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La Germanie: Texte latin avec introduction, notes et lexique des noms propres

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[1] Usurpatum est employé substantivement et équivaut à une proposition relative: quod usurpatur raro et privata cujusque audentia. Il est expliqué appositionnellement par les infinitifs submittere, exuere.
[2] Consensum, coutume acceptée par tous.
[3] Votivum obligatumque, voué et consacré au courage, c.-à-dire par lequel ils s’obligent à se conduire vaillamment. — Habitum. Cf. 17, note 9.
[4] Super: parce que la victime est considérée comme gisant à leurs pieds. — Revelant, ils découvrent (en coupant leurs cheveux). — Pretia nascendi retulisse, avoir payé la dette de leur naissance, le prix de leur existence, mérité la vie qu’ils ont reçue.
[5] Squalor, l’aspect hideux que leur donne une chevelure longue et inculte.
[6] Fortissimus quisque: cf. 15, note 2.
[7] Donec absolvat: cf. 2, note 11.
[8] Plurimis, un grand nombre. Cf. 13, note 12.
[9] Jamque canent insignes = jam canentes insignes sunt. Insignis se dit proprement de celui qui porte un signe spécial auquel on le reconnaît. Cf. Virg., Én., VI, 167: Et lituo pugnas insignis obibat et hasta. — Monstrati. C’est une marque de célébrité bien connue. Cf. Horace, Od., IV, 2. Quod monstror digito prætereuntium. Perse, I, 28: At pulchrum est digito monstrari et dicier: hic est.
[10] Hæc. C’est d’eux qu’est formé le premier rang. — Nova, nouveau, par conséquent inaccoutumé, surprenant, étrange. Cf. 43: novum ac velut infernum aspectum.
[11] Mitiore: prolepse. L’adjectif marque d’avance le résultat. Cf. 30, note 3.
[12] Prout ad quemque: cf. 28, note 4.
[13] Contemptores, sans souci de. — Sui: génitif de suum.
[14] Impares, inégaux, qui ne sont pas à la hauteur de; c.-à-d. incapables de soutenir cette sauvage bravoure.

32. Proximi Chattis certum jam alveo[1] Rhenum quique terminus esse sufficiat[2] Usipi ac Tencteri colunt. Tencteri super[3] solitum bellorum decus, equestris disciplinæ arte præcellunt; nec major apud Chattos[4] peditum laus quam Tencteris equitum. Sic instituere majores, posteri imitantur. Hi lusus infantium, hæc[5] juvenum æmulatio; perseverant senes. Inter[6] familiam et penates et jura successionum equi traduntur; excipit[7] filius, non, ut cetera, maximus natu, sed prout ferox bello et melior[8].

[1] Certum jam alveo: par opposition au cours supérieur du Rhin.
[2] Quique (talis qui)... sufficiat. Proposition relative marquant la conséquence (Gr. lat., 502). — Sufficere avec l’infinitif n’est pas classique.
[3] Super, outre. Cf. 30, note 13.
[4] Apud Chattos, Tencteris. Tacite aime à varier les constructions.
[5] Hi, hæc, ce sont là les jeux, etc. Cf. 13, note 4.
[6] Inter, comme faisant partie de, c.-à-d. sur le même pied. Cf. 30, note 12. Familia désigne ici spécialement les esclaves qu’on se partageait dans la succession. — Jura successionum. L’abstrait pour le concret: tout ce qui tombe sous la réglementation des droits de succession.
[7] Excipit (et non pas accipit) marque mieux la continuité d’une même tradition dans la famille.
[8] Bello se rattache aussi à melior, plus brave. Cf. en grec ἀμείνων. Iliade, VI, 479: καί ποτέ τις εἴπῃσι· πατρός γ’ ὅδε πολλὸν ἀμείνων .

33. Juxta Tencteros Bructeri olim occurrebant[1]: nunc Chamavos et Angrivarios immigrasse narratur[2], pulsis Bructeris ac penitus excisis[3] vicinarum consensu[4] nationum, seu superbiæ odio, seu prædæ dulcedine, seu favore quodam erga nos deorum; nam ne spectaculo[5] quidem prœlii invidere. Super[6] sexaginta millia non armis telisque[7] Romanis, sed, quod magnificentius est, oblectationi oculisque[8] ceciderunt. Maneat, quæso, duretque gentibus, si non amor nostri, at certe[9] odium sui: quando[10], urgentibus[11] imperii fatis, nihil jam præstare fortuna majus potest quam hostium discordiam.

[1] Occurrebant, se présentaient, c.-à-d. se trouvaient.
[2] Narratur ne s’emploie impersonnellement qu’après l’époque classique (Gr. lat., 448 et 449).
[3] Penitus excisis. C’est exagéré sans doute, car les Bructères apparaissent encore à diverses reprises dans l’histoire.
[4] Consensu, ici, «coalition».
[5] Spectaculo: datif. — Invidere signifie littéralement regarder d’un œil malveillant, puis envier, enfin, comme ici, refuser par sentiment de jalousie.
[6] Super, au delà de. Cf. 30, note 13.
[7] Armis telisque: cf. 29, note 7.
[8] Oblectationi oculisque: datifs d’intérêt et hendiadyn, au lieu de oblectationi oculorum. Tacite se montre ici bien Romain: Rome a assisté tranquille aux luttes sanglantes de ses ennemis et goûté le plaisir qu’éprouvaient les spectateurs en regardant les gladiateurs s’égorger dans l’arène.
[9] Si non, at certe: Gr. lat., 543. — Amor nostri, l’affection envers nous: génitif objectif (Gr. lat., 249).
[10] Quando = quandoquidem, du moment que.
[11] Urgentibus. Nous n’avons pu nous décider à supprimer ce mot malgré les difficultés qu’il soulève et les spécieuses raisons données par M. Brunot (Étude sur le De moribus Germanorum). Tite-Live avait déjà dit, V, 36: Jam urgentibus Romanam urbem fatis... Ce mot résume toutes les inquiétudes de Tacite sur l’avenir de son pays. Cf. Introduction.

34. Angrivarios et Chamavos a tergo[1] Dulgubnii et Chasuarii claudunt aliæque gentes haud perinde memoratæ[2], a fronte Frisii excipiunt. Majoribus minoribusque Frisiis vocabulum[3] est ex modo virium. Utræque nationes[4] usque ad Oceanum Rheno prætexuntur, ambiuntque[5] immensos insuper lacus et Romanis classibus navigatos. Ipsum quin etiam Oceanum illa[6] tentavimus, et superesse adhuc Herculis columnas[7] fama vulgavit, sive[8] adiit Hercules, seu quicquid ubique magnificum est in claritatem ejus referre consensimus. Nec defuit audentia Druso Germanico[9], sed obstitit Oceanus in se simul atque in Herculem inquiri[10]. Mox[11] nemo tentavit, sanctiusque ac reverentius visum de actis deorum credere quam scire.

[1] A tergo, a fronte. Tacite indique la position relative de ces peuples par rapport à un spectateur placé sur le Rhin. C’est de là surtout que Rome surveillait la Germanie. Cf. 42, note 3. — Claudunt, excipiunt expriment d’une façon pittoresque l’idée qui correspond aux expressions a tergo, a fronte.
[2] Haud perinde memoratæ, dont on ne parle pas autant, c.-à-d. moins connues, ou plutôt de moindre importance.
[3] Vocabulum équivaut à nomen et se construit comme lui (Gr. lat., 282). — Ex, d’après. Cf. 7, note 1.
[4] Le pluriel de uterque pour désigner deux nations est peu correct. On trouve aussi, Ann., XVI, 11: illa utrosque intuens, où il s’agit de deux personnes.
[5] Ambiunt, embrassent. — Immensos lacus. Ce qu’on appelle le Zuiderzée n’avait pas à l’époque de Tacite toute l’étendue actuelle, mais il devait exister de vastes lacs dans ces contrées. — Et signifie «aussi» et tombe sur Romanis classibus. Cf. 10, note 15. Tacite fait allusion aux expéditions de Drusus et de Germanicus.
[6] Illa, s.-e. parte, de ce côté. — Tentavimus et plus bas obstitit in se inquiri: on voit que l’océan est en quelque sorte personnifié. Ces sortes de personnifications sont un des caractères du style de Tacite.
[7] Herculis columnas. Les anciens plaçaient aussi des colonnes d’Hercule au détroit de Gibraltar.
[8] Sive, seu. Le changement de forme de la conjonction accentue l’absence de symétrie des deux propositions.
[9] Germanico. Ce surnom est aussi donné à Drusus, Hist., V, 19.
[10] Obstitit inquiri. Cette construction ne se rencontre qu’ici. Obstare est construit avec l’infinitif, comme prohibere dont il a le sens.
[11] Mox: cf. 10, note 4.

35. Hactenus[1] in occidentem Germaniam novimus. In septentrionem ingenti flexu redit[2]. Ac primo statim Chaucorum gens, quanquam[3] incipiat a Frisiis ac partem littoris occupet, omnium quas exposui gentium lateribus obtenditur, donec[4] in Chattos usque sinuetur. Tam immensum terrarum spatium non tenent tantum Chauci, sed et[5] implent, populus inter Germanos nobilissimus, quique magnitudinem suam malit[6] justitia tueri. Sine cupiditate, sine impotentia[7], quieti secretique[8] nulla provocant bella, nullis raptibus aut latrociniis populantur. Id præcipuum[9] virtutis ac virium argumentum est, quod, ut superiores[10] agant, non per injurias assequuntur. Prompta tamen omnibus arma ac, si res poscat, exercitus, plurimum virorum equorumque; et quiescentibus[11] eadem fama.

[1] Hactenus: sens local. C’était la Germanie occidentale que les Romains connaissaient le mieux. Aussi les indications géographiques de Tacite, qui étaient jusqu’ici assez peu précises, vont devenir de plus en plus vagues. La description des mœurs se mêlera également de détails fabuleux.
[2] Ingenti flexu redit: elle forme un vaste détour en remontant vers le nord. Les côtes de la Germanie ont en effet cette forme, mais il ne s’agit peut-être que de la presqu’île Cimbrique.
[3] Quanquam: cf. 28, note 16.
[4] Donec... sinuetur, «forme une enclave qui se prolonge jusqu’aux Chattes». Cf. sinus, 29, note 15.
[5] Sed et = sed etiam. — Implent, ils le remplissent (par la densité de leur population).
[6] Malit. Le subjonctif indique que cette proposition relative marque la conséquence. Ce peuple est, entre tous les peuples germaniques, le plus noble et tel qu’il préfère, c.-à-d. le seul qui préfère.
[7] Impotentia, passion violente. Impotens se dit de celui qui n’est pas maître de lui-même; le contraire est sui compos. Cf. ἀκρατής et ἐγκρατής.
[8] Secreti, vivant retirés, isolés, c.-à-d. ne sortant pas de leurs frontières pour inquiéter leurs voisins.
[9] Præcipuum: cf. 6, note 18.
[10] Superiores est au nominatif et se rapporte à Chauci. — Agant: cf. 17, note 2.
[11] Quiescentibus: en temps de paix.

36. In latere Chaucorum Chattorumque Cherusci nimiam ac marcentem[1] diu pacem illacessiti nutrierunt: idque jucundius quam tutius fuit, quia inter impotentes[2] et validos falso quiescas; ubi manu agitur, modestia ac probitas nomina superioris sunt[3]. Ita qui olim[4] boni æquique Cherusci, nunc inertes ac stulti vocantur; Chattis victoribus, fortuna in sapientiam cessit[5]. Tracti ruina[6] Cheruscorum et Fosi, contermina gens; adversarum rerum ex æquo[7] socii sunt, cum in secundis minores fuissent.

[1] Marcentem, énervante. — Illacessiti, sans agresseurs. Les Chérusques que Tacite peint ici comme amollis avaient autrefois lutté courageusement contre les Romains sous la conduite d’Arminius.
[2] Impotentes, turbulents. Cf. 35, note 7. — Falso quiescas, «le repos est illusoire». Cf. 14, note 8.
[3] Nomina superioris sunt: ces vertus sont attribuées à celui qui l’emporte, au plus fort.
[4] Qui olim, s.-e. vocabantur: zeugma. Cf. 2, note 17.
[5] In sapientiam cessit, litt., tourna en sagesse, c.-à-d. leur succès leur tint lieu de sagesse, leur fit une réputation de sagesse.
[6] Tracti ruina, qui forme ici image, est employé au sens propre. Histoires, III, 29: Quæ (balista) summa valli ruina sua traxit.
[7] Ex æquo. Tacite emploie l’ablatif neutre d’un adjectif avec ex dans le sens d’un adverbe. Cf. Agricola, 15: ex facili. Le même tour existe en grec: ἐκ τοῦ εὐθέος, ἐξ ἴσου.

37. Eumdem Germaniæ sinum[1] proximi Oceano Cimbri tenent, parva nunc civitas, sed gloria[2] ingens. Veterisque famæ lata vestigia manent, utraque ripa[3] castra ac spatia[4], quorum ambitu nunc quoque metiaris[5] molem manusque gentis et tam magni exitus fidem[6]. Sexcentesimum et quadragesimum annum[7] Urbs nostra agebat, cum primum Cimbrorum audita sunt arma, Cæcilio Metello ac Papirio Carbone consulibus. Ex quo si ad alterum[8] imperatoris Trajani consulatum computemus, ducenti ferme et decem anni colliguntur. Tam diu Germania vincitur[9]. Medio tam longi ævi spatio multa invicem[10] damna. Non Samnis, non Pœni, non Hispaniæ Galliæve, ne Parthi quidem sæpius admonuere[11]: quippe regno Arsacis[12] acrior est Germanorum libertas. Quid enim aliud nobis quam cædem Crassi, amisso et ipse Pacoro[13], infra Ventidium[14] dejectus Oriens objecerit? At[15] Germani, Carbone et Cassio et Scauro Aurelio et Servilio Cæpione Cn. quoque Manlio fusis vel captis, quinque simul[16] consulares exercitus populo Romano[17], Varum tresque cum eo legiones etiam Cæsari abstulerunt. Nec impune[18] C. Marius in Italia, divus Julius in Gallia, Drusus ac Nero et Germanicus in suis eos sedibus[19] perculerunt. Mox[20] ingentes Gai Cæsaris minæ in ludibrium versæ. Inde otium, donec occasione discordiæ nostræ et civilium armorum[21] expugnatis legionum hibernis, etiam Gallias affectavere[22], ac rursus inde pulsi proximis temporibus triumphati[23] magis quam victi sunt.

[1] Sinum. Il s’agit de la presqu’île Cimbrique dont Tacite parle plus haut. Cf. 35: Germania in septentrionem ingenti flexu redit, et la note 2.
[2] Gloria: ablatif de relation.
[3] Utraque ripa: ablatif de lieu sans in. Cf. 10, note 10.
[4] Castra ac spatia = castrorum spatia; spatia renferme l’idée de vaste étendue.
[5] Metiaris: cf. 14, note 8. — Molem manusque, la masse et la force de ce peuple. Cf. Ann., I, 61: Prima Vari castra lato ambitu et dimensis principiis trium legionum manus ostentabant.
[6] Fidem, la foi qu’il faut ajouter à, c.-à-d. une si vaste enceinte rend croyable ce qu’on raconte de leur émigration (exitus).
[7] Les historiens anciens, qui ne visent pas à une précision scientifique, se contentent souvent du nombre rond: ici 640 est pour 641 ou 113 av. J.-C. et plus loin 210 est pour 211.
[8] Ad alterum. Trajan fut consul pour la seconde fois aussitôt après la mort de Nerva en 98 après J.-C. Ce passage nous donne la date de la composition de la Germanie.
[9] Vincitur. Le présent, comme l’imparfait, marque une action qu’on est en train de faire, qui, par conséquent, n’est point encore achevée: on est occupé à vaincre la Germanie, sans qu’on puisse dire une fois pour toutes qu’elle est soumise. Cf. plus loin la même idée: Triumphati magis quam victi.
[10] Invicem: cf. 22, note 9. Ce mot joue le rôle d’adjectif auprès de damna: des dommages réciproques. Cf. 2, note 5.
[11] Sæpius admonuere, ne nous donnèrent de plus fréquents avertissements. Sur le parfait en ēre, cf. 6, note 19.
[12] Regno Arsacis, la monarchie des Parthes dont Arsace fut le fondateur. — Regnum forme antithèse avec libertas. — Acrior, plus vigoureuse, résistante, opiniâtre dans la défense.
[13] Amisso et ipse Pacoro. Construction hardie, assez fréquente chez Tite-Live, qui consiste à conserver au nominatif, dans une proposition au participe absolu passif, ipse (ou quisque) représentant la personne qui jouerait le rôle de sujet dans la tournure active. C’est comme s’il y avait: cum et ipse (oriens) Pacorum amisisset. Il faut d’ailleurs que ce nominatif ainsi conservé représente la même personne que le sujet du verbe principal. — Pacorus: cf. lexique.
[14] Infra Ventidium, sous un homme comme Ventidius. Ce Ventidius avait été muletier et s’était élevé, grâce à la protection de César, jusqu’aux plus hautes charges. Cf. lexique.
[15] At marque une forte opposition (Gr. lat., 542).
[16] Simul: toutes les défaites dont parle ici Tacite avaient été subies en quelques années et durant la même guerre. Pour la date de ces luttes, voir le lexique.
[17] Populo Romano, au peuple Romain, c.-à-d. au temps de la République par opposition au gouvernement des Césars. Cæsari désigne ici Auguste. Jules César est nommé dans ce chapitre et au chap. XXVIII: divus Julius.
[18] Nec impune, et ce ne fut pas impunément, c.-à-d. sans éprouver de grandes pertes.
[19] In suis eos sedibus. Suus s’emploie régulièrement pour renvoyer à un mot autre que le sujet de la proposition, lorsque le contact est immédiat. Suus a d’ailleurs ici le sens emphatique de «leur propre» (Gr. lat., 446, 1o).
[20] Mox, puis. Cf. 10, note 4. — Ingentes: il y a de l’ironie dans ce mot. Cf. Agricola, 13: Ingentes adversus Germaniam conatus. Caligula termina la guerre par une ridicule supercherie. Cf. Gaius, au lexique.
[21] Civilium armorum. Il s’agit des guerres civiles entre les empereurs Othon, Vitellius et Vespasien.
[22] Gallias affectavere. Civilis et les Bataves voulaient enlever la Gaule à l’empire romain.
[23] Triumphati. Le passif de triumphare se trouve déjà dans Virgile, Én., VI, 836: triumphata Corintho. En prose, il est postérieur à l’âge classique. Cf. 25, note 11. Tacite fait peut-être allusion à Domitien et à son ridicule triomphe.

38. Nunc de Suebis dicendum est, quorum non una ut Chattorum Tencterorumve gens; majorem enim Germaniæ partem[1] obtinent, propriis adhuc[2] nationibus nominibusque discreti, quanquam in commune Suebi vocentur. Insigne[3] gentis obliquare crinem nodoque substringere. Sic Suebi a ceteris Germanis, sic Sueborum ingenui a servis separantur. In aliis gentibus, seu cognatione aliqua Sueborum seu, quod sæpe accidit, imitatione, rarum[4] et intra juventæ spatium: apud Suebos usque ad canitiem horrentem capillum retorquent[5], ac sæpe in ipso vertice religant. Principes[6] et ornatiorem habent. Ea cura formæ[7], sed innoxia: neque enim ut ament amenturve, in altitudinem[8] quamdam et terrorem adituri bella comptius[9] hostium oculis ornantur.

[1] Majorem partem, la majeure partie (Gr. lat., 340).
[2] Adhuc, jusqu’à présent. — Quanquam: Cf. 28, note 16. — In commune: cf. 5, note 2.
[3] Insigne, «trait distinctif». Cf. 31, note 9, et 29, note 4. — Obliquare, détourner quelque chose de sa direction naturelle; ici, retrousser les cheveux pour les nouer.
[4] Rarum. Pour expliquer seu cognatione aliqua seu imitatione, il faut traduire: cet usage se rencontre, mais rarement.
[5] Retorquent, ils retroussent leurs cheveux en les tordant pour les nouer soit sur la nuque, soit souvent sur le sommet même de la tête (in ipso vertice). Cf. Martial (De spect., 3): Crinibus in nodum tortis venere Sicambri.
[6] Principes, non seulement les rois ou chefs de cité, mais les nobles en général.
[7] Ea cura formæ, c’est là le souci qu’ils prennent de leur beauté.
[8] In altitudinem: acc. avec in pour marquer le but. L’omission de la particule sed qu’on attendrait devant ces mots (asyndeton), jointe au changement de tournure, marque énergiquement l’opposition des deux membres de phrase.
[9] Comptius (solito): cf. Ragon, Gr. lat., 334. — Oculis: datif d’intérêt.

39. Vetustissimos se nobilissimosque Sueborum Semnones memorant. Fides[1] antiquitatis religione firmatur. Stato[2] tempore in silvam auguriis[3] patrum et prisca formidine sacram omnes ejusdem sanguinis populi legationibus[4] coeunt, cæsoque publice homine, celebrant barbari ritus horrenda primordia. Est et alia luco reverentia[5]: nemo nisi vinculo ligatus ingreditur, ut[6] minor et potestatem numinis præ se ferens. Si forte prolapsus est, attolli et insurgere[7] haud licitum; per humum evolvuntur. Eoque omnis superstitio[8] respicit, tanquam inde[9] initia gentis, ibi regnator omnium deus, cetera subjecta atque parentia. Adjicit auctoritatem[10] fortuna Semnonum: centum pagi iis habitantur, magnoque corpore[11] efficitur ut se Sueborum caput credant.

[1] Fides avec le génitif de l’objet, comme 37, note 6. — Religione, pratique religieuse.
[2] Stato dit plus que constituto: à une date fixe et périodiquement.
[3] Auguriis paraît avoir un sens plus général qu’à l’ordinaire: des cérémonies religieuses. Ce mot commence un hexamètre. Il s’en trouve plusieurs dans les écrits de Tacite; bien que ce puisse être l’effet du hasard, celui qui commence les Annales n’a pas dû échapper à l’attention de l’écrivain.
[4] Legationibus, en se faisant représenter par des députés. — Cæso homine, en immolant un homme. Ici le participe passé passif équivaut à un présent (Ragon, Gr. lat., 400, rem., et Riemann, Synt. lat., § 156, rem. 1). Cf. 40, note 12.
[5] Reverentia, marque de vénération.
[6] Ut introduit l’explication de cette coutume. — Minor, inférieur (à la divinité), c.-à-d. comme symbole de sa faiblesse. — Aliquid præ se ferre, afficher, faire voir ostensiblement.
[7] Attolli et insurgere, se soulever et se mettre debout; attolli est un passif à sens moyen, comme plus bas evolvuntur. Cf. 22, note 3.
[8] Omnis superstitio, toutes les pratiques superstitieuses dont ce bois est l’objet. — Eo respicit tanquam: cf. 12, note 5.
[9] Inde (sint): cf. 13, note 8.
[10] Auctoritatem. Il ne s’agit plus de l’autorité de cette tradition, mais de celle des Semnons eux-mêmes; Tacite, après avoir prouvé l’antiquité des Semnons par leur religion, prouve maintenant leur noblesse par leur puissance.
[11] Corpore, le corps même de la nation.

40. Contra Langobardos paucitas[1] nobilitat. Plurimis ac valentissimis nationibus cincti non per obsequium, sed prœliis et periclitando[2] tuti sunt[3]. Reudigni deinde et Aviones et Anglii et Varini et Eudoses et Suardones et Nuithones[4] fluminibus aut silvis muniuntur. Nec quicquam notabile in singulis, nisi quod[5] in commune Nerthum[6], id est Terram matrem, colunt eamque intervenire rebus hominum, invehi populis[7] arbitrantur. Est in insula[8] Oceani castum[9] nemus, dicatumque in eo vehiculum veste[10] contectum; attingere uni sacerdoti concessum. Is adesse penetrali[11] deam intelligit vectamque bubus feminis multa cum veneratione prosequitur[12]. Læti tunc dies, festa loca quæcumque adventu hospitioque[13] dignatur. Non bella ineunt, non arma sumunt; clausum omne ferrum; pax et quies tunc tantum nota, tunc tantum amata, donec idem sacerdos satiatam conversatione mortalium deam templo reddat. Mox[14] vehiculum et vestes et, si credere velis, numen ipsum secreto lacu abluitur. Servi ministrant, quos statim idem lacus haurit[15]. Arcanus hinc terror sanctaque ignorantia, quid sit illud quod tantum perituri vident.

[1] Paucitas sert de transition en s’opposant au magnum corpus des Semnons.
[2] Prœliis ac periclitando: allitération. Cf. 27, note 5.
[3] Tuti sunt, ils pourvoient à leur sûreté. Pour plus de variété les trois compléments marquant le moyen sont exprimés par trois tournures différentes: per obsequium, prœliis, periclitando.
[4] Il est difficile de déterminer exactement le lieu qu’habitaient ces peuples, dont la plupart ne sont connus que de nom. Cf. lexique.
[5] Nisi quod: cf. 29, note 11. — In commune: cf. 5, note 2.
[6] Nerthum: nom fém. de la 4e déclinaison; on l’écrit quelquefois Herthum ou Hertham pour le rattacher à l’allemand Erde (anglais Earth). — Tacite identifie Nerthus avec la déesse Cybèle, Terram matrem. Cf. 9, note 1.
[7] Invehi populis, parcourir les peuples montée sur un char.
[8] Insula: probablement l’île de Rügen dans la Baltique.
[9] Castum, pur, parce que les hommes n’y pénètrent pas, c.-à-d. sacré.
[10] Veste, et plus loin au pluriel vestes, voile. Cf. 10, note 3 à la fin.
[11] Penetrali: c’est sans doute l’intérieur du char qui sert de sanctuaire. Templo, quelques lignes plus loin, ne désigne probablement que la partie de la forêt où réside la déesse.
[12] Vectam équivaut à un participe présent: tandis qu’elle est portée sur le char. Cf. 39, note 4.
[13] Adventu hospitioque ne font pas double emploi: l’un marque le simple passage, l’autre le séjour.
[14] Mox: cf. 10, note 4. — Numen ipsum, l’image de la déesse, non pas une statue, mais plutôt une représentation grossière ou un symbole. Cf. 7, note 6.
[15] Haurit, engloutit. Expression énergique qui s’harmonise bien avec ces sombres et mystérieuses pratiques.

41. Et hæc quidem pars Sueborum in secretiora Germaniæ[1] porrigitur. Propior, ut quomodo paulo ante Rhenum[2], sic nunc Danuvium sequar, Hermundurorum civitas, fida Romanis; eoque solis Germanorum non[3] in ripa commercium, sed penitus atque in splendidissima Rætiæ provinciæ colonia[4]. Passim sine custode[5] transeunt; et cum ceteris gentibus arma modo castraque nostra ostendamus, his domos villasque patefecimus non concupiscentibus[6]. In Hermunduris Albis[7] oritur, flumen inclitum et notum olim; nunc tantum auditur.

[1] Secretiora Germaniæ. La construction d’un adjectif neutre au positif ou au comparatif avec le génitif partitif est rare chez Cicéron et César, mais très fréquente chez les poètes et certains prosateurs.
[2] Rhenum, s.-e. secutus sum: zeugma. Cf. 2, note 17.
[3] Non... sed, au lieu de non solum... sed etiam. — Commercium, le droit de faire le commerce. — Penitus, à l’intérieur de l’empire.
[4] Colonia: Augsbourg (Augusta Vindelicorum).
[5] Passim et sine custode, partout et sans garde. Sur certaines frontières, par exemple sur celle des Tenctères, près de Cologne, les Romains interdisaient le passage aux étrangers ou les faisaient accompagner d’un Romain qui les surveillait. Cf. Histoires, IV, 64.
[6] Non concupiscentibus, sans qu’ils songent à les convoiter.
[7] Albis: on suppose généralement que Tacite confond ici l’Elbe avec son affluent l’Éger. — Notum olim. Les légions romaines, dans plusieurs expéditions, avaient campé sur les bords de l’Elbe; à l’époque de Tacite, on ne connaissait plus ce fleuve que pour en avoir entendu parler.

42. Juxta Hermunduros Naristi ac deinde Marcomani[1] et Quadi agunt. Præcipua Marcomanorum gloria viresque, atque ipsa etiam sedes, pulsis olim Boiis, virtute parta. Nec Naristi Quadive degenerant[2]. Eaque[3] Germaniæ velut frons est, quatenus Danuvio præcingitur. Marcomanis Quadisque usque ad nostram memoriam reges manserunt ex gente ipsorum, nobile Marobodui et Tudri genus[4]; jam et externos patiuntur. Sed vis et potentia regibus ex auctoritate Romana. Raro armis nostris, sæpius pecunia juvantur[5], nec minus valent.

[1] Marcomani: cf. 28, note 9.
[2] Nec degenerant, ne sont pas non plus indignes d’eux.
[3] Ea s’accorde avec l’attribut par attraction. Cf. 13, notes 4 et 9. — Velut frons, en quelque sorte le front de la Germanie, c’est-à-dire la partie antérieure, la plus rapprochée des Romains du côté du Danube, qu’atteignait la province de Rhétie. Cf. 34, note 1.
[4] Nobile genus. On ne connaît pas autrement cette dynastie. On n’a aucun détail sur Tuder lui-même; quant à Maroboduus, cf. Ann., II, 63. On ne sait rien non plus sur leurs successeurs, sinon qu’ils étaient imposés par Rome, comme le dit Tacite.
[5] Juvantur (reges). Les Romains fournissaient à ces rois étrangers, dévoués aux intérêts de l’empire, des subsides qui suffisaient à maintenir leur autorité.

43. Retro[1], Marsigni, Cotini, Osi, Buri terga Marcomanorum Quadorumque claudunt. E quibus Marsigni et Buri sermone cultuque Suebos referunt[2]; Cotinos Gallica, Osos Pannonica lingua coarguit non esse Germanos, et quod tributa patiuntur[3]. Partem tributorum Sarmatæ, partem Quadi, ut[4] alienigenis imponunt. Cotini, quo magis pudeat[5], et ferrum effodiunt. Omnesque hi populi pauca[6] campestrium, ceterum saltus et vertices montium insederunt. Dirimit enim scinditque Suebiam continuum montium jugum[7], ultra quod plurimæ gentes agunt[8], ex quibus latissime patet Lugiorum nomen in plures civitates diffusum. Valentissimas nominasse sufficiet, Harios, Helveconas, Manimos, Helysios, Nahanarvalos. Apud Nahanarvalos antiquæ religionis lucus ostenditur. Præsidet sacerdos muliebri ornatu[9], sed deos interpretatione Romana[10] Castorem Pollucemque memorant: ea vis numini[11], nomen Alcis. Nulla simulacra, nullum peregrinæ superstitionis vestigium; ut fratres tamen, ut juvenes venerantur. Ceterum Harii, super[12] vires quibus enumeratos paulo ante populos antecedunt, truces insitæ feritati arte ac tempore lenocinantur: nigra scuta, tincta corpora; atras ad prœlia noctes legunt; ipsaque formidine[13] atque umbra feralis exercitus terrorem inferunt, nullo hostium[14] sustinente novum ac velut infernum aspectum: nam primi in omnibus prœliis oculi vincuntur. Trans Lugios Gotones regnantur[15], paulo jam adductius[16] quam ceteræ Germanorum gentes, nondum tamen supra libertatem. Protinus deinde ab[17] Oceano Rugii et Lemovii. Omniumque harum gentium insigne[18] rotunda scuta, breves gladii et erga reges obsequium.

[1] Retro, par opposition à frons (42, note 3), c.-à-d. vers le nord-est.
[2] Referre Suebos sermone équivaut à sermonem Sueborum referre, qui se dit également. Virgile, Én., IV, 329: Qui te tamen ore referret.
[3] Quod tributa patiuntur est relié par et à lingua, comme étant au même titre sujet de coarguit. Sur les propositions complétives avec quod, cf. Gr. lat., 470.
[4] Ut: cf. 39, note 6.
[5] Quo magis pudeat, pour surcroît de honte; non pas qu’il y ait honte pour eux à s’employer aux mines, comme on traduit quelquefois, mais ce fer qu’ils savent extraire devrait servir à sauver leur liberté.
[6] Pauca avec le génitif partitif. Cf. 41, note 1. — Ceterum, pour le reste, par opposition à pauca.
[7] Continuum montium jugum, une chaîne de montagnes. Il s’agit ici du Riesengebirge.
[8] Agunt: cf. 17, note 2.
[9] Muliebri ornatu. On traduit, généralement: en habit de femme; selon Müllenhof, il ne s’agit que de l’arrangement des cheveux.
[10] Interpretatione romana. Tacite avoue ici ce qu’on a déjà observé ch. 9, note 1, et 40, note 6. — Memorant, comme 3, note 1. Cf. 2, note 14.
[11] Numini. Ces deux dieux dont le culte est uni sont considérés comme formant une seule divinité. — Alcis: datif pluriel. Pour la construction, cf. 34, note 3.
[12] Super, outre. Cf. 30, note 13. — Lenocinantur, viennent en aide à, enchérissent encore sur. — Arte et tempore sont expliqués par ce qui suit: nigra scuta, atras noctes.
[13] Ipsa formidine, par la crainte seule. Cf. 13, note 12. — Feralis, lugubre.
[14] Hostium nullo = nullo hoste. — Novum, étrange. Cf. 31, note 10.
[15] Regnantur: cf. 25, note 11. — On peut remarquer ici la concision de Tacite: les Gotons habitent au delà des Lugiens et sont gouvernés par des rois.
[16] Adductius. On dit adducere habenas, amener à soi les rênes, serrer le frein; de là le sens de adductius, plus étroitement, plus sévèrement. — Supra, au-dessus de, c.-à-d. sans que la liberté succombe complètement sous l’autorité des rois.
[17] Protinus ab, immédiatement à partir de, c.-à-d. sur le bord même de.
[18] Insigne: cf. 38, note 3. — Et: emploi non classique. Cf. 30, note 7.

44. Suionum hinc civitates, ipso in Oceano[1], præter viros armaque classibus valent. Forma navium eo differt, quod utrinque prora[2] paratam semper appulsui frontem agit. Nec velis ministrant[3] nec remos in ordinem lateribus adjungunt: solutum, ut in quibusdam fluminum[4], et mutabile, ut res poscit, hinc vel illinc remigium. Est apud illos et opibus honos, eoque[5] unus imperitat, nullis jam exceptionibus[6], non precario jure parendi[7]. Nec arma, ut apud ceteros Germanos, in promiscuo[8], sed clausa sub custode, et quidem servo, quia subitos hostium incursus prohibet Oceanus, otiosæ porro[9] armatorum manus facile lasciviunt. Enimvero neque nobilem neque ingenuum, ne libertinum quidem armis præponere regia utilitas est[10].

Suionibus Sitonum gentes continuantur. Cetera[11] similes uno differunt, quod femina dominatur: in tantum non modo a libertate, sed etiam a servitute degenerant.

[1] Ipso in Oceano. Il s’agit de la Scandinavie, que Tacite et ses contemporains prenaient pour une île.
[2] Utrinque prora, la proue qui se trouve des deux côtés. L’arrière du navire était, comme l’avant, en forme de proue. — Utrinque joue le rôle d’adjectif. Cf. 37, note 10.
[3] Velis est au datif, comme s’il y avait: velis ministerium præstant. On explique aussi: velis (ablatif) naves ministrant. Cf. Virg., Én., VI, 302, où velis ministrat reçoit aussi cette double interprétation.
[4] Quibusdam fluminum: cf. 43, note 14.
[5] Eoque, et à cause de cela, aussi. Tacite passe bien rapidement sur cette affirmation qui est contestable.
[6] Nullis jam exceptionibus, sans restrictions. Jam indique l’opposition avec ce qui se passe chez les autres peuples dont il a été parlé jusqu’ici.
[7] Jure parendi, le droit à l’obéissance. C’est inutilement qu’on a voulu substituer imperandi à parendi. Le gérondif latin se traduit d’ordinaire par un infinitif actif précédé d’une préposition; mais dans certains cas il semble avoir un sens passif qu’il n’a pas en réalité: il est alors l’équivalent d’un substantif verbal. Ainsi C. Nepos, Att., 9: spes restituendi nulla erat, comme s’il y avait restitutionis. Salluste, Jug., 62: cum Jugurtha ad imperandum vocaretur, pour recevoir des ordres, litt., pour le commandement. En français nous avons des constructions analogues: La fortune vient en dormant, on paie en servant.
[8] In promiscuo, dans toutes les mains. Chez Tacite l’adjectif neutre précédé de in remplit souvent les fonctions d’attribut ou d’adverbe. Cf. Hist., III, 2: Fortuna in integro est. L’expression in promiscuo se trouve d’ailleurs aussi chez Tite-Live, Sénèque, etc. Cf. 36, note 7.
[9] Porro, et en outre, d’autre part.
[10] Regia utilitas est = regibus utilitati est. Cf. 13, note 6.
[11] Cetera: cf. 17, note 2. — La proposition complétive commençant par quod sert d’apposition à uno. — In tantum, litt., «à un tel degré».

45. Trans Suionas aliud[1] mare, pigrum ac prope immotum, quo cingi claudique terrarum orbem hinc[2] fides, quod extremus cadentis jam solis fulgor in ortum[3] edurat adeo clarus, ut sidera hebetet. Sonum insuper emergentis audiri[4] formasque equorum et radios capitis[5] adspici persuasio adjicit. Illuc usque, et fama vera[6], tantum natura.

Ergo jam[7] dextro Suebici maris littore Æstiorum gentes alluuntur, quibus ritus[8] habitusque Sueborum, lingua Britannicæ propior. Matrem deum venerantur. Insigne[9] superstitionis formas aprorum gestant: id pro armis omnique tutela securum deæ cultorem etiam inter hostes præstat. Rarus ferri, frequens fustium usus. Frumenta ceterosque fructus patientius quam pro solita Germanorum inertia laborant[10]. Sed et mare scrutantur ac soli omnium sucinum[11], quod ipsi glæsum vocant, inter vada atque in ipso littore legunt. Nec quæ natura quæve ratio gignat[12], ut[13] barbaris, quæsitum compertumve. Diu quin etiam inter cetera ejectamenta maris jacebat, donec luxuria nostra dedit nomen[14]. Ipsis in nullo usu: rude[15] legitur, informe perfertur, pretiumque mirantes accipiunt. Sucum tamen[16] arborum esse intellegas, quia terrena quædam atque etiam volucria animalia plerumque interlucent, quæ implicata humore mox durescente materia clauduntur. Fecundiora igitur nemora lucosque sicut Orientis secretis[17], ubi tura balsamaque sudantur, ita Occidentis insulis terrisque inesse crediderim, quæ vicini solis radiis expressa atque liquentia in proximum mare labuntur ac vi tempestatum in adversa littora exundant. Si naturam[18] sucini admoto igne tentes, in modum tædæ accenditur alitque flammam pinguem et olentem; mox ut in picem resinamve lentescit.

[1] Aliud, par opposition à l’Océan dont Tacite a parlé plus haut. — Pigrum. On ne sait pas au juste quelle mer est désignée ici. Les uns veulent reconnaître l’Océan glacial, dont des géographes grecs plus anciens que Tacite parlent déjà; d’autres, seulement le golfe qui sépare au sud la Suède de la Norvège; mais il est plus probable qu’il s’agit de la mer déjà décrite dans l’Agricola, 10: mare pigrum et grave remigantibus, c.-à-d. l’espace compris entre les Orcades et l’antique Thulé (les îles Shetland).
[2] Hinc annonce la prop. complétive commençant par quod, et hinc fides (est) = hoc probatur. À l’époque classique le nombre des locutions formées d’un substantif et de esse (fas est, tempus est, mos est) qui se construisent avec l’infinitif est assez restreint, mais à l’époque impériale ces constructions se multiplient; on a: finis est, pudor est, amor est, fides est, etc.
[3] In ortum, jusqu’au lever du soleil. Cf. 22, note 2.
[4] Sonum audiri. Les anciens croyaient que le soleil, plongé dans les eaux comme une masse de fer rouge, surtout à son coucher, faisait entendre des sifflements. Juvénal, Sat. 14, 280: Audiet Herculeo stridentem gurgite solem.
[5] Capitis. Pour les anciens le soleil est un dieu monté sur un char et dont le front rayonne. — Persuasio, la croyance, par opp. à ce qui est prouvé par des faits (fides).
[6] Et fama vera, et ce qu’on raconte est vrai. Ici Tacite accepte la responsabilité de l’assertion, parce que son beau-père Agricola lui a fourni à ce sujet des renseignements précis. On sait d’ailleurs que Tacite confond le nord de la Scandinavie avec celui de la Grande-Bretagne. Cf. note 1. — Natura tantum, le monde ne s’étend pas plus loin.
[7] Ergo jam. Comme le monde finit en cet endroit, Tacite revient donc maintenant en arrière. — Mare Suebicum: cf. lexique.
[8] Ritus habitusque, la manière de vivre et l’extérieur.
[9] Insigne: cf. 38, note 3. — Formas aprorum: sans doute des statuettes de bois que l’on portait sur soi comme des amulettes.
[10] Frumenta laborant. L’accusatif avec laborare est poétique. Cf. vallare noctem, au ch. 30. — Patientius quam pro. Le comparatif ainsi construit indique la disproportion entre deux termes (Gr. lat., 335). Traduisez: avec plus de patience qu’on n’en attendrait de la paresse habituelle des Germains.
[11] Sucinum, le succin ou ambre jaune, que les Grecs appelaient ἤλεκτρον. — Glæsum: on peut rapprocher ce mot de l’allemand Glas, corps transparent, verre.
[12] Quæ natura (sit) quæve ratio gignat, quelle est sa nature et quel est son mode de production. Cf. note 18.
[13] Ut: cf. 2, note 15. — Barbaris: datif complément d’un verbe passif (cf. 16, note 1) en apposition à iis sous-entendu.
[14] Dedit nomen, lui fit une réputation, le mit à la mode.
[15] Rude, brut, informe, sans être travaillé. — Pretium mirantes accipiunt. C’est dans les traits de ce genre que se révèle le grand peintre que nous admirons en Tacite: un seul mot nous montre ici l’étonnement qui saisit le Barbare à son premier contact avec une civilisation qu’il ne comprend pas.
[16] Tamen, cependant, c.-à-d. quoique ceux qui le recueillent ne puissent fournir aucun renseignement sur sa nature. — Volucria animalia. André Chénier dit en parlant de l’ambre (Poème sur l’invention, v. 248): «Tombe odorante où vit l’insecte volatile.» — Plerumque, souvent. Cf. 13, note 12.
[17] Orientis secretis (s.-e. inesse credo), dans les pays les plus reculés de l’Orient. — Crediderim, je serais porté à croire. Cf. 2, note 2. — Quæ, des matières qui.
[18] Naturam: cf. note 12. — Mox, puis. Cf. 10, note 4. — Ut in picem resinamve, en formant une sorte de poix ou de résine. In marque le résultat. Cf. 23, note 2.

46. Hic Suebiæ finis. Peucinorum Venedorumque et Fennorum nationes Germanis an Sarmatis adscribam dubito, quanquam Peucini, quos quidam Bastarnas vocant, sermone, cultu, sede ac domiciliis[1] ut Germani agunt: sordes omnium[2] ac torpor. Conubiis mixtis[3] nonnihil in Sarmatarum habitum fœdantur. Venedi multum ex moribus[4] traxerunt; nam quicquid inter Peucinos Fennosque silvarum ac montium erigitur latrociniis pererrant. Hi tamen inter Germanos potius referuntur, quia et domos figunt[5] et scuta gestant et pedum usu ac pernicitate gaudent: quæ omnia diversa Sarmatis sunt in plaustro equoque viventibus. Fennis mira feritas, fœda paupertas: non arma, non equi, non penates[6]; victui herba, vestitui pelles, cubile humus. Solæ in sagittis spes, quas inopia ferri ossibus asperant[7]. Idemque venatus viros pariter ac feminas alit: passim[8] enim comitantur partemque prædæ petunt. Nec aliud infantibus ferarum imbriumque suffugium[9] quam ut in aliquo ramorum nexu contegantur. Huc redeunt juvenes, hoc senum receptaculum. Sed beatius arbitrantur quam ingemere agris[10], illaborare domibus, suas alienasque fortunas spe metuque versare: securi adversus homines, securi adversus deos, rem difficillimam assecuti sunt, ut illis ne voto quidem opus esset[11].

Cetera jam fabulosa: Hellusios et Oxionas ora hominum vultusque, corpora atque artus ferarum[12] gerere. Quod ego ut incompertum in medio relinquam.

[1] Sede ac domiciliis, par la manière dont ils forment leurs agglomérations et disposent leurs demeures. — Agunt, vivent. Cf. 17, note 2.
[2] Omnium (est), se rencontre chez tous.
[3] Conubiis mixtis, par les mariages qu’ils contractent avec les Sarmates. — In ici encore marque le résultat. Cf. 45, note 18.
[4] Ex moribus (Sarmatarum) s’oppose à habitum, l’extérieur, et multum à nonnihil.
[5] Domos figunt, ils ont des demeures fixes. — Pedum usu, la marche. Les Sarmates au contraire étaient nomades et passaient leur vie à cheval ou dans des chariots.
[6] Non penates, pas d’intérieur, pas de maisons, soit fixes comme celles des Vénèdes, soit roulantes comme celles des Sarmates. Cf. 15, note 3.
[7] Ossibus asperare, litt., rendre pointu avec des os, c.-à-d. armer d’os pointus.
[8] Passim, partout. Cf. 41, note 5.
[9] Imbrium suffugium, refuge contre la pluie. Cf. 16, note 10.
[10] Agris: datif. — Illaborare domibus, peiner en construisant des maisons.
[11] L’influence de la rhétorique et la recherche de l’effet sont visibles dans tout ce passage.
[12] Artus ferarum. Il est probable que ceux dont Tacite tient directement ou indirectement ces renseignements ont été trompés par l’extérieur de ces hommes du Nord qui se vêtaient entièrement des peaux de divers animaux.

LEXIQUE DES NOMS PROPRES

A B C D E F G H I J L M N O P Q R S T U V
A

Abnoba mons, 1, le mont Abnoba, dans la Forêt Noire. Il s’appelle encore aujourd’hui Abenauer Gebirge.

Æstii, 45, les Æstiens, sur la côte orientale de la Baltique. Ce sont les ancêtres des Lithuaniens et des Prussiens.

Africa, 2.

Agrippinenses, 28, les habitants de Cologne (Colonia agrippinensis). C’est le nom que prirent les Ubiens après qu’Agrippine, fille de Germanicus et femme de Claude, eut établi chez eux une colonie.

Albis, 41, l’Elbe, fleuve de Germanie qui se jette dans la mer du Nord.

Albruna, 8, Albruna, prophétesse des Germains.

Alci, 43, les Alci, nom de deux dieux honorés par les Naharvales; Tacite les assimile à Castor et Pollux.

Alpes Ræticæ, 1, les Alpes Rhétiques, ainsi nommées à cause de la province romaine de Rhétie; elles commencent au Saint-Gothard.

Anglii, 40, les Angles ou Angliens, peuplade germanique qui occupait probablement une partie du Sleswig-Holstein.

Angrivarii, 33, 34, les Angrivariens, qui habitaient sur les bords du Weser, au nord des Chamaves et des Chérusques.

Aravisci, 28, les Aravisques, peuplade de Pannonie, sur la rive droite du Danube.

Arsaces, 37, Arsace, fondateur du royaume des Parthes (256).

Asciburgium, 3, Asburg ou Asberg, près du confluent de la Ruhr avec le Rhin.

Asia, 2.

Aviones, 40, les Aviones, qui habitaient probablement les îles qui se trouvent à l’ouest du Sleswig-Holstein.

B

Bastarnæ, 46, les Bastarnes, peuplade germanique. Les auteurs anciens donnent ce nom, les uns à des Gaulois du Danube, d’autres à des Gètes, d’autres enfin à des Scythes; voyez au mot Peucini.

Batavi, 29, les Bataves; ils appartenaient d’abord à la nation des Chattes. Ils occupèrent plus tard l’île formée par le Rhin et le Wahal.

Boihæmum, 28, la Bohême, du nom de ses premiers habitants les Boïens.

Boii, 28, 42, les Boïens, qui appartenaient à la race celtique. Ils occupaient la Bohême et une partie de la Bavière.

Britannica lingua, 45, la langue celtique parlée dans la Grande-Bretagne.

Bructeri, 33, les Bructères, qui habitaient le bassin de la Lippe jusqu’à l’Ems; ils se divisaient en Bructeri majores et minores.

Buri, 43, les Bures, peuplade de la nation des Suèves, qui habitait vers les sources de l’Oder et du Waag.

C

Cæcilius Metellus, 37, collègue de Papirius Carbon, fut consul avec lui en 113 avant J.-C.

Cæsar, 37, l’empereur Auguste.

Carbo, 37, le consul Cneius Papirius Carbon qui fut battu par les Cimbres en 113 avant J.-C., non loin de Noreia en Carinthie, vers les sources de la Drave.

Cassius, 37, le consul L. Cassius Longinus, battu en 107 avant J.-C. dans le pays des Allobroges.

Castor Polluxque, 43, Castor et Pollux, les deux fils de Léda, que Tacite identifie avec les dieux Alci des Naharvales.

Chamavi, 33, 34, les Chamaves. Ils habitaient près de l’Yssel et du Zuiderzée.

Chasuarii, 34, les Chasuares, qui habitaient entre le Weser et la Haase.

Chatti, 29, 30, 31, 35, 36, 38, les Chattes, peuplade germanique. Ils habitaient dans le pays des Hessois d’aujourd’hui.

Chauci, 35, 36, les Chauques. Ils habitaient le bassin du bas Weser jusqu’à l’Ems d’un côté et de l’autre jusqu’à l’Elbe.

Cherusci, 36, les Chérusques. Ils habitaient entre le cours supérieur du Weser et l’Elbe au nord-est des Chattes.

Cimbri, 37, les Cimbres, peuplade probablement germanique qui occupait à l’époque de Tacite une partie de la presqu’île danoise: Κιμβρικὴ χερσόνησος.

Cotini, 43, les Cotins, peuplade de race celtique qui habitait au nord de la Hongrie, entre les sources de l’Oder et de la Vistule.

Crassus, 37. Crassus fit partie du triumvirat avec César et Pompée. Il fut vaincu et tué en 53 avant J.-C. dans une bataille contre les Parthes.

D

Daci, 1. Les Daces, peuplade des Thraces, habitaient les contrées appelées aujourd’hui Moldavie, Roumanie, Valachie, et le sud-est de la Hongrie.

Danuvius, 1, 29, 41, 42, le Danube, fleuve. Dans son cours inférieur il s’appelle aussi Ister (Ἴστρος).

Decumates agri, 29, les champs Décumates, territoire qui se trouvait dans l’angle formé par les cours supérieurs du Danube et du Rhin.

Drusus, 34, 37, Drusus Néron Germanicus, frère de Tibère, fit une expédition contre les Germains 12–9 avant J.-C.; de là son surnom de Germanicus.

Dulgubnii, 34, les Dulgubniens, peuplade de race germanique qui habitait entre les Langobards et les Chérusques, sur les bords de l’Aller (Alara).

E

Eudoses, 40, les Eudoses, qui appartenaient à la nation des Suèves. Ils habitaient le Jutland.

F

Fenni, 46, les Finnois d’aujourd’hui. Ils habitaient le nord de la Scandinavie.

Fosi, 36, les Foses. Ils habitaient au sud de l’Aller (Alara). C’est peut-être leur nom qu’on retrouve dans Fosa, petite rivière affluent de l’Aller.

Frisii, 34, 35, les Frisons. Ils habitaient autour du lac Flevo, depuis l’embouchure du Rhin jusqu’à l’Ems.

G

Gaius Cæsar, 37, l’empereur Caligula (37 à 41 après J.-C.). Après un semblant d’expédition en Germanie, il fit déguiser des Gaulois en Germains pour les faire servir à son triomphe.

Gallia, 5, 27, 37, la Gaule. Elle est nommée aussi Galliæ parce qu’elle se divisait en trois parties.

Gambrivii, 2, les Gambriviens, nation germanique, d’ailleurs inconnue. Ils habitaient probablement les bords de la Ruhr.

Germani, 2, 16, 27, 30, 31, 35, 37, 41, 43, 44, 45, 46, les Germains. Le sens étymologique de ce mot est contesté. On le fait signifier tantôt homme de guerre (War, guerre; Mann, homme), tantôt voisins. On prétend aussi y voir l’équivalent de βοὴν ἀγαθοί (celtique garm, cri).

Germania, 1, 2, 5, 27, 28, 29, 30, 37, 38, 42, la Germanie.

Germanicus, 34, 37. Germanicus, fils de Drusus, combattit les Germains de 14 à 16 après J.-C. et vengea le massacre des légions de Varus.

Gotones, 43, peuple de race germanique qui habitait les bords de la Vistule inférieure jusqu’au Pregel.

H

Harii, 43, les Hariens, qui habitaient entre les cours supérieurs de l’Oder et de la Vistule.

Hellusii, 46, les Hellusiens, peuple fabuleux qui selon Tacite habitait le nord-est de l’Europe.

Helvecones, 43, les Helvecones, dont le nom s’écrit aussi Helvæones, peuplade des Suèves qui habitait à l’ouest du cours inférieur de la Vistule.

Helvetii, 28, les Helvètes. Selon Tacite ils étaient d’origine celtique et avaient été chassés de leur pays par les Hermondures. César les trouva établis en Suisse.

Helysii, 43, les Helysiens, peuplade des Suèves qui habitaient entre les cours supérieurs de l’Oder et de la Vistule.

Hercules, 3, 9, 34, Hercule. Il semble que cette appellation gréco-romaine désigne le dieu Thor, qui portait lui aussi une massue.

Hercynia silva, 28, la forêt Hercynienne, appelée aussi Hercynius saltus, ch. 30, et par Aristote Ἀρκύνια ὄρη, chaîne de montagnes boisées qui comprenait la Forêt Noire, le Thuringer Wald, le Fichtelgebirge, les monts de Bohême et les autres chaînes qui traversent le sud de l’Allemagne.

Herminones, 2, les Herminones, nom commun à toutes les peuplades du centre de la Germanie.

Hermunduri, 41, 42, les Hermondures, peuplade germanique qui occupait la région du Jura Franconien, entre le Danube, le Mein et les sources de la Saale.

Hispanæ, 37, les Espagnes, ainsi nommées parce que l’Espagne se divisait en citerior (au nord) et ulterior (au sud).

I

Ingævones, 2, les Ingévones, nom commun aux peuplades germaniques qui habitaient les côtes de l’Océan.

Isis, 9, Isis, déesse égyptienne, dont Tacite prétend retrouver le culte parmi les Germains; c’est peut-être la divinité germanique Nehalennia.

Istævones, 2, les Istévons, nom commun aux peuplades germaniques de la rive droite du Rhin.

Italia, 2, l’Italie.

J

Julius, 28, 37, Jules César, le vainqueur des Gaules, qui avait décrit la Germanie avant Tacite.

L

Laertes, 3, Laerte, père d’Ulysse.

Langobardi, 40, les Langobards, peuplade de la nation des Suèves qui habitait entre l’Elbe et l’Oder.

Lemovii, 43, les Lémoviens, peuplade germanique, d’ailleurs inconnue, qui habitait probablement dans la Poméranie.

Lugii, 43, les Lugiens, nom commun à plusieurs peuplades qui habitaient entre l’Oder et la Vistule dans les pays qui forment aujourd’hui la Pologne, la Silésie et la Gallicie.

M

Manimi, 43, les Manimes, peuplade de la nation des Suèves, qui habitait entre le cours inférieur de la Vistule et de l’Oder.

Manlius, 37, Cn. Manlius ou Mallius, consul en 105 avant J.-C., fut battu par les Cimbres sur les rives du Rhône.

Mannus, 2, Mannus, fils du dieu Tuiston.

Marcomani, 42, 43, les Marcomans (c’est-à-dire habitants des frontières), peuplade germanique qui habita d’abord au sud du Mein et qui chassa ensuite les Boïens de la Bohême.

Marius, 37, Marius, fameux général romain (153–86): il vainquit les Cimbres et les Teutons à Aquæ Sextiæ (Aix) en 102 et à Verceil en 101.

Marobuduus, 42, Marobuduus ou Marbod, roi des Marcomans; il fut battu par les Chérusques commandés par Arminius et dut se réfugier chez les Romains.

Mars, 9, Mars, dieu de la guerre chez les Romains; la divinité germanique que Tacite lui assimile est sans doute Tiu ou Ziu.

Marsi, 2, les Marses, peuple de race germanique qui habitait probablement dans le bassin du Weser.

Marsigni, 43, les Marsignes, peuple de la nation des Suèves qui habitait entre les monts des Géants et l’Oder.

Mattiaci, 29, les Mattiaques. Ils habitaient dans le bassin du Mein, aux environs du Taunus. Les sources qui se trouvent à Wiesbaden au pied du Taunus portaient le nom de aquæ Mattiacæ ou fontes Mattiaci.

Mercurius, 9, dieu gréco-romain. La divinité germanique que Tacite désigne du nom de Mercure est Wodan ou Odin.

Mœnus, 28, le Mein, affluent du Rhin.

N

Naharvali, 43, les Naharvales, peuplade de la nation des Suèves qui habitait entre l’Oder et la Vistule.

Naristi, 42, les Naristes, peuplade germanique qui habitait entre le Fichtelgebirge et le Danube.

Nemetes, 28, les Nemètes, peuplade germanique qui habitait sur la rive gauche du Rhin, aux environs de Spire.

Nero, 37, Tiberius Claudius Néron, qui fut depuis l’empereur Tibère. Il fit contre les Germains plusieurs expéditions dont la dernière eut lieu en 11 après J.-C.

Nerthus, 40, la déesse Nerthus que Tacite assimile à la Terra Mater.

Nervii, 28, les Nerviens, peuplade d’origine probablement gauloise, mais qui se disait de race germanique. Ils habitaient entre l’Escaut et la Meuse.

Noricum, 5, province du Norique, entre le Danube et les Alpes Carniques.

Nuithones, 40, les Nuithons, peuplade de la nation des Suèves qui habitait probablement à l’est de l’Elbe, au sud de la presqu’île Cimbrique.

O

Oceanus, 1, 2, 3, 17, 34, 37, 40, 43, 44, l’océan. Dans la Germanie, oceanus septentrionalis désigne tantôt la mer du Nord, tantôt la Baltique. Oceanus exterior, la partie orientale de la Baltique que Tacite suppose prolongée au delà de la Scandinavie que les anciens prenaient pour une île.

Osi, 28, 43, les Oses, peuplade que Tacite semble rattacher aux Pannoniens. Ils habitaient au sud-est des sources de la Vistule.

Oxiones, 46, les Oxions, peuple fabuleux du nord-est de l’Europe.

P

Pacorus, 37, Pacorus, fils d’Orodès, roi des Perses. Ayant pris parti pour les meurtriers de César, il battit le lieutenant d’Antoine en 40 avant J.-C., mais il fut vaincu et tué l’année suivante par Ventidius.

Pannonia, 5, 28, la Pannonie, qui s’étendait entre la province de Norique à l’ouest, la Save au sud, le Danube au nord et à l’est.

Pannonii, 1, les Pannoniens, habitants de la Pannonie; ceux du nord paraissent avoir été de race celtique; ceux des bords de la Save qui étaient les vrais Pannoniens appartenaient à la race illyrienne.

Parthi, 17, 37, les Parthes, peuple d’origine indo-européenne; leur empire, fondé par Arsace au IIIe siècle avant J.-C., s’étendit à l’ouest jusqu’à l’Euphrate; ils furent souvent en lutte avec les Romains.

Peucini, 46, les Peucins. On désignait sous ce nom une peuplade de Bastarnes qui habitait à l’embouchure du Danube une île appelée Πεύκη.

Pœni, 37, les Carthaginois.

Pollux, 43, voyez au mot Castor.

Ponticum mare, 4, le Pont-Euxin ou mer Noire, dans laquelle se jette le Danube.

Q

Quadi, 42, 43, les Quades, peuplade germanique qui habitait dans la Moravie en s’étendant vers le sud jusqu’au Danube.

R

Ræti, 1, les Rhètes, habitants de la Rhétie, spécialement sur les deux versants des Alpes dites Rhétiques.

Rætia, 3, 41, la Rhétie, réduite en province romaine sous Auguste (15 avant J.-C.); elle comprenait le Tyrol, la Bavière au sud du Danube et à l’est du Leck.

Reudigni, 40, les Reudignes, peuplade germanique qui habitait à l’est de l’embouchure de l’Elbe.

Rhenus, 1, 2, 3, 28, 29, 34, 41, le Rhin, qui bornait la Germanie à l’ouest.

Rugii, 43, les Rugiens, peuplade germanique qui occupait la Poméranie à l’est de l’embouchure de l’Oder.

S

Samnis, 37, le Samnite, c’est-à-dire les Samnites qui luttèrent contre les Romains de 343 à 290 et leur infligèrent l’humiliation des Fourches Caudines.

Sarmatæ, 1, 17, 43, 46, les Sarmates, nation slave qui habitait à l’est de la Vistule, peut-être jusqu’au Volga. Ils étaient encore moins connus des Romains que les Germains.

Scaurus Aurelius, 37, général romain qui, envoyé comme lieutenant consulaire contre les Cimbres, fut battu et tué par eux sur les rives du Rhône.

Semnones, 39, les Semnons, peuplade germanique qui habitait entre l’Elbe et l’Oder dans le bassin de la Sprée.

Servilius Cæpio, 37, proconsul romain qui fut battu par les Cimbres près d’Orange en 105 avant J.-C.

Sitones, 44, 45, les Sitones qui habitaient en Suède sur les côtes du golfe de Botnie.

Suardones, 40, les Suardons, peuplade de la nation des Suèves qui habitait entre l’Elbe et l’Oder, dans le Mecklembourg.

Suebi, 2, 9, 38, 45, les Suèves, peuple de race germanique. Ils habitaient un vaste territoire dont les limites sont mal connues, probablement entre le Danube, l’Elbe, l’Oder et la Baltique (mare suebicum).

Suebia, 43, 46, la Suévie, pays des Suèves; voir au mot précédent.

Suebicum mare, 45, la mer des Suèves, c’est-à-dire la Baltique.

Suiones, 44, 45, les Suiones, peuplade germanique qui habitait le sud de la Scandinavie et peut-être les îles de l’embouchure de l’Oder. Ce sont probablement les ancêtres des Suédois.

T

Tencteri, 32, 38, le Tenctères, peuplade germanique qui habitait sur la rive droite du Rhin, entre la Ruhr et la Lahn.

Trajanus, 37, Trajan, empereur romain contemporain de Tacite, qui régna de 98 à 117 ap. J.-C.

Treveri, 28, les Trévires, qui habitaient sur les deux rives de la Moselle; leur nom est resté à la ville de Trèves (Augusta Treverorum). Le fond de la population était probablement celtique, mais absorbé par des conquérants germains.

Triboci, 28, les Triboques, peuplade germanique qui habitait sur la rive gauche du Rhin, dans les Vosges, jusqu’à Strasbourg.

Tuder, 42, Tuder, roi des Quades ou des Marcomans, d’ailleurs inconnu.

Tuiston, 2, divinité germanique que les Germains reconnaissaient pour leur ancêtre (cf. Tuisto et Deutsch).

Tungri, 2, les Tongres, peuplade germanique qui habitait sur la rive gauche de la Meuse autour de la ville de Tongres.

U

Ubii, 28, les Ubiens, peuplade germanique. Ils habitèrent d’abord sur la rive droite du Rhin, Agrippa les fit passer sur la rive gauche. Leur ville (oppidum Ubiorum) fut appelée Colonia Agrippinensis (Cologne) lorsque Agrippine, femme de l’empereur Claude, y eut fondé une colonie romaine.

Ulysses, 3, Ulysse, qui, après la guerre de Troie, avait, selon la légende, abordé dans bien des pays et peut-être en Germanie.

Usipi, 32, les Usipes, peuplade germanique qui occupait la rive droite du Rhin, au nord de la Ruhr.

V

Vandilii ou Vandalii, 2, les Vandales, peuplade germanique qui habitait au nord-est de la Germanie entre l’Oder et la Vistule. Ils changèrent d’ailleurs plusieurs fois de séjour.

Vangiones, 28, les Vangions, peuplade germanique qui occupait la vallée du Rhin autour de Worms.

Varini, 40, les Varins, peuplade germanique de la famille des Suèves qui occupait le nord du Sleswig et le sud du Jutland.

Varus, 37, Quintilius Varus, général romain, lieutenant de l’empereur Auguste, qui fut battu par Arminius et massacré avec ses légions dans la forêt de Teutberg (Teutoburgerwald) en l’an 9 après J.-C.

Veleda, 8, fameuse prophétesse de la nation des Bructères. Elle prit part à la révolte de Civilis et des Bataves; plus tard elle fut amenée à Rome pour orner un triomphe.

Venedi, 46, les Venèdes, peuple slave qui habitait à l’est du cours inférieur de la Vistule.

Ventidius, 37, P. Ventidius Bassus, lieutenant d’Antoine qui vainquit et tua Pacorus, roi des Parthes. Voyez le Commentaire.

Vespasianus, 8, Vespasien, empereur romain de 69 à 79, le premier des Flaviens.


TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET Cie. — MESNIL (EURE).

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