La Tapisserie de la Reine Mathilde dite La Tapisserie de Bayeux
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PL. III, n° 25.
Guillaume donne les armes à Harold.
Pendant cette campagne de Bretagne, Harold s'est comporté en vaillant soldat et a contribué au succès. Guillaume, qui cherche toutes les occasions de lui être agréable, va mettre le comble à ses bontés en lui donnant des armes, c'est-à-dire en l'armant chevalier 60.
Il le revêt de la broigne, lui met le heaume sur la tête, après lui avoir donné les armes de l'homme libre, l'épée, et la lance ornée d'un gonfanon à quatre pointes.
Certainement Harold était déjà chevalier d'après le rite anglo-saxon, mais, nous dit Wace:
« Engleiz ne savaient joster,
« Ni à cheval armes porter. »
Son titre consacrait sa valeur comme fantassin; et c'est ainsi que nous le verrons à Hastings; mais pendant la guerre de Bretagne, il a combattu à cheval auprès de Guillaume. Il est donc naturel de lui conférer un titre, qui récompense ses exploits d'un nouveau caractère. Cet adoubement, cette réception dans la chevalerie, est une cérémonie purement laïque, conformément à l'usage antique.
[p. 63] Ne manquons pas de le signaler, comme une preuve de l'antiquité de la Tapisserie. Ce n'est, en effet, que plus tard, au XIIe siècle, qu'en France, l'Eglise interviendra et fera bénir par un de ses dignitaires, évêque ou abbé, les armes des nouveaux chevaliers. Ingulf, qui fut un des familiers et des secrétaires de Guillaume le Conquérant, nous dit que, dès le XIe siècle, on avait institué en Angleterre un cérémonial religieux de l'adoubement; mais il nous fait savoir en même temps que les Normands se refusaient à l'adopter, regardant alors comme indigne le chevalier qui recevait les armes d'un prêtre 61.