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La maison d'un artiste, Tome 1

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—Un marché à la volaille du temps. Allée de boutiques faites de quatre perches, au haut desquelles est noué, servant de toit, un vieux morceau de toile, d'où pendent accrochés toutes sortes de volatiles. Au premier plan du marché, peuplé de vendeuses et d'acheteuses, une vieille femme agenouillée sort d'un panier, appelé couveuse, un poulet qu'elle met entre les mains d'une fillette.

Dessin sur papier jaune, au bistre, rehaussé de blanc de gouache.

Portant la marque du chevalier Damery.

H. 23, L. 28.

—Une marchande de marrons en train de renverser le contenu de sa poêle dans un morceau de couverture; à côté un garde française embrassant une grisette; dans le fond, une femme jouant du violon auprès d'un homme qui fait la parade devant les tableaux d'une baraque.

Dessin sur papier jaune, au bistre, rehaussé de blanc de gouache.

Portant la marque du chevalier Damery.

H. 23, L. 28.

Hoin (Claude). Un nom d'artiste complètement sombré, et que seulement depuis quelques années vient de réapprendre aux amateurs le passage, dans les ventes d'estampes, de deux ou trois gravures en couleur d'après ses compositions. Les experts avaient une telle défiance de l'inconnu de son nom, et cela encore à la vente Tondu, qu'ils livraient aux enchères ses gouaches, signées en toutes lettres, sous le nom de Fragonard. Un très habile gouacheur que Hoin, et peut-être l'inventeur de ces petits zigzags de blanc, employés si joliment par Hall dans les demi-teintes neutres de ses étoffes, et qui font l'effet de ces sillons brillants qu'un patin laisse sur la glace. Hoin faisait, par parenthèse, annoncer que ces coups de blanc étaient exécutés avec le blanc de zinc, tout nouvellement inventé par le chimiste de Morveau. Hoin, en définitive, est l'un des quatre ou cinq plus remarquables gouacheurs du siècle. On ne peut lui reprocher qu'un goût trop prononcé pour la coloration gorge de pigeon, qui apporte à ses compositions une harmonie un peu ardoisée.

—Mme Dugazon dans le rôle de Nina. Elle est représentée en fichu de gaze, en corsage jaune, en robe de mousseline blanche à dessous rose, courant vers une grille de château, des fleurs dans les cheveux, un bouquet à la main.

Gouache.

Signé sur une pierre de la grille: Hoin P. de M. (peintre de Monsieur), 1789.

Composition différente de Nina la folle, gravée en couleur par Janinet en 1787, d'après Hoin.

Vente Tondu.

H. 25, L. 19.

Houel (Jean-Pierre-Louis). D'élégants dessins de toutes sortes, parmi lesquels on remarque une série de gouaches représentant des paysages italiens, où l'artiste cherche à échapper aux tons conventionnels de ce genre de peinture, pour se rapprocher de la couleur vraie de la nature.

—Sous les arceaux d'une vieille construction, une écurie où l'on voit un petit cavalier en selle sur un cheval qui caracole; à droite, un escalier où monte un homme portant un sac sur son dos.

Bistre sur trait de plume.

Signé: Houel f. 1764.

H. 32, L. 27.

—Une colline boisée, surmontée d'une église à campanile entourée de cyprès; au bas, un lac avec une barque amarrée; à gauche un homme qui brouette une barrique.

Gouache.

Signé: Houel f. R. 1772.

H. 30, L. 47.

Huet (Jean-Baptiste). Le copiste, le plagiaire des dessins, des motifs, des procédés même de Boucher dont il a pris jusqu'aux petits traits géminés dont le puissant crayonneur accidente, zèbre, pour ainsi dire, le plane de son estompage: travaux que l'on sent chez le Maître l'œuvre d'une main et qui ne semblent chez son disciple que la façon d'un outil, d'une mécanique. Déclarons-le bien haut, le joli chez Boucher a parfois du grandiose, il n'est jamais que joli chez Huet.

—Une bergère, en chapeau de paille, au corsage décolleté et enrubanné, à la jupe faisant retroussis, les pieds nus, une rose à la main; derrière elle des moutons couchés à terre.

Pastel.

Signé: J. B. Hûet, 1788.

H. 39, L. 28.

—Dans un jardinet fleuri de roses trémières, une jeune femme, assise près d'une caisse d'orangers, pêche à la ligne; à ses côtés un petit garçon joue avec un chien.

Aquarelle.

Signé au crayon: J. B. Hûet, 1783.

H. 20, L. 29.

—Dans une chambre où les gens sont aveuglés par la fumée d'un poêle qu'on allume, deux amoureux profitent de l'incident pour s'embrasser sans être vus[21].

Dessin lavé au bistre sur trait de plume.

Signé: J. B. Hûet, 1789.

Gravé en couleur par Delacour, sous le titre: l'Heureux Accident.

H. 24, L. 37.

—Marche d'animaux à la Benedette Castiglione, où, dans la bousculade, un taureau monte sur une vache.

Dessin sur papier jaune, au crayon noir, rehaussé de craie.

Signé à l'encre: J. B. Hûet, 1771.

H. 32, L. 43.

—Bâtiments de ferme dans une saulaie, au bord d'un ruisseau où pêche à la ligne un petit garçon.

Signé: J. B. Hûet, 1787.

H. 34, L. 44.

—Cour de ferme, où sur des bottes de foin est assise une jeune villageoise, adossée à la porte rustique d'un verger, sous laquelle joue un enfant.

Signé: J. B. Hûet, 1787.

H. 34, L. 44.

—Canard prenant son vol.

Aquarelle.

Signé: C. Huet, 1754[22].

H. 21, L. 39.

Huez. Un sculpteur qui fait des dessins de sculpteur.

—La France, appuyée sur un bouclier fleurdelysé, fait le geste de bénir une femme, ayant la main sur un aérostat. Dessin au bistre et à l'encre de Chine sur trait de plume.

Signé: D'Huez, qui a écrit dans la marge: La Physique présentant la machine aérostatique à la France qui la protège.

H. 31, L. 24.

Jeaurat (Edme). Dessinateur de scènes «du bas peuple» à la façon de Chardin, mais qui n'a rien de son ampleur magistrale. Ses dessins sont presque toujours exécutés au crayon noir avec une pierre d'Italie, presque grise, et très légèrement rehaussés de blancs à peine visibles, cela sur un papier bleuâtre, en sorte que ses études, aux contours et aux détails arrêtés par un petit trait sec, apparaissent comme éclairées par un clair de lune. On remarquera que trois de ces dessins de Jeaurat, quoique provenant de ventes différentes, portent gravée à froid une petite ancre: la marque du chevalier Damery. Cet amateur, dont le nom se trouve au bas d'un certain nombre d'estampes, comme le nom du possesseur d'une collection considérable de tableaux et de dessins, fut un homme d'un goût sûr, un choisisseur délicat et raffiné. Je signale sa marque aux amateurs: elle n'est jamais sur un dessin médiocre.

—Un homme et une femme du peuple dansant.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Étude des deux figures principales pour le tableau de la Place des Halles, gravé par Aliamet.

Portant la marque du chevalier Damery.

H. 22, L. 27.

—Trois femmes des halles faisant les cornes.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Étude pour le Transport des filles de joie a l'hôpital, gravé par Levasseur.

Portant la marque du chevalier Damery et du peintre Joyant.

H. 22, L. 28.

—Un homme attelé au brancard d'une charrette; en bas, à gauche, une répétition de la tête coiffée d'un bonnet au lieu d'un chapeau.

Dessin sur papier gris, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Étude pour le Déménagement du Peintre, gravé par Duflos.

H. 22, L. 19.

—Une femme assise dans un fauteuil, un sac au bras.

Dessin sur papier jaunâtre, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Étude de la femme pour la composition gravée par Balechou, sous le titre: le Mari jaloux.

H. 34, L. 26.

—Un malade assis à une table, comptant les parties de son apothicaire, un laquais appuyé au dos de sa chaise, une fille de chambre une seringue à la main.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Portant la marque du chevalier Damery.

H. 24, L. 30.

Lafitte (Louis). L'illustrateur que les éditeurs du Directoire et de l'Empire acceptèrent pour le continuateur de Moreau, un dessinateur incorrect et niais, dans l'imagerie duquel la recherche de David s'allie à des sentimentalités à la Bartolozzi.

—Intérieur d'atelier, à la muraille garnie de plâtres, du commencement de la Révolution; des élèves dessinent et peignent, d'autres lisent; un modèle de femme se repose la main sur un tabouret.

Dessin sur papier jaune, au crayon noir, rehaussé de blanc.

Signé à l'encre: L. Lafitte, 1790.

Ce dessin est le no 98 de la vente Lafitte, 1828, où il est ainsi décrit dans le catalogue: Représentation de l'atelier de Vincent et portraits de plusieurs de ses élèves pendant une heure d'étude.

H. 42, L. 54.

Lagrenée dit l'aîné (Louis-Jean-François). Un peintre et dessinateur gracieux, faisant de la grâce dans laquelle commence à apparaître le goût de l'antique et ces profils à la grecque, où le front passe au nez par une ligne droite sans rentrant.

—Une sultane accroupie à terre, une cuiller à la main, près d'une petite table basse où sont posées une théière et une tasse; dans le fond, deux suivantes versant de l'eau dans une bouilloire posée sur un trépied allumé.

Bistre sur trait de plume, rehaussé de blanc de gouache.

Étude pour un dessus de porte.

H. 11, L. 25.

La Joue (Jacques). Un artiste au dessin verveux et tordu, et qui, dans les personnages, semble le dessin d'un grand orfèvre, associant l'homme à la rocaille de ses créations. Un génie abondant, comme on disait alors, une imagination meublée de paysages aux arbres ornementaux, d'architectures ronflantes, de ruines théâtrales.

—Un encadrement portant en haut l'écusson de la maison d'Orléans, soutenu par deux amours, et descendant des deux côtés par des chutes de verdure et de treillage à des scènes de chasse au milieu desquelles se voit dans un cartouche le portrait de Wouwermans.

Dessin à la plume lavé d'encre de Chine.

Signé: Lajoue.

Gravé par Le Parmentier, sous le titre: Frontispice de l'Œuvre de Wouwermans.

H. 34, L. 45.

—Dans une bibliothèque, deux amours dont l'un porte une toque, une fraise, un manteau, et sur son ventre nu, le baudrier de la Comédie italienne. Tous deux sont appuyés sur un globe terrestre.

Un amour couronnant un buste encastré dans un obélisque, dont le soubassement porte les trois fleurs de lys; un second amour étendant les bras vers le buste.

Lavis à l'encre de Chine.

Tous deux signés: Lajoue.

Études pour dessus de portes.

H. 33, L. 32.

—Au pied d'un bouquet d'arbres et d'une fontaine surmontée d'un groupe d'animaux représentant un cerf forcé, des chasseurs se reposent couchés à terre; dans le lointain, une chasseresse à cheval qui a une amie en croupe.

Dessin à la plume lavé d'aquarelle.

H. 23, L. 27.

Lancret (Nicolas). Un dessin descendant de Watteau, mais sans ces appuiements cassés et ce brisement aigu de la ligne, qui sont le charme et la signature du grand Maître. En outre, le dessin est plus lourd, plus rond, plus ramassé, et toujours avec des extrémités balourdes. Lancret ne voit pas long comme voyait Watteau. Il serait toutefois injuste de ne pas accorder à Lancret une certaine ampleur décorative de beaux contours rocailleux, des grâces parfois solides, et, dans le procédé, la trituration du crayon noir et de la sanguine d'un vrai coloriste.

—Une femme debout et déclamant, un masque à la main, une autre assise et chantant, les yeux sur un livre de musique, toutes deux en robes et en petits toquets garnis de fourrures.

Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir et à la sanguine, gouaché de blanc.

Ces deux figures se retrouvent dans un tableau de Lancret, conservé dans les appartements du château de Potsdam.

Vente Villot.

H. 18, L. 30.

—Deux femmes vêtues, comme dans le dessin précédent, de robes et de toquets à la polonaise. Elles sont debout l'une en face de l'autre et semblent jouer une scène de théâtre.

Dessin aux trois crayons sur papier chamois.

H. 18, L. 24.

—Deux hommes dans l'attitude de présenter la main à une femme au bas d'un escalier, trois hommes vus de dos dans l'inclination d'un salut.

Feuille de croquis au crayon noir et à la sanguine sur papier blanc.

L'étude de l'homme présentant la main a été employée par Lancret, avec un changement, dans l'Adolescence, gravée par de Larmessin.

H. 23, L. 32.

—Un homme de profil tourné à droite dans le mouvement d'ajuster. Dans le fond, deux répétitions de sa tête coiffée d'une manière différente.

Dessin sur papier verdâtre rehaussé de blanc.

H. 31, L. 22.

—Un homme couché à terre, vu de dos, la tête de profil tourné à gauche.

Dessin à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc sur papier jaune.

Étude.

H. 22, L. 23.

Lantara (Simon Mathurin). Le peintre, le dessinateur amoureux des jeux de la lumière dans les vapeurs, dans les nuages, et qui met toujours un peu des vaporisations d'un clair de lune en ses ciels du jour.

—Un bord de rivière, ayant à droite un bouquet d'arbres, à gauche les toits d'un village, dans le fond une tour en ruine. Au premier plan, un homme dont une bourrasque, qui fait le ciel nébuleux, enlève le chapeau.

Dessin sur papier bleu au crayon noir estompé avec rehaut de craie.

H. 25, L. 39.

La Rue (dit des Batailles). Dessinateur au gros et épaté contour roussâtre, qu'on dirait une cernée faite par la pourriture du papier. Les dessins de La Rue sont très rares.

—Une course de chevaux dans un site italien.

Dessin au bistre tracé à la plume de roseau et lavé d'une teinte bleutée.

Vente Peltier.

H. 19, L. 47.

La Tour (Maurice-Quentin de). Un grand, un très grand pastelliste, mais avant tout l'homme unique des préparations, de ces savantes et vivantes ébauches de la physionomie humaine, qui peuvent tenir à côté de n'importe quel portrait de quelque école que ce soit.

—Une femme vue de face, à mi-corps. Poudrée, en coiffure basse du milieu du siècle, et d'où s'échappe et se déroule, à gauche, sur sa gorge, une boucle de cheveux appelée repentir, elle porte au cou un collier de ruban bleu, et sa robe décolletée est une robe de velours bleu garnie de dentelles et de fourrure de cygne. Derrière elle, le dos d'un fauteuil sculpté se détachant d'un fond bleuâtre.

Pastel.

H. 54, L. 48.

—Masque de La Tour.

Préparation pastellée sur papier jaunâtre.

Étude pour le portrait de l'artiste du Louvre.

H. 27, L. 17.

—Tête de femme de trois quarts tournée à gauche.

Préparation sur papier jaune, poussée au fini du pastel dans le visage; les cheveux seulement frottés d'une coloration de poudre, le cou indiqué par un trait de craie, le fond haché de bleu. Préparation mise au carreau.

Étude pour le grand portrait en pied de Mme de Pompadour du Louvre.

H. 36, L. 26 (ovale).

—Tête de femme de trois quarts tournée à gauche.

Préparation sur papier bleu, au crayon noir, rehaussée de craie, avec de la sanguine seulement sur les lèvres.

Le nom de Mlle Dangeville était écrit, d'une écriture du temps, sur une bande de papier collé sur le petit cadre noir habituel aux préparations de La Tour. Il est encore au dos du dessin. L'authenticité de l'attribution est confirmée par une seconde étude plus avancée qui figure au Musée de Saint-Quentin sous le no 64.

H. 30, L. 20.

—Tête d'homme vu de trois quarts, tourné à droite, un mazulipatan noué sur la tête.

Préparation sur papier bleu, aux trois crayons, rehaussée de pastel.

Étude pour le portrait de Dumont le Romain, conservé au Louvre.

H. 30, L. 20.

Lavreince (Nicolas). Un gouacheur qui n'a rien de la large manière de Baudouin, mais non sans mérite dans ses compositions d'une coloration aimable, d'un travail précieux, d'un badinage de pinceau dans les étoffes, léger, volant, zigzagant, et dans les chairs d'un fin aiguillage de petits tons délicats. Lavreince est, à l'heure qu'il est, la coqueluche des amateurs de tabatières, et cette année un riche carrossier, M. Mülbacher, vient d'acheter 25,000 francs les deux gouaches de «l'Assemblée au Salon» et de «l'Assemblée au Concert». Les deux gouaches, cataloguées ici, ont été achetées par moi moins chèrement chez un coiffeur de la rue de Vaugirard. Le besoin d'amuser, par quelque chose accroché au mur, l'homme auquel on coupe les cheveux, dont on racle le menton, a fait de la boutique des coiffeurs de la banlieue et de la province une des mines où les marchands de Paris et quelquefois les amateurs ont fait les plus heureuses retrouvailles de dessins et de gravures du xviiie siècle.

—Dans un parc, un homme assis à terre et lisant une brochure, où se distingue le nom de Figaro, à une société parmi laquelle sont deux femmes debout, abritées sous la même ombrelle; en un coin, une jeune fille chatouille avec une paille la figure d'un petit garçon qui dort.

Gouache sur vélin.

Signé: Lavreince, 1782.

Gravé de la même grandeur par Gutenberg, sous le titre: le Mercure de France. On lit dans l'annonce de la mise en vente de cette gravure publiée dans le Mercure de France du 27 novembre 1784: «La principale figure est M. de Beaumarchais lisant dans le Mercure l'extrait du Figaro

H. 29, L. 34.

—Sous de grands arbres, un homme couché à terre, un coude appuyé sur un tabouret, jouant de la flûte, un abbé pinçant de la guitare, une femme jouant de la mandoline; au milieu du groupe, une autre femme tenant ouvert un livre de musique, sur lequel est penchée une jeune fille.

Gouache sur vélin.

Signé: Lavreince.

Gravé de la même grandeur par C.-N. Varin, sous le titre: le Concert agréable.

Les gouaches du «Mercure de France» et du «Concert agréable» passaient en 1787 sous le no 378 à la vente Collet.

H. 29, L. 34.

Le Barbier (Jean-Jacques-François). L'artiste qui déshonore les Chansons de La Borde par sa collaboration, l'auteur de grands dessins philosophiques et patriotiques au trait d'un maître d'écriture, lavés sur des ombres à l'encre de Chine, de la froide aquarelle d'un lavis d'architecture.

—La Peinture et l'Histoire immortalisant Voltaire dans le temple de Mémoire, où son portrait est accroché à une colonne par un amour, et peint par une femme en tunique la palette à la main. Encadrement fait d'un rameau de laurier enrubanné.

Aquarelle sur trait de plume.

Signé: Lebarbier l'aîné, 1770.

H. 44, L. 31 (ovale).

Le Bas (Jacques-Philippe). Des dessins en quête de Lancret, et encore assez souvent de mignards croquetons à la mine de plomb sur peau vélin, où le sérieux graveur s'amuse à faire de la bergerie galante.

—Autour d'une table dressée sous un arbre, deux femmes et deux enfants, au milieu desquels un vieillard, le chapeau à la main, semble dire le Benedicite.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie avec rehauts de craie.

Signé dans la marge: J. P. Le Bas, 1739.

H. 27, L. 32.

—Jeune villageoise marchant avec un enfant, les pieds dans l'eau d'un ruisseau; au fond, deux femmes chargeant un cheval.

Croquis à la mine de plomb sur peau vélin.

H. 17, L. 23.

Lemoine. Ce pastelliste, ce dessinateur[23], cet auteur du joli profil de la Saint-Huberty, gravé par Janinet dans les «Costumes des grands théâtres de Paris» est aujourd'hui complètement oublié,—et l'homme et l'œuvre,—et ses dessins, qui ne sont presque jamais signés, donnent lieu aux attributions les plus extravagantes. Cependant le portraitiste a laissé des dessins qui méritent la restitution de son nom au bas de leur nuageuse indication. Ce sont des bustes de femmes, des femmes en pied dessinées avec des ombres et des lumières, sans l'arrêt, pour ainsi dire, d'un contour. Baignées de lueurs diffuses, ces femmes sont flottantes dans le fusinage, seulement fortifié çà et là de quelques accentuations de sauce. Des images troubles délicieusement vagues, qui demandent une grande intelligence de la lumière, et qui se rapprochent, avec un peu moins de légèreté, de l'estompage gris de quelques rares études d'Honoré Fragonard.

—Une femme posée à contre-jour devant une fenêtre, entre une toilette et un pupitre à musique. Elle est assise les jambes croisées, une main tenant un livre dans le creux de sa jupe. Vêtue d'une blanche toilette de linon, elle porte sur la tête un chapeau de paille enrubanné, au rebord abaissé sur les yeux.

Dessin estompé à la sauce.

H. 45, L. 38.

Lemoyne (François). Un grand dessinateur incorrect, le précurseur de Boucher, et qui a gardé dans ses corps de femmes et leurs airs de tête un peu de la grâce du Parmesan et de la manière de Véronèse.

—Une jeune fille en chemise, assise sur un tertre, la jambe droite allongée en avant, dans le mouvement d'une femme qui va se laver les pieds.

Dessin sur papier bleu, à la pierre noire, rehaussé de craie.

Portant les marques des collections Lempereur et Desperret.

H. 38, L. 26.

Lempereur (Jean-Baptiste-Denis). Un graveur auquel, sans qu'il soit nommé, l'œuvre gravé de Watelet doit beaucoup, et un agréable paysagiste en ses moments de loisir. De l'aimable banlieue de Paris, il a laissé des sanguines d'un croquant particulier, des aquarelles lavées des eaux de la pâle et blonde aquarelle de Boucher, des paysages au crayon noir dont l'estompage, mélangé de craie et d'un rien de sanguine, semble le procédé moderne de Clerget.

—Un escalier, surmonté de deux sphinx à tête et à gorge de femme, posés à l'entrée d'une terrasse à balustres menant à une habitation sous de grands arbres; en bas, un homme qui pousse une brouette.

Sanguine.

Signé: Lempereur, 1773.

Au dos du dessin était écrit: Vue d'un jardin à Fontenay-aux-Roses.

H. 30, L. 37.

—Une cour de ferme, où sur la droite est un hangar fait de troncs d'arbres et de branchages, au fond un homme assis sur une auge.

Aquarelle sur trait de plume.

Signé: Lempereur f., 1772.

Dans la marge de l'ancienne monture, de l'écriture du paysagiste: A Aulnay près Sceaux.

H. 22, L. 29.

—Une chaumière au toit défoncé dans un bouquet d'arbres.

Dessin au crayon noir estompé, mélangé de craie et de sanguine.

Signé: Lempereur, 1773.

Dans la marge: A Aulnay près Sceaux.

H. 20, L. 31.

Lepaon (Jean-Baptiste). De jolis petits soldats, de jolis petits canons, de jolis petits campements, de jolis petits sièges: ce sont là les dessins de cet artiste, qui s'engagea pour voir la guerre de près, et qui n'en a jamais été que l'enjoliveur et le bistreur coquet. Parmi les dessins de Lepaon qui figurent ici, il en est un curieux. C'est une grande aquarelle qui détruit l'assertion de Brunn Neergaard, avançant dans le Moniteur du 29 août 1806[24] que Lepaon n'a jamais fait d'aquarelle. Puis cette aquarelle représente l'équipage de chasse de la maison de Condé, dont Lepaon était le peintre officiel, et où parmi les piqueurs et au milieu des chevaux et des chiens figurent les princes de Conti et de Condé. Du reste, le dessin est assez mauvais, pas assez cependant, pour que le marchand qui le possédait, ait cru devoir me le donner par-dessus le marché pour envelopper une gravure qu'il m'avait vendue.

—Opérations d'un siège avec la vue du camp assiégeant, de ses tranchées, de ses batteries. Au premier plan, une femme se promène, une ombrelle à la main, au bras d'un officier, tandis qu'un peintre, un genou posé à terre, fait un croquis.

Dessin au bistre sur trait de plume.

H. 19, L. 48.

—Halte de cavalerie dans un village; au premier plan, un cavalier, descendu de cheval, prend un sac des mains d'une vieille femme.

Bistre sur trait de plume.

H. 29, L. 39.

—Un hallali à Chantilly. Un piqueur sonnant de la trompe à cheval, valets de chiens se reposant couchés à terre, chiens se désaltérant à une mare. Sur la droite, en habits rouges à collets et à revers de velours noir, le prince de Conti et le prince de Condé causent ensemble.

Aquarelle.

Signé: Lepan (sic) fecit 1769.

H. 41, L. 56.

Lépicié (Nicolas-Bernard). Du petit, du très petit Chardin, dans un dessin cependant serré, détaillé, étudié à la pointe d'une pierre d'Italie très grise, sur du papier jaune, avec des rehauts de craie et de sanguine, qui font des études d'après nature de Lépicié, de tièdes et de blondes préparations pour sa claire peinture.

—Dans un intérieur rustique, Lépicié, assis, prend un verre de vin sur une table, ayant entre ses jambes un enfant qui mange un morceau de pain.

Dessin terminé au crayon noir, rehaussé de craie et de sanguine.

Signé: Lépicié.

C'est le dessin du tableau qui figurait dans la galerie Boitelle.

H. 45, L. 38.

Leprince (Jean-Baptiste). L'esprit, le ragoût, la couleur de Boucher transportés dans des dessins, dans des lavis, presque tous consacrés à la reproduction de sujets russes. Le dessin des «Joueurs de tonneau» a son histoire: acheté par le marchand de gravures Dauvin, chez le peintre Decamps, il avait fait presque les frais de la composition d'un de ses tableaux.

—Une jeune femme en costume russe, un oiseau posé sur un doigt de sa main.

Sanguine.

Gravé en fac-similé dans l'œuvre de Demarteau, sous le no 537.

H. 33, L. 22.

—Dans un riche intérieur, une femme en costume russe jouant de la guitare, pendant qu'une petite esclave pose un rafraîchissement sur une table.

Aquarelle.

Gravé en couleur par Marin, sous le titre: The Pleasures of solitude, et publié à Londres.

H. 23, L. 15.

—Dans un paysage russe, un pont élevé sur de hauts piliers menant à la porte d'une ville fortifiée.

Bistre.

Signé: B. Le Prince.

H. 24, L. 26.

—A la porte d'une chaumière, cinq paysans jouant au tonneau; dans le fond, un homme prenant une femme par la taille.

Bistre.

H. 27, L. 35.

—Dans un caback, une guinguette des environs de Moscou, devant une estrade où des gens boivent et fument, un couple de Russes exécute la danse nationale, aux sons d'un orchestre monté sur des tonneaux.

Lavis d'encre de Chine sur frottis de sanguine.

Signé: Le Prince, 1778.

Gravé par Leprince, sous le titre: la Danse russe.

H. 32, L. 57.

Lesueur (Louis). Dessinateur-paysagiste qui raye et griffonne ses lavis de fins traits de plume, ressemblant à l'égratignure d'une aiguille sur du cuivre.

—Cour de ferme devant la porte de laquelle un âne chargé de paniers se met au pas, suivi de la fermière.

Bistre retouché de plume.

Signé: L. Lesueur, 1782.

H. 13, L. 21.

Liotard (Jean-Étienne). L'artiste excentrique et cosmopolite, le pastelliste de «la Chocolatière» dont les trois crayons ont une certaine ressemblance avec les trois crayons de Portail, et dont, par un hasard inexplicable, on ne connaît guère que des contre-épreuves. Je crois que la femme de ma collection est de la suite de ces costumes de femmes de tous les pays contre-épreuvées, que possède le cabinet des Estampes.

—Femme de profil tournée à droite, la tête vue de trois quarts. Habillée d'une robe semée de pois sur laquelle est jeté un mantelet à capuchon, elle tient ses mains dans un petit manchon de soie au rebord de fourrure.

Contre-épreuve d'un dessin à la pierre d'Italie et à la sanguine.

H. 30, L. 20.

Loutherbourg (Philippe-Jacques). Tantôt imitant le faire de Leprince, tantôt le faire des maîtres flamands, et, dans cette dernière imitation, se servant d'un papier rugueux assez semblable au papier préparé pour la peinture à l'huile, et sur lequel, les lavis au bistre prennent le caractère d'esquisses brossées au bitume.

—Réjouissances publiques, où des pifferari font danser des marionnettes; sur une fontaine décorative est écrit de la main du peintre: Il nous est rendu.

Bistre sur trait de plume.

Signé au pinceau: Loutherbourg.

Vente Tondu.

H. 27, L. 36.

—Repos de pâtres italiens sous un grand arbre; à droite, un homme, monté sur une mule caparaçonnée, boit à une gourde, la tête renversée en arrière.

Bistre avec rehauts de blanc de gouache sur un papier préparé, à la nuance verdâtre.

H. 33, L. 43.

Machy (Pierre-Antoine de). Devant les aquarelles de cet homme, dont la peinture rappelle un peu la peinture de Guardi, un étonnement vous prend à les trouver si sales, et peuplées de personnages qui annoncent les bonshommes de Béricourt.

—La colonnade du Louvre en perspective, au fond le palais Mazarin et l'Hôtel des Monnaies, à droite les maisons qui masquaient la façade de Saint-Germain-l'Auxerrois[25]. De nombreux personnages sur la petite place, un arracheur de dents, un marchand de mort aux rats, un porteur d'eau, des marchandes à éventaires, des promeneurs.

Aquarelle.

H. 33, L. 63.

Mallet (Jean-Baptiste). Le dernier représentant de la gouache, de cet art tout xviiie siècle, et qui ne survécut pas à la monarchie. Aussi les gouaches de Mallet, passé la Révolution, sont aigres, ses chairs de femmes briquées, l'ensemble du travail pénible. Et il arrive un moment où Mallet laisse le faire et le badinage de l'ancienne gouache française, pour une gouache qu'il touche avec les petites lumières carrées de la peinture de Téniers, appliquée à des sujets français qu'il habille à la hollandaise.

—Dans une chambre, décorée à la mode du Directoire, et que des objets de peinture, posés sur un secrétaire, disent la chambre d'un peintre, un jeune homme verse une tasse de thé à son modèle, une femme en chemise assise sur ses genoux, tandis qu'une autre femme, debout devant le groupe, remue une cuiller dans la tasse qu'elle tient à la main.

Gouache.

Signé sur un carton: Malet f.[26].

H. 22, L. 29.

—Un antiquaire assis dans une galerie, où se voient des statues, des bustes, des vases, des lampes, une momie; une jeune femme, qu'un jeune homme tient par la taille, regarde avec lui dans le tiroir d'un médaillier.

Aquarelle sur trait de plume, relevée de gouache.

Dessin du tableau exposé au Salon de l'an IX.

H. 22, L. 32.

—Dans l'encadrement d'une fenêtre soutenue au milieu par une statuette d'Amour, et où monte une vigne, une femme, en costume flamand, fait pisser, dans un vase de bronze, un petit enfant à la brassière écourtée.

Gouache.

Signé au pinceau dans la muraille: Mallet.

H. 23, L. 17.

Marillier (Clément-Pierre). Ce vignettiste, que les bibliophiles sont en train de faire l'égal des premiers dans son genre, commence la série des illustrateurs qui n'ont plus le dessin du peintre, ainsi que l'avaient Gravelot, Moreau, Eisen, et ne peuvent sortir du petit dessin pinoché du graveur. Dans ses compositions les plus réussies, Marillier ne s'élève jamais au delà de la gentillesse.

—Une jeune femme alitée dans sa chambre à coucher et à laquelle une fille de chambre apporte une tasse de tisane; à son chevet est assis un gentilhomme.

Dessin à la plume lavé de bistre.

Signé dans la marge: C. P. Marillier inv. 1775.

Gravé par de Longueil pour les œuvres d'Arnaud de Baculard.

H. 6, L. 9.

—Une jeune femme, qu'une fille de chambre habille devant un miroir tenu par une autre chambrière; un rustaud, le chapeau à la main, est en train de saluer la femme.

Bistre.

Signé dans la marge: C. P. Marillier inv. 1775.

Gravé par Delaunay pour le conte de Pauline et Suzette, anecdote française.

H. 6, L. 9.

—Dans un cadre, un enfant nu couché aux pieds de deux bornes, au-dessus un miroir entouré de rayons, au-dessous une épée suspendue dans une couronne de laurier.

Lavis à l'encre de Chine.

Signé: C. P. Marillier inv. 1779.

Gravé par Texier pour le cul-de-lampe de Valmiers, anecdote.

H. 11, L. 8.

Massé (Jean-Baptiste). Un portraitiste faisant revivre dans les petits portraits qu'il fait de ses contemporains, le sourire de l'époque. Il est miniaturiste de son métier, et ses dessins, lumineux et roses sur papier jaune, ont quelque chose de l'ébauche sur l'ivoire d'une miniature.

Buste d'un homme de cour poudré, un large nœud de ruban noir au cou.

Dessin sur papier jaune, au crayon noir estompé avec rehauts de craie et de sanguine, et encore avec un léger lavis d'aquarelle sur la figure.

Signé dans l'encadrement: J.-B. Massé fecit.

H. 17, L. 13 (ovale).

Meissonnier (Juste-Aurèle). L'ornemaniste au beau dessin turgide, amendé toutefois, en sa correcte exubérance, des extravagances et des écarts de goût du Borromini,—le créateur de la rocaille française.

—Candélabre à cinq lumières, imaginé dans le serpentement et l'entre-croisement de branchages; un aigle dans la niche, formée en bas par les tortils de la rocaille, un amour soutenant la plus haute girandole.

Dessin au crayon noir et à la plume et à l'encre de Chine, lavé d'une teinte jaune. Il a été mis au carreau.

Gravé dans l'Œuvre de Meissonnier sous le titre: Projet d'un grand Chandelier pour le Roi.

H. 29, L. 19.

Monnet (Charles). Peintre d'histoire et dessinateur possédant le dessin courant du temps.

—Le Dauphin, la Dauphine travaillant à un métier de tapisserie, entourés de leurs enfants (Louis XVI, Louis XVIII, Charles X).

Lavis d'encre de Chine sur trait de plume.

On lit au dos du dessin, d'une écriture du temps: «M. le Dauphin, Mme la Dauphine, les trois princes, M. le duc de la Vauguyon et le Père Berthier, composition originale de Monnet, peintre du Roi. J'en ai trois autres du même sujet par le même avec différences.» Un de ces trois autres projets, en hauteur et au bistre, existe au revers du dessin.

Ce dessin du tableau exposé au Salon de 1771, réduit à la dimension d'une vignette, a été gravé sous le titre: Quelle école pour les pères! dans «le Vicomte de Valmont ou les Égarements de la Raison», vol. IV.

Vente Monmerqué.

H. 38, L. 41.

—Télémaque embrassant l'Amour dans les bras d'Eucharis; au fond, danse de nymphes.

Gouache sur vélin.

Dessin original[27] faisant partie de l'illustration de l'exemplaire du «Télémaque» de Didot in-4o, imprimé sur peau vélin que j'ai possédé.

H. 20, L. 14.

Moreau le jeune (Jean-Michel). L'habile ordonnateur et metteur en scène des assemblées de gentilshommes et de grandes dames parées, des Sacres, des Revues, des Bals de cour, des Feux d'artifices, le dessinateur sans pareil des intérieurs et des élégances de la vie de son temps. J'ai eu la bonne fortune d'acquérir son plus beau dessin et je vais raconter l'histoire de ce dessin. Dans la vie de Le Bas d'après des notes manuscrites de l'expert Joullain, chargé de la vente du graveur, mon frère et moi avons dit qu'il avait été commandé par Le Bas à Moreau: «M. Moreau jeune avait fait prix avec M. Le Bas pour ce dessin à 600 livres payées comptant, et deux douzaines de la planche qui devait être gravée d'après ce dessin, dont moitié desdites épreuves avant et moitié après la lettre. Il a exigé de la succession de M. Le Bas pour indemnité de ces épreuves la somme de 480 livres. Il avait reçu 600 livres; total 1,080 livres.» A cette vente Le Bas, en 1783, le dessin payé 1,080 livres se vendait seulement 610, et était acheté par le libraire Lamy qui l'acquérait pour le faire graver[28]. Des mains de Lamy où passait le dessin? On ne le savait, et on le croyait perdu, lorsqu'il se retrouvait, en 1859, en la possession d'un petit chemisier du quartier des Halles, dont la femme, de bonne famille, était la fille d'une personne qui, je crois, avait été attachée au service du comte de Bordeaux. Le dessin était offert au Musée, et successivement à tous les riches amateurs de Paris, au prix de 1,000 francs. M. Reiset m'indiquait l'existence du dessin. J'allais le voir et étais très tenté, mais je me trouvais n'avoir devers moi que quelques centaines de francs et ne pouvais en offrir que quatre cents francs. J'étais refusé, et n'y pensais plus quand, à quelques semaines de là, un soir on sonna chez moi. J'allais ouvrir et me trouvais en face d'une jeune femme, portant sur son bras un enfant, et tenant de sa main libre une grande chose enveloppée dans une serviette. C'était la Revue du Roi. J'avoue que, quand je regarde mon Moreau aujourd'hui, je ressens comme un remords d'avoir eu à offrir si peu d'argent à cette pauvre femme si touchante dans son sacrifice, où l'on sentait la gêne d'affaires embarrassées.

—Petite fille endormie dans son lit. Elle est représentée de profil tournée à gauche, ses deux bras reposant sur le drap que soulève une de ses jambes relevée.

La même petite fille endormie tournée de l'autre côté. Elle a la tête soulevée et enfoncée dans l'oreiller, et les deux bras étendus et croisés devant elle.

Dessins lavés d'encre de Chine sur trait de plume.

—Deux études, très probablement faites par le père, d'après la petite fille, devenue depuis la mère d'Horace Vernet.

H. 10, L. 15.

—Vieille femme assise, les bras croisés, un mantelet de soie noire sur les épaules; à côté d'elle, un chat sur une table. Le mur du fond est décoré de quelques estampes encadrées, parmi lesquelles on remarque la Tête d'expression, gravée par Cochin, et une marine d'après Vernet, à laquelle la mère de Cochin a travaillé. Serait-ce le portrait de Madeleine Horthemels?

Dessin lavé au bistre sur trait de plume.

H. 19, L. 16.

—Le roi Louis XV à cheval, son livret en main, passant la revue de sa Maison militaire, qui défile dans le fond; au premier plan nombreux carrosses sur lesquels sont montées des chambrières dont les jupes s'envolent sous un coup de vent.

Dessin lavé à l'encre de Chine sur trait de plume.

Signé: J. M. Moreau le Jeune 1769.

Ce dessin, exposé au Salon de 1781, a été gravé de la même grandeur par Malbeste, sous le titre: la Revue du Roi a la plaine des Sablons.

Vente Le Bas.

H. 35, L. 74.

—Dans la basilique de Reims, le roi Louis XVI prêtant entre les mains de l'archevêque «le serment du royaume».

Dessin lavé de bistre sur trait de plume.

Signé: J. M. Moreau le Jeune, 1775.

Première idée de la scène gravée avec changement et ampliation à droite, sous le titre: le Sacre de Louis XVI, dessiné d'après nature et gravé par J. M. Moreau le Jeune, dessinateur et graveur du cabinet du Roi, 1779.

H. 37, L. 49.

—La reine Marie-Antoinette allant, le 21 janvier 1782, rendre grâce à Notre-Dame et à Sainte-Geneviève pour la naissance du Dauphin. Partie de la Muette, ayant pris ses voitures au rond du Cours-la-Reine, elle passe sur la place Louis XV, dans un carrosse attelé de huit chevaux blancs, et suivi des cent-gardes du corps du Roi. Le dessin est pris de la terrasse du palais Bourbon, où des curieux pressés contre la balustrade regardent le défilé et la foule immense de l'autre côté de la Seine. Dans le coin, à gauche, le prince de Condé et le duc de Bourbon causent, les mains dans des manchons, avec un groupe de femmes.

Dessin lavé à l'aquarelle sur trait de plume.

Ce dessin, qui faisait partie des dessins commandés à Moreau pour perpétuer le souvenir des journées des 21 et 23 janvier 1782, n'a point été gravé. Est-ce le dessin lavé offrant une vue perspective de la place Louis XV prise de la terrasse du palais Bourbon, que Thierry place dans le boudoir du palais?

H. 45, L. 105.

—Diane,—Iphigénie,—Oreste,—Thoas,—Garde de Thoas,—Scythe.

Dessins à l'aquarelle sur trait de plume.

Signés tous les six: J. M. Moreau le Jeune, 1781.

Recueil des costumes commandés par l'Académie royale de musique à Moreau, pour monter l'opéra d'«Iphigénie en Tauride», dont la première représentation eut lieu le 23 janvier 1781.

H. 23, L. 16.

—Un pont en bois jeté sur une petite île et reliant les deux rives d'une rivière ombragée d'arbres, où se tiennent des pêcheurs à la ligne.

Dessin à l'encre de Chine.

H. 26, L. 35.

Moreau l'aîné (Louis). Un des gouacheurs les plus habiles, les plus légers, les plus pimpants, et le paysagiste qui, pour moi, a seul rendu la gaieté et le riant de la campagne parisienne. Les deux gouaches de ma collection sont de la plus belle qualité du Maître. Le jour où je les vis à l'exposition du boulevard des Italiens en 1860, ce fut chez moi un désir fou de les posséder. Et ce désir était de temps en temps réveillé par une vente que faisait, par-ci par là, leur possesseur, le miniaturiste Carrier: une vente où les gouaches désirées n'apparaissaient jamais. J'en étais venu à des vœux homicides, et étais presque tenté d'imiter ce monsieur, auquel un de mes oncles avait enlevé aux enchères une paire de cornets de Chine d'un rouge très laid, mais introuvable; pendant plusieurs années, il vint tous les ans s'informer chez le concierge si mon oncle était encore vivant. Enfin M. Carrier mourait en 1875, et les aquarelles étaient vendues; mais cette fois, au lieu de les acheter 2 ou 300 francs, leur valeur en 1860, j'étais forcé de les payer 1,325 francs.

—Entrée d'un parc auquel mènent cinq marches, à gauche une rangée de caisses et de pots de fleurs. Dame, une ombrelle à la main, dont un serviteur porte la traîne.

Gouache.

Signé: L. M. 1780.

Vente Carrier.

H. 29, L. 23 (ovale).

—Intérieur de parc, où, sous un arbre penché, se voit le départ d'une rampe d'escalier, surmontée d'une pomme de pin en pierre. Bergère assise, une houlette en travers des genoux; un berger lui offre un bouquet de fleurs.

Gouache.

Signé: L. M. 1780.

Vente Carrier.

H. 29, L. 22 (ovale).

—Jardin chinois, où s'élève au milieu des arbres une pagode à clochetons; une gondole à l'ancre dans une pièce d'eau. A droite, au premier plan, un gentilhomme donne des ordres à un jardinier; à gauche, un homme, une bêche à la main, est assis sur un rouleau à fouler le gazon.

Aquarelle légèrement gouachée.

H. 39, L. 32 (ovale).

Natoire (Charles). Le Boucher de la seconde moitié du siècle, mais n'ayant de son prédécesseur, et de seconde main encore, que la pratique et la convention, et rien de ce que Boucher avait vu de la nature, même avec ses yeux du xviiie siècle.

Toutefois il y a, dans l'œuvre de Natoire, des paysages romains, amusants, spirituellement décoratifs, faits d'un rien d'aquarelle et de gouache jeté sur une feuille de papier bleu couverte d'un croquis à la plume: des dessins que le peintre aimait, collectionnait, et dont on vendait une suite de 160 à sa mort.

—Dessin allégorique pour la naissance d'un dauphin de France. Un génie dans une draperie fleurdelysée, présentant un nouveau-né à l'Olympe trônant sur les nuages, sous les yeux d'une femme assise, au manteau doublé d'hermine, et entourée des Muses. Au premier plan, à droite, les nymphes de la Seine offrant des fleurs, à gauche, une caverne où rentrent les génies de la Discorde, au milieu des amours jouant avec des globes terrestres et des télescopes.

Aquarelle sur crayonnage.

H. 43, L. 69.

—Deux figures de femmes couchées sur les nuages et représentant: le Printemps, l'Été.

Lavis au bistre sur papier bleu avec rehauts de blanc de gouache[29].

Ces deux dessins ont été exécutés pour des plafonds.

H. 20, L. 25.

—La Muse de la musique entourée d'amours, une main sur une lyre, l'autre soutenant la bande d'une partition qu'un amour déroule dans le ciel.

Dessin sur papier bleu à la pierre d'Italie rehaussé de craie.

Dessin d'un dessus de porte.

H. 21, L. 29.

—Vue de la villa d'Este. Au premier plan une femme agenouillée donnant à boire à des chèvres, et sur le piédestal d'une louve allaitant Rémus et Romulus, un homme jouant de la guitare.

Croquis à la plume lavé d'aquarelle et de gouache sur papier bleu.

Signé: Villa d'Est. magio 1766 C. N.

H. 30, L. 47.

Nattier (Jean-Marc). Le portraitiste auquel est attribué un certain nombre d'études rapides, enlevées d'une manière similaire, mais dont on n'a pas retrouvé, que je sache encore, la peinture ou la gravure d'aucun de ces jets sur le papier[30]. A ces études de portraits se trouve réunie dans ma collection, une grande machine décorative, une de ces compositions avec lesquelles Nattier, qui se levait de fort bonne heure, amusait ses matinées avant l'arrivée de ses modèles du grand monde.

—Une femme à mi-corps, assise de face sur une chaise, le haut du corps un peu penché à droite, en train de faire de la frivolité.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Vente Villot[31].

H. 33, L. 30.

—Un homme à mi-corps, de profil, tourné à droite, la tête retournée et vue de trois quarts, un carton sur les genoux, à la main un compas avec lequel il trace une figure géométrique.

Dessin sur papier bleu à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Vente Villot.

H. 30, L. 25.

—Triomphe d'Amphitrite; au-dessus de la conque traînée sur les eaux, une grande voile déployée dans le ciel que soulèvent et tendent des amours.

Lavis d'encre de Chine sur trait de plume, avec dans certaines parties des rehauts de blanc de gouache. Le dessin a été mis au carreau.

Signé au dos du dessin: J. M. Nattier invenit et delineavit 1758, et, d'une écriture du temps, au crayon: Peint en 1759.

Vente Peltier.

H. 29, L. 52.

Norblin (Jean-Pierre de la Gourdaine). Un faiseur de taches à l'encre de Chine, à l'imitation des taches au bistre faites par Fragonard; un crayonneur gras et croquant à la mine de plomb, à l'imitation des crayonnages de Fragonard à la sanguine.

—Un cabaret où un homme cherche à embrasser une femme qui se défend.

Une course à la bague dans la campagne, où l'on voit au premier plan un homme caracolant, armé d'une lance.

Deux croquetons à la mine de plomb.

H. 10, L. 17.

—La Main-chaude. Sous de grands arbres, au milieu d'une nombreuse compagnie, une jeune fille frappant dans la main posée sur le dos d'un homme, dont la tête est cachée dans les jupes d'une femme.

Lavis à l'encre de Chine sur trait de plume, en forme d'écran.

H. 29, L. 27.

—Le Jeu de bascule. Sous de grands arbres, des jeunes filles et des jeunes gens se balançant sur un tronc d'arbre basculant.

Lavis à l'encre de Chine sur trait de plume, en forme d'écran.

H. 29, L. 27.

Olivier (Michel-Barthélemy). Des dessins non signés, que les marchands ont offerts pendant longtemps aux amateurs, sous des attributions absurdes, et que les amateurs n'achetaient pas, les croyant fabriqués par un faussaire: ces dessins ayant quelque chose d'une modernité suspecte. Enfin, il y a une quinzaine d'années, dans une vente, je crois, d'un descendant d'Olivier, arrivait aux enchères un lot de ses eaux-fortes et de ses dessins, dont quelques-uns étaient la première idée de quelques-unes des eaux-fortes. Ce jour-là on était fixé sur ces dessins inconnus, on avait à faire à Olivier, le peintre officiel du prince de Conti, l'auteur des curieux tableaux du Thé à l'anglaise dans le salon des Quatre-Glaces au Temple, de la Fête dans le Bois de Cassan à l'Ile-Adam. Les dessins d'Olivier sont de petits, petits, petits dessins, à la recherche d'intentions spirituelles, et s'appliquant à rappeler dans le mélange de la sanguine, du crayon noir, de la craie, l'esprit et la couleur des dessins de l'école de Watteau. Quelquefois même des touches de pastel viennent s'ajouter aux trois crayons et agrémenter les études du peintre galant du Temple, d'un coloriage léger et gai. Très souvent aussi, à l'imitation de Watteau, le sujet principal est accompagné du crayonnage d'une tête, d'un bras, d'une main, d'un croqueton qui fait contraste avec l'étude terminée.

—Deux femmes de profil, tournées à gauche, se promenant. Elles sont habillées en grand habit avec des plumes dans les cheveux; l'une d'elles tient à la main un éventail fermé. Sur le fond est jetée une étude de tête.

Dessin aux trois crayons sur papier chamois.

H. 24, L. 17.

—Femme assise à terre, coiffée d'un papillon, elle est entourée d'études de bras et de mains.

Sanguine; trois des études de bras et de mains sont à la pierre d'Italie.

H. 15, L. 20.

—Femme assise, les jambes allongées, une main tendue et montrant quelque chose dans le lointain.

Dessin sur papier gris, à la pierre d'Italie et à la sanguine rehaussé de pastel.

H. 13, L. 21.

—Rose endormie, couchée sur une chaise longue, un livre tombé de ses mains; du dessous de ses jupes remontées, son petit chien toutou aboie après un garçonnet penché sur le dossier et regardant les mollets de la belle.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, frotté de sanguine et rehaussé de blanc.

Ce dessin, en hauteur, a été gravé en largeur avec de nombreux changements et l'introduction d'une fille de chambre, sous le titre: le Sommeil interrompu. Il ne porte ni nom de dessinateur ni nom de graveur, dans sa marge qu'emplissent vingt-cinq vers.

H. 32, L. 26.

Oudry (Jean-Baptiste). On disait, de son temps, Oudry encore plus attaché à ses dessins qu'à ses tableaux, et que, de ses dessins, il composait des portefeuilles de cinquante morceaux variés, de manière que celui qui en possédait un seul, avait un échantillon de tous les genres embrassés par le peintre. En effet, l'illustrateur des Fables de la Fontaine est universel, mais plus particulièrement paysagiste et avant tout animalier. Dans ses dessins d'animaux presque toujours exécutés sur papier bleu, à la pierre noire avec rehauts de craie, il apporte une habileté dont le seul défaut est peut-être la constante égalité, le faire uniformément semblable, une perfection qui vous laisse sans surprise. Ses dessins aux beaux écrasements de crayon noir dans l'ombre, aux détails simplifiés dans les clairs,—et tout lumineux des lumières posées par l'homme qui peignait des oiseaux blancs sur fond blanc,—arrivent à une unité d'effet extraordinaire et sous des apparences faciles, à ce résumé concret de l'objet représenté que donne seul un savoir énorme. Et les heureux et magistraux dessins qu'a laissés ce dessinateur toujours occupé à crayonner, ce dessinateur «des perdrix au plumage bizarre, des cerfs à tête singulière» tués par le Roi, ce dessinateur de tous les animaux inconnus et étranges arrivant à la ménagerie de Versailles. Ce sont de pittoresques accumulis de poissons qui lui faisaient faire, au dire des «Mémoires des Académiciens», dix voyages à Dieppe pour les dessiner dans toute leur fraîcheur; ce sont de ces buffets ou de ces dispositions de deux pièces de gibier, accrochées à un clou au-dessus d'une tablette garnie de victuailles ou d'accessoires, d'une touche de crayon qu'on supposerait être celle de Chardin; ce sont de savantes études de chiens, de la grosse bête chassée par la vénerie royale, etc. Et même le paysagiste n'est pas à dédaigner: ses dessins de grands parcs avec un bout d'escalier, avec un angle de terrasse à balustres, se font remarquer tout de suite par une connaissance de l'anatomie de l'arbre, une science de ses embranchements, et encore par un éclairage du dessous des grandes futaies qui n'appartiennent qu'à Oudry.

A propos des dessins à la sanguine d'animaux d'Oudry, on doit se défier de certains dessins un peu dans sa manière, mais d'un crayonnage plus maigre, et qui sont du nommé Dugommer; quant à ses paysages à la pierre d'Italie, sur papier bleu, il faut prendre garde à quelques dessins de Pierre, moins libres cependant que ceux d'Oudry, mais qui a travaillé d'après nature à Arcueil, dans l'ancien parc du prince de Guise, et reproduit les mêmes motifs que son confrère. Enfin il ne faut pas craindre d'acheter des paysages d'Oudry dans lesquels se promènent des personnages de l'Empire: un marchand du commencement du siècle qui en possédait un certain nombre, ayant eu, pour les vendre, l'idée de faire peupler leur vide et leur solitude, par un artiste contemporain dont on m'a dit le nom que j'ai oublié.

—Un chien barbet surprenant un cygne sur ses œufs.

Dessin sur papier bleu, lavé à l'encre de Chine, rehaussé de gouache.

Signé: Oudry fecit pour présent.

Dessin du tableau exposé au Salon de 1742 et peint pour la salle à manger de M. Bernard l'aîné.

H. 35, L. 40.

—Attaque d'un loup par trois dogues.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc et de quelques touches de pastel.

H. 44, L. 27.

—Dans l'angle ruineux d'un parapet donnant sur la mer, un amoncellement de poissons surmontés d'un congre et d'une anguille de mer ficelés à un clou; sur le parapet, un perroquet.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Signé à la plume: Oudry, 1740.

Vente Andreossy.

H. 31, L. 43.

—Un baquet débordant de poissons de mer répandus à terre; sur un bout de mât où sèche un filet, un perroquet.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Signé à la plume: Oudry, 1740.

Vente Andreossy.

H. 31, L. 40.

—Un canard et un lièvre accrochés à un clou; en bas, des bouteilles, du pain, du fromage.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Dessin du tableau peint pour le dessus de cheminée de M. Jombert, libraire, et exposé au Salon de 1742.

H. 39, L. 22.

—Dans une niche de buffet, un faisan et un lièvre accrochés à un clou; sur la tablette, gigot, volaille piquée, cardons, bouteilles et panier.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Signé: J. B. Oudry, 1743.

Dessin du tableau fait pour la salle à manger de M. Roettiers, orfèvre du Roi, et exposé au Salon de 1753. Il y a quelques changements dans les accessoires.

H. 35, L. 26.

—Un chien à côté d'un tabouret de canne où sont posés une musette, des estampes, un livre.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Dessin du tableau pour devant de cheminée exposé au Salon de 1742 et acquis par M. Watelet. Le tableau est aujourd'hui au château de Jeand'heurs appartenant à M. Léon Rattier.

H. 24, L. 33.

—Vue d'un parc terminé par une terrasse à balustres donnant sur une rivière.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

Signé: J. B. Oudry, 1744.

Vente Guichardot.

H. 32, L. 53.

Pajou (Augustin). Un sculpteur qui dessine avec le pittoresque, le brio d'un dessinateur de profession. Ses dessins, qui ne sont pas très communs, sont généralement lavés d'un chaud bistre sur un trait de plume.

—Projet d'une fontaine à têtes de béliers et à godrons, surmontée d'un cygne, et dont la panse, où deux amours s'embrassent, est soutenue par deux satyres. Le socle est formé par trois cariatides à queue de serpent.

Bistre sur trait de plume.

Signé: Pajou.

Vente Tondu.

H. 32, L. 18.

—Projet de brûle-parfum, au couronnement formé d'un amour et de deux satyres.

Bistre sur trait de plume avec rehauts de blanc de gouache.

H. 14, L. 18.

—Dans un fronton, accoudées à un écusson vide et couronné de fleurs de lys, les figures de la Prudence et de la Libéralité.

Sanguine.

Ce dessin, très terminé, est le projet définitif, et tel qu'il a été exécuté, du fronton du pavillon de droite du Palais-Royal, sur la place.

H. 22, L. 59.

Parizeau (Ph.-L.). Des dessins de paysage où tout est gracieux: les arbres, les bêtes, les paysans.

—Une chaumière, où une femme, assise dans la baie de la porte, est entourée de petits enfants jouant sur le seuil.

Sanguine.

Signé sur le mur de la chaumière: Ph. L. Parizeau, 1775, près Longjumeau.

Étude par Parizeau, dans un voyage avec Wille, et dont Wille donne les étapes dans ses «Mémoires», à la date du 3 septembre 1775.

H. 18, L. 43.

Parrocel (Charles). Le peintre de l'entrée de l'Ambassadeur turc, le coloriste, dont les yeux semblent avoir toujours gardé la mémoire de ces tableaux de Bourguignon faits sur cuir doré, et où l'or, épargné par la peinture, faisait les cuirasses; le dessinateur dont la plume et la sanguine ont une sorte de furia, le croqueur instantané habitué à saisir le galop d'un cheval, et qui, en ses hâtifs et cursifs et carrés dessins, rencontra quelquefois de petits cavaliers au torse superbe, aux pans d'habits renflés, qui ont quelque chose du crayonnage de Watteau.

—La course de la bague, avec la tête du pistolet, la tête de l'épée, la tête de lance, la tête de Méduse, etc.

Sanguine.

Gravé à l'eau-forte par Parrocel, en réduction et avec quelques petits changements dans «l'École de cavalerie» par M. de la Guerinière, vol. Ier, p. 30.

Vente Le Bas, où ce dessin était catalogué sous le no 37.

H. 26, L. 46.

—Un palefrenier étrillant un cheval.—Une échoppe de regrattier.—Un maréchal-ferrant travaillant la mâchoire d'un cheval.

Lavis d'encre de Chine sur trait de plume.

Ces trois dessins sont gravés dans une suite d'après le Maître.

H.17, L. 13.

Pater (Jean-Baptiste). En dépit de la disproportion des parties d'un corps, d'un dégingandement parfois singulier de ses figures dessinées, Pater est le dessinateur qui approche le plus de son Maître. Il ne vous trompera pas avec un de ses trois crayons,—là Watteau défie tout le monde;—mais le plus fin connaisseur pourra être pris à un croquis, à un croqueton à la sanguine, tant l'élève s'est assimilé le jet et le ressentiment du contour de Watteau. Disons ici que c'est tout à fait une rareté que de rencontrer un dessin qui soit la première idée presque complète d'un tableau de Pater; on ne connaît guère de lui que des études de figures isolées. Sous le nom de Pater je catalogue, avec une espèce de certitude, un lavis dont pour moi le pointillage du pinceau a la plus grande analogie avec le faire du crayonnage du dessinateur; toutefois, pour affirmer d'une manière positive mon attribution, il aurait fallu voir des lavis de ce maître parfaitement authentiques, et je n'en connais pas.

—Un couple assis sur un tertre et devisant; dans le fond, à gauche, un galant dont la tête n'est indiquée que par un ovale, caressant la gorge d'une femme qui se défend.

Dessin aux trois crayons sur papier chamois.

Première idée du tableau gravé par Filleul, sous le titre: l'Amour et le Badinage.

H. 25, L. 31.

—Près d'une niche, à la sculpture rocaille, et d'où tombe un filet d'eau, un négrillon pose un déjeuner de porcelaine sur un guéridon, placé devant une dame à l'ample robe. A côté de la femme se tient debout, le bras appuyé au piédestal d'un grand vase, un homme en robe de chambre un bonnet de coton à fontange sur la tête; plus loin un gentilhomme, son chapeau sur la cuisse, est assis sur un tabouret.

Dessin à l'encre de Chine, dessiné et lavé au pinceau sur papier bleu.

Vente Thibaudeau, où il était catalogué sous le nom d'Eisen père.

H. 27, L. 38.

Perroneau (Jean-Baptiste). Un grand pastelliste injustement sacrifié par Diderot à La Tour, et dont la préparation de Laurent Cars, au Louvre, donne la plus haute idée. Perroneau est plus naturellement coloriste que La Tour; il est, dans sa peinture de poussière colorée, tout plein de tons clairs, frais, presque humides. Certes son heureux rival a une science anatomique et physiognomique d'un visage bien supérieure à la sienne, mais trop souvent ses tons sont fatigués, ne se montrent plus entiers, et jamais, au grand jamais, il ne s'est élevé à ces clartés d'une figure faites de la pose franche de touches de bleu, de vert, balafrés de rose, et qui ont la plus grande parenté avec la couleur à l'huile des portraits de Reynolds, des portraitistes anglais de la fin du xviiie siècle.

—Louis Claude, comte de Goyon de Vaudurant, sous-gouverneur de Bretagne, coiffé à l'oiseau royal; il est en habit de velours noir, jabot de dentelle, gilet de soie à fleurettes traversé par le cordon rouge de commandeur de l'ordre de Saint-Louis.

Pastel sur peau vélin.

Provient de la collection du docteur Aussant de Rennes, où il était attribué à La Tour. Ce pastel, qui a tous les caractères du faire de Perroneau, n'a pu être exécuté par La Tour qui, déjà un peu fou, ne travaillait plus à l'époque, où M. de Goyon était nommé commandeur de l'ordre de Saint-Louis.

H. 71, L. 58.

Pierre (Jean-Baptiste Marie). Le remplaçant et le continuateur de Boucher, un dessinateur dont les dedans sont un peu vides, mais un contourneur élégant et joliment maniéré de l'humanité de son temps. Ses femmes nues sont très désirables avec leur petite gorge drue, leur corps allongé dans la rondeur, leur derrière en poire, et l'élève de Natoire n'est point encore trop maladroit au tortillage d'une toilette d'homme ou de femme de son temps. Ce dessin du «Peintre sicilien» catalogué plus bas, je me vois toujours l'achetant, au temps des ventes fastes et secourables aux désargentés, en cette vieille maison du fond de la rue de Vaugirard, cette maison toute bondée de dessins et de gravures, et où les lots de choses d'art semblaient ne pouvoir s'épuiser: la maison de Villenave. Je le payais, mon Pierre, je crois, quelque chose comme 7 francs, et je l'achetais aux côtés de M. Reiset, qui, encore plus heureux que moi, acquérait là, pour moins de cent francs, deux Watteau qui sont aujourd'hui deux des joyaux de la collection du duc d'Aumale.

—Le gentilhomme Adraste aux genoux de l'esclave grecque dont il vient d'ébaucher le portrait.

Dessin sur papier blanc à l'encre de Chine, rehaussé de blanc de gouache.

Signé dans le dos d'une chaise: Pierre.

Dans la marge du dessin est écrit: Le Sicilien. Eh bien, allez, oui, j'y consens.

H. 22, L. 27.

—La Folie faisant fuir la Religion. En bas, un prêtre renversé, un soldat se tordant les mains, un laboureur levant les bras au ciel, un magistrat à genoux regardant la Religion s'envoler. Allégorie satirique contre la philosophie et l'irréligion du ministère Maurepas, Sartine, Miromesnil.

Dessin lavé à l'encre de Chine relevé de plume.

Signé au crayon dans la marge de l'ancienne monture: Pierre, le merc(redi) 1er février 1775.

H. 32, L. 27.

—Une jeune femme vue de dos, peignant un paysage posé sur un chevalet.

Sanguine.

Signé à l'encre: Pierre.

H. 23, L. 18.

Pillement (Jean). Un chinoiseur faisant de la chinoiserie rococo au goût du temps, et de petits paysages proprets avec un crayon taillé menu, menu, menu.

—Un pont à l'arche de pierre rompue et remplacée par une passerelle en bois; au premier plan, un homme monté sur un âne qu'il pousse à coups de bâton.

Dessin à la pierre noire.

Signé: J. Pillement, 1769.

H. 16, L. 23.

—Une masure au bord d'une rivière; sur une estacade une femme qui file debout, la quenouille à la main.

Dessin à la pierre noire.

H. 16, L. 23.

Portail (Jacques-André). Des deux crayons ayant l'air de dessins de la vieillesse de Watteau—qui n'en eut pas,—des dessins hésitants, tâtonnés, et comme tracés par des doigts un peu tremblants, et jamais, sans cette belle audace même dans la maladresse, qu'ont parfois et Pater et Lancret; des dessins cependant tout pleins, dans une interprétation ingénue et plaisamment maladroite, de la physionomie du xviiie siècle. Longtemps ces deux crayons se vendaient sans qualification. Ce n'est qu'en 1851, à la vente du baron de Silvestre, que l'apparition d'une dizaine de ces dessins, sauvés des soixante-neuf ramassés par son grand-père, le Maître à dessiner des enfants de France, réapprenait aux amateurs et aux marchands le nom du bonhomme Portail. On remarquera qu'en général les dessins de Portail sont seulement à la sanguine et à la pierre noire sans mélange de craie. Indépendamment de ces deux crayons, Portail, dont le titre était «peintre de fleurs», a exécuté, à l'aquarelle et à la gouache, de nombreuses et savantes études de fleurs, de plantes même de légumes, dont quelques-unes, indépendamment d'une série de miniatures, passaient à la vente de M. de Menars. Elles sont la plupart, maintenant, je crois, en la possession du marquis de Chennevières.

—Portrait du peintre, en buste, vu de trois quarts et tourné à gauche, la tête un peu soulevée, une joue appuyée sur sa main droite.

Dessin à la pierre noire et à la sanguine avec quelques touches de lavis à l'encre de Chine.

Une inscription d'une écriture du temps porte dans la marge: Dessiné par M. Portail, de l'Académie royale de peinture et sculpture, premier dessinateur du cabinet du Roi, garde des plans et tableaux de la couronne.

Vente Aussant.

H. 22, L. 17.

—Deux négrillons en costume de porte-queues de robes, et coiffés du casque à la moresque orné de panaches; ils sont accoudés à une table de toilette, sur laquelle il y a posés un pot à l'eau et une cuvette.

Dessin à la sanguine et à la pierre noire.

H. 27, L. 25.

—Une dame en grands paniers, assise dans une chaise, une canne à la main, causant, la tête retournée, avec un gentilhomme appuyé au dossier.

Dessin à la sanguine et à la pierre noire.

Collection Niel.

H. 30, L. 24.

—Un jeune homme assis, jouant de la flûte, auquel un autre homme, appuyé au dossier de sa chaise, présente la partition.

Dessin à la sanguine et à la pierre noire.

H. 26, L. 22.

—Jeune fille, vue à mi-corps, en déshabillé et regardant dans son corset qu'elle soulève de ses deux mains.

Dessin à la sanguine et à la pierre noire.

Étude pour la miniature portant le no 329 du marquis de Menars, ainsi décrite: «Une jeune fille assise et en déshabillé. Elle ouvre sa chemise et paraît y regarder attentivement.»

H. 26, L. 19.

Prud'hon (Pierre-Paul). Le dernier dessinateur de la grâce.

—Accroupie sur ses pieds, un ruban lui servant de guides, Psyché est traînée par l'Amour à genoux et dont les mains sont enchaînées derrière le dos.

Dessin à la pierre d'Italie sur papier jaunâtre.

Ce dessin est le modèle du bras de fauteuil pour l'ameublement de l'impératrice Marie-Louise, fondu par Thomire.

Porte la marque de M. His de la Salle qui avait fait un échange avec Blaisot.

H. 21, L. 36.

Pujos. Le portraitiste de Belle et Bonne, dessinateur consciencieux, appliqué, au crayonnage un peu froid, mais adroitement contre-taillé.

—Portrait de Sue, représenté dans une houppelande à collet de fourrure, et tenant de la main gauche une tête de mort.

Dessin à la pierre d'Italie.

Dans la tablette de l'écriture du peintre: Sue, célèbre anatomiste, et au-dessous: Dessiné par son ami Pujos en 1785.

Vente Capé.

H. 19, L. 13.

—Buste de femme, un pouf jeté sur le haut des cheveux et coiffée avec deux coques derrière l'oreille. Elle est habillée d'un peignoir bordé d'une ruche, et à son cou se voit le cordonnet d'un médaillon.

Dessin sur papier jaunâtre à la pierre d'Italie, relevé de craie.

Signé dans la marge: L. Pujos... en 1775.

H. 14, L. 14 (ovale).

Queverdo (François-Marie-Isidore). Le dessinateur, dont j'ai vu dans ma jeunesse, chez Mayor, deux dessins qui, s'ils n'avaient été signés, auraient été pris, par tout le monde, pour des Eisen,—le dessinateur devenu, dans les dernières années du xviiie siècle, l'affreux illustrateur que l'on connaît.

—Le Coucher de la mariée. Une femme entourée de ses chambrières, dont l'une tient une bougie, et qu'un homme agenouillé sollicite d'entrer au lit.

Lavis au bistre mélangé de carmin et rehaussé de blanc de gouache.

Signé dans l'encadrement carré fait à l'ovale du dessin par le dessinateur: Queverdo 1762.

H. 20, L. 18.

—Dans un confessionnal fait en treillage et fleuri de plantes grimpantes et couronné de deux pigeons qui se becquètent, un moine confesse une jeune villageoise qui s'essuie les yeux, tandis que de l'autre côté son amoureux attend son tour. A droite et à gauche du dessin, un groupe de berger et de bergère, couchés à terre, qui s'embrassent.

Lavis de bistre sur trait de plume.

Gravé sans nom de dessinateur et de graveur dans les imageries de Basset, sous le titre de: la Belle Pénitente, avec des vers au bas qu'on chantait sur l'air du Confiteor.

H. 15, L. 28.

Ranc (Jean). Peintre de portraits, élève de Rigaud. Il a laissé, de ses portraits à l'huile, des études crayonnées aux ombres légères et comme effacées, et dont l'éclairage de craie semble exécuté sur une contre-épreuve.

—Une vieille femme, au triple menton, à la coiffure basse, un pan de draperie jetée sur l'épaule droite. Elle est représentée vue de face dans le cadre d'un œil de bœuf architectural.

Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de craie.

H. 23, L. 17.

Robert (Hubert). L'artiste qui a inventé la ruine spirituelle, le crayonneur agréable, l'aquarelliste à l'aquarelle à la fois délicate et décoratoire. En dehors de ses villas italiennes, Hubert Robert a donné, sur notre ancien Paris, quelques dessins inspirés par une démolition, par un incendie, par une catastrophe montrant le monument ruineux et pittoresque, dessins où il apporte son talent prime-sautier dans la représentation de localités qui ne sont guère peintes que par un Raguenet.

—Un portique de villa italienne surmonté d'une terrasse, et dans la niche duquel tombe l'eau d'une fontaine. Un gentilhomme, le chapeau sous le bras, et donnant le bras à une dame en mante noire, s'apprête à monter un escalier s'ouvrant entre deux statues antiques; au premier plan, une femme puise de l'eau dans un chaudron, près d'une mère qui tient son enfant par les lisières.

Aquarelle sur trait de plume.

Signé: H. Robert 1763.

H. 34, L. 21.

—Jardin d'une villa italienne, où un escalier, au bas duquel est couché un Fleuve sur son urne, mène à une fontaine monumentale retombant en cascade; en bas, le long d'un mur, aux bas-reliefs encastrés, deux femmes arrangent des arbustes dans de grands pots de terre rouge.

Aquarelle.

Signé: H. Robert fecit 1770.

H. 21, L. 22.

—Escalier monumental que gravit une Italienne, son enfant sur le bras; au premier plan près d'un sphinx de bronze vert jetant de l'eau dans une vasque, une femme, accoudée sur une borne, tient un petit chien dans ses bras.

Aquarelle sur trait de plume.

Signé: H. Robert.

H. 33, L. 28.

—Vue de l'intérieur d'un cellier romain où un gros chien a pour niche un tonneau; une femme, un marmot sur le bras, monte un escalier, où un enfant, assis sur une marche, mange sa soupe.

Croquis sur un large frottis de sanguine, lavé de bistre et relevé de plume.

H. 36, L. 47.

—Vue, prise sous une arche du Pont-Neuf, du Pont-au-Change tout chargé de maisons; une grande estacade à droite au pied de laquelle sont amarrés des bateaux; au premier plan, un groupe de trois hommes dont l'un tient une ligne.

Croquis à la pierre noire.

Portant la marque FR.

H. 31, L. 46.

—Vue de l'Hôtel-Dieu, après l'incendie de 1772; une échelle est appliquée contre l'arceau du milieu; au premier plan, un groupe de deux femmes et d'un homme.

Sanguine.

H. 28, L. 36.

—Vue de la démolition du cimetière des Innocents. Par la baie d'une arche ogivale, on aperçoit une tour au-dessus du cloître dont la partie supérieure est déjà démolie; au milieu de la cour, amoncellement de poutres et de débris; au premier plan, un homme regardant appuyé sur le mur d'appui.

Sanguine lavée d'encre de Chine, relevée de plume et rehaussée de blanc de gouache.

H. 37, L. 29.

Sablet le jeune. Des dessins nobles, des études d'après nature qui rappellent des académies d'atelier.

—Une vieille femme aux pieds nus, en costume de la campagne romaine, représentée de profil, tournée à gauche et tendant la main.

Lavis à l'encre de Chine.

H. 35, L. 27.

Saint-Aubin (Gabriel). Un gribouilleur de génie, dans les croquis, les croquetons duquel il serait possible, en les gravant, de reconstruire une Illustration du xviiie siècle, qui aurait ses légendes toutes faites avec le bavardage écrit de la main de l'artiste-croqueur, en marge, au dos, au revers, et même à travers le crayonnage et la peinturlure de ses dessins d'après nature.

—Portrait d'Augustin de Saint-Aubin enfant, dormant tout habillé sur un tabouret; dans le coin, à gauche, une répétition plus étudiée de la tête du dormeur.

Dessin à la pierre noire.

Au dos, de la fine écriture d'Augustin: Étude faite d'après nature par Gabriel de Saint-Aubin en 1747 d'après son frère Augustin qui lui servait de modèle[32].

H. 21, L. 19.

—Portrait de Louis XVI dans un cadre, au bas duquel jouent deux amours, au milieu d'attributs et de médaillons représentant des épisodes de la vie du monarque.

Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir et frotté de blanc, signé: Gabriel de Saint-Aubin f. 1770. Il a écrit en bas: Louis-Auguste, dauphin de France. Marié le 16 may 1770, et ajouté plus tard: Roi le... 1774.

H. 33, L. 22.

—Deux études du portrait de Young.

L'une représente l'écrivain dans un médaillon, au bas duquel est une lampe, un sablier et une tête de mort servant d'encrier; l'autre le montre dans un médaillon soutenu par un Génie, avec au bas une Muse la tête voilée de noir, une plume à la main.

Le premier dessin est à la pierre d'Italie et à la sanguine relevé d'encre; le second est à la pierre d'Italie.

Tous les deux sont signés. Le second porte au bas trois lignes au crayon, qui commencent ainsi: Gabriel de Saint-Aubin l'ami de Young...

Le premier a été gravé par Augustin de Saint-Aubin, en tête de la traduction des Nuits de Young, par Letourneur, 1770.

H. 14, L. 8.

—La Vierge exposant l'Enfant Jésus à l'adoration d'un moine et d'une sœur. Le sujet principal est entouré de quinze petits médaillons à la plume, représentant quinze épisodes de la vie du Sauveur.

Dessin lavé sur crayon noir à l'encre de Chine.

Signé: G. d. S. A.

Vente Pérignon.

H. 20, L. 18.

—Matathias renversant les idoles et massacrant les prêtres.

Dessin à la plume, lavé d'aquarelle avec rehauts de gouache.

Vente Pérignon.

H. 17, L. 23.

—La mort de Germanicus.

Dessin à la plume, lavé sur frottis de sanguine, et rehaussé de gouache.

Gravé sous le no 44 de l'illustration faite par Gabriel Saint-Aubin de «l'Abrégé d'histoire romaine», publié chez Nyon.

H. 21, L. 16.

—Une châsse promenée à la porte d'une église par le clergé.

Dessin à la pierre noire, relevé de plume.

Projet de tableau, ainsi que l'indique la mention de 14 pieds, écrite en bas, au crayon, par Gabriel de Saint-Aubin.

H. 5, L. 10.

—Les Dimanches de Saint-Cloud.

Dans une allée de boutiques, au milieu du cercle fait par la foule, un homme et une femme dansent aux accords d'un joueur de violon et d'un harpiste.

Bistre relevé de plume.

Signé au bas, à gauche: Gabriel de Saint-Aubin del., et sur le toit d'une boutique: Vu à Saint-Cloud le 12 septembre 1762. G. de S. A.

H. 20, L. 28.

—Vue du Pont-Neuf et de la Samaritaine prise au quai de la Mégisserie à l'époque où se construisaient, sur les demi-lunes du pont, les guérites dont la location fut affermée par le Roi, au profit des veuves de l'Académie de Saint-Luc. Sur le premier plan un marché aux fleurs, une rixe de femmes, un groupe de racoleurs.

Dessin à la sanguine et à la pierre noire, accentué de plume.

Signé: G. de Saint-Aubin 1775.

Ventes Brunn-Neergaard, Sylvestre[33].

H. 23, L. 38.

—Pitres de parade se fendant pour un assaut, gros abbé le nez en l'air, vieillard vu de dos dans un grand manteau, savoyard sautillant sur un pied, femme assise sur un banc soulevant son enfant pour voir.

Feuille de croquis sur papier grisâtre, à la pierre noire, rehaussés de blanc.

Étude pour la «Vue des Boulevards» de Gabriel de Saint-Aubin, gravée sans titre par Duclos.

H. 43, L. 26.

—Deux vues du Wauxhall.

Dessin à la plume sur un dessous de crayon lavé.

Sur l'un de ces dessins on lit, de l'écriture de Saint-Aubin: Vue du salon des Muses faite au Wauxhal par Gabriel de Saint-Aubin, 1769, avec indication de café turc et de restaurateur.

H. 5, L. 10.

—Vue des tables d'un café des boulevards, devant lequel défilent des carrosses.

Croquis au crayon noir rehaussé de blanc.

Vente Pérignon.

H. 14, L. 19.

—Dans le fond l'École-Militaire, au premier plan une foule immense regardant, du quai, un bateau au milieu de la Seine.

Dessin à l'aquarelle repris de plume.

En bas, de l'écriture du dessinateur: Bateau insubmersible de M. de Bernière éprouvé le 1er août. Gabriel de Saint-Aubin, 1776. Le véritable honneur est d'être utile aux hommes. Pour la société établie à cette fin, 1776. (Voir sur cette expérience les «Mémoires de la République des lettres» à la date du 4 août 1776.)

H. 19, L. 14.

—Un laboratoire de chimie, au manteau du fourneau décoré d'une figure allégorique présentant un miroir à Vulcain. Au-dessous sont groupés, autour d'une table, des savants, des femmes, des abbés, au milieu desquels on remarque un seigneur au grand cordon en sautoir. Un homme tient une cornue entre ses mains. C'est sans doute la chambre d'expérimentation du chimiste-amateur, le duc de Luynes, où se lit sur une porte sculptée: Au Sage.

Dessin à la pierre noire, relevé de quelques coups de plume.

Signé: G. S. A. 1779.

Vente Pérignon.

H. 18, L. 12.

—Sous un ciel, où les Naïades versent la pluie avec des arrosoirs, et où les Vents soufflent la tempête, des jouteurs de régates de la Seine s'avancent, leurs lances de bois appuyées sur la cuisse. Au premier plan, un cabriolet stationnant à côté d'une ancre.

Dessin à la pierre noire, relevé de plume, lavé d'aquarelle et de gouache dans le ciel.

Signé: G. de S. A.

Vente Pérignon.

H. 22, L. 18.

—Danse d'hommes et de femmes dans des arbres, au pied de statues, avec un fond de ciel qui semble éclairé d'illuminations et de lueurs de feux d'artifice.

Dessin sur papier gris à la pierre noire, rehaussé de craie et de quelques touches de pastel dans le fond.

On lit dans le ciel de ce dessin représentant sans doute quelque réjouissance publique: le Retour désiré.

Vente Pérignon.

H. 22, L. 28.

—Le Salon de 1757. Plusieurs personnes, parmi lesquelles se trouve un Turc, sont arrêtées devant une statue de Vénus.

Dessin à l'encre de Chine sur trait de plume.

En bas, au crayon de la main de Gabriel: Salon de 1757, figure de M. Mignot. C'est la figure ainsi mentionnée au livret de l'exposition: «Vénus qui dort. Cette figure est de la même proportion que l'Hermaphrodite antique et doit faire son pendant, par M. Mignot, agréé.»

H. 14, L. 16.

—Une jeune femme dessinant dans un atelier une statuette de Vénus, posée sur un guéridon. Un peintre, la main qui tient sa palette, posée sur l'épaule de la femme, lui indique, de son autre main, une correction.

Dessin sur papier jaunâtre à la pierre noire, éclairé d'un frottis de craie.

H. 21, L. 15.

—Trois jeunes filles dessinant sur un coin de table.

Dessin à la pierre noire, relevé de plume.

On déchiffre à peu près, sur ce dessin, de la main de Gabriel: ... Pour Mme J. G. Colignon de Freneuse; et en bas, sous la jeune fille de premier plan: pied en l'air.

H. 17, L. 11.

—Dans un appartement aux lambris sculptés, au mobilier somptueux, un commissaire verbalisant avec son clerc à une table, tandis qu'un soldat aux gardes saisit dans un secrétaire une boîte, en présence d'un homme en robe de chambre et en bonnet de coton.

Lavis à l'encre de Chine sur un frottis de sanguine.

Portant la marque du chevalier Damery.

H. 24, L. 19.

—Une femme donnant de la bouillie à un enfant, renversé sur ses genoux.

Dessin sur papier bleu à la pierre noire, rehaussé de craie.

Signé: G. de S. A. 1773.

H. 28, L. 20.

—Une femme assise, un pied sur un tabouret, lisant dans un livre.

Contre-épreuve d'un dessin à la pierre noire, avec, en marge de la femme, des croquetons à la plume et au crayon.

H. 23, L. 18.

—Deux hommes assis sur des chaises, à l'entrée d'une grande allée d'arbres; à côté d'eux deux femmes couchées à terre.

Dessin à la pierre noire, lavé d'encre de Chine et d'une coloration bleuâtre. Au dos du dessin, croquis de statue à la plume et tête d'homme baissé et paysage au crayon.

H. 18, L. 11.

—L'Étude et les Amours cherchant à arrêter le Temps, un pied posé sur les constitutions des Jésuites.

Dessin estompé au crayon noir.

Signé: G. de S. A.

Ce grand dessin académique, dont le dessinateur semble avoir eu une sorte d'orgueil, porte en bas, de la main de Gabriel: Bon à coler derrière mon portrait.

H. 54, L. 43.

—Un Génie ailé, à la main une trompette de Renommée, montrant un portrait lauré, et repoussant du pied l'Envie et la Haine.

Dessin lavé de bistre sur papier bleu, rehaussé d'aquarelle et de gouache.

Signé: Gabriel de Saint-Aubin f. avec la mention: Pour le prince de la Paix.

Vente Peltier.

H. 24, L. 21,

—La Ville de Paris, figurée par une déesse tenant une rame, et montrant à une femme qui serre deux enfants sur sa poitrine, la colonne de l'hôtel de Soissons, encastrée dans les nouvelles Halles aux grains et aux farines. En haut, un petit dessin architectural de l'encastrement.

Dessin au crayon et à la plume, lavé de bistre et d'encre. Au revers, sur un fond aquarellé de bleu, le crayonnage d'un homme assurant un lorgnon dans son œil, à côté d'un autre homme couché sur un banc; autour d'eux, plusieurs objets d'art.

Nombreuses écritures sur le dessin du recto, et au verso, à côté d'une petite statuette religieuse, deux fois dessinée: Bronze à Saint-Jean par..... le 1er octobre 1769.

Allégorie relative à l'érection de la colonne donnée par Bachaumont à la ville de Paris, et dont le dessin destiné aux «Étrennes françoises» dont Gabriel Saint-Aubin a fait presque toute l'illustration, a été remplacé par un Gravelot.

H. 18, L. 12.

—Études d'amours pour un plafond, avec la composition du milieu cherchée deux fois, d'une manière différente.

Dessin moitié à la sanguine relevé de plume, moitié au lavis d'encre de Chine sur crayonnage à la pierre noire.

Signé: G. de Saint-Aubin, 1779.

Ce dessin porte en bas de la main de Gabriel: pour le plafond de..... Serait-ce un plafond pour l'hôtel de M. d'Angiviller, dont le nom se trouve dans un cartouche sur lequel est assis un amour?

H. 18, L. 14.

—Près d'une femme, un personnage grotesque et coiffé d'une calotte, tenant renversée une marotte à laquelle se suspend un amour.

Dessin à la pierre noire.

Signé: G. de S. A. et griffonné, en marge, de chiffres, d'écritures, d'adresses, de recettes de peinture.

Vente Pérignon.

H. 18, L. 13.

—Dans un appartement à colonnes et où la porte est surmontée d'un groupe de deux amours, deux hommes causant debout, une main de l'un posée sur la main de l'autre.

Dessin à la pierre d'Italie, relevé de quelques traits de plume.

Signé: G. de Saint-Aubin del.

Gravé par Augustin de Saint-Aubin pour l'Intérêt personnel, acte II, scène II.

H. 12, L. 7.

—Neuf compositions pour l'illustration de Zadig de Voltaire.

Gribouillis à la plume, dont un seul est légèrement lavé d'encre de Chine.

H. 10, L. 8 (forme ovale).

—Trois dessins d'armoiries: deux différents pour les armes de Madame de Pompadour, un pour les armes de son frère, M. de Marigny.

Trois dessins au crayon, à la plume, lavés d'encre de Chine, sur papier et sur peau vélin.

Signé au bas des deux poissons de Marigny: G. S. A.

H. 6, L. 12.

Saint-Aubin (Augustin de). Un cadet moins peintre, moins savant dessinateur, moins artiste que son aîné, mais doué d'un contour de grâce, d'une suavité de dessin, d'une naïve galantiste d'art, qui en fait le peintre de la volupté de la femme de son temps. Pour le juger complètement, il faudrait qu'un habile fureteur déterrât les originaux de son «Bal paré» et de son «Concert bourgeois», ces deux représentations typiques du monde du xviiie siècle, exposées au Salon de 1773, et faites avec ce joli procédé qui lui réussit si bien: un doux crayonnage balayé d'un nuage d'aquarelle. Dans l'ordre de ces dessins de vapeurs, et parmi lesquels je citerai la première idée de «Au moins soyez discret», c'est dans un certain vague à peine coloré d'aquarelle ou de pastel, comme la pâle vision d'une femme rose, entrevue dans un rêve amoureux.

—Portrait à mi-corps et de profil, du dessinateur à l'âge de vingt-huit ans. Il a les cheveux en accommodage du matin, un carton sur les genoux, un porte-crayon au bout de sa main droite, levée et tendue. Au fond, sur un chevalet, une toile représentant une nudité mythologique.

Bistre sur trait de plume.

Signé: Aug. de Saint-Aubin del. 1764.

Vente Renouard.

H. 19, L. 14.

—Portrait d'une jeune femme de profil, tournée à gauche, aux cheveux bouffants et retombants, serrés par un ruban au sommet de la tête, un collier de perles au cou, un fichu lâchement noué sur le décolletage de sa poitrine.

L'encre de Chine, relevée de quelques petits traits de plume, est légèrement lavée d'aquarelle.

Signé au crayon dans le cercle blanc de l'ovale: A. de Saint-Aubin, 1780.

Au dos, d'une écriture du temps: Aimée Louise Chevrau de Moussy[34].

H. 12, L. 10 (ovale).

—Portrait d'une jeune femme de profil, tournée à droite, coiffée en chien couchant. Elle a une perle longue à l'oreille, et ses épaules décolletées sortent d'une robe jaune.

Dessin à la mine de plomb, légèrement lavé d'aquarelle et relevé de pastel.

H. 17, L. 14 (ovale).

—Portrait d'une femme âgée, vue de trois quarts, en cheveux relevés et surmontés d'un pouf. Un fichu de mousseline est jeté sur ses épaules.

Dessin à la pierre noire et à la mine de plomb, rehaussé de sanguine dans la figure.

H. 18, L. 13.

—Portrait de femme, représentée la tête renversée, les cheveux épars, les yeux au ciel, la gorge nue à demi voilée par une vapeur d'encens.

Sanguine.

H. 16, L. 13.

—Jeune femme debout, un petit tablier sur sa robe, les bras nus croisés, et les mains enfoncées dans les engageantes de ses manches. Derrière elle, un intérieur de chambre, où se voit une console au-dessous d'une glace.

Au dos, de l'écriture d'Augustin: Étude d'après Mlle L. G. dessinée par Aug. de Saint-Aubin, 1763.

H. 21, L. 13.

—Une femme jouant de la harpe et chantant.

Mine de plomb reprise de plume.

H. 17, L. 10.

—Une petite fille, assise dans un grand fauteuil de paille, et lisant un livre qu'elle tient de ses deux mains entrecroisées; à terre, une poupée.

Mine de plomb.

H. 19, L. 13.

—Une femme en corset, en camisole qu'elle ramène sur un de ses seins, envoyant un baiser du bout des doigts.

Mine de plomb légèrement aquarellée sur la figure.

Première idée du dessin gravé par Augustin de Saint-Aubin, sous le titre de: Au moins soyez discret.

H. 21, L. 16.

—Dame habillée, vue de face; un bras passé derrière son dos. Coiffure de fleurs et de plumes, robe violette avec nœuds, glands, barrières et volants jaunes; gants montant jusqu'aux coudes.

Aquarelle sur dessous de mine de plomb.

Gravé dans la «Gallerie des Modes et Costumes français dessinés d'après nature» et publiée par Esnauts et Rapilly, gravé par Dupin fils sous le no 360, avec la légende: Grande robe de cour garnie de gazes entrelacées et de guirlandes.....

H. 25, L. 18.

—Dame habillée, vue de face, la tête tournée de profil à gauche, une main appuyée sur la hanche. Robe bleue falbalassée sur jupe rose à guirlandes de fleurs.

Aquarelle sur dessous de mine de plomb.

Gravé dans la collection Esnauts et Rapilly, par Dupin fils, sous le no 375, avec la légende: Grande robe de cour à l'étiquette.....

H. 25, L. 18.

—Dame habillée, de profil, tournée à gauche et tenant d'une main un éventail fermé. Corsage rose, retroussis bleu sur une jupe rose entr'ouverte sur un dessous à bordure jaune, brodé de fleurettes.

Aquarelle sur dessous de mine de plomb.

Gravé dans la collection Esnauts et Rapilly, par Dupin fils, sous le no 357, avec la légende: Robe asiatique ornée de gazes et de guirlandes de chêne.....

Ces trois dessins de costumes d'Augustin de Saint-Aubin proviennent de la vente Hope.

H. 25, L. 18.

—Un commissionnaire, tenant de ses deux mains son chapeau contre sa poitrine.

Mine de plomb.

Gravé par Augustin de Saint-Aubin, sous le no 4, dans la suite: «Mes gens, ou les Commissionnaires ultramontains

H. 20, L. 14.

—Trois petits garçons jouant à la toupie, devant la colonnade du Louvre.

Sanguine.

Gravé par Augustin de Saint-Aubin, sous le titre: la Toupie, dans la suite: «C'est ici les différents jeux des petits polissons de Paris

H. 17, L. 17.

Saint-Aubin (Mlle Germain de). Tous les hommes et toutes les femmes de cette famille Saint-Aubin peignent et dessinent. Un curieux document, à l'appui de cette assertion, est l'album possédé par M. Destailleurs, où les dessins de Gabriel et des Augustin sont entremêlés des dessins de celui-ci et de celle-là, d'un neveu, d'une nièce.

—Portrait de Germain de Saint-Aubin, l'auteur des Papillonneries humaines.

Mine de plomb.

Au revers du dessin, on lit: Charles Germain de Saint-Aubin, dessinateur du Roy, né le 17 janvier 1721, dessiné en 1761 par Mlle de Saint-Aubin pour M. Sedaine, son amy.

H. 11, L. 11 (ovale).

Saint-Quentin. Un dessinateur à la fois médiocre et facile, et dans l'aquarelle duquel se glissent des bruns qui ne sont pas les roux d'un coloriste.

—A l'ombre d'un saule, un lavoir, dans le fond une charrette dételée et basculée ou jouent de petits paysans; au premier plan, à côté d'une cuve à lessive, un homme baignant des enfants.

Dessin lavé à l'aquarelle légèrement gouachée.

Signé: Saint-Quentin inv. f. 1764.

H. 23, L. 35.

Soldi. Un Italien devenu français, séduit par Chardin, et qui cherchait à imiter ses sujets et sa manière dans des dessins chauds et blonds.

—Dans un pauvre intérieur aux paniers pleins de linge, près d'une table à repasser, où est appuyé un petit garçon, une jeune fille, accotée à un cuveau, est grondée par une vieille femme, qui lui met sous le nez un linge dans lequel elle lui montre un trou.

Dessin à la sanguine, lavé d'encre de Chine, rehaussé de blanc et repris de plume.

Gravé par Henriquez, avec un changement dans le petit garçon, sous le titre: la Négligence aperçue.

Swebach-Desfontaines (Jacques). Un dessinateur du soldat et des foules, qui a des allumements de lumière assez gais, et de petites adresses de plume et de pinceau parfois amusantes.

—Vue d'un camp, où des fantassins et des hussards à cheval boivent, groupés autour d'une vivandière, à la porte d'une baraque transformée en cabaret.

Lavis à l'encre de Chine sur papier verdâtre, rehaussé de blanc de gouache.

H. 24, L. 34.

—Foule groupée devant les tréteaux du théâtre des Associés. Foule sortant de dessous l'auvent du théâtre d'Audinot.

Deux croquis lavés de bistre sur gribouillage de plume.

On lit de la main de Swebach, sur le premier: Assossiés; et sur le second: Sortie de chés Odinot (sic).

H. 11, L. 17.

—Entrée d'un café à la devanture soutenue par des piliers de bois, garnis de jalousies, et sur la porte duquel on lit: Café Godet[35]. Des hommes et des femmes, dans des costumes du Directoire, se pressent vers les tables en plein air. Devant le café, un vielleur, une marchande d'oublies, de petits Savoyards.

Aquarelle.

Au dos du dessin, se lisait: Sweback, 1798.

H. 14, L. 28.

Taraval (Hugues). Le peintre dont on disait: «Il a un très beau pinceau», et dont les dessins sont rares. Au fond un artiste qui est de la monnaie de Boucher, mais avec des enveloppements moins ronds de la forme, des ressentiments plus nature, et une certaine venusté dans ses figures de femmes.

—Académie de femme agenouillée, les mains jointes sous son menton.

Dessin estompé aux trois crayons.

Portant la marque F. R.

H. 29, L. 20.

Saugrain (Élise). De petites lumières papillonnantes, des eaux égayées de reflets, des verdures bleuâtres, une nature couleur de mousse et d'automne: c'est là la palette de cette élève de Moreau l'aîné, qui gravait les gouaches de son Maître, avec cette mention au bas de l'estampe: Élise Saugrain sculp. Moreau direxit.

—Un bouquet de saules au bord d'une rivière, dont les détours et les sinuosités baignent de petites langues de terre et de petits îlots verts.

Aquarelle légèrement gouachée.

Signé: Saugrain, 1767.

H. 21, L. 39.

Schenau. Encore un Allemand, et le plus Allemand de tous les Allemands qui ont fait de l'art français.

—La maîtresse d'école. Une vieille paysanne, entourée de petites filles et de petits garçons, fait lire, dans un livre, un marmot juché sur une table, qu'elle tient entre ses bras contre sa poitrine.

Dessin à l'encre de Chine lavé d'aquarelle.

H. 39, L. 27.

Taunay (Nicolas-Antoine). Un dessinateur, dont on ne rencontre guère que des dessins et des illustrations de sa vieillesse, sans grand accent du xviiie siècle. Et cependant,—détail presque ignoré aujourd'hui,—il a été un moment un des plus lestes et des plus pimpants gouacheurs du xviiie siècle, un gouacheur qui, sur la peau vélin, a fait revivre la claire et pétillante peinture de Pater, avec ses lumineux réveillons, avec ses allumements de couleurs tendres: les cendres vertes, les vermillons, les jaunes de soufre.

—Ouverture d'un chemin dans la campagne. Homme brouettant de la terre, charretier chargeant un tombereau de déblais, femme accroupie renversant une hotte, travailleurs défonçant la terre à coups de pic; dans un coin, un individu déculotté, faisant ses besoins dans un cours d'eau.

Gouache sur peau vélin.

Signé: N. Taunay, 1784.

Répétition du tableau, que le «Salon de la Correspondance», de la Blancherie, annonce exposé, comme faisant partie du cabinet du comte de Cossé, sous le titre: Des travailleurs qui ouvrent un chemin dans une montagne.

H. 32, L. 25.

—Juge reconduit chez lui aux flambeaux.

Juge assis dans un fauteuil auquel on présente de petits chiens.

Dessins au bistre gouachés de blanc, l'un a été mis au carreau.

Deux scènes de l'illustration des «Plaideurs» de Racine, pour une édition de Didot.

H. 11, L. 8.

Touzé. Dessinateur minutieux appliqué, un peu parent de Duplessis-Bertaux, et dont le crayon, comme le sien, va naturellement à la caricature. Je me trouve posséder par hasard tous ses dessins qui ont eu l'honneur de la gravure depuis son «Charlatan» et son «Conducteur d'ours» acquis il y a bien des années à une petite vente de l'hôtel des Jeûneurs, jusqu'à son dessin de «Zemire et Azor», trouvé, pendant l'armistice du siège, chez un coiffeur de la banlieue, presque démoli par les obus.

—Sur le quai de l'École, dans la foule des badauds, un sauvage arrachant avec un sabre, du haut de sa voiture, une dent à un patient monté sur un escabeau.

Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir, rehaussé de blanc.

Gravé par Miger, sous le titre: le Charlatan.

H. 21, L. 26.

—Escorté de musiciens en carrosse, un homme marchant dans la foule de la rue, et tenant en laisse un ours, sur lequel sont deux singes.

Dessin à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc sur papier jaunâtre.

Gravé par Miger, sous le titre: le Conducteur d'ours.

H. 21, L. 26.

—Dans un palais de théâtre au fond duquel un transparent laisse voir un sultan, au milieu de son harem, à droite un acteur à l'apparence d'un homme-bête, à gauche une actrice chantant.

Dessin sur papier jaunâtre à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc.

Gravé par Voyez le jeune, sous le titre du: Tableau magique de Zémire et Azor.

H. 38, L. 32.

—Contre un pilier des Halles, un petit bout d'homme ridicule, voulant embrasser de force une marchande, pendant qu'un enfant lui verse, par derrière, une bouteille dans sa poche.

Dessin sur papier jaunâtre, à la pierre d'Italie, légèrement lavé de bistre et rehaussé de blanc.

Gravé en réduction par Hémery, sous le titre: la Marchande d'œufs[36].

H. 45, L. 36.

Trémollières (Pierre-Charles). Un élève de Jean Baptiste Vanloo, qui dans un dessin, non sans force et sans puissance, a encore exagéré l'engorgement des amours de Boucher, qu'on voit chez lui, tout pantalonnés de graisse, en leurs chairs renflées. En dehors de quelques rares têtes d'études pastellées, il a un seul et unique procédé de dessin: des lavis au crayon noir sur papier bleu, lavés d'un vilain bistre jaune, avec de larges hachures au pinceau.

—Groupe de trois amours, dont l'un entoure de ses bras un coq qui chante.

Croquis au crayon noir, lavé de bistre et rehaussé de blanc sur papier bleu.

Dessin ovale d'un panneau de lambris.

H. 26, L. 20.

—Fillette regardant un petit garçon, qui dort, le ventre à l'air, sur le départ d'une rampe de parc.

Croquis au crayon noir, lavé de bistre et rehaussé de blanc sur papier bleu.

Dessin pour un panneau de lambris,

H. 27, L. 22.

Trinquesse (Louis). Un crayonneur à la sanguine, qui a laissé un certain nombre d'études de femmes, saisies d'après nature dans leur ajustement et leur accommodement du jour, et qui trouve ou surprend parfois de jolis mouvements, mais dont les dessins sont gâtés par la sécheresse académique, les hachures sérieuses qu'il introduit dans ses croquis de la mode et des fanfioles de la toilette. Les deux premiers dessins viennent d'une suite de 24 études, où, sur l'une d'elles, il y avait écrit, de la main du peintre, qu'elles avaient été faites en 1773, d'après une Madame de Framery.

—Étude de femme en pied, un chapeau à plumes sur la tête, assise dans une bergère près d'une servante où est posé un pot à l'eau.

Sanguine.

Signé à la plume: Trinquesse f.

H. 39, L. 24.

—Femme en robe habillée, couchée tout de son long sur une chaise longue. Sa tête est appuyée sur une main, l'autre tient un bouquet dans le creux de sa jupe.

Sanguine.

Signé à la plume: Trinquesse f.

H. 25, L. 37.

—Femme assise de côté dans un fauteuil, les pieds étendus sur un tabouret.

Sanguine.

H. 34, L. 27.

—Femme assise sur une chaise, une main tenant une plume, appuyée sur une table à côté d'elle.

Sanguine.

H. 32, L. 22.

—Femme assise de côté sur une table, une jambe pendante, un pied posé à terre.

Sanguine.

H. 34, L. 27.

Troy (Jean-François de). Des dessins, dont l'authentification est difficile, et dont il faudrait, pour avoir la certitude complète de l'authenticité, trouver quelque première idée des tableaux gravés du peintre, ou des tableaux exécutés en tapisserie aux Gobelins, comme la série d'Esther. Celui-ci a pour lui le faire gras du dessinateur, l'espèce d'orientalisme de ses compositions, imaginé avec des têtes de juifs des ghetto italiens, l'attribution d'une écriture du temps sur la vieille monture, et la mention de son biographe, que de Troy a peint une «Femme adultère» pour le cardinal de Tencin.

—Au milieu des pharisiens, la femme adultère en larmes, auprès de laquelle, Jésus-Christ penché à terre, écrit de son doigt sur le sol: «Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre.»

Dessin à la pierre noire.

Portant la marque G. P. entre-croisés.

H. 38, L. 28.

Vanloo (Carle). C'est en quelque sorte le dessinateur officiel de l'école française de son temps. Algarotti le proclame le créateur d'un nouveau mode de dessin, par la substitution à l'estompage italien, de l'égrenage du crayon, relevé de traits de force: une façon de faire revivre, dans un mol enveloppement, les hachures entre-croisées des vieux maîtres. Mais, indépendamment du procédé, il est accordé, surtout à Vanloo, par les salonniers, le grand style du dessin. Enfin, pour tout dire, l'académie à la sanguine, que l'élève-peintre copie dans le tableau du «Dessinateur» de Chardin, est une académie de Vanloo. Il y a bien à rabattre sur cet engouement des contemporains, et de Mme de Pompadour. Vanloo n'a pas le dessin personnel, n'a pas le dessin franchement de son époque, de sa patrie: son dessin est un compromis bâtard entre le dessin italien et le dessin français. Toutefois ses dessins méritent de trouver une place assez large dans une collection du xviiie siècle, dont il est un des représentants attitrés. Puis dans les dessins décrits ici, il se trouve une série où l'artiste a été sauvé de la convention, et forcé pour ainsi dire d'être français par l'étude rigoureuse de la nature. Ce sont les dessins faisant partie de ce lot mentionné dans son catalogue[37], où il avait représenté dans leur intérieur, et en pied, les peintres ses amis et leurs femmes. Et peut-être en étudiant bien les vagues tableaux accrochés à la muraille sur quelques-uns des fonds, arriverai-je, un jour, à découvrir le nom des aimables personnages.

—Une femme assise, en déshabillé Pompadour, un bonnet papillon sur une coiffure basse, une cravate en chenille au cou, une échelle de rubans au corsage, des engageantes à la saignée, tenant de sa main droite, posée sur ses genoux, un mouchoir, pendant que son bras gauche repose sur un coussin placé sur une table. Quelques personnes croient retrouver dans cette étude le portrait de Mme Vanloo, qui existe dans le grand tableau de la famille des Vanloo.

Dessin à la pierre d'Italie sur papier bleu, rehaussé de blanc avec un léger frottis de sanguine sur le visage et les mains.

Signé: Carle Vanloo 1743.

Porte la marque du chevalier Damery, et provient de la vente de M. Jules Boilly.

H. 44, L. 32

—Un homme, assis de face sur un fauteuil, au dos canné. Il a l'épée au côté et le chapeau sous le bras. Le fond de l'appartement est garni de tableaux.

Dessin sur papier jaunâtre[38] à la pierre d'Italie rehaussé de blanc.

Signé: Carle Vanloo f. 1743.

Vente Lajarriette.

H. 44, L. 32.

—Auprès d'un petit bureau, un homme assis de face, tenant de la main gauche sa tabatière, où il vient de prendre une prise. Quelques tableaux accrochés au mur du fond.

Dessin sur papier jaunâtre à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc.

H. 39, L. 31.

—Une vieille femme, tricotant au coin d'une cheminée; à sa gauche, une petite table sur laquelle il y a une corbeille à tapisserie, des ciseaux, une pelote. Derrière elle l'angle d'un grand tableau.

Dessin sur papier bleuâtre à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc.

Signé à l'encre: Carle Vanloo 1743.

H. 47, L. 33.

—Tête de jeune femme, vue de trois quarts, aux cheveux relevés et noués avec un ruban au sommet de la tête.

Dessin à la sanguine brunâtre, travaillée dans la manière et avec les entre-croisements de hachures des têtes d'études de Greuze.

Provenant de la vente de Norblin père dans laquelle il était catalogué sous le nom de Mlle de Nesle.

H. 43, L. 31.

—Tête de petite fille, de profil, tournée à droite, une collerette au cou, un fil de perle et un ruban bleu s'enroulant dans ses noirs cheveux relevés.

Dessin au crayon noir légèrement pastellé.

Étude pour le tableau gravé par Fessard, sous le titre: la Musique, décorant le salon de compagnie de Mme de Pompadour, au château de Bellevue.

H. 25, L. 20.

—Tête de petite fille, de profil, tournée à gauche, un ruban rose courant dans ses cheveux blonds, roulés sur sa tête. Elle a un collier de perles au cou.

Dessin au crayon noir légèrement pastellé.

Étude pour le tableau gravé par Fessard, sous le titre: la Peinture, décorant le salon de compagnie de Mme de Pompadour, au château de Bellevue.

H. 25, L. 20.

—Personnages groupés dans un salon autour d'une femme assise dans un fauteuil.

Dessin à la plume, lavé de bistre.

Première idée du tableau gravé par Beauvarlet, sous le titre: la Conversation espagnole[39].

Provient des ventes Norblin fils et Arozarena.

H. 26, L. 23.

Vernet (Joseph). De tranquilles et sérieux dessins, qui ont rompu avec le tapage pittoresque de l'école paysagiste de Boucher: des effets larges, de grandes lumières dormantes, le commencement de l'enveloppement d'un paysage par une atmosphère.

—Vue de la Seine en face le palais Bourbon. Le cours de l'eau est animé par des bateaux, des trains de bois, des batelets remplis de gentilshommes et de dames; au milieu du fleuve est amarrée une frégate.

Dessin à la pierre noire.

Portant une marque inconnue.

H. 22, L. 37.

—Un maçon en train de tailler une pierre près d'un toiseur regardant dans un cahier, sa toise sous le bras.

Dessin à la mine de plomb et à la sanguine.

Étude faite pour les ports de mer, avec des numéros sur les diverses parties du costume du maçon, qui indiquent, en marge, les couleurs pour la peinture à l'huile.

H. 20, L. 15.

Vernet (Carle). Le peintre sportsman, le sec amuseur du Directoire, avec des caricatures qui semblent exécutées au tire-ligne, et où l'esprit est très médiocre et trop souvent scatologique. J'ai là, de Vernet, un important dessin, qui est un vrai dessin de water-closet, et un jour je l'y ferai encadrer.

—Derrière une porte entre-bâillée, un homme accroupi sur une lunette, pendant qu'attend dehors un autre homme très pressé, qui se tortille.

Sépia.

Signé: Carle Vernet.

Gravé par Debucourt, sous le titre: Chacun son tour.

H. 33, L. 21.

—Un incroyable donnant le bras à une femme, et faisant la rencontre d'une merveilleuse, au chapeau impossible.

Aquarelle sur trait de plume.

Gravé par Darcis, sous le titre: les Merveilleuses.

H. 28, L. 33.

Vincent (François-André). Un des premiers déserteurs du goût du xviiie siècle, pour arriver à devenir un des médiocres adeptes de l'art raide et mannequiné.

—Caricature ou plutôt, comme l'on disait alors, dans les ateliers, Calotine de Jombert. Il est représenté jouant du violon, en bonnet de coton, de grosses besicles sur le nez.

Sanguine.

On lit au dos du dessin: Jombert (Charles-Pierre), fils de Charles-Antoine Jombert, éditeur de beaucoup d'ouvrages sur les mathématiques et l'art militaire, est entré dans l'école de Durameau, sous les auspices de M. Cochin, et a gagné le grand prix de peinture avec éclat sur la punition de Niobé, fille de Tantale et d'Amphion. (Collection de M. Gault de Saint-Germain, no 200.)

H. 24, L. 17.

—Une tête d'homme, surmontée d'un singe promenant une plume sur du papier.

Dessin à la pierre noire.

Signé: Vincent f. en pleine mer, octobre 1771.

H. 26, L. 17.

Wailly (Charles). Habile architecte qui a passé de nombreuses années en Russie. Quoiqu'on lui attribue les personnages qui se trouvent dans les paysages de Lantara, on peut affirmer, en dépit de son unique signature sur le dessin catalogué ici, qu'il n'est pas l'auteur des nombreuses figures, où le faire de Leprince est parfaitement reconnaissable.

—Sacre de Catherine II dans la cathédrale de l'Assomption, à Moscou.

Sous la voûte de la basilique, aux lustres gigantesques, entre les immenses piliers peints et historiés, Catherine II est représentée debout, devant un prêtre casqué, tenant ouvert sur sa poitrine un livre ouvert; au bas de l'escalier, où se tient sur chaque marche un héraut, se déroule dans les bas-côtés une foule énorme de vieux dignitaires du clergé russe dans d'amples dalmatiques et de jeunes prêtres coiffés à la catogan et habillés de pelisses aux manches fendues des dolmans.

Lavis à l'encre de Chine.

Signé: C. de Wailly 1776.

H. 48, L. 72.

Watteau (Antoine). Le dessinateur, sous les doigts duquel les outils et les matières du dessin semblent des matières et des outils d'une nature et d'une qualité autres que ceux employés par tous les dessinateurs: c'est de la sanguine qui contient de la pourpre, c'est du crayon noir qui a un velouté à nul autre pareil; et cela mélangé de craie, avec la pratique savante et spirituelle de l'artiste, devient, sur du papier chamois, de la chair blonde et rose. Watteau, le grand, l'original, l'inimitable dessinateur de l'école française!

—Académie de femme, assise de profil, tournée à gauche, une jambe croisée sur l'autre, une main posée sur une corbeille.

Dessin aux trois crayons sur papier chamois.

Étude de la figure principale pour la peinture de la salle à manger de Crozat, gravée par Desplaces, sous le titre: le Printemps.

H. 32, L. 27.

—Académie d'homme assis, une coupe à la main, vu de trois quarts et tourné à gauche.

Dessin aux trois crayons sur papier chamois.

Étude de la figure principale pour la peinture de la salle à manger de Crozat, gravée par Fessard, sous le titre: l'Automne.

H. 28, L. 19.

—Un mezzetin dansant, répété quatre fois, de dos, de face, de trois quarts.

Dessin aux trois crayons sur papier chamois.

Les deux silhouettes de gauche ont été gravées dans les Figures de différents Caractères, sous les numéros 18 et 102; les quatre figures sont des études pour l'Indifférent de la galerie La Caze.

Vente d'Imecourt.

H. 25, L. 37.

—Un mezzetin dansant vu de dos, les bras étendus, la jambe de derrière relevée.

Sanguine sur papier blanc.

Signé: W.[40].

H. 22, L. 15.

—Tête de femme, quatre fois répétée sous différents aspects; au-dessous une tête de paysanne, un masque, une tête d'homme.

Feuille d'études aux trois crayons sur papier chamois.

H. 22, L. 28.

—Deux études d'hommes: l'une d'un pèlerin assis sur une rampe de pierre, une main entr'ouverte sur l'un de ses genoux; l'autre d'un personnage de théâtre, de profil, tourné à gauche et dans la pose de quelqu'un qui se penche pour ramasser quelque chose à terre.

Sanguine sur papier blanc.

Vente d'Aigremont.

H. 18, L. 20.

—Une femme, vue de profil, tournée à droite. Habillée du petit manteau volant affectionné par le Maître, elle est assise sur une chaise de bois, tenant à la main un éventail.

Sanguine.

H. 16, L. 16.

—Cinq études de mains de femmes; une a l'air de serrer le bois d'un arc, l'autre s'appuie sur la pomme d'une canne.

Dessin à la sanguine et à la mine de plomb.

Provient des collections Saint et Desperret.

H. 21, L. 15.

—Paysage, où deux femmes sont assises au bord d'une rivière, et où un homme pousse devant lui une brouette.

Dessin à la sanguine rehaussé de blanc sur papier chamois.

Gravé dans les Figures de différents Caractères, par Boucher, sous le no 146.

H. 19, L. 30.

—Arabesque, où se voit à droite une nymphe surprise par un satyre, à gauche une nymphe couchée, entourée de faunins.

Sanguine.

Gravé par Huquier, sous le titre: le Berceau.

H. 40, L. 27.

—Arabesque, où sous un berceau de treillage, une statue de déesse reçoit l'adoration de gens agenouillés.

Sanguine.

Gravé par Huquier, sous le titre: le Temple de Diane.

H. 37, L. 27.

—Profil de jeune fille, tourné à droite. Elle a les cheveux relevés et torsadés au sommet de la tête, d'où lui retombe sur la nuque une longue boucle frisée; sur ses épaules est jeté un manteau de lit.

Contre-épreuve d'un dessin aux trois crayons[41].

H. 21, L. 16.

—Un vieux remouleur penché sur sa meule, où égoutte l'eau d'un sabot percé.

Contre-épreuve d'un dessin aux trois crayons. L'original est dans la réserve des dessins du Louvre.

Gravé dans les Figures de différents Caractères, par Caylus, sous le no 107.

Vente Valferdin.

H. 32, L. 22.

—Un montreur de la curiosité.

Contre-épreuve d'un dessin au crayon noir et à la sanguine.

Un dessin analogue, et qui fait une sorte de frontispice dans les Figures de différents Caractères, a été gravé sous le no 132. Le montreur de la curiosité, au lieu d'être debout, est agenouillé.

H. 31, L. 20.

—Deux études de femmes vues de dos: l'une debout tenant, de l'extrémité des doigts de sa main droite, sa jupe relevée; l'autre assise un bras levé, une jambe allongée sur un tertre. Dans le fond une reprise de la tête de cette dernière.

Contre-épreuve d'un dessin aux trois crayons.

Vente Peltier.

H. 23, L. 30.

Watteau dit Watteau de Lille, le père (Louis). Peintre et dessinateur qui n'a rien de son illustre ascendant, mais qui, en cette Flandre toujours piétinée par ces troupes inspiratrices des premiers tableaux d'Antoine Watteau, y trouva des motifs de vives et colorées croquades du soldat en ivresse et en joie.

—Sous des arbres, un grenadier, une femme toute débraillée sur les genoux, trinquant avec un autre grenadier ayant sur sa cuisse la tête d'une femme ivre, couchée à terre.

Dessin sur papier gris à la pierre noire, mélangée de sanguine brune avec rehauts de craie.

Au dos du dessin la signature qui était dans la marge: Wattaux.

Gravé par Beurlier, sous le titre: Ribotte de grenadiers.

Vente Tondu.

H. 24, L. 29.

Watteau le fils (François-Louis-Joseph). Le peintre de très charmants tableaux, le dessinateur de modes, qui, dans une toilette de femme, a apporté une espèce de style grandiose, et qui en cette collection d'Esnauts et Rapilly, au milieu des Leclerc et des Desrais, étonne par l'ampleur de ses étoffements superbes[42].

—Une femme, à mi-corps, arrangeant les plumes d'un chapeau posé sur ses genoux, pendant qu'une fille de chambre lui attife les cheveux.

Dessin sur papier gris à la pierre noire estompée, rehaussée de craie[43].

H. 29, L. 25.

Weyler (Jean-Baptiste). Miniaturiste pastelliste, émailleur, auteur du bel émail du comte d'Angeviller, possédé par le Louvre.

—Une tête de femme vue de trois quarts, tournée à droite avec le regard à gauche; elle a dans ses cheveux en désordre, un ruban bleu.

Dessin légèrement pastellé[44].

Signé: Weyler 1790.

H. 17, L. 13.

Wille (Jean-Georges). De pauvres dessins lavés d'eaux tristes et sans lumière.

—Vue de Paris prise du bas du rempart de l'Arsenal. On voit l'île Louviers couverte de piles de bois, le chevet de Notre-Dame, le pont de la Tournelle, le fort de la Tournelle et la porte Saint-Bernard. Au premier plan, un homme qui porte sur son épaule une épave de la Seine.

Lavis à l'encre de Chine.

Signé sur un mur: J. G. Wille 1762.

C'est le dessin, dont Wille parle dans ses Mémoires: «(May 1762.) Le 19, je me levai de grand matin et je courus dessiner un paysage, tout seul, derrière l'Arsenal. A onze heures j'étais de retour.»

H. 23, L. 34.

Wille fils (Alexandre). Un dessinateur à l'éducation d'art toute française, mais qui se ressentira, toute sa vie, de son origine allemande, en ce Paris dont l'art est fait surtout d'esprit.

—Une page de griffonnis, au milieu de laquelle se voient cinq têtes de femmes; au-dessous une étude d'amour couché, une tête de chien, etc.

Plume relevée d'aquarelle dans les figures de femmes.

Signé: P. A. Wille filius inv. et del. 1768.

Vente Chanlaire.

H. 24, L. 22.

—Femme, en caraco à capuchon, en jupe verte avec une garniture à dessous rose; elle tient dans la main une lettre à l'adresse du peintre.

Encre de Chine, lavée d'aquarelle.

Dessin gravé par Louise Gaillard, dans une série de costumes de femmes, sous le titre: la Mystérieuse.

H. 24, L. 16.

—Une femme du peuple prenant aux cheveux un homme, qui frappe, à coups de bâton, un homme terrassé.

Aquarelle sur trait de plume.

Signé: P. A. Wille filius del. 1773.

H. 22, L. 18.

—Une jeune fille de la campagne assise, et tenant une plume dans sa main, tombée le long de son corps.

Dessin à la pierre noire.

Signé: P. A. Wille filius 1773.

Gravé en fac-similé dans l'Œuvre de Demarteau.

H. 30, L. 21.

—Dans une chambre, assise près d'une toilette, derrière laquelle est debout son mari, une femme examine un bonnet de nouveau-né que lui présente une lingère.

Sanguine.

Signé: P. A. Wille filius inv. del. 1767.

Ce grand dessin, d'un travail très fini, a été gravé sous un titre que je ne retrouve plus.

H. 31, L. 26.

Winkeles. Un Hollandais qui fit deux voyages en France; un à la fin du xviiie siècle, un autre à la fin du Directoire, et qui a laissé, sur le Paris de la fin du siècle, des vues historiques d'un grand intérêt, et animées de petits personnages qui sont mieux que des figures de dessinateur de monuments.

—Vue de l'entrée des Tuileries au Pont-Tournant, et de la loge-restaurant du Suisse du jardin. Nombreuses figures de promeneurs, de gentilshommes, de dames, d'abbés. A droite, un gardien en livrée dormant assis sur une chaise.

Lavis à l'encre de Chine.

H. 17, L. 23.

—Vue du château de Madrid au bois de Boulogne tel qu'il existait encore en 1802. Devant le château passe un wiski, attelé en arbalète de six chevaux, et au premier plan, un homme traîne un tonneau d'eau.

Aquarelle.

Au revers du dessin est écrit, de la main du dessinateur: Le château de Madrid au bois de Boulogne. Winkeles fils del. 1802.

H. 16, L. 23.

GRAND SALON

Ici, c'est le petit garde-meuble des plus heureuses trouvailles de ma jeunesse. Au mur sont accrochés les dessins supérieurs de la collection; une tapisserie de «Vénus aux forges de Vulcain» recouvre le plafond; au-dessous, le plus somptueux meuble de Beauvais que j'aie encore vu, étale ses dix larges fauteuils et son ample canapé; un secrétaire et une commode de cette précieuse marqueterie qui porte le nom de Marie-Antoinette, emplissent deux panneaux; dans les angles, sur des gaines de Boule, deux longs vases en biscuit, pâte tendre de Sèvres, de ceux que pourrait désirer une Impératrice pour y mettre des roseaux, jettent leur mate blancheur dans l'ombre; au milieu du salon se dresse un bronze à cire perdue, une vasque qui est une des grandioses et originales fontes du Japon; enfin dans la lumière d'une glace sans tain laissant apercevoir un grand mur fleuri, dans toutes les saisons, de plantes grimpantes, se voit une garniture de cheminée composée d'une statuette et de deux vases en terre cuite de Clodion.

Le charmeur que ce Clodion avec son art de sculpteur pour les appartements, avec cet art où personne n'a su apporter comme lui la séduction du croquis de l'esquisse, d'une première pensée, selon l'expression des anciens vignettistes, d'une chose, en un mot, qui n'a rien de la lourdeur de la glaise dans laquelle elle est faite, et qui est toute improvisation et tout esprit;—le seul artiste qui ait modelé les grâces menues et grassouillettes du corps de la femme du xviiie siècle, avec un rien de réminiscence antique.

La statuette de la cheminée représente une petite nymphe nue, assise à terre, les jambes à demi repliées sous elle, et tenant de la main droite un pavot qu'elle regarde distraitement, pendant qu'elle est appuyée de la main gauche sur une faucille et une gerbe de blé. Cette allégorie de l'Été a le mérite grand, d'être une des études les plus nature, qu'ait produites Clodion, les plus affranchies de sa manière et des rondeurs sans ressentiment qu'il eut en ses derniers temps: c'est tout bonnement son modèle, une jeune fille un peu grêle, aux longues cuisses, aux jambes maigriottes, rendue avec le joli de son faire, dans sa grâce longuette. En cette figurine, le modelage des parties molles, du ventre avec ce nombril circonflexe où Clodion met sa signature, a quelque chose d'une caresse, et il est, ce jeune ventre, palpitant dans une souple élasticité de chair.

Les deux vases sont des vases de cette forme Médicis adoptée par le sculpteur, avec les deux têtes de bouc d'habitude sur le renflement inférieur. Sur l'un, des enfants nus courent autour de la surface ronde en de petits chariots à l'antique, sur l'autre des enfants se chauffent à des feux de sarments, le plus jeune d'entre eux encapuchonné à la façon du vieil Hiver. Un travail des plus habiles avec ces figures de premier plan saillantes presque en ronde-bosse, avec ces figures et ces petites académies charnues de second plan, dont la sculpture semble indiquée d'un trait tracé par une allumette dans de la terre molle.

Mais pour que le catalogue des terres cuites de Clodion et de son école soit bien complet, disons encore un mot d'un petit buste de femme connu dans le commerce, et dont le bronze orne les pendules modernes de cabinet en marbre noir. Il s'agit de la tête de femme, aux cheveux dénoués dans lesquels court un tortil de pampre, à l'ovale tout mignon, aux yeux dont la volupté moqueuse est faite de deux pupilles, de deux petits trous enlevés d'un preste ébauchoir, au nez friand, mutin, gamin, coquin, à la petite bouche rieuse,—de cette figure qui n'est qu'une ironique gaieté et semble animée d'une pointe de champagne: la physionomie de la soupeuse du temps, sous un accommodage de bacchante. Une terre cuite de Marin, à ce jeune moment de son talent, où il est bien difficile de le distinguer de Clodion.

Ces Clodion de la cheminée, je les ai, oui, mais, hélas! je pourrai dire dans un soupir, tout comme la vieille maréchale de Noailles: «Si vous saviez les bons coups que j'ai manqués!» Je me rappelle avoir laissé échapper en 1856, rue Bonaparte, pour une bien petite somme, un bas-relief, une étude de femme tordant ses cheveux mouillés, une sculpture où deux petits seins et un genou seuls venaient en avant des formes fuyantes, du modelage effacé du reste du corps, comme lointain dans la terre rose. C'était à la fois la plus charmante et la plus sérieuse représentation d'un jeune corps féminin, dont la beauté des formes, à demi éclose, semble encore en bouton. Toutefois ce n'est pas mon regret le plus énorme.

Je sortais du collège. J'avais 1,200 francs pour m'habiller et le reste. L'objet d'art de 50 francs était pour moi la commode d'un million pour M. de Rothschild. Dans ce temps, j'entrais un jour par hasard à l'hôtel de la rue des Jeûneurs. On venait de mettre, sur la table de vente, une grosse chose ronde, sur laquelle j'apercevais, en m'approchant, d'un côté, une Renommée sonnant de la trompette, de l'autre, un Éole aux joues gonflées, et au-dessous de la Renommée et de l'Éole, autour de la sphère, des amours, des amours, des amours, dans toutes les poses, dans toutes les suspensions, dans tous les renversements, dans toutes les dégringolades, montrant leurs petits culs nus et leurs dos ailés: des amours en train de tendre le filet autour d'une montgolfière, sous laquelle d'autres amours entretenaient un feu de gerbes de paille. C'est le plus extraordinaire Clodion que j'aie rencontré, un ouvrage où le sculpteur prodigue de son talent, a, sans compter, laissé tomber de son ébauchoir tout un peuple d'enfants. La terre cuite était à 200 francs: je la poussai, avec les émotions d'un homme qui ne sait pas comment il payera, à 500 francs. Il y eut une timide enchère, et j'eus la perception qu'à 520 francs la terre cuite était à moi; mais, que voulez-vous? l'acheteur d'objets d'art à 50 francs prit peur et se détourna du clignement d'œil de Jean. Cette terre cuite, je la retrouvai à l'Exposition de 1867: elle appartenait à M. Beurdeley qui, disait-on, en demandait 25,000 francs. Au jour d'aujourd'hui, ce n'est pas cher.

Aux Clodion du grand salon sont mêlées quelque autres terres cuites. C'est d'un sculpteur français, héritier du talent et presque de la facture de Flamand, la statuette d'un enfant nu, mordant dans une pomme: un enfant gras de cette puissante graisse qui fait des plis sur un corps, ainsi qu'un vêtement trop large, un enfant à la tête dont on sent l'ossature encore molle et pétrissable, au front bossué, aux orbites profondes et comme fluides, à la bouche d'un Triton qui souffle dans une conque entre deux rondes joues renflées. Et c'est encore de Caffieri, la maquette du buste de Piron. Un fier travail et un dégrossissement de la glaise à rudes coups d'ébauchoir, que cette maquette, où en dépit d'une perruque à l'état de copeaux et d'un menton qui n'est encore qu'une boulette de sculpteur, il y a une vie si spirituelle sous la broussaille des sourcils du Bourguignon, et presque des paroles dans la bouche entr'ouverte par une découpure si parlante.

Les gouaches et les terres cuites du xviiie siècle,—un moment j'eus l'idée de faire ma collection uniquement de cela,—ce sont des choses tellement plaisantes à l'œil, tellement bavardes pour la rêvasserie de l'amateur, tellement chatouillantes pour un goût délicat! N'est-ce point du souffle de peinture, du modelage de rêve, enfin du joli presque immatériel? Et ces gouaches et ces terres cuites, je les eusse voulues, ainsi que le petit nombre que je possède, avec l'accompagnement de lumineuses et tendres tapisseries; car ces gracieux morceaux de peinture et de sculpture peuvent-ils avoir au-dessus d'eux un ciel qui les fasse mieux valoir, qu'un petit coin d'Olympe riant au plafond, dans la trame de soie d'une tapisserie des Gobelins[45]? Et ici, Vénus descend du ciel pour chercher chez Vulcain le bouclier d'Énée. La blonde déesse, au corps rose, dans sa draperie transparente, apparaît au bas de son char, dont une nymphe retient les cygnes cabrés par les faveurs qui leur servent de rênes. Et c'est autour de la déesse, sur la crête des nuages, des jeux d'amours, des battements d'ailes de colombes, des flottements d'étoffes, que domine une grande figure volante de femme, habillée comme d'un brouillard de couleur céleste, et qui effeuille des roses sur la tête de Vénus. Tapisserie sur un fond blanc, avec ces tons rabattus, ces tons gris dont Boucher est l'introducteur, avec cette palette qui n'allait jamais aux grands noirs, aux grands clairs, et exécutée avec la gamme très suffisante de dix à douze tons, tandis qu'il y a telle tapisserie moderne, telle tapisserie-tableau, où la gamme a été à vingt-cinq, à trente tons même[46].

Cet Olympe du plafond, devinez avec quel argent il a été payé?—Avec le gain de Germinie Lacerteux. C'est bizarre, n'est-ce pas, cette mythologie de Natoire, achetée chez Wail avec le succès d'un noir roman réaliste! A ce nom de Wail, qui revient sous ma plume, que de souvenirs! Et les heureuses séances passées avec mon frère, en ces grandes pièces obscures, où je vois encore ces deux vieilles, longues, pâles, silencieuses femmes, vous déroulant automatiquement sur des châssis, pendant des heures,—et cela avec de petits rires enfantins, sous leurs éternels bonnets de nuit,—les plus belles tapisseries du monde!

C'est de chez Wail que vient également le meuble de Beauvais du salon, représentant les Fables de La Fontaine d'après Oudry. Ce dossier est le Coq et la Perle, ce siège est le Corbeau voulant imiter l'Aigle. Ici c'est le Renard et la Cigogne, là le Singe et le Chat, et ainsi, en des tableaux de nature de la convention la plus aimable et du plus frais coloris, rondissent et se bombent les imaginations du fabuliste, sur des fauteuils à l'évasement fait pour les grands paniers du siècle. Mais la merveille des merveilles, la voici dans ce canapé, qui offre, pour ainsi dire, le Selectæ des fables du bonhomme, et où un paon superbe étale sa queue ocellée d'azur au milieu de la clarté laiteuse. Et il a pour bordure, ce canapé, la plus resplendissante guirlande de pavots, de tulipes, de narcisses, de pêches, de gros raisins violets du Midi, de grenades pourprées entr'ouvertes, de fleurs et de fruits de pays de soleil, qui ressemblent sur la trame brillante et argentine, à ces brouillements féeriques de couleurs que j'ai vus sur une palette de Diaz, du temps qu'il était peintre de fleurs.

Et dessous et entre ces tapisseries, l'harmonie du mobilier se complète par les deux petits meubles de marqueterie en mosaïque avec les suaves nuances des bois et le bronze doré des baguettes à feuilles de laurier, des poignées, des chutes de fleurs sur le ressaut des sabots, des petites couronnes de roses suspendues à des glands sur l'aplatissement des angles coupés. Le fond du secrétaire et de la commode est de bois d'amarante; sur ce fond, dans des filets pareils à de l'écaille, sont encadrés trois médaillons de bois olive satiné, où figurent un tambour de basque sur un livre de musique ouvert, un chapeau de bergère parmi des instruments de jardinage, une sphère au milieu d'attributs de peinture. Cela fait en placage avec des bois jaunes à la couleur de l'ambre, des bois verts à la couleur de l'angélique, et qui brillent dans le vernissage et le poli des surfaces au centre de beaux reflets mordorés. Ils sont semblables, ces deux petits meubles, au mobilier garnissant la chambre de la Reine à Versailles dont j'ai donné la description d'après l'inventaire des 28 et 30 brumaire et 3 frimaire de l'an deuxième de la République une et indivisible, fait en présence des représentants du peuple Auguis et Treilhard.

Quelques porcelaines de choix sont posées sur la tablette de marbre blanc de ces meubles. Un broc de Sèvres en bleu turquoise, sur lequel se détache en relief une branche de pêcher aux fleurettes blanc et or, est un curieux spécimen de l'imitation de la porcelaine de Chine au xviiie siècle, par la manufacture de Mme de Pompadour. Une aiguière de Saxe, au fond jaune, aux cartouches de fleurs, achetée il y a bien des années chez Lazare à Marseille, semble une porcelaine faite par la manufacture de Dresde pour le harem de Constantinople. Les fleurs sont de la plus grande finesse dans leur large fouettage. Il y a des œillets, des tulipes, des pavots peints avec ce bonheur que le Saxe a toujours rencontré dans la représentation des fleurs frisottées, recroquevillées, échevelées et diaprées de tons nués,—ne réussissant que très incomplètement la rose, qu'il dessine lourde et qu'il violace trop. Puis c'est avant tout de cette peinture particulière à la porcelaine que n'a jamais pu apprendre Sèvres, de cette peinture différente de la peinture faite pour le papier et pour la toile, et dont le charme, l'intérêt, la valeur sont d'être autres. Je ne parlerai plus que de deux rares pièces, de deux pots de blanc de Saint-Cloud avec un décor en relief de soleils épanouis dans le genre des compositions de Pillement, et dont le grand T qui est sous le St C. indique qu'ils ont été fabriqués sous la direction de Tron de 1730 à 1762. Ces deux boîtes à thé montées en vermeil étaient dans une caisse à la serrure fleurdelisée, où se trouvent encore, pour le thé noir, une petite cuiller blanche de porcelaine de Saint-Cloud, pour le thé vert, une petite cuiller en porcelaine verte de Chine, à tête de coq.

Parmi tous ces objets du xviiie siècle, dans tout ce joli, j'ai estimé bon qu'un important morceau de l'art de l'Extrême-Orient apportât, comme contraste, son originalité et sa force. Et au milieu du salon sur un trépied, figurant les vagues en colère de la mer, s'élève un vase de bronze, haut d'un mètre, un vase pansu se terminant en forme d'une margelle de bassin. Sur la panse, sillonnée de flots, se détache, en plein relief, un dragon cornu, aux excroissances de chair en langues de flamme, aux ergots de coq, le Tats-maki, le dragon des typhons, dont le corps tordu et contorsionné de serpent apparaît par places, au-dessus des ondes rigides. Rien de plus terriblement vivant par l'artifice de l'art, que ce monstre fabuleux dans ce bronze qui semble de cire noircie, et qui est beau de la plus sombre patine, et qui est sonore, ainsi qu'un métal de cloche plein d'argent. Un bronze pour lequel j'ai donné 2,000 francs, en un temps où la japonaiserie n'était point encore à la mode.

Et nous dirons adieu au grand salon, mais non sans nous être arrêtés un moment devant les deux vases de biscuit de Sèvres, qui ne sont pas seulement un tour de force de porcelainier, mais les plus parfaits types de l'alliance gracieuse,—d'une alliance à la Fragonard entre le xviiie siècle et l'antique. Les anses sont formées de deux têtes de satyres; en haut, au-dessous des oves de la gorge, un nœud de ruban se tuyaute, et sous le nœud s'allonge un médaillon ovale, d'où se détache un bouquet de roses, qu'entoure des deux côtés, descendant de la barbe des satyres, une guirlande de groseilles, de cerises, de noisettes, de châtaignes aux piquants, qui piquent—des fruits modelés par une main de céramiste, cuits dans un four de potier, et qui ont l'air de vrais fruits, ramassés dans le lit d'une source pétrifiante.

ESCALIER

En sortant du grand salon, vous rentrez dans le vestibule, où une baie, drapée d'une verdure, laisse voir la cage de l'escalier enjuponnée d'une grosse toile maïs à bordure d'imitation persane.

La pomme de cristal du départ, dont mon prédécesseur était très fier, a été remplacée par une grue en bronze, au redressement inquiet et colère de la tête, et l'on monte entre des murs couverts de dessins du xviiie siècle, de foukousas, de kakemonos, de plats grands comme des boucliers, et dont l'un, de la fabrique d'Iwari, montre, sous un beau coloriage barbare, une monstrueuse carpe remontant une cascade. Je trouve que l'escalier dans un logis se prête admirablement à la galerie, et que les objets qui y sont accrochés, on les regarde mieux que partout ailleurs: il y a, tous les jours, quand vous êtes seul, dans la montée ou la descente des marches, des repos paresseux, des accoudements sur la rampe, qui donnent tout votre regard à telle sanguine, à telle porcelaine, à laquelle vous ne feriez pas attention, si elle était perpétuellement sous vos yeux.

Au centre de toutes les images de l'escalier, une gravure, la seule dans la maison qui ait les honneurs de l'encadrement, invite l'amateur de l'art français à monter. Cette gravure est l'Embarquement pour Cythère, un état d'eau-forte introuvable, de la grande planche du graveur Tardieu, d'après le Watteau de Berlin, une épreuve peut-être unique, que je me rappelle avoir payée 8 francs, il y a de cela, c'est vrai, une trentaine d'années.

L'escalier débouche, au premier, sur un palier, semblable à une grande alcôve tendue de ce jaune un peu rouillé d'une toile qui n'a pas encore passé à la lessive, et qui fait un fond doux clair et chaud aux vives couleurs des choses orientales. Sur des portoirs-encoignures s'étagent des vases de Sazuma, autour desquels court un concert avec de petits tambourinaires rappelant les chanteurs au lutrin de Lucca della Robbia, des cornets de Kaga où un Olympe japonais a pour cadre une étourdissante envolée d'oisillons, des bouteilles de Fizen, aux fleurs rouges et bleues en relief, des poteries d'Owari, de Kutani, et ces faïences se mêlent à des panneaux décoratifs pendus comme des tableaux: ces panneaux dans la composition desquels les Japonais sont passés maîtres, et où, sur les bois les plus heureusement ou les plus étrangement veinés, se rencontrent des fleurs en faïence, des feuilles en ivoire colorié, des rochers de jade, des oiseaux de nacre, des bestiaux en pierre dure, des soleils de corail, un assemblage de matières qui, sous la main d'un Européen, serait horrible, et que les artistes de l'Extrême-Orient savent rendre harmonieux dans un sertissage de grands orfèvres coloristes.

Sous ces tableaux bas-reliefs, entre deux portes, est un petit meuble en forme de coffre, aux panneaux de laque rouge, dans lesquels sont incrustées une branche de pivoine fleurie, une branche de pêcher en fleurs, toutes deux en porcelaine blanche et bleue: le meuble qui contient la collection des albums japonais.

Là sont ces livres d'images ensoleillées, dans lesquels, par les jours gris de notre triste hiver, par les incléments et sales ciels, nous faisions chercher au peintre Coriolis, ou plutôt nous cherchions nous-mêmes, un peu de la lumière riante de l'Empire, appelé l'Empire du Lever du Soleil. Et voici ces albums japonais de tout format, aux couvertures de papier de toutes les nuances, et gaufrés, et sablés d'or, et lardés de petits carrés d'argent, et reliés d'un fil de soie courant extérieurement sur le dos du mince volume, avec, sur un des plats, une bande longitudinale, où il y a comme de petites sangsues de couleur.

Ces albums ouverts et parcourus de l'œil, de la première ou plus rationnellement de la dernière à la première page, il vous apparaît, baignée des méandres azurés des mers, des fleuves, des rivières, des lacs, une terre, aux rivages semés d'écueils baroques, contre le granit rose desquels brise éternellement le Pacifique; des plages fourmillantes de vendeurs et de vendeuses de coquillages et de choux de mer, qui courent après des pieuvres leur échappant; des villages formés d'une seule rue, contournant une anse dormante de leurs toits, surmontés, aux deux extrémités, de poissons porte-bonheur sculptés; des rizières inondées, où dans les lignes flottantes de l'eau, les brindilles lointaines semblent des croches sur un papier de musique réglé; des campagnes couvertes d'une herbe vivace, de la hauteur d'un homme, toute verte d'un côté, toute blanche de l'autre; des villes coupées de ponts bombés, s'élevant sur une forêt de madriers rouges; des jardins de plaisir, sillonnés de ruisselets tournoyant à l'entour de plantations d'iris et de roseaux; des intérieurs dont le lisse bois vernissé enferme comme la clarté humidement rayonnante de nos écoles de natation,—cette terre enfin composée de trois mille huit cents îles ou rochers: le Japon.

Et dans ce pays, toute une vie qui paraît remplie, amusée, rendue doucement rêveuse par le voisinage amoureux et la contemplation de l'eau. Ce ne sont sur ces pages que femmes regardant l'eau, ici accoudées sur la toiture d'une cabine, là soulevées sur la pointe des pieds en haut d'une estacade, la main au-dessus des yeux; et partout sur les balcons, auprès des lanternes posées sur un pied, et tout en buvant de petites tasses de thé, ces femmes ont l'œil et l'attention à l'eau qui coule. On en voit de ces femmes qui, dans le matin qui s'éveille, au bord d'une rivière, attachent de petits morceaux de papier, couverts d'aimables pensées, à la patte de grues qu'elles mettent en liberté; on en voit qui, dans la nuit, blêmes apparitions, une flûte aux lèvres, une robe noire comme le ciel aux épaules, glissent sur une barque silencieuse.

Le doux spectacle que celui de cette eau transparente et de ce qu'elle met avec ses vaporisations de magique au ciel, à l'heure où le soleil se couche. Il y a au Japon des ciels absolument roses, et que le baron Hübner n'a vus que là, des ciels pourpre où les oiseaux ont l'air de voler dans du sang, des ciels jaune d'or se dégradant en merveilleuses teintes nankin au-dessus du blanc des lagunes, de l'outremer intense de la mer, des tortils bruns des cryptomerias de premier plan! Il y a des crépuscules gorge de pigeon, et des nuits gris-perle. Et ces ciels invraisemblables éclairent des arbres et des arbustes dont les fleurs précèdent les feuilles, et en sont un moment la verdure fleurie. Une floraison toute gaie, toute claire, toute pimpante: des arbres blancs, des arbres roses, dans lesquels les aquarellistes japonais n'introduisent même pas les obscurantes ombres de l'Occident, et qui se détachent dans les albums sur le soleil couchant comme sur une feuille d'or, ou qui, le soleil couché, au-dessus des balcons sur lesquels leurs rameaux pendent, étoilent la nuit noire de véritables étoiles.

L'eau est la passion du pays, si bien qu'à Kioto, où un ruisseau est tout le fleuve que surplombe la perspective de ponts gigantesques à dos d'âne, les riverains établissent des barrages, qui leur permettent d'avoir à peu près, pour le soir, une nappe d'eau qu'ils parsèment d'espèces de tables flottantes, sur lesquelles deux feuilles d'un album nous montrent la population soupant, les jambes pendantes, et heureuse de cette rivière improvisée qui les mouille. Car, là-bas, la nuit c'est la joie de l'eau. Les fleuves, les rivières des villes se couvrent de djonques, de yané-funé, longues barques plates aux bandes de cuivre, aux paravents à coulisses, de bateaux de fleurs chargés de danseuses et de joueuses de guitare, de gondoles d'amour vénal, illuminées de lanternes; et l'encombrement est tel, que les bateliers nus, armés de longues perches vertes, ont peine à avancer dans la presse des embarcations. Et sous le ciel déchiré d'artifices, les ponts sont couverts d'une foule à les faire crouler.

Et de la mer, et des fleuves, et des rivières, les images vous mènent à la Montagne sainte.

Une série de trois albums nous représente l'ascension du Fusi-yama en cent cinquante planches, montrant le cratère éteint, sous un aspect différent à chaque représentation. D'abord des rizières, des bois de roseaux et des eaux tranquilles de lacs, bientôt des rochers, des cèdres gigantesques qu'abattent des bûcherons, suspendus par des cordes dans l'air, un sentier pierreux que gravit une population vêtue de blanc, aux chapeaux de jonc, aux grands bâtons, aux clochettes, et où s'engage péniblement une escorte, que dominent, sur leurs mules, deux femmes de la cour dont la longue chevelure leur bat le dos. Puis des altitudes, où la pluie raie le ciel et le paysage noyé, où se déchaînent sous la montagne toute blanche, de noirs orages balafrés d'éclairs, où des tourmentes de neige enferment, dans des anfractuosités de roche, des gens qu'on y voit blottis comme des bêtes. Enfin, le pic, en sa candeur immaculée, dans le beau temps. Et à chaque étage de cette ascension, des contemplations admiratives, des hommes renversés et se tordant les poignets, en une prosternation, qui est comme un extatisme convulsif de l'amour de la nature[47].

Tout le Japon est présent, vivant dans ces albums.

Voulez-vous une matsouri, une de ces fêtes religieuses de corporations, dans lesquelles, journellement, les charpentiers promènent la statue de leur patron, Daïkokù, un maillet à la main, les pêcheurs la statue de Djesibû, le Neptune japonais. Dans cette grande planche, où marchent en tête deux maîtres des cérémonies portant des cannes de fer surmontées d'un anneau, dont ils frappent la terre, la matsouri processionne avec son attelage de trente hommes à de grosses cordes, tirant le temple monté sur des roues dissimulées dans la boiserie, et sous l'auvent duquel est un petit théâtre ambulant.

Voulez-vous une lutte de sûmo, d'athlètes japonais[48]? Devant vous, dans ces trois planches en couleur, se dresse l'amphithéâtre à deux rangs de gradins, où l'on monte par des échelles, et au milieu de l'arène se dessine, entre quatre poutres auxquelles sont accrochés un cornet de sel et le sabre d'honneur, le ring fait d'un rond de sacs de riz posés à terre, et où luttent et où se poussent les champions surveillés par le juge de camp, son éventail à la main. Tout autour, nus, une ceinture à jupons de franges autour des reins, sont assis, les lutteurs attendant leur tour, des hommes gras et glabres, aux montagnes de muscles, des colosses de 340 livres, une race éléphantiasiaque, une humanité phénomène, amoureuse de la grosseur, qui ne se marie qu'avec des femmes géantes, et pour laquelle il y a une fabrication d'objets usuels gigantesques[49].

Voulez-vous une représentation de ces théâtres qui ouvrent à six heures du matin, de ces théâtres sans actrices, et où l'acteur est doublé d'une ombre, d'un officieux vêtu et capuchonné de noir qui lui tend un tabouret, s'il veut s'asseoir, qui lui éclaire le visage, quand le jour baisse. Des planches éparses des albums divers vont nous donner cette représentation dans tous ses détails. Et d'abord la façade de la grande baraque, couverte d'immenses peintures, figurant les scènes dramatiques de l'ouvrage représenté, et au-dessus d'une cible percée d'une flèche, la logette du guetteur d'incendie. C'est devant les guichets, où se tiennent accroupis les contrôleurs entourés d'une pile de monnaies, une foule, une presse, une poussée d'hommes et de femmes, de samouraï descendant de cheval ou de norimons que les porteurs posent à terre, de traiteurs chargés de déjeuners, de lecteurs hilares du programme. D'autres planches vous font pénétrer dans la salle, le grand quadrilatère en bois rouge. L'orchestre en habits sacerdotaux, mêlé aux acteurs, se tient à gauche, à peu près ainsi que sur leurs chaises se tenaient les seigneurs du temps de Louis XIV sur la scène de la Comédie-Française. En ces représentations qui durent toute la journée, on mange, on boit, on fume, et dans la salle éclatent une gaieté, une joie, un plaisir enfantin, qui se témoignent chez les spectateurs accroupis par des étirements de bras délirants sur les cuisses. Dans des petites loges placées des deux côtés du théâtre, des espèces d'avant-scènes, qui ont l'air de cabines de vaisseau, s'entrevoient, tassées et serrées l'une contre l'autre, les élégantes, les femmes de fonctionnaires se rendant au théâtre incognito. Enfin, d'autres planches, toujours en couleur, nous ouvrent les magasins d'accessoires, les foyers, les loges. On surprend des acteurs repassant leurs rôles, des acteurs accoudés en un coin d'ombre, méditant un effet nouveau, des acteurs répétant une tirade tragique en buvant une tasse de thé, des acteurs se maquillant devant des miroirs de métal posés sur de petits chevalets, des acteurs auxquels le perruquier du théâtre fait des sourcils postiches; et cela dans la dégringolade des domestiques affairés et au milieu du fouillis des perruques, des chaussures, des robes essayées, des sabres de théâtre, des coffres entr'ouverts, des boîtes à rouge, des théières, des chibatchi, des pots de fleurs.

Jusqu'ici ces images nous donnent la campagne, la montagne, la grande route, la rue, la vie extérieure, mais il en est d'autres qui nous introduisent dans l'habitation particulière, nous ouvrent l'intérieur fermé du yashki, nous font pénétrer dans l'intimité de l'existence secrète des femmes et des hommes du pays. Nous voici dans ces maisons dépouillées de leur toit et vues à vol d'oiseau par le dessinateur, qui nous dévoile le labyrinthe de ces appartements de paravents, et nous fait voir ces cuisines sans cheminée, où des femmes remuent le riz dans de grands chaudrons voyageant sur de petits chariots. Nous voici dans ces intérieurs, aux murs glissant sur des rainures mobiles, et dont le mobilier se compose d'un kakemono pendu à la cloison, d'un chêne nain dans un petit pot de fleurs, quelquefois d'un aquarium où nagent des poissons de la Chine à trois queues,—et où, par une porte entre-bâillée, on aperçoit dans le fond le bain qui chauffe, sa vasque carrée, ses seaux en poterie brune ornée d'une grecque. Nous voici dans ces jardins tout pleins des serpentements d'un ruisseau autour d'un toro, d'une lanterne de pierre ventrue, en ces fourrés de pivoines éclatantes, où la sieste des promeneuses confond la flore des robes avec la flore des massifs. Nous voici dans les salles d'apparat, où sur une estrade rouge, des musiciennes, en robe bleue, jouent des choses lentes, que des guesha, des danseuses, miment dramatiquement dans des robes amples, entourées de coryphées qui semblent agiter, derrière leur dos, des ailes de papillon. Nous voici dans les chambres, où des femmes rampent à terre sur des instruments de musique à cordes, s'occupent à peindre des éventails, agenouillées près de petites tables basses où se dressent les pinceaux dans des cornets de faïence de Satzuma, brodent des foukousas, composent, d'après des règles et des traités savants, des bouquets sans faute,—la longue queue de leurs robes voyantes faisant à côté d'elles un petit amoncellement, parmi le fouillis des objets de laque, de bronze, de porcelaine, traînant sur les nattes du parquet, ainsi que des joujoux dans une chambre d'enfant. Nous voici sur ces balcons, s'avançant au-dessus d'une haie d'iris violets et enguirlandés de lanternes rouges, sur ces balcons éternellement peuplés de femmes aux grandes épingles d'écaille piquées dans la chevelure noire, à l'heure où une servante monte par un petit escalier, portant, sur la paume de sa main renversée, le tay[50], le poisson rose, avec les bâtonnets d'ivoire du souper.

Elles sont habillées, ces femmes, de robes, où les fleurs, toutes vives et toutes réelles en leur relief, ressemblent à de vraies fleurs, attachées sur la soie, au moyen d'épingles. Sur ces robes s'épanouissent des pivoines, s'élancent des roseaux aux feuilles lancéolées, pendent des branches de glycine, des gourdes de coloquintes. Il en est qui sont fleuries de bouquets de chrysanthèmes, d'iris d'eau, de toutes les fleurs des arbres à fleurs[51]. Mais ce n'est pas seulement au règne végétal que le brodeur emprunte le décor de l'habillement de la femme, il ose,—et quelquefois avec un bonheur singulier,—le demander au règne animal. Et il brode des robes où semblent butiner des abeilles, des robes qui simulent le treillis perlé de la toile où se tient l'araignée le matin, des robes semées de sauterelles, des robes pleines d'enroulements de vignes dont les écureuils mangent les raisins, des robes figurant des vaguettes sur lesquelles flottent des canards mandarins, des robes sillonnées de vols de moineaux, d'oies sauvages, de cigognes, des robes où se tordent des dragons dans des ciels d'orage zébrés d'éclairs, des robes sur les traînes desquelles s'aperçoivent des faucons, des chats, des homards, des carpes dans des filets d'or flottants qui les donnent à voir comme prises dans des bourses. Dans le moment, une feuille détachée d'un album me montre une de ces robes couleur de mer, où apparaît, ainsi qu'au fond de l'eau, la silhouette noyée d'un gigantesque poulpe, et je me rappelle avoir vu une robe représentant une course de chevaux devant la cour du mikado, à Kioto, une course avec son public et tous ses détails. Disons-le, toutefois, l'étrangeté du sujet, le voyant de la broderie, l'exagération du relief, sont en général l'apanage des robes pour la procession de la déesse Sannoô, des robes de courtisanes sur lesquelles on rencontre jusqu'à des masques de théâtre comiques et licencieux.

La Japonaise «comme il faut» a des robes plus sobres d'ornementation, mais dont les tons sont cherchés dans les colorations de nature les plus distinguées, les plus artistes, les plus éloignées de ce que l'Europe appelle des couleurs franches. Les blancs que la Japonaise veut sur la soie qu'elle porte, sont: le blanc d'aubergine (blanc verdâtre), blanc ventre de poisson (blanc d'argent); les roses sont la neige rosée (rose pâle), la neige fleur de pêcher (rose clair); les bleus sont: la neige bleuâtre (bleu clair), le noir du ciel (bleu foncé), la lune fleur de pêcher (bleu rose); les jaunes sont: la couleur de miel (jaune clair), etc.; les rouges sont: le rouge de jujube, la flamme fumeuse (rouge brun), la cendre d'argent (rouge cendré); les verts sont: le vert de thé, le vert crabe, le vert crevette, le vert cœur d'oignon (vert jaunâtre), le vert pousse de lotus[52] (vert clair jaunâtre);—toutes couleurs rompues et charmeresses pour l'œil d'un coloriste. Et à propos de ces adorables nuances fausses, j'ai dans le souvenir une robe de crêpe rose, légèrement saumoné, toute couverte d'éventails brodés, qui était bien le plus gai morceau de couleur qu'un peintre puisse désirer pour l'égayement de son atelier et le rappel au clair de sa peinture.

Mais l'originalité de beaucoup de ces robes, consiste dans le passage des épaules aux pieds, d'une couleur à une autre, par les transitions et les dégradations les plus harmoniques. C'est ainsi qu'une robe vert d'eau meurt dans du violet, qui, d'abord presque insensible, devient du violet foncé; ainsi qu'une robe blanc de crème, se colore presque imperceptiblement et finit dans du jaune d'or. Il y a comme cela des fontes et des noyades merveilleuses d'un haut de robe gros bleu dans un bas de robe pourpre, d'un haut de robe blanc dans un bas de robe gorge de pigeon, d'un haut de robe brun dans un bas de robe bleu céleste.

Dans ces robes flottantes et ne tenant pour ainsi dire pas au corps souple des Japonaises, la grâce paresseuse et un peu ratatinée de leurs mouvements a un charme enfantin. Il faut les voir, à demi couchées de côté et la tête soulevée vers le seigneur auquel elles tendent son sabre, ou bien épaulées à un paravent, leurs jambes ramassées sous elles dans les remous de l'étoffe, ou bien encore les deux coudes posés sur leur petite table à écrire, et le menton appuyé sur le dos de leurs deux mains effilées, dans une pose de rêverie. Car on les rencontre rarement debout sur leurs pieds; elles sont toujours accroupies sur les talons, ou agenouillées[53], ou se traînant à terre avec de coquets rampements et de voluptueuses ondulations. Les gens qui se rappellent l'Exposition de 1867, ont conservé des Japonaises, qui y vendaient du thé, comme la mémoire de jolis petits animaux, qu'on trouvait presque toujours à quatre pattes sur leurs nattes. Cela aurait-il une raison? Robin, l'éminent physiologiste, dans un voyage à Vienne, demandait à un exposant japonais, s'il trouvait vraiment jolies les femmes de l'Europe.

—Oui, oui... mais elles sont trop grandes! répondait le Japonais.

On dirait que les Japonaises, pour satisfaire à l'idéal amoureux de leurs compatriotes, en leur existence courbée et repliée sur elle-même, travaillent à se resserrer, à se diminuer, à se rapetisser, à faire de leur corps ramassé et réduit, de petits et mignons êtres d'amour, que les flatteries de la main d'un maître doivent trouver à la hauteur du dos d'une gentille bête apprivoisée.

A la suite des albums contenant les toilettes, les occupations, les plaisirs de la femme japonaise, nous avons les albums religieux, les albums historiques, les albums de théâtre, les albums topographiques des grandes villes et de leur banlieue pittoresque, les albums d'ornementation, les albums d'industrie artistique, les albums d'éléments de dessin et encore toutes sortes d'albums en trois, en dix, en vingt cahiers sur toute espèce de choses: des albums sur la fauconnerie avec les portraits des faucons célèbres et la figuration de grandes chasses aux oies sauvages, des albums-catalogues des objets d'art conservés dans les temples sacrés, des albums sur la composition des bouquets, talent d'agrément qui fait partie de l'éducation d'une jeune fille distinguée, etc.

Les albums religieux,—au-dessous de bonzeries au milieu de lacs et de bois de cryptomerias, et qui forment en haut des pages comme une série de paysages saints, posés sur de petits chevalets,—déroulent des apparitions, des miracles, des décollations de femmes, où le sabre du bourreau est brisé par un éclair parti du sanctuaire du temple. On y aperçoit de petites divinités naviguant, en pleine mer, sur le dos de grandes tortues, des sennin chevauchant des cerfs blancs, des diables d'ombres chinoises attelés à des chariots de flammes, des personnages poursuivis par une légion de crabes qui vont se dégradant jusqu'à l'horizon en une perspective pleine d'effroi. Dans l'apparition de l'être surnaturel, l'artiste japonais apporte une légèreté de suspension, un balancement, un flottement tout particuliers, et cette apparition, il l'arrange, la dispose, la poétise avec un art infini. C'est ainsi que, dans un album de cette série que je possède, l'apparition d'une femme à travers le feuillage d'un saule, la tête nimbée d'une clarté rose, et le corps formé des rameaux pleureurs de l'arbre mélancolique, est tout ce que peut imaginer de plus aérien le crayon d'un dessinateur en fait d'évocation d'une trépassée. Cet album (une reproduction des scènes légendaires, figurées par des poupées, dans le temple de Kannoo), acheté en 1852, a été, pour mon frère et moi, la révélation de cette imagerie d'art alors bien vaguement connue de l'Europe, qui, depuis, a fait des enthousiastes comme le paysagiste Rousseau, et qui, à l'heure présente, a une si grande influence sur notre peinture.

Arrivons aux albums historiques, tout pleins de ces représentations d'hommes à la fois terribles et doux, dont les annales du Japon nous décrivent le type, dans ce portrait de Tamoura maro: «C'était un homme très bien fait, il avait 5 pieds 8 pouces de haut, sa poitrine était large de 1 pied 2 pouces, il avait les yeux comme un faucon, et la barbe couleur d'or. Quand il était en colère, il effrayait les oiseaux et les animaux par ses regards; mais lorsqu'il badinait, les enfants et les femmes riaient avec lui.»

Parmi les albums historiques, les vraies annales héroïques du pays, je ne parlerai que des albums qui racontent le dévouement des 47 ronins, et dont on peut suivre, sur les impressions en couleur, la légende traduite par M. Mitford[54].

Un daimio, du nom de Takumi-no-kami, portant un message du mikado à la cour de Yédo, fut cruellement offensé par Kotsuké, l'un des grands fonctionnaires du shogun. On ne tire pas le sabre dans l'enceinte du palais sans encourir la peine de mort et la confiscation de ses biens. Takumi se contint cette fois; mais, un autre jour, il ne fut pas maître de lui et courut sur son adversaire, qui, légèrement blessé, put s'enfuir. Takumi fut condamné à s'ouvrir le ventre. Son château d'Akô fut confisqué, sa famille réduite à la misère, et ses gentilshommes tombés à l'état de ronins, de déclassés, de déchus, devinrent des marchands. Mais Kuranosuké, le premier conseiller du daimio et quarante-six des samouraï, attachés à son service, avaient fait le serment de venger leur maître. Et le serment prononcé, ces hommes, pour endormir les défiances de Kotsuké qui les faisait surveiller par ses espions à Kioto, se séparèrent et se rendirent dans d'autres villes sous des déguisements de professions mécaniques.

Kuranosuké fit mieux. Il simula la débauche, l'ivrognerie, à ce point qu'un homme de Satzuma, le trouvant étendu dans un ruisseau à la porte d'une maison de thé, et le croyant ivre-mort, lui cria: «Oh! le misérable, indigne du nom de samourai qui, au lieu de venger son maître, se livre aux femmes, au vin!» Et l'homme de Satzuma, en lui disant cela, le poussait du pied et urinait sur sa figure. Mais le dévoué serviteur poussa encore plus loin la sublimité de sa comédie. Il accablait d'injures sa femme, la chassait ostensiblement de sa maison, ne gardant auprès de lui que son fils aîné, âgé de seize ans. Kotsuké, tout à fait rassuré par l'indignité de la vie de son ennemi, se relâchait de la surveillance qu'il faisait exercer autour de son habitation, renvoyait une partie de ses gardes.

La nuit de la vengeance était enfin arrivée, et la voici telle que nous la fait voir la suite des planches d'un album. Une froide nuit d'hiver, et les conjurés dans une tourmente de neige, se dirigeant silencieusement vers le yashki de l'homme, dont ils se sont promis d'aller déposer la tête sur le tombeau de leur seigneur. Ils escaladent la palissade. Ils enfoncent à coups de marteau la porte intérieure. Ils égorgent les samourais de Kotsuké, dans l'effarement grotesque de grosses femmes chargées d'enfants. Ils poursuivent les fuyards jusque sur les poutres du plafond, d'où ils les précipitent en bas. Mais de Kotsuké point. On ne le trouve nulle part, et on désespérait même de le découvrir, quand Kuranosuké, plongeant les mains dans son lit, s'aperçoit que les couvertures sont encore chaudes. Il ne peut être loin; on sonde les recoins à coups de lance, et bientôt on en tire de sa cachette, déjà blessé à la hanche. Une planche nous fait voir le vieillard, habillé d'une robe de satin blanc, et traîné tout tremblant devant le chef de l'entreprise. Alors Kuranosuké se met à genoux devant le blessé, et, après les démonstrations de respect dues au rang élevé du vieillard, lui dit: «Seigneur, nous sommes les hommes de Takumi-no-kami. L'an dernier, Votre Grâce a eu une querelle avec lui. Il a dû mourir et sa famille a été ruinée. En bons et fidèles serviteurs, nous vous conjurons de faire hara-kiri (s'ouvrir le ventre). Je vous servirai de second, et après avoir en toute humilité recueilli la tête de Votre Grâce, j'irai la déposer en offrande sur la tombe du seigneur Takumi.

Kotsuké ne se rendant pas à l'invitation qui lui était faite, Kuranosuké lui coupait la tête avec le petit sabre qui avait servi à son maître à s'ouvrir le ventre. Cela fait, les quarante-sept ronins s'acheminaient vers le temple où reposait Takumi, déposaient la tête de Kotsuké, demandaient aux bonzes de les ensevelir, et se rendaient au tribunal.

La sépulture des quarante-sept ronins, enterrés autour du corps de leur seigneur, devint bientôt un pèlerinage, et le premier qui s'y rendit fut l'insulteur, qui n'avait pas soupçonné la supercherie surhumaine de Kuranosuké. Il déclarait qu'il venait faire amende honorable à l'illustre martyr, et s'ouvrait le ventre sur le tombeau.

Les albums de théâtre, les plus nombreux de tous et les moins plaisants, à cause d'un certain hiératisme caricatural, qui vous fait passer et repasser sous les yeux un type uniforme aux gros yeux saillants, aux narines effroyablement ouvertes, à la bouche en tirelire, présentent cependant un certain intérêt par la belle ordonnance des draperies, la dignité des attitudes, les superbes enveloppements de dédain, la fierté des défis, les retroussis colères des bras prêts à frapper, les convulsions des agonies dans des linges sanglants, le grandiose de la mimique. Ces albums forment là-bas la bibliothèque des acteurs. La réunion la plus riche rapportée à Paris, et qui a fait les petites collections connues, a été achetée par MM. Sichel, à la vente de Tanoské, le Talma du Japon. Ces recueils sont pour les acteurs du pays, les manuels où ils étudient l'épique qui se dégage de l'exagération héroïque du drame japonais, étudient les lignes violentes des corps animés par la passion de la vengeance: tout le théâtre dramatique de l'Extrême-Orient.

L'amour qui ne peut se faufiler, et comiquement encore, qu'à la suite d'une prostituée, l'amour et ses tragédies n'ont pas de place sur les scènes du Japon. Car, sur l'amour, les Japonais ont une manière de sentir, des idées, des délicatesses tout à fait extraordinaires. Ils n'admettent pas qu'il puisse y avoir d'autre amour que l'amour entre mari et femme, et encore de l'amour qui n'a pris naissance que du jour du rapprochement charnel. Et au théâtre l'amour d'une jeune fille, et l'amour le plus purement et le plus chastement exprimé, révolterait les spectateurs de cette contrée paradoxale, où l'impudicité court la rue. Là nous touchons à un ordre de sentiments qui nous échappent. Je me rappelle, un soir, chez mon ami Burty, l'indignation d'un jeune Japonais à qui il était demandé ce qu'il trouvait de choquant de dire à une femme qu'on en était amoureux, et qui, après une sortie sur la grossièreté de notre langue, de nos expressions, de nos mots, s'écriait: «Chez nous, ce serait comme si on disait: Madame, je voudrais bien coucher avec vous.» Et il détaillait un certain nombre de formules poétiques et logogryphiques, au moyen desquelles seules une déclaration pouvait se faire jour, sans indécence, finissant enfin par cette phrase: «Tout ce que nous osons dire à la femme que nous aimons, c'est que nous envions près d'elle la place d'un canard mandarin; c'est notre oiseau d'amour, Messieurs!»

Les albums topographiques dans une succession de planches à vol d'oiseau qui couvriraient un pan de muraille, vous donnent la figuration des villes comme Ossaka, Yedo, etc., et les docks baignant dans l'eau, et les quartiers de négoce maritime, et les enfilades de comptoirs, et les intérieurs où des costumes européens se voient parmi des costumes japonais, et les grands terrains cultivés au milieu desquels se dresse le toit d'un temple, et la ville proprement dite avec sa rivière et ses canaux coupés de ponts courbes à monter avec les pieds et les mains, et ses perspectives de boutiques aux enseignes dans des guérites, semblables à une avenue de nos baraques de foire, et les rues remplies, selon l'expression d'un voyageur, d'une foule bleue et couleur chair bronzée, une foule qui ne fait pas de bruit avec ses chaussures de paille, et le Siro aux assises cyclopéennes et aux grands fossés, et l'esplanade où paradent des soldats japonais, puis encore les entrepôts dont les baies ouvertes découvrent d'immenses emmagasinements de riz et de thé, et qui finissent en des espèces de lagunes où continuent à se vendre des produits du pays sous des toits de nattes soutenus sur des piquets: tout l'immense déploiement colorié, surmonté çà et là de petites banderoles carminées donnant l'indication et le nom des bâtiments représentés.

Les albums d'ornementation demandent surtout leurs motifs à l'éblouissante flore du pays, en y associant l'oiseau.

Parmi ces albums, je veux donner un moment à la description de l'album qui a pour titre: les Oiseaux et les fleurs des quatre saisons, dessinés par Takéoka, une merveille de douce harmonie et de clair coloriage, qui n'a guère pour les fonds que le gris d'un ton de glaise. Des oiseaux grimpant le long des flancs de roseaux, des oiseaux volant au milieu de la déchiqueture de grands pavots, des oiseaux becquetant des grenades entr'ouvertes, des oiseaux blottis dans des rameaux couverts de neige, des cailles grises entrevues à travers les fleurettes des champs, des cigognes blanches à demi cachées par les iris violets, des canaris jaunes sur des rameaux feuillés de boutons de magnolias blancs lisérés de rose: c'est toute une suite de tableaux où se groupent dans des arrangements d'un goût exquis, d'une originalité singulière, la plante et l'oiseau. Dans ce recueil, il est une planche qui représente deux mésanges, posées sur une tige de bambou desséché, et se détachant de dessus l'orbe pâle de la lune dans un ciel crépusculaire: une image d'un effet à la fois réel et poétique auquel n'est jamais arrivée une composition ornementale de l'Occident. Ces fleurs et ces oiseaux sont peints, tout pénétrés de lumière, sans que leur éclat, leur vivacité, leur ensoleillement, soient atténués par l'ombre des demi-teintes, et le dessin très savant, très technique, très botaniste, tout en serrant de tout près la nature, a dans le contour une grandeur et des ressentiments pareils à ceux que nos grands maîtres ont cherchés dans leurs dessins, et surtout dans une suite de dessins héraldiques d'Albert Dürer vendus autrefois par «l'Alliance des Arts». Oui, il est incontestable que les Japonais, et les Japonais seuls, ont, dans l'interprétation de la fleur et de son feuillage, un style,—le style qui n'existe chez nous que pour la représentation du corps humain.

De petits albums à l'usage des fabricants, et de la grandeur de nos carnets de poche, contiennent de charmants modèles de toutes les industries d'art. Un album de brodeur, derrière sa première planche remplie par une brodeuse devant son métier, étale une série d'échantillons d'étoffes brodées, d'armoiries de princes, d'œils de queue de paon, de silhouettes noires de chauves-souris, de simples flots de la mer, et de cocottes pareilles à celles que nos petites filles d'Europe font dans un carré de papier. Un autre donne des patrons de robe, et, entre autres, une robe qui est comme un léger bouquet et une fusée d'herbettes et de fleurettes de graminées. A ces albums, comme contraste, il faut opposer les albums consacrés à l'habillement et à l'armure des guerriers, et qui vous représentent ses différents casques, ses cuirasses, son carquois et ses flèches, ses hakama (pantalons en forme de jupes), ses sandales de bois appelées ghetta, ses selles, le harnachement de son cheval, enfin l'équipement pédestre et équestre du samourai;—albums se terminant souvent par des batailles, moitié sur terre, moitié dans l'eau, qui, par la furie des éléments déchaînés par le peintre, par la colère donnée au paysage, dont les feuilles se dressent comme des langues de flammes, par le surhumain des coups qu'on se porte, par l'exagération des blessures et du sang répandu, par une espèce de terrible fantasmagorie, ne semblent plus des batailles entre des hommes.

Ces batailles semblent se donner au son de ce chant d'extermination, composé par l'empereur Zinmou, dont un frère venait d'être tué par une flèche:

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