa femme retiendra
Par ces moyens ne si fort dommageux
Ne lui sera quant bien on l'entendra
Que je qui suis de lucresse amoureux
Puisse au desceu de tous les faulx jaleux
Avec elle coucher par une nuyt
Que qu'el coure par amour furieux
Au veu de tous aprés moy faisant bruyt
Quidsi me domi nobilem atque potentem &c
En me suivant perdroit tout son honneur
Car se aprés moy qui suis noble & puissant
Venir vouloit pour sa grande chaleur
Refrigerer jusques chiés moy suyvant
Quel deshonneur auroit le triumphant
Renom de tout vostre noble lignage
Le peuple yroit de ce tresfort riant
De autre chose on ne feroit langage
Nedum vestra sed tocius urbis infamia & cetera
Et ne viendroit pas cela seulement
Au deshonneur des parens amis
Mais a note perpetuelement
De la cité ainsi que m'est avis
D'infamie a tousjours seroit mis
Quelque chapeau que oster on ne pourroit
A ces causes pour que tout soit remis
A nostre amour obtemperer on doit
Diceret forsan aliquis &c
Aucun pourroit par aventure dire
Que mieulx vauldroit tuer par ferrement
Ceste femme ou par venin lui nuyre
En l'estaingnant assés secretement
Que permettre qu'el face aucunement
Chose qui soit infame ou impudique
Car on pourra assés legierement
La despescher sans macule publique
Sed ve illi qui se humano sanguine polluit &c.
Mais tout mal eur & malediction
Vienne sur cil qui ses mains souillera
En sang humain par vindicacion
Et pour moindre peché que aucun fera
Par trop plus grand vengence requerra
On doit les maulx apetisser non croistre
Le chascun scet qui bien regardera
Faire ce doit tant ou siecle qu'en cloistre
Nos hoc scimus ex duobus bonis melius eligendum
Et bien savons que devons des deux biens
Celui qui est plus excellent eslire
De mal et bien par bons & sains moyens
Le bien choisir: le mal laisser & fuyre
Mes de deux maulx celui qui peut moins nuire
Prendre devons: danger par tout y a
Ce neantmoins la voie que monstre a suyvre
Moins de peril aux amans portera
Per quid medium sanguini tuo consules & cetera
Par ce moyen non pas a ton lignage
Porter prouffit seulement tu pourras
Avecques ce me feras avantage
Et grant prouffit que pas tu ne perdras
Car crucié je suis n'en doubte pas
Quant je apperçoy que pour cause de moy
Lucresse meurt sans plaisir ne soulas
Aucun avoir de ce douldre me doy
Sed hic sumus eo deducta res est
Et en effect nous sommes la venus
Que si ton art et engin curieux
Ne gouverne la nef ou contenus
Sont les amans par moyen tressongneux
Espoir ne voy de salut si m'aid dieux
Nostre secours/ aide & reconfort
Est en tes mains situé se tu veulx
Pour nostre nef conduire & mettre a port
Juva igitur & illam et me tuamque domum &c
Aide nous donc elle & moy nous metton
Entre tes mains pour nostre fait conduire
De macule conserve ta maison
Fay que puissons nous esbatre & deduire
Que soie ingrat ne fault penser ou dire
Tu congnois bien la grande auctorité
Qu'ay en la court de cesar nostre sire
Ce n'est fable mais pure verité
Quicquid pecierim impetratum tibi efficiam
Tout ce de quoy requerre le vouldré
Pour et ou nom de toy sera parfait
Je te promés que tout bien absouldré
Je t'en baille ma foy c'est assés fait
Mais plus y a car par real effect
Je te feré conte palatin estre
Bien desservi te sera ton bien fait
On te verra en bien fleurir et croistre
Omnemque tuam posteritatem hoc titulo gavisuram &c
De ce tiltre conte palatin
A tousjoursmés jouyra ton lignage
Pour tant sur tout soit au soir ou au matin
Te recommand lucresse la tressage
Si fay je moy et oultre de avantage
Nostre loyal amour & bon renom
Aussi l'onneur de ton noble parage
En ta foy soit garde & protection
Tu arbiter es omnia hec in te sita sunt &c
De tout te fay juge/ arbitre & moyen
Tout est en toy tout peulx faire ou defaire
Je te supply par tout regarde bien
Tout peulx saulver ou perdre du contraire
Lors pandalus quant eut ouy l'affaire
D'eurialus a soubzrire se print
Quelque petit de pause voulut faire
Puis a parler ce que ensuit entreprint

Comment pandalus respondit a eurialus fort joyeux de ce qu'il devoit estre conte et comment lui promist les assembler lui et lucresse

Noram hec euriale dixit et utinam non accidissent
Euriale dist pandalus je avoie
Bien entendu des pieça cest amour
Et te promet et jure que vouldroie
Que ce ne fust avenu quelque jour
Mais ainsi qu'as recité sans sejour
La chose est ja en tel train parvenue
Qu'il me convient trouver façon & tour
D'acomplir ce qu'as dit d'une venue
Nisi et nostrum genus effici contumeliis &c.
Necessité de ton vouloir parfaire
Si me contrainct se ne vueil mon lignage
Estre a jamais infame sans retraire
Et d'infamie estre mis au servage
Contumelies/ scandales davantage
De la venir pourroient bien je l'entens
Maulx infinis en viendroient c'est l'usage
Ce que eviter a mon povoir pretens
Ardet mulier sicut dixisti
Je congnois bien que lucresse est brulee
Du feu d'amours ainsi qu'as recité
Elle n'est point de soy dame trouvee
Se el n'a secours je croy en verité
Qu'el se occira par grand crudelité
De aucun glaive ou quel se jettera
Des fenestres embas se humanité
Ne la secourt bien brief tout gastera
Nec vite sibi nec honoris est cura
De sa vie el n'a cure ne soing
De son honneur encor moins on le voit
Evidemment: son grief mal et besoing
M'a descouvert autant qu'as cy endroit
J'ay resisté: & la cuidoie au droit
Sentier tousjours ramener & reduire
En l'increpant ainsi que droit vouloit
Mais son propos elle veult tousjours suyre
Lenire flammam studui &c.
J'ay essaié par moyens et tendu
A refroider sa grant chaleur extreme
Mais de certain j'ay en vain pretendu
Et sur ce point ay failly a mon esme
Pale/ foible devenue est et blesme
Tout desprise vivant en grand esmoy
Il n'est sirop/ brevage ne cyroisme
Qui reconfort lui donne fors que toy
Tu illi semper in mente sedes
Tousjours tu es en son courage escript
Mis & posé tousjours el te demande
Toy desirant comme paint et inscript
Seul sans autre en son cueur de tresgrande
Affection elle veult que je pretende
La guerison de son mal importable
A l'une fois m'appelle puis commande
Mais tousjours fait de toy quelque notable
Audi precor euriale sic mulier ex amore mutata est &c.
Euriale escoute je te prie
Ceste femme est par amour changee
En tel façon que on peut je t'affie
Dire qu'elle est muee et estrangee
D'une façon en l'autre transmuee
Ha grant pitié & grant douleur me tient
Quant sa vertu ainsi voy commuee
De bien en mal: de rien ne me souvient
Nulla in urbe tota vel castior vel prudentior
En la cité n'avoit plus chaste femme
Plus prudente sans doubte que lucresse
Que nature si excellente dame
Au dieu d'amours a vertu et prouesse
Si grandz donné que soudain sans peresse
Peut es pensees des humains resider
C'est merveille: grant puissance & noblesse
Lui a donné pour plus hault presider
Medendum est huic egritudini &c.
A ce grief mal convient trouver secours
Combien que autre remede je n'y voy
Que celluy que as trouvé c'est le recours
Mon plain devoir en ce cas je feray
Quant il sera temps je te appelleray
Grace ne vueil salaire ne loyer
De homme de bien l'office com je croy
N'est salaire prendre sans meriter
Ego ut vitem infamiam &c
Mais a la fin que je puisse eviter
L'infamie que sur nostre famille
Pourroit tumber vueil experimenter
Bon remede par voye assés subtille
Et s'il avient que ce te soit utille
Pour ce ne vueil quelque loyer avoir
Il me suffist que par façon abille
Puisse a vos maulx ainsi que entens pourvoir

Comment eurialus de rechief promet a pandalus le faire conte palatin

At eurialus inquit
Eurialus respondit a pandale
Voy cy le bien et grace que en auras
Car quoy que soit qui qu'en sermonne ou parle
Conte/ soys seur palatin tu seras
Se tu me crois pas ne refuseras
La dignité car elle est belle et haulte
Tousjours de plus en plus te esleveras
Mais je te pry que a ce fait cy n'ait faulte

Comme pandalus faint ne vouloir estre conte par office de macreau mais bien par autre moien se possible estoit

Non sperno inquit pandalus &c.
Lors pandalus a euriale dist
La dignité je ne vueil reffuser
Mais bien vouldroys que ce pas ne venist
Par ce moien s'on povoit aviser
Liberaument que on la me peust donner
Sans quelque esgard avoir a ce fait cy
Je ne vouldrois honneur habandonner
Ce que ferois quant il seroit ainsi
Si potuisset hoc te nesciente &c
Se estre povoit que j'eusse a ton deceu
Par mon labeur et diligence faict
Que tu eusses sans en avoir rien sceu
De lucresse tant a ton plaisir faict
Plus voulentiers eusse le tout parfaict
Ce neantmoins le possible feray
En faisant tant que joyeux et refait
Te trouveras sur ce a dieu te diray
Et tu vale retulit eurialus &c
Eurialus dist a dieu de sa part
Telz parolles a pandalus disant
Puis que tu m'as par ta science et art
Le courage rendu fay en faignant
Treuve moiens en bien dissimulant
Que nous soions assemblés et unis
En quelque lieu ne soies delayant
De lucresse me bailler vis a vis
Pandalus letus abiit quod tanti viri gratiam invenisset
Pandalus lors a euriale dist
Ne te soucye car joyeux tu seras
Grande joye en son cueur est et gist
Disant a soy de quoy te soucieras
Puis que l'amour d'ung si grant homme as
Il esperoit conte palatin estre
Plus desirant ce avoir n'en doubtés pas
Que moins semblant monstroit le vouloir estre

L'acteur parle de aucuns hommes qui ont nature feminine

Sunt enim homines quidam ut mulieres &c.
Aucuns hommes sont aux femmes parelz
Lesquelles ont telle condicion
Quant on leur dit plaisir faire veilles
Elles en feront lors denegation
Mais c'est a lors qu'ilz ont devocion
De parfaire ce dont elles sont requises
De pandalus tel fut l'afection
Par manieres et faintises exquises
Hic lenocinii mercedem sortitus est et cetera.
Pandalus eut de macreau le salaire
Bien tost aprés fut conte palatin
De noblesse pour mieulx le tout parfaire
Les ornemens receut a ung matin
Ce fut assés tiré pour ung hutin
Sa lignee en est magnifiee
Portant habis de veloux et satin
Aux plus nobles par tout parifiee

L'acteur monstre qu'il y a plusieurs manieres de noblesses et dont elle est venue et que elle a eu originelle naissance de peché quant a plusieurs ainsi qu'il apert de pandalus et que pour les biens mondains homme ne doit estre dit noble

In nobilitate multi sunt gradus
En noblesse plusieurs degrés y a
Et qui vouldroit de noblesse querir
L'originel naissance on trouvera
Comme je croy se on veult bien enquerir
Que on ne sauroit trouver ne requerir
Noblesse tant soit vieille de parage
Au moins bien peu que on ne treuve venir
Et proceder de peché ou de oultrage
Cum enim hos dici nobiles videamus & cetera
Et comme ainsi soit que nobles tenons
Ceulx qui les biens du monde ont a monceaulx
Et que a tart les vertus nous voions
De richesses compaignes que dirons
De noblesse la principe pourrons
Estre en tous lieux veu tresadulterin
Degenerant de vertu/ ce povons
Par chascun jour voir au soir & matin
Hunc usure ditaverunt illum &c
Par usures est l'un devenu noble
Riche et puissant et l'autre par pillage
Et par traisons et poison tresinnoble
Par flateries pathelins coquillage
Adulteres macrelleries bagage
Par bien mentir et toutes voies obliques
De la viennent a plusieurs avantage
Noblesse estas et par autres trafiques
Quidam faciunt ex conjuge questum &c.
Et les autres de leurs femmes houliers
Sont pour avoir richesses sophistiques
De leurs filles le sont a grans milliers
Plus que bourreaux infaitz par telz pratiques
Et les autres leurs atins et apliques
Pour les aucuns occire ont tendus
Charchans avoir richesses redupliques
Par faulx moiens par la loy deffendus
Rarus est qui juste divicias congreget &c
On trouveroit a peine homs qui peust
Grans richesses justement assembler
Et ne vit on oncques faucheurs qui eust
Faulx tresample que pour tout arrabler
Toutes herbes recueillir et trencher
Grans richesses assemblent les mondains
Sans d'ou viennent penser ne regarder
Fors au nombre/ se sont les communs trains
Omnibus hic versus placet unde habeas querit nemo
A toutes gens est plaisant ce vers cy
Dont tu ayes nul fait question
Avoir convient de ce ont peine & soucy
Par pillerie ou faulse paction
Ilz boutent hors loy/ foy/ devocion
Pour amasser et devenir puissans
Quant de ducas auront plaine maison
Nobles seront riches & triumphans
Que sic quesita nil est aliud quam premium iniquitatis &c.
Mais noblesse par ces moiens aquise
Est le loier de leur iniquité
Et se tout bien je remembre et avise
Mais ancesseurs ont de nobilité
Nom et armes de long temps aporté
Pour ce esparner eulx ne moy ne vouldroye
Je ne les croy meilleurs avoir esté
Que les autres quelque excuse qu'i voye
Sola excusabat antiquitas quia non sunt in memoria
Antiquité seulement les pourroit
Aucunement excuser pour qui sont
Hors memoire de plusieurs on le voit
Car on ne scet dont telle noblesse ont
Voycy de ce mon opinion donc
Nul n'est noble s'il n'aime les vertus
Le plus noble de sang les pechés font
Devoir estre villain dit et sentus
Non miror aureas vestes equos &c
Je ne loue vestemens d'or ne chiens
Ne grans chevaux ne de servans grant suite
Les grans convis garnis de mes & biens
Les haulx palais villes ou l'en habite
Fermes/ estangs/ haulte moyenne justice
Parcs/ et forests/ garennes ne prairies
Puis que homme fol les peut par injustice
Toutes avoir par ses grans pilleries
Quem si quis nobilem dixerit ipse fiet stultus
Et se aucun dit que tel est noble & digne
Je vous promet que cil qui ce dira
Doit & sera reputé fol indigne
Par cil qui bien la verité visera
Nostre mignon pandalus en fera
A tous la foy qui par son macrelage
Fut conte faict par ce bien infera
Que fol estoit devenu et peu sage

L'acteur retourne a sa matiere principale et monstre comment pandalus emprunta la haquenee d'eurialus pour menelaus qui alloit dehors

Non multis post diebus &c.
Bien peu de temps aprés ce que dit est
Les laboureurs et fermiers du mary
De lucresse eurent quelque interest
Noises debas menelaus marry
Fut grandement en son cueur espeury
Car on luy dist que aprés boire ilz avoient
Quelque un d'entre eulx navré tué murtry
Aller convient veoir comme ilz le faisoient
Opusque fuit ad res componendas menelaum proficisci
Et pour iceulx apaiser fut besoing
Que ce mary menelaus allast
Par devers eulx car de ce avoit soing
Lucresse lors comme se bien soignast
De la santé du mary et pensast
Le captiver luy a dit qu'il estoit
Grave foible que cheval qui trotast
Dorenavant pas bon ne luy seroit
Gradarium aliquem recipe commodatum &c.
Elle luy dist mon amy empruntés
Pour aller hors aucune hacquenee
Aux assistens il dist par tout sentés
Et que aucune me soit tost empruntee
Pandalus dist je croy que en la contree
On ne pourroit meilleure recouvrer
Pour doulx aller mieux passant ne acoutree
Que une que ay veu a eurial mener
Si me vis petere pete inquit menelaus &c.
Et si te plaist je la te emprunteré
Menelaus respond que c'est bien dit
Eurialus ne dist pas non feré
Ains commanda que plus tost fait que dit
On amenast sans quelque contredit
La haquenee signe de joye receut
Car a par soy secretement a dit
La besongne mieulx avenir ne peut
Tu meum equum ascendes menelae ego tuam uxorem equitabo &c
Menelaus ce plaisir bien te vueil
Sur ma beste com je voy monteras
Mais qui que en ait despit feste ne dueil
Ainsi que mon cheval chevaucheras
En ta maison quant parti tu seras
Ta lucresse pour toy chevaucheré
De ce marry estre ne deveras
Ce que ne peus parfaire acheveré

Comment aprés que menelaus fut parti Eurialus fut jusques a mienuyt a l'uys de lucresse & ne povoit entrer pour le frere de menelaus qui ne vouloit aller dormir jasoit ce que pandalus de ce le causast

Conventum erat ut noctis ad horam quintam in vico &c.
Apointé fut que eurialus vendroit
A cinq heures en la rue devant l'uys
Se pandalus chanter lors il oyoit
Signe seroit qu'il auroit bonnes nuys
Menelaus estoit desja partis
Les tenebres de la nuyt aprochoient
Du ciel c'estoient les clertés departis
Par les rues peu de gens tournoient
Mulier in cubili tempus manebat
Lucresse estoit sur son lit attendant
Que son amy eurialus venist
Qui devant l'uys estoit ja tournoiant
Et ne faisoit que atendre que on luy fist
Le signe ainsi que pandalus predist
Chanter ne ouoyt ne cracher l'expectant
L'eure passoit achates lors luy dist
Alon nous en de toy se vont gabant
Durum erat amanti recedere &c.
Il estoit dur de partir a l'amant
Et maintenant il charchoit une cause
De demourer l'autre cause querant
Il delayoit le partir faisant pause
Car de chançon ne oyoit verset ne clause
Pour pandalus qui le frere doubtoit
De ce mary tenant la maison close
Entierement sur lucresse guettoit
Omnes aditus scrutabatur ne quid insidiarum fieret noctem trahebat insomnem &c.
Les entrees/ portes/ fenestres/ huys
Tenoit serrees ce frere sans doubtance
De regarder par tout il estoit duys
La nuyt passoit sans dormir par plaisance
Quelque labeur qu'endurast ou souffrance
Ne lui chaloit mais que bon guet il fist
De ce avoit pandalus desplaisance
Qui par couroux telz parolles lui dist

Comment pandalus remonstre au frere de menelaus qu'il est heure de aler coucher affin que eurialus entrast

Nunquam ne hac nocte cubitum ibimus
Nous yrons jamais en ceste nuyt
Coucher vecy trop veillé se me semble
L'eure passe il est aprés minuyt
Dormir me prent tant que mort je semble
Quant j'ay pensé toutes choses ensemble
D'une chose me vois esmerveillant
Que a ung viellart ta nature ressemble
Et si es tu jeune et gentil galant
Quibus siccitas somnum auffert nunquam dormiunt
Les vieilles gens esquelz humeur default
Dormir ne pevent trop consumé en eulx
Est radical humeur doubter n'en fault
Quant vient le jour lors sont fort sommilleux
Quant on se doit lever ilz cloent les yeulx
Dormir veulent c'est leur propre nature
Trop ressembler ainsi que voy leur vieux
Contre raison pas n'est ta nourriture
Eamus tum dormitum &c.
Alons doncques dormir je te supplie
Que valent tant de vigiles et soings
Lors le frere lui dist puis qu'il t'ennuye
Alons coucher mais premier est besoings
Que les portes de verroulx & de coings
Soient barrees pour que mauvais larrons
Ne surviennent mettre y convient les poings
Et puis aprés coucher nous en yrons

Comment le frere de menelaus barroit les portes en la presence de pandalus

Veniensque ad ostium nunc &c
A la porte tout droit il s'en ala
L'une et l'autre serreure mist apoint
Et la barre de l'uys il abilla
Une barre de fer vit sur ce point
Que a grant peine deux homes en pourpoint
Eusse levé: de ce barrer vouloit
L'uys ja soit que on ne l'en barrast point
Ou paravant fermer il l'en cuidoit
Quod postquam admovere non potuit juva me inquit pandale &c
Mais quant il vit que trop pesant estoit
Et que lever de terre ne la peut
A pandalus dist que s'il lui plaisoit
Il lui voulsist aider mais il ne veult
Eurialus tout cela oyt et sceut
Disant c'est fait se la barre est levee
De paour qu'il a le cueur lui tremble et deult
Car la porte trop eust esté clouee
Tum pandalus quid tu paras &c
Lors pandalus lui dist: que veulx tu faire
Il peut sembler que on te veult assiger
De tant barrer n'est chose necessaire
Car en cité sommes ou n'a danger
Qui te viendra en ce lieu oultrager
Ou nous avons paix/ repos a plaisance
Nostre ennemy florentin deloger
Ne te viendra: loing fait sa residence
Si fures times sat clausum est &c
Et se tu crains les larrons trop est l'uis
Barré aussi si les ennemis sont
En la ville faire chose ne puis
Qui te puisse saulver ilz te prendront
En la maison barriere froisseront
Si sage es l'uis ainsi laisseras
Quant de ma part les barres demourront
Aide de moy sur ce aucune ne auras
Quia scapulas doleo & cetera
Les espaules me deulent griefvement
Et suis rompu du bas pour quoy ne puis
Chose lever ne moy aucunement
A fais porter efforcer dont je suis
Tresdesplaisant et se jamais cest huis
On ne povoit barrer tant que de moy
Ce gros barreau de fer y fust assis
Tousjours ainsi demourroit par ma foy

Comment le frere de menelaus mary de lucresse se ala coucher: & lucresse mist eurialus en la maison a grant peine

Vah satis est inquit dormitumque cessit
Fy de telz gens dist ce frere a pandale
De la tout droit dormir il s'en ala
Eurialus qui morfondu et pale
Sur le pavé estoit ne se bouga
Ains dist de vray que une heure la sera
Pour escouter se aucun ouvrira l'uys
Son compaignon a qui moult ennuya
Le mauldisoit tout bas et vis a vis
Nec diu mansum est cum per rimulam visa est lucressia
Et ne tarda pas longuement aprés
Que eurialus par la fente de l'uys
Vit lucresse qui s'approcha plus pres
Au devant vint comme entendre je puis
A travers l'uys lui a dit bonnes nuys
Vous envoit dieu ma doulce amie lucresse
Espantee fut de fuir eut avis
Puis s'appensa de demander qui esse
Eurialus tuus inquit aperi mea voluptas &c
Eurialus a sa dame & maistresse
Lors respondit c'est vostre amy loyal
Eurialus: mon cueur et ma liesse
Ouvrés moy l'uis j'ay esté cy aval
Sur le pavé toute nuyt ou moint mal
Froit et douleur ay souffert sur mon ame
Ouvrés moy l'uis par vouloir cordial
Je vous requier & supplie ma dame
Agnovit lucressia vocem &c.
Lucresse bien la voix de son amant
Lors entendit mais doubtant la faintise
El n'osa pas son huis ouvrir devant
Que secretes enseignes el avise
Aux deux amans congneues selon leur guise
A grant labeur les serreures ouvrit
Toute vertu/ sens & puissance a mise
A deffermer ce que l'autre clouit
Sed quia plurima ferramenta &c
Mais pour ce que les portes si estoient
De plusieurs gros ferremens touroullees
Et que les mains fermement n'avoient
Pas puissance: des choses bien serrees
A plain ouvrir elz furent deserrees
A demy pié d'ouverture ou viron
A lucresse furent lors conferees
Doubles vertus pour loger son mignon
Nec hoc ait eurialus obstabit &c.
Quant eurial apperceut l'ouverture
Qui estroicte et peu patente estoit
Dist je mettray mon corps a l'aventure
Et en entrant il mist son costé droit
Son corps gresle/ gent et mignon estoit
Mais de trop plus le fist gresle et habile
Dedens entra amours lors lui aidoit
A vrais amans n'est chose difficile

Comment lucresse se pasma et evannouyt entre les bras de eurialus des douleurs & plaintes qu'elle fist

Mulierem medium amplexatus est.
Il embrassa tresamoureusement
Sa plaisance/ sa dame et sa liesse
Dehors se tint achates longuement
Faisant le guet qui moult au cueur le blesse
Entre les bras d'eurialus lucresse
Fust de crainte ou de joye se pasma
Elle devint presque morte en la place
Pale/ blesme sans parler demoura
Oculis clausis similis mortue per omnia videbatur &c
Les yeulx avoit clos la plaisant lucresse
Et de tout point a morte ressembloit
Et n'y avoit de vie quelque adresse
Fors la chaleur et le poulx qui mouvoit
Eurialus qui ainsi la tenoit
Tout espanté fut du cas de fortune
Et ne savoit que faire lors pourroit
Il povoit bien adonc conter pour une
Si abeo inquit mortis sum reus
Se je m'en fuy disoit il on dira
Que de sa mort seray cause et diront
Qu'en tel peril nul ne contredira
Ne la devois laisser c'est ung mot ront
Se je arreste les varlés qui ceans sont
Me trouveront je suis de toutes pars
Triste & perplex scandale me feront
Je periray par coups d'espee ou dars

Comment eurialus fait invective contre amours

Heu amor infelix qui plus fellis quam mellis habes &c.
Ha fol amour tant tu es maleureux
Plus as d'amer fiel que de doulceur
L'absince n'est si amer si m'aist dieux
Comme tu es trop m'as fait de rigueur
En quans perilz & dangiers par foleur
M'as tu ja mis et offert en mains lieux
Et a quantes manieres par fureur
De mort m'as tu livré jeunes & vieulx
Hoc nunc restabat ut meis brachiis feminam examinares
Se seulement respit comme j'entens
Que entre mes bras rendisses pale & morte
Celle de qui toute ma joye j'atens
Que ne m'as tu occis devant la porte
Plus tost que ainsi par tresestrange sorte
Tout mon plaisir et joye esvanouir
Ou a beste cruele dure et forte
Comme ung lion livré pour moy gloutir
Heu quam optabilis erat in huius me potius gremio
J'eusse de trop plus voulentiers amé
En son giron mourir et trespasser
Que son gent corps entre mes bras pasmé
Fust en ce point pour ceste vie laisser
Amour vainquit l'amant car delaisser
Ne la voulust quelque dangier qu'il vist
Mieulx eust amé de ceste vie passer
Que abandonner celle ou tout son cueur gist
Elevans altius corpus atque desosculatus madidus lacrimis &c.
Il la levoit sur bout a sa puissance
En la baisant de lermes l'arousoit
Et lui disoit mon bien ma souvenance
Tout mon plaisir ce que dire on pourroit
Ou estes vous ouvrés icy endroit
Vos oreilles que ne respondés vous
Que ne ouyés vous ce que mon cueur conçoit
De deul & pleurs tout pour l'amour de vous
Aperi oculos obsecro meque respice & cetera
Ouvre les yeulx regarde ton amant
Ma volupté ma plaisance ma joye
Je te supply regarde moy devant
Que je meure se ainsi est que je doie
Mourir icy avec toy que je soye
D'un ris tout seul de ta bouche esjouy
D'un petit ris tel que avoir le souloie
Devant ma mort seré tout resjouy
Tuus hic assum eurialus &c.
C'est ton amy eurial qui cy est
Cil proprement qui te tient embrassee
Je me esmerveil ou ton cueur present est
De ainsi estre dois estre lassee
Helas mon cueur/ mon confort/ ma pensee
Es tu dehors ou si tu dors ainsi
Ou pourroy je te trouver si passee
Une fois es/ mourir me fauldra cy
Cur si mori volebas non monuisti
Se ainsi estoit que eusses ferme propos
De ainsi mourir et venir a la mort
Tu povois bien cela com je suppos
Me reveler affin que par accord
Je me feusse avec toy pour confort
A mort livré c'estoit ma destinee
Autre secours/ remede ne confort
N'eusse charché pour femme qui soit nee
Nisi me audis en jam latus meum aperiet gladius
Se tu ne veulx mes paroles ouir
De mon glaive bien fourby et trenchant
Le mien costé tu me verras ouvrir
Nous deux aurons une mort depeschant
Ha ma vie ma doulceur que ayme tant
Mes delices et ma seule esperance
Tout mon repos et mon bien accroissant
Mourras tu cy sans aucune allegance
Apperi oculos eleva caput nondum mortua es &c
Ouvre les yeulx leve le chief en hault
Pas encores n'es morte comme je croy
Je regarde que as le corps encores chault
Et que aspires l'air en tirant a toy
A quoy tient il que ne parles a moy
M'as tu mandé pour telle chere me faire
Sont ce les joyes que avecques toy reçoy
Me donras tu nuyt si aigre et contraire
Assurge oro requies mea &c
Mon seul repos lieve toy promptement
Et regarde ton loyal amoureux
Ton eurial et ton alegement
Qui te tient cy transi et douloureux
Quant eut ce dit un fleuve de ses yeulx
Abundamment de lermes descendit
Dessus le front de lucresse amoureux
Et les temples toutes moullees rendit

Comment lucresse retourna de pamaison et evennouyssement/ et des parolles qu'elle dist a eurialus

Quibus tanquam roseis aquis &c
Et tout ainsi que se on eust d'eaue rose
Front et temples arousé doulcement
Aussy comme en grief dormir enclose
Se resveilla et tresbenignement
Sur son amy elle getta son voyement
Helas dist elle mon amy quelle part
Puis je avoir esté si longuement
Comme si mort m'eust frapee de son dart
Cur me non potius obire sinisti
Que ne m'as tu icy laissé mourir
Entre tes bras ce m'eust esté plaisant
Bien euree on me auroit peu tenir
Se entre tes mains mon esperit languissant
Eusse rendu sans estre deloiant
Ains que fusse de avec moy departi
Car le depart me sera moult poingnant
Et ou glayve de la mort converti

Comment les deux amans se allerent coucher ensemble aprés la tribulacion dessusdicte et des parolles qu'ilz disoient l'ung a l'autre

Cum sic inviam fantur in thalamum pergunt & cetera
En devisant ainsi que dit avons
En la chambre monterent les amans
Et si eurent ainsi que nous croions
Autelle nuyt qu'eut paris bien visans
Quant helaine plaisant et jeune de ans
Es navires eut mise aussi posee
Du jeu d'amours les esbas conduisans
Furent autant et dura la nuytee
Tamque dulcis nox ista fuit &c
Et leur sembla la nuyt si amoureuse
Doulce et plaisant & chascun d'eux disoit
Que mars n'avoit point eu nuyt si eureuse
Avec venus com chascun d'eux avoit
Car eurial lucresse appelloit
Ganimedes et son doulx ypolite
Puis mon plaisant diomedes nommoit
Pour louenge d'amours tiltre et merite
Tu michi polixena eurialus referebat &c
Eurialus par semblable façon
Si lucresse polissene appelloit
Mon emylie ma venus de renom
Puis la bouche et les joes lui baisoit
Et ses beaux yeulx treslumineux louoit
Puis en levant parfois la couverture
Les beaux secretz que jamais veus n'avoit
Il contemploit par diligente cure
Plus dicebat invenio quam putarem
Puis il disoit je treuve plus de biens
En ce gent corps que on ne pourroit penser
Quant diane se le cas bien retiens
En fontaine se voulut abaisser
Et que anthion la vit illec baigner
Elle estoit lors telle se m'est avis
Plus beaux membres on ne sauroit trouver
Ne mieux fourmés plus blans ne plus cler vis
Jam redemi pericula &c
J'ay rachaté tous dangiers et perilz
Il n'est chose que pour toy ne souffrisse
O poictrine plus blanche que le lis
O mamelles tresplaisans ferme cuisse
A ceste fois je vous ay sans que on puisse
Moy empescher vous estes en mes mains
Corps et membres souffisans pour un prince
Et fust il duc ou roy tressouverains
Nunc mori sacius & cetera
Vera ne ista voluptas est et c
Est veritable ceste plaisance ou non
Ou si je suis hors moy ainsi ravy
Certes nenny ce n'est pas fiction
Je ne songe ne reve il est ainsi
O doulx baisers sans reproche ne fy
Doulx acolers morsures melliflues
Plus eureux n'est homme je vous affy
Que moy vivant marchant parmy les rues

Comment eurialus se complaignoit de la nuyt qui estoit trop courte il parloit a appollo et aurora

Sed heu quam veloces hore invida nox fingis &c
Las les heures sont trop briefves & courtes
Envieuse nuyt pour quoy t'en fuis tu
Sire appollo puis que es enfers te boutes
Arreste t'y pour quoy te hastes tu
Tes chevaulx n'ont quelque repos si tu
De repaistre ne leur donne loisir
Tousjours ilz ont le col au joul tendu
Arreste les s'il te vient a plaisir
Da michi noctem ut almene dedisti
Je te suppli donne moy telle nuit
Que tu donnas a la plaisant almene
Las aurore qui t'a faict si grant bruit
Que de titon le logis et demaine
As si soudain laissé ce m'est grant peine
Se autant plaisoie a titon que lucresse
Me plaist pour vray a trop plus longue alaine
Te dormirois comme dame et maistresse
Haud tam mane surgere te permitteret &c.
Si tresmatin lever ne te lerroit
Au pres de luy te tiendroit voulentiers
Oncques ne vy nuit quant a mon endroit
Qui si courte me semblast plus du tiers
Si ay je esté es contrees et sentiers
De bretaigne et de dacie aussi
A dieu pleust il que la nuyt trois quartiers
Eust encores je seroye sans soucy

Comment lucresse se complaignoit pareillement de la nuyt qui si tost passoit

Sic eurialus nec minora dicebat lucressia &c.
Eurialus ainsi se complaignoit
De la clerté du jour qu'il avisa
Et lucresse pas moins si n'en faisoit
Oncques ung seul baiser ne postposa
Ne parole ne obmist si bien visa
Qu'elle ne rendist a tout sa recompense
Se l'un estrainct l'autre aussy bien serra
Soy reposans quant sont las de la dance

Comment les amans se fortifioyent pour les esbas d'amours acomplir a la maniere de antheus filz de la terre

Sed ut antheus ex terra validior resurgebat &c
Mais tout ainsi que antheus se levoit
Plus fort aprés qu'il n'estoit par avant
Quant sur terre son corps couché avoit
Pareillement lucresse et son amant
A la jouste d'amours si tresavant
Fors et joyeux entre eulx se combatirent
Que si l'un est bien chault l'autre est suant
Ou fait d'amours leur devoir granment firent

Comment eurialus s'en ala & par plusieurs fois aprés s'amye lucresse vint veoir et visiter

Nocte peracta cum crines suos ex oceano &c.
Et la nuit estoit toute parfaicte
Quant aurore ses cheveulx esleva
De la grant mer/ pas ne fut imparfaicte
De deux amans la joye quant elle leva
Eurialus sur ce point s'en ala
Et peu de jours aprés trouva façon
Que ces esbas amoureux recouvra
Si metoit l'en gardes a grant foison
Sed oram superavit amor &c.
Mais amours tout vainquit et supera
Qui la voye trouva facilement
Par la quelle les amant assembla
Et les unit tresamiablement
Cesar voulut aler finablement
Vers eugene qui pape lors estoit
Car avec luy tresacordiablement
Par bonne paix consilié c'estoit

Comment lucresse sceut par quelques moyens que l'empereur s'en vouloit aler a romme ce que eurialus luy celoit dont elle fut desplaisante

Sentit hoc lucretia quid enim non sentit amor &c
Lucresse sceut assés tost l'entreprinse
Il n'est chose que amour bien n'aperçoive
Qui est celuy qui sauroit par faintise
Tromper amant que tantost ne conçoive
La fallace ou en cueur ne reçoive
Quelque signe de ce declaratif
Lucresse fist ains que mengusse ou boive
Lettres a son amant de cueur actif

Comment lucresse escript a eurialus qu'il luy veult celer son partement & les complaintes d'elle

Si posset animus meus irasci tibi
Se je povois contre toy me marrir
Et que mon cueur ce peust faire & courage
Je le ferois pour ung seul desplaisir
Que j'ay conceu present soie fole ou sage
C'est de ce cas par faintise ou oultrage
Dissimulé et teu ton partement
Mais mon esperit pour perte ne dommage
Ne te sauroit hair apertement
Amat te quam me magis spiritus meus & cetera
Las mon esperit plus que soy mesmes t'aime
Et ne se peut encontre toy mouvoir
Helas mon cueur que tant cheris & ame
Pour quoy m'as tu ainsi celé le voir
Du partement de cesar sans m'avoir
Premierement de ce fait avertie
En ce faisant eusse fait ton devoir
Dure sera pour moy la departie
Ne tu hic manebis scio &c
Je sçay assés que tu ne demourras
Pas derriere quant cesar partira
Las je te pry dy moy que tu feras
De moy lasse quant ainsi s'en ira
Que feray je qui reconfortera
Mon dolent cueur certes se tu me laisses
Deux jours entiers en vie ne sera
Soys en tout seur veu t'en foys & promesses
Per ergo has litteras meis lacrimis madidas
Je te supply par ces lettres qui sont
De mes larmes plaines et arousees
Par ta dextre et foy lesquelz m'ont
Ou paravant par toy esté baillees
Si aucun plaisir je t'ay fait es journees
Du temps passé et si aucunes doulceurs
As avec moy prinses ne recouvrees
Ays mercy de mes maleureux pleurs
Miserere infelicis amantis &c
Ayes mercy de la povre amoureuse
De tout mal eur et calamité plaine
Je ne requier chose trop ennuieuse
Que demeures mais avec toy me maines
Je faindré bien ung jour de la sepmaine
Que en betheleem hors ville aller vouldré
Une seule vieille que avec moy maine
Pour compaignie me faire je prendray
Assint illic duo vel tres famuli ex tuis & cetera
Fay tant que deux ou trois de tes servans
Soient la tous pres pour mon corps recueillir
Pas grant labeur n'y a savans
A rober ce qui aide a se ravir
Craindre ne fault deshonneur advenir
Le filz priam eut par ravissement
Helaine et si en fist a son plaisir
De leurs amours jouyrent longuement
Non injuriaberis viro meo is enim &c
A mon mary ne feras quelque injure
En ce faisant certain soit et asseur
Qu'il me perdra aussi bien ce te jure
Se me laisses la mort le fera seur
Car de ma main a bon ou mauvais eur
Je me occiray: j'en feray le depart
De mon mary et de moy c'est l'erreur
Ou me boutes se tu n'y prens egart
Sed noli tu esse crudelis &c.
Ne me vueilles estre si trescruel
Ne me laisser ainsi mourir seulete
Qui t'ay chery autant que ay fait mon oeil
Et plus que moy aymé c'est ma desserte
Se par toy suis ainsi laissee deserte
Lasche amoureux on te reputera
Emmaine moy soit a gaing ou a perte
Cela mon cueur du tout confortera

Comment eurialus escript lettres a lucresse consolatives des complaintes qu'elle faisoit par ses dessusdictes lettres

Ad hec eurialibus in hunc modum rescripsit. Celavi te mea lucressia
Eurialus aux lettres respondit
En la forme qui ensuyt cy aprés
Ma lucresse m'amour pas ne t'ay dit
Ains t'ay celé mon partir par exprés
Pour que devant que nous feussons tous pres
De deloger n'eusses affliction
Je congnois bien tous les meurs a peu pres
Trop te crucie sans moderacion
Nec cesar sic recedit ut non sit reversurus
Cesar ne va de ceste ville hors
Sans revenir icy retourneron
Quant de romme retonra suis recors
Doubter n'en fault que par cy passeron
C'est le chemin au moins pres ou viron
Pour retourner droit en nostre pays
Plus tost cent lieux de pays forvoyrion
De ce pour dieu si fort ne te esbays
Quodsi cesar aliam viam fecerit &c
Et se cesar prenoit autre chemin
Et que par cy ne voulsist retourner
Se je suis vif par le vouloir divin
Avecques toy m'en viendré sejourner
Ne me vueillent les dieux jamais donner
Grace d'entrer en ma terre et pays
Se ne revien vers toy sans delayer
Et deussé je du prince estre hays
Errabundoque similem me &c
Veullent les dieux que ne cesse d'errer
Et fourvoier sans tenir voie ne sente
Ainsi que fist ulixes ains que entrer
En son pays par dix ans se me absente
Si loing de toy pour bien avoir ne rente
Que ne viengne voir mes doulces amours
Respire donc ma mignonne tresgente
Laisse toutes afflictions et plours
(Heu amor infelix qui plus fellis quam mellis habes &c.)
Pren courage & tes vertus resume
Ne te maigris mais viz joyeusement
De toy ravir assés certes presume
Qu'il en viendroit grant inconvenient
Ce touteffois ferois je liement
Je ne sarois avoir plus grant plaisance
Que nous feussons continuellement
Ensemblement pour faire demourance
(Hoc nunc restabat ut meis brachiis feminam examinares)
Mes touteffois mieulx vault a ton honneur
Conseil donner que suyvir ma plaisance
A ce faire me oblige la valeur
Et la bonté de ta foy et constance
De laquelle m'as baillé alliance
Conseil te doy donner bon et loyal
Et a ton fait mettre tel pourveance
Qu'il n'en puisse advenir quelque mal
(Heu quam optabilis erat in huius me potius gremio)
Tu congnois bien que tu es noble dame
Et mariee en moult noble maison
On ne sauroit trouver plus belle femme
De ce par tout as le bruit & renom
Es ytalies ne vole pas ton nom
Tant seulement car les teutoniens
Et les boesmes font de toy mencion
En te louant et les panoniens
(Elevans altius corpus atque desosculatus madidus lacrimis &c.)
Tous les peuples des parties d'occident
Pareillement ceulx de septentrion
Font grant feste de toy ce est evident
Ilz congnoissent ta beaulté et renom
Se te ravis mencion ne faison
De mon honneur lequel contemneroie
Pour ton amour regardons ta maison
Et tes amis que je vilenneroie
Quibus doloribus matrem pungeres
De quelz douleurs seroit ta bonne mere
Pointe & navree cela consideron
Tant elle auroit au cueur douleur amere
Et puis de toy qu'on diroit avison
Par le monde quel parler quel blason
Seroit de toy on ne le saroit dire
Doubte ne fays car ce seroit raison
Qu'on ne parlast plus que on ne peut escrire
Ecce lucressiam que bruti conjuge castior & cetera
Vecy les motz que dire l'en pourroit
Voiez pour dieu ceste grande merveille
De lucresse que plus chaste on tenoit
Que de brutus la femme bonne & belle
Et meilleure que la sage et tresbelle
Penelope elle suyt ung ribault
Elle a son pays/ amys & parentelle
Abandonnés moult avoit le cul chault
Heu me quantus meror & cetera
Las que de deul aurois & desplaisir
Quant je oroye de toy telz sermons faire
Encor n'avons graces dieu que plaisir
Nostre amour est secret et de bon aire
Il n'est homme qui ne te vueille faire
Biens et honneur on te loue par tout
Se rapine de toy voulois parfaire
Et t'en mener je troubleroie tout
Nec unquam te laudata fuisti quantum vituperarent
Tu n'euz oncques bonnes louenges tant
Que tu aurois de blasme & vitupere
Mais or laissons le bon nom qui vault tant
Et avisons comment ce pourroit faire
Impossible seroit ne le fault taire
Que nous peussons de nostre amour user
Car a cesar service me fault faire
A toute heure ce ne puis refuser
Is me virum fecit potentem divitem &c
Cesar m'a fait homme riche & puissant
Je ne le puys ainsi abandonner
Sans ruine de mon estat: pourtant
Provision fault sur ce point donner
Se le laisse pour bien tout ordonner
Decentement tenir ne te pourroie
Si je me veil a court suyvre adonner
Licitement tenir ne te sauroie
Nulla quies esset omni die castra movemus &c
Tu n'aurois repos ne jour ny heure
Tousjours d'un lieu en l'autre remuon
Je ne vis onc a cesar tel demeure
Ne si longue en lieu ou nous feusson
Faire qu'il a cy faicte pour raison
De la guerre qui a ce l'a contrainct
Si me suyvois c'est la mode et façon
Pour publique femme gens te tiendroint
Unde quantum esset michi et tibi decoram et c
Avise bien quel deshonneur seroit
Autant pour toy que pour moy je te prie
Pour ces causes et raisons cy endroit
Treshumblement de bon cueur te supplie
Que tu vueilles ceste merancolie
Loing de ton cueur bouter hors & trop mieulx
A ton honneur conseiller sans folie
Par bon conseil & vouloir curieux
Alius fortassis amator aliter suadetur et cetera
Et peut estre que ung autre qui seroit
De toy autant amoureux que on peut dire
Ce conseil cy pas ne te donneroit
Mais te priroit grandement de le suyre
Pour qu'il usast de toy tandis que rire
Et passer temps avecques toy pourroit
Sans regarder qui peult aider ou nuyre
Fors seulement au plaisir qu'il auroit
Sed is non esset amator verus &c.
Mais tel amant ne seroit pas loyal
Ne vray amy quant plus tost ameroit
Sa volupté en conseillant tresmal
Que bon renom du quel ne lui chauldroit
Ma lucresse je te conseille droit
Et advertis de ce qu'est prouffitable
A tout honneur et salut cy endroit
Je te supply prens mon conseil notable
Mane hic rogo ne me dubita rediturum &c.
Demeure icy je te prie humblement
De mon retour ne fay quelque doubtance
Ce qui sera pour le gouvernement
Des etrusquins a faire j'ay fiance
Que l'empereur qui devant tous m'avance
Commission et charge me donra
Par tout mettre si bonne pourveance
Que de ton corps le mien joyeux sera
Dabo operam ut te frui &c
Je feray tant sans quelque dommage
Tu encores que a nostre aise rirons
A dieu te dis m'amie sur ce passage
Vy & me ayme quelque fois nous dirons
Autre chose mais de ce te prions
Que ne croies que moins brule que toy
Du feu d'amours car plus que toy ardons
A dieu te dy souvienne toy de moy

Comment lucresse fut consolee et acquiessa au conseil de eurialus qui sagement la conseilloit

Acquievit his mulier & imperata facturam rescripsit
Lucresse assés voulentiers acomplit
Ce que eurial lors rescript lui avoit
Et peu de jours aprés cesar partit
Vers romme ala: eurial le suyvoit
Quant a romme furent croire l'en doit
Que eurialus fut de fievre saisi
Qui durement nuyt et jour le vexoit
De amour ardoit et de la fievre aussi

Comme eurialus fut malade a romme aprés son partement et ne povoit guerir par quelque conseil de medecin

Cum jam vires amor extonnasset
Amour l'avoit d'ung costé fait si foible
Et la fievre tant pressé d'autre part
Que il estoit si deffaict et endable
Par les douleurs de mal qui brule & art
Que a peu s'en fault que l'ame ne part
Les medecins la vie ou corps lui tiennent
Par chascun jour cesar va celle part
Le visiter quelque affaires qui viennent

Comment eurialus fut revalidé si tost qu'il eut eu lettres de lucresse

Et quasi filium solabatur
Comme son filz reconforter l'aloit
Et de apolin toutes les medecines
Par curieux estude lui faisoit
Bailler: affin que de santé les signes
Peust recouvrer: mais oncques si tresdignes
Ne vaillables receptes ne trouva
Que les lettres de lucresse ou dignes
Et louables nouvelles recouvra
Lucressie scriptum quo viventem illam et sospitem cognovit & cetera
Car il congneut par les lettres a plain
Qu'elle vivoit & que estoit en bon point
Et de cela fut son mal pour certain
Diminué en tel façon et point
Que sur ses piés il revint si apoint
Qu'il fut present quant cesar sa couronne
Print et receut gent et coint
Fut par cesar fait qui tel honneur donne
Posthac cum cesar perusiam &c
Quant cesar fut de romme delogé
Et qu'eut tiré son chemin vers peruse
Eurialus estoit encores logé
En la cité de romme ou pas ne muse
Car il voulut la maladie incluse
Qui encores pas guerie n'estoit
Estre du tout hors mise sans cabuse
Moult bien savoit que aprés faire devoit

Comment eurialus aprés qu'il fut guery retourna a senes pour voir lucresse ainsi qu'il lui avoit promis

Exinde senas venit & cetera
Car de romme a senes se tira
Ja soit ce qu'il fust povre maigre & pale
Quant arrivé fut la moult desira
A lucresse parler en chambre ou sale
Il la peult voir mais la chose fut male
Car de parler moien trouver ne peut
Fortune ainsi les amoureux ravale
Joyeux les fait ou tristes quant elle veult

Comment ilz ne peurent parler ensemble que par lettres

Epistole plures utrinque misse sunt.
Plusieurs lettres furent faictes par eulx
Tant d'ung coté que d'autre escrivoient
D'eux enfuir il fut traicté entre eulx
Quant ilz virent que joindre ne povoient
Et par trois jours d'escrire ne cessoient
Puis eurial voyant que entrer ne peut
Avec lermes qui des yeulx lui couroient
Son partement faire savoir lui veult

Comment les deux amans eurent plus de deul a departir qu'il ne avoient eu de joye a converser ensemble

Nunquam tanta dulcedo in conversando &c
Oncques n'eurent les amans tant de joye
En conversant ensemble par amour
Qu'il receurent foy que doy saincte avoye
Au departir de tristesse et doulour
Lucresse estoit toute remplie de plour
Aux fenestres voyant son amoureux
Par les rues en moult piteux atour
Sur son cheval triste et calamiteux

Comment lucresse cheut pasmee quant elle eut perdu la veue de son amy qui s'en aloit

Oculos alter in alterum jecerat &c
L'un sur l'autre avoient getté les yeux
Se l'un ploroit l'autre n'estoit pas moins
De lermes plain de douleur sont tous deux
Si fort remplis angoissés et estraincts
Qu'il peut sembler que des sieges humains
Leur cueur se doit arracher & sortir
Plus aspre n'est le dart tresinhumains
De mort que fut des amans le partir

Comment la douleur que eurent les deux amans a departir semble estre plus grande que la douleur que aucun particulier a a mourir et les raisons de ce

Si quis de obitu quantus sit dolor ignorat & cetera
Se aucun ne scet quel peine on peut sentir
Quant de la mort viennent les durs assaux
Luy plaise un peu sans vouloir dissentir
Des deux amans les angoisses & maulx
Viser aussi les peines et travaulx
Que a departir eurent nos deux amans
Il trouvera se a juger je ne faulx
Qu'ilz souffrirent plus que mort endurans
Dolet animus in morte &c
La raison est bien clere a toutes gens
Car l'ame envis du corps veult departir
Pour qu'elle aime sans estre negligens
Ce corps mortel du quel ne veult sortir
Mais quant absent est l'esperit plus sentir
Ne peut le corps ne peine ne misere
Quant deux ames sont joinctes sans mentir
Plus au partir ont de peine et de haire
Tanto penosior est separatio quanto sensibilior est &c.
Et de tant est plus dur le departir
Que chascun des amans est plus sensible
Les deux amans avant leur departir
Ung seul esperit avoient indivisible
Et d'une ame par euvre perfectible
Estoient deux corps soustenus sans doubtance
Aristophon s'on veult en est credible
Qui ne le veult croire si face instance
Itaque non recebat animus ab animo
Par les moyens que j'ay recités cy
L'ame de l'un des amans ne laissoit
Pas l'autre ains se bien avise cy
Ung seul amour en deux trenché estoit
Ung cueur en deux parties se divisoit
L'une partie de l'ame si s'en va
L'autre pour vray d'ung coté demouroit
Et tous les sens de partement sont la
Et a seipsis discedere flebant
Au departir et aprés les corps ont
De deux amans pleurs douleur & misere
Ce que les corps de ceulx qui meurent n'ont
Dire donc fault c'est chose necessaire
Que plus eurent de grief mal & contraire
Les deux amans a leur departement
Que cil qui n'a que un corps qu'il puisse atraire
A mort sans plus endurer de tourment

Comment les deux amans aprés qu'ilz furent separés mouroient quasi subout

Non mansit in amantium faciebus &c.
En leur faces goute ne demoura
De sang/ lermes & pleurs pour sang avoient
En soy plaignant chascun d'eux soupira
Et d'estrois mors deux exemples donnoient
Qui seroient ceulx qui sauroient ou pourroient
Narrer penser ou escrire leurs deulz
Tous les vivans a ce ne souffiroient
S'ilz ne estoient en deul pareilz a eulx
Laudomia recedente protheselao
Laudomia pres que morte tumba
Quant elle vit partir prothelaee
Son doulx amy qui de aler proposa
Aux grans assaulx de troye tant reclamee
Quant de sa mort oyt la renommee
Elle ne peut plus vivre ne durer
Et dido eut piteuse destinee
Pour eneas soy voulant perimer
Porcia post bruti necem &c
Portia qui de brutus estoit femme
Ne voulut point vivre aprés son mary
Pareillement lucresse noble dame
Quant de eurial son gracieux amy
Eut la veue perdue je vous affy
Elle tumba sur la terre pasmee
Puis portee fut sur son lit bien garny
Tant qu'elle fust a soy mieulx retournee

Comment lucresse laissa tous ses riches habis aprés que eurialus fut parti et se vestit de deul et oncques puis ne chanta ne rist

Ut vero ad se rediit & cetera
Quant l'esperit lui fut bien revenu
Ses vestemens d'or et pourpre laissa
De liesse ne fut plus retenu
Quelque aornement car tout elle mussa
De vestemens de dueil tousjours usa
On ne la vit puis ne chanter ne rire
Par facessies et jeux on essaia
La consoler mais son dueil luy empire

Comment lucresse cheut au lit malade et trespassa entre les bras de sa mere par deplaisance de l'absence de son amy

Quo in statu dum aliquandiu perseveraret &c.
Ouquel estat quant eut perseveré
Par aucun temps el cheut au lit malade
Pour que son cueur d'elle estoit separé
On n'y trouvoit remede tant fust sade
Entre les bras sa mere triste & fade
En vain plorant son esperit el rendit
Le doulx jesus en ait l'ame en sa garde
Qui pour pecheurs hault en la croix pendit

Comment eurialus s'en ala vers l'empereur triste et merencolieux

Eurialus postquam ex oculis &c.
Eurialus triste et dolent s'en va
A personne de ses gens mot ne dist
A soy mesmes souventeffois pensa
S'il reviendroit jamais car tousjours gist
Dedans son cueur lucresse/ il ne fist
Tout le chemin point d'autre pensement
Jusques a ce que a cesar se rendist
A peruse ou se tint longuement
Quem deinde ferrariam mantuam &c
Eurialus de peruse suivit
Cesar jusques a ferrare et mantue
De tridente a constance courit
Jusques au palais de cesar se evertue
Avecques luy tira d'une venue
De hongrie jusques au pays des boesmes
Mais en son cueur lucresse contenue
Estoit tousjours plus que parens ne proesmes

Comment eurialus se vestit de deul aprés qu'il eut certaines nouvelles de la mort de lucresse

Sic enim lucressia sequebatur in somnis & cetera
Lucresse ainsi le suivoit en dormant
Comme il suyvoit cesar soiés certains
Et de repos n'avoit ne tant ne quant
Quant de sa mort eut lettres en ses mains
Com vray amant mena douleurs & plains
Robe de deul vestit sans confort prendre
Jusques a ce que cesar souverains
Une femme lui donna chaste et tendre

Comment eurialus espousa depuis une noble damoiselle par le commandement de l'empereur cesar

Formosam castissimam atque prudentem matrimonio junxit
Du sang estoit d'un noble duc venue
La plaisante pucelle espousa
Belle/ chaste et prudente tenue
Sage homs estoit: moult l'ama & prisa
Es oraisons qu'il faisoit tousjours a
De la bonne lucresse remembrance
Cil qui le corps a amé n'oublira
L'ame jamais s'il a bonne prudence

Le pape pie avant sa papaulté nommé enee silvie aucteur de ce livre pour la conclusion de son euvre dit a marianus auquel il le dirige

Mon cher amy marianus tu as
Icy la fin du livre des amans
L'amour n'en est fainct ne eureux se bien as
Par tout visé: ce te suis affermans
Qui ce livre liront s'ilz sont savans
Se garderont de choir en telz perilz
Le brevage d'amours ne soient bevans
Ou d'aloés plus que miel est mis

Le translateur

L'istoire que ay cy devant translatee
Se par bons sens on la veult digerer
Et qu'el ne soit qu'en bien interpretee
A personne ne veult mal suggerer
Toute vertu et bien veult ingerer
Peché fuyr et faitz pernicieux
Mais qui vouldroit son venin egerer
Le bien seroit rendu caligineux
Femmes de bien ne perdront a bien vivre
A fole amour ne s'abandonneront
Car il n'est vin si fort qui tant enyvre
Que fol amour bien icy le liront
Ceulx qui d'amours le train suyvir vouldront
Si se mirent au noble eurialus
De leurs dames l'onneur ilz garderont
Et si seront tous scandales tolus

Finis

Notes concernant la version électronique

On a conservé l'orthographe et la ponctuation de l'original. On a cependant résolu les abréviations par signes conventionnels, distingué i/j et u/v, et introduit cédilles et accents conformément à l'usage.

On effectué les corrections suivantes:

  • ament > avient (Et s'il avient que amour egalement)
  • comment > convient (Oster convient le rumeur du vulgaire)
  • eurialus > menelaus (Comment menelaus entra tout suant)
  • ma > mais (Si grant fraieur mais que pour elle veult)
  • Mais > M'as (M'as tu ja mis et offert en mains lieux)
  • detinee > destinee (A mort livré c'estoit ma destinee)
  • prenes > prendre (Et son gent corps prendre par quelque effort)

ainsi que certaines coquilles manifestes qui ont été silencieusement corrigées (par exemple chevalux pour chevaulx, tn pour tu, etc.).

Le texte latin est imprimé en petits caractères dans la marge sur l'original. Hormis la résolution des abréviations (vérifiées par comparaison avec l'édition latine de Dévay, Budapest 1903), on ne s'est hasardé à aucune altération dans le latin, si ce n'est la substitution entre lettres de formes similaires en cas de mot absurde (Tn > Tu, Hãt > Hanc, nnmciat > nunciat).

Cinq extraits latins figurés entre parenthèses et avec une typographie particulière (ainsi) sont des doublons, sans rapport avec la strophe française en regard.

Chargement de la publicité...