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La Bible d'Amiens

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[174]La flèche d'Amiens est une flèche de charpente (Voir Viollet-le-Duc, art. Flèche).—(Note du Traducteur.)

[175]Voir Lectures on Art, 62-65. Le passage cité plus haut de The Two Paths a plutôt trait à la sculpture.—(Note du Traducteur.)

[176]Plus exactement: de l'architecture française, du moins à l'endroit cité: Dictionnaire de l'architecture, vol. I, p. 71. Mais à l'article Cathédrale, elle est appelée (vol. II, p. 330) l'église ogivale par excellence.—(Note de l'Auteur.)

Ruskin fait ici une confusion. Au volume I (p. 71), Viollet-le-Duc appelle Parthénon de l'architecture française, non pas la cathédrale d'Amiens, mais le chœur de Beauvais.—(Note du Traducteur.)

[177]Voir le développement de ces idées dans Miscelleanous de Walter Pater (article sur «Notre-Dame d'Amiens»). Je ne sais pourquoi le nom de Ruskin n'y est pas cité une fois.—(Note du Traducteur.)

[178]C'était un principe universellement reçu par les architectes français des grandes époques d'employer les pierres de leurs carrières telles qu'elles gisaient dans leur lit; si les gisements étaient épais, les pierres étaient employées dans leur pleine épaisseur, s'ils étaient minces dans leur minceur inévitable et ajustées avec une merveilleuse entente de leurs lignes de poussée, de leur centre de gravité. Les blocs naturels n'étaient jamais sciés, mais seulement ébousinés (*) pour s'adapter exactement, toute la force native et la cristallisation de la pierre étant ainsi gardée intacte—«ne dédoublant jamais une pierre. Cette méthode est excellente, elle conserve à la pierre toute sa force naturelle, tous ses moyens de résistance» (Voyez M. Viollet-le-Duc, article Construction (Matériaux), vol. IV, p. 129). Il ajoute le fait très à remarquer que, aujourd'hui encore, il y a en France soixante-dix départements dans lesquels l'usage de la scie au grès est inconnu (**).—(Note de l'Auteur.)

Sur les pierres employées dans le sens de leur lit ou en délit, voir Ruskin, Val d'Arno, chap. VII, § 169. Au fond, pour Ruskin qui n'établit pas de ligne de démarcation entre la nature et l'art, entre l'art et la science, une pierre brute est déjà un document scientifique, c'est-à-dire à ses yeux, une œuvre d'art qu'il ne faut pas mutiler. «En eux est écrite une histoire et dans leurs veines et leurs zones, et leurs lignes brisées, leurs couleurs écrivent les légendes diverses toujours exactes des anciens régimes politiques du royaume des montagnes auxquelles ces marbres ont appartenu, de ses infirmités et de ses énergies, de ses convulsions et de ses consolidations depuis le commencement des temps»: Stones of Venice, III, I, 42, cité par M. de la Sizeranne).—(Note du Traducteur.)

(*) Ébousiner une pierre, c'est enlever sur ses deux lits les portions du calcaire qui ont précédé ou suivi la complète formation géologique, c'est enlever les parties susceptibles de se décomposer (Viollet-le-Duc).—(Note du Traducteur.)

(**) Et Viollet-le-Duc assure que ce sont ceux où l'on construit le mieux.—Note du Traducteur.)

[179]Psaume XI, 4.—(Note du Traducteur.)

[180]Saint Matthieu, XVIII, 20.—(Note du Traducteur.)

[181]«Car vous êtes le temple du Dieu vivant ainsi que Dieu l'a dit: «J'habiterai au milieu d'eux et j'y marcherai; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple» (II Corinthiens, VI, 16).—(Note du Traducteur.)

[182]Cf. l'idée contraire dans le beau livre de Léon Brunschwig Introduction à la vie de l'Esprit, chap. III: «Pour éprouver la joie esthétique, pour apprécier l'édifice, non plus comme bien construit mais comme vraiment beau, il faut... le sentir en harmonie, non plus avec quelque fin extérieure, mais avec l'état intime de la conscience actuelle. C'est pourquoi les anciens monuments qui n'ont plus la destination pour laquelle ils ont été faits ou dont la destination s'efface plus vite de notre souvenir se prêtent si facilement et si complètement à la contemplation esthétique. Une cathédrale est une œuvre d'art quand on ne voit plus en elle l'instrument du salut, le centre de la vie sociale dans une cité; pour le croyant qui la voit autrement, elle est autre chose (page 97). Et page 112: «les cathédrales du moyen âge... peuvent avoir pour certains un charme que leurs auteurs ne soupçonnaient pas.» La phrase précédente n'est pas en italique dans le texte. Mais j'ai voulu l'isoler parce qu'elle me semble la contre-partie même de la Bible d'Amiens et, plus généralement, de toutes les études de Ruskin sur l'art religieux, en général.—(Note du Traducteur.)

[183]Cf. le passage concordant de Lectures on Art où est rappelée la vieille expression française de «logeur du Bon Dieu» (Lectures on Art, II, § 60 et suivants).

[184]Voir plus haut sur ces sculptures la note, page 113.

[185]Cf. «Le travail du charpentier, le premier auquel se livra sans doute le fondateur de notre religion» (Lectures ou Art, II, § 31).—(Note du Traducteur.)

[186]Le lecteur philosophe sera tout à fait bienvenu à «découvrir» et «opposer» autant de motifs charnels qu'il voudra—compétition avec le voisin Beauvais—confort pour des têtes chargées de sommeil—soulagement pour les flancs gras, et autres choses semblables. Il finira par trouver qu'aucune somme de compétition ou de recherche de confort ne pourrait, à présent, produire rien qui soit l'égal de cette sculpture; encore moins sa propre philosophie, quel que soit son système; et que ce fut, en vérité, le petit grain de moutarde de la foi, avec une quantité très notable, en outre, d'honnêteté dans les mœurs et dans le caractère qui fit que tout le reste concourût au bien.

[187]Arnold Boulin, menuisier à Amiens, sollicita l'entreprise et l'obtint dans les premiers mois de l'année 1508. Un contrat fut passé et un accord fait avec lui pour la construction de cent vingt stalles avec des sujets historiques, des dossiers hauts, des dais pyramidaux. Il fut convenu que le principal exécutant aurait sept sous de Tournay (un peu moins que le sou de France) par jour, pour lui et son apprenti (trois pence par jour pour les deux, c'est-à-dire 1 shilling par semaine pour le maître, et six pences par semaine pour l'ouvrier), et pour la surintendance du travail entier 12 couronnes par an, au taux de 24 sous la couronne (c'est-à-dire 12 shillings par an). Le salaire du simple ouvrier était de trois sous par jour. Pour les sculptures des stalles et les sujets d'histoire qu'elles devraient traiter, un marché séparé fut conclu avec Antoine Avernier, découpeur d'images, résidant à Amiens, au taux de trente-deux sous (seize pences) le morceau. La plus grande partie des bois venait de Clermont-en-Beauvoisis près d'Amiens; les plus beaux, pour les bas-reliefs, de Hollande, par Saint-Valéry et Abbeville.

Le chapitre désigna quatre de ses membres pour surveiller le travail: Jean Dumas, Jean Fabres, Pierre Vuaille, et Jean Lenglaché auxquels mes auteurs (tous deux chanoines) attribuent le choix des sujets, de la place à leur donner et l'initiation des ouvriers «au sens véritable et le plus élevé de la Bible ou des légendes et portant quelquefois le simple savoir-faire de l'ouvrier jusqu'à la hauteur du génie du théologien».

Sans prétendre fixer la part de ce qui revient au savoir-faire et à la théologie dans la chose, nous avons seulement à remarquer que la troupe entière, maîtres, apprentis, découpeurs d'images, et quatre chanoines, emboîtèrent le pas et se mirent à l'ouvrage le 3 juillet 1508, dans la grande salle de l'évêché, qui devait servir à la fois de cabinet de travail pour les artistes et d'atelier pour les ouvriers pendant tout le temps de l'affaire. L'année suivante, un autre menuisier, Alexandre Huet, fut associé à la corporation pour s'occuper des stalles à la droite du chœur pendant qu'Arnold Boulin continuait celles de gauche. Arnold laissant son nouvel associé commander pour quelque temps, alla à Beauvais et à Saint-Riquier pour y voir les boiseries; et en juillet 1511 les deux maîtres allaient ensemble à Rouen «pour étudier les chaires de la cathédrale».

L'année précédente, en outre, deux Franciscains, moines d'Abbeville, «experts et renommés dans le travail du bois», avaient été appelés par le chapitre d'Amiens pour donner leur avis sur les œuvres en cours, et avaient eu chacun vingt sous pour cet avis, et leurs frais de voyages».

En 1516, un autre nom et un nom important apparaît dans les comptes rendus, celui de Jean Trupin, «un simple ouvrier aux gages de trois sous par jour», mais certainement un bon sculpteur et plein de feu dont c'est, sans aucun doute, le portrait fidèle et de sa propre main, qui fait le bras de la 83° stalle (à droite, le plus près de l'abside) au-dessous duquel est gravé son nom JHAN TRUPIN, et de nouveau sous la 92° stalle avec, en plus, le vœu: «Jan Trupin, Dieu pourvoie».

L'œuvre entière fut terminée le jour de la Saint-Jean, 1522, sans aucune espèce d'interruption (autant que nous sachions), causée par désaccord, ou décès, ou malhonnêteté, ou incapacité parmi ceux qui y travaillaient ensemble, maîtres ou serviteurs.

Et une fois les comptes vérifiés par quatre membres du chapitre, il fut établi que la dépense totale était de 9.488 livres, 11 sous, et 3 oboles (décimes) ou 474 napoléons, 11 sous, 3 décimes d'argent français moderne, ou en gros 400 livres sterling anglaises.

C'est pour cette somme qu'une troupe probablement de six ou huit bons ouvriers, vieux et jeunes, a été tenue en joie et occupée pendant quatorze ans; et ceci, que vous voyez, laissé comme un résultat palpable et comme un présent pour vous.

Je n'ai pas examiné les sculptures de façon à pouvoir désigner avec quelque précision l'œuvre de chacun des différents maîtres; mais, en général, le motif de la fleur et de la feuille dans les ornements sont des deux menuisiers principaux et de leurs apprentis: le travail si poussé des récits de l'Écriture est l'Avernier, il est égayé çà et là de hors-d'œuvre variés dus à Trupin, et les raccords et les points ont été faits par les ouvriers ordinaires. Il n'a pas été employé de clous, tout est au mortier, et si admirablement que les jointures n'ont pas bougé jusqu'ici et sont encore presque imperceptibles. Les quatre pyramides terminales «vous pourriez les prendre pour des pins géants oubliés pendant six siècles sur le sol où l'église fut bâtie, on peut n'y voir d'abord qu'un luxe fou de sculptures et d'ornementation creuse, mais vues et analysées de près, elles sont des merveilles d'ordre systématique dans la construction réunissant toute la légèreté, la force et la grâce des flèches les plus célèbres de la dernière époque du moyen âge.»

Les détails ci-dessus sont tous extraits ou simplement traduits de l'excellente description des Stalles et clôtures du chœur de la cathédrale d'Amiens, par MM. les chanoines Jourdain et Duval (Amiens, Vve Alfred Caron, 1867). Les esquisses lithographiques qui l'accompagnent sont excellentes et le lecteur y trouvera les séries entières des sujets indiqués avec précision et brièveté ainsi que tous les renseignements sur la charpente et la clôture du chœur dont je n'ai pas la place de parler dans cet abrégé pour les voyageurs.—(Note de l'Auteur.)

[188]La partie la plus forte et destinée à tenir la plus longtemps dans un siège, de l'ancienne ville, était sur cette hauteur.—(Note de l'Auteur.)

[189]La cathédrale.—(Note du Traducteur.)

[190]Cf. avec The Two Paths: «Ces statues (celles du porche occidental de Chartres) ont été longtemps et justement considérées comme représentatives de l'art le plus élevé du XIIe ou du commencement du XIIIe siècle en France; et, en effet, elles possèdent une dignité et un charme délicat qui manquent, en général, aux œuvres plus récentes. Ils sont dus, en partie, à une réelle noblesse de traits, mais principalement à la grâce mêlée de sévérité des lignes tombantes de l'excessivement mince draperie; aussi bien qu'à un fini des plus étudiés dans la composition, chaque partie de l'ornementation s'harmonisant tendrement avec le reste. Autant que leur pouvoir sur certains modes de l'esprit religieux est due à un degré palpable de non-naturalisme en eux, je ne le loue pas, la minceur exagérée du corps et la raideur de l'attitude sont des défauts; mais ce sont de nobles défauts, et ils donnent aux statues l'air étrange de faire partie du bâtiment lui-même et de le soutenir, non comme la cariatide grecque sans effort, où comme la cariatide de la Renaissance par un effort pénible ou impossible, mais comme si tout ce qui fut silencieux et grave, et retiré à part, et raidi avec un frisson au cœur dans la terreur de la terre, avait passé dans une forme de marbre éternel; et ainsi l'Esprit a fourni, pour soutenir les piliers de l'église sur la terre, toute la nature anxieuse et patiente dont il n'était plus besoin dans le ciel. Ceci est la vue transcendantale de la signification de ces sculptures.

Je n'y insiste pas. Ce sur quoi je m'appuie est uniquement leurs qualités de vérité et de vie. Ce sont toutes des portraits—la plupart d'inconnus, je crois—mais de palpables et d'indiscutables portraits; s'ils n'ont pas été pris d'après la personne même qui est censée représentée, en tout cas ils ont été étudiés d'après quelque personne vivante dent les traits peuvent, sans invraisemblance, représenter ceux du roi ou du saint en question. J'en crois plusieurs authentiques, il y en a un d'une reine qui, évidemment, de son vivant, fut remarquable pour ses brillants yeux noirs. Le sculpteur a creusé bien profondément l'iris dans la pierre et ses yeux foncés brillent encore pour nous avec son sourire.

Il y a une autre chose que je désire que vous remarquiez spécialement dans ces statues, la façon dont la moulure florale est associée aux lignes verticales de la statue.

Vous avez ainsi la suprême complexité et richesse de courbes côte à côte avec les pures et délicates lignes parallèles, et les deux caractères gagnent en intérêt et en beauté; mais il y a une signification plus profonde dans la chose qu'un simple effet de composition; signification qui n'a pas été voulue par le sculpteur, mais qui a d'autant plus de valeur qu'elle est inintentionnelle. Je veux dire l'association intime de la beauté de la nature inférieure dans les animaux et les fleurs avec la beauté de la nature plus élevée dans la forme humaine. Vous n'avez jamais ceci dans l'œuvre grecque. Les statues grecques sont toujours isolées; de blanches surfaces de pierre, ou des profondeurs d'ombre, font ressortir la forme de la statue tandis que le monde de la nature inférieure qu'ils méprisaient était retiré de leur cœur dans l'obscurité. Ici la statue drapée semble le type de l'esprit chrétien, sous beaucoup de rapports, plus faible et plus contractée mais plus pure; revêtue de ses robes blanches et de sa couronne, et avec les richesses de toute la création à côté d'elle.

Le premier degré du changement sera placé devant vous dans un instant, simplement en comparant cette statue de la façade ouest de Chartres avec celle de la Madone de la porte du transept sud d'Amiens.

Cette Madone, avec la sculpture qui l'entoure, représente le point culminant de l'art gothique au XIIIe siècle. La sculpture a progressé continuellement dans l'intervalle; progressé simplement parce qu'elle devient chaque jour plus sincère et plus tendre et plus suggestive. Chemin faisant, la vieille devise de Douglas: «Tendre et vrai» peut cependant être reprise par nous tous pour nous-mêmes, non moins dans l'art que dans les autres choses. Croyez-le, la première caractéristique universelle de tout grand art est la tendresse, comme la seconde est la vérité. Je trouve ceci chaque jour de plus en plus vrai; un infini de tendresse est le don par excellence et l'héritage de tous les hommes vraiment grands. Il implique sûrement en eux une intensité relative de dédain pour les choses basses, et leur donne une apparence sévère et arrogante aux yeux de tous les gens durs, stupides et vulgaires, tout à fait terrifiante pour ceux-ci s'ils sont capables de terreur et haïssable pour eux, si, ils ne sont capables de rien de plus élevé que la haine. L'esprit du Dante est le grand type de cette classe d'esprit. Je dis que le premier héritage est la tendresse—le second la vérité; parce que la tendresse est dans la nature de la créature, la vérité dans ses habitudes et dans sa connaissance acquise; en outre, l'amour vient le premier, aussi bien dans l'ordre de la dignité que dans celui du temps, et est toujours pur et entier: la vérité, dans ce qu'elle a de meilleur, est parfaite.

Pour revenir à notre statue, vous remarquerez que l'arrangement de la sculpture est exactement le même qu'à Chartres. Une sévère draperie tombante rehaussée sur les côtés, par un riche ornement floral; mais la statue est maintenant complètement animée; elle n'est plus immuable comme un pilier rigide, mais elle se penche en dehors de sa niche et l'ornement floral, au lieu d'être une guirlande conventionnelle, est un exquis arrangement d'aubépines. L'œuvre toutefois dans l'ensemble, quoique parfaitement caractéristique du progrès de l'époque comme style et comme intention, est en certaines qualités plus subtiles, inférieure à celle de Chartres. Individuellement, le sculpteur, quoique appartenant à une école d'art plus avancée, était lui-même un homme d'une qualité d'âme inférieur à celui qui a travaillé à Chartres. Mais je n'ai pas le temps de vous indiquer les caractères plus subtils auxquels je reconnais ceci.

Cette statue marque donc le point culminant de l'art gothique parce que, jusqu'à cette époque, les yeux de ses artistes avaient été fermement fixés sur la vérité naturelle; ils avaient été progressant de fleur en fleur, de forme en forme, de visage en visage, gagnant perpétuellement en connaissance et en véracité, perpétuellement, par conséquent, en puissance et en grâce. Mais arrivés à ce point un changement fatal se fit dans leur idéal. De la statue, ils commencèrent à tourner leur attention principalement sur la niche de la statue, et de l'ornement floral aux moulures qui l'entouraient», etc. (The Two Paths, § 33-39).—(Note du Traducteur.)

[191]Moins charmante que celle de Bourges. Bourges est la cathédrale de l'aubépine. Cf. Ruskin, Stones of Venice: «L'architecte de la cathédrale de Bourges aimait l'aubépine, aussi il a couvert son porche d'aubépine. C'est une parfaite Niobé de mai. Jamais il n'y eut pareille aubépine. Vous la cueilleriez immédiatement sans la crainte de vous piquer» (Stones of Venice, I, II, 13-15).—(Note du Traducteur.)

[192]Cf. «Remarquez que le calme est l'attribut de l'art le plus élevé.» Relations de Michel Ange et de Tintoret, § 219, à propos d'une comparaison entre les anges de Della Robbia et de Donatello «attentifs à ce qu'ils chantent, ou même transportés,—les anges de Bernardino Luini, pleins d'une conscience craintive—et les anges de Bellini qui, au contraire, même les plus jeunes, chantent avec autant de calme que filent les Parques».—(Note du Traducteur.)

[193]Voyez d'ailleurs pages 32 et 130 (§§ 112-114) de l'édition in-octavo, The Two Paths.—(Note de l'Auteur.)

[194]La même nuance (tissé ou brodé) se retrouve dans Verona and other Lectures, p. 47.—(Note du Traducteur.)

[195]Cf. sur la hauteur apparente et réelle des cathédrales et des montagnes, The Seven lamps of Architecture, chap. III. § 4.—(Note du Traducteur.)

[196]Cf. «J'ai vu, gravée au-dessus du porche de bien des églises, cette inscription: C'est ici la maison de Dieu et la Porte du Ciel» (The Crown of wild olive, II).—(Note du Traducteur).

[197]Article Meneau.—(Note du Traducteur.)

[198]Contre la trop grande perfection en art voyez notamment The Stones of Venice, II chap. III, § 23, 24 et 25;—contre le fini de l'exécution. The Stones of Venice, II, chap. VI, 20 et 21: contre la précision excessive, Elements of Drawing, II, 104.—(Note du Traducteur).

[199]À Saint-Acheul. Voyez le chapitre I de ce livre et la Description historique de la cathédrale d'Amiens, par A. P. M. Gilbert, in-octavo, Amiens, 1833, p. 3-7.—(Note de l'Auteur.)

[200]Feud, saxon faedh: bas latin, Faida (dérivés: écossais «fae», anglais «foe»), Johnson. Rappelez-vous aussi que la racine ce Feud dans son sens normand de partage de terre, est foi, non fee, ce que Johnson, vieux tory comme il était, n'observe pas, ni en général les modernes antiféodalistes.—(Note de l'Auteur.)

[201]«Tu quoque magnam
Partem opere in tanto, sineret dolor, Icare, haberes
Bis conatus erat casus effingere in auro,—
Bis patriæ cecidere manus.»

Il n'y a, de parti pris, aucun pathétique de permis dans la sculpture primitive. Ses héros conquièrent sans joie et meurent sans chagrin.—(Note de l'Auteur.)

[202]Voyez Fors Clavigera, lettre LXI, p. 22.—(Note de l'Auteur.)

[203]Ainsi, le commandement aux enfants d'Israël «qu'ils marchent en avant» est adressé à leurs propres volontés. Eux obéissant, la mer se retire mais pas avant qu'ils aient osé s'y avancer. Alors les eaux leur font une muraille à leur main droite et à leur gauche.—(Note de l'Auteur.)

[204]L'original est écrit en latin seulement: «Supplico tibi, Domine, Pater et Dux rationis nostræ, ut nostræ nobilitatis recordemur, qua tu nos ornasti: et ut tu nobis presto sis, ut iis qui per sese moventur; ut et a Corporis contagio, Brutorumque affectuum repurgemur, eosque superemus, atque regamus; et, sicut decet pro instrumentis iis utamur. Deinde, ut nobis ad juncto sis; ad accuratam rationis nostræ correctionem, et conjunctionem, cum iis qui vere sunt, per lucem veritatis. Et tertium, Salvatori supplex oro, ut ab oculis animorum nostrorum caliginem prorsus abstergas; iit norimus bene, qui Deus, au mortalis habendus. Amen.»—(Note de l'Auteur.)

[205]Viollet-le-Duc, vol. VIII, p. 256.—Il ajoute: «L'une d'elles est comme art» (voulant dire art général de la sculpture) «un monument de premier ordre»; mais ceci n'est vrai que partiellement; ainsi je trouve une note dans l'étude de M. Gilbert (p. 126). «Les deux doigts qui manquent à la main droite de l'évêque Godefroy paraissent un défaut survenu à la fonte.» Voyez plus loin sur ces monuments et ceux des enfants de saint Louis, Viollet-le-Duc, vol. IX, p. 61, 62.—(Note de l'Auteur.)

[206]Je vole encore à l'abbé Rozé les deux inscriptions avec sa notice introductive sur l'intervention mal inspirée dont elles avaient été l'objet.

«La tombe d'Évrard de Fouilloy (mort en 1222) coulée en bronze en plein relief, était supportée, dès le principe, par des monstres engagés dans une maçonnerie remplissant le dessous du monument, pour indiquer que cet évêque avait posé les fondements de la cathédrale. Un architecte malheureusement inspire a osé arracher la maçonnerie pour qu'on ne vît plus la main du prélat fondateur, à la base de l'édifice.

«On lit, sur la bordure, l'inscription suivante en beaux caractères du XIIIe siècle:

«Qui populum pavit, qui fundameta locavit
Huius Structure, cuius fuit urbs data cure
Hic redolens nardus, fama requiescit Ewardus,
Vir plus afflictis, viduis tutela, relictis
Custos, quos poterat recreabat munere; vbis,
Mitib agnus erat, tumidis leo, lima supbis.»

«Geoffroy d'Eu (mort en 1237) est représenté comme son prédécesseur en habits épiscopaux, mais le dessous du bronze supporté par des chimères est évidé, ce prélat ayant élevé l'édifice jusqu'aux voûtes. Voici la légende gravée sur la bordure:

»Ecce premunt humile Gaufridi membra cubile.
Seu minus aut simile nobis parai omnibus ille;
Quem laurus gemina decoraverat, in medicina
Lege qû divina, decuerunt cornua bina;
Clare vir Augensis, quo sedes Ambianensis
Crevit in imensis; in cœlis auctus, Amen, sis.»

Tout est à étudier dans ces deux monuments; tout y est d'un haut intérêt, quant au dessin, à la sculpture, à l'agencement des ornements et des draperies.»

En disant au-dessus que Geoffray d'Eu rendit grâces dans la cathédrale pour son achèvement, je voulais dire qu'il avait mis au moins le chœur en état de servir: «Jusqu'aux voûtes», peut signifier ou ne pas signifier que les voûtes étaient terminées.—(Note de l'Auteur.)

[207]En français dans le texte.

[208]Cf. Sesame and lilies: 1. Of kings treasuries, 22: «Un «pasteur» est une personne qui nourrit, un «évêque» est une personne qui voit. La fonction de l'évêque n'est pas de gouverner, gouverner c'est la fonction du roi; la fonction de l'évêque est de veiller sur son troupeau, de le numéroter brebis par brebis, d'être toujours prêt à en rendre un compte complet. En bas de cette rue, Bill et Nancy se cassent les dents mutuellement. L'évêque sait-il tout là-dessus? Peut-il en détail nous expliquer comment Bill a pris l'habitude de battre Nancy, etc. Mais ce n'est pas l'idée que nous nous faisons d'un évêque. Peut-être bien, mais c'était celle que s'en faisaient saint Paul et Milton.»—(Note du Traducteur.)

[209]Allusion à saint Matthieu: «Or tout cela arriva afin que s'accomplit ce que Dieu avait dit par le prophète: Une vierge sera enceinte et elle enfantera un fils et on le nommera Emmanuel, ce qui veut dire: Dieu avec nous» (I, 23). Le prophète dont parle saint Matthieu est Isaïe (III, 14).—(Note du Traducteur.)

[210]Regardez maintenant le plan qui est à la fin de ce chapitre.—(Note de l'Auteur.)

[211]Saint Jean, 14, 60.—(Note du Traducteur.)

[212]Saint Matthieu, XVII, 5.—(Note du Traducteur.)

[213]Saint Matthieu, XXI, 7.—(Note du Traducteur.)

[214]Pour mieux distinguer ces différentes espèces de lys, reportez-vous aux belles pages de The Queen of the Air et de Val d'Arno: «Considérez ce que chacune de ces cinq tribus (des Drosidæ) a été pour l'esprit de l'homme. D'abord dans leur noblesse; les lys ont donné le lys de l'Annonciation, les Asphodèles la fleur des Champs-Élysées, les iris, la fleur de lys de la Chevalerie; et les Amaryllidées, le lys des champs du Christ, tandis que le jonc, toujours foulé aux pieds, devenait l'emblème de l'humilité. Puis, prenez chacune de ces tribus et continuez à suivre l'étendue de leur influence. «La couronne impériale, les lys de toute espèce» de Perdita, forment la première tribu; qui donnant le type de la pureté parfaite dans le lys de la Madone, ont, par leur forme charmante, influencé tout le dessin de l'art sacré de l'Italie; tandis que l'ornement de guerre était continuellement enrichi par les courbes des triples pétales du «giglio» florentin et de la fleur de lys française; si bien qu'il est impossible de mesurer leur influence pour le bien dans le moyen âge, comme symbole partie du caractère féminin, et partie de l'extrême splendeur, et raffineront de la chevalerie dans la cité, dans la cité qui fut la fleur des cités.» (The Queen of the Air, II, § 82.)

Dans Val d'Arno, à la conférence intitulée Fleur de Lys, il faudrait noter (§ 251) le souvenir de Cora et de Triptolène à propos de la Fleur de Lys de Florence, et la couronne d'Hera qui typifie la forme de l'iris pourpré, ou de la fleur dont parle Pindare quand il décrit la naissance d'Iamus, et qui se rencontre aussi près d'Oxford. La note que Ruskin met à la page 211 de Val d'Arno fait remarquer que les artistes florentins mettent généralement le vrai lys blanc dans les mains de l'ange de l'Annonciation, mais à la façade d'Orvieto c'est la «fleur de lys» que lui donne Giovanni Pisano, etc., etc., et la conférence entière se termine par la belle phrase sur les lys que j'ai citée dans la préface (page 70).—(Note du Traducteur.)

[215]«Ô Proserpine, que n'ai-je ici les fleurs que dans ton effroi tu laissas tomber du char de Pluton, les asphodèles qui viennent avant que l'hirondelle se risque..., les violettes sombres... les pâles primevères, la primerole hardie et la couronne impériale, les iris de toute espèce, et entre autres la fleur de lys!» (Conte d'Hiver, scène XI, traduction François-Victor Hugo).—(Note du Traducteur.)

[216]Cantique des Cantiques, II, 1.—(Note du Traducteur.)

[217]Saint Jean, XV, 1.—(Note du Traducteur.)

[218]Selon M. Émile Male, le sculpteur d'Amiens s'est inspiré ici d'un passage d'Honorius d'Autun. Voici ce passage (Male, p. 61): «L'aspic est une espèce de dragon que l'on peut charmer avec des chants. Mais il est en garde contre les charmeurs et quand il les entend, il colle, dit-on, une oreille contre terre et bouche l'autre avec sa queue, de sorte qu'il ne peut rien entendre et se dérobe à l'incantation. L'aspic est l'image du pêcheur qui ferme ses oreilles aux paroles de vie.» M. Male conclut ainsi: «Le Christ d'Amiens qu'on appelle communément le Christ enseignant est donc quelque chose de plus: il est le Christ vainqueur. Il triomphe par sa parole du démon, du péché et de la mort. L'idée est belle et le sculpteur l'a magnifiquement réalisée. Mais n'oublions pas que le Speculum Ecclesiæ lui a fourni la pensée première de son œuvre et lui en a dicté l'ordonnance. À l'origine d'une des plus belles œuvres du XIIIe siècle on trouve le livre d'Honorius d'Autun (Art religieux au XIIIe siècle, p. 62).—(Note du Traducteur.)

[219]«Tu marcheras sur l'Aspic et sur le Basilic et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon» (Psaume XCI, 13).—(Note du Traducteur.)

[220]Voyez mon résumé de l'histoire de Barberousse et Alexandre dans Fiction, Beau et Laid. Ninetenth century, novembre 1880, p. 752, seq. Voyez Sur la Vieille Route, vol. II, p. 3.—(Note de l'Auteur.)

La citation faite par Alexandre III est aussi rappelée dans Stones of Venice, II, III, 59.—(Note du Traducteur.)

[221]Cf. chapitre Ier, § 33, de ce volume «jusqu'à ce que le même signe soit lu à rebours par un trône dégénéré».—(Note du Traducteur.)

[222]Voyez ce qu'en dit et les dessins très exacts qu'en donne Viollet-le-Duc (art. Christ, Dictionnaire d'architecture, III, 245).—(Note de l'Auteur.)

Voir aussi plus haut, page 76, l'opinion de Huysmans sur cette statue.—(Note du Traducteur.)

[223]Psaume XXIV.—(Note du Traducteur.)

[224]Voyez le cercle des Puissances des Cieux dans les interprétations byzantines, I, la Sagesse; II, les Trônes; III, les Dominations; IV, les Anges; V, les Archanges; VI, les Vertus; VII, les Puissances; VIII, les Princes; IX, les Séraphins. Dans l'ordre Grégorien (Dante, Par., XXVIII, note de Cary), les anges et les archanges sont séparés, donnant, en tout, neuf ordres, mais non pas neuf classes dans un ordre hiérarchique. Remarquez que, dans le cercle byzantin, les chérubins sont en premier, et que c'est la force des Vertus qui ordonne aux monts de se lever (Saint Mark's Rest, p. 97 et p. 158, 159).—(Note de l'Auteur.)

[225]Saint Luc, X, 5.—(Note du Traducteur.)

[226]Aujourd'hui le mot d'argot pour désigner un prêtre dans le peuple, en France, est un Pax vobiscum ou, en abrégé, un vobiscum.—(Note de l'Auteur.)

[227]C'est là (dans le De orte et obitu Patrum, attribué à Isidore de Séville), dit M. Mule, que nous apprenons qu'Isaïe fut coupé en deux avec une scie, sous le règne de Manassé (Émile Male, Histoire de l'Art religieux au XIIIe siècle, p. 214). Au Portail Saint-Honoré à Amiens, Isaïe est représenté la tête fendue.—(Note du Traducteur.)

[228]Voir la version des Septante.—(Note de l'Auteur.)

[229]En français dans le texte.

[230]Selon M. Male, c'est un lion.—(Note du Traducteur.)

[231]Interprété différemment par M. Male: «Nos artistes ont représenté la lâcheté à Paris, à Amiens, à Chartres et à Reims, par une scène pleine de bonhomie populaire. Un chevalier pris de panique jette son épée et s'enfuit à toutes jambes devant un lièvre qui le poursuit; sans doute il fait nuit, car une chouette perchée sur un arbre, semble pousser son cri lugubre. Ne dirait-on pas un vieux proverbe ou quelque fabliau. Je croirais volontiers que l'anecdote du soldat poursuivi par un lièvre était au nombre des historiettes que les prédicateurs aimaient à raconter à leurs ouailles. Il y a, dans la Somme le Roi de Frère Lorens, quelque chose qui ressemble fort à notre bas-relief (Histoire de l'art religieux, p. 166 et 167). Voir la description de la Patience du Palais des Doges 4° face du 7° chapiteau (Stones of Venice, I, V, § LXXI).—(Note du Traducteur.)

[232]Dans la cathédrale de Laon il y a un joli compliment fait aux bœufs qui transportèrent les pierres de ses tours au sommet de la montagne sur laquelle elle s'élève. La tradition est qu'ils se harnachèrent eux-mêmes, mais la tradition ne dit pas comment un bœuf peut se harnacher lui-même (*), même s'il en avait envie. Probablement la première forme du récit fut qu'ils allaient joyeusement «en mugissant». Mais, quoi qu'il en soit, leurs statues sont sculptées sur le haut des tours, au nombre de huit, colossales, regardant de ses galeries, à travers les plaines de France. Voyez le dessin dans Viollet-le-Duc, article Clocher.—(Note de l'Auteur.)

(*) Voir plus haut chapitre III: «La vie de Jérôme ne commence pas comme celle d'un moine Palestine. Dean de Milman ne nous a pas expliqué comment celle d'aucun homme le pourrait.»—Voir dans Male (page 77) une légende de Guibert de Nogent relative aux bœufs de Laon.—(Note du Traducteur.)

[233]Cf. Stones of Venice, I, V, LXXXVIII.

[234]Symbole de la douceur selon les théologiens parce qu'il se laisse prendre sans résistance ce qu'il a de plus précieux, son lait et sa laine (voir Male).—(Note du Traducteur.)

[235]Le rameau d'olivier de la Concorde (Voir Male, p. 170).—(Note du Traducteur.)

[236]Voir la Discorde du Palais des Doges (troisième face du septième chapiteau) avec la citation de Spencer, Stones of Venice, I, V, LXX.—(Note du Traducteur.)

[237]Cf. Volney: «Enfin la nature l'a (le chameau) visiblement destiné à l'esclavage en lui refusant toutes défenses contre ses ennemis. Privé des cornes du taureau, du sabot du cheval, de la dent de l'éléphant et de la légèreté du cerf, que peut le chameau? etc.» (Voyage en Égypte et en Syrie).—(Note du Traducteur.)

[238]Cf. l'Obéissance au Palais des Doges (sixième face du septième chapiteau) et la comparaison avec l'Obéissance de Spencer et celle de Giotto à Assise. Stones of Venice, I, V, § LXXXIII.—(Note du Traducteur.)

[239]«La rébellion n'apparaît au moyen âge que sous un seul aspect, la désobéissance à l'église... La rose de Notre-Dame de Paris» (ces petites scènes sont presque identiques à Paris, Chartres, Amiens et Reims) «offre un curieux détail: l'homme qui se révolte contre l'évêque porte le bonnet conique des Juifs... Le Juif qui depuis tant de siècles refusait d'entendre la parole de l'église semble être le symbole même de la révolte et de l'obstination» (Male, p. 112).—(Note du Traducteur.)

[240]Apocalypse, III, 2.—(Note du Traducteur.)

[241]Cf. la Constance du Palais des Doges (deuxième face du septième chapiteau): Constantia sum, nil timens, et la comparaison avec Giotto et le Pilgrim's Progress (Stones of Venice, I, V, § LXIX).—(Note du Traducteur.)

[242]Éphésiens, VI, 15.—(Note du Traducteur.)

[243]Cantique des cantiques, VII, 1.—(Note du Traducteur.)

[244]À Paris une croix, à Chartres un calice. Au Palais des Doges (première face du neuvième chapiteau) sa devise est: Fides optima in Deo. La Foi de Giotto tient une croix dans sa main droite, dans la gauche un phylactère, elle a une clef à sa ceinture et foule aux pieds des livres cabalistiques. Sur la Foi de Spencer (Fidelia), voir Stones of Venice, I, V, § LXXVII.—(Note du Traducteur.)

[245]Saint Jean, VI, 33.—(Note du Traducteur.)

[246]Dans ce passage ce furent pour moi, non pas les paroles du Christ, mais les paroles de Ruskin qui pendant plusieurs années «restèrent dans leur mystère». J'ai toujours pensé pourtant que c'était du caractère sacré de la nourriture dans son sens le plus général et le plus matériel qu'il s'agissait ici, qu'en parlant des lois de la vie et de l'esprit comme liées à son acceptation et à son refus, Ruskin entendait signifier le support indispensable et incessant que la nutrition donne à la pensée et à la vie, tout refus partiel de nourriture se traduisant par une modification de l'état de l'esprit, par exemple dans l'ascétisme. Quant à la distribution de la nourriture, les lois de l'esprit et de la vie me paraissaient lui être liées aussi en ce que d'elle dépend, si on se place au point de vue subjectif de celui qui donne (c'est-à-dire au point de vue moral), la charité du cœur, et si on se place au point de vue de ceux qui reçoivent, et même de ceux qui donnent considérés objectivement, au point de vue politique), le bon état social.—Mais je n'avais pas de certitude, ne trouvant ni les mêmes idées, ni les mêmes expressions dans aucun des livres de Ruskin que j'avais présents à l'esprit. Et les ouvrages d'un grand écrivain sont le seul dictionnaire où l'on puisse contrôler avec certitude le sens des expressions qu'il emploie. Cependant cette même idée, étant de Ruskin, devait se retrouver dans Ruskin. Nous ne pensons pas une idée une seule fois. Nous aimons une idée pendant un certain temps, nous lui revenons quelquefois, fût-ce pour l'abandonner à tout jamais ensuite. Si vous avez rencontré avec une personne l'homme le plus changeant je ne dis même pas dans ses amitiés, mais dans ses relations, nul doute que pendant l'année qui suit cette rencontre si vous étiez le concierge de cet homme vous verriez entrer chez lui l'ami ou une lettre de l'ami que vous avez rencontré ou si vous étiez sa mémoire vous verriez passer l'image de son ami éphémère. Aussi faut-il faire avec un esprit, si l'on veut revoir une de ses idées, ne fût-elle pour lui qu'une idée passagère et un temps seulement préférée, comme font les pêcheurs: placer un filet attentif, d'un endroit à un autre (d'une époque à une autre) de sa production, fut-elle incessamment renouvelée. Si le filet a des mailles assez serrées et assez fines, il serait bien surprenant que vous n'arrêtiez pas au passage une de ces belles créatures que nous appelons idées, qui se plaisent dans les eaux d'une pensée, y naissant par une génération qui semble en quelque sorte spontanée et où ceux qui aiment à se promener au bord des esprits sont bien certains de les apercevoir un jour, s'ils ont seulement un peu de patience et un peu d'amour. En lisant l'autre jour dans Verona and other Lectures, le chapitre intitulé: «The Story of Arachné», arrivé à un passage (§§ 25 et 26) sur la cuisine, science capitale, et fondement du bonheur des états, je fus frappé par la phrase qui le termine. «Vous riez en m'entendant parler ainsi et je suis content que vous riez à condition que vous compreniez seulement que moi je ne ris pas, et de quelle façon réfléchie, entière et grave, je vous déclare que je crois nécessaires à la prospérité de cette nation et de toute autre: premièrement une soigneuse purification et une affectueuse distribution de la nourriture, de façon que vous puissiez, non pas seulement le dimanche, mais après le labeur quotidien, qui, s'il est bien compris, est un perpétuel service divin de chaque jour—de façon, dis-je, à ce que vous puissiez manger des viandes grasses et boire des liqueurs douces, et envoyer des portions à ceux pour qui rien n'est préparé.» (Cette dernière phrase est de Néhémie, VIII, 10.) Je trouverai peut-être quelque jour un commentaire précis des mots «acceptance» et «refusal». Mais je crois que pour «food» et pour «distribution» ce passage vérifie absolument mon hypothèse.—(Note du Traducteur.)

[247]«L'insensé a dit dans son cœur, il n'y a point de Dieu» (Psaume XIV).

Le Dixit incipiens reparaît souvent dans Ruskin. Je cite de mémoire dans The Queen of the Air: «C'est la tâche du divin de condamner les erreurs de l'antiquité et celle du philosophe d'en tenir compte. Je vous prierai seulement de lire avec une humaine sympathie les pensées d'hommes qui vécurent, sans qu'on puisse les blâmer, dans une obscurité qu'il n'était pas en leur pouvoir de dissiper et de vous souvenir que quelque accusation de folie qui se puisse justement attacher à l'affirmation: «Il n'y a pus de Dieu», la folie est plus orgueilleuse, plus profonde et moins, pardonnable qui consiste à dire: «Il n'y a de Dieu que pour moi» (Queen of Air, I), et dans Stones of Venice:

«Comme il est écrit: «Celui-là qui se fie à son propre cœur est un fou», il est aussi écrit «L'insensé a dit dans son cœur: il n'y a pas de Dieu». Et l'adulation de soi-même conduisit graduellement à l'oubli de tout excepté de soi et à une incrédulité d'autant plus fatale qu'elle gardait encore la forme et le langage de la foi» (Stones of Venice, II, IV, XCII) et aussi Stones of Venice, I, V, 56, etc., etc.—(Note du Traducteur.)

[248]Selon M. Male, symbole de résurrection, car la croix ornée d'un étendard est le symbole de Jésus-Christ sortant du tombeau. Nous aurons notre couronne, notre récompense, le jour de la résurrection.—(Note du Traducteur.)

[249]L'espérance de Giotto a des ailes, un ange devant elle porte une couronne. L'espérance de Spencer est attachée à une ancre. Voir Stones of Venice, I, V, § LXXXIV.—(Note du Traducteur.)

[250]Avant le XIIIe siècle, c'est la Colère qui se poignarde. À partir du XIIIe siècle, c'est le Désespoir. La transition est visible à Lyon, où le Désespoir est opposé encore à la Patience (Male).—(Note du Traducteur.)

[251]Parlant du caractère réaliste et pratique du christianisme dans le nord, Ruskin évoque encore cette figure de la charité d'Amiens dans Pleasures of England: «Tandis que la Charité idéale de Giotto à Padoue présente à Dieu son cœur dans sa main, et en même temps foule aux pieds des sacs d'or, les trésors de la terre, et donne seulement du blé et des fleurs: au porche ouest d'Amiens elle se contente de vêtir un mendiant avec une pièce de drap de la manufacture de la ville (Pleasures of England, IV).

La même comparaison (rencontre certainement fortuite) se trouve être venue à l'esprit de M. Male, et il l'a particulièrement bien exprimée.

«La Charité qui tend à Dieu son cœur enflammé, dit-il, est du pays de saint François d'Assise. La charité qui donne son manteau aux pauvres est du pays de saint Vincent de Paul.»

Ruskin compare encore différentes interprétations de la Charité dans Stones of Venice (chap. sur le Palais des Doges): «Au cinquième chapiteau est figurée la charité. Une femme, des pains sur ses genoux en donne un à un enfant qui tend les bras vers elle à travers une ouverture du feuillage du chapiteau. Très inférieure au symbole giottesque de cette vertu. À la chapelle de l'Arena elle se distingue de toutes les autres vertus à la gloire circulaire qui environne sa tête et à sa croix de feu. Elle est couronnée de fleurs, tend dans sa main droite un vase de blé et de fleurs, et dans la gauche reçoit un trésor du Christ qui apparait au-dessus d'elle pour lui donner le moyen de remplir son incessant office de bienfaisance, tandis qu'elle foule aux pieds les trésors de la terre. La beauté propre à la plupart des conceptions italiennes de la Charité est qu'elles subordonnent la bienfaisance à l'ardeur de son amour, toujours figuré par des flammes; ici elles prennent la forme d'une croix, autour de sa tête; dans la chapelle d'Orcagna à Florence elles sortent d'un encensoir qu'elle a dans sa main; et, dans le Dante, l'embrasent tout entière, si bien que dans le brasier de ces claires flammes, on ne peut plus la distinguer. Spencer la représente comme une mère entourée d'enfants heureux, conception qui a été, depuis, banalisée et vulgarisée par les peintres et les sculpteurs anglais» (Stones of Venice, I, V, § LXXXI). Voir au paragraphe LXVIII du même chapitre comment le sculpteur vénitien a distingué la Libéralité de la Charité.—(Note du Traducteur.)

[252]Pour se rendre compte combien sa religion jadis glorieuse est profanée et lue à rebours par l'esprit français moderne, il vaut la peine, pour le lecteur, de demander chez M. Goyer (place Saint-Denis), le Journal de Saint-Nicolas de 1880 et de regarder le Phénix tel qu'il est représenté à la page 610. L'histoire a l'intention d'être morale, et te Phénix représente l'avarice, mais l'entière destruction de toute tradition sacrée et poétique dans l'esprit d'un enfant par une telle image, est une immoralité qui neutraliserait la prédication d'une année.

Afin que cela vaille la peine pour M. Goyer de vous montrer le numéro, achetez celui dans lequel il y a «les conclusions de Jeannie» (p. 337): La scène d'église (avec dialogue) dans le texte est charmante.—(Note de l'Auteur.)

M. Male n'est pas éloigné de croire que l'artiste qui a représenté la chasteté à Notre-Dame de Paris (Rose) voulait figurer sur son écu une salamandre, symbole de la chasteté parce qu'elle vit dans les flammes, a même la propriété de les éteindre et n'a pas de sexe. Mais l'artiste s'étant trompé et ayant fait de la salamandre un oiseau, son erreur aurait été reproduite à Amiens et à Chartres.—(Note du Traducteur.)

[253]Mais chaste cependant: «Nous voilà loin des terribles figures de la luxure sculptées au portail des églises romanes; à Moissac, à Toulouse des crapauds dévorant le sexe d'une femme et se suspendant à ses seins» (Male).—(Note du Traducteur.)

[254]«Son écu est décoré d'un serpent qui, parfois, s'enroule autour d'un bâton. Aucun blason n'est plus noble puisque c'est Jésus lui-même qui l'a donné à la prudence: «Soyez prudents, disait-il, comme des serpents» (Male).

Giotto donne à la Prudence la double face de Janus et un miroir (Stones of Venice, I, V, § LXXIII). Voir dans ce chapitre de Stones of Venice la définition des mots tempérance, σωροσύνη, μανία, ὔβρις (§ LXXIX).—(Note du Traducteur.)

[255]«La folie, qui s'oppose à la prudence, mérite de nous arrêter plus longtemps. Elle s'offre à nous à Paris, à Amiens, aux deux portails de Chartres, à la rose d'Auxerre et de Notre-Dame de Paris (*), sous les traits d'un homme, à peine vêtu, armé d'un bâton, qui marche au milieu des pierres et qui parfois reçoit un caillou sur la tête. Presque toujours il porte à sa bouche un objet informe. C'est évidemment là l'image d'un fou que d'invisibles gamins semblent poursuivre a coups de pierres. Chose curieuse, une figure si vivante, et qui semble empruntée à la réalité quotidienne, a une origine littéraire. Elle est née de la combinaison de deux passages de l'Ancien Testament. On lit, en effet; dans les Psaumes: «L'insensé a lancé contre Dieu une pierre, mais la pierre est tombée sur sa tête. Il a mis une pierre dans le chemin pour y faire heurter son frère et il s'y heurtera lui-même.» Voilà bien le fou d'Amiens. Il marche sur des cailloux qui semblent rouler sous ses pieds et une pierre vient de l'atteindre à la tête.

Mais quel est l'objet qu'il porte à sa bouche? Un passage des Psaumes, suivant nous l'explique. Quiconque a feuilleté quelques psautiers à miniatures du XIIIe siècle a remarqué que les illustrations, en fort petit nombre, ne varient jamais. En tête du psaume LIII est dessiné un fou tout à fait semblable au personnage sculpté au portail de nos cathédrales. Il est armé d'un bâton et il s'apprête à manger un objet rond, qui est tout simplement, comme on va le voir, un morceau de pain. On lit, en effet, dans le texte: «Le fou a dit dans son cœur: il n'y a pas de Dieu. Le fou accomplit des iniquités abominables... il dévore mon peuple comme un morceau de pain.» On ne peut douter, je crois, que l'artiste ait essayé de rendre ce passage. Ainsi s'explique la figure si complexe de la folie qui, comme tant d'autres, a été imaginée d'abord par les miniaturistes, et adoptée ensuite par les sculpteurs et les peintres verriers» (Male).—(Note du Traducteur.)

(*) La figure de la folie au portail de Notre-Dame de Paris a été retouchée. Un cornet dans lequel souffle le fou a remplacé l'objet qu'il semblait manger, le bâton est devenu une espèce de flambeau.

[256]Généralement les prophéties sont écrites sur des banderoles au lieu d'être figurées comme à Amiens dans des bas-reliefs. Pour compléter par des images ruskiniennes, le tableau que donne ici Ruskin, nous cesserons de citer uniquement M. Male et nous rapprocherons les prophéties figurées à Amiens, des prophéties inscrites au baptistère de Saint-Marc. On sait que ces mosaïques sont décrites dans Saint Mark's Rest au chapitre Sanctus, Sanctus, Sanctus. Et le baptistère de Saint-Marc, dont l'éblouissante fraîcheur est si douce à Venise pendant les après-midi brûlants, est à sa manière une sorte de Saint des Saints ruskinien. M. Collingwood, le disciple préféré de Ruskin, a qui nous devons, en somme, le plus beau livre qui ait été écrit sur lui, a dit que le Repos de Saint-Marc était aux Pierres de Venise ce que la Bible d'Amiens était aux Sept Lampes de l'architecture. Je pense qu'il veut dire par là que le sujet de l'un et de l'autre a été choisi par Ruskin comme un exemple historique, destiné à illustrer les lois édictées dans ses livres de théorie. C'est le moment où, comme aurait dit Alphonse Daudet, «le professeur va au tableau». Et, en effet, par bien des points rien ne ressemble plus à la Bible d'Amiens que cet Évangile de Venise. Mais le Repos de Saint-Marc n'est déjà plus du meilleur Ruskin. Il dit lui-même, de façon touchante dans le chapitre: The Requiem, cité plus haut: «Passons à l'autre dôme qui est plus sombre. Plus sombre et très sombre; pour mes vieux yeux à peine déchiffrable; pour les vôtres s'ils sont jeunes et brillants, cela doit être très beau, car c'est l'origine de tous ces fonds dorés de Bellini, Cima, Carpaccio, etc.» Mais c'est tout de même pour essayer de voir ce qu'avaient vu ces «vieux yeux» que nous allions tous les jours nous enfermer dans ce baptistère éclatant et obscur. Et nous pouvons dire d'eux comme il disait des yeux de Turner: «C'est par ces yeux, éteints à jamais que des générations qui ne sont pas encore nées verront les couleurs.» (Note du Traducteur.)

[257]Ruskin dans un moment de découragement s'est appliqué à lui-même ce verset d'Isaïe: «Malheur à moi, s'écrie-t-il dans Fors Clavigera, car je suis un homme aux lèvres impures, et je suis un homme perdu parce que mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur des armées» (Fors Clavigera, III, LVIII).—(Note du Traducteur.)

[258]Au baptistère de Saint-Marc, comme à l'Arena à Padoue et au porche occidental de la cathédrale de Vérone la prophétie rappelée sur le phylactère d'Isaïe est: Ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen ejus Emmanuel (Isaïe, VI, 14). Et l'aspect (qui sera plus évocateur des mosaïques byzantines pour ceux qui en ont une fois vu) est celui-ci:

ECCE V
IRGO
CIPIET
ET PAR
IET FILI
UM ET V
OCABIT
UR NOM.

Et ces inscriptions, et ces couleurs éclatantes à côté des grises allégories d'Amiens font penser à la page des Stones of Venice que nous avons citée plus haut, pages 81 et 82.—(Note du Traducteur.)

[259]Au baptistère de Saint-Marc le texte de Jérémie est: Hic est Deus noster et non extimabitur alius.—(Note du Traducteur.)

[260]Sur la manière de représenter les fleuves voir notamment Giotto and his work in Padua au Baptême du Christ.—(Note du Traducteur.)

[261]«Comment croire que le sculpteur d'Amiens qui a représenté Ézéchiel, la tête dans la main devant une mesquine petite roue, ait eu la prétention d'illustrer ce passage du prophète: «Je regardais les animaux et voici, il y avait des roues sur la terre près des animaux. À leur aspect... les roues semblaient être en chrysolithe... chaque roue paraissait être au milieu d'une autre roue. Elles avaient une circonférence et une hauteur effrayantes et les quatre roues étaient remplies d'yeux tout autour. Quand les animaux marchaient, les roues cheminaient à côté d'eux. Au-dessus il y avait un ciel de cristal resplendissant.» Toute l'horreur religieuse d'une pareille vision disparaît à l'instant où on essaie de la représenter. Ces petites images inscrites dans des quatre-feuilles sont charmantes comme les claires figures qui ornent les livres d'heures français. Mais elles n'ont rien retenu de la grandeur des originaux qu'elles prétendaient traduire» (Émile Male, p. 216, passim).—(Note du Traducteur.)

[262]Je crains que cette main n'ait été brisée depuis que je l'ai décrite, en tout cas elle est sans forme discernable dans la photographie.—(Note de l'Auteur.)

[263]Peintre anglais (1789 à 1854). Son Festin de Balthazar est de 1821.—(Note du Traducteur.)

[264]Au baptistère de Saint-Marc: Venite et revertamur ad dominum quia ipse capit et sana (bit nos). (Osée, VI, 4.)—(Note du Traducteur.)

[265]Allusion au verset: «Après cela l'Éternel me dit: «Va encore aimer une femme aimée d'un ami et adultère, comme l'Éternel aime les enfants d'Israël lesquels, toutefois, regardent à d'autres dieux et aiment les flacons de vin (Osée, III, 1).

Et c'est alors que la prophétie ajoute: «Je m'acquis donc cette femme-là pour quinze pièces d'argent et un homer et demi d'orge.—(Note du Traducteur.)

[266]À Saint-Marc: Super servos meos et super ancillas effundam de spiritu meo (Joël, II. 29).—(Note du Traducteur.)

[267]À Saint-Marc: Ecce parvulum dedit te in gentibus (Abdias, 2).—(Note du Traducteur.)

[268]«Ils lui répondirent: c'était un homme vêtu de poil... et Achazia leur répondit: C'est Elie, le Tshischbite» (II Rois, I, 8). Ce manteau de poils était une ressemblance de plus entre Elie et saint Jean-Baptiste que l'on croyait être Elie ressuscité (Voir Renan, la Vie de Jésus).—(Note du Traducteur.)

[269]«Il envoya vers lui un capitaine de cinquante avec ses cinquante hommes» (II Rois, I, 9).—(Note du Traducteur.)

[270]Auprès d'Achazia qui les avait envoyés consulter Beal-Zebub, Dieu d'Ekron.—(Note du Traducteur.)

[271]À Saint-Marc: Clamavi ad dominun et exaudivit me de tribulation(e) mea.—(Note du Traducteur.)

[272]Cf., plus haut, sur la connaissance qu'on pouvait avoir des chameaux à Amiens.—(Note du Traducteur.)

[273]«Les nations forgeront leurs épées en hoyaux et leurs lances en serpes.» Ce verset, se retrouve dans Isaïe (II, 4) et dans Joël, (III, 10). Après avoir analysé ce passage de la Bible d'Amiens et isolé le verset biblique qui en fait le fond, faisons l'opération inverse, et en partant de ce verset, montrons comment il entre dans la composition d'autres pages de Ruskin. Nous lisons par exemple dans The Two Paths: «Ce n'est pas en supportant les souffrances d'autrui, mais en faisant l'offrande des vôtres, que vous vous approcherez du grand changement qui doit venir pour le fer de la terre: quand les hommes forgeront leurs épées en socs de charrue et leurs lances en serpes, et où l'on n'apprendra plus la guerre. (The Two Paths, 196.)

Et dans Lectures on Art: « Et l'art chrétien, comme il naquit de la chevalerie, fut seulement possible aussi longtemps que la chevalerie força rois et chevaliers à prendre souci du peuple. Et il ne sera de nouveau possible que, quand, à la lettre, les épées seront forgées en socs de charrue, quand votre saint Georges d'Angleterre justifiera son nom, et que l'art chrétien se fera connaître comme le fit son Maître, en rompant le pain.» (IV, 126).—(Note du Traducteur.)

[274]La statue du prophète, en arrière, est la plus magnifique de la série entière; remarquez spécialement le «diadème» de sa chevelure luxuriante, tressée, comme celle d'une jeune fille, indiquant la force Achilléenne, de ce plus terrible des prophètes (Voyez Fors Clavigera, lettre LXV, p. 157). D'ailleurs, cette longue chevelure flottante a toujours été un des insignes des rois Franks, et leur manière d'arranger leur chevelure et leur barbe peut être vue de plus près et avec plus de précision dans les sculptures des angles des longs fonts baptismaux, dans le transept nord, le morceau le plus intéressant de toute la cathédrale, au point de vue historique, et aussi de beaucoup de valeur artistique (Voir plus haut, chap. II, p. 86).—(Note de l'Auteur.)

[275]Voir dans Male (p. 198 et suiv.) l'interprétation des sculptures du porche de Laon, représentant Daniel recevant dans la fosse aux lions le panier que lui apporte Habakuk. Ce porche est consacré à la glorification de la sainte Vierge. Mais, d'après Honorius d'Autun, qu'a suivi le sculpteur de Laon, Habakuk faisant passer la corbeille de nourriture à Daniel sans briser le sceau que le roi y avait imprimé avec son anneau, et, le septième jour, le roi trouvant le sceau intact et Daniel vivant, symbolisait, ou plutôt prophétisait le Christ entrant dans le sein de sa mère sans briser sa virginité et sortant sans toucher à ce sceau de la demeure virginale.—(Note du Traducteur.)

[276]À Saint-Marc: Expecta me in die resurrectionis meæ quoniam (judicium, meum ut congregem gentes).—(Note du Traducteur.)

[277]Voir plus haut, p. 215, note.—(Note de l'Auteur.) «Le médaillon représente un petit monument gothique, un oiseau est perché sur le linteau, et un hérisson entre par la porte ouverte. On pense à quelque fable d'Ésope, et non au terrible passage de Sophonie, que l'artiste a la prétention de rendre: «L'Éternel étendra sa main sur le Septentrion, il détruira l'Assyrie, et il fera de Ninive une solitude, une terre aride comme le désert: des troupeaux se coucheront au milieu d'elle, des animaux de toute espèce, le pélican et le hérisson, habiteront parmi les chapiteaux de ses colonnes, des cris retentiront aux fenêtres, la dévastation sera sur le seuil, caries lambris de cèdre seront arrachés» (Émile Male, p. 211).—(Note du Traducteur.)

[278]En français dans le texte.

[279]«Dans un autre médaillon sur Zacharie, deux femmes ailées soulèvent une autre femme assise sur une chaudière et formant une composition élégante; mais qu'est devenue l'étrangeté du texte sacré? (suivent les versets 5 à 11 du chapitre V de Zacharie)» (Male, p. 217).

Mais comparez surtout avec Unto this last:

«De même aussi dans la vision des femmes portant l'ephah, «le vent était dans leurs ailes»; non les ailes «d'une cigogne», comme dans notre version, mais «milvi», d'un milan, comme dans la Vulgate; et peut être plus exactement encore dans la version des septante «hoopoe», d'une huppe, oiseau qui symbolise le pouvoir des richesses d'après un grand nombre de traditions dont sa prière d'avoir une crête d'or est peut être la plus intéressante. Les Oiseaux d'Aristophane où elle joue un rôle capital est plein de ces traditions, etc. (Unto this last, § 74, p. 148, note). Dans Unto this last, aussi (§ 68, p. 135), Ruskin interprète ces versets de Zacharie. L'ephah ou grande mesure est la «mesure de leur iniquité dans tout le pays». Et si la perversité y est couverte par un couvercle de plomb, c'est qu'elle se cache toujours sous la sottise.—(Note du Traducteur.)

[280]Voir ante, chap. I (p. 8, 9) l'histoire de saint Firmin, et de saint Honoré (p. 77, § 8) dans ce chapitre, avec la référence qui y est donnée.—(Note de l'Auteur.)

[281]Voir sur saint Geoffroy, Augustin Thierry, Lettres sur l'Histoire de France, Histoire de la Commune d'Amiens, pp. 271-281.—(Note du Traducteur.)

[282]À Reims un portail est également consacré aux saints de la province; à Bourges, sur cinq portails, deux sont consacrés à des saints du pays. À Chartres, figurent également tous les saints du diocèse; au Mans, à Tours, à Soissons, à Lyon, des vitraux retracent leur vie. Chacune de nos cathédrales présente ainsi l'histoire religieuse d'une province. Partout les saints du diocèse, tiennent après les apôtres la première place (Male, 390 et suivantes).—(Note du Traducteur.)

[283]L'étude des travaux des mois dans nos différentes cathédrales est une des plus belles parties du livre de M. Male. «Ce sont vraiment, dit-il en parlant de ces calendriers sculptés, les Travaux et les Jours.» Après avoir montré leur origine byzantine et romane il dit d'eux: «Dans ces petits tableaux, dans ces belles géorgiques de la France, l'homme fait des gestes éternels.» Puis il montre malgré cela le côté tout réaliste et local de ces œuvres: «Au pied des murs de la petite ville du moyen âge commence la vraie campagne... le beau rythme des travaux virgiliens. Les deux clochers de Chartres se dressent au-dessus des moissons de la Beauce et la cathédrale de Reims domine les vignes champenoises. À Paris, de l'abside de Notre-Dame on apercevait les prairies et les bois; les sculpteurs en imaginant leurs scènes de la vie rustique purent s'inspirer de la réalité voisine», et plus loin: «Tout cela est simple, grave, tout près de l'humanité. Il n'y a rien là des Grâces un peu fades des fresques antiques: nul amour vendangeur, nul génie aile qui moissonne. Ce ne sont pas les charmantes déesses florentines de Botticelli qui dansent à la tête de la Primavera. C'est l'homme tout seul, luttant avec la nature; et si pleine de vie, qu'elle a gardé, après cinq siècles, toute sa puissance d'émouvoir.» On comprend après avoir lu cela que M. Séailles parlant du livre de M. Male ait pu dire qu'il ne connaissait pas un plus bel ouvrage de critique d'art.—(Note du Traducteur.)

[284]Ce sont les préparatifs de Noël.—(Note du Traducteur.)

[285]Souvenir païen de Janus perpétué à Amiens, à Notre-Dame de Paris, à Chartres, dans beaucoup de psautiers. Un des visages regarde l'année qui s'en va, l'autre celle qui vient. À Saint-Denis, dans un vitrail de Chartres, Janus ferme une porte derrière laquelle disparait un vieillard, et en ouvre une autre à un jeune homme (Male, p. 95).—(Note du Traducteur.)

[286]Il n'y a plus de vignobles à Amiens, mais il y en avait encore au moyen âge. À Notre-Dame de Paris, le paysan va à sa vigne, à Chartres, à Saumur, il la taille, à Amiens il la bêche. Comme le vent est froid, à Chartres (porche nord), le paysan garde le capuchon et le manteau (ibid., p. 97).—(Note du Traducteur.)

[287]En août la moisson continue au portail nord de Chartres, à Paris, à Reims. Mais à Senlis, à Semur, à Amiens, on commence déjà abattre (ibid., p. 99).—(Note du Traducteur.)

[288]Dans d'autres cathédrales on commence déjà la vendange. La France du moyen âge paraît avoir été plus chaude que la nôtre (ibid., p, 100).—(Note du Traducteur.)

[289]À Semur, à Reims, pays de vignes, c'est la fin des travaux du vigneron. À Paris, à Chartres, c'est le temps des semailles. Le paysan a déjà repris le manteau d'hiver (ibid., p. 100).—(Note du Traducteur.)

[290]Voyez la description de la Madone de Murano dans le second volume de Stones of Venice.—(Note de l'Auteur.)

[291]Sur la manière «dont Raphaël pense à la Madone» et sur la Vierge couronnée de Pérugin «tombant au rang d'une simple mère italienne, la Vierge à la chaise de Raphaël». Voir Ruskin, Modern Painters, III, IV, 4, cités par M. Brunhes.—(Note du Traducteur.)

[292]Cf. Male, p. 209 et 210. «On a rapproché non sans raison à Chartres et à Amiens la statue de Salomon de celle de la reine de Saba. On voulait signifier par là que, conformément à la doctrine ecclésiastique, Salomon figurait Jésus-Christ et la Reine de Saba l'église qui accourt des extrémités du monde pour entendre la parole de Dieu. La visite de la reine de Saba fut aussi considérée au moyen âge, comme une figure de l'adoration des mages. La Reine de Saba qui vient de l'Orient symbolise les mages, le roi Salomon sur son trône symbolise la Sagesse Éternelle assise sur les genoux de Marie (Ludolphe le Chartreux, Vita Christi, XI). C'est pourquoi à la façade de Strasbourg, on voit Salomon sur son trône gardé par douze lions et au-dessus la Vierge portant l'enfant sur ses genoux».—(Note du Traducteur.)

[293]Allusion au chapitre II de Daniel. Le prophète raconte à Hebricatsar ses propres songes qu'il va interpréter et dit dans le récit du songe: «Tu la contemplais (cette statue) lorsqu'une pierre fut détachée de la montagne, sans mains, qui frappe la statue dans ses pieds de fer et de terre et les brise. Alors le fer, la terre, l'airain et l'or furent brisés, etc.» (Daniel, II, 34).—(Note du Traducteur.)

[294]Exode, III, 3, 4.—(Note du Traducteur.)

[295]Les Juges, VI, 37, 38.—(Note du Traducteur.)

[296] «Voici, la verge d'Aaron avait fleuri pour la maison de Lévi et elle avait jeté des fleurs, produit des boutons et mûri des amandes» (Nombres, XVII, 8).—(Note du Traducteur.)

Ces quatre sujets si éloignés en apparence de l'Histoire de la Vierge, se retrouvent au porche occidental de Laon et dans un vitrail de la collégiale de Saint-Quentin, tous deux consacrés à la Vierge comme le portail d'Amiens. Le lien entre ses sujets et la vie de la Vierge se trouve, selon M. Male, dans Honorius d'Autun (sermon pour le jour de l'Annonciation). Selon Honorius d'Autun, la Vierge a été prédite, et sa vie symboliquement figurée dans ces épisodes de l'Ancien Testament. Le buisson que la flamme ne peut consumer, c'est la Vierge portant en elle le Saint Esprit, sans brûler du feu de la concupiscence. Le buisson où descend la rosée, est la Vierge qui devient féconde, et l'aire qui reste sèche autour est la virginité demeurée intacte. La pierre détachée de la montagne sans le secours d'un bras c'est Jésus-Christ naissant d'une Vierge qu'aucune main n'a touché. Ainsi s'exprime Honorius d'Autun dans le Speculum Ecclesiæ. M. Male pense que les artistes de Laon, de Saint-Quentin et d'Amiens avaient lu ce texte et s'en sont inspiré.—(Note du Traducteur.)

[297]Saint Luc, I, 13.—(Note du Traducteur.)

[298]Saint Matthieu, I, 20.—(Note du Traducteur.)

[299]Saint Luc, I, 61.—(Note du Traducteur.)

[300]Saint Luc, I, 61.—(Note du Traducteur.)

[301]Saint Luc, I, 63.—(Note du Traducteur.)

[302]Mise en scène d'une légende rapportée par tous les auteurs du moyen âge. Jésus en arrivant dans la ville de Solime fit choir toutes les idoles pour que s'accomplît la parole d'Isaïe. «Voici que le Seigneur vient sur une nuée et tous les ouvrages de la main des Égyptiens trembleront à son aspect» (Voir Male, p. 283, 284).—(Note du Traducteur.)

[303]«À la façade d'Amiens, on voit sous les pieds de la statue d'Hérode, devant qui les rois mages comparaissent, un personnage nu que deux serviteurs plongent dans une cuve. C'est le vieil Hérode qui essaie de retarder sa mort en prenant des bains d'huile: «Et Hérode avait déjà soixante-quinze ans et il tomba dans une très grande maladie; fièvre violente, pourriture et enflure des pieds, tourments continuels, grosse toux et des vers qui le mangeaient avec grande puanteur et il était fort tourmenté; et alors, d'après l'avis des médecins, il fut mis dans une huile d'où on le tira à moitié mort» (Légende dorée). «Hérode vécut assez longtemps pour apprendre que son fils Antipater n'avait pas caché sa joie en entendant le récit de l'agonie de son père. La colère divine éclate dans cette mort d'Hérode... L'imagier d'Amiens a donc eu une idée ingénieuse en mettant sous les pieds d'Hérode triomphant le vieil Hérode vaincu; il annonçait l'avenir et la vengeance prochaine de Dieu» (Male, p. 283).

J'ai adopté la traduction adoucie de M. Male, n'osant pas reproduire la crudité de l'original. Le lecteur peut se reporter à la belle traduction de la Légende dorée par M. Téodor de Wyzewa, mais M. de Wyzewa ne donne pas le passage sur l'incendie du vaisseau des rois.—(Note du Traducteur.)

[304]«Comme Hérode ordonnait la mort des Innocents, il... apprit en passant à Tarse que les trois rois s'étaient embarqués sur un navire du port, et dans sa colère il fit mettre le feu à tous les navires, selon ce que David avait dit: «il brûlera les nefs de Tarse en son courroux» (Jacques de Voragine, Légende dorée, au jour des saints Innocents, 28 décembre).—(Note du Traducteur.)

On voit les mages revenant en bateau, dit M. Male, sur un des panneaux de la rose de Soissons et sur le vitrail consacré à l'enfance de Jésus-Christ qui orne la chapelle absidale de la cathédrale de Tours.—(Note du Traducteur.)

[305]Saint Matthieu, II, 12.—(Note du Traducteur.)

[306]Isaïe, IX, 5.—(Note du Traducteur.)

[307]Cf. Lectures on Art: «L'influence de cet art réaliste sur l'esprit religieux de l'Europe a eu des formes plus diverses qu'aucune autre influence artistique, car dans ses plus hautes branches, il touche les esprits les plus sincèrement religieux, tandis que, dans ses branches inférieures, il s'adresse, non seulement au besoin le plus vulgaire d'excitation religieuse, mais à la simple soif de sensations d'horreur qui caractérise les classes sans éducation de pays partiellement civilisés; non pas seulement même à la soif de l'horreur, mais à un étrange amour de la mort qui s'est manifesté quelquefois dans des pays catholiques en s'efforçant que, dans les chapelles du Sépulcre, les images puissent être prises, à la lettre, pour de véritables cadavres.

Le même instinct morbide a souvent gagné l'esprit des artistes les plus puissants, et les plus imaginatifs, lui communiquant une tristesse fiévreuse qui dénature leurs plus belles œuvres; et finalement, c'est là le pire de tous ses effets, c'est par lui que la sensibilité des femmes chrétiennes a été universellement employée à se lamenter sur les souffrances du Christ au lieu d'empêcher celles de son peuple.

Quand l'un de vous voyagera, qu'il étudie la signification des sculptures et des peintures qui, dans chaque chapelle et dans chaque cathédrale, et dans chaque sentier de la montagne, rappellent les heures et figurent les agonies de la Passion du Christ, et essaye d'arriver à une appréciation des efforts qui ont été faits par les quatre arts: éloquence, musique, peinture, sculpture, depuis le XIIe siècle, pour arracher aux cœurs des femmes les dernières gouttes de pitié que pouvait encore exciter cette agonie purement physique car ces œuvres insistent presque toujours sur les blessures ou sur l'épuisement physique, et dégradent bien plus qu'elles ne l'animent, la conception de la douleur.

Puis essayez de vous représenter la somme de temps et d'anxieuse et frémissante émotion, qui a été gaspillée par les tendres et délicates femmes de la chrétienté pendant ces derniers six cents ans. (Ceci rejoint encore de plus près le passage du chapitre II de la Bible d'Amiens sur les femmes martyres à propos de sainte Geneviève.) Comme elles se peignaient ainsi à elles-mêmes sous l'influence d'une semblable imagerie, ces souffrances corporelles passées depuis longtemps, qui, puisqu'on les conçoit comme ayant été supportées par un être divin, ne peuvent pas, pour cette raison, avoir été plus difficiles à endurer que les agonies d'un être humain quelconque sous la torture; et alors essayez d'apprécier à quel résultat on serait arrivé pour la justice et la félicité de l'humanité si on avait enseigné à ces mêmes femmes le sens profond des dernières paroles qui leur furent dites par leur Maître: «Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants», si on leur avait enseigné à appliquer leur pitié à mesurer les tortures des champs de bataille, les tourments de la mort lente chez les enfants succombant à la faim, bien plus, dans notre propre vie de paix, à l'agonie de créatures qui ne sont ni nourries, ni enseignées, ni secourues, qui s'éveillent au bord du tombeau pour apprendre comment elles auraient dû vivre, et la souffrance encore plus terrible de ceux dont toute l'existence, et non sa fin, est la mort; ceux auxquels le berceau fut une malédiction, et pour lesquels les mots qu'ils ne peuvent entendre «la cendre à la cendre» sont tout ce qu'ils ont jamais reçu de bénédiction. Ceux-là, vous qui pour ainsi dire avez pleuré à ses pieds ou vous êtes tenus près de sa croix, ceux-là vous les avez toujours avec vous! et non pas Lui.

Vous avez toujours avec vous les malheureux dans la mort. Oui, et vous avez toujours les braves et bons dans la vie. Ceux-là aussi ont besoin d'être aidés, quoique vous paraissiez croire qu'ils n'ont qu'à aider les autres: ceux-là aussi réclament qu'on pense à eux et qu'on se souvienne d'eux. Et vous trouverez, si vous lisez l'histoire dans cet esprit, qu'une des raisons maîtresses de la misère continuelle de l'humanité, est qu'elle est toujours partagée entre le culte des anges ou des saints qui sont hors de sa vue, et n'ont pas besoin d'appui, et des hommes orgueilleux et méchants qui sont trop à portée de sa vue et ne devraient pas avoir son appui.

Et considérez combien les arts ont ainsi servi le culte de la foule. Des saints et des anges vous avez des peintures innombrables, des chétifs courtisans ou des rois hautains et cruels, d'innombrables aussi; quel petit nombre vous en avez (mais ceux-là remarquez presque toujours par des grands peintres) des hommes les meilleurs et de leurs actions. Mais réfléchissez vous-même à ce qu'eût pu être pour nous l'histoire; bien plus, quelle histoire différente eût pu advenir par toute l'Europe si les peuples avaient eu pour but de discerner, et leur art d'honorer les grandes actions des hommes les plus dignes. Et si, au lieu de vivre comme ils l'ont toujours fait jusqu'ici dans un nuage infernal de discorde et de vengeance, éclairés par des rêves fantastiques de saintetés nuageuses, ils avaient cherché à récompenser et à punir selon la justice, mais surtout à récompenser et au moins à porter témoignage des actions humaines méritant le courroux de Dieu ou sa bénédiction plutôt que de découvrir les secrets du jugement et les béatitudes de l'éternité.»

C'est après cette phrase que vient le morceau sur l'idolâtrie que j'ai cité dans le Post-Scriptum de ma Préface et qui termine ce long développement par ces mots:

«Nous servons quelque chère et triste image que nous nous sommes créée, pendant que nous désobéissons à l'appel présent du Maître qui n'est pas mort, qui ne défaille pas en ce moment sous sa croix, mais nous ordonne de lever la nôtre» (ce qui correspond exactement aux paroles de la Bible d'Amiens) «substituer l'idée de ses souffrances passées à celle de notre devoir présent». (Lectures on Art, II, § 56, 57, 58 et 59).—(Note du Traducteur.)

[308]«Jésus lui dit: Qu'est-ce qui est écrit dans la loi et qu'y lis-tu?»—Il répondit: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même. Et Jésus lui dit: «Tu as bien répondu; fais cela et tu vivras» (Saint Luc, X, 26, 27, 28).—(Note du Traducteur.)

[309]L'origine la plus authentique de la théorie du Purgatoire dans l'enseignement donné par l'art, se trouve dans les interprétations postérieures au XIIIe siècle, du verset: «par lequel aussi Il alla et prêcha parmi les âmes en prison», se transformant graduellement en l'idée de la délivrance, pour les saints dans l'attente, de la puissance du tombeau.

En littérature et en tradition, l'idée est à l'origine, je crois, Platonicienne, certainement pas Homérique, Égyptienne c'est possible, mais je n'ai encore rien lu des récentes découvertes faites en Égypte. N'aimant cependant pas laisser le sujet dans le dénuement absolu de mes propres ressources, j'ai fait appel à mon investigateur général M. Anderson (James R.) qui m'écrit ce qui suit:

»Il ne peut pas être question de la doctrine ni de son acceptation universelle, des siècles avant le Dante, il en est fait mention cependant d'une façon assez curieuse dans le Summa theologiæ, comme nous l'avons dans une version plus récente; mais je trouve par des références que saint Thomas l'enseigne ailleurs. Albertus Magnus la développe en grand, Si vous vous reportez à la Légende Dorée, au Jour de toutes les Âmes, vous y verrez comment l'idée est prise comme lieu commun dans un ouvrage destiné au peuple au XIIIe siècle. Saint Grégoire (le Pape) la soutient (Dial, IV, 38), dans deux citations scripturaires: (1), le péché qui n'est pardonné ni «in hoc seculo ni dans celui qui est à venir», (2) le feu qui éprouvera chaque œuvre de l'homme. Je pense que la philosophie Platonicienne et les mystères grecs doivent avoir eu fort à faire pour faire passer l'idée au début; mais chez eux—comme chez Virgile—elle faisait partie de la vision orientale de la circulation d'un fleuve de vie, dont quelques gouttes seulement étaient jetées par intervalle dans un Élysée permanent et défini ou dans un enfer permanent et défini. Cela s'accorde mieux avec cette théorie que ne le fait le système chrétien qui attache finalement dans tous les cas, une importance infinie aux résultats de la vie «in hoc seculo».

«Connaissez-vous une représentation du Ciel ou de l'Enfer qui ne soit pas liée au Jugement dernier, je ne m'en rappelle aucune, et comme le Purgatoire est à ce moment-là passé, cela expliquerait l'absence de tableaux le représentant.

«En outre le Purgatoire précède la Résurrection—il y a débat continuel entre les théologiens pour savoir quelle sorte de feu il peut y avoir au Purgatoire, qui puisse affecter l'âne sans toucher au corps.—Peut-être que le Ciel et l'Enfer—comme opposés au Purgatoire, parurent propres à être peints parce ils ne comportent pas seulement la représentation d'âmes mais aussi de corps s'élevant.

«Dans le récit de Bede de la vision du prophète Ayrshire, il est question du Purgatoire en termes très semblables à ceux de Dante dans la description du second cercle de tourbillons de l'Enfer; et l'ange qui finalement sauve l'Écossais du démon vient à travers l'Enfer, «quasi fulgor stellæ micantis inter tenebras» «que sul presso del mattino Per gli grossi vapor Marte rosseggia.» Le nom de Bede fut grand au moyen âge. Dante le rencontre dans le Ciel, et, j'aime à l'espérer, peut avoir été aidé par la vision de mon compatriote qui vivait plus de six cents ans avant lui.—(Note de l'Auteur.)

[310]Comparez avec le Monastère lettré, artiste et doux de Saint-Jérôme, où les murs sont peints à fresque, dans la citation de Saint Mark's Rest, que j'ai donnée pages 222, 223, 224.—(Note du Traducteur.)

[311]Ruskin dit ici «les pierres d'Amiens» comme autrefois il avait dit les pierres de Venise. Il a dit aussi dans Prœterita: «Si le jour où je frappai à sa porte le portier de la Scuola san Rocco ne m'avait pas ouvert, j'aurais écrit les Pierres de Chamounix au lieu des Pierres de Venise.»—(Note du Traducteur.)

[312]Toutes les courageuses actions. Ruskin ne pense pas que la guerre soit moins nécessaire aux arts que la foi. Voir dans The Crown of wild olive la troisième conférence sur The War.—(Note du Traducteur.)

[313]Je ne veux pas dire Aesthésis—mais nous; s'il faut que vous parliez en argot grec.—(Note de l'Auteur.)

[314]Tout lecteur ayant un peu de flair métaphysique, trouvera une certaine parenté entre l'idée exprimée ici (depuis «Toutes les créatures humaines») et la théorie de l'Inspiration divine dans le chapitre III: «Il ne sera pas doué d'aptitudes plus hautes ni appelé à une fonction nouvelle. Il sera inspiré... selon les capacités de sa nature» et cette remarque «La forme que prit plus tard l'esprit monastique tint beaucoup plus... qu'à un changement amené par le christianisme dans l'idéal de la vertu et du bonheur humains». Sur cette dernière idée Ruskin a souvent insisté, disant que le culte qu'un païen offrait à Jupiter n'était pas très différent de celui qu'un chrétien etc... D'ailleurs dans ce même chapitre III de la Bible d'Amiens, le Collège des Augures et l'institution des Vestales sont rapprochés des ordres monastiques chrétiens. Mais bien que cette idée soit par le lien que l'on voit, si proche des précédentes, et comme leur alliée c'est pourtant une idée nouvelle. En ligne directe elle donne à Ruskin l'idée de la Foi d'Horace et d'une manière générale tous les développements similaires. Mais surtout elle est étroitement apparentée à une idée bien différente de celles que nous signalons au commencement de cette note, l'idée (analysée dans la note des pages 244, 245, 246) de la permanence d'un sentiment esthétique que le christianisme n'interrompt pas. Et maintenant que de chaînons en chaînons, nous sommes arrivés à une idée si différente de notre point de départ (bien qu'elle ne soit pas nouvelles pour nous), nous devons nous demander si ce n'est pas l'idée de la continuité de l'art grec par exemple, des métopes du Parthénon aux mosaïques de Saint-Marc et au labyrinthe d'Amiens (idée qu'il n'a probablement crue vraie que parce qu'il l'avait trouvée belle) qui aura ramené Ruskin étendant cette vue d'abord esthétique à la religion et à l'histoire, à concevoir pareillement le collège des Augures comme assimilable à l'Institution bénédictine, la dévotion à Hercule comme équivalente à la dévotion à saint Jérôme, etc., etc.

Mais du moment que la religion chrétienne différait peu de la religion grecque (idée: «plutôt qu'à un changement amené idée par le christianisme dans l'idée de la vertu et du bonheur humains»). Ruskin n'avait pas besoin, au point de vue logique, de séparer si fortement la religion et la morale. Aussi il y a dans cette nouvelle idée, si même c'est la première qui a conduit Ruskin à elle, quelque chose de plus. Et c'est une de ces vues assez particulières à Ruskin, qui ne sont pas proprement philosophiques et qui ne se rattachent à aucun système, qui, aux yeux du raisonnement purement logique peuvent paraître fausses, mais qui frappent aussitôt toute personne capable à la couleur particulière d'une idée de deviner, comme ferait un pêcheur pour les eaux, sa profondeur. Je citerai dans ce genre parmi les idées de Ruskin, qui peuvent paraître les plus surannées aux esprits banals, incapables d'en comprendre le vrai sens et d'en éprouver la vérité, celle qui tient la liberté pour funeste à l'artiste, et l'obéissance et le respect pour essentiels, celle qui fait de la mémoire l'organe intellectuel le plus utile à l'artiste, etc., etc.

Si on voulait essayer de retrouver l'enchaînement souterrain, la racine commune d'idées si éloignées les unes des autres, dans l'œuvre de Ruskin, et peut-être aussi peu liées dans son esprit, je n'ai pas besoin de dire que l'idée notée au bas des pages 212, 213 et 214 à propos de «je suis le seul auteur à penser avec Hérodote» est une simple modalité de «Horace est pieux comme Milton», idée qui n'est elle-même qu'un pendant des idées esthétiques analysées dans la note des pages 244, 245, 246. «Cette coupole est uniquement un vase grec, cette Salomé une canéphore, ce chérubin une Harpie», etc.—(Note du Traducteur.)

[315]Genèse, XVIII, 23.—(Note du Traducteur.)

[316]Psaume, LXV, 13.—(Note du Traducteur.)

[317]Saint Jean, Révélation, XI, 15.—(Note du Traducteur.)

FIN

APPENDICE I

LISTE CHRONOLOGIQUE DES PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS DONT IL EST FAIT MENTION DANS LA «BIBLE
D'AMIENS»

Anno DominiChap.  Pages.
250. Origine des FrancsII,17
301. Saint Firmin vient à AmiensI,
332. Saint MartinI,22
345. Naissance de saint JérômeIII,123
350. Première église d'Amiens élevée sur le
tombeau de saint FirminIV,157
358. Les Francs vaincus par Julien près de
StrasbourgII,35
405. Bible de saint JérômeII,81
420. Mort de saint JérômeIII,40
421. Naissance de sainte Geneviève.—Fondation
de VeniseII,3
445. Les Francs passent le Rhin et prennent
AmiensI,10
447. Mérovée roi à AmiensI,12
451. Bataille de Châlons.—Attila battu par
AëtiusI,10
457. Mort de Mérovée.—Childéric roi à AmiensI,12
466. Naissance de ClovisII,83
476. Fin de l'Empire romain en Italie, sous
Odoacre I,12
481. Fin de l'empire romain en FranceII,83
481. Clovis couronné à AmiensI,12
II,2
Naissance de saint BenoîtII, 83
485. Bataille de Soissons.—Clovis vainqueur de
SyagriusII,83
486. Syagrius meurt à la cour d'AlaricII,83
489. Bataille de Vérone.—Théodoric vainqueur
d'OdoacreII,88
493. Clovis épouse ClotildeII,84
496. Bataille de Tolbiac.—Clovis met les
Alamans en dérouteII,86
Clovis couronné à Reims par saint RémiI,13
Clovis baptisé par saint RémiI,20
508. Bataille de Poitiers.—Clovis vainqueur des
Wisigoths commandés par Alaric.—Mort
d'AlaricI,13


APPENDICE II

PLAN GÉNÉRAL DE «NOS PÈRES NOUS ONT DIT»[318], [319]

La première partie de Nos pères nous ont dit, actuellement soumise au public, suffit pour montrer le plan et les tendances de l'ouvrage; contrairement à mes habitudes, je recours pour l'éditer à la souscription, parce que la mesure dans laquelle je pourrai rendre sa lecture plus profitable en l'illustrant de gravures, dépendra beaucoup de l'évaluation qu'on pourra faire du nombre de ceux qui en supporteront les frais.

Je ne découvre dans l'état actuel de ma santé aucune raison qui me fasse redouter un affaiblissement de mes facultés générales, soit comme conception, soit comme travail, autre que le refroidissement naturel et forcé de l'enthousiasme chez un vieillard; toutefois, il en survit assez en moi pour garantir mes lecteurs contre l'abandon d'un projet que je nourris depuis déjà vingt ans.

L'ouvrage, si je vis assez pour l'achever, comprendra dix parties, chacune limitée à une partie locale de l'Histoire chrétienne, et toutes se groupant à la fin pour mettre ensemble en lumière l'influence de l'Église au XIIIe siècle.

Dans le présent volume tient tout entière la première partie, qui décrit les commencements de la puissance franque et l'apogée artistique auquel elle aboutit avec la cathédrale d'Amiens.

La seconde partie, Ponte della Pietra, fera plus, je l'espère, pour Théodoric et Vérone, que je n'ai été en état de faire pour Clovis et la première capitale de la France.

La troisième, Ara Cœli, tracera les fondations de la puissance papale.

La quatrième, Ponte-a-Mare et la cinquième, Ponte Vecchio ne feront que rassembler avec beaucoup de difficulté dans une forme brève ce que je possède de matériaux épars relatifs à Pise et Florence.

La sixième, Valle Crucis, sera remplie par l'architecture monastique de l'Angleterre et du pays de Galles[320].

La septième, les Sources de l'Eure, sera entièrement consacrée à la cathédrale de Chartres.

La huitième, Domremy à celle de Rouen et aux écoles d'architecture qu'elle représente.

La neuvième, la Baie d'Uri, aux formes pastorales du catholicisme, jusqu'à nos jours.

Et la dixième, les Cloches de Cluse, au protestantisme pastoral de Savoie, de Genève et de la frontière écossaise[321].

Chaque partie n'aura que quatre divisions; et l'une d'elles, la quatrième, sera généralement la description d'une cité ou d'une cathédrale historique considérée comme résultante—et vestige—de l'influence religieuse étudiée dans les chapitres préparatoires.

Il y aura au moins une illustration par chapitre; pour le surplus il sera fait des dessins qui seront directement placés au Musée de Sheffield pour que le public puisse s'y reporter, et seront gravés si l'on me fournit l'aide ou l'occasion de les relier à l'ouvrage entier.

De même que cela s'est fait pour le chapitre IV de cette première partie, une petite édition des chapitres descriptifs sera imprimée en format réduit pour les voyageurs et les non-souscripteurs; mais, à part cela, mon intention est que cet ouvrage soit exclusivement réservé aux souscripteurs.

[318]Cet appendice porte le numéro III dans la Bible d'Amiens, le second contenant la liste des photographies prises d'après la cathédrale d'Amiens, par M. Kaltenbacher.—(Note du Traducteur.)

[319]Reproduit d'après l'Advice, publié avec le chapitre III (Mars 1882).—(Note de l'Auteur.)

[320]De Nos pères nous ont dit aucun autre volume que la Bible d'Amiens n'a paru. Mais Verona and other lectures contient deux chapitres de Valle Crucis: Candida Casa et le Raccommodage du Crible (ce chapitre tire son titre d'un trait de l'enfance de saint Benoît).—(Note du Traducteur.)

[321]Sur la belle sonorité des cloches de Cluse, voir Deucalion, I, V, § 7, 8.—(Note du Traducteur).

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