La Cryptographie, ou, l'art d'écrire en chiffres
| a b c d  | 
e f g h  | 
i k l m  | 
||
| n o p q  | 
r s t u z  | 
|||
Il vaut mieux de ne pas laisser les lettres de l'alphabet rangées dans
l'ordre habituel. Lorsqu'on veut faire usage des tableaux ci-dessus, il
faut, pour exprimer chaque lettre, écrire le signe qui dénote le carré,
et indiquer la lettre qu'on a en vue par un numéro qui correspond à la
place qu'elle occupe.
L'e se trouvera donc représenté par 1,
l'm par 
4,
l'o par 
2,
etc. Si l'on veut transmettre l'avis que
«l'armée a passé le Danube,» on mettra:
Z3
O1
♀1
Z4
Ɔe
Ɔe
O1
♂3
O1
♀2
♀2
Ɔ1
Z3
Ɔ1
O4
O1
♂n
♀4
O2
Ɔ1.
Ce procédé est un peu long, puisque chaque lettre réclame remploi d'un signe et d'un numéro; il ne présenterait pas de très-grandes difficultés à un déchiffreur habile, s'il était mis en usage de la manière que nous indiquons, mais il est aisé d'y ajouter des complications qui en déguisent mieux le mystère.
§ XI.
Signes de la mnémonique.
L'idée d'appliquer à la Cryptographie les signes imaginés pour la mnémonique ou l'art de la mémoire, s'est naturellement présentée à quelques imaginations. Jean-Henri Dobel, dans son Collegium mnemonicum ou Révolutions d'un nouveau secret de l'art de la pensée (en allemand, Hambourg, 1707, 4o), a travaillé en ce sens. Il désigne par les numéros 1 à 23 chacune des lettres de l'alphabet; il traduit ainsi en chiffres chaque phrase contenue dans la dépêche qu'on veut rendre secrète. Enfin, il transforme ces chiffres en mots que donne sa mnémonique chiffrée. Il écrit ces mots tout au long. Il arrive ainsi à des séries de mots latins qui n'offrent aucun sens en apparence.
Dobel représente, dans ses procédés de mnémonique, les chiffres, par des consonnes; ainsi 1—b, p, w; 2—c, k, q, x; 3—f ou v; 4—g ou j; 5—l; 6—m; 7—n; 8—r; 9—s; 0—d ou t. Veut-il exprimer mnémoniquement ces chiffres, il prend des mots latins dans lesquels se rencontrent les consonnes qui correspondent aux chiffres en question. C'est ainsi que le nombre 567 aura pour expression les lettres l m n et pour représenter ces lettres, il a recours aux mots: limen, lumen, lamina, columen.
Ce procédé exige beaucoup de temps, de peine et de papier. Une page entière d'écriture chiffrée est nécessaire pour exprimer quelques lignes de la dépêche qu'il s'agit de transmettre. Ces inconvénients sont cause qu'on n'a peut-être jamais fait usage de cette méthode mnémonique, qui est, d'ailleurs, il faut en convenir, une de celles dont l'interprétation présenterait le plus de difficultés.
§ XII.
Correspondance au moyen d'un jeu de cartes.
Il faut avoir un jeu de cartes et disposer toutes les figures dans un ordre quelconque dont on sera convenu avec son correspondant. On doit également déterminer l'ordre du mélange qui doit se faire de ces cartes.
Ces deux choses ayant été réglées, vous écrivez, comme d'ordinaire, votre lettre sur une feuille de papier, et, arrangeant ensuite le jeu de cartes dans l'ordre dont vous êtes convenu, vous les mêlez et vous tracez sur chacune d'elles, en commençant par la première qui se trouve alors dessus le jeu, successivement toutes les lettres qui composent ce qui a été écrit sur le papier; lorsque vous avez placé une lettre sur chacune de ces cartes, vous les mêlez de nouveau, toujours dans le même ordre et sans y rien changer, et vous continuez de placer de même toutes les lettres qui suivent; vous réitérez cette opération jusqu'à ce que vous ayez transcrit toutes les lettres qui composent ce que vous voulez mander. Ayez l'attention de mettre un point après chacune des lettres qui terminent un mot, afin d'indiquer la séparation de tous les mots.
Supposons qu'on soit convenu de se servir d'un jeu de piquet de trente-deux cartes, disposé dans l'ordre qui suit, et de mêler ce jeu, en mettant alternativement à chaque mélange trois cartes au-dessus des trois premières et trois au-dessous. Le jeu étant remis dans son premier état, chaque carte sera chargée des lettres ci-après.
On suppose que la lettre chiffrée contient la phrase suivante:
«Je connais trop, monsieur, l'intérêt que vous prenez à tout ce qui peut augmenter ma félicité, pour retarder plus longtemps à vous confier le dessein que j'ai formé de m'unir par les liens les plus sacrés à la famille de...»
Toutes les lettres qui composent les mots de la dépêche qu'on veut chiffrer ayant été séparément transcrites sur ces trente-deux cartes, comme il vient d'être indiqué, vous mêlerez indistinctement ce jeu de cartes, et vous l'enverrez à votre correspondant.
Manière de lire.
Celui qui reçoit ce jeu de cartes le dispose d'abord (eu égard à la figure des cartes) dans l'ordre qui a été convenu; il en fait un premier mélange, et transcrit successivement et de suite toutes les lettres qui se trouvent les premières en tête de chacune de ces trente-deux cartes, en ayant bien attention de ne pas les déranger de leur ordre; après quoi, il les mêle de nouveau et recommence cette même opération jusqu'à ce que toutes les lettres soient transcrites: ces lettres forment naturellement le discours contenu dans la dépêche en chiffres.
Une précaution qui n'est pas à dédaigner consiste à écrire en encre sympathique les caractères tracés sur ces cartes: si elles viennent à tomber entre des mains indiscrètes, rien n'indique l'existence du secret qui leur a été confié.
§ XIII.
De l'emploi des lettres nulles, afin de cacher le sens d'une dépêche.
On écrit en clair la dépêche qu'on veut transmettre, mais on y mêle des mots et des syllabes de façon à obtenir une suite de mots étrangers n'appartenant à aucune langue et qui ne présentent aucun sens. On partage les mots composés de plusieurs syllabes, et d'un mot on en fait plusieurs, en ajoutant des lettres que le déchiffreur regarde comme nulles.
Voici un passage emprunté à la Germanie de Tacite et écrit d'après un pareil système.
Dans la première ligne, les trois premiers mots: Lampsi deso saleu, et le dernier: nous, sont nuls.
Dans chacune des lignes suivantes, le premier et le dernier mot le sont également.
Dans chacun des autres mots placés dans ces diverses lignes, la première et la dernière lettre sont nulles. Il va sans dire que le choix des syllabes et des lettres affectées de nullité est parfaitement indifférent.
Ceci posé, on peut écrire la phrase suivante. Nous mettons en italique, pour plus de clarté, les lettres qu'il faut conserver; mais, dans la dépêche chiffrée, rien ne doit distinguer ce qui est valable et ce qui est ajouté.
Lampsi deso saleu eregesu sexa anobio nous futher clitates uducesn text suirtutey ai ma tsumunta. onect gregio abuso sinfinie
et
yes atas sauta alibei strat spoteso etasi,
par
la seta sducesi sexema oplos spotiusi sind mio squame simpet striop asio opromptuim que
to esit econspil acuiz. osim santer sasis do le semo saguntu sadmio eratiox anes spraet y
allos osunty dorche.
Le passage de Tacite se trouve ainsi très-clairement énoncé:
Reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt. Nec regibus infinita aut libera potestas, et duces potius quam imperio si promptui, si conspicui, si ante aciem agunt, admiratione præsunt.
Comme il serait fort long d'écrire en tête et à la fin de chaque ligne un grand nombre de mots nuls, on simplifie de diverses manières le système que nous venons d'indiquer.
On entremêle, aux mots de l'avis qu'on veut transmettre, des lettres prises au hasard, de façon, par exemple, que chaque lettre vraie est précédée de deux lettres fausses. Pour écrire nemo est domi (personne n'est à la maison), vous mettrez:
exnpterkmbdo vnecssmjt lbdkuophmcui.
Ou bien on mêle aux mots certaines syllabes qui n'ont aucun sens. Pour dire: Pater meus non est domi, vous mettrez: Pabateber mebeubus nobon ebest dolomibi. Fababribicabatober voudra dire: Fabricator.
Un procédé du même genre consiste à renverser les mots de l'avis à transmettre, c'est-à-dire à les inscrire de droite à gauche, en mettant au commencement et à la fin de chacun deux lettres qui ne signifient rien; d'après cette méthode, pour écrire: «l'armée est battue,» on pourra mettre: nbeemralxd vetsejb iqeuttabkf.
Tout ceci, on le comprend de reste, est susceptible de modifications très-nombreuses; mais il faut reconnaître également qu'un déchiffreur, ayant de l'expérience et bien versé dans les mystères de la Cryptographie, n'aurait pas beaucoup de peine pour découvrir les secrets cachés sous un pareil voile.
§ XIV.
De la stéganométrographie.
Ce procédé est décrit en détail dans un ouvrage publié par Mathias Uken, en 1751. Donnons une idée de ce chiffre, qu'on peut regarder à juste titre comme un de ceux dont il serait le plus difficile de trouver la clef.
Vous écrivez en caractères ordinaires l'avis que vous voulez transmettre en secret, et vous placez sous chaque lettre un chiffre, en ayant soin de faire suivre les numéros dans l'ordre habituel.
Supposons que vous voulez mander la nouvelle de la mort de l'empereur d'Allemagne, nouvelle que vous exprimez en latin.
| HERI | OBIIT | |||||||||||||
| 1234 | 56789 | |||||||||||||
| C | A | R | O | L | U | S | A | U | G | U | S | T | U | S | 
| 10. | 11. | 12. | 13. | 14. | 15. | 16. | 17. | 18. | 19. | 20. | 21. | 22. | 23. | 24. | 
| I | M | P | E | R | A | T | O | R | ||||||
| 25. | 26. | 27. | 28. | 29. | 30. | 31. | 32. | 33 | ||||||
Vous vous êtes muni d'un certain nombre de tableaux numérotés; chacun d'eux porte les vingt-quatre lettres de l'alphabet, de A à Z, et, à côté de chaque lettre se trouve inscrit la moitié d'un vers pentamètre ou hexamètre. Les tableaux pairs contiennent les premiers hémistiches, les tableaux impairs les seconds; de sorte qu'en réunissant les tableaux 1 et 2, 3 et 4, 5 et 6, on obtient les vers entiers. En voici un exemple:
Cherchez dans le premier tableau l'hémistiche qui correspond à la lettre H et dans le second celui qui est placé à côté de la lettre E; voyez dans le troisième tableau quelle moitié de vers correspond à la lettre R, et, dans le quatrième, examinez ce que vous donne I. En écrivant à la place de chaque lettre l'hémistiche qui lui correspond, vous exprimerez le mot Heri de la manière suivante:
  Ne dedigneris peregrinam evolvere chartam,
  A tibi dilectis, credi venire plagis.
En suivant ce même procédé, vous compléterez facilement votre dépêche.
Il convient de se servir d'un assez grand nombre de tableaux, afin de ne pas se trouver dans le cas de répéter les mêmes vers, si la dépêche est un peu longue. Uken a pris la peine de dresser quarante-quatre tableaux qui contiennent 656 hémistiches et qui offrent ainsi le moyen de chiffrer un avis composé de ce nombre de lettres.
Le déchiffrement est facile pour votre correspondant. Il prend ses tableaux, lesquels doivent, cela va sans dire, présenter la reproduction textuelle des vôtres; il cherche quelle est la lettre qui correspond à chaque hémistiche, et, en écrivant successivement ces lettres, il est promptement au fait de ce que vous lui demandez.
On voit que la stéganométrographie est pour les non initiés une énigme dont le mot est introuvable; mais elle a l'inconvénient de prendre beaucoup de temps et d'exiger des écritures considérables, puisque chaque lettre de l'avis à transmettre se trouve, dans la dépêche chiffrée, exprimée par plusieurs mots.
§ XV.
Chiffre formé par un système de lettres et de points.
J. H. à Sunde, dans sa Steganologia, indique un chiffre assez ingénieux, qui consiste dans l'emploi combiné des lettres et des points. Les lettres sont réunies deux à deux, et, au-dessous de chaque groupe, on place un système variable de points. La chose se dispose de la sorte:
| ae | io | ub | cd | fg | hk | lm | np | qr | st | vy | xz | 
| . | .. | ... | .. ..  | 
.. . ..  | 
. .  | 
. . .  | 
. .. .  | 
. ... .  | 
.  .  | 
.. .  | 
... ..  | 
Au lieu de la lettre a dans la dépêche à chiffrer, on place e avec un point devant; au lieu de l'e on écrit a, en plaçant cette fois le point après; au lieu du d on écrit un c, que précèdent quatre points disposés en carré; ainsi de suite. De cette façon, le mot amen se trouve exprimé par les lettres et les points qui suivent:
| el | . . .  | 
a. | . .. .  | 
p | 
et le mot Rhin se chiffre de la sorte:
| q | . ... .  | 
. .  | 
h. | o | . .. .  | 
p | 
§ XVI.
De la substitution des lettres les unes aux autres, d'après un système compliqué.
Il est un système de cryptographie qui consiste simplement à remplacer les lettres de la dépêche par d'autres lettres rangées d'après un ordre convenu. L'opération est longue, mais on obtient ainsi la presque certitude d'échapper aux investigations, car le grand nombre de combinaisons dont un pareil procédé est susceptible rend la découverte de ce secret extrêmement difficile.
Supposons qu'on se soit mis d'accord pour ranger les chiffres 1 à 10 dans l'ordre suivant:
| 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 
| 4. | 7. | 2. | 9. | 1. | 10. | 5. | 3. | 6. | 8. | 
il faut alors que la première lettre de la vraie dépêche soit, dans l'écrit chiffré, remplacée par la quatrième lettre de cette même dépêche; la seconde, par la septième; la troisième, par la seconde; la quatrième, par la neuvième; ainsi de suite.
On range par décade ou dizaine les mots de la dépêche à chiffrer.
Supposons qu'on veuille mander:
«Le roi de Hanovre est très-malade, et il ne peut vivre longtemps.»
On raisonnera de la sorte:
La première lettre de la dépêche, l, correspond à la quatrième, o; la seconde, e, à la septième, h; la troisième, r, à la seconde, e; la quatrième, o, à la neuvième, n, etc. On écrira en conséquence les lettres qui forment successivement la dépêche chiffrée.
À la seconde dizaine, on procède de même; la correspondance des lettres se trouve toute nouvelle.
Voici comment les vingt premières lettres de la phrase prise pour exemple se trouveraient chiffrées:
ohenloirdaetrevsstre
Il importe de ne placer aucun point, aucun signe, qui indique la séparation des mots ou la fin des dizaines; on peut très-bien, d'ailleurs, au lieu de se borner à opérer sur dix lettres, étendre à vingt ou à trente lettres ce système de remplacement. On peut aussi, à chaque division nouvelle, employer pour les chiffres un ordre différent, sur lequel on se sera mis d'accord. De cette manière, on rendra le problème plus que jamais insoluble pour les non initiés; mais il faut reconnaître que cette méthode prend du temps, et qu'à moins d'une attention fort soutenue on est exposé, en chiffrant de la sorte, à commettre bien des erreurs.
§ XVII.
Chiffre inventé par Hermann.
Un professeur allemand, Hermann, se vanta, en 1752, d'avoir inventé un chiffre absolument indéchiffrable; il mit tous les mathématiciens de l'Europe et toutes les sociétés savantes au défi d'en découvrir la clef. Un réfugié français, Beguelin, fut assez habile ou assez bien inspiré pour la trouver dans l'espace de huit jours, et il publia les détails de sa découverte dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, 1758.
Le chiffre d'Hermann se compose de 25 caractères différents et des neuf chiffres de l'arithmétique, de 1 à 9. À chacun de ces caractères répond immédiatement au-dessous une lettre de l'alphabet, et chaque mot est séparé du suivant par un point. Plusieurs de ces caractères en ont un autre immédiatement au-dessus d'eux, et ces caractères supérieurs sont en partie les mêmes que les inférieurs; quelques autres signes, qui ne consistent qu'en points ou en simples lignes, paraissent affectés à la rangée supérieure et ne se rencontrent nulle part dans l'inférieure.
Après bien des tâtonnements et des vérifications, Beguelin reconnut que le chiffre sur lequel il opérait était soumis à trois lois particulières:
1o Tout caractère initial inférieur dont la valeur est au-dessus de 9 conserve sa valeur constante;
2o Tout caractère initial inférieur dont la valeur affirmative est au-dessous de 10 vaut, dans cette place, le double de sa valeur ordinaire.
3o Tout caractère initial inférieur dont la valeur négative est au-dessous de 10 vaut, dans cette place, le double de sa valeur ordinaire; plus une unité.
Diverses lois particulières découlaient de ces lois générales:
4o Le caractère supérieur initial conserve toujours sa valeur ordinaire;
5o Le caractère supérieur ne sert qu'à déterminer par sa valeur la lettre placée immédiatement au-dessous et nullement celle qui suivra à droite, à moins que le caractère inférieur ne soit zéro;
6o Lorsqu'au milieu d'un mot il y a un signe ou un caractère supérieur, ne fût-ce qu'un point, comme on a alors déjà deux valeurs requises pour déterminer la lettre, on ne joint pas celle du caractère qui précède à gauche;
7o Un point placé sur un caractère qui n'est pas un chiffre arithmétique augmente toujours sa valeur d'une unité;
8o Un point placé dans la figure d'un tel caractère le rend simplement négatif, sans rien ajouter ni diminuer à sa valeur;
9o Une valeur négative ou soustractive n'est telle que relativement au caractère qui précède; toute valeur est affirmative ou additive par rapport au caractère suivant. De là vient que l'initiale inférieure est toujours affirmative, quoique le caractère soit négatif;
10o Comme les lettres répondent à des nombres affirmatifs, la différence entre deux caractères, dont l'un est négatif, est toujours censée affirmative, quoique la valeur du caractère négatif soit la plus grande;
11o Lorsque le caractère à gauche est zéro, il faut ajouter la valeur du caractère qui précède le zéro.
Tout cela était assez ingénieux, mais l'accumulation de ces lois rend un pareil chiffre d'un usage bien peu commode. Il y a de la bizarrerie dans la détermination de la valeur des lettres alphabétiques; et la multiplicité des règles, jointe aux divers usages d'un même signe, donnerait certainement lieu dans la pratique à bien des fautes d'inadvertance.
Hermann eut tort d'annoncer son invention d'une manière emphatique; il n'est guère de chiffre dont on ne puisse venir à bout, dès que l'on en connaît la langue et que les mots sont distingués; à plus forte raison laissent-ils échapper leur secret lorsqu'on n'a pas eu le soin d'éviter le retour des mêmes signes pour exprimer la même lettre. Le chiffre du professeur allemand roulait sur des valeurs numéraires; il ne devait donc y entrer aucun chiffre arabe, ou du moins ceux-ci ne devaient pas y conserver leur valeur connue.
Donnons maintenant un exemple de la façon dont se présentait le chiffre en question; la phrase en langue allemande qu'Hermann avait déguisée au moyen de sa méthode signifie dans une traduction mot à mot et interlinéaire: «La orientale science, au lieu des lettres, avec nombres et caractères, d'écrire.»
Die orientalische Wissenschaft, anstatt der Buchstaben, mit Zahl und Caractern zu schreiben.
Il n'a jamais été fait usage de ce chiffre, et il est demeuré dans le domaine des théories imaginées à plaisir. En le perfectionnant, en évitant les erreurs qu'avait commises Hermann et qui mirent l'interprète sur la voie de sa découverte, on pourrait encore obtenir, sinon un chiffre radicalement inexpugnable (le mot impossible ne doit pas être admis en cryptographie), du moins on en aurait un qui présenterait les difficultés les plus formidables; mais une pareille méthode resterait toujours un simple objet de curiosité, car elle serait trop compliquée pour que la diplomatie en fît usage.
§ XVIII.
De l'emploi des notes de musique.
Ce système de cryptographie repose sur le même principe que celui dont la description se trouve dans la IXe section de ce chapitre. Vous décrivez sur un carré de carton un cadran divisé en vingt-quatre parties égales, et dans chacune d'elles vous transcrivez une des lettres de l'alphabet. Un autre cadran mobile, sur un point central et concentrique au premier, est divisé de même en un pareil nombre de parties égales. Il est réglé circulairement, comme un papier de musique. Vous marquez, dans chacune de ces divisions, des notes du musique différentes les unes des autres. Vous n'oublierez pas de tracer les trois clefs de la musique dans l'intérieur du cadran, et autour de ses divisions les divers chiffres dont les compositeurs font usage pour exprimer les divers temps ou mesures.
Vous fixez une des divisions quelconques du cadran extérieur, de manière qu'elle se trouve vis-à-vis de celle du cadran intérieur: chaque lettre du premier cadran répond à une note placée sur le second.
Prenez ensuite une feuille de papier réglé tel que celui dont on fait usage pour noter la musique; et, après avoir disposé vos deux cadrans, placez, en tête de la première ligne de votre dépêche, celle des trois clefs qui correspond aux mesures indiquées; ceci sert de règle à votre correspondant, afin qu'il dispose de la même façon, avant d'entreprendre le déchiffrement, le cadran qu'il a devant lui. Transcrivez sur le papier réglé la note qui, sur le cadran intérieur, répond aux lettres dont sont composés les mots de l'avis qu'il s'agit de transmettre. Votre correspondant, instruit, par la clef de la musique et par le chiffre qui désigne la mesure, de l'arrangement qu'il doit donner à ses cadrans, substituera, en place de chaque note, la consonne ou voyelle qui lui correspond.
En changeant de clef à plusieurs reprises, on rend le déchiffrement plus difficile pour les personnes qui n'ont pas le cadran cryptographique. Changer de clef, c'est disposer le cadran de façon qu'une des trois clefs de la musique réponde à un temps ou mouvement différent; ce qui peut s'effectuer à plusieurs reprises dans la même lettre et ce qu'on indique de la manière ci-dessus signalée.
 CHAPITRE IV.
DES DIVERSES SORTES D'ÉCRITURE ET DES DIFFÉRENTS LANGAGES DE CONVENTION
QUI SE RATTACHENT À LA CORRESPONDANCE OCCULTE.
§ Ier.
Okygraphie.
M. H. Blanc, sous-chef du bureau de l'instruction publique à la préfecture de la Seine, a proposé une écriture chiffrée de son invention, dans un livre intitulé:
Okygraphie, ou l'art de fixer par écrit tous les sons de la parole avec autant de facilité, de promptitude et de clarté que la bouche les exprime. Nouvelle méthode applicable à tous les idiomes, présentant des moyens aussi vastes, aussi sûrs que nouveaux d'entretenir une correspondance secrète dont les chiffres seront absolument indéchiffrables. Paris, 1802, in-12.
Les signes qu'emploie cette méthode sont beaucoup plus simples que ceux de l'alphabet ordinaire. Ils se réduisent à trois: i, c, Ɔ. On les écrit sur du papier réglé dans le genre de celui qui sert à la musique, mais avec la différence que les lignes rangées à côté les unes des autres sont au nombre de quatre seulement. Les trois signes indiquent leur signification, de même que les notes de musique, d'après la position qui leur est assignée sur les lignes, et, pour chaque signe, cette position peut se combiner de huit manières différentes. On obtient ainsi les vingt-quatre lettres de l'alphabet, qu'on simplifie d'ailleurs en écrivant les mots tels qu'ils se prononcent.
En combinant les signes de l'Okygraphie, en se mettant d'accord à l'avance sur le sens qu'il faut attacher à chacun d'eux placé de telle ou telle manière, en ayant recours aux non-valeurs et aux divers stratagèmes bien connus des cryptographes, on peut arriver sans peine à former un chiffre dont le mystère restera complétement impénétrable. M. Blanc donne, par exemple, huit alphabets divers qu'il a formés selon sa méthode, laquelle est susceptible d'en fournir une quantité infinie.
L'attention de M. de Talleyrand, alors ministre des affaires étrangères, fut appelée sur l'avantage qu'offrirait l'Okygraphie pour la correspondance secrète des ambassades; M. Blanc nous fait savoir qu'il reçut une lettre très-flatteuse signée de Son Excellence; cette lettre rendait justice au mérite de l'Okygraphie, mais elle ajoutait que, dans les bureaux et dans les légations, on était habitué, de longue date, à des méthodes qui paraissaient satisfaisantes, et qu'il n'y avait guère moyen d'y introduire l'emploi de procédés tout nouveaux.
§ II.
Pasigraphie.
Ce mot se compose de deux mots grecs, πασι, à tous, γραφω, j'écris. Écrire même à ceux dont on ignore la langue, au moyen d'une écriture qui soit l'image de la pensée que chacun rend par différentes syllabes, c'est ce qu'on nomme Pasigraphie.
Deux personnes, appartenant à deux pays différents et à deux langues différentes, ne savent chacune que leur idiome; elles apprennent à le pasigraphier; dès lors, ce que l'une écrit dans sa langue, l'autre l'entend dans la sienne. Adaptez cette méthode à plusieurs langues, le même écrit, le même imprimé sera lu en autant de langues, comme les chiffres de l'arithmétique, les signes de la chimie et les notes de la musique sont également intelligibles pour tout le monde, de Cadix à Stockholm, de Boston à Calcutta.
M. de Maimieux est un des auteurs qui se sont le plus occupés de Pasigraphie; dans le procédé qu'il emploie, il fait usage de douze caractères; nous les reproduisons ici:
Il serait très-long et d'un faible intérêt d'expliquer ici comment, grâce à l'emploi de ces signes, il y aurait moyen de créer une écriture universelle qui serait entendue de tous les peuples. M. de Maimieux exprime lui-même en ces termes l'idée qui sert de base à sa méthode.
«Le principal fondement de l'art pasigraphique est dans le moyen de substituer le signe de la place des mots aux syllabes dont toutes les langues composent leurs mots. Ces syllabes diffèrent d'un idiome à l'autre, par l'effet de conventions locales qu'un étranger ne peut connaître qu'après beaucoup d'études et un long usage. Chaque mot présente des particularités qu'il faut savoir pour bien posséder une langue, soumise, d'ailleurs, à des règles très-nombreuses, peu fixes, souvent contradictoires et noyées dans un océan d'exceptions. La place du mot pasigraphié demeurant la même pour tous les peuples, ceux-ci s'entendent facilement, puisque les signes de la place du mot, devenus le corps du mot, restent les mêmes, de quelques lettres que soit formé le mot placé dans la ligne, si d'ailleurs la méthode est réduite à douze signes qui n'éprouvent aucune exception.»
Les signes de la Pasigraphie peuvent être employés dans l'écriture en chiffres. Parmi les écrivains qui se sont occupés du problème de la langue universelle, les uns, comme M. de Maimieux, ne font usage que d'un petit nombre de caractères; d'autres (Becker, notamment, dans sa Notitia linguæ universalis) ont recours à une foule de signes qui rappellent un peu les notes tironiennes et qui se composent de lignes droites ou courbes, combinées de diverses manières et de façon que chaque signe exprime un mot et une idée. L'emploi d'un pareil système serait évidemment entouré de difficultés multipliées; l'application à la Cryptographie de signes aussi peu connus n'offrirait que de bien minces avantages; aussi, dans la pratique, n'a-t-on jamais songé à y recourir.
§ III.
Hiéroglyphes.
Nous ne saurions oublier ici divers symboles, dont l'antiquité fit usage, afin d'énoncer des préceptes, des leçons, des faits qui demeuraient lettre close pour le vulgaire et dont l'érudition moderne s'efforce de retrouver la clef perdue depuis bien des siècles.
Parmi les différents systèmes d'écriture mis en usage dans le but d'exprimer ces idées qui restaient un mystère pour les non initiés, les fameux hiéroglyphes de l'ancienne Égypte tiennent le premier rang.
Diodore de Sicile, au livre III de sa Bibliothèque historique, parle des caractères hiéroglyphiques employés par les Égyptiens. Après avoir dit que ces caractères offrent à nos yeux des animaux de tout genre, des parties du corps humain, des ustensiles, des instruments, principalement ceux dont font usage les artisans, il expose dans les termes suivants les motifs qui leur ont fait donner ces formes: «Ce n'est point, en effet, par l'assemblage des syllabes que chez eux l'écriture exprime le discours, mais c'est au moyen de la figure des objets retracés et par une interprétation métaphorique basée sur l'exercice de la mémoire.»
Le témoignage de cet historien grec est confirmé par celui d'un historien latin: Ammien Marcellin constate que, «chez les anciens Égyptiens, chaque lettre représentait un mot et quelquefois même une phrase entière.»
Vers la fin du second siècle, saint Clément d'Alexandrie, parlant des voiles mystérieux dont on s'est plu souvent à entourer la science pour n'en permettre l'abord qu'aux initiés, observe qu'on ne pouvait atteindre que par des degrés successifs le terme le plus élevé de l'instruction, qui était la science des hiéroglyphes.
Trois sortes d'écritures ont été connues des anciens Égyptiens. Les hiéroglyphes, qui représentent fidèlement des objets de la nature et des produits de l'art, ont été regardés comme symboliques; Champollion a fini par ne plus voir, dans ces signes, que des caractères idéographiques; et, sans entrer ici dans une discussion qui aurait le double tort d'être très-longue et de nous éloigner beaucoup du sujet que nous avons en vue, nous ferons remarquer que, quel que soit l'éclat des ingénieuses découvertes du savant illustre que nous venons de nommer, les théories qu'il a formulées soulèvent encore, hors de la France surtout, de vives objections de la part d'érudits fort distingués.
L'écriture hiératique ou sacerdotale est regardée comme une tachygraphie des hiéroglyphes, et les signes vulgaires ou démotiques, comme une abréviation des hiératiques.
La fameuse inscription de Thèbes, la seule dont l'explication soit parvenue jusqu'à nous, exprimait, par les hiéroglyphes d'un enfant, d'un vieillard, d'un vautour, d'un poisson, d'un hippopotame, la sentence suivante: «Vous qui naissez et qui devez mourir, sachez que l'Éternel déteste l'impureté.»
Voici en quels termes M. Champollion Figeac, le frère du célèbre créateur des études égyptiennes, résume les notions les plus généralement reçues au sujet des hiéroglyphes: «L'écriture hiéroglyphique, proprement dite, se compose de signes représentant des objets du monde physique, animaux, plantes, arbres, figures de géométrie, etc.; le tracé est parfois simplement linéaire; quelquefois il est entièrement terminé et même colorié. Le nombre de ces signes est d'environ huit cents.
«L'écriture hiératique est une véritable tachygraphie de la précédente. Comme les signes hiéroglyphiques ne pouvaient être convenablement tracés que par des personnes exercées dans l'art du dessin, on créa un système d'écriture abrégée dont les signes étaient d'une exécution facile, système qui n'eut d'ailleurs rien d'arbitraire. Chaque signe hiératique fut un abrégé du signe hiéroglyphique; au lieu de la figure entière du lion couché, par exemple, on traça l'esquisse d'une partie de son corps, et cet abrégé du lion conserva, dans l'écriture, la même valeur que la figure entière.»
Dans des pays très-éloignés des rives du Nil, on trouve une écriture hiéroglyphique, qui offre, à certains égards, des analogies remarquables avec les procédés des Égyptiens. Les Mexicains, avant la conquête des Espagnols, avaient également recours à des figures d'hommes, d'animaux, etc., pour énoncer leurs idées.
Les noms des villes de Meacuilxochitl, Quauhtinchan et Tchuilojocan signifient cinq fleurs, maison de l'aigle et lieu des miroirs. Pour indiquer ces trois villes, on peignait une fleur placée sur cinq points, une maison de laquelle sortait la tête d'un aigle, et un miroir d'obsidienne.
Divers manuscrits hiéroglyphiques mexicains ont échappé à la destruction, et ils figurent parmi les objets les plus précieux que possèdent les grandes bibliothèques de l'Europe. M. de Humboldt en a copié quelques pages dans son bel ouvrage intitulé: Vue des Cordillères (Paris, 1819, 2 vol. in-8o). Une magnifique publication spéciale, faite aux frais d'un riche Anglais, a reproduit tout ce qui subsiste en ce genre. Voir les Antiquities of Mexico comprising fac-similes of ancient mexican paintings and hieroglyphics, by lord Kingsborough (London, 1831, 9 vol. in-fol.). Cet ouvrage a coûté à son auteur plus de 25,000 livres sterling (un million). Il en est rendu compte dans le Bulletin des Sciences historiques, publié par M. de Férussac, t. XVII, p. 63, et dans la Revue encyclopédique, t. XLIX, p. 148.
Ce n'était pas, d'ailleurs, au Mexique seulement, qu'on avait recours à pareilles images.
Les indigènes de la Virginie avaient des peintures appelées Sagkokok, qui représentaient, par des caractères symboliques, les événements qui s'étaient accomplis dans l'espace de soixante ans; c'étaient de grandes roues divisées en soixante rayons ou en autant de parties égales. Lederer (Journal des Savants, 1681, p. 75) rapporte avoir vu dans le village de Pommacomck un de ces cycles hiéroglyphiques, dans lequel l'époque de l'arrivée des blancs sur les côtes de la Virginie était marquée par la figure d'un cygne vomissant du feu, pour indiquer à la fois la valeur des Européens, leur arrivée par eau et le mal que leurs armes à feu avaient fait aux hommes rouges.
§ IV.
Langage au moyen des gestes.
Le langage au moyen des gestes peut être regardé comme formant l'une des branches de la Cryptographie; il permet à celui qui l'emploie de faire connaître ses idées d'une manière qui échappe aux personnes qui ne sont pas au fait de pareils secrets. Les anciens connaissaient cet art. Un écrivain grec, Nicolas de Smyrne, a laissé un petit traité, intitulé: De numerorum notatione per gestum digitorum (Paris, 1614, in-8o); cet opuscule est devenu très-rare, mais il a été réimprimé dans des recueils publiés par Possin et par Fabricius, et plus récemment dans les Eclogæ physicæ de Schneider. Les Romains portèrent au plus haut degré les ressources de la pantomime, et l'on trouve, chez Pétrone, l'expression de manus loquaces.
Au huitième siècle, Bède le Vénérable, célèbre religieux anglais que l'estime publique a placé presque au rang des Pères de l'Église, écrivit un traité De loquela per gestum digitorum, traité qui est compris dans le volumineux recueil de ses œuvres[6].
Tous les lecteurs de Rabelais se rappellent de quelle façon Panurge fit quinault l'Angloys qui arguoyt par signes.
D'après un mémoire d'H. Dunbar, inséré dans les Actes de la Société philosophique de l'Amérique du Nord, il se rencontre, parmi les nombreuses tribus indiennes répandues le long du Mississipi, des individus qui savent tirer un parti admirable des ressources de la pantomime pour exprimer leurs idées. Malgré la diversité des langues en usage chez ces peuplades belliqueuses, ils n'ont jamais besoin d'interprètes, et ils réussissent toujours à se faire comprendre sans avoir à prononcer un seul mot, tant leurs gestes, exécutés d'après un système universellement adopté, sont pleins d'énergie, de netteté et d'à-propos.
Nous sortirions des limites de notre sujet, si nous parlions ici du langage manuel en usage parmi les sourds-muets. Nous nous contenterons de mentionner un alphabet qu'on peut appeler alphabet facial.
M. Bertin, dans son Système universel et complet de sténographie (Paris, an XII), fait connaître un alphabet de son invention, d'après lequel la position des doigts sur le visage sert à transmettre tout ce qu'on veut faire savoir. Il laisse de côté les voyelles isolées o et u, et il exprime par un même signe les lettres telles que g et j, q et k, qui donnent des sons à peu près identiques.
On emploie deux doigts à la fois pour exprimer une lettre qui se répète.
Si l'on veut aller plus vite, on emploie encore deux doigts à la fois, en ayant soin de convenir que le pouce est la première, et l'index la seconde.
Vigenère a fait très-succinctement mention de cette méthode, lorsqu'il dit un mot en passant de «l'entreparler tacitement par les doigts en les élevant ou les plaquant sur la bouche ou sur l'un des yeux.»
§ V.
Langage des fleurs.
C'est dans les sérails que l'art ingénieux de correspondre avec des fleurs a pris naissance; il fait partie des mœurs orientales. «Les Chinois, dit un écrivain ingénieux, ont un alphabet composé entièrement avec des plantes et des racines; on lit encore sur les rochers de l'Égypte les anciennes conquêtes de ces peuples exprimées avec des végétaux étrangers. Ce langage est donc aussi vieux que le monde, mais il ne saurait vieillir, car chaque printemps en renouvelle les caractères, et cependant la liberté de nos mœurs l'a relégué parmi les amusements des harems. Les belles odalisques s'en servent souvent pour se venger du tyran qui outrage et méprise leurs charmes; une simple tige de muguet, jetée comme par hasard, va apprendre à un jeune icoglan que la sultane favorite, fatiguée d'un amour tyrannique, veut inspirer, veut partager un sentiment vif et sincère. Si on lui renvoie une rose, c'est comme si on lui disait que la raison s'oppose à ses projets, mais une tulipe au cœur noir et aux pétales enflammés lui donne l'assurance que ses désirs sont compris et partagés; cette ingénieuse correspondance, qui ne peut jamais ni trahir ni dévoiler un secret, répand tout à coup la vie, le mouvement et l'intérêt dans ces tristes lieux qu'habitent ordinairement l'indolence et l'ennui.»
Dans un pareil langage, la rose signifie une jeune fille: blanche, elle indique la constance en amour; jaune, elle exprime l'infidélité.
Un œillet veut dire un homme, et les couleurs diverses, les variétés d'espèce de la fleur, caractérisent cet homme au physique comme au moral.
L'étoilée exprime l'idée de père ou de mère; si la fleur est rouge, les parents sont indulgents et bons; si elle est violette, ils sont rigoureux et sévères. L'hyacinthe veut dire: ami ou amie.
Indiquons le sens attaché à d'autres fleurs:
D'après les règles de cette langue ingénieuse, lorsqu'un jeune habitant de Constantinople ou de Smyrne veut faire parvenir ce message:
«J'irai te rendre visite, chère amie, demain matin de bonne heure dans le jardin, avec mon frère, homme de bien et distingué, qui t'aime, belle jeune fille, et qui veut t'épouser.»
Il envoie les fleurs suivantes avec des numéros d'ordre: Narcisse, jasmin d'Espagne, réséda, hyacinthe bleue, giroflée blanche, tournesol, jasmin, marjolaine, oreille-d'ours, œillet d'un brun sombre, chèvre-feuille, rose rouge, deux myosotis, myrte.
Le moyen âge n'ignora point la signification symbolique donnée aux diverses fleurs; parmi différents exemples que nous pourrions citer, nous nous bornerons à mentionner un petit vocabulaire que renferme un manuscrit conservé à la bibliothèque royale de Bruxelles; nous en reproduisons fidèlement le style suranné:
Un écrivain moderne, se basant sur les considérations de la botanique ou sur les récits de la mythologie, a composé un dictionnaire du langage des fleurs, pour écrire un billet; transcrivons-en une partie, en faisant remarquer toutefois que plusieurs de ces significations sont très-contestables.
§ VI.
Des alphabets factices.
Vigenère, dans son Traité des chiffres, Duret, dans son Trésor des langues, et divers autres anciens auteurs ont donné des modèles d'alphabets attribués à divers personnages célèbres de l'antiquité la plus reculée; M. Nodier s'exprime à cet égard de la façon suivante:
«Les alphabets factices de Salomon, d'Apollonius et même d'Adam ne sont pas si méprisables qu'on se l'imagine, et je n'entends pas par là qu'ils annoncent une grande puissance d'invention, mais seulement qu'ils remontent à une haute antiquité et qu'ils révèlent en partie le secret d'une des opérations les plus curieuses de l'esprit humain. Ce qui donne du prix aux recueils rares où ces alphabets se rencontrent, c'est qu'on ne les a jamais reproduits depuis que l'on a fait de la grammaire positive, parce qu'ils n'appartiennent à aucune langue dont il soit resté des traditions. Comme débris d'une langue de convention qui a existé, dont nous avons perdu la clef et qui ne le cédait peut-être en rien aux langues caractéristiques de Dalgarno, de Wilkins et de Leibnitz, ces traits grossiers parlent à notre intelligence avec un tout autre pouvoir que les pierres de Denderah.»
Formés de signes aux contours bizarres et aux formes singulières, ces caractères, qui sont, en général, des transformations de l'alphabet hébreu, n'ont, d'ailleurs, on le comprend de reste, aucune authenticité. L'alphabet d'Énoch, celui de Moïse et celui de Salomon sont de pure invention, tout comme celui dont un magicien célèbre, Honorius le Thébain, se servit, dit-on, pour écrire ses livres de sorcellerie. Vigenère a conservé les lettres sous lesquelles cet insigne sorcier (qui n'a jamais existé) dissimulait les arcanes les plus profonds de la nécromancie. Nous croyons inutile de reproduire ces signes étranges, auxquels quelques anciens auteurs conseillent de recourir pour chiffrer, mais dont personne ne fait usage depuis bien longtemps.
On peut assimiler aux alphabets factices les figures bizarres dont les recueils de secrets magiques sont remplis, et les mots inventés à plaisir et qu'on donnait comme possédant des propriétés surnaturelles et comme renfermant un sens ignoré du vulgaire. Nous ne nous étendrons pas sur ce sujet, qui demeure étranger aux idées scientifiques; nous transcrirons seulement comme échantillon une phrase prise dans un livre de sortiléges et qui restera sans doute toujours inintelligible:
«Magabusta Berenada Surmistaras. Gorisgatpa Helotim Latintas aciton aragiaton Amka jaribai untus gilgar Selingarasch.»
 CHAPITRE V.
DU RÔLE DE LA CRYPTOGRAPHIE DANS LA LITTÉRATURE.
§ Ier.
Artifices imaginés pour déguiser des dates.
Il est juste de rapporter à la Cryptographie les artifices qu'ont employés quelques scribes du moyen âge afin de dissimuler, sous une forme énigmatique plus ou moins ingénieuse, la date des manuscrits qu'ils transcrivaient. En voici un exemple que fournit un des manuscrits français de la Bibliothèque impériale de Paris.
   Ce livre fut tout parfait
  Eu jueillet, comme trouverez:
  Pour le savoir dimynuerez
  Ces diverses lignes par trait.
  Vous prandrez la teste d'un moyne,
  De deux cordeliers, d'un chanoyne;
  Et puis un () party en dux.
  Vous lairrez la teste Jhesus,
  Sainct Jehan, sainct Jacques et Jacob,
  Et prendrez un X à cop.
  Puis adjoustez en ceste ryme
  Ung  prince en algorithme:
  Si congnoistrez qu'il fut parfait
  Le XXIIIe jueillet.
On voit que l'auteur indique, par les initiales de plusieurs mots, des lettres ayant une valeur numérique en chiffres romains, pour former par leur réunion l'année de l'achèvement de sa transcription. Il s'est plu à présenter cette indication d'une manière énigmatique par un jeu assez goûté de son temps.
La tête d'un Moyne, (M) mille.
Y ajouter celles de deux Cordeliers et d'un Chanoine, (CCC) trois cents.
Puis, un O partagé en deux, (CC) deux cents.
Laisser de côté les têtes de Jhesus, de sainct Jehan, de sainct Jacques et de Jacob (4 à soustraire).
Prendre ensuite un X (10).
La difficulté consiste à savoir ce que signifie ung N prise en algorithme. Ce dernier mot, évidemment altéré pour les besoins de la rime, est algorisme, algorismus, que le dictionnaire de Du Cange explique par arithmetica, numerandi ars. La lettre qu'il s'agit de considérer numériquement est un N, lettre qui ne joue point en latin le rôle d'un chiffre. D'après la forme que lui donne le manuscrit, on voit qu'elle joue, peut se décomposer en un V et un I, ce qui donne en chiffres: VI (six). Maintenant, en additionnant ces différents nombres, 1000, 300, 200, 10 et 6, puis en retranchant 4, on trouve 1512.
Une date semblable, composée par le chanoine Charles de Bovelle, est citée dans la Notice de M. du Sommerard sur l'hôtel de Cluny.
| D'un mouton et de cinq chevaux | M. CCCCC | 
| Toutes les têtes prendrez, | |
| Et à icelles sans nuls travaux | |
| La queue d'un veau vous joindrez, | V | 
| Et au bout adjouterez | |
| Tous les quatre pieds d'une chatte: | IIII | 
| Rassemblez, et vous apprendrez | |
| L'an de ma façon et ma date. | |
| ———————— | |
| M. CCCCC. V. IIII | |
| (1509) | 
Pareilles inventions ne furent pas, d'ailleurs, la propriété exclusive des copistes antérieurs à l'invention de la typographie; quelques volumes imprimés au quinzième siècle offrent des particularités du même genre; mentionnons-en deux exemples:
Le Doctrinal du temps présent, de Pierre Michault, imprimé à Bruges, par Colard Mansion, s'adresse ainsi au lecteur:
  Un treppier et quatre croissans
  Par six croix auec sy nains faire.
   Vous feront estre congnoissans,
  Sans faillir, de mon miliaire.
Ce quatrain indique l'année 1466: M. CCCC. XXXXXX. III III.
Un petit volume très-rare, le Passe-temps et le Songe du triste, publié à Lyon, s'annonce comme ayant été mis au jour:
L'an de trois croix, cinq croissans, ung trépier.
Ce qui signifie 1530, les figures étant rangées de droite à gauche: XXX. CCCCC. M.
§ II.
Des artifices employés par quelques auteurs pour déguiser leurs noms.
Il a été de mode parmi certains auteurs du seizième siècle de déguiser leurs noms sous une devise qui les couvrait du manteau d'une anagramme plus ou moins ingénieuse, plus ou moins exacte.
Le Formulaire fort récréatif de tous contratz... fait par Bredin, Lyon, 1594.
Les mots Bonté ny soit, sont en guise de signature à la fin de l'avis au lecteur; on croit y reconnaître le nom anagrammatisé de l'auteur: Benoist (du) Troncy.
Noël du Fail, auteur de deux écrits dont les anciennes éditions sont vivement recherchées des bibliophiles (les Propos rustiques et les Baliverneries d'Eutrapel), cacha son nom sous l'anagramme de Léon Ladulfi; Nicolas Denisot, conteur et poëte contemporain d'Henri II, donna ses écrits sous la signature du comte d'Alsinois. Le chevalier de Cailly, dont les spirituelles épigrammes ont reparu dans la jolie Collection des petits classiques françois (1825, 9 vol. in-16), n'eut guère l'intention de se dérober sérieusement aux regards du public lorsqu'il se présenta sous le nom d'Aceilly.
Il serait facile de multiplier pareils exemples; nous signalerons Ancillon, signant du nom de Ollincan son Traité des eunuques; nous mentionnerons Amelot de La Houssaye, d'Orléans, qui ne déguise guère la paternité de ses pesants commentaires sur Tacite, en les donnant comme l'œuvre du sieur de La Mothes Josseval d'Aronsel; nous retrouverions dans Philippe Alcripe, sieur de Neri, auteur d'un recueil facétieux devenu rare (la Nouvelle Fabrique des excellens traits de vérité), le nom de Philippe Le Picar, sieur de Rien; nous ne saurions surtout oublier l'immortel auteur du Gargantua et du Pantagruel, maître François Rabelais, qui a changé son nom en celui d'Alcofribas Nasier.
Les plus impénétrables de ces pseudonymes sont peut-être ceux que des membres d'académies italiennes se décernèrent, obéissant ainsi à une mode qui dura un instant pendant le siècle dernier. On ne se douterait qu'Euforbo Melesigenio désigne Calazo; c'est sous le nom d'Eritisco Pilenejo que Pagnini livra aux presses élégantes de Bodoni sa traduction d'Anacréon.
Un pauvre comédien qui termina ses jours par une mort volontaire, Caron, auteur et éditeur de livrets facétieux, recherchés des bibliomanes, s'amusait à avoir recours à l'artifice peu mystérieux de la disposition rétrograde des mots. Il donna un de ses écrits comme l'œuvre du bonze Esiab-luc et comme ayant été imprimé à Emeluogna.
Un moine italien, François Columna, auteur d'un roman bizarre et obscur dont les anciennes éditions sont vivement recherchées à cause des figures sur bois qui les embellissent, a caché son nom et le secret de son cœur dans une phrase qu'on retrouve, en écrivant, à la suite les unes des autres, les lettres initiales de chacun des chapitres de cet ouvrage:
POLIAM FRATER FRANCISCUS ADAMAVIT.
L'auteur d'un de ces romans de chevalerie qui firent tourner la tête à Don Quichotte, l'historien de Palmerin d'Angleterre, s'est également servi d'un acrostiche du même genre; il l'a consigné dans des stances placées au commencement du premier volume et dont voici l'interprétation: Luis Hurtado, autor, al lector da salud.
Un petit poëme de la fin du quinzième siècle, le Messagier damours, révèle par un acrostiche placé dans les huit derniers vers le nom de l'auteur, Pilvelin.
§ III.
De l'emploi que divers littérateurs ont fait de la Cryptographie.
Quelques écrivains ont eu recours aux procédés de la Cryptographie, afin de dérober aux profanes le sens de certains passages de leurs écrits qu'il leur convenait de couvrir des ombres du mystère; nous pouvons en citer plusieurs exemples.
Un poëte du seizième siècle, rimeur peu connu, mais plein d'une verve qui rappelle parfois celle de Regnier, Marc Papillon, sieur de Lasphrise, a placé, dans ses Œuvres poétiques (Paris, 1599), une tirade assez libre qu'il ne nous convient pas de transcrire en entier et dont voici le début:
Sel semad ed al ruoc te seuqleuq sertua erocne
Tois enud elliv gruob uo egalliv.
Il est facile de reconnaître que l'artifice consiste ici en ce que chaque mot doit être lu de droite à gauche.
«Les dames de la cour et quelques autres encore,» etc.
Nous trouvons, dans le même volume, un sonnet en langue inconnue; il commence ainsi:
  Cerdis zerom deronty toulpinié
  Pareis hurlin linor orifieux.
Nous laissons le soin de chercher le sens de ces lignes énigmatiques aux heureux désœuvrés qui ont assez de temps pour donner des heures à l'étude des écrits du sieur de Lasphrise et assez de solidité de jugement pour apprécier tout ce que renferme d'utile et d'intéressant un pareil emploi des facultés intellectuelles.
Un poëte latin du seizième siècle, Jean de Cysinge, plus connu sous le nom de Janus Pannonius, offre des particularités semblables. En feuilletant l'édition de ses Poemata (Utrecht, 1784, 2 vol. in-8o), nous avons remarqué que l'épigramme 276 du Ier livre (tom. I, p. 577), in meretricem lascivam, est en partie chiffrée;
Le second vers est exprimé sous cette forme:
Conserui et dxoop nfouxmb delituit.
et le dernier:
Expecta nondum, Lucia, efgxuxk.
La Biographie universelle, dans l'article consacré au trop célèbre marquis de Sade, rapporte que, parmi les manuscrits laissés par cet écrivain qui poussa l'immoralité jusqu'à la démence, il se trouvait un volumineux journal de sa captivité à la Bastille, écrit, en grande partie, en chiffres dont il avait seul la clef.
Nous rencontrons deux ou trois pages chiffrées dans une composition spirituelle et piquante sortie de la plume d'un des romanciers les plus féconds et les plus en vogue du dix-neuvième siècle. Ouvrez la Physiologie du mariage, par M. de Balzac; cherchez dans la Méditation XXV le paragraphe intitulé: des Religions et de la Confession considérées dans leur rapport avec le mariage, vous y lirez ce qui suit:
«La Bruyère a dit très-spirituellement: C'est trop contre un mari, que la dévotion et la galanterie; une femme devrait opter.»
«L'auteur pense que La Bruyère s'est trompé. En effet:
«Lsuotru e-nedtnim dbreaus jivec udnt lett emrnu eaCmetss esosi ost pfsaoiylao tt demon sleuiod pne nr unsmneuj eeusg ienqseuedroteapt...»
Nous nous garderons bien d'insérer ici en entier cette longue citation, et nous convenons franchement que nous n'avons pas cherché à trouver la clef du système cryptographique inventé par le joyeux physiologiste. Quelques-uns des nombreux lecteurs de la Physiologie du mariage ont sans doute été plus intrépides et plus heureux que nous.
Terminons en mentionnant une autre particularité dans le genre de celles que nous signalons ici.
Les Œuvres poétiques du sieur de La Charnais, gentilhomme nivernois, renferment 118 énigmes, dont une table, en deux pages, donne la clef. Cette table est gravée à l'envers, en sorte que, pour la lire, il faut avoir recours à un miroir. L'auteur a, d'ailleurs, eu le soin de donner dans sa préface cette explication à ses lecteurs. C'est une singularité dont il serait sans doute difficile de trouver d'autres exemples.
Un écrivain américain, Edgar Poë, auteur de contes pleins de talent et d'originalité[7], a, dans un de ses récits, le Scarabée d'or (the Gold-Bug), raconté comment un homme, doué d'une intelligence pénétrante et chercheuse, sut parvenir à la découverte d'un trésor considérable enfoui par des pirates dans un coin reculé de la Louisiane, trésor dont le gîte était indiqué par une série de chiffres sur un vieux morceau de parchemin que le hasard plaça sous ses yeux habitués à voir juste et loin. Voici quelle était la première ligne de cet écrit:
  53 +++ 305) 6*; 4826) 4 +); 808*; 48 +
  8 § 60 Ɔ 85; 1 + (;1. + * 8)
En examinant quels étaient les signes qui revenaient le plus souvent et quels étaient ceux qui étaient les plus rares; en constatant que le caractère 8 se présentait 33 fois,
| ; | 26 fois, | 
| 4 | 19 fois, | 
| +) | 16 fois; | 
en observant quelles sont les lettres qui, en anglais, entrent le plus dans la composition des mots; en tenant compte des combinaisons et des juxtapositions qu'amènent les lois de l'orthographe, le mystère fut pénétré. Mais laissons les lecteurs chercher eux-mêmes dans les pages de M. Poë comment s'accomplit ce tour de force.
 CHAPITRE VI.
DES LIVRES À CLEF.
Ils font encore partie du domaine de la Cryptographie, ces livres dans lesquels on a voulu, au moyen de l'anagramme des noms ou de tout autre artifice, dépayser le lecteur et lui donner, presque toujours peu sérieusement, le change sur le véritable sens des pages qu'on mettait sous ses yeux.
Les compositions satiriques, les écrits qui ne ménagent nullement la religion et la décence, forment presque toujours la catégorie où rentrent les livres à clef. Nous allons en citer quelques-uns.
Les Princesses malabares: ce livre irréligieux, attribué à Lenglet-Dufresnoy et imprimé à Rouen, en 1724, sous la fausse indication d'Andrinople, est parfois accompagné d'une clef, dont voici une partie:
Mison (Simon), saint Pierre; Tuotalic, catholique; Rasoni, raison; Roligine, Religion; Ema, âme; Chéterine, chrétienne; Gélise, église; Vaddi, David, etc. On voit que l'auteur a eu recours au plus vulgaire et au plus facile de tous les moyens de déguisement, à l'anagramme, procédé bien candide et bien naïf, puisque les éléments du mot se présentent d'eux-mêmes à qui prend la peine de les chercher. À côté du livre que nous venons d'indiquer, plaçons:
Les Aventures de Pomponius (par Labadie), Rome (Hollande), 1725. Ce récit allégorique, dirigé contre le régent (Philippe d'Orléans) et ses favoris, présente aussi des noms cachés sous le voile de l'anagramme: Relosan, Orléans; Lauges, Gaules; Cilopang, Polignac; Judosb, Dubois; Nedoc, Condé; Xeamu, Meaux.
Dans les Veillées du Marais ou Histoire du grand prince Oribeau et de la vertueuse princesse Oribelle, par Rétif de la Bretonne, tous les noms sont travestis: Rousseau devient Assuero, et Voltaire Iratlove.
N'oublions pas les Soupers de Daphné et les Dortoirs de Lacédémone (par de Querlon), 1740. Une clef imprimée se trouve dans un très-petit nombre d'exemplaires de cette satire lancée contre la cour de Louis XV; M. Nodier l'a reproduite dans ses Mélanges extraits d'une petite bibliothèque, où il a également placé la clef d'une nouvelle de Brémond qui met en scène, sous des noms déguisés, le roi d'Angleterre Charles II et ses favorites: Hattigé, ou les Amours du roi de Tamaran, Cologne, 1676.
Les Amours de Zéokinizul, roi des Korfirans, présentent un mystère qu'il est facile de percer; l'anagramme complaisante nomme d'elle-même: Louis XV, roi des Français.
Indiquons encore:
Les Visites, par mademoiselle de Kéralio, Paris, 1792, in-8.
Voyage du Vallon tranquille (par Charpentier), réimprimé en 1796 avec des notes servant de clef, par Mercier de Saint-Léger et Adry.
Histoire de la princesse de Paphlagonie, par mademoiselle de Montpensier.
Paris, Histoire véridique, anecdotique, morale et poétique, avec la clef, par Chevrier, La Haye, 1767.
Galerie des États généraux (par Mirabeau, de Luchet, etc.).
Ne laissons pas échapper, dans cette énumération rapide et nécessairement fort incomplète, un ouvrage célèbre, le Cymbalum mundi, de Bonaventure Des Periers.
M. Nodier s'est fort occupé de cet écrit, qu'il qualifie de «production bizarre et hardie, petit chef-d'œuvre d'esprit et de raillerie, modèle presque inimitable de style dans le genre familier et badin, et l'un des plus précieux monuments de la charmante littérature du seizième siècle.»
Le Grand Dictionnaire historique des Précieuses, par Somaize, 1661, n'offre qu'une énigme perpétuelle, lorsque la clef n'y est pas jointe.
Vogt, dans son Catalogus librorum rariorum, mentionne un recueil de poésies, d'une bizarre mysticité, imprimé en 1738 et qui fut défendu. Les noms y sont anagrammatisés; Madaavemania est l'âme (anima) d'Adam et d'Ève qui délivre Sirchtus (Christus); Rifeluc est Lucifer; Moscos désigne Cosmos, le Monde, etc.
Nous nous garderons bien de tout citer en ce genre; aussi laisserons-nous de côté un fastidieux roman du chevalier de Mouhy, intitulé les Mille et une Faveurs, 1740, 5 vol. in-18. Dans cette longue narration, les noms des personnages sont déguisés sous le voile de l'anagramme, se présentant sous un aspect fort bizarre, tels que Croselivesgol, Tofmenie, Onveexpic, Lodeorbarli, Coufartoc, Senacso, Sanistinva, Netosniss, Fonternouesa, Tanitbadan, Veoldafitular; en les décomposant on y trouve des mots très-propres à inspirer le plus juste effroi au chaste lecteur.
 CHAPITRE VII.
DU DÉCHIFFREMENT.
Il faut de la patience et de la sagacité pour arriver à la lecture d'une dépêche chiffrée qui a été interceptée.
Cette tâche peut offrir les plus graves difficultés, lorsqu'on ignore dans quelle langue est écrite la dépêche saisie; ou bien lorsque, pour l'écrire, il a été formé un mélange de divers idiomes; lorsqu'on a fait emploi de plusieurs alphabets; lorsque les non-valeurs sont nombreuses et réparties avec intelligence; lorsque les mêmes syllabes, les mêmes mots, les mêmes noms, se trouvent exprimés par des signes différents; lorsque les mots sont écrits à la suite les uns des autres sans séparation, ou lorsqu'ils sont séparés, non comme ils devaient l'être selon les règles grammaticales, mais d'une façon arbitraire qui déroute l'observateur.
Le déchiffreur doit être très-versé dans tous les procédés de la Cryptographie; s'il n'a lui-même souvent chiffré des dépêches, s'il ne connaît à fond toutes les ruses de l'art, s'il ne s'est amusé à vouloir inventer des procédés nouveaux, s'il n'a fait de toutes les combinaisons cryptographiques une étude sérieuse et patiente, il échouera dans toutes ses tentatives, quand il se verra en présence d'un chiffre difficile.
La première chose à faire est de dresser le catalogue des caractères qui composent le chiffre et de noter combien chacun est répété de fois. Ceci fait, on examine leurs combinaisons; on tourne, on retourne, on dispose de toute façon ces caractères, jusqu'à ce que des conjectures se présentent avec vraisemblance sur l'attribution de tel ou tel caractère à telle ou telle lettre.
Pour arriver à ce but, il faut que la plupart des caractères se trouvent plus d'une fois dans le chiffre; si l'écrit est fort court, si une même lettre est désignée par des caractères différents, les difficultés deviennent de plus en plus sérieuses:
Nous allons emprunter à un écrivain hollandais judicieux, à S'Gravesand, un exemple relatif à un chiffre écrit en latin.
A
B
C
abcdefghikf:lmkgnekdgeihekf:
D
E
F
bceeficlah fcgfg inebh fbhic eikf:
G
H
I
K
fmfpimfhiabc qilcb eieacgbfbe bg
L
M
pigbgrbkdghikf: smkhitefm.
Les barres, les lettres majuscules A, B, les signes de ponctuation ne font pas partie du chiffre; nous les avons ajoutés afin de faciliter l'explication: Ce chiffre donne:
| 14 | f | 3 | d | 
| 14 | i | 2 | b | 
| 12 | b | 2 | n | 
| 11 | e | 2 | p | 
| 10 | g | 1 | o | 
| 9 | c | 1 | q | 
| 8 | h | 1 | r | 
| 8 | k | 1 | s | 
| 5 | m | 1 | t | 
| 4 | a | ||
Enfin, il y a en tout dix-neuf caractères, dont cinq seulement une fois.
Je vois d'abord que h i k f se trouvent en deux endroits (B, M); que i k f se trouvent en un seul (F); enfin, que h e k f (C) et h i k f (B, M) ont du rapport entre eux.
D'où l'on peut conclure qu'il est probable que ce sont des fins de mots, ce qu'on indique par les deux points:
Dans le latin, il est ordinaire de trouver des mots où des quatre dernières lettres les seules antépénultièmes diffèrent; lesquelles, en ce cas, sont habituellement des voyelles, comme dans amant, legunt, docent, etc.; donc i, e sont probablement des voyelles.
Puisque f m f (voyez G) est le commencement d'un mot, on peut raisonnablement conjecturer que m ou f est voyelle, car un mot n'a jamais trois consonnes de suite, dont deux soient les mêmes, et il est probable que c'est f puisque f se trouve quatorze fois et m seulement cinq; donc m est consonne.
De là allant à K ou g b f b c b g, on voit que, puisque f est voyelle, b sera consonne dans le b f b, par les mêmes raisons que ci-dessus; donc c sera voyelle, à cause de b c h.
Dans L ou g b g r b, b est consonne; r sera consonne, parce qu'il n'y a qu'un r dans tout l'écrit; donc g est voyelle.
Dans D ou f c g f g, il y aurait donc un mot ou une partie de mots en cinq voyelles, mais la chose est impossible. Il n'y a point de mot latin qui présente cette particularité; on se tromperait donc en prenant f c g, pour voyelles; donc ce n'est pas f, mais m qui est voyelle, et f consonne; donc b est voyelle (voyez K). Dans cet endroit K, on a la voyelle b trois fois, séparée seulement par une lettre; or on trouve dans le latin des mots où pareille circonstance se rencontre, tels que edere, legere, munere, si tibi, etc., et comme c'est la voyelle e qui est le plus fréquemment dans ce cas, il faut en conclure que b correspond probablement à l'e, et i à r.
En opérant successivement de semblable manière sur toute la phrase chiffrée, on finit par en découvrir le sens, et on trouve que le chiffre que nous avons reproduit, doit se traduire de la manière suivante:
Perdita sunt bona; Mindarus interiit: urbs strata humi est. Esuriunt tot quot superfuere vivi; præterea quæ agenda sunt consulito.
Les mots composés d'un très-petit nombre de syllabes doivent être les premiers dont on s'occupe dans les opérations du déchiffrement. Ils laissent sans trop de peine les voyelles se révéler, et cette découverte conduit à celle des consonnes. La connaissance exacte des principes généraux qui régissent l'orthographe des diverses langues est le fil qu'il faut suivre dans ces opérations minutieuses.
Indiquons quelques-uns des principes qui servent de guide pour opérer le déchiffrement d'un écrit en langue française.
Le signe qui revient le plus souvent, surtout à la fin des mots, désigne la voyelle e.
Cette lettre est la seule qui, à la fin d'un mot, se répète deux fois, comme dans désirée, fusée, etc. Ainsi, lorsqu'on trouve le même signe placé deux fois à la fin d'un mot, il y a toute probabilité que ce signe représente l'e. La voyelle e, dans un mot de deux lettres, est toujours précédée des consonnes c d j l m n s t ou suivie de celles n t.
Indépendamment de l'interjection o, qui n'est guère employée dans une dépêche secrète, il n'y a en français que deux lettres qui, seules, forment un mot complet. Ces lettres sont a et y. Si l'on trouve un signe isolé dans le texte chiffré, il est à croire qu'il correspond à une de ces deux lettres.
Dans les mots formés de deux lettres où se trouve la voyelle a, elle précède d'ordinaire les lettres h, i, u, comme dans ah ai au, ou bien elle est après les lettres l, m, n, s, t, comme dans la, ma, sa, ta.
Des diphthongues, ai, au, eu, oi, ou, la dernière est celle qui revient le plus souvent, surtout dans les mots de quatre syllabes.
Lorsque la lettre e est l'avant-dernière d'un mot, ce mot se termine d'ordinaire par l'une de ces deux consonnes, r ou s.
Lorsque la voyelle est suivie d'une autre voyelle, c'est habituellement d'un e.
Il est rare qu'un mot finisse par les consonnes b, f, g, h, p, q.
Les mots formés de trois lettres sont ceux qui donnent le plus de peine au déchiffreur, lorsque la même lettre s'y trouve deux fois comme dans été, ici, non, ses.
Supposons que vous avez découvert le monosyllabe le et que vous ayez un autre mot de trois lettres dont les premières sont l et e, vous jugerez que la troisième est un s, attendu qu'elle est la seule qui, dans un mot de trois lettres, puisse aller après le monosyllabe le et former le mot les. Dès que vous serez parvenu à connaître ce mot les, si vous trouvez un mot dont les deux premiers signes soient un e et un s, vous en conclurez que le troisième, qui vous est encore inconnu, doit être la lettre t, et que ces trois signes expriment le mot: est.
Ayant découvert la lettre s, vous examinerez si elle ne se trouve pas précéder un mot de deux lettres, dont la seconde ne soit pas la lettre e, que vous connaissez déjà. Alors ce sera nécessairement un a ou un i. Pour vous en assurer, voyez si, dans d'autres endroits, ce dernier signe ne précède pas, dans un autre mot de deux lettres, la lettre l; en ce cas, vous serez certain que c'est un i. Si, au contraire, dans un autre mot de deux lettres, ce signe suit la lettre l, vous en conclurez qu'il désigne l'a.
Lorsque ces premières recherches vous auront révélé six signes ou lettres, savoir les trois voyelles a e i, et les trois consonnes l s t, elles vous conduiront à découvrir des mots composés d'un plus grand nombre de lettres, tels, par exemple, que le mot lettre, où tout se trouvera connu, excepté la lettre r, lettre que dès ce moment vous pourrez ajouter à celles que vous connaissez déjà. Le mot cette, où tout sera connu excepté la lettre c, le mot ville où la lettre v seule était encore un mystère, se révéleront d'une façon analogue.
Quand vous serez ainsi parvenu à connaître sept ou huit mots, vous trouverez sans trop de peine les autres, en recherchant quelles sont les lettres qu'il convient de mettre entre celles qui sont déjà connues pour en former des mots. En peu de temps, vous obtiendrez, par ce procédé, une clef qui servira à déchiffrer aisément toute la dépêche.
Disons encore quelques mots à l'égard des principes qu'il s'agit d'avoir en vue pour divers idiomes européens.
En anglais, l'e est la voyelle qui revient le plus fréquemment; elle est assez souvent suivie d'un a comme dans earl (comte), great, reason. L'o est commun dans les mots formés de deux lettres; il est maintes fois accompagné du w, comme dans grow, know, narrowly. L'y se rencontre souvent à la fin des mots et presque jamais au milieu. L'article indéclinable the (le, la, les) reparaît fréquemment. Les consonnes doubles que l'on trouve à la fin des mots, sont ll et ss.
En italien, les mots se terminent le plus souvent par une des quatre voyelles, a, e, i, o; l'u est rare en pareil cas. Che est le plus fréquent des mots composés de trois lettres, et aucun d'eux, si ce n'est gli, n'offre un l pour lettre du milieu.
La langue espagnole présente des mots d'une grande étendue, tels que arrepentimiento, verdaderamente. La voyelle o est celle qui est la plus fréquente; à la fin des mots, elle est souvent accompagnée de l's, comme dans nosotros, votos. Au milieu des mots, u est fréquemment suivi d'un e; vuestro, ruego.
Passons à l'allemand. L'e est la voyelle la plus usitée; elle se présente fréquemment à l'extrémité des mots de plusieurs syllabes; ils finissent en er, es, en ou et. L'n est la consonne qui revient le plus souvent; l'a n'est jamais à la fin d'un mot composé de trois lettres; la consonne c est toujours liée au h ou au k. Il n'y a qu'un seul mot formé d'une seule lettre, c'est l'exclamation o! On ne compte que deux mots de quatre lettres qui se terminent en enn, wenn et denn. Presque tous les mots de quatre lettres commencent par une consonne qu'accompagne une voyelle, exemples: bald, dein, doch, etwn, Hand.
C. A. Kortum, dans ses Principes (en allemand) de la science du déchiffrement des écrits chiffrés en langue allemande, donne à ce sujet de très-longs détails qu'il serait très-superflu de placer ici, et il soumet aux règles qu'il expose deux dépêches chiffrées.
La première ne présente que des lettres:
  Efs ekftfo Tabwc efs fsef hkfcu
  Fs xbs hftffhopu woe hfmkfcwu....
La seconde est plus compliquée; les lettres sont entremêlées de chiffres et les mots ne sont pas séparés:
64mf4km134kc4o4kng43e4p m24o4kq25293edk6n4kmm3b13......
En étudiant le retour des signes et leur arrangement, on arrive à découvrir successivement quelques lettres, et, une fois qu'elles sont connues, elles sont d'un secours pour arriver à connaître les autres.
Les règles pour le déchiffrement, telles qu'elles ont été exposées par divers auteurs, reposent, on le voit, sur le plus ou moins d'abondance de certaines lettres dans les mots, et sur leur rapprochement. Afin de dérouter les conjectures, il faut, lorsqu'on chiffre des dépêches, écrire les mots sans aucune séparation, entremêler des mots pris dans une langue avec d'autres mots empruntés à un idiome différent et ne point se conformer scrupuleusement aux règles de l'orthographe.
En abrégeant les mots ou en les modifiant, il convient toutefois d'avoir soin de ne pas les dénaturer au point de laisser du doute sur leur signification; les caractères nuls, intercalés à propos et dont la non-valeur est inconnue au déchiffreur, peuvent achever de rendre tous ses efforts infructueux.
C'est pour avoir négligé pareilles précautions, et pour s'être bornées à l'emploi de caractères mystérieux et de chiffres rangés dans l'ordre habituel et orthographique des mots, que des personnes qui croyaient avoir parfaitement déguisé leur pensée ont été tout étonnées de voir que leur secret n'en était pas un.
Voici un fait de ce genre.
M. Decremps, auteur de la Magie blanche dévoilée, se vantait de parvenir promptement à percer les mystères les plus difficiles. Afin de l'éprouver, un de ses amis lui adressa un jour quelques lignes qu'il avait écrites en caractères dont il avait fait choix. M. Decremps, en étudiant le retour plus ou moins fréquent de ces caractères, en cherchant de quelle façon ils se montraient groupés entre eux, reconnut qu'ils représentaient les diverses lettres de l'alphabet; il trouva successivement qu'un oiseau exprimait la lettre a; que l'e était rendu par une tête vue de profil, et l'i par la figure d'un verre à patte. Muni de cette clef, il découvrit bien vite qu'on lui avait adressé copie de quelques vers d'une traduction d'une des odes d'Anacréon, et il causa à son ami l'étonnement le plus vif, en prouvant que ce que ce dernier avait cru parfaitement caché était dévoilé.
 CHAPITRE VIII.
DES ÉCRITURES OCCULTES.
On donne le nom d'encre de sympathie aux substances dont on fait usage, qui ne laissent point de traces sur le papier et qui apparaissent derechef, lorsqu'elles sont soumises à l'action de divers procédés.
Lorsqu'on veut avoir recours à un pareil moyen, il faut faire attention à ce que la dépêche ostensible ne mentionne rien qui puisse donner lieu à quelque soupçon. Le papier doit conserver sa couleur et son éclat habituels. Les phrases tracées à l'encre ordinaire doivent être conçues de manière que le lecteur, sous les yeux de qui elles tomberaient, n'ait aucune raison de croire qu'elles n'expriment pas réellement la pensée de l'écrivain et qu'elles n'appartiennent pas à une correspondance sérieuse. On tracera sur les marges, entre les lignes ou sur le côté du feuillet demeuré blanc, ce que l'on veut communiquer en secret.
Il importe que les passages écrits en encre sympathique demeurent invisibles jusqu'à l'accomplissement des procédés qui doivent les rendre au jour; il faut qu'après l'application de ces procédés ils puissent être lus nettement et sans difficulté.
On convient d'un signe quelconque qui, placé soit sur l'adresse, soit dans le corps de la lettre, indique, à celui qui la reçoit, qu'il y a des passages tracés en encre de sympathie. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que ce signe doit être mis de manière à échapper aisément aux regards des curieux et à n'offrir aucune importance apparente.
Il est des caractères qui reparaissent, lorsqu'on répand sur eux quelque poudre.
On peut tracer sur le papier une écriture invisible de ce genre, avec tous les sucs glutineux et non colorés des plantes ou des fruits, ou bien avec de la bière, du lait, des liqueurs grasses ou aqueuses.
On laisse sécher ce qu'on a écrit. Pour le rendre visible, on frotte la feuille de papier avec une poudre très-fine et de couleur foncée; du charbon pilé extrêmement menu, du cinabre, du bleu de Prusse, peuvent servir à cet usage. La poudre s'attache aux lettres qui ont été tracées et elle la fait revivre.
Diverses écritures deviennent visibles, lorsqu'on les expose au grand jour.
L'extrait de saturne, étendu d'eau, donne une écriture invisible qui apparaît et devient noirâtre, lorsqu'elle est livrée à l'action de l'air. On obtient un résultat semblable avec de l'argent dissous dans de l'acide nitrique; les caractères tracés avec pareil liquide deviennent verdâtres, lorsqu'ils sont exposés à l'air; placés de manière à recevoir les rayons du soleil, ils se montrent d'un noir rougeâtre.
On peut aussi se servir de substances qui reparaissent, lorsque le papier est fortement échauffé.
Ce qui est écrit avec du lait devient rougeâtre;
Avec du jus de cerise, verdâtre;
Avec du jus d'oignon, noirâtre;
Avec du jus de citron, brun;
Le vinaigre donne une couleur rouge pâle;
Le lait, une couleur rousse, ainsi que l'acide vitriolique affaibli dans une certaine quantité d'eau.
Le cobalt, le vitriol, et d'autres agents chimiques, ont été employés avec plus ou moins de succès dans la composition d'encre de sympathie de différents genres. On a découvert des substances bonnes pour former des caractères qui ressuscitent, pour ainsi dire, lorsque le papier auquel on les a confiés est légèrement mouillé ou lorsqu'il est plongé dans l'eau. Écrivez avec de l'alun dissous dans l'eau, mouillez le papier dont vous vous êtes servi et présentez-le au jour: vous distinguerez très-bien ce qui était invisiblement écrit; les caractères seront beaucoup plus obscurs que le reste du papier, et il leur faudra bien plus de temps pour s'imbiber.
En écrivant avec un liquide formé d'une portion d'eau-forte et de trois portions d'eau, on obtient des caractères qui ne paraissent pas, lorsque le papier est plongé dans l'eau; à mesure qu'il sèche, ils disparaissent. Ils pourront devenir visibles une seconde et même une troisième fois.
Il est aussi des écritures occultes qui reparaissent, lorsqu'on les humecte avec un liquide approprié. C'est ainsi qu'une dissolution de vitriol ou de couperose donne des caractères qui se montrent à l'œil, lorsqu'on frotte le papier avec une éponge imbibée d'un liquide, dont voici la composition: noix de galle concassées et mises dans de l'eau ou du vin blanc. On obtient le même résultat, en plaçant cette écriture invisible entre deux papiers légèrement imbibés de cette dernière dissolution; il faut que le tout soit enfermé et serré dans un livre pendant quelques moments.
Un procédé assez ingénieux consiste à masquer l'écriture invisible au moyen d'autres caractères que l'on trace dessus en se servant d'une encre formée de paille d'avoine brûlée et délayée dans de l'eau. Quant on passe l'éponge, cette écriture disparaît et laisse voir à la place celle qui était invisible.
L'extrait de saturne donne un marc, avec lequel on trace une écriture, qui, une fois séchée, ne paraît plus; afin de la rendre visible, il suffit d'imbiber le papier de jus de citron ou de verjus, et alors elle paraîtra d'un blanc de lait qui ressortira sur la blancheur du papier.
Des caractères tracés avec du bleu de Prusse paraîtront d'un bleu éclatant, si on les imbibe avec la dissolution acide du vitriol vert.
Une dissolution d'or fin dans de l'eau végétale, coupée avec de l'eau pure, fournit une encre sympathique qui disparaît en séchant, lorsqu'on veille à tenir le papier renfermé et à le soustraire à l'influence du grand air. Ces mêmes caractères, exposés au soleil, reparaîtront au bout d'une heure ou deux.
Disons, une fois pour toutes, que, dans l'écriture occulte, il faut employer des plumes neuves et affectées à cet usage spécial.
Les anciens auteurs qui ont écrit sur la Cryptographie n'ont point oublié les procédés que nous indiquons. Vigenère explique longuement qu'il faut «escrire avec de l'alun brûlé, ou du sel ammoniac, ou du camphre, destrempez en eau, ce qu'estant sec blanchist à pair du papier, qu'il faut tremper puis après dans de l'eau qui le rend noir et l'escriture demeure blanche, ou le chauffer devant le feu, tant que le papier roussisse et l'encre s'offusque; le mesme faict le jus d'oignon et l'eau encore toute simple. Si l'on trasse quelque chose sur le bras, un autre endroit du corps, avec du laict ou de l'urine, en jectant de la cendre dessus, elle y adhère et monstre ce qui y aura été desseigné. Le sel ammoniac, resouls à part soy à la cave ou autre lieu humide, si on escrit de ceste liqueur, tout demeure blanc; frottez le papier avec du coton trempé en eau distillée de vitriol ou de couperose: l'escriture apparoistra noire.
«Il y a un autre artifice de faire une petite incision à un œuf, avec la pointe d'un tranche-plume bien affilé, par laquelle on fourre dedans de petits billets de papier escris des deux costez, de la largeur de l'ouverture, non plus grande que de petit doigt et y en peult assez tenir. Puis, on la replastre avec de la craye ou ceruse, et de la chaulx vive empastées avec de la glaise. Si qu'il seroit bien malaisé d'y rien remarquer ne connoistre, quand bien mesme on les aurait fait durcir et peller, car cela demeure enclos en leur substance, sans que rien paroisse dehors.
«Il y a un autre malin artifice qui se faict avec de l'alun bruslé, destrempé en eau dont on escrit sur du papier: estant sec, tout deviendra blanc. On brusle d'autre part de la paille de froment qu'on estend en un linge, sur quoy on passe de l'eau tiedde par tant de fois qu'elle ait emporté toute la noirceur de la paille: puis, on escrit de cette encre, sur l'escriture blanche dessusdite, ce qu'on ne veut pas tenir secret: et pour lire ce qui est caché, s'effaçant ce qui apparoit manifeste, il fault avoir de l'eau-de-vie où l'on aye fait tremper des noix de galle concassées grossièrement, tant que l'eau-de-vie en ait attiré et embeu la teinture avec du coton mouillé dedans; l'escriture apparente s'esvanouira et l'occulte viendra à se descouvrir, noire comme est la commune. En quoy il y a certain secret qu'il ne m'a pas semblé devoir divulguer, non plus que d'une autre manière d'encre qui s'efface d'elle-mesme en quinze jours ou trois sepmaines, composée de pierre de touche, sablon d'Estampes, sang de pigeon, noix de galle et autres ingrediens, mesme de l'huille de tartre avec laquelle il fault destremper le tout, y adjoustant un peu d'encre affoiblie avecques de l'eau.»
De son côté, Porta indique ce qu'il appelle une manière très-simple d'écrire sur la peau en caractères ineffaçables: c'est avec de l'eau-forte imprégnée de cantharides; ou, si l'on veut que l'écriture ne soit visible que pendant quelques jours, il faut employer, pour écrire sur la peau, une dissolution d'argent ou de cuivre dans de l'eau-forte, et cette opération peut se faire sur un homme endormi, sans qu'il le sache.
Résumons les autres détails dans lesquels cet auteur et ses émules entrent à l'égard du sujet qui nous occupe.
L'écriture faite avec une eau de vitriol ne devient visible, qu'en passant par-dessus de la décoction de noix de galle. Le sel ammoniac, avec la chaux ou le savon, donne à l'écriture une couleur blanche.
Après avoir critiqué l'antique secret des tablettes enduites de cire, Porta indique les procédés suivants: Écrivez avec de la graisse de bouc sur du marbre; les lettres, en séchant, deviennent invisibles; plongez le marbre dans le vinaigre, elles reparaissent sur-le-champ. Imprimez sur un bois tendre, tel que celui de tilleul, de peuplier ou autre, des caractères, à la profondeur d'un demi-doigt; aplatissez ce bois à la presse jusqu'à ce que le creux ait entièrement disparu et qu'on ne voie plus de traces de lettres; celui à qui vous enverrez ce morceau de bois lira l'écriture en le plongeant dans l'eau.
Enduisez un œuf de cire; écrivez dessus, de manière à pénétrer jusqu'à la coquille sans l'endommager; tenez l'œuf pendant une nuit dans une dissolution d'argent par l'acide nitreux; ensuite, enlevez la cire, écaillez l'œuf et mettez la coquille entre votre œil et la lumière, les lettres paraissent plus transparentes et très-lisibles. La même chose a lieu en écrivant avec du jus de citron, qui amollit la coquille de l'œuf: faites durcir un œuf, enduisez-le de cire, gravez sur la cire des lettres qui laissent la coquille à découvert; mettez l'œuf dans une liqueur faite avec des noix de galle et de l'alun broyés ensemble; ensuite passez-le dans de fort vinaigre: les caractères pénétreront plus avant; ôtez la coquille, et vous verrez sur le blanc de l'œuf de belles lettres couleur de safran.
Écritures que l'eau rend visibles: Qu'on écrive avec du jus de citron, ou de coing, ou d'oignon, ou tout autre suc acide; quand ces lettres sont sèches, on n'aperçoit rien; écrivez, entre les lignes, avec de l'encre, des choses indifférentes, afin de dérouter tout soupçon. En approchant la lettre du feu, l'écriture cachée devient lisible. Broyez du sel ammoniac, mêlez-le dans l'eau, écrivez avec cette liqueur: l'écriture paraîtra de la même couleur que le papier; approchez-le du feu, les lettres paraîtront noires. Si l'on écrit avec du jus de cerises, l'écriture paraîtra verte au feu.
Il est aussi des écritures qu'on peut rendre visibles par l'emploi de l'eau seule. Ce que l'on écrit avec une dissolution d'alun devient invisible, en séchant; il ne faut que plonger le papier dans l'eau pour faire revivre l'écriture. Une lettre écrite sur du papier avec une eau de vitriol distillée ne devient visible qu'en plongeant le papier dans une infusion de noix de galle avec du verjus ou du vin, On broie aussi de la litharge que l'on met dans du vinaigre mêlé d'eau; on passe la décoction à la chausse, et on la met à part; on trace ensuite, sur la pierre, sur quelque partie du corps ou sur toute autre matière, avec du jus de citron, des caractères, qui, étant secs, n'ont aucune apparence d'écriture; en passant par-dessus de l'eau de litharge, les caractères paraissent blancs comme du lait.
Rabelais dont l'érudition encyclopédique touchait à toutes sortes de sujets, n'a point oublié les divers procédés de l'écriture occulte; il fait mention d'une lettre qu'une dame de Paris envoie à Pantagruel, lettre qui renfermait un anneau d'or, mais dans laquelle il ne se trouvait rien d'écrit. Panurge s'efforce de découvrir le sens de cette missive, disant que «la feuille de papier estoyt escripte, mais l'estoyt par telle subtilité que l'on n'y voyoit point d'escripture.
«Il la mist auprès du feu pour veoir si l'escripture estoyt faicte avec du sel ammoniac détrempé en eaue. Puys, la mist dedans l'eaue pour sçavoir si la lettre estoyt escripte du suc de tithymale. Puys, la monstra à la chandelle, si elle estoyt point escripte du jus d'oignons blancz.
«Puys, en frotta une partie d'huylle de noix, pour veoir si elle estoyt point escripte de lexif de figuier. Puys, en frotta une part de laict de femme alaictant sa fille première née, pour veoir si elle estoyt poinct escripte de sang de rabettes. Puys, en frotta un coing de cendres d'ung nid d'arondelles, pour veoir si elle estoyt escripte de rosée qu'on trouve dans les pommes d'alicacahut. Puys, en frotta ung aultre bout de la sanie des aureilles, pour veoir si elle estoyt escripte du fiel de corbeau. Puys, la trempa en vinaigre, pour veoir si elle estoit escripte de laict d'espurge. Puys, la graissa d'axunge de souris chaulves, pour veoir si elle estoit escripte avec sperme de baleine, qu'on appelle ambre gris. Puys, la myst tout doulcement dans un bassin d'eau fraische et soubdain la tira, pour veoir si elle estoyt escripte avec alun de plume.»
Rabelais cite, à l'occasion de ces tentatives infructueuses, trois auteurs auxquels la Cryptographie serait redevable d'importants travaux: «Messere Francesco di Nianse, le Thuscan, qui ha escript la manière de lire les lettres non apparentes; Zoroaster, dans son traité peri grammaton acriton, et Calphurnius Bassus, de litteris illegibilibus.»
Cet auteur Thuscan et ces livres grecs et latins sont tout à fait inconnus; il faut donc assigner à l'imagination de maître François le mérite de les avoir créés.
BIBLIOGRAPHIE
Il nous reste à signaler les principaux ouvrages qui se rapportent aux diverses branches de l'Art d'écrire par chiffres; nous ne prétendons pas offrir une liste absolument complète; c'est un but qu'on ne saurait jamais se flatter d'atteindre, mais nous espérons du moins ne pas avoir oublié d'écrits d'une importance réelle. Nous avons adopté l'ordre alphabétique comme étant celui qui facilite le mieux les recherches.
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Grischow (Aug.). Introductio in philologiam generalem, Jenæ, 1704, in-8. Le chap. IV roule sur l'art d'écrire en chiffres avec rapidité, et sur les moyens de découvrir pareils secrets.
Hanedi, Steganologia et Steganographia nova. Geheime, magische, natürliche Red- und Schreibekunst, Nuremberg (sans date), in-8, 299 pag. Le véritable nom de l'auteur est Daniel Schwenter, professeur de mathématiques à Altorf, mort en 1636.
Hilleri (L. H.) Mysterium artis steganographicæ novissimum, Ulmæ, 1682, in-8, 478 pag. Un errata de 6 pag. termine le volume. Cette multitude de fautes contribua sans doute au peu de succès de ce traité plus ample que celui de Breithaupt, mais moins méthodique. Il ne s'adapte spécialement qu'au latin, à l'italien, à l'allemand et au français, et seulement aux chiffres à clef simple ou dont l'alphabet n'est pas variable. L'auteur avait donné un aperçu de son travail dans son Opusculum steganographicum, publié à Tubingue en 1675.
Hindenburg (C. F.). Archiv der reinen und angewandten Mathematik. (Les cahiers 3 et 5 roulent sur l'art de chiffrer.)
Hottinga (Domin. de). Polygraphie ou méthode universelle de l'écriture cachée et cabalistique, Groningue, 1620, in-4. C'est la reproduction textuelle de la traduction de la Polygraphie de Trithème, publiée en 1541 par Gabriel de Collange. Hottinga n'a point hésité à donner ce travail comme étant entièrement son œuvre, et il déclare, dans sa préface, qu'il lui a consacré de longues et pénibles veilles. Il existe peu d'exemples d'un plagiat aussi effronté.
Jones. Hieroglyphic or a grammatical introduction to an universal hieroglyphic language, London, 1768.
Kalmar (Georgius). Præcepta grammatica atque Specimina linguæ philosophicæ sive universalis ad omne vitæ genus adcommodatæ. Berolini, 1772, in-4, 56 pag.
Kircheri (Athan.) Artificium cryptographicum, seu abacus numeralis, dans la Magia universalis de Schott, part. IV, lib. I.
—Polygraphia seu artificium linguarum, quocum omnibus totius mundi populis poterit quis correspondere, Rome, 1663, in-folio, Amsterd., 1680. Cet ouvrage curieux est divisé en trois parties; la première offre une pasigraphie en écriture universelle que chacun peut lire dans sa langue. Le principe d'où il part est un dictionnaire numéroté tel que Becher l'avait proposé sans l'exécuter; Kircher l'exécuta en petit sur cinq langues (le latin, le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol). Son vocabulaire a environ 1,600 mots; les formes variables des noms et des verbes sont exprimées par des signes de convention. La seconde partie donne une sténographie plus ingénieuse que celle de Trithème. La troisième partie concerne l'invention d'une boîte ou bureau stéganographique pour écrire ou lire très-promptement en chiffre quelconque.
Klüber (Lud.). Kryptographik, Lehrbuch der Geheimschreibekunst, Tubingue, 1809, in-8, 470 p.
Kortum (C. A.). Anfangsgründe der Entzifferungskunst deutscher Zifferschriften, Duisburg, 1782, in-8, 144 pag.
Langage (Le) muet, ou l'Art de faire l'amour sans se parler, sans écrire et sans se voir, Middelbourg, 1688, in-12.
Latour (Charlotte de). Le Langage des fleurs, Paris, 1820; 6e éd., 1845, in-12, 328 p. (L'auteur de cet ouvrage, en prose et en vers, est M. Aimé Martin.)
Leibnitz. Historia et commendatio linguæ characteristicæ universalis, dans ses Œuvres posthumes, éditées par Rashe, 144 pag.
(Lemang). Die Kunst der Geheimschreiberei,... im. G. L. Leipzig, 1797, in-4, 40 pag.
Lennep (D. J. de). Dissert. de M. Tullio Tirone, Amsterdam, 1804.
Lindner (Sam.). Elementa artis decifratoriæ, Regiomontani, 1770, in-8.
Mysterienbuch alter und neuer Zeit, oder Anleitung geheimer Schriften zu lesen, Leipzig, 1797, in-8, 115 pag.
Neyrin (J. P.). Principes du droit des gens. (Brunswick, 1783, in-8), pag. 160 et suiv.
Nouveau Traité de diplomatique, par deux religieux bénédictins (D. Toussaint et D. Tassin). Paris, 1750-65. 6 vol. in-4. Voy. tom. III, p. 499-622.
Niethammer (J. M.). Ueber Pasigraphie und Ideographie, Nurnberg, 1808, in-8.
Nouvelle Découverte d'une langue universelle pour les négociants, Paris, 1687, in-12.
Opus novum, præfectis arcium, imperatoribus exercituum, exploratoribus, peregrinis, inventoribus, militibus ac omnis industriæ et litteraturæ studiosis, principibus maxime utilissimum pro cipharis lingua latina, græca, italica et quavis alia multiformiter describentibus interpretandisque. (En latin et en italien, in-8, 44 feuillets.) À la fin on lit: Impressum Romæ, anno MDXXVI. Au second feuillet, l'auteur se donne le nom de Jacques Silvestre, citoyen de Florence.
Ozanam (Jacques). Récréations mathématiques et physiques, 1778, 4 vol. in-8. On y trouve diverses méthodes de Sténographie.
Pancirolli (Guidonis). Rerum memorabilium sive deperditarum commentarius, 1660, in-4. Il parle des chiffres, pag. 262 et suiv.
Polizeischrift, geheime, des Grafen von Vergennes, 1793, in-8, 46 pag.
Porta (J. B.). De furtivis litterarum notis vulgo de ziferis libri quinque, Neapoli, 1563, in-4. Autres éditions: Londres, 1591, in-4.—Montbelliard, 1593, in-8.—Naples, 1602, in-folio.—Strasbourg, 1603, in-8.
— Magia naturalis, Naples, 1558.—Anvers, 1561.—Naples, 1589.—Leyde, 1644 et 1651. Il est question, dans le livre XVI, de l'art de chiffrer.
Prasse (M. de). De reticulis cryptographicis, Lipsiæ, 1799, in-4, 14 pag.
Ramsay (C. A.). Art d'écrire aussi vite qu'on parle, Paris, 1783, in-12. L'original est en latin; il parut dès 1678 et fut réimprimé avec une version française (par A. D. G.). Paris, 1681. Depuis cette dernière date, ce livre a été souvent réimprimé en France et à l'étranger, dans la fin du dix-septième siècle. Les anciennes éditions portaient pour titre: Tacheographie ou l'Art d'écrire, etc. On en connaît une traduction allemande, Leipzig, 1745, in-8.
Sarpe, Prolegomena ad tachygraphiam romanam, Rostock, 1829, in-4.
Schmidt (J. M.). Vollstændiges wissenschaftliches Gedankenverzeichniss zum Behuf einer allgemeinen Schriftsprache, Dillingen, 1807, in-8.
— Grundsætze für eine allgemeine Schriftlehre, 1816-1818, 2 vol. in-8.
Schott (Gaspard). Schola steganographica in classes octo distributa, Nuremberg, 1665, in-4. D'autres éditions de 1666 et de 1680 sont indiquées par les bibliographes.
— Thaumaturgus physicus seu magia universalis naturæ et artis, 1657-1659, 4 vol. in-4; 1677. On trouve, dans le quatrième volume de cet ouvrage curieux, des notions détaillées sur les divers moyens imaginés par les anciens et les modernes, pour se communiquer leurs pensées à l'aide de l'écriture secrète.
Seleni, Gustavi (id est, Augusti, ducis Brunsvicensis), Cryptomenyticis et Cryptographiæ libri IX, in quibus et planissima Steganographiæ J. Trithemii enodatio traditur, inspersis ubique auctoris et aliorum non contemnendis inventis, Luneburgi, 1624, in-folio.
Solbrit (Dav.). Ratio scribendi per zifras, 1726, in-8.
— Allgemeine Schrift oder Art durch Ziffern zu schreiben, Coburg, 1736, in-8. C'est la traduction de l'ouvrage latin précédent.
Steganographia recens detecta, Ulm, 1764, in-8, 97 p. Malgré son titre latin, cet ouvrage est en allemand (semblable circonstance n'est pas rare pour d'anciens écrits publiés au delà du Rhin). L'auteur a gardé l'anonyme, mais il a signé la préface des lettres C. W. P.
Stein (A.). Ueber Schriftsprache und Pasigraphie, München, 1809, in-8.
Stieler (C. von). Deutsche Secretariatskunst. Nuremberg, 1678, in-4. Voir tom. I, pag. 547-555.
Stubenrauch. Histoire abrégée de la Cryptographie. Il s'en trouve un extrait dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, t. I, 1745, p. 105 et suiv.
Tod (Al.). The olive-leafe or an universal A. B. C., London, 1603, in-8.
Trithemii (J.). Polygraphiæ libri VI, Oppenheim, 1518, in-folio.—Francof., 1550.—Colon., 1564.—Argent., 1600 et 1613.—Colon., 1671.
— Steganographia, Francof., 1606.—Darmst., 1606,—Francof., 1608.—Darmst., 1621—Colon., 1635.
— La Polygraphie et universelle écriture de Trithème, traduit du latin par Gabriel de Collange[8], Paris, 1561, 1621, 1625, in-8.
Voici les titres de deux ouvrages composés dans le but de défendre la mémoire de Trithème contre l'accusation de magie dirigée contre lui: