Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile
ACTE II.
SCÈNE PREMIÈRE.—Dans le cabinet de De Saint-Pré.
M. de Saint-Pré est seul; il écrit en poussant des soupirs; il prononce des phrases sans suite, entrecoupées de sanglots; le chiffre de quatre cent mille livres revient souvent dans son discours. Il parle de quitter à jamais sa femme; il prend des sacs dans son secrétaire; sur l'un il attache l'étiquette suivante: Pour ma femme. «Elle trouvera, dit-il, dans ces dispositions d'une mort qu'elle me donne, le dernier témoignage de mes sentiments.» Il prend ensuite dans un tiroir une paire de pistolets. A ce moment on annonce M. de Montmécourt.
SCÈNE II.
M. DE SAINT-PRÉ, M. DE MONTMÉCOURT.
Nouvelles doléances de M. de Saint-Pré; il aime de Montmécourt, il a confiance en lui, il veut lui ouvrir son cœur. Il lui raconte ses tourments: «Ma femme, dit-il, est une malheureuse; Valchaumé est un misérable. Je suis leur juge; je ne veux pas des tribunaux, ressource des lâches!» Il lui demande ensuite un service; il le prie de recevoir toute sa fortune et de la conserver dans son secrétaire. Il exige de lui, sur ces choses, le plus complet silence.
M. de Montmécourt demande à réfléchir; il n'était pas préparé à de semblables confidences; il était loin de soupçonner de tels malheurs! Il cherche à rendre à M. de Saint-Pré un peu de calme et de confiance; il fait l'éloge de Mme de Saint-Pré.
De Saint-Pré, insistant.—«Promettez-moi d'accepter le dépôt dont je vous ai parlé.
De Montmécourt.—«Laissez-moi réfléchir jusqu'à demain, et venez dîner avec nous.»
Mais de Saint-Pré ne veut rien entendre; il insiste tellement, que de Montmécourt finit par accepter.
SCÈNE III.—Dans le salon.
En quittant de Saint-Pré, de Montmécourt demande à voir Mme de Saint-Pré. Cette scène est à peu près, ainsi qu'on va le voir, la répétition de la scène II du premier acte, où Mme de Mainville conseille à Mme de Saint-Pré d'éloigner Valchaumé.
De Montmécourt.—«Je ne saurais vous dire, madame, en termes assez pressants et assez vifs, dans quel triste état j'ai trouvé votre mari. Il est dévoré par le soupçon et la jalousie.....
Madame de Saint-Pré.—«Je pense, monsieur, que vous croyez à mon honnêteté.
De Montmécourt.—«Elle est hors de doute!
Madame de Saint-Pré.—«Alors, je puis vous dire tout ce que je souffre depuis trois mois. Notre intérieur est un véritable enfer; l'union de notre ménage est perpétuellement troublée; mon mari est devenu sombre et maniaque; sa jalousie inexpliquée est inguérissable, et pourtant, Dieu le sait! j'ai fait tout ce que j'ai pu pour porter remède à son mal...
De Montmécourt.—«Vous avez omis, cependant, d'employer le principal et le plus efficace.
Madame de Saint-Pré.—«Et lequel, je vous prie?
De Montmécourt.—«J'hésite à parler...
Madame de Saint-Pré.—«Ne craignez pas de me blesser; je désire que vous parliez; je vous en conjure, ce remède quel est-il?
De Montmécourt.—«Puisque vous m'y forcez, je vais parler, madame... M. de Valchaumé est encore dans cette maison! (A ces mots, madame de Saint-Pré se trouble, rougit et pâlit tour à tour, circonstance qui n'échappe pas à M. de Montmécourt.) Permettez-moi d'insister sur ce point. Je crois indispensable au repos de votre ménage, et surtout à celui de votre mari, que vous décidiez M. de Valchaumé à partir sur-le-champ.»
Madame de Saint-Pré.—Elle se livre à une longue apologie de M. de Valchaumé: «C'est mon ami, c'est le meilleur, le plus dévoué et le plus utile des amis de mon mari...
M. de Montmécourt.—«Il n'en est pas moins vrai qu'il est, chez vous, une cause de trouble que vous ne sauriez nier; sa présence a causé la maladie et la jalousie de votre mari.
Madame de Saint-Pré.—«Eh bien, s'il en est ainsi, je réduirai à néant les craintes de mon mari en m'éloignant moi-même; je me retirerai dans un couvent.
M. de Montmécourt.—«Ce serait aggraver les choses et exciter davantage encore les soupçons et la colère de M. de Saint-Pré. Croyez-moi, renoncez à ce moyen et suivez le conseil que je vous ai donné.» (Il sort.)
SCÈNE IV.
Mme de Saint-Pré se livre alors à une série interminable de reproches et de récriminations qu'elle s'adresse à elle-même; en proie à ses remords, aux blâmes secrets de sa conscience, elle répand des torrents de larmes. Elle cherche à se réconcilier avec elle-même, et alors, plus calme, elle fait appeler M. de Valchaumé.
SCÈNE V.
MADAME DE SAINT-PRÉ, DE VALCHAUMÉ.
Scène assez longue entre les deux amants et où la difficulté de leur position respective leur apparaît de plus en plus menaçante; scène entremêlée de reproches, de plaintes, d'aigreur et de mécontentements. Mme de Saint-Pré parle à Valchaumé de l'état de son mari; Valchaumé, qui commence peut-être aussi à se lasser de sa maîtresse en présence de l'impossibilité, qu'il pressent prochaine, de continuer ses relations, parle de son départ: «Je m'éloignerai pour six mois,» dit-il. Le remords le poursuit; lui aussi, il comprend son crime! Il entame, à ce sujet, une longue leçon de morale à l'adresse de Mme de Saint-Pré; il lui parle de ses devoirs, des droits de son mari, de son honneur qu'ils ont tous deux outragé, de son bonheur qu'ils ont compromis. Il finit par lui conseiller de se rapprocher de son mari et de chercher à lui rendre le repos qu'il a perdu.
A cette proposition inattendue, Mme de Saint-Pré oublie ses résolutions; les sentiments de conciliation font place, en elle, à l'indignation la plus vive:
Madame de Saint-Pré, avec feu.—«Vous êtes un malhonnête homme! vous pouvez vous retirer.
M. de Valchaumé.—«Quittez ce ton-là, madame! Savez-vous à quelles créatures il est familier?»
Puis ils se radoucissent tous deux. Valchaumé recommence à lui parler de ses devoirs oubliés, de son honneur sacrifié, etc... «Renonçons au crime, lui dit-il enfin, je te rends à ton mari!...»
Mais Mme de Saint-Pré a peur. Elle redoute la vengeance et la colère de son époux.
M. de Valchaumé.—«Pourquoi crains-tu? Il n'a point de preuves. Il est facile de s'en assurer d'ailleurs, je veux le voir moi-même pour savoir la vérité.» (Ils se quittent.)
——
ACTE III.
SCÈNE PREMIÈRE.—Dans le salon.
DE VALCHAUMÉ, seul.
Monologue où il se reproche encore sa conduite; il parle de ses remords, du mal qu'il a fait à de Saint-Pré. (Entre le portier, qui lui remet une lettre.) Cette lettre est de M. de Montmécourt. Il lui dit dans quel état il a trouvé de Saint-Pré: «Il est jaloux de vous; votre amitié pour lui vous dira, mieux que je ne saurais le faire, comment vous devez agir; mais j'ai cru devoir vous prévenir qu'il a des projets inconcevables!»
Valchaumé s'assied comme atterré; il s'absorbe dans une rêverie interrompue par des mouvements convulsifs; sa main droite dans la poitrine, il s'en déchire le sein. (Il faut, dit le manuscrit, que le sang paraisse couler.)
SCÈNE II.
Entre Julie, femme de chambre. A la vue de M. de Valchaumé abattu, à moitié sans connaissance et couvert de sang, elle appelle au secours.
SCÈNE III.
Mme de Saint-Pré accourt aux cris de sa femme de chambre. Elle attire M. de Valchaumé dans son cabinet de toilette.
SCÈNE IV.—Dans le cabinet de toilette.
MADAME DE SAINT-PRÉ, M. DE VALCHAUMÉ.
La scène est assez vivement menée.
Madame de Saint Pré.—«D'où vient ce sang?
M. de Valchaumé.—«Ce n'est rien; ne parlons pas de cela. Il faut absolument que je voie ton mari; il faut que je le rencontre sur-le-champ.
Madame de Saint-Pré.—«Oui tu le verras; mais il va te proposer un duel; tu le refuseras; je le veux, tu me le promets?
De Valchaumé.—«Je te le jure!
Madame de Saint-Pré.—«Ah! fais bien appel à ton sang-froid; sois calme avec lui; pas d'emportement, quoi qu'il te puisse dire!
De Valchaumé.—«Sois persuadée que jamais il ne me forcera à me battre avec lui.»
(Les deux amants se font ici de touchants adieux et de Valchaumé passe dans le salon.)
SCÈNE V.—Dans le salon.
DE VALCHAUMÉ, seul.
Nouveau monologue; de Valchaumé se livre encore à une invocation à sa conscience; il parle de ses remords, il en est accablé; il entend les reproches secrets qui le poursuivent; il termine enfin sa tirade, à la fois philosophique et humanitaire, par une dernière invocation au vertueux Jean-Jacques: «Pousse-moi, dit-il, de tout l'élan de ta force, vers cette vertu qui fit ton bonheur, et qui fera éternellement ta gloire[192]!»
SCÈNE VI.—Dans le cabinet de M. de Saint-Pré.
M. DE SAINT-PRÉ, seul.
Il est très-agité, il écrit; il se lève, il va et vient dans la chambre. Il fait demander si M. de Valchaumé est rentré; on lui répond qu'il est au salon. Alors, il pose lui-même les scellés sur tous ses meubles à serrure; tout à coup la cire allumée dont il se sert dans son opération tombe sur un amas de papiers qui couvre le plancher, et elle y met le feu. De Saint-Pré regarde la flamme avec un accent indéfinissable: «Oh! s'écrie-t-il, si la maison ne renfermait que ces deux misérables et moi, je la laisserais brûler!» (Il sort deux pistolets de son tiroir et il quitte la scène.)
SCÈNE VII.—Dans le salon.
En entrant au salon, M. de Saint-Pré rencontre de Valchaumé.
De Valchaumé.—«Je désirais vous voir et vous faire mes adieux; je vais partir.
De Saint-Pré.—«Partir? dis-tu. Et c'est là la réparation que tu m'offres! C'est d'une autre manière que nous devons prendre congé l'un de l'autre?...
De Valchaumé.—«Vous voulez vous battre? je ne me battrai jamais contre vous.
De Saint-Pré.—«Tu ne te battras pas?
De Valchaumé.—«Non.»
Saint-Pré présente alors un pistolet à de Valchaumé; celui-ci le refuse d'abord, puis, le saisissant d'une main convulsive, il le tend lui-même à son adversaire en s'écriant: «Tue-moi! je serai heureux de recevoir la mort de ta main!...
—Défends-toi! répond de Saint-Pré; bien que tu ne sois plus mon égal, puisque tu n'as pas d'honneur, je consens cependant à me battre avec toi!...»
A ce moment, de Valchaumé chancelle; il tombe épuisé sur un fauteuil: «Achevez-moi!» s'écrie-t-il. La mise en scène est indescriptible. De Valchaumé, en proie à une rage en quelque sorte frénétique, court comme un furieux dans la chambre; il pleure, il sanglote, il a des convulsions, il se traîne par terre; ses cris attirent dans le salon Mme de Saint-Pré.
SCÈNE VIII.
LES MÊMES, MADAME DE SAINT-PRÉ.
A l'entrée de Mme de Saint-Pré, de Valchaumé l'attire à lui et il se jette avec elle aux pieds de M. de Saint-Pré:
De Valchaumé.—«C'est moi qui l'ai séduite! je suis seul coupable. Pardonne-lui; elle est digne de ton pardon, elle est toujours digne de toi! Quant à moi, je vous quitte à jamais et je vais m'ensevelir dans mes remords.
De Saint-Pré.—«Vis, et sois meilleur!»
FIN.
IV
NOTICE GÉNÉALOGIQUE SUR BEAUMARCHAIS ET SA FAMILLE.
Voici sur la famille même de Beaumarchais et sur son origine d'intéressants détails que je résume d'après une longue et substantielle nomenclature du précieux Dictionnaire critique de Jal, et que je complète à l'aide du non moins précieux travail de M. de Loménie et aussi au moyen de renseignements personnels provenant de sources authentiques et même officielles.
Le membre le plus anciennement connu de la famille Caron est le grand-père même de Beaumarchais, Daniel Caron, «maître orlogeur» à Lizy-sur-Ourcq, diocèse de Meaux (Seine-et-Marne); sa grand-mère se nommait Marie Fortin. Tous deux étaient protestants calvinistes[193]. Ils eurent quatorze enfants, dont la plupart moururent en bas âge, et dont trois seulement nous sont connus en 1708, date de la mort du père: André-Charles, Pierre et Marie Caron.
Mme veuve Caron vint alors à Paris, où elle s'établit avec ses trois enfants. Les deux fils suivent la carrière paternelle et se font horlogers, chacun de son côté. La sœur épouse, le 30 septembre 1720, un marchand chandelier du nom d'André Gary.
André-Charles Caron se marie à son tour, le 15 juillet 1722, à la paroisse Saint-André-des-Arcs, avec Marie-Louise Pichon. Deux ans auparavant il avait abjuré le calvinisme, et au mois de mars de la même année 1722 il avait été reçu maître horloger.
Mme Caron donna dix enfants à son mari en moins de douze années; en voici la liste complète:
1º Une fille, Vincente-Marie, née le 26 avril 1723.
2º Une deuxième fille, Marie-Josèphe, née le 13 février 1725, et mariée, en 1748, à Louis Guilbert, «maître maçon», qui mourut d'une attaque de folie furieuse en Espagne, où il avait été nommé l'un des architectes du roi.
3º Un fils, Jean-Marie, né le 17 novembre 1726.
4º Un deuxième fils, Augustin-Pierre, né le 9 janvier 1728.
5º Un troisième fils[194], François, né en 1730 et mort en 1739.
6º Une troisième fille, Marie-Louise, née en 1731. C'est elle qui fut fiancée à Clavijo. Les mémoires contre Goëzmann et le drame de Gœthe ont immortalisé son aventure et son nom[195].
7º Un quatrième fils, Pierre-Augustin Caron, qui devait illustrer le nom de Beaumarchais. Né le 24 janvier 1732[196], il eut pour parrain «Pierre-Augustin Picard, fils mineur de Pierre Picard, marchand chandelier, rue Aubry-le-Boucher, paroisse de Saint-Josse», et pour marraine sa cousine «Françoise Gary, fille mineure d'André Gary, marchand chandelier, demeurant rue des Boucheries, paroisse Saint-Sulpice».
8º Une quatrième fille, Madeleine-Françoise, née le 30 mars 1734. Elle épousa en 1766 un horloger nommé Jean-Antoine Lépine. Elle lui donna deux enfants, un garçon qui se fit militaire, et une fille qui épousa également un horloger, du nom de Raguet.
9º Une cinquième fille, Marie-Julie, née le 24 décembre 1735. C'est la plus distinguée de la famille. Elle était à la fois poëte et musicienne, elle jouait de la harpe et du violoncelle, parlait l'espagnol et l'italien, et écrivait de fort jolies lettres dont la plupart nous sont parvenues. Elle mourut, au mois de mai 1798, un an avant Beaumarchais.
10º Une sixième fille, Jeanne-Marguerite, qui épousa en 1767 Octave-Janot de Miron, intendant de la maison royale de Saint-Cyr. Elle était aussi poëte et surtout très-bonne musicienne, jouant de la harpe et chantant très-joliment; elle excellait en outre dans la comédie. Elle n'eut qu'une fille, qui fut mariée et établie à Orléans.
Le 17 août 1758 la mère de Beaumarchais meurt, et huit ans après, le janvier 1766, son père se marie, en seconde noces, à l'âge de soixante-neuf ans, à «Jeanne Guichon, veuve de Pierre Henry, bourgeois de Paris», qui en avait elle-même soixante. Mais, en 1768, il perd cette seconde femme, et nous le voyons cette fois, contre le gré de ses enfants, se remarier pour la troisième fois, le 18 avril 1775, à l'âge de soixante dix-sept ans, et quelques mois seulement avant sa mort, avec Suzanne-Léopolde Jeantot. «C'était, dit M. de Loménie, une vieille fille astucieuse[197] qui le soignait et qui s'en fit épouser dans l'espoir de rançonner Beaumarchais. Profitant de la faiblesse du vieillard, elle s'était fait assigner, par son contrat de mariage, un douaire et une part d'enfant.» Beaumarchais, devant la menace qu'elle lui fit d'un procès, racheta ses droits, réels ou imaginaires, moyennant une somme de 6,000 francs.
Quant au père Caron, il était mort le 23 octobre 1775 et avait été enterré à l'église Saint-Jacques-de-la-Boucherie.
De son côté, Beaumarchais, à l'exemple de son père, contracta trois mariages. Le premier est même entouré de circonstances assez romanesques. En 1765, à vingt-trois ans, Beaumarchais était contrôleur de la maison du roi. Il avait pour collègue un sieur Pierre Franquet, alors âgé de quarante-neuf ans, et dont la femme en avait tout au plus trente-trois ou trente-quatre. Le futur écrivain était très-amicalement reçu dans l'intimité du ménage, et il en profita pour faire la cour à la belle «contrôleuse». Celle-ci ne resta pas insensible aux assiduités, à l'esprit et aux galanteries du jeune homme. On n'oserait cependant pas certifier qu'elle oublia pour lui, du vivant de son mari, le plus sacré de ses devoirs, mais il est certain qu'elle inspira une assez vive passion à son adorateur. En effet le futur Beaumarchais la suivit de quartier en quartier, lors de deux ou trois déménagements qu'elle opéra dans les derniers temps de la vie de son mari, lequel mourut dans le logement commun, rue de Bracque, en janvier 1756. Caron déclara alors à sa famille qu'il épouserait la veuve Franquet. Il n'avait que vingt-trois ans, la dame en avait trente-quatre[198], et en présence de cette grande différence d'âge, et aussi du scandale occasionné depuis longtemps déjà par les amours de Beaumarchais, le père et la mère Caron firent tous les efforts imaginables pour tâcher de rendre le mariage impossible. Mais le fils tint bon et obtint enfin le consentement nécessaire; toutefois ses parents refusèrent d'assister aux formalités et cérémonies du mariage. Le 27 novembre 1756 Beaumarchais fut enfin uni à celle qu'il aimait, à l'église Saint-Nicolas-des-Champs[199].
De sa première femme, Beaumarchais n'eut pas d'enfants; il la perdit d'ailleurs moins d'un an après l'avoir épousée, le 30 septembre 1757.
Le 11 avril 1768, il se remarie avec une seconde veuve, dame Geneviève Watebled, dont le mari, mort en 1767, Antoine Levesque, était de son vivant garde magasin général des menus plaisirs du roi. La deuxième femme de Beaumarchais avait trente-huit ans, alors qu'il n'en avait que trente-six; mais en revanche elle lui apportait une grande fortune. L'acte de mariage donne cette fois au futur ses deux noms réunis, avec addition de ses titres et qualités: «Caron de Beaumarchais, écuyer, conseiller, secrétaire du roi et lieutenant général de la Varenne du Louvre.»
Le 14 décembre suivant, «au bout de huit mois et huit jours de mariage», la femme de Beaumarchais lui donnait un fils, qui fut baptisé Augustin et qui mourut le 17 octobre 1772, deux ans après sa mère, laquelle succomba, en quelques jours, aux suites d'une seconde couche, le 20 novembre 1770.
Il se remaria une troisième fois quelques années plus tard, en 1778, avec Marie-Thérèse Willer-Mawlas, jeune personne d'origine suisse et dont le père François Willer-Mawlas, mort en 1757, avait été attaché à la grande maîtrise des cérémonies, sous Louis XV. C'était une femme douce et belle «très-remarquable par l'intelligence, l'esprit et le caractère». Elle s'était éprise de Beaumarchais sans le connaître, attirée à lui par le bruit qui se faisait alors autour de son nom, de ses écrits, de ses aventures et de sa personne. Leur union fut donc un mariage d'inclination, et ce fut le plus heureux de ceux que contracta Beaumarchais. Elle lui survécut, n'étant morte qu'en l'année 1816.
Quant à Beaumarchais, il mourut subitement, dans la nuit du 17 au 18 mai 1799, d'une attaque d'apoplexie. Il avait seulement soixante-sept ans et trois mois.
La soudaineté de sa mort a donné lieu à diverses suppositions que sa famille a voulu démentir. On a parlé d'un suicide par le poison, ou par l'opium. Jusqu'en ces derniers temps ce bruit calomnieux a été fort accrédité. Le gendre de Beaumarchais s'en est justement ému, et le 7 octobre 1849 il écrivait à ce sujet à M. de Loménie une lettre dont voici le plus curieux passage:
«Monsieur,
«Je viens d'apprendre avec un étonnement pénible les bruits que l'on a fait courir sur les derniers moments de Beaumarchais, mon beau-père. L'assertion mensongère de son suicide, qui a été reproduite dans des écrits sérieux, m'oblige à repousser, avec toute l'indignation qu'elle mérite, une fable dont la famille et les amis de Beaumarchais se seraient émus s'ils l'avaient connue plus tôt.
«Beaumarchais, après avoir passé en famille la soirée la plus animée, où jamais son esprit n'avait été plus libre et plus brillant, a été frappé d'apoplexie. Son valet de chambre en entrant chez lui le matin, l'a trouvé dans la même position où il l'avait laissé en le couchant, la figure calme et ayant l'air de reposer. Je fus averti par les cris de désespoir du valet de chambre. Je courus chez mon beau-père, où je constatai cette mort subite et tranquille...[200]»
Les funérailles de Beaumarchais eurent lieu avec une grande simplicité et en dehors de toute manifestation publique. C'est dans l'intérieur même de son jardin, au fond d'une sombre allée où il avait lui-même désigné le lieu de sa sépulture, que fut déposé son cercueil. «Son gendre, ses parents, ses amis et quelques gens de lettres qui l'aimaient, dit Gudin, cité par M. de Loménie, lui rendirent les derniers devoirs, et Collin d'Harleville proféra un discours que j'avais composé dans l'épanchement de ma douleur, mais que je n'étais pas en état de prononcer...» «Sous ce bosquet funéraire, ajoute M. de Loménie, après une vie si orageuse Beaumarchais espérait sans doute pouvoir dire: Tandem quiesco! et le cercueil qui le protégeait a dû être transporté dans un des grands cimetières qui deviendront aussi des rues et des places publiques.»
Enfin, dans l'édition des Œuvres complètes de Beaumarchais publiée en 1809 par Gudin, ce fidèle et inséparable ami de sa vie tout entière parle ainsi de cette mort si foudroyante: «La nature lui épargna les chagrins d'une lente destruction et les angoisses d'une longue agonie; il fut frappé d'apoplexie pendant son sommeil, et il sortit de la vie comme il y était entré, sans s'en apercevoir[201].»
De son troisième mariage, Beaumarchais avait eu une fille, Amélie-Eugénie, qu'il maria, le 11 juillet 1796, à M. Delarue, dont son célèbre beau-père parle ainsi lui-même dans une lettre postérieure de près d'un an à cette union: «Ma fille, écrit-il, le 6 juin 1797, à M. T..., est la femme d'un bon jeune homme qui s'obstinait à la vouloir quand on croyait que je n'avais plus rien. Elle, sa mère et moi, nous avons cru devoir récompenser ce généreux attachement; cinq jours après mon arrivée, je lui ai fait ce joli présent. Ils auront du pain, mais c'est tout, à moins que l'Amérique ne s'acquitte envers moi, après vingt ans d'ingratitude[202].»
M. Louis-André-Toussaint Delarue était né le 1er novembre 1768, à Paris. En 1789, il devint aide de camp de Lafayette; sous l'Empire il fut administrateur des contributions indirectes. Nous le trouvons, en 1814, adjoint au maire de VIIIe arrondissement, et en cette qualité il reçoit la croix de la Légion d'honneur le 27 juillet de la même année. Le gouvernement de juillet le crée colonel de la huitième légion de la garde nationale et le nomme officier de la Légion d'honneur le 19 octobre 1831. En 1840 le grade de maréchal-de-camp de la garde nationale lui est offert, et en 1841, le 29 avril, il reçoit le sautoir de commandeur de la Légion d'honneur. C'est seulement en 1848 qu'il abandonne son grade pour prendre sa retraite définitive, ayant alors quatre-vingts ans. Il ne mourut que quinze ans après, le 1er juin 1864, âgé de quatre-vingt-quinze ans.
Mme Eugénie Delarue, sa femme, était morte depuis le mois de juin 1832. Elle avait donné deux fils à son mari:
1º Delarue (Charles-Édouard), né le 7 vendémiaire an VIII (9 octobre 1799), à Paris, «à quatre heures du soir, boulevard Antoine, nº 1, huitième municipalité, fils de André-Toussaint Delarue, rentier, et d'Amélie-Eugénie Caron-Beaumarchais, sa femme, mariés à l'état civil de la deuxième municipalité le 29 messidor an IV.»
Le jeune Delarue embrassa la carrière militaire. Il fut page de Napoléon Ier du 2 mai au 20 juin 1815, sous-lieutenant d'état-major le 20 janvier 1821, capitaine du 6e de lanciers le 27 août 1830, officier d'ordonnance de Louis-Philippe le 26 mars 1841, colonel du 2e lanciers le 23 février 1847, et enfin général de brigade le 28 décembre 1862. En 1864 il entra dans le cadre de réserve. Il avait obtenu la croix de commandeur de la Légion d'honneur le 8 août 1858; il était encore décoré, depuis 1839, de la croix d'officier de l'ordre de la Tour et de l'Épée de Portugal, et depuis 1844 de la croix d'officier de Léopold de Belgique[203].
2º Delarue (Alfred-Henri), né à Paris, le 3 germinal an XI (24 mars 1803), «porte Saint-Antoine, nº 1, division de Montreuil». Ce deuxième petit-fils de Beaumarchais a fait son chemin dans l'administration des finances. Le 5 février 1838 il fut nommé receveur particulier-percepteur, à Paris. Le 18 juin 1849 il occupait la même fonction au IIe arrondissement, et le 29 décembre 1859 il était nommé au même emploi dans le VIIIe arrondissement. Enfin le 10 juillet 1865 il recevait la croix de la Légion d'honneur[204].
Ajoutons que, justement fiers du nom illustre de leur aïeul, les deux petits-fils de Beaumarchais ont obtenu, par décret impérial du 25 août 1853, confirmé par jugement du tribunal de la Seine du 4 novembre 1864, «l'autorisation de joindre à leur nom patronymique Delarue celui de Beaumarchais et de s'appeler à l'avenir Delarue-Beaumarchais[205]».
Complétons nos renseignements en disant qu'une arrière-petite-fille de Beaumarchais a épousé M. Roulleaux-Dugage (Charles-Henri), «né à Alençon le 7 floréal an X (26 avril 1802), fils de Jacques-François-Nicolas Roulleaux, conseiller de la préfecture de l'Orne, et de dame Adélaïde-Victoire Bertrand». Député de l'Hérault en 1852, en 1867, en 1863 et en 1869, M. Roulleaux-Dugage avait été d'abord, de 1835 à 1848, préfet des départements de l'Ardèche, de l'Aude, de la Nièvre, de l'Hérault et de la Loire-Inférieure. Président du conseil général de l'Orne, il réside habituellement au Château de Lyvonnière, près Domfront. L'Empereur l'a créé grand officier de la Légion d'honneur le 14 août 1866[206].
GEORGES D'HEYLLI.
ERRATA
Page XXVII, dans la Notice, ligne 15, au lieu de croit, lisez croît.
Page XXIX, dans la Notice, ligne 7, à la note, au lieu de suspecte, lisez suspectes.
Page LIII, dans la Notice, ligne dernière, au lieu de Desessarts, lisez Desessarts.
Page LXVII, dans la Notice, ligne 7, au lieu de 19 août 1787, lisez 19 août 1785.
Page 227, aux Appendices, ligne 28, au lieu de rapprochez de la scène IIe, lisez... de la scène IIIe.
Page 242, aux Appendices, ligne 4, dans un certain nombre d'exemplaires de ce volume, au lieu de à l'aide du précieux travail, lisez à l'aide du non moins précieux travail.
TABLE
| Pages. | ||
| Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Séville | 3 | |
| LE BARBIER DE SÉVILLE, ou la Précaution inutile, comédie en quatre actes | 31 | |
| Acte premier,
Acte II,
Acte III,
Acte IV. | ||
| Variantes du Barbier de Séville | 171 | |
| Appendices. | ||
| I. | Deux lettres de M. Édouard Fournier relatives à un récent achat de manuscrits de Beaumarchais | 205 |
| II. | Nomenclature des pièces comprises dans cet achat | 212 |
| III. | L'AMI DE LA MAISON, drame inédit en trois actes | |
| 1. | Un drame inédit de Beaumarchais | 220 |
| 2. | L'Ami de la Maison et le Supplice d'une femme | 223 |
| 3. | Analyse détaillée, et scène par scène, des trois actes de l'Ami de la maison | 229 |
| IV. | Notice généalogique sur Beaumarchais et sur sa famille | 242 |
| Errata | 250 | |
NOTES:
[1] Tissot (Simon-André), illustre médecin, né en Suisse en 1728, mort en 1797. Ses œuvres choisies forment 8 vol. in-8º (Paris, 1809). Beaumarchais fait ici allusion à deux de ses principaux écrits: De la santé des gens de lettres (1769, in-32), et Essai sur les maladies des gens du monde (1770, in-12), dont le succès fut populaire et considérable.
[2] Allusion à un journaliste de Bouillon qui avait fort malmené Beaumarchais et sa pièce.
Il avait déjà parlé de ces critiques aux comédiens eux-mêmes dans une lettre intime qu'il leur adressait quelque temps avant d'écrire cette épître-préface: «Tant qu'il vous plaira, Messieurs, de donner le Barbier de Séville, je l'endurerai avec résignation. Et puissiez vous crever de monde, car je suis l'ami de vos succès et l'amant des miens... Si le public est content, si vous l'êtes, je le serai aussi. Je voudrais bien pouvoir en dire autant du Journal de Bouillon; mais vous avez beau faire valoir la pièce, la jouer comme des anges, il faut vous détacher de ce suffrage; on ne peut pas plaire à tout le monde.
«Je suis, Messieurs, avec reconnaissance, etc...
«Signé: Caron de Beaumarchais.»
(Lettre citée par M. de Loménie, tome II)
[3] Eugénie et les Deux Amis.
[4] Mémoires judiciaires contre les sieurs de Goëzmann, Marin, Lablache et d'Arnaud (1774).
[5] Ce sera l'opéra de Tarare.
[6] On peut ainsi préciser facilement l'époque où Beaumarchais écrivait cette préface, la 17e représentation du Barbier ayant eu lieu le mercredi 16 août 1775, et la 18e le samedi suivant.
[7] Imbroglio.
[8] Mot de l'invention de Beaumarchais.
[9] La résille.
[10] Célèbre astrologue-nécromancien du temps de Henri II. Catherine de Médicis le fit venir à Paris et eut souvent recours à lui pour les expériences de divination auxquelles on sait qu'elle se livrait.
[11] Beaumarchais présente ici par avance la scène de la reconnaissance de Figaro, que nous retrouverons dans la Folle Journée.
[12] La citation est inexacte, d'autant mieux que le mot principal «le hasard», sur lequel repose l'argumentation de Beaumarchais, ne s'y trouve même pas. Voici d'ailleurs le passage même dans son intégrité: «J'avois besoin d'un homme que je pusse, dans ces conjonctures, mettre devant moi. Il me falloit un fantôme, mais il ne me falloit qu'un fantôme, et, par bonheur pour moi, il se trouva que ce fantôme fut petit fils d'Henri le Grand, qu'il parla comme on parle aux halles, ce qui n'est pas ordinaire aux enfants d'Henri le Grand, et qu'il eut de grands cheveux bien longs et bien blonds. Vous ne pouvez vous imaginer le poids de cette circonstance; vous ne pouvez concevoir l'effet qu'ils firent dans le peuple.» (Mémoires de Retz, édition Charpentier, 1865, tome Ier, page 267.)
[13] Vieux mot.
[14] Terme chirurgical: celui qui pratique la saignée. Il vaudrait mieux phlébotomiste. D'ailleurs, usuellement, on n'emploie ni l'un ni l'autre mot.
[15] Hédelin, abbé d'Aubignac, né en 1604, mort en 1676. Il a composé, d'après Aristote, un ouvrage assez médiocre, Pratique du théâtre (1669, in-4º), auquel Beaumarchais fait ici allusion. Il détestait Corneille, dont il était jaloux, et il a donné une tragédie, Zénobie, qui n'eut aucun succès.
[16] Elle en supporta, et de la meilleure, comme tout le monde le sait. Voici les titres des principales œuvres musicales inspirées par le Barbier:
1º Le Barbier de Séville, opéra bouffe de Païsiello, joué pour la première fois à Saint-Pétersbourg en 1780, et à Paris le 12 juillet 1789, deux jours avant la prise de la Bastille;
2º Le Barbier de Séville, opéra de Nicolo Isouard, joué à Malte à la fin du siècle dernier;
3º Le Barbier de Séville, ballet en trois actes, de Blache et Duport, représenté à l'Opéra le 30 mai 1806;
4º Le Barbier de Séville, opéra bouffe en deux actes, du maestro G. Rossini, joué pour la première fois à Rome en décembre 1816, et à Paris le 26 octobre 1819;
5º Almaviva et Rosine, pantomime avec musique, sans nom d'auteur, jouée à la porte Saint-Martin le 19 avril 1817;
Enfin plus tard la Folle Journée servira de thème à la musique de Mozart.
[17] Fameux danseur de l'Opéra (1748-81) qui s'était baptisé lui-même le Dieu de la danse. Il est mort en 1808, à soixante-dix-neuf ans. Sa femme, qui a été aussi très-célèbre comme danseuse, est morte la même année, à cinquante-six ans.
[18] Bercher, dit Dauberval, danseur comique, mort en 1806, à soixante-quatre ans. Il a appartenu à l'Opéra de 1761 à 1783, classé dans ce qu'on appelait les danseurs seuls, c'est-à-dire les grands premiers sujets. On l'avait surnommé le Préville de la danse. Il a composé quelques ballets.
[19] Verbe de la composition de Beaumarchais.
[20] L'un des manuscrits du Théâtre-Français orthographie Figaro, tout le long de la pièce, Figuaro.
[21] Ce qu'on nomme chez nous un «beau»; mais un «beau» vulgaire, une sorte de coq de village ou d'artisan endimanché.
[22] Dans le manuscrit de la Comédie-Française Basile est qualifié «organiste et musicien italien».
[23] Capitale de l'Andalousie, dit le manuscrit.
[24] Cette petite partition est de nos jours difficile à trouver. La Bibliothèque du Conservatoire de musique en possède un exemplaire, en assez mauvais état, et que nous avons eu sous les yeux. C'est une partition grand in-4º arrangée pour orchestre avec l'indication des jeux de scène, des paroles et des voix. On lit sur la première page cette note manuscrite: On croit que cette musique est de Beaumarchais, et au verso, de la même main: Cette musique est de M. de Beaumarchais. La musique du Barbier n'accompagnant pas, comme dans les Deux Amis, la pièce imprimée, et n'offrant d'ailleurs, à cause de sa médiocrité, aucun véritable intérêt, nous avons jugé inutile de la reproduire.
[25] Variante 1.
[26] Variante 2.
[27] Variante 3.
[28] Variante 4.
[29] Variante 5.
[30] Variante 6.
[31] Variante 7.
[32] Variante 8.
[33] Variante 9.
[34] Variante 10.
[35] Variante 11.
[36] Variante 12.
[37] Variante 13.
[38] Variante 14.
[39] Mot fabriqué par Beaumarchais à l'adresse du censeur Marin, l'un de ses adversaires dans l'affaire Goëzmann.
[40] Encore un mot inventé pour désigner les journalistes, les critiques, etc., qu'il appelle encore «les puces» dans le manuscrit du Théâtre-Français.
[41] Variante 15.
[42] Variante 16.
[43] Variante 17.
[44] Bartholo n'aimoit pas les drames. Peut-être avoit-il fait quelque Tragédie dans sa jeunesse. (Note de Beaumarchais.)
[45] Variante 18.
[46] Variante 19.
[47] Variante 20.
[48] Variante 21.
[49] Variante 22.
[50] Variante 23.
[51] Variante 24.
[52] Variante 25.
[53] Variante 26.
[54] Variante 27.
[55] Variante 28.
[56] Variante 29.
[57] Variante 30.
[58] Variante 31.
[59] Variante 32.
[60] Variante 33.
[61] On dit aujourd'hui besoigneux.
[62] Variante 34.
[63] Variante 35.
[64] Variante 36.
[65] Variante 37.
[66] Variante 38.
[67] Variante 39.
[68] Variante 40.
[69] Variante 41.
[70] Variante 42.
[71] Le mot enfiévré, qui n'est plus françois, a excité la plus vive indignation parmi les Puritains Littéraires; je ne conseille à aucun galant homme de s'en servir: mais M. Figaro!... (Note de Beaumarchais.)
[72] Variante 43.
[73] Variante 44.
[74] Variante 45.
[75] Variante 46.
[76] Variante 47.
[77] Variante 48.
[78] Vieux mot: à me sentir de la douleur.
[79] Variante 49.
[80] Variante 50.
[81] Variante 51.
[82] Variante 52.
[83] Variante 53.
[84] Variante 54.
[85] Variante 55.
[86] Variante 56.
[87] Variante 57.
[88] Variante 58.
[89] Variante 59.
[90] Trait emprunté textuellement par Beaumarchais à une petite comédie d'à-propos de Brécourt, l'Ombre de Molière (1674).
[91] Variante 60.
[92] Variante 61.
[93] Variante 62.
[94] Variante 63.
[95] Variante 64.
[96] Variante 65.
[97] Variante 66.
[98] Variante 67.
[99] Variante 68.
[100] Variante 69.
[101] Variante 70.
[102] Variante 71.
[103] Variante 72.
[104] Variante 73.
[105] Variante 74.
[106] Variante 75.
[107] Variante 76.
[108] Variante 77.
[109] Variante 78.
[110] Variante 79.
[111] Variante 80.
[112] Variante 81.
[113] Variante 82.
[114] Variante 83.
[115] Variante 84.
[116] Variante 85.
[117] Variante 86.
[118] Variante 87.
[119] Variante 88.
[120] Cette Ariette, dans le goût Espagnol, fut chantée le premier jour à Paris, malgré les huées, les rumeurs et le train usités au Parterre en ces jours de crise et de combat. La timidité de l'Actrice l'a depuis empêchée d'oser la redire, et les jeunes Rigoristes du Théâtre l'ont fort louée de cette réticence. Mais si la dignité de la Comédie Française y a gagné quelque chose, il faut convenir que le Barbier de Séville y a beaucoup perdu. C'est pourquoi, sur les Théâtres où quelque peu de Musique ne tirera pas autant à conséquence, nous invitons tous Directeurs à la restituer, tous Acteurs à la chanter, tous Spectateurs à l'écouter, et tous Critiques à nous la pardonner, en faveur du genre de la Pièce et du plaisir que leur fera le morceau. (Note de Beaumarchais.)
[121] Encore un vieux mot: se déranger souvent à propos de rien, perdre son temps en «flâneries» inutiles.
[122] Variante 89.
[123] Variante 90.
[124] Variante 91.
[125] Variante 92.
[126] Variante 93.
[127] Variante 94.
[128] Variante 95.
[129] Variante 96.
[130] Variante 97.
[131] Variante 98.
[132] Variante 99.
[133] Variante 100.
[134] Variante 101.
[135] Variante 102.
[136] Variante 103.
[137] Variante 104.
[138] Variante 105.
[139] Variante 106.
[140] Variante 107.
[141] Variante 108.
[142] Variante 109.
[143] Variante 110.
[144] Variante 111.
[145] Variante 112.
[146] Variante 113.
[147] Variante 114.
[148] Variante 115.
[149] Variante 116.
[150] Variante 117.
[151] Variante 118.
[152] Variante 119.
[153] Variante 120.
[154] Variante 121.
[155] Rôle du dragon dans le Déserteur de Sedaine et Monsigny, joué pour la première fois à la Comédie-Italienne le 6 mars 1769.
[156] Sans doute pour «irréfutable».
[157] Sauvage du Canada.
[158] Jambe grosse et enflée.
[159] Bartholo coupe le signalement à l'endroit qu'il lui plaît. (Note de Beaumarchais.)
[160] A cette tourière Beaumarchais substitua en variante sur le manuscrit (provenant de Londres) «un vieux avare», et le couplet commençait alors ainsi:
|
Cet avare, chargé d'or, Vêtu d'un habit de bure, Tient la clef de son trésor... |
L'autre manuscrit, celui de la Comédie, donne encore une autre variante:
AIR: Robin Turelure.
|
Pour irriter nos désirs, Bartholina sous la bure Tient la clef de nos plaisirs. |
D'ailleurs, tout le passage relatif à sœur Vénus est raturé sur le manuscrit, mais assez légèrement cependant pour être très-facilement lu.
[161] Bouilloire à large ventre, avec un bec pour diriger le liquide et une anse pour saisir le vase.
[162] Voyez, sur cette librairie, la lettre suivante.
[163] Le principal employé de la maison Dulau m'en fit voir la mention sur le Catalogue de cette année-là. Le prix en était marqué 300 francs. C'était bien modeste, pour ne pas dire bien modique: il ne vint cependant pas un seul amateur. Pour les Anglais, en dehors de nos grands classiques, notre littérature n'existe guère, comme la leur au reste n'existe pas pour nous, en dehors de Shakespeare, Milton, Byron, Scott et quelques autres. Beaumarchais, en 1828, était presque un inconnu pour eux. L'est-il beaucoup moins aujourd'hui? En tout cas, ce ne sont pas ses pièces qui l'auront popularisé à Londres. On sait que, pour ne pas froisser la gentry, le Mariage de Figaro, cette satire de toutes les noblesses en décadence, est défendue encore aujourd'hui sur les mêmes théâtres où l'on joue la Grande Duchesse d'Offenbach!
[164] C'était un billet de banque de 500 francs[A]. La maison Dulau, qui n'avait pas trouvé marchand à 300 francs, en 1826, avait cru faire une affaire excellente par cette plus-value de 200 francs en 1863.
[165] Ils n'y arrivèrent que six semaines après, à cause du retard que la personne qui s'était chargée de les rapporter dut subir pour son retour de Londres à Paris. Édouard Thierry se hâta de m'en faire part. Voici son billet:
«Mon cher ami,
«Nous avons les manuscrits de Beaumarchais entre les mains. Quand vous voudrez les venir voir, ou pour mieux dire les revoir, je mettrai mon cabinet à votre disposition.
«Tout à vous.
«Édouard Thierry.
«16 novembre 1863.»
[A] Le prix précis de l'achat a été de 509 fr. 10 c. J'ai relevé, moi-même, ce chiffre porté, à la date du 26 septembre 1863, sur le registre des dépenses journalières de la Comédie-Française, qui m'a été obligeamment communiqué par l'aimable secrétaire du théâtre, M. Verteuil.
GEORGES D'HEYLLI.
[166] Il s'était fait, dit Chateaubriand, «libraire du clergé français émigré.» (Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 273.)—Il publia, en 1799, une des premières éditions du Génie du Christianisme.
[167] Le fait fut raconté, non sans dépit, par le principal employé de la librairie Dulau, à la personne chargée de rapporter les manuscrits, et qui à son tour le raconta à Édouard Thierry, de qui je le tiens.
[168] J'aurais pu songer à la famille même de Beaumarchais, mais la seule personne que j'y connusse, M. Lemolte Chalary, conseiller à la Cour royale d'Orléans, fils d'une des sœurs de Beaumarchais, était alors en voyage comme tout bon magistrat qui prend ses vacances, et je ne savais où l'atteindre. Quand je le vis à son retour, il en fut très-fâché, moins encore pourtant que M. Delarue, petit-fils de Beaumarchais, qui vint me voir après ma lettre au Temps. Il doutait d'abord de la réalité de la découverte, mais lorsque je l'en eus convaincu, il eut le plus vif regret de n'en pas avoir été instruit le premier à cause des révélations parfois compromettantes que pouvait contenir la partie politique des manuscrits.
[169] Ce furent ses propres expressions.
[170] On sait de quelle faveur il jouissait près de ce ministre, qui le remit à flot. Je lis dans les Nouvelles de la cour, conservées aux archives du château d'Harcourt, sous la date du 13 septembre 1776: «Les affaires du sieur Caron de Beaumarchais commencèrent à se trouver en meilleur état, grâce au goût qu'a pris pour lui M. de Maurepas, que ses saillies amusent beaucoup.»
[171] Au mois de janvier 1776.—C'est cette négociation, où le plus beau rôle ne fut pas pour Beaumarchais, et que l'on connaît déjà par les publications de M. Frédéric Gaillardet, qui tenait surtout au cœur de M. Delarue quand il vint me parler des manuscrits de son grand-père. Elle est ici plus complète que partout et ne tient pas moins d'un volume.
[172] Voyez l'appendice IV.
[173] Nous avons donné cette pièce dans notre notice sur le Barbier.
[174] La Comédie-Française était alors au faubourg Saint-Germain, rue de l'Ancienne-Comédie.
[175] Pièce de vers badine et médiocre dont je donne seulement la première et la dernière strophe.
[176] Avec un curieux post-scriptum resté inédit.
[177] Cette lettre fait partie de la correspondance publiée par Gudin, lettre XXXIX, 7º vol. des Œuvres complètes.
[178] Cette lettre ne figure pas dans l'édition de 1809.
[179] M. de Loménie, qui a sans doute de bonnes raisons pour le faire, ayant eu entre les mains tous les papiers de Beaumarchais possédés par sa famille, attribue positivement cette farce à Beaumarchais lui-même, et il la déclare excellente et parfaite en son genre.
[180] Beaumarchais, si fin et si expérimenté en matière de ruses et de supercheries, se laissa pourtant prendre, comme tant d'autres, à l'imposture de la chevalière d'Éon, qui était bien en réalité un chevalier, ainsi que le prouva son autopsie, faite en Angleterre, où d'Éon résidait, le jour même de sa mort, 21 mai 1810, par le docteur Copeland, en présence de plusieurs témoins, et entre autres du Père Élysée, premier chirurgien de Louis XVIII. «D'Éon, dit le rapport, avait été un homme parfaitement conformé.»
[181] Drame représenté pour la première fois au Théâtre-Français le 26 avril 1865.
[182] Nous savons de plus, par des renseignements pris sur place et aux meilleures sources, que M. de Girardin n'a «jamais» mis les pieds aux archives de la Comédie-Française. D'ailleurs sa franchise bien connue et la tournure indépendante de son esprit défendent toute supposition d'imitation ou de plagiat dissimulé.
[183] Le Supplice d'une femme, drame en 3 actes avec une préface. 1 volume in-8º, paru depuis en in-18, Paris, Michel Lévy, 1865.
[184] Le Supplice d'une femme, drame en 3 actes, reçu par le comité du Théâtre-Français le 14 décembre 1864 (tiré à 100 exemplaires).
Lire aussi, pour être tout à fait au courant de la discussion très-vive qui s'éleva entre M. de Girardin et son collaborateur au sujet des remaniements que ce dernier fit subir au Supplice d'une femme, la curieuse brochure de M. A. Dumas fils: Histoire du Supplice d'une femme (réponse à la préface de M. de Girardin). 1 vol. in-8º, Paris, Michel Lévy, 1865.
[185] Cette première version a elle-même beaucoup de variantes; les archives du Théâtre-Français conservent plusieurs textes différents, retouchés et modifiés par M. de Girardin lui-même avant la bienheureuse intervention de M. Dumas fils.
[186] Il est bien entendu que l'analogie que je signale est surtout et beaucoup plus frappante avec le Supplice d'une femme avant les réductions et amputations que lui fit subir l'auteur de Diane de Lys.
[187] Lisez dans la pièce primitive de M. de Girardin la longue et étrange scène d'explication qui a lieu entre les deux amants, rapprochez-la de la scène analogue dans l'Ami de la maison, puis comparez.
[188] Je parle toujours, et ici surtout, du drame même tel qu'il a été conçu et d'abord exécuté par M. de Girardin.
[189] Et je le répète, le lecteur d'ailleurs le verra bien aussi avec l'analyse que je lui donne de l'Ami de la maison, ce drame, sans un remaniement obligé ne serait certainement pas joué, malgré le renom éclatant de son auteur vrai ou supposé, jusqu'à la fin de son troisième acte.
[190] Le dialogue que nous donnons ici n'est pas la reproduction textuelle mais seulement le résumé du dialogue même du drame original.
[191] Quelques-uns de mes lecteurs trouveront peut-être cette scène chargée de longueurs, mais peut-être en a-t-elle la permission. Lecteur, ne t'indipose pas contre moi; je n'ai ni orgueil ni fausse modestie. Écoute-moi aussi, lecteur, et apprenons ensemble à n'être dupes ni des choses ni des mots qui les masquent.
Il faut bien que je ne me croie pas un imbécile, puisque j'écris; il faut bien que je sente en moi du sens, du jugement, de l'esprit même, puisque je mets ces facultés aux prises avec un sujet qui les exige. Il faut bien que je m'avoue quelque mérite, puisque je me compare... Ah! je sens, et je suis heureux de sentir avec qui je puis me comparer! Je distingue mes maîtres et me prosterne, de loin, devant ces grands hommes. Mais pour avoir ou n'avoir que le mérite de cette foule de dramatistes dont les noms ne se lisent, et encore que très-passagèrement, sur les affiches de nos spectacles, que serais-je, quand encore j'aurais appris à m'élever au-dessus de leur glaciale monotonie, de leurs beautés compassées, brillantées, de leur faire conventionnel ou calqué, de leur éclat clinquanté? La fortune de ces gens est celle de ces emprunteurs qui vivent sur les moyens de toutes leurs connaissances. Pour moi, paysan carrier, retiré dans ma chétive demeure, je vis sur mon mince fonds, défriché de mes mains. Comment ne sentirais-je pas ma médiocrité à côté de ces riches terres anoblies par de splendides châteaux qu'occupent l'opulence ou notre antique noblesse? Ami lecteur, adieu; de longtemps je ne te parlerai de moi.
(Note textuelle de l'auteur.)
[192] Je serais peu surpris, si jamais ce drame est représenté, qu'il se trouvât quelque plaisant qui, après ce mot, ajouterait: «que je vous souhaite, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ainsi-soit-il.» (Note de l'auteur.)
[193] A la mort du père Caron, et quand il s'agit de procéder à son enterrement, l'Église lui refusa ses prières, ainsi que le constate son acte de décès, produit à l'époque du mariage de sa fille, en 1720, et où il est dit que «décédé sans avoir reconnu l'Église catholique, apostolique et romaine, cela a été cause que la sépulture ecclésiastique lui a été refusée.»
[194] Beaumarchais n'était donc que «le quatrième fils». Et cependant je lis dans la biographie du docteur Hœfer: «Beaumarchais, seul garçon dans une famille qui comptait cinq filles.» Ce qui est une deuxième inexactitude, puisque le père Caron eut six filles.
[195] Le Clavijo, de Gœthe, fut imprimé pour la première fois en 1774. On trouve parmi les personnages alors vivants qu'il met en scène, et outre Clavijo, la sœur de Beaumarchais Marie, son autre sœur, mariée à l'architecte Guilbert, et qui dans la pièce est prénommée Sophie, Guilbert, son mari, et enfin Beaumarchais lui-même. Le caractère de l'auteur de Figaro y est, comme chacun sait, très-exactement et très-curieusement présenté et dépeint.
[196] La maison de son père était alors située rue Saint-Denis, presque en face la rue de la Feronnerie, et dans le voisinage de celle où naquit, dit-on, Molière.
[197] «Personne d'ailleurs, ajoute-t-il quelques lignes plus bas, très-fine, très-hardie et assez spirituelle, à en juger par ses lettres.» Beaumarchais et son temps, tome Ier, pages 33 et 34.
[198] M. de Loménie dit, «d'après une note de Beaumarchais», qu'elle avait seulement six ans de plus que lui. De son côté, le consciencieux M. Jal cite l'extrait même du mariage, qu'il a eu sous les yeux: «Madeleine-Catherine Aubertin, âgée de 34 ans, veuve de Pierre-Augustin Franquet.»
[199] C'est à la suite de ce mariage, en 1757, qu'il prit pour la première fois le nom de Beaumarchais, qui était celui d'un «très-petit fief» appartenant à sa femme.
[200] Le certificat du chirurgien Lasalle, appelé à constater le décès, et daté du jour même (29 floréal an VII), déclare «que le citoyen Beaumarchais est mort d'une apoplexie sanguine et non autre maladie». Voyez à ce sujet les ingénieuses et véridiques raisons fournies par M. de Loménie contre la supposition du suicide, Beaumarchais et son temps, tome II, pages 526 et suivantes.
[201] Œuvres complètes de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, écuyer, conseiller-secrétaire du roi, lieutenant général des chasses, bailliage et capitainerie de la Varenne du Louvre, grande vénerie et fauconnerie de France...., etc. 1809, Paris, chez Léopold Colin, rue Gît-le-Cœur. 7 vol. in-8º. Les deux derniers volumes donnent une cinquantaine de lettres de Beaumarchais. Le 7e volume est terminé par la liste des souscripteurs; on lit en tête de cette liste: S. M. l'Empereur et Roi, un pap. vél., fig.; S. M. la reine d'Espagne, dº; S. M. le roi de Westphalie (Jérôme Bonaparte), 2 pap. vélin, fig.; 3 pap. fin, fig.; puis chacun pour un exemplaire: le roi de Wurtemberg; le prince Eugène Napoléon; la princesse Élisa, grande duchesse de Toscane; le prince Cambacérès..., etc.
[202] Lettre XLVII, tome VII de l'édition précitée.
[203] Archives du département de la guerre.
[204] Archives et personnel des finances.
[205] Bulletin des Lois.
[206] Ministère de l'intérieur (archives) et secrétariat du Corps législatif.