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Le chevalier de Maison-Rouge

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XLVI

Le jugement

Le vingt-troisième jour du mois de l'an II de la République française une et indivisible, correspondant au 14 octobre 1793, vieux style, comme on disait alors, une foule curieuse envahissait dès le matin les tribunes de la salle où se tenaient les séances révolutionnaires.

Les couloirs du palais, les avenues de la Conciergerie débordaient de spectateurs avides et impatients, qui se transmettaient les uns aux autres les bruits et les passions, comme les flots se transmettent leurs mugissements et leur écume.

Malgré la curiosité avec laquelle chaque spectateur s'agitait, et peut-être même à cause de cette curiosité, chaque flot de cette mer, agité, pressé entre deux barrières, la barrière extérieure qui le poussait, la barrière intérieure qui le repoussait, gardait dans ce flux et ce reflux la même place à peu près qu'il avait prise. Mais aussi les mieux placés avaient compris qu'il fallait qu'ils se fissent pardonner leur bonheur; et ils tendaient à ce but en racontant à leurs voisins, moins bien placés qu'eux, lesquels transmettaient aux autres les paroles primitives, ce qu'ils voyaient et ce qu'ils entendaient.

Mais, près de la porte du tribunal, un groupe d'hommes entassés se disputaient rudement dix lignes d'espace en largeur ou en hauteur; car dix lignes en largeur, c'était assez pour voir entre deux épaules un coin de la salle et la figure des juges; car dix lignes en hauteur, c'était assez pour voir par-dessus une tête toute la salle et la figure de l'accusée.

Malheureusement, ce passage d'un couloir à la salle, ce défilé si étroit, un homme l'occupait presque entièrement avec ses larges épaules et ses bras disposés en arcs-boutants, qui étayaient toute la foule vacillante et prête à crouler dans la salle, si le rempart de chair était venu à lui manquer.

Cet homme inébranlable au seuil du tribunal était jeune et beau, et, à chaque secousse plus vive que lui imprimait la foule, il secouait comme une crinière son épaisse chevelure, sous laquelle brillait un regard sombre et résolu. Puis, lorsque, du regard et du mouvement, il avait repoussé la foule, dont il arrêtait, môle vivant, les opiniâtres attaques, il retombait dans son attentive immobilité.

Cent fois la masse compacte avait essayé de le renverser, car il était de haute taille, et derrière lui toute perspective devenait impossible; mais, comme nous l'avons dit, un rocher n'eût pas été plus inébranlable que lui.

Cependant, de l'autre extrémité de cette mer humaine, au milieu de la foule pressée, un autre homme s'était frayé un passage avec une persévérance qui tenait de la férocité; rien ne l'avait arrêté dans son infatigable progression, ni les coups de ceux qu'il laissait derrière lui, ni les imprécations de ceux qu'il étouffait en passant, ni les plaintes des femmes, car il y avait beaucoup de femmes dans cette foule.

Aux coups il répondait par des coups, aux imprécations par un regard devant lequel reculaient les plus braves, aux plaintes par une impassibilité qui ressemblait à du dédain.

Enfin, il arriva derrière le vigoureux jeune homme qui fermait, pour ainsi dire, l'entrée de la salle. Et au milieu de l'attente générale, car chacun voulait voir comment la chose se passerait entre ces deux rudes antagonistes; et au milieu, disons-nous, de l'attente générale, il essaya de sa méthode, qui consistait à introduire entre deux spectateurs ses coudes comme des coins et à fendre avec son corps les corps les plus soudés les uns aux autres.

C'était pourtant, celui-là, un jeune homme de petite taille, dont le visage pâle et les membres grêles annonçaient une constitution aussi chétive que ses yeux ardents renfermaient de volonté.

Mais à peine son coude eut-il effleuré les flancs du jeune homme placé devant lui, que celui-ci, étonné de l'agression, se retourna vivement et du même mouvement leva un poing qui menaçait, en s'abaissant, d'écraser le téméraire.

Les deux antagonistes se trouvèrent alors face à face, et un petit cri leur échappa en même temps.

Ils venaient de se reconnaître.

—Ah! citoyen Maurice, dit le frêle jeune homme avec un accent d'inexprimable douleur, laissez-moi passer: laissez-moi voir; je vous en supplie! vous me tuerez après!

Maurice, car c'était effectivement lui, se sentit pénétré d'attendrissement et d'admiration pour cet éternel dévouement, pour cette indestructible volonté.

—Vous! murmura-t-il; vous ici, imprudent!

—Oui, moi ici! mais je suis épuisé.... Oh! mon Dieu! elle parle! laissez-moi la voir! laissez-moi l'écouter!

Maurice s'effaça, et le jeune homme passa devant lui. Alors, comme Maurice était à la tête de la foule, rien ne gêna plus la vue de celui qui avait souffert tant de coups et de rebuffades pour arriver là.

Toute cette scène et les murmures qu'elle occasionna éveillèrent la curiosité des juges.

L'accusée aussi regarda de ce côté; alors, au premier rang, elle aperçut et reconnut le chevalier.

Quelque chose comme un frisson agita un moment la reine assise dans le fauteuil de fer.

L'interrogatoire, dirigé par le président Harmand, interprété par Fouquier-Tinville, et, discuté par Chauveau-Lagarde, défenseur de la reine, dura tant que le permirent les forces des juges et de l'accusée.

Pendant tout ce temps, Maurice resta immobile à sa place, tandis que plusieurs fois déjà les spectateurs s'étaient renouvelés dans la salle et dans les corridors.

Le chevalier avait trouvé un appui contre une colonne, et il était là non moins pâle que le stuc contre lequel il se tenait adossé.

Au jour avait succédé la nuit opaque: quelques bougies allumées sur les tables des jurés, quelques lampes qui fumaient aux parois de la salle, éclairaient d'un sinistre et rouge reflet le noble visage de cette femme, qui avait paru si belle aux splendides lumières des fêtes de Versailles.

Elle était là seule, répondant quelques brèves et dédaigneuses paroles aux interrogatoires du président, et se penchant parfois à l'oreille de son défenseur pour lui parler bas.

Son front blanc et poli n'avait rien perdu de sa fierté ordinaire; elle portait la robe à raies noires que, depuis la mort du roi, elle n'avait pas voulu quitter.

Les juges se levèrent pour aller aux opinions; la séance était finie.

—Me suis-je donc montrée trop dédaigneuse, monsieur? demanda-t-elle à Chauveau-Lagarde.

—Ah! madame, répondit celui-ci, vous serez toujours bien quand vous serez vous-même.

—Vois donc comme elle est fière! s'écria une femme dans l'auditoire, comme si une voix répondait à la question que la malheureuse reine venait de faire à son avocat.

La reine tourna la tête vers cette femme.

—Eh bien, oui, répéta la femme, je dis que tu es fière, Antoinette, et que c'est ta fierté qui t'a perdue. La reine rougit.

Le chevalier se tourna vers la femme qui avait prononcé ces paroles, et répliqua doucement:

—Elle était reine. Maurice lui saisit le poignet.

—Allons, lui dit-il tout bas, ayez le courage de ne pas vous perdre.

—Oh! monsieur Maurice, répliqua le chevalier, vous êtes un homme, et vous savez que vous parlez à un homme. Oh! dites-moi, est-ce que vous croyez qu'ils puissent la condamner?

—Je ne le crois pas, dit Maurice, j'en suis sûr.

—Oh! une femme! s'écria Maison-Rouge avec un sanglot.

—Non, une reine, répliqua Maurice. C'est vous-même qui venez de le lire.

Le chevalier saisit à son tour le poignet de Maurice, et, avec une force dont on aurait pu le croire incapable, il l'obligea à se pencher vers lui.

Il était trois heures et demie du matin, de grands vides se laissaient voir parmi les spectateurs. Quelques lumières s'éteignaient çà et là, jetant des parties de la salle dans l'obscurité.

Une des parties les plus obscures était celle où se trouvaient le chevalier et Maurice, écoutant ce qu'il allait lui dire.

—Pourquoi donc êtes-vous ici, et qu'y venez-vous faire, demanda le chevalier, vous, monsieur, qui n'avez pas un cœur de tigre?

—Hélas! dit Maurice, j'y suis pour savoir ce qu'est devenue une malheureuse femme.

—Oui, oui, dit Maison-Rouge, celle que son mari a poussée dans le cachot de la reine, n'est-ce pas? celle qui a été arrêtée sous mes yeux?

—Geneviève?

—Oui, Geneviève.

—Ainsi, Geneviève est prisonnière, sacrifiée par son mari, tuée par Dixmer?... Oh! je comprends tout, je comprends tout, maintenant. Chevalier, racontez-moi ce qui s'est passé, dites-moi où elle est, dites-moi où je puis la retrouver. Chevalier... cette femme, c'est ma vie, entendez-vous?

—Eh bien, je l'ai vue; j'étais là quand elle a été arrêtée. Moi aussi, je venais pour faire évader la reine! mais nos deux projets, que nous n'avions pu nous communiquer, se sont nuit au lieu de se servir.

—Et vous ne l'avez pas sauvée, au moins, elle, votre sœur, Geneviève?

—Le pouvais-je? Une grille de fer me séparait d'elle. Ah! si vous aviez été là, si vous aviez pu réunir vos forces aux miennes, le barreau maudit eût cédé, et nous les eussions sauvées toutes deux.

—Geneviève! Geneviève! murmura Maurice.

Puis regardant Maison-Rouge avec une indéfinissable expression de rage:

—Et Dixmer, qu'est-il devenu? demanda-t-il.

—Je ne sais. Il s'est sauvé de son côté, et moi du mien.

—Oh! dit Maurice les dents serrées, si je le rejoins jamais...

—Oui, je comprends. Mais rien n'est désespéré encore pour Geneviève, dit Maison-Rouge, tandis qu'ici, tandis que pour la reine.... Oh! tenez, Maurice, vous êtes un homme de cœur, un homme puissant; vous avez des amis.... Oh! je vous en prie, comme on prie Dieu.... Maurice, aidez-moi à sauver la reine.

—Y pensez-vous?

—Maurice, Geneviève vous en supplie par ma voix.

—Oh! ne prononcez pas ce nom, monsieur. Qui sait si, comme Dixmer, vous n'avez pas sacrifié la pauvre femme?

—Monsieur, répondit le chevalier avec fierté, je sais, quand je m'attache à une cause, ne sacrifier que moi seul.

En ce moment, la porte des délibérations se rouvrit; Maurice allait répondre.

—Silence, monsieur! dit le chevalier; silence! voici les juges qui rentrent.

Et Maurice sentit trembler la main que Maison-Rouge, pâle et chancelant, venait de poser sur son bras.

—Oh! murmura le chevalier; oh! le cœur me manque.

—Du courage, et contenez-vous, ou vous êtes perdu! dit Maurice. Le tribunal rentrait, en effet, et la nouvelle de sa rentrée se répandit dans les corridors et les galeries.

La foule se rua de nouveau dans la salle, et les lumières parurent se ranimer d'elles-mêmes pour ce moment décisif et solennel.

On venait de ramener la reine; elle se tenait droite, immobile, hautaine, les yeux fixes et les lèvres serrées.

On lui lut l'arrêt qui la condamnait à la peine de mort.

Elle écouta, sans pâlir, sans sourciller, sans qu'un muscle de son visage indiquât l'apparence de l'émotion.

Puis elle se retourna vers le chevalier, lui adressa un long et éloquent regard, comme pour remercier cet homme qu'elle n'avait jamais vu que comme la statue vivante du dévouement; et, s'appuyant sur le bras de l'officier de gendarmerie qui commandait la force armée, elle sortit calme et digne du tribunal.

Maurice poussa un long soupir.

—Dieu merci! dit-il, rien dans sa déclaration n'a compromis Geneviève, et il y a encore de l'espoir.

—Dieu merci! murmura de son côté le chevalier de Maison-Rouge, tout est fini et la lutte est terminée. Je n'avais pas la force d'aller plus loin.

—Du courage, monsieur! dit tout bas Maurice.

—J'en aurai, monsieur, répondit le chevalier. Et tous deux, après s'être serré la main, s'éloignèrent par deux issues différentes. La reine fut reconduite à la Conciergerie: quatre heures sonnaient à la grande horloge comme elle y rentrait.

Au débouché du Pont-Neuf, Maurice fut arrêté par les deux bras de Lorin.

—Halte-là, dit-il, on ne passe pas!

—Pourquoi cela?

—Où vas-tu, d'abord?

—Je vais chez moi. Justement, je puis rentrer maintenant, je sais ce qu'elle est devenue.

—Tant mieux; mais tu ne rentreras pas.

—La raison?

—La raison, la voici: il y a deux heures, les gendarmes sont venus pour t'arrêter.

—Ah! s'écria Maurice. Eh bien, raison de plus.

—Es-tu fou? et Geneviève?

—C'est vrai. Et où allons-nous?

—Chez moi, pardieu!

—Mais je te perds.

—Raison de plus; allons, arrive. Et il l'entraîna.


XLVII

Prêtre et bourreau

En sortant du tribunal, la reine avait été ramenée à la Conciergerie.

Arrivée dans sa chambre, elle avait pris des ciseaux, avait coupé ses longs et beaux cheveux, devenus plus beaux de l'absence de la poudre, abolie depuis un an; elle les avait enfermés dans un papier; puis elle avait écrit sur le papier: À partager entre mon fils et ma fille.

Alors elle s'était assise, ou plutôt elle était tombée sur une chaise, et, brisée de fatigue,—l'interrogatoire avait duré dix-huit heures,—elle s'était endormie.

À sept heures, le bruit du paravent que l'on dérangeait la réveilla en sursaut; elle se retourna et vit un homme qui lui était complètement inconnu.

—Que me veut-on? demanda-t-elle.

L'homme s'approcha d'elle, et, la saluant aussi poliment que si elle n'eût pas été reine:

—Je m'appelle Sanson, dit-il.

La reine frissonna légèrement et se leva. Ce nom seul en disait plus qu'un long discours.

—Vous venez de bien bonne heure, monsieur, dit-elle; ne pourriez-vous pas retarder un peu?

—Non, madame, répliqua Sanson; j'ai ordre de venir. Ces paroles dites, il fit encore un pas vers la reine. Tout dans cet homme, et dans ce moment, était expressif et terrible.

—Ah! je comprends, dit la prisonnière, vous voulez me couper les cheveux?

—C'est nécessaire, madame, répondit l'exécuteur.

—Je le savais, monsieur, dit la reine, et j'ai voulu vous épargner cette peine. Mes cheveux sont là, sur cette table. Sanson suivit la direction de la main de la reine.

—Seulement, continua-t-elle, je voudrais qu'ils fussent remis ce soir à mes enfants.

—Madame, dit Sanson, ce soin ne me regarde pas.

—Cependant, j'avais cru...

—Je n'ai à moi, reprit l'exécuteur, que la dépouille des... personnes... leurs habits, leurs bijoux, et encore lorsqu'elles me les donnent formellement; autrement tout cela va à la Salpêtrière, et appartient aux pauvres des hôpitaux; un arrêté du comité de Salut public a réglé les choses ainsi.

—Mais enfin, monsieur, demanda en insistant Marie-Antoinette, puis-je compter que mes cheveux seront remis à mes enfants?

Sanson resta muet.

—Je me charge de l'essayer, dit Gilbert.

La prisonnière jeta au gendarme un regard d'ineffable reconnaissance.

—Maintenant, dit Sanson, je venais pour vous couper les cheveux; mais, puisque cette besogne est faite, je puis, si vous le désirez, vous laisser un instant seule.

—Je vous en prie, monsieur, dit la reine; car j'ai besoin de me recueillir et de prier. Sanson s'inclina et sortit.

Alors la reine se trouva seule, car Gilbert n'avait fait que passer la tête pour prononcer les paroles que nous avons dites.

Tandis que la condamnée s'agenouillait sur une chaise plus basse que les autres, et qui lui servait de prie-Dieu, une scène non moins terrible que celle que nous venons de raconter se passait dans le presbytère de la petite église Saint-Landry, dans la Cité.

Le curé de cette paroisse venait de se lever; sa vieille gouvernante dressait son modeste déjeuner, quand tout à coup on heurta violemment à la porte du presbytère.

Même chez un prêtre de nos jours, une visite imprévue annonce toujours un événement: il s'agit d'un baptême, d'un mariage in extremis ou d'une confession suprême; mais, à cette époque, la visite d'un étranger pouvait annoncer quelque chose de plus grave encore. À cette époque, en effet, le prêtre n'était plus le mandataire de Dieu, et il devait rendre ses comptes aux hommes.

Cependant l'abbé Girard était du nombre de ceux qui devaient le moins craindre, car il avait prêté serment à la Constitution: en lui la conscience et la probité avaient parlé plus haut que l'amour-propre et l'esprit religieux. Sans doute, l'abbé Girard admettait la possibilité d'un progrès dans le gouvernement et regrettait tant d'abus commis au nom du pouvoir divin; il avait, tout en gardant son Dieu, accepté la fraternité du régime républicain.

—Allez voir, dame Jacinthe, dit-il; allez voir qui vient heurter à notre porte de si bon matin; et, si par hasard, ce n'est point un service pressé qu'on vient me demander, dites que j'ai été mandé ce matin à la Conciergerie, et que je suis forcé de m'y rendre dans un instant.

Dame Jacinthe s'appelait autrefois dame Madeleine; mais elle avait accepté un nom de fleur en échange de son nom, comme l'abbé Girard avait accepté le titre de citoyen en place de celui de curé.

Sur l'invitation de son maître, dame Jacinthe se hâta de descendre par les degrés du petit jardin sur lequel ouvrait la porte d'entrée: elle tira les verrous, et un jeune homme fort pâle, fort agité, mais d'une douce et honnête physionomie, se présenta.

—M. l'abbé Girard? dit-il. Jacinthe examina les habits en désordre, la barbe longue et le tremblement nerveux du nouveau venu: tout cela lui sembla de mauvais augure.

—Citoyen, dit-elle, il n'y a point ici de monsieur ni d'abbé.

—Pardon, madame, reprit le jeune homme, je veux dire le desservant de Saint-Landry.

Jacinthe, malgré son patriotisme, fut frappée de ce mot madame, qu'on n'eût point adressé à une impératrice; cependant elle répondit:

—On ne peut le voir, citoyen; il dit son bréviaire.

—En ce cas, j'attendrai, répliqua le jeune homme.

—Mais, reprit dame Jacinthe, à qui cette persistance redonnait les mauvaises idées qu'elle avait ressenties tout d'abord, vous attendrez inutilement, citoyen; car il est appelé à la Conciergerie et va partir à l'instant même.

Le jeune homme pâlit affreusement, ou plutôt, de pâle qu'il était, devint livide.

—C'est donc vrai! murmura-t-il. Puis, tout haut:

—Voilà justement, madame, dit-il, le sujet qui m'amène près du citoyen Girard.

Et, tout en parlant, il était entré, avait doucement, il est vrai, mais avec fermeté, poussé les verrous de la porte, et, malgré les instances et même les menaces de dame Jacinthe, il était entré dans la maison et avait pénétré jusqu'à la chambre de l'abbé.

Celui-ci, en l'apercevant, poussa une exclamation de surprise.

—Pardon, monsieur le curé, dit aussitôt le jeune homme, j'ai à vous entretenir d'une chose très grave; permettez que nous soyons seuls.

Le vieux prêtre savait par expérience comment s'expriment les grandes douleurs. Il lut une passion tout entière sur la figure bouleversée du jeune homme, une émotion suprême dans sa voix fiévreuse.

—Laissez-nous, dame Jacinthe, dit-il. Le jeune homme suivit des yeux avec impatience la gouvernante, qui, habituée à participer aux secrets de son maître, hésitait à se retirer; puis, lorsque, enfin, elle eut refermé la porte:

—Monsieur le curé, dit l'inconnu, vous allez me demander tout d'abord qui je suis. Je vais vous le dire; je suis un homme proscrit; je suis un homme condamné à mort, qui ne vit qu'à force d'audace; je suis le chevalier de Maison-Rouge.

L'abbé fit un soubresaut d'effroi sur son grand fauteuil.

—Oh! ne craignez rien, reprit le chevalier; nul ne m'a vu entrer ici, et ceux mêmes qui m'auraient vu ne me reconnaîtraient pas; j'ai beaucoup changé depuis deux mois.

—Mais, enfin, que voulez-vous, citoyen? demanda le curé.

—Vous allez ce matin à la Conciergerie, n'est-ce pas?

—Oui, j'y suis mandé par le concierge.

—Savez-vous pourquoi?

—Pour quelque malade, pour quelque moribond, pour quelque condamné, peut-être.

—Vous l'avez dit: oui, une personne condamnée vous attend. Le vieux prêtre regarda le chevalier avec étonnement.

—Mais savez-vous quelle est cette personne? reprit Maison-Rouge.

—Non... je ne sais.

—Eh bien, cette personne, c'est la reine! L'abbé poussa un cri de douleur.

—La reine? Oh! mon Dieu!

—Oui, monsieur, la reine! Je me suis informé pour savoir quel était le prêtre qu'on devait lui donner. J'ai appris que c'était vous, et j'accours.

—Que voulez-vous de moi? demanda le prêtre effrayé de l'accent fébrile du chevalier.

—Je veux... je ne veux pas, monsieur. Je viens vous implorer, vous prier, vous supplier.

—De quoi donc?

—De me faire entrer avec vous près de Sa Majesté.

—Oh! mais vous êtes fou! s'écria l'abbé; mais vous me perdez! mais vous vous perdez vous-même!

—Ne craignez rien.

—La pauvre femme est condamnée et c'en est fait d'elle.

—Je le sais; ce n'est pas pour tenter de la sauver que je veux la voir, c'est.... Mais, écoutez-moi, mon père, vous ne m'écoutez pas.

—Je ne vous écoute pas, parce que vous me demandez une chose impossible; je ne vous écoute pas, parce que vous agissez comme un homme en démence, dit le vieillard; je ne vous écoute pas, parce que vous m'épouvantez.

—Mon père, rassurez-vous, dit le jeune homme en essayant de se calmer lui-même; mon père, croyez-moi, j'ai toute ma raison. La reine est perdue, je le sais; mais que je puisse me prosterner à ses genoux, une seconde seulement, et cela me sauvera la vie; si je ne la vois pas, je me tue, et, comme vous serez la cause de mon désespoir, vous aurez tué à la fois le corps et l'âme.

—Mon fils, mon fils, dit le prêtre, vous me demandez le sacrifice de ma vie, songez-y; tout vieux que je suis, mon existence est encore nécessaire à bien des malheureux; tout vieux que je suis, aller moi-même au-devant de la mort, c'est commettre un suicide.

—Ne me refusez pas, mon père, répliqua le chevalier; écoutez, il vous faut un desservant, un acolyte: prenez-moi, emmenez-moi avec vous.

Le prêtre essaya de rappeler sa fermeté qui commençait à fléchir.

—Non, dit-il, non, ce serait manquer à mes devoirs; j'ai juré la Constitution, je l'ai jurée du fond du cœur, en mon âme et conscience. La femme condamnée est une reine coupable; j'accepterais de mourir si ma mort pouvait être utile à mon prochain; mais je ne veux pas manquer à mon devoir.

—Mais, s'écria le chevalier, quand je vous dis, quand je vous répète; quand je vous jure que je ne veux pas sauver la reine; tenez, sur cet Évangile, tenez, sur ce crucifix, je jure que je ne vais pas à la Conciergerie pour l'empêcher de mourir.

—Alors, que voulez-vous donc? demanda le vieillard ému par cet accent de désespoir que l'on n'imite point.

—Écoutez, dit le chevalier, dont l'âme semblait venir chercher un passage sur ses lèvres, elle fut ma bienfaitrice; elle a pour moi quelque attachement! me voir, à sa dernière heure, sera, j'en suis sûr, une consolation pour elle.

—C'est tout ce que vous voulez? demanda le prêtre ébranlé par cet accent irrésistible.

—Absolument tout.

—Vous ne tramez aucun complot pour essayer de délivrer la condamnée?

—Aucun. Je suis chrétien, mon père, et, s'il y a dans mon cœur une ombre de mensonge, si j'espère qu'elle vivra, si j'y travaille en quoi que ce soit, que Dieu me punisse de la damnation éternelle.

—Non! non! je ne puis rien vous promettre, dit le curé, à l'esprit de qui revenaient les dangers si grands et si nombreux d'une semblable imprudence.

—Écoutez, mon père, dit le chevalier avec l'accent d'une profonde douleur, je vous ai parlé en fils soumis, je ne vous ai entretenu que de sentiments chrétiens et charitables; pas une amère parole, pas une menace n'est sortie de ma bouche, et cependant ma tête fermente, cependant la fièvre brûle mon sang, cependant le désespoir me ronge le cœur, cependant je suis armé; voyez, j'ai un poignard.

Et le jeune homme tira de sa poitrine une lame brillante et fine qui jeta un reflet livide sur sa main tremblante. Le curé s'éloigna vivement.

—Ne craignez rien, dit le chevalier avec un triste sourire; d'autres, vous sachant si fidèle observateur de votre parole, eussent arraché un serment à votre frayeur. Non, je vous ai supplié et je vous supplie encore, les mains jointes, le front sur le carreau: faites que je la voie un seul moment; et tenez, voici pour votre garantie.

Et il tira de sa poche un billet qu'il présenta à l'abbé Girard; celui-ci le déplia et lut ces mots:

«Moi, René, chevalier de Maison-Rouge, déclare, sur Dieu et mon honneur, que j'ai, par menace de mort, contraint le digne curé de Saint-Landry à m'emmener à la Conciergerie malgré ses refus et ses vives répugnances. En foi de quoi, j'ai signé,

«MAISON-ROUGE.»

—C'est bien, dit le prêtre; mais jurez-moi encore que vous ne ferez pas d'imprudence; ce n'est point assez que ma vie soit sauve, je réponds aussi de la vôtre.

—Oh! ne songeons pas à cela, dit le chevalier; vous consentez?

—Il le faut bien, puisque vous le voulez absolument. Vous m'attendrez en bas, et, lorsqu'elle passera dans le greffe, alors, vous la verrez....

Le chevalier saisit la main du vieillard et la baisa avec autant de respect et d'ardeur qu'il eût baisé le crucifix.

—Oh! murmura le chevalier, elle mourra du moins comme une reine, et la main du bourreau ne la touchera point!


XLVIII

La charrette

Aussitôt après qu'il eut obtenu cette permission du curé de Saint-Landry, Maison-Rouge s'élança dans un cabinet entr'ouvert qu'il avait reconnu pour le cabinet de toilette de l'abbé.

Là, en un tour de main, sa barbe et ses moustaches tombèrent sous le rasoir, et ce fut alors seulement que lui-même put voir sa pâleur; elle était effrayante.

Il rentra calme en apparence; il semblait, d'ailleurs, avoir complètement oublié que, malgré la chute de sa barbe et de ses moustaches, il pouvait être reconnu à la Conciergerie.

Il suivit l'abbé, que pendant sa retraite d'un instant deux fonctionnaires étaient venus chercher, et, avec cette audace qui éloigne tout soupçon, avec ce gonflement de la fièvre qui défigure, il entra par la grille donnant à cette époque dans la cour du Palais.

Il était, comme l'abbé Girard, vêtu d'un habit noir, les habits sacerdotaux étant abolis.

Dans le greffe, ils trouvèrent plus de cinquante personnes, soit employés à la prison, soit députés, soit commissaires, se préparant à voir passer la reine, soit en mandataires, soit en curieux.

Son cœur battit si violemment, quand il se trouva en face du guichet, qu'il n'entendit plus les pourparlers de l'abbé avec les gendarmes et le concierge.

Seulement un homme qui tenait à la main des ciseaux et un morceau d'étoffe fraîchement coupé heurta Maison-Rouge sur le seuil.

Maison-Rouge se retourna et reconnut l'exécuteur.

—Que veux-tu, citoyen? demanda Sanson.

Le chevalier essaya de réprimer le frisson qui malgré lui courait dans ses veines.

—Moi? dit-il. Tu le vois bien, citoyen Sanson, j'accompagne le curé de Saint-Landry.

—Ah! bien, répliqua l'exécuteur. Et il se rangea de côté, donnant des ordres à son aide. Pendant ce temps, Maison-Rouge pénétra dans l'intérieur du greffe; puis, du greffe, il passa dans le compartiment où se tenaient les deux gendarmes.

Ces braves gens étaient consternés; aussi digne et fière qu'elle avait été avec les autres, aussi bonne et douce la condamnée avait été avec eux: ils semblaient plutôt ses serviteurs que ses gardiens.

Mais, d'où il était, le chevalier ne pouvait apercevoir la reine: le paravent était fermé. Le paravent s'était ouvert pour donner passage au curé, mais il s'était refermé derrière lui. Lorsque le chevalier entra, la conversation était déjà engagée.

—Monsieur, disait la reine de sa voix stridente et fière, puisque vous avez fait serment à la République, au nom de qui on me met à mort, je ne saurais avoir confiance en vous. Nous n'adorons plus le même Dieu!

—Madame, répondit Girard fort ému de cette dédaigneuse profession de foi, une chrétienne qui va mourir doit mourir sans haine dans le cœur, et elle ne doit pas repousser son Dieu, sous quelque forme qu'il se présente à elle.

Maison-Rouge fit un pas pour entr'ouvrir le paravent, espérant que lorsqu'elle l'apercevrait, que lorsqu'elle saurait la cause qui l'amenait, elle changerait d'avis à l'endroit du curé; mais les deux gendarmes firent un mouvement.

—Mais, dit Maison-Rouge, puisque je suis l'acolyte du curé...

—Puisqu'elle refuse le curé, répondit Duchesne, elle n'a pas besoin de son acolyte.

—Mais elle acceptera peut-être, dit le chevalier en haussant la voix; il est impossible qu'elle n'accepte pas.

Mais Marie-Antoinette était trop entièrement au sentiment qui l'agitait pour entendre et reconnaître la voix du chevalier.

—Allez, monsieur, continua-t-elle s'adressant toujours à Girard, allez et laissez-moi: puisque nous vivons à cette heure en France sous un régime de liberté, je réclame celle de mourir à ma fantaisie.

Girard essaya de résister.

—Laissez-moi, monsieur, dit-elle, je vous dis de me laisser. Girard essaya d'ajouter un mot.

—Je le veux, dit la reine avec un geste de Marie-Thérèse. Girard sortit.

Maison-Rouge essaya de plonger son regard dans l'intervalle du paravent, mais la prisonnière tournait le dos.

L'aide de l'exécuteur croisa le curé; il entrait tenant des cordes à la main.

Les deux gendarmes repoussèrent le chevalier jusqu'à la porte, avant que, ébloui, désespéré, étourdi, il eût pu articuler un cri ou faire un mouvement pour accomplir son dessein.

Il se retrouva donc avec Girard dans le corridor du guichet. Du corridor, on les refoula jusqu'au greffe, où la nouvelle du refus de la reine s'était déjà répandue, et où la fierté autrichienne de Marie-Antoinette était pour quelques-uns le texte de grossières invectives, et pour d'autres un sujet de secrète admiration.

—Allez, dit Richard à l'abbé, retournez chez vous, puisqu'elle vous chasse, et qu'elle meure comme elle voudra.

—Tiens, dit la femme Richard, elle a raison, et je ferais comme elle.

—Et vous auriez tort, citoyenne, dit l'abbé.

—Tais-toi, femme, murmura le concierge en faisant les gros yeux; est-ce que cela te regarde? Allez, l'abbé, allez.

—Non, répéta Girard, non, je l'accompagnerai malgré elle; un mot, ne fût-ce qu'un mot, si elle l'entend, lui rappellera ses devoirs; d'ailleurs, la Commune m'a donné une mission... et je dois obéir à la Commune.

—Soit; mais renvoie ton sacristain, alors, dit brutalement l'adjudant-major commandant la force armée.

C'était un ancien acteur de la Comédie-Française nommé Grammont.

Les yeux du chevalier lancèrent un double éclair, et il plongea machinalement sa main dans sa poitrine.

Girard savait que, sous son gilet, il y avait un poignard. Il l'arrêta d'un regard suppliant.

—Épargnez ma vie, dit-il tout bas; vous voyez que tout est perdu pour vous, ne vous perdez pas avec elle; je lui parlerai de vous en route, je vous le jure; je lui dirai ce que vous avez risqué pour la voir une dernière fois.

Ces mots calmèrent l'effervescence du jeune homme; d'ailleurs, la réaction ordinaire s'opérait, toute son organisation subissait un affaissement étrange. Cet homme d'une volonté héroïque, d'une puissance merveilleuse, était arrivé au bout de sa force et de sa volonté; il flottait irrésolu, ou plutôt fatigué, vaincu, dans une espèce de somnolence qu'on eût prise pour l'avant-courrière de la mort.

—Oui, dit-il, ce devait être ainsi: la croix pour Jésus, l'échafaud pour elle; les dieux et les rois boivent jusqu'à la lie le calice que leur présentent les hommes.

Il résulta de cette pensée toute résignée, tout inerte, que le jeune homme se laissa repousser, sans autre défense qu'une espèce de gémissement involontaire, jusqu'à la porte extérieure et sans faire plus de résistance que n'en faisait Ophélia, dévouée à la mort, lorsqu'elle se voyait emportée par les flots.

Au pied des grilles et aux portes de la Conciergerie, se pressait une de ces foules effrayantes comme on ne peut se les figurer sans les avoir vues au moins une fois.

L'impatience dominait toutes les passions, et toutes les passions parlaient haut leur langage, qui, en se confondant, formait une rumeur immense et prolongée, comme si tout le bruit et toute la population de Paris s'étaient concentrés dans le quartier du palais de justice.

Au-devant de cette foule campait une armée tout entière, avec des canons destinés à protéger la fête et à la rendre sûre à ceux qui venaient en jouir.

On eût en vain essayé de percer ce rempart profond, grossi peu à peu, depuis que la condamnation était connue hors de Paris, par les patriotes des faubourgs.

Maison-Rouge, repoussé hors de la Conciergerie, se trouva naturellement au premier rang des soldats.

Les soldats lui demandèrent qui il était.

Il répondit qu'il était le vicaire de l'abbé Girard; mais que, assermenté comme son curé, il avait, comme son curé, été refusé par la reine.

Les soldats le repoussèrent à leur tour jusqu'au premier rang des spectateurs.

Là, force lui fut de répéter ce qu'il avait dit aux soldats.

Alors, ce cri s'éleva:

—Il la quitte.... Il l'a vue.... Qu'a-t-elle dit?... Que fait-elle?... Est-elle fière toujours?... Est-elle abattue?... Pleure-t-elle?...

Le chevalier répondit à toutes ces questions d'une voix à la fois faible, douce et affable, comme si cette voix était la dernière manifestation de la vie suspendue à ses lèvres.

Sa réponse était la vérité pure et simple; seulement, cette vérité était un éloge de la fermeté d'Antoinette, et ce qu'il dit avec la simplicité et la foi d'un évangéliste jeta le trouble et le remords dans plus d'un cœur.

Lorsqu'il parla du petit dauphin et de madame Royale, de cette reine sans trône, de cette épouse sans époux, de cette mère sans enfants, de cette femme enfin seule et abandonnée, sans un ami au milieu des bourreaux, plus d'un front, çà et là, se voila de tristesse, plus d'une larme apparut, furtive et brûlante, en des yeux naguère animés de haine.

Onze heures sonnèrent à l'horloge du Palais, toute rumeur cessa à l'instant même. Cent mille personnes comptaient l'heure qui sonnait et à laquelle répondaient les battements de leur cœur.

Puis la vibration de la dernière heure éteinte dans l'espace, il se fit un grand bruit derrière les portes, en même temps qu'une charrette, venant du côté du quai aux Fleurs, fendait la foule du peuple, puis les gardes, et venait se placer au bas des degrés.

Bientôt la reine apparut au haut de l'immense perron. Toutes les passions se concentrèrent dans les yeux; les respirations demeurèrent haletantes et suspendues.

Ses cheveux étaient coupés courts, la plupart avaient blanchi pendant sa captivité, et cette nuance argentée rendait plus délicate encore la pâleur nacrée qui faisait presque céleste, en ce moment suprême, la beauté de la fille des Césars.

Elle était vêtue d'une robe blanche, et ses mains étaient liées derrière son dos.

Lorsqu'elle se montra en haut des marches ayant à sa droite l'abbé Girard, qui l'accompagnait malgré elle, et à sa gauche l'exécuteur, tous deux vêtus de noir, ce fut dans toute cette foule un murmure que Dieu seul, qui lit au fond des cœurs, put comprendre et résumer dans une vérité.

Un homme alors passa entre l'exécuteur et Marie-Antoinette.

C'était Grammont. Il passait ainsi pour lui montrer l'ignoble charrette.

La reine recula malgré elle d'un pas.

—Montez, dit Grammont. Tout le monde entendit ce mot, car l'émotion tenait tout murmure suspendu aux lèvres des spectateurs. Alors on vit le sang monter aux joues de la reine et gagner la racine de ses cheveux; puis presque aussitôt son visage redevint d'une pâleur mortelle. Ses lèvres blêmissantes s'entr'ouvrirent.

—Pourquoi une charrette à moi, dit-elle, quand le roi a été à l'échafaud dans sa voiture?

L'abbé Girard lui dit alors tout bas quelques mots. Sans doute il combattait chez la condamnée ce dernier cri de l'orgueil royal.

La reine se tut et chancela.

Sanson avança les deux bras pour la soutenir: mais elle se redressa avant même qu'il l'eût touchée.

Elle descendit les escaliers, tandis que l'aide affermissait un marchepied de bois derrière la charrette.

La reine y monta, l'abbé monta derrière elle.

Sanson les fit asseoir tous deux.

Lorsque la charrette commença à s'ébranler, il se fit un grand mouvement dans le peuple. Mais, en même temps, comme les soldats ignoraient dans quelle intention était accompli le mouvement, ils réunirent tous leurs efforts pour repousser la foule; il se fit, en conséquence, un grand espace vide entre la charrette et les premiers rangs.

Dans cet espace retentit un hurlement lugubre.

La reine tressaillit et se leva tout debout, regardant autour d'elle.

Elle vit alors son chien, perdu depuis deux mois; son chien, qui n'avait pu pénétrer avec elle dans la Conciergerie, qui, malgré les cris, les coups, les bourrades, s'élançait vers la charrette; mais presque aussitôt le pauvre Black, exténué, maigre, brisé, disparut sous les pieds des chevaux.

La reine le suivit des yeux; elle ne pouvait parler, car sa voix était couverte par le bruit; elle ne pouvait le montrer du doigt, car ses mains étaient liées; d'ailleurs, eût-elle pu le montrer, eût-on pu l'entendre, elle l'eût sans doute demandé inutilement.

Mais, après l'avoir perdu un instant des yeux, elle le revit.

Il était au bras d'un pâle jeune homme qui dominait la foule, debout sur un canon, et qui, grandi par une exaltation indicible, la saluait en lui montrant le ciel.

Marie-Antoinette aussi regarda le ciel et sourit doucement.

Le chevalier de Maison-Rouge poussa un gémissement, comme si ce sourire lui avait fait une blessure au cœur, et, comme la charrette tournait vers le pont au Change, il retomba dans la foule et disparut.


XLIX

L'échafaud

Sur la place de la Révolution, adossés à un réverbère, deux hommes attendaient.

Ce qu'ils attendaient avec la foule, dont une partie s'était portée à la place du Palais, dont une autre partie s'était portée à la place de la Révolution, dont le reste s'était répandu, tumultueuse et pressée, sur tout le chemin qui séparait ces deux places, c'est que la reine arrivât jusqu'à l'instrument du supplice, qui, usé par la pluie et le soleil, usé par la main du bourreau, usé, chose horrible! par le contact des victimes, dominait avec une fierté sinistre toutes ces têtes subjacentes, comme une reine domine son peuple.

Ces deux hommes, aux bras entrelacés, aux lèvres pâles, aux sourcils froncés, parlant bas et par saccades, c'étaient Lorin et Maurice.

Perdus parmi les spectateurs, et cependant de manière à faire envie à tous, ils continuaient à voix basse une conversation qui n'était pas la moins intéressante de toutes ces conversations serpentant dans les groupes qui, pareils à une chaîne électrique, s'agitaient, mer vivante, depuis le pont au Change jusqu'au pont de la Révolution.

L'idée que nous avons exprimée à propos de l'échafaud dominant toutes les têtes les avait frappés tous deux.

—Vois, disait Maurice, comme le monstre hideux lève ses bras rouges; ne dirait-on pas qu'il nous appelle et qu'il sourit par son guichet comme par une bouche effroyable?

—Ah! ma foi, dit Lorin, je ne suis pas, je l'avoue, de cette école de poésie qui voit tout en rouge. Je les vois en rose, moi, et, au pied de cette hideuse machine, je chanterais et j'espérerais encore. Dum spiro, spero.

Tu espères quand on tue les femmes?

—Ah! Maurice, dit Lorin, fils de la Révolution, ne renie pas ta mère. Ah! Maurice, demeure un bon et loyal patriote. Maurice, celle qui va mourir, ce n'est pas une femme comme toutes les autres femmes; celle qui va mourir, c'est le mauvais génie de la France.

—Oh! ce n'est pas elle que je regrette; ce n'est pas elle que je pleure! s'écria Maurice.

—Oui, je comprends, c'est Geneviève.

—Ah! dit Maurice, vois-tu, il y a une pensée qui me rend fou: c'est que Geneviève est aux mains des pourvoyeurs de guillotine qu'on appelle Hébert et Fouquier-Tinville; aux mains des hommes qui ont envoyé ici la pauvre Héloïse et qui y envoient la fière Marie-Antoinette.

—Eh bien, dit Lorin, voilà justement ce qui fait que j'espère, moi: quand la colère du peuple aura fait ce large repas de deux tyrans, elle sera rassasiée, pour quelque temps du moins, comme le boa qui met trois mois à digérer ce qu'il dévore. Alors elle n'engloutira plus personne, et, comme disent les prophètes du faubourg, alors les plus petits morceaux lui feront peur.

—Lorin, Lorin, dit Maurice, moi, je suis plus positif que toi, et je te le dis tout bas, prêt à te le répéter tout haut: Lorin, je hais la reine nouvelle, celle qui me paraît destinée à succéder à l'Autrichienne qu'elle va détruire. C'est une triste reine que celle dont la pourpre est faite d'un sang quotidien, et qui a Sanson pour premier ministre.

—Bah! nous lui échapperons!

—Je n'en crois rien, dit Maurice en secouant la tête; tu vois que, pour n'être pas arrêtés chez nous, nous n'avons d'autre ressource que de demeurer dans la rue.

—Bah! nous pouvons quitter Paris, rien ne nous en empêche. Ne nous plaignons donc pas. Mon oncle nous attend à Saint-Omer; argent, passeport, rien ne nous manque. Et ce n'est pas un gendarme qui nous arrêterait; qu'en penses-tu? Nous restons parce que nous le voulons bien.

—Non, ce que tu dis là n'est pas juste, excellent ami, cœur dévoué que tu es.... Tu restes parce que je veux rester.

—Et tu veux rester pour retrouver Geneviève. Eh bien, quoi de plus simple, de plus juste et de plus naturel? Tu penses qu'elle est en prison, c'est plus que probable. Tu veux veiller sur elle, et, pour cela, il ne faut pas quitter Paris.

Maurice poussa un soupir; il était évident que sa pensée divergeait.

—Te rappelles-tu la mort de Louis XVI? dit-il. Je me vois encore pâle d'émotion et d'orgueil. J'étais un des chefs de cette foule dans les plis de laquelle je me cache aujourd'hui. J'étais plus grand au pied de cet échafaud que ne l'avait jamais été le roi qui montait dessus. Quel changement, Lorin! et lorsqu'on pense que neuf mois ont suffi pour amener cette terrible réaction!

—Neuf mois d'amour, Maurice!... Amour, tu perdis Troie!

Maurice soupira; sa pensée vagabonde prenait une autre route et envisageait un autre horizon.

—Ce pauvre Maison-Rouge, murmura-t-il, voilà un triste jour pour lui.

—Hélas! dit Lorin, ce que je vois de plus triste dans les révolutions, Maurice, veux-tu que je te le dise?

—Oui.

—C'est que l'on a souvent pour ennemis des gens qu'on voudrait avoir pour amis, et pour amis des gens...

—J'ai peine à croire une chose, interrompit Maurice.

—Laquelle?

—C'est qu'il n'inventera pas quelque projet, fût-il insensé, pour sauver la reine.

—Un homme plus fort que cent mille?

—Je te dis: fût-il insensé.... Moi, je sais que, pour sauver Geneviève.... Lorin fronça le sourcil.

—Je te le redis, Maurice, reprit-il, tu t'égares; non, même s'il fallait que tu sauvasses Geneviève, tu ne deviendrais pas mauvais citoyen. Mais assez là-dessus, Maurice, on nous écoute. Tiens, voici les têtes qui ondulent; tiens, voici le valet du citoyen Sanson qui se lève de dessus son panier, et qui regarde au loin. L'Autrichienne arrive.

En effet, comme pour accompagner cette ondulation qu'avait remarquée Lorin, un frémissement prolongé et croissant envahissait la foule. C'était comme une de ces rafales qui commencent par siffler et qui finissent par mugir.

Maurice, élevant encore sa grande taille à l'aide des poteaux du réverbère, regarda vers la rue Saint-Honoré.

—Oui, dit-il en frissonnant, la voilà! En effet, on commençait à voir apparaître une autre machine presque aussi hideuse que la guillotine, c'était la charrette. À droite et à gauche reluisaient les armes de l'escorte, et devant elle Grammont répondait avec les flamboiements de son sabre aux cris poussés par quelques fanatiques. Mais, à mesure que la charrette s'avançait, ces cris s'éteignaient subitement sous le regard froid et sombre de la condamnée. Jamais physionomie n'imposa plus énergiquement le respect; jamais Marie-Antoinette n'avait été plus grande et plus reine. Elle poussa l'orgueil de son courage jusqu'à imprimer aux assistants des idées de terreur. Indifférente aux exhortations de l'abbé Girard, qui l'avait accompagnée malgré elle, son front n'oscillait ni à droite ni à gauche; la pensée vivante au fond de son cerveau semblait immuable comme son regard; le mouvement saccadé de la charrette sur le pavé inégal faisait, par sa violence même, ressortir la rigidité de son maintien; on eût dit une de ces statues de marbre qui cheminent sur un chariot; seulement, la statue royale avait l'œil lumineux, et ses cheveux s'agitaient au vent. Un silence pareil à celui du désert s'abattit soudain sur les trois cent mille spectateurs de cette scène, que le ciel voyait pour la première fois à la clarté de son soleil. Bientôt, de l'endroit où se tenaient Maurice et Lorin, on entendit crier l'essieu de la charrette et souffler les chevaux des gardes. La charrette s'arrêta au pied de l'échafaud.

La reine, qui, sans doute, ne songeait pas à ce moment, se réveilla et comprit: elle étendit son regard hautain sur la foule, et le même jeune homme pâle qu'elle avait vu debout sur un canon lui apparut de nouveau debout sur une borne.

De cette borne, il lui envoya le même salut respectueux qu'il lui avait déjà adressé au moment où elle sortait de la Conciergerie; puis aussitôt il sauta à bas de la borne.

Plusieurs personnes le virent, et, comme il était vêtu de noir, de là le bruit se répandit qu'un prêtre avait attendu Marie-Antoinette afin de lui envoyer l'absolution au moment où elle monterait sur l'échafaud. Au reste, personne n'inquiéta le chevalier. Il y a dans les moments suprêmes un suprême respect pour certaines choses.

La reine descendit avec précaution les trois degrés du marchepied; elle était soutenue par Sanson, qui, jusqu'au dernier moment, tout en accomplissant la tâche à laquelle il semblait lui-même condamné, lui témoigna les plus grands égards.

Pendant qu'elle marchait vers les degrés de l'échafaud, quelques chevaux se cabrèrent, quelques gardes à pied, quelques soldats, semblèrent osciller et perdre l'équilibre; puis on vit comme une ombre se glisser sous l'échafaud; mais le calme se rétablit presque à l'instant même: personne ne voulait quitter sa place dans ce moment solennel, personne ne voulait perdre le moindre détail du grand drame qui allait s'accomplir; tous les yeux se portèrent vers la condamnée.

La reine était déjà sur la plate-forme de l'échafaud. Le prêtre lui parlait toujours; un aide la poussait doucement par derrière; un autre dénouait le fichu qui couvrait ses épaules.

Marie-Antoinette sentit cette main infâme qui effleurait son cou, elle fit un brusque mouvement et marcha sur le pied de Sanson, qui, sans qu'elle le vît, était occupé à l'attacher à la planche fatale.

Sanson retira son pied.

—Excusez-moi, monsieur, dit la reine, je ne l'ai point fait exprès. Ce furent les dernières paroles que prononça la fille des Césars, la reine de France, la veuve de Louis XVI.

Le quart après midi sonna à l'horloge des Tuileries; en même temps que lui Marie-Antoinette tombait dans l'éternité.

Un cri terrible, un cri qui résumait toutes les patiences: joie, épouvante, deuil, espoir, triomphe, expiation, couvrit comme un ouragan un autre cri faible et lamentable qui, au même moment, retentissait sous l'échafaud.

Les gendarmes l'entendirent pourtant, si faible qu'il fût; ils firent quelques pas en avant; la foule, moins serrée, s'épandit comme un fleuve dont on élargit la digue, renversa la haie, dispersa les gardes, et vint comme une marée battre les pieds de l'échafaud, qui en fut ébranlé.

Chacun voulait voir de près les restes de la royauté, que l'on croyait à tout jamais détruite en France.

Mais les gendarmes cherchaient autre chose: ils cherchaient cette ombre qui avait dépassé leurs lignes, et qui s'était glissée sous l'échafaud.

Deux d'entre eux revinrent, amenant par le collet un jeune homme dont la main pressait sur son cœur un mouchoir teint de sang.

Il était suivi par un petit chien épagneul qui hurlait lamentablement.

—À mort l'aristocrate! à mort le ci-devant! crièrent quelques hommes du peuple en désignant le jeune homme; il a trempé son mouchoir dans le sang de l'Autrichienne: à mort!

—Grand Dieu! dit Maurice à Lorin, le reconnais-tu? le reconnais-tu?

—À mort le royaliste! répétèrent les forcenés; ôtez-lui ce mouchoir dont il veut se faire une relique: arrachez, arrachez!

Un sourire orgueilleux erra sur les lèvres du jeune homme; il arracha sa chemise, découvrit sa poitrine, et laissa tomber son mouchoir.

—Messieurs, dit-il, ce sang n'est pas celui de la reine, mais bien le mien; laissez-moi mourir tranquillement. Et une blessure profonde et reluisante apparut béante sous sa mamelle gauche. La foule jeta un cri et recula.

Alors le jeune homme s'affaissa lentement et tomba sur ses genoux en regardant l'échafaud comme un martyr regarde l'autel.

—Maison-Rouge! murmura Lorin à l'oreille de Maurice.

—Adieu! murmura le jeune homme en baissant la tête avec un divin sourire; adieu, ou plutôt au revoir! Et il expira au milieu des gardes stupéfaits.

—Il y a encore cela à faire, Lorin, dit Maurice, avant de devenir mauvais citoyen.

Le petit chien tournait autour du cadavre, effaré et hurlant.

—Tiens! c'est Black, dit un homme qui tenait un gros bâton à la main; tiens! c'est Black; viens ici, mon petit vieux.

Le chien s'avança vers celui qui l'appelait; mais à peine fut-il à sa portée, que l'homme leva son bâton et lui écrasa la tête en éclatant de rire.

—Oh! le misérable! s'écria Maurice.

—Silence! murmura Lorin en l'arrêtant, silence, ou nous sommes perdus... c'est Simon.


L

La visite domiciliaire

Lorin et Maurice étaient revenus chez le premier d'entre eux. Maurice, pour ne pas compromettre son ami trop ouvertement, avait adopté l'habitude de sortir le matin et de ne rentrer que le soir.

Mêlé aux événements, assistant au transfert des prisonniers à la Conciergerie, il épiait chaque jour le passage de Geneviève, n'ayant pu savoir en quelle maison elle avait été renfermée.

Car, depuis sa visite à Fouquier-Tinville, Lorin lui avait fait comprendre que la première démarche ostensible le perdrait, qu'alors il serait sacrifié sans avoir pu porter secours à Geneviève, et Maurice, qui se fût fait incarcérer sur-le-champ dans l'espoir d'être réuni à sa maîtresse, devint prudent par la crainte d'être à jamais séparé d'elle.

Il allait donc chaque matin des Carmes à Port-Libre, des Madelonnettes à Saint-Lazare, de la Force au Luxembourg, et stationnait devant les prisons au sortir des charrettes qui menaient les accusés au tribunal révolutionnaire. Son coup d'œil jeté sur les victimes, il courait à une autre prison.

Mais il s'aperçut bientôt que l'activité de dix hommes ne suffirait pas à surveiller ainsi les trente-trois prisons que Paris possédait à cette époque, et il se contenta d'aller au tribunal même attendre la comparution de Geneviève.

C'était déjà un commencement de désespoir. En effet, quelles ressources restaient à un condamné après l'arrêt? Quelquefois le tribunal, qui commençait les séances à dix heures, avait condamné vingt ou trente personnes à quatre heures; le premier condamné jouissait de six heures de vie; mais le dernier, frappé de sentence à quatre heures moins un quart, tombait à quatre heures et demie sous la hache.

Se résigner à subir une pareille chance pour Geneviève, c'était donc se lasser de combattre le destin.

Oh! s'il eût été prévenu d'avance de l'incarcération de Geneviève... comme Maurice se fût joué de cette justice humaine tant aveuglée à cette époque! comme il eût facilement et promptement arraché Geneviève de la prison! Jamais évasions ne furent plus commodes; on pourrait dire que jamais elles ne furent plus rares. Toute cette noblesse, une fois mise en prison, s'y installait comme en un château, et prenait ses aises pour mourir. Fuir, c'était se soustraire aux conséquences du duel: les femmes elles-mêmes rougissaient d'une liberté acquise à ce prix.

Mais Maurice ne se fût pas montré si scrupuleux. Tuer des chiens, corrompre un porte-clefs, quoi de plus simple! Geneviève n'était pas un de ces noms tellement splendides qu'il attirât l'attention du monde.... Elle ne se déshonorait pas en fuyant, et d'ailleurs... quand elle se fût déshonorée!

Oh! comme il se représentait avec amertume ces jardins de Port-Libre si faciles à escalader; ces chambres des Madelonnettes si commodes à percer pour gagner la rue, et les murs si bas du Luxembourg, et les corridors sombres des Carmes, dans lesquels un homme résolu pouvait pénétrer si aisément en débouchant une fenêtre!

Mais Geneviève était-elle dans une de ces prisons?

Alors, dévoré par le doute et brisé par l'anxiété, Maurice accablait Dixmer d'imprécations; il le menaçait, il savourait sa haine pour cet homme, dont la lâche vengeance se cachait sous un semblant de dévouement à la cause royale.

—Je le trouverai aussi, pensait Maurice; car, s'il veut sauver la malheureuse femme, il se montrera; s'il veut la perdre, il lui insultera. Je le retrouverai, l'infâme, et, ce jour là, malheur à lui!

Le matin du jour où se passent les faits que nous allons raconter, Maurice était sorti pour aller s'installer à sa place au tribunal révolutionnaire. Lorin dormait.

Il fut réveillé par un grand bruit que faisaient à la porte des voix de femmes et des crosses de fusil.

Il jeta autour de lui ce coup d'œil effaré de l'homme surpris qui voudrait se convaincre que rien de compromettant ne reste en vue.

Quatre sectionnaires, deux gendarmes et un commissaire entrèrent chez lui au même instant. Cette visite était tellement significative, que Lorin se hâta de s'habiller.

—Vous m'arrêtez? dit-il.

—Oui, citoyen Lorin.

—Pourquoi cela?

—Parce que tu es suspect.

—Ah! c'est juste.

Le commissaire griffonna quelques mots au bas du procès-verbal d'arrestation.

—Où est ton ami? dit-il ensuite.

—Quel ami?

—Le citoyen Maurice Lindey.

—Chez lui probablement, dit Lorin.

—Non pas, il loge ici.

—Lui? Allons donc! Mais cherchez, et, si vous le trouvez...

—Voici la dénonciation, dit le commissaire, elle est explicite.

Il offrit à Lorin un papier d'une hideuse écriture et d'une orthographe énigmatique. Il était dit dans cette dénonciation que l'on voyait sortir chaque matin de chez le citoyen Lorin le citoyen Lindey, suspect, décrété d'arrestation.

La dénonciation était signée Simon.

—Ah çà! mais ce savetier perdra ses pratiques, dit Lorin, s'il exerce ces deux états à la fois. Quoi! mouchard et ressemeleur de bottes! C'est un César que ce M. Simon....

Et il éclata de rire.

—Le citoyen Maurice! dit alors le commissaire; où est le citoyen Maurice? Nous te sommons de le livrer.

—Quand je vous dis qu'il n'est pas ici! Le commissaire passa dans la chambre voisine, puis monta dans une petite soupente où logeait l'officieux de Lorin. Enfin, il ouvrit une chambre basse. Nulle trace de Maurice.

Mais, sur la table de la salle à manger, une lettre récemment écrite attira l'attention du commissaire. Elle était de Maurice, qui l'avait déposée en partant le matin sans réveiller son ami, bien qu'ils couchassent ensemble:

«Je vais au tribunal, disait Maurice; déjeune sans moi, je ne rentrerai que ce soir.»

—Citoyens, dit Lorin, quelque hâte que j'aie de vous obéir, vous comprenez que je ne puis vous suivre en chemise.... Permettez que mon officieux m'habille.

—Aristocrate! dit une voix, il faut qu'on l'aide pour passer ses culottes...

—Oh! mon Dieu, oui! dit Lorin, je suis comme le citoyen Dagobert, moi. Vous remarquerez que je n'ai pas dit roi.

—Allons, fais, dit le commissaire; mais, dépêche-toi. L'officieux descendit de sa soupente et vint aider son maître à s'habiller. Le but de Lorin n'était pas précisément d'avoir un valet de chambre, c'était que rien de ce qui se passait n'échappât à l'officieux, afin que l'officieux redît à Maurice ce qui s'était passé.

—Maintenant, messieurs... pardon, citoyens... maintenant, citoyens, je suis prêt, et je vous suis. Mais laissez-moi, je vous prie, emporter le dernier volume des Lettres à Émilie de M. Demoustier, qui vient de paraître, et que je n'ai pas encore lu; cela charmera les ennuis de ma captivité.

—Ta captivité? dit tout à coup Simon, devenu municipal à son tour et entrant suivi de quatre sectionnaires. Elle ne sera pas longue: tu figures dans le procès de la femme qui a voulu faire évader l'Autrichienne. On la juge aujourd'hui... on te jugera demain, quand tu auras témoigné.

—Cordonnier, dit Lorin avec gravité, vous cousez vos semelles trop vite.

—Oui; mais quel joli coup de tranchet! répliqua Simon avec un hideux sourire; tu verras, tu verras, mon beau grenadier.

Lorin haussa les épaules.

—Eh bien, partons-nous? dit-il. Je vous attends. Et, comme chacun se retournait pour descendre l'escalier, Lorin lança au municipal Simon un si vigoureux coup de pied, qu'il le fit rouler en hurlant tout le long du degré luisant et roide.

Les sectionnaires ne purent s'empêcher de rire. Lorin mit ses mains dans ses poches.

—Dans l'exercice de mes fonctions! dit Simon, livide de colère.

—Parbleu! répondit Lorin, est-ce que nous n'y sommes pas tous dans l'exercice de nos fonctions?

On le fit monter en fiacre et le commissaire le mena au palais de justice.


LI

Lorin

Si pour la seconde fois le lecteur veut nous suivre au tribunal révolutionnaire, nous retrouverons Maurice à la même place où nous l'avons déjà vu; seulement, nous le retrouverons plus pâle et plus agité.

Au moment où nous rouvrons la scène sur ce lugubre théâtre où nous entraînent les événements bien plus que notre prédilection, les jurés sont aux opinions, car une cause vient d'être entendue: deux accusés qui ont déjà, par une de ces insolentes précautions avec lesquelles on raillait les juges à cette époque, fait leur toilette pour l'échafaud, s'entretiennent avec leurs défenseurs, dont les paroles vagues ressemblent à celles d'un médecin qui désespère de son malade.

Le peuple des tribunes était, ce jour-là, d'une féroce humeur, de cette humeur qui excite la sévérité des jurés: placés sous la surveillance immédiate des tricoteuses et des faubouriens, les jurés se tiennent mieux, comme l'acteur qui redouble d'énergie devant un public mal disposé.

Aussi, depuis dix heures du matin, cinq prévenus ont-ils déjà été changés en autant de condamnés par ces mêmes jurés rendus intraitables.

Les deux qui se trouvaient alors sur le banc des accusés, attendaient donc en ce moment le oui ou le non qui devait, ou les rendre à la vie, ou les jeter à la mort.

Le peuple des assistants, rendu féroce par l'habitude de cette tragédie quotidienne devenue son spectacle favori; le peuple des assistants, disons-nous, les préparait par des interjections à ce moment redoutable.

—Tiens, tiens, tiens! regarde donc le grand! disait une tricoteuse qui, n'ayant pas de bonnet, portait à son chignon une cocarde tricolore large comme la main; tiens, qu'il est pâle! on dirait qu'il est déjà mort!

Le condamné regarda la femme qui l'apostrophait avec un sourire de mépris.

—Que dis-tu donc? reprit la voisine. Le voilà qui rit.

—Oui, du bout des dents. Un faubourien regarda sa montre.

—Quelle heure est-il? lui demanda son compagnon.

—Une heure moins dix minutes; voilà trois quarts d'heure que ça dure.

—Juste comme à Domfront, ville de malheur: arrivé à midi, pendu à une heure.

—Et le petit, et le petit! cria un autre assistant; regarde-le donc, sera-t-il laid quand il éternuera dans le sac!

—Bah! c'est trop tôt fait, tu n'auras pas le temps de t'en apercevoir.

—Tiens, on redemandera sa tête à M. Sanson; on a le droit de la voir.

—Regarde donc comme il a un bel habit bleu tyran; c'est un peu agréable pour les pauvres quand on raccourcit les gens bien vêtus.

En effet, comme l'avait dit l'exécuteur à la reine, les pauvres héritaient des dépouilles de chaque victime, ces dépouilles étant portées à la Salpêtrière, aussitôt après l'exécution, pour être distribuées aux indigents: c'est là qu'avaient été envoyés les habits de la reine suppliciée.

Maurice écoutait tourbillonner ces paroles sans y prendre garde; chacun dans ce moment était préoccupé de quelque puissante pensée qui l'isolait; depuis quelques jours, son cœur ne battait plus qu'à certains moments et par secousses; de temps en temps, la crainte ou l'espérance semblait suspendre la marche de sa vie, et ces oscillations perpétuelles avaient comme brisé la sensibilité dans son cœur, pour y substituer l'atonie.

Les jurés rentrèrent en séance, et, comme on s'y attendait, le président prononça la condamnation des deux prévenus. On les emmena, ils sortirent d'un pas ferme; tout le monde mourait bien à cette époque. La voix de l'huissier retentit lugubre et sinistre.

—Le citoyen accusateur public contre la citoyenne Geneviève Dixmer. Maurice frissonna de tout son corps, et une sueur moite perla par tout son visage. La petite porte par laquelle entraient les accusés s'ouvrit, et Geneviève parut.

Elle était vêtue de blanc; ses cheveux étaient arrangés avec une charmante coquetterie, car elle les avait étagés et bouclés avec art, au lieu de les couper, ainsi que faisaient beaucoup de femmes.

Sans doute, jusqu'au dernier moment la pauvre Geneviève voulait paraître belle à celui qui pouvait la voir.

Maurice vit Geneviève, et il sentit que toutes les forces qu'il avait rassemblées pour cette occasion lui manquaient à la fois; cependant il s'attendait à ce coup, puisque, depuis douze jours, il n'avait manqué aucune séance, et que trois fois déjà le nom de Geneviève sortant de la bouche de l'accusateur public avait frappé son oreille; mais certains désespoirs sont si vastes et si profonds, que nul n'en peut sonder l'abîme.

Tous ceux qui virent apparaître cette femme, si belle, si naïve, si pâle, poussèrent un cri: les uns de fureur,—il y avait, à cette époque, des gens qui haïssaient toute supériorité, supériorité de beauté comme supériorité d'argent, de génie ou de naissance,—les autres d'admiration, quelques-uns de pitié.

Geneviève reconnut sans doute un cri dans tous ces cris, une voix parmi toutes ces voix; car elle se retourna du côté de Maurice, tandis que le président feuilletait le dossier de l'accusée, tout en la regardant de temps en temps, en dessous.

Du premier coup d'œil, elle vit Maurice, tout enseveli qu'il était sous les bords de son large chapeau; alors elle se retourna entièrement avec un doux sourire et avec un geste plus doux encore; elle appuya ses deux mains roses et tremblantes sur ses lèvres, et, y déposant toute son âme avec son souffle, elle donna des ailes à ce baiser perdu, qu'un seul dans cette foule avait le droit de prendre pour lui.

Un murmure d'intérêt parcourut toute la salle. Geneviève, interpellée, se retourna vers ses juges; mais elle s'arrêta au milieu de ce mouvement, et ses yeux dilatés se fixèrent avec une indicible expression de terreur vers un point de la salle.

Maurice se haussa vainement sur la pointe des pieds: il ne vit rien, ou plutôt quelque chose de plus important rappela son attention sur la scène, c'est-à-dire sur le tribunal.

Fouquier-Tinville avait commencé la lecture de l'acte d'accusation.

Cet acte portait que Geneviève Dixmer était femme d'un conspirateur acharné, que l'on suspectait d'avoir aidé l'ex-chevalier de Maison-Rouge dans les tentatives successives qu'il avait faites pour sauver la reine.

D'ailleurs, elle avait été surprise aux genoux de la reine, la suppliant de changer d'habits avec elle, et s'offrant de mourir à sa place. Ce fanatisme stupide, disait l'acte d'accusation, méritera sans doute les éloges des contre-révolutionnaires; mais aujourd'hui, ajoutait-il, tout citoyen français ne doit sa vie qu'à la nation, et c'est trahir doublement que de la sacrifier aux ennemis de la France.

Geneviève, interrogée si elle reconnaissait avoir été, comme l'avaient dit les gendarmes Duchesne et Gilbert, surprise aux genoux de la reine, la suppliant de changer de vêtements avec elle, répondit simplement:

—Oui!

—Alors, dit le président, racontez-nous votre plan et vos espérances. Geneviève sourit.

—Une femme peut concevoir des espérances, dit-elle; mais une femme ne peut faire un plan dans le genre de celui dont je suis victime.

—Comment vous trouviez-vous là, alors?

—Parce que je ne m'appartenais pas et qu'on me poussait.

—Qui vous poussait? demanda l'accusateur public.

—Des gens qui m'avaient menacée de mort si je n'obéissais pas.

Et le regard irrité de la jeune femme alla se fixer de nouveau sur ce point de la salle invisible à Maurice.

—Mais, pour échapper à cette mort dont on vous menaçait, vous affrontiez la mort qui devait résulter pour vous d'une condamnation.

—Lorsque j'ai cédé, le couteau était sur ma poitrine, tandis que le fer de la guillotine était encore loin de ma tête. Je me suis courbée sous la violence présente.

—Pourquoi n'appeliez-vous pas à l'aide? Tout bon citoyen vous eût défendue.

—Hélas! monsieur, répondit Geneviève avec un accent à la fois si triste et si tendre, que le cœur de Maurice se gonfla comme s'il allait éclater; hélas! je n'avais plus personne près de moi.

L'attendrissement succédait à l'intérêt, comme l'intérêt avait succédé à la curiosité. Beaucoup de têtes se baissèrent, les unes cachant leurs larmes, les autres les laissant couler librement.

Maurice, alors, aperçut vers sa gauche une tête restée ferme, un visage demeuré inflexible.

C'était Dixmer debout, sombre, implacable, et qui ne perdait de vue ni Geneviève ni le tribunal.

Le sang afflua aux tempes du jeune homme; la colère monta de son cœur à son front, emplissant tout son être de désirs immodérés de vengeance. Il lança à Dixmer un regard chargé d'une haine si électrique, si puissante, que celui-ci, comme attiré par le fluide brûlant, tourna la tête vers son ennemi.

Leurs deux regards se croisèrent comme deux flammes.

—Dites-nous les noms de vos instigateurs? demanda le président.

—Il n'y en a qu'un seul, monsieur.

—Lequel?

—Mon mari.

—Savez-vous où il est?

—Oui.

—Indiquez sa retraite.

—Il a pu être infâme, mais je ne serai pas lâche; ce n'est point à moi de dénoncer sa retraite, c'est à vous de la découvrir.

Maurice regarda Dixmer. Dixmer ne fit pas un mouvement. Une idée traversa la tête du jeune homme: c'était de le dénoncer en se dénonçant soi-même; mais il la comprima.

—Non, dit-il, ce n'est pas ainsi qu'il doit mourir.

—Ainsi, vous refusez de guider nos recherches? dit le président.

—Je crois, monsieur, que je ne puis le faire, répondit Geneviève, sans me rendre aussi méprisable aux yeux des autres qu'il l'est aux miens.

—Y a-t-il des témoins? demanda le président.

—Il y en a un, répondit l'huissier.

—Appelez le témoin.

—Maximilien-Jean Lorin! glapit l'huissier.

—Lorin! s'écria Maurice. Oh! mon Dieu, qu'est-il donc arrivé?

Cette scène se passait le jour même de l'arrestation de Lorin, et Maurice ignorait cette arrestation.

—Lorin! murmura Geneviève en regardant autour d'elle avec une douloureuse inquiétude.

—Pourquoi le témoin ne répond-il pas à l'appel? demanda le président.

—Citoyen président, dit Fouquier-Tinville, sur une dénonciation récente, le témoin a été arrêté à son domicile; on va l'amener à l'instant.

Maurice tressaillit.

—Il y avait un autre témoin plus important, continua Fouquier; mais celui-là, on n'a pas pu le trouver encore.

Dixmer se retourna en souriant vers Maurice: peut-être la même idée qui avait passé dans la tête de l'amant passait-elle à son tour dans la tête du mari.

Geneviève pâlit et s'affaissa sur elle-même en poussant un gémissement. En ce moment, Lorin entra suivi de deux gendarmes.

Après lui, et par la même porte, apparut Simon, qui vint s'asseoir dans le prétoire en habitué de la localité.

—Vos nom et prénoms? demanda le président.

—Maximilien-Jean Lorin.

—Votre état?

—Homme libre.

—Tu ne le seras pas longtemps, dit Simon en lui montrant le poing.

—Êtes-vous parent de la prévenue?

—Non; mais j'ai l'honneur d'être de ses amis.

—Saviez-vous qu'elle conspirât l'enlèvement de la reine?

—Comment voulez-vous que je susse cela?

—Elle pouvait vous l'avoir confié.

—À moi, membre de la section des Thermopyles?... Allons donc!

—On vous a vu cependant quelquefois avec elle.

—On a dû m'y voir souvent même.

—Vous la connaissiez pour une aristocrate?

—Je la connaissais pour la femme d'un maître tanneur.

—Son mari n'exerçait pas en réalité l'état sous lequel il se cachait.

—Ah! cela, je l'ignore; son mari n'est pas de mes amis.

—Parlez-nous de ce mari.

—Oh! très volontiers! c'est un vilain homme...

—Monsieur Lorin, dit Geneviève, par pitié.... Lorin continua impassiblement:

—Qui a sacrifié sa pauvre femme que vous avez devant les yeux pour satisfaire, non pas même à ses opinions politiques, mais à ses haines personnelles. Pouah! je le mets presque aussi bas que Simon.

Dixmer devint livide. Simon voulut parler; mais, d'un geste, le président lui imposa silence.

—Vous paraissez connaître parfaitement cette histoire, citoyen Lorin, dit Fouquier; contez-nous-la.

—Pardon, citoyen Fouquier, dit Lorin en se levant, j'ai dit tout ce que j'en savais. Il salua et se rassit.

—Citoyen Lorin, continua l'accusateur, il est de ton devoir d'éclairer le tribunal.

—Qu'il s'éclaire avec ce que je viens de dire. Quant à cette pauvre femme, je le répète, elle n'a fait qu'obéir à la violence.... Eh! tenez, regardez-la seulement, est-elle taillée en conspiratrice? On l'a forcée de faire ce qu'elle a fait, voilà tout.

—Tu le crois?

—J'en suis sûr.

—Au nom de la loi, dit Fouquier, je requiers que le témoin Lorin soit traduit devant le tribunal comme prévenu de complicité avec cette femme.

Maurice poussa un gémissement. Geneviève cacha son visage dans ses deux mains. Simon s'écria, dans un transport de joie:

—Citoyen accusateur, tu viens de sauver la patrie!

Quant à Lorin, sans rien répondre, il enjamba la balustrade, pour venir s'asseoir près de Geneviève; il lui prit la main, et, la baisant respectueusement:

—Bonjour, citoyenne, dit-il avec un flegme qui électrisa l'assemblée. Comment vous portez-vous? Et il se rassit sur le banc des accusés.


LII

Suite du précédent

Toute cette scène avait passé comme une vision fantasmagorique devant Maurice, appuyé sur la poignée de son sabre, qui ne le quittait pas; il voyait tomber un à un ses amis dans le gouffre qui ne rend pas ses victimes, et cette image mortelle était pour lui si frappante, qu'il se demandait pourquoi lui, le compagnon de ces infortunés, se cramponnait encore au bord du précipice, et ne se laissait point aller au vertige qui l'entraînait avec eux.

En enjambant la balustrade, Lorin avait vu la figure sombre et railleuse de Dixmer.

Lorsqu'il se fut placé près d'elle, comme nous l'avons dit, Geneviève se pencha à son oreille.

—Oh! mon Dieu! dit-elle, savez-vous que Maurice est là?

—Où donc?

—Ne regardez pas tout de suite; votre regard pourrait le perdre.

—Soyez tranquille.

—Derrière nous, près de la porte. Quelle douleur pour lui si nous sommes condamnés!

Lorin regarda la jeune femme avec une tendre compassion.

—Nous le serons, dit-il, je vous conjure de ne pas en douter. La déception serait trop cruelle si vous aviez l'imprudence d'espérer.

—Oh! mon Dieu! dit Geneviève. Pauvre ami qui restera seul sur la terre!

Lorin se retourna alors vers Maurice, et Geneviève, n'y pouvant résister, jeta de son côté un regard rapide sur le jeune homme. Maurice avait les yeux fixés sur eux, et il appuyait une main sur son cœur.

—Il y a un moyen de vous sauver, dit Lorin.

—Sûr? demanda Geneviève, dont les yeux étincelèrent de joie.

—Oh! de celui-là, j'en réponds.

—Si vous me sauviez, Lorin, comme je vous bénirais!

—Mais ce moyen..., reprit le jeune homme. Geneviève lut son hésitation dans ses yeux.

—Vous l'avez donc vu, vous aussi? dit-elle.

—Oui, je l'ai vu. Voulez-vous être sauvée? Qu'il descende à son tour dans le fauteuil de fer, et vous l'êtes.

Dixmer devina sans doute, à l'expression du regard de Lorin, quelles étaient les paroles qu'il prononçait, car il pâlit d'abord; mais bientôt il reprit son calme sombre et son sourire infernal.

—C'est impossible, dit Geneviève; je ne pourrais plus le haïr.

—Dites qu'il connaît votre générosité et qu'il vous brave.

—Sans doute, car il est sûr de lui, de moi, de nous tous.

—Geneviève, Geneviève, je suis moins parfait que vous; laissez-moi l'entraîner et qu'il périsse.

—Non, Lorin, je vous en conjure, rien de commun avec cet homme, pas même la mort; il me semble que je serais infidèle à Maurice si je mourais avec Dixmer.

—Mais vous ne mourrez pas, vous.

—Le moyen de vivre quand il sera mort?

—Ah! dit Lorin, que Maurice a raison de vous aimer! Vous êtes un ange, et la patrie des anges est au ciel. Pauvre cher Maurice!

Cependant Simon, qui ne pouvait entendre ce que disaient les deux accusés, dévorait du regard leur physionomie à défaut de leurs paroles.

—Citoyen gendarme, dit-il, empêche donc les conspirateurs de continuer leurs complots contre la République jusque dans le tribunal révolutionnaire.

—Bon! reprit le gendarme; tu sais bien, citoyen Simon, qu'on ne conspire plus ici, ou que, si l'on conspire, ce n'est point pour longtemps. Ils causent, les citoyens, et, puisque la loi ne défend pas de causer dans la charrette, pourquoi défendrait-on de causer au tribunal?

Ce gendarme, c'était Gilbert, qui, ayant reconnu la prisonnière faite par lui dans le cachot de la reine, témoignait, avec sa probité ordinaire, l'intérêt qu'il ne pouvait s'empêcher d'accorder au courage et au dévouement.

Le président avait consulté ses assesseurs; sur l'invitation de Fouquier-Tinville, il commença les questions:

—Accusé Lorin, demanda-t-il, de quelle nature étaient vos relations avec la citoyenne Dixmer?

—De quelle nature, citoyen président?

—Oui.

L'amitié la plus pure unissait nos deux cœurs,
Elle m'aimait en frère et je l'aimais en sœur.

—Citoyen Lorin, dit Fouquier-Tinville, la rime est mauvaise.

—Comment cela? demanda Lorin.

—Sans doute, il y a une s de trop.

—Coupe, citoyen accusateur, coupe, c'est ton état.

Le visage impassible de Fouquier-Tinville pâlit légèrement à cette terrible plaisanterie.

—Et de quel œil, demanda le président, le citoyen Dixmer voyait-il la liaison d'un homme, qui se prétendait républicain, avec sa femme?

—Oh! quant à cela, je ne puis vous le dire, déclarant n'avoir jamais connu le citoyen Dixmer et en être parfaitement satisfait.

—Mais, reprit Fouquier-Tinville, tu ne dis pas que ton ami le citoyen Maurice Lindey était entre toi et l'accusée le nœud de cette amitié si pure?

—Si je ne le dis pas, répondit Lorin, c'est qu'il me semble que c'est mal de le dire, et je trouve même que vous auriez dû prendre exemple sur moi.

—Les citoyens jurés, dit Fouquier-Tinville, apprécieront cette singulière alliance de deux républicains avec une aristocrate, et dans le moment même où cette aristocrate est convaincue du plus noir complot qu'on ait tramé contre la nation.

—Comment aurais-je su ce complot dont tu parles, citoyen accusateur? demanda Lorin révolté plutôt qu'effrayé de la brutalité de l'argument.

—Vous connaissiez cette femme, vous étiez son ami, elle vous appelait son frère, vous l'appeliez votre sœur, et vous ne connaissiez pas ses démarches? Est-il donc possible, comme vous l'avez dit vous-même, demanda le président, qu'elle ait perpétré seule l'action qui lui est imputée?

—Elle ne l'a pas perpétrée seule, reprit Lorin en se servant des mots techniques employés par le président, puisqu'elle vous a dit, puisque je vous ai dit et puisque je vous répète que son mari l'y poussait.

—Alors, comment ne connais-tu pas le mari, dit Fouquier-Tinville, puisque le mari était uni avec la femme?

Lorin n'avait qu'à raconter la première disparition de Dixmer; Lorin n'avait qu'à dire les amours de Geneviève et de Maurice; Lorin n'avait enfin qu'à faire connaître la façon dont le mari avait enlevé et caché sa femme dans une retraite impénétrable, pour se disculper de toute connivence en dissipant toute obscurité.

Mais, pour cela, il fallait trahir le secret de ses deux amis; pour cela, il fallait faire rougir Geneviève devant cinq cents personnes; Lorin secoua la tête comme pour se dire non à lui-même.

—Eh bien, demanda le président, que répondrez-vous au citoyen accusateur?

—Que sa logique est écrasante, dit Lorin, et qu'il m'a convaincu d'une chose dont je ne me doutais même pas.

—Laquelle?

—C'est que je suis, à ce qu'il paraît, un des plus affreux conspirateurs qu'on ait encore vus.

Cette déclaration souleva une hilarité universelle. Les jurés eux-mêmes n'y purent tenir, tant ce jeune homme avait prononcé ces paroles avec l'intonation qui leur convenait.

Fouquier sentit toute la raillerie; et comme, dans son infatigable persévérance, il en était arrivé à connaître tous les secrets des accusés aussi bien que les accusés eux-mêmes, il ne put se défendre envers Lorin d'un sentiment d'admiration compatissante.

—Voyons, dit-il, citoyen Lorin, parle, défends-toi. Le tribunal t'écoutera; car il connaît ton passé, et ton passé est celui d'un brave républicain.

Simon voulut parler; le président lui fit signe de se taire.

—Parle, citoyen Lorin, dit-il, nous t'écoutons. Lorin secoua de nouveau la tête.

—Ce silence est un aveu, reprit le président.

—Non pas, dit Lorin; ce silence est du silence, voilà tout.

—Encore une fois, dit Fouquier-Tinville, veux-tu parler? Lorin se retourna vers l'auditoire, pour interroger des yeux Maurice sur ce qu'il avait à faire. Maurice ne fit point signe à Lorin de parler, et Lorin se tut. C'était se condamner soi-même. Ce qui suivit fut d'une exécution rapide.

Fouquier résuma son accusation; le président résuma les débats; les jurés allèrent aux voix et rapportèrent un verdict de culpabilité contre Lorin et Geneviève.

Le président les condamna tous les deux à la peine de mort.

Deux heures sonnaient à la grande horloge du Palais.

Le président mit juste autant de temps pour prononcer la condamnation que l'horloge à sonner.

Maurice écouta ces deux bruits confondus l'un dans l'autre. Quand la double vibration de la voix et du timbre fut éteinte, ses forces étaient épuisées.

Les gendarmes emmenèrent Geneviève et Lorin, qui lui avait offert son bras.

Tous deux saluèrent Maurice d'une façon bien différente: Lorin souriait; Geneviève, pâle et défaillante, lui envoya un dernier baiser sur ses doigts trempés de larmes.

Elle avait conservé l'espoir de vivre jusqu'au dernier moment, et elle pleurait non pas sa vie, mais son amour, qui allait s'éteindre avec sa vie.

Maurice, à moitié fou, ne répondit point à cet adieu de ses amis; il se releva pâle, égaré, du banc sur lequel il s'était affaissé. Ses amis avaient disparu.

Il sentit qu'une seule chose vivait encore en lui: c'était la haine qui lui mordait le cœur.

Il jeta un dernier regard autour de lui et reconnut Dixmer, qui s'en allait avec d'autres spectateurs et qui se baissait pour passer sous la porte cintrée du couloir.

Avec la rapidité du ressort qui se détend, Maurice bondit de banquettes en banquettes et parvint à la même porte.

Dixmer l'avait déjà franchie: il descendait dans l'obscurité du corridor.

Maurice descendit derrière lui.

Au moment où Dixmer toucha du pied les dalles de la grande salle, Maurice toucha l'épaule de Dixmer de la main.


LIII

Le duel

À cette époque, c'était toujours une chose grave que de se sentir toucher à l'épaule.

Dixmer se retourna et reconnut Maurice.

—Ah! bonjour, citoyen républicain, fit Dixmer sans témoigner d'autre émotion qu'un tressaillement imperceptible qu'il réprima aussitôt.

—Bonjour, citoyen lâche, répondit Maurice; vous m'attendiez, n'est-ce pas?

—C'est-à-dire que je ne vous attendais plus, au contraire, répondit Dixmer.

—Pourquoi cela?

—Parce que je vous attendais plus tôt.

—J'arrive encore trop tôt pour toi, assassin! ajouta Maurice, avec une voix ou plutôt avec un murmure effrayant, car il était le grondement de l'orage amassé dans son cœur, comme son regard en était l'éclair.

—Vous me jetez du feu par les yeux, citoyen, reprit Dixmer. On va nous reconnaître et nous suivre.

—Oui, et tu crains d'être arrêté, n'est-ce pas? Tu crains d'être conduit à cet échafaud où tu envoies les autres? Qu'on nous arrête, tant mieux, car il me semble qu'il manque aujourd'hui un coupable à la justice nationale.

—Comme il manque un nom sur la liste des gens d'honneur, n'est-ce pas? depuis que votre nom en a disparu.

—C'est bien! nous reparlerons de tout cela, j'espère; mais, en attendant, vous vous êtes vengé, et misérablement vengé, sur une femme. Pourquoi, puisque vous m'attendiez quelque part, ne m'attendiez-vous pas chez moi le jour où vous m'avez volé Geneviève?

—Je croyais que le premier voleur, c'était vous.

—Allons, pas d'esprit, monsieur, je ne vous ai jamais connu; pas de mots, je vous sais plus fort sur l'action que sur la parole, témoin le jour où vous avez voulu m'assassiner: ce jour-là, le naturel parlait.

—Et je me suis fait plus d'une fois le reproche de ne l'avoir point écouté, répondit tranquillement Dixmer.

—Eh bien, dit Maurice en frappant sur son sabre, je vous offre une revanche.

—Demain, si vous voulez, pas aujourd'hui.

—Pourquoi demain?

—Ou ce soir.

—Pourquoi pas tout de suite?

—Parce que j'ai affaire jusqu'à cinq heures.

—Encore quelque hideux projet, dit Maurice; encore quelque guet-apens.

—Ah çà! monsieur Maurice, reprit Dixmer, vous êtes bien peu reconnaissant, en vérité. Comment! pendant six mois, je vous ai laissé filer le parfait amour avec ma femme; pendant six mois, j'ai respecté vos rendez-vous, laissé passer vos sourires. Jamais homme, convenez-en, n'a été si peu tigre que moi.

—C'est-à-dire que tu croyais que je pouvais t'être utile, et que tu me ménageais.

—Sans doute! répondit avec calme Dixmer, qui se dominait autant que s'emportait Maurice. Sans doute! tandis que vous trahissiez votre république et que vous me la vendiez pour un regard de ma femme; pendant que vous vous déshonoriez, vous par votre trahison, elle par son adultère, j'étais, moi, le sage et le héros. J'attendais et je triomphais.

—Horreur! dit Maurice.

—Oui! n'est-ce pas? vous appréciez votre conduite, monsieur. Elle est horrible! elle est infâme!

—Vous vous trompez, monsieur; la conduite que j'appelle horrible et infâme, c'est celle de l'homme à qui l'honneur d'une femme avait été confié, qui avait juré de garder cet honneur pur et intact, et qui, au lieu de tenir son serment, a fait de sa beauté l'amorce honteuse où il a pris le faible cœur. Vous aviez, avant toute chose, pour devoir sacré de protéger cette femme, monsieur, et, au lieu de la protéger, vous l'avez vendue.

—Ce que j'avais à faire, monsieur, répondit Dixmer, je vais vous le dire; j'avais à sauver mon ami, qui soutenait avec moi une cause sacrée. De même que j'ai sacrifié mes biens à cette cause, je lui ai sacrifié mon honneur. Quant à moi, je me suis complètement oublié, complètement effacé. Je n'ai songé à moi qu'en dernier lieu. Maintenant, plus d'ami: mon ami est mort poignardé; maintenant, plus de reine: ma reine est morte sur l'échafaud; maintenant, eh bien, maintenant, je songe à ma vengeance.

—Dites à votre assassinat.

—On n'assassine pas une adultère en la frappant, on la punit.

—Cet adultère, vous le lui avez imposé, donc il était légitime.

—Vous croyez? fit Dixmer avec un sombre sourire. Demandez à ses remords si elle croit avoir agi légitimement.

—Celui qui punit frappe au jour; toi, tu ne punis pas, puisqu'en jetant sa tête à la guillotine, tu te caches.

—Moi, je fuis! moi, je me cache! et où vois-tu cela, pauvre cervelle que tu es? demanda Dixmer. Est-ce se cacher que d'assister à sa condamnation? Est-ce fuir que d'aller jusque dans la salle des Morts lui jeter son dernier adieu?

—Tu vas la revoir? s'écria Maurice, tu vas lui dire adieu?

—Allons, répondit Dixmer en haussant les épaules, décidément tu n'es pas expert en vengeance, citoyen Maurice. Ainsi, à ma place, tu serais satisfait en abandonnant les événements à leur seule force, les circonstances à leur seul entraînement; ainsi, par exemple, la femme adultère ayant mérité la mort, du moment où je la punis de mort, je suis quitte envers elle, ou plutôt elle est quitte envers moi. Non, citoyen Maurice, j'ai trouvé mieux que cela, moi: j'ai trouvé un moyen de rendre à cette femme tout le mal qu'elle m'a fait. Elle t'aime, elle va mourir loin de toi; elle me déteste, elle va me revoir. Tiens, ajouta-t-il en tirant un portefeuille de sa poche, vois-tu ce portefeuille? Il renferme une carte signée du greffier du Palais. Avec cette carte, je puis pénétrer près des condamnés; eh bien, je pénétrerai près de Geneviève et je l'appellerai adultère; je verrai tomber ses cheveux sous la main du bourreau, et, tandis que ses cheveux tomberont, elle entendra ma voix qui répétera: «Adultère!» Je l'accompagnerai jusqu'à la charrette, et, quand elle posera le pied sur l'échafaud, le dernier mot qu'elle entendra sera le mot adultère.

Prends garde! elle n'aura pas la force de supporter tant de lâchetés, et elle te dénoncera.

—Non! dit Dixmer, elle me hait trop pour cela; si elle avait dû me dénoncer, elle m'eût dénoncé quand ton ami lui en donnait le conseil tout bas: puisqu'elle ne m'a pas dénoncé pour sauver sa vie, elle ne me dénoncera point pour mourir avec moi; car elle sait bien que, si elle me dénonçait, je ferais retarder son supplice d'un jour; elle sait bien que, si elle me dénonçait, j'irais avec elle, non seulement jusqu'au bas des degrés du Palais, mais encore jusqu'à l'échafaud; car elle sait bien qu'au lieu de l'abandonner au pied de l'escabeau, je monterais avec elle dans la charrette; car elle sait bien que, tout le long du chemin, je lui répéterais ce mot terrible: adultère; que, sur l'échafaud, je le lui répéterais toujours, et qu'au moment où elle tomberait dans l'éternité, l'accusation y tomberait avec elle.

Dixmer était effrayant de colère et de haine; sa main avait saisi la main de Maurice; il la secouait avec une force inconnue au jeune homme, sur lequel un effet contraire s'opérait. À mesure que s'exaltait Dixmer, Maurice se calmait.

—Écoute, dit le jeune homme, à cette vengeance il manque une chose.

—Laquelle?

—C'est que tu puisses lui dire: «En sortant du tribunal, j'ai rencontré ton amant et je l'ai tué.»

—Au contraire, j'aime mieux lui dire que tu vis, et que, tout le reste de ta vie, tu souffriras du spectacle de sa mort.

—Tu me tueras cependant, dit Maurice; ou, ajouta-t-il en regardant autour de lui et en se voyant à peu près maître de la position, c'est moi qui te tuerai.

Et, pâle d'émotion, exalté par la colère, sentant sa force doublée de la contrainte qu'il s'était imposée pour entendre Dixmer dérouler jusqu'au bout son terrible projet, il le saisit à la gorge et l'attira à lui tout en marchant à reculons vers un escalier qui conduisait à la berge de la rivière.

Au contact de cette main, Dixmer à son tour sentit la haine monter en lui comme une lave.

—C'est bien, dit-il, tu n'as pas besoin de me traîner de force, j'irai.

—Viens donc, tu es armé.

—Je te suis.

—Non, précède-moi; mais, je t'en préviens, au moindre signe, au moindre geste, je te fends la tête d'un coup de sabre.

—Oh! tu sais bien que je n'ai pas peur, dit Dixmer avec ce sourire que la pâleur de ses lèvres rendait si effrayant.

—Peur de mon sabre, non, murmura Maurice, mais peur de perdre ta vengeance. Et cependant, ajouta-t-il, maintenant que nous voilà face à face, tu peux lui dire adieu.

En effet, ils étaient arrivés au bord de l'eau, et, si le regard pouvait encore les suivre où ils étaient, nul ne pouvait arriver assez à temps pour empêcher le duel d'avoir lieu.

D'ailleurs, une égale colère dévorait les deux hommes.

Tout en parlant ainsi, ils étaient descendus par le petit escalier qui donne sur la place du Palais, et ils avaient gagné le quai à peu près désert; car, comme les condamnations continuaient, attendu qu'il était deux heures à peine, la foule encombrait encore le prétoire, les corridors et les cours, et Dixmer paraissait avoir aussi soif du sang de Maurice que Maurice avait soif du sang de Dixmer.

Ils s'enfoncèrent alors sous une de ces voûtes qui conduisent des cachots de la Conciergerie à la rivière, égouts infects aujourd'hui, et qui jadis, sanglants, charrièrent plus d'une fois les cadavres loin des oubliettes.

Maurice se plaça entre l'eau et Dixmer.

—Je crois, décidément, que c'est moi qui te tuerai, Maurice, dit Dixmer; tu trembles trop.

—Et moi, Dixmer, dit Maurice en mettant le sabre à la main et en lui fermant avec soin toute retraite, je crois, au contraire, que c'est moi qui te tuerai, et qui, après t'avoir tué, prendrai dans ton portefeuille le laissez-passer du greffe du Palais. Oh! tu as beau boutonner ton habit, va; mon sabre l'ouvrira, je t'en réponds, fût-il d'airain comme les cuirasses antiques.

—Ce papier, hurla Dixmer, tu le prendras?

—Oui, dit Maurice, c'est moi qui m'en servirai, de ce papier; c'est moi qui, avec ce papier, entrerai près de Geneviève; c'est moi qui m'assiérai près d'elle sur la charrette; c'est moi qui murmurerai à son oreille tant qu'elle vivra: Je t'aime; et, quand tombera sa tête: Je t'aimais.

Dixmer fit un mouvement de la main gauche pour saisir le papier de sa main droite, et le lancer avec le portefeuille dans la rivière. Mais, rapide comme la foudre, tranchant comme une hache, le sabre de Maurice s'abattit sur cette main et la sépara presque entièrement du poignet.

Le blessé jeta un cri, tout en secouant sa main mutilée, et tomba en garde.

Alors commença sous cette voûte perdue et ténébreuse un combat terrible; les deux hommes, renfermés dans un espace si étroit, que les coups, pour ainsi dire, ne pouvaient s'écarter de la ligne du corps, glissaient sur la dalle humide et se retenaient difficilement aux parois de l'égout; les attaques se multipliaient en raison de l'impatience des combattants.

Dixmer sentait son sang couler et comprenait que ses forces allaient s'en aller avec son sang; il chargea Maurice avec une telle violence, que celui-ci fut obligé de faire un pas en arrière. En rompant, son pied gauche glissa, et la pointe du sabre de son ennemi entama sa poitrine. Mais, par un mouvement rapide comme la pensée, tout agenouillé qu'il était, il releva la lame avec sa main gauche, et tendit la pointe à Dixmer, qui, lancé par sa colère, lancé par son mouvement sur un sol incliné, vint tomber sur son sabre et s'enferra lui-même.

On entendit une imprécation terrible; puis les deux corps roulèrent jusque hors de la voûte.

Un seul se releva; c'était Maurice, Maurice couvert de sang, mais du sang de son ennemi.

Il retira son sabre à lui, et, à mesure qu'il le retirait, il semblait avec la lame aspirer le reste de vie qui agitait encore d'un frissonnement nerveux les membres de Dixmer.

Puis, lorsqu'il se fut bien assuré que celui-ci était mort, il se pencha sur le cadavre, ouvrit l'habit du mort, prit le portefeuille et s'éloigna rapidement.

En jetant les yeux sur lui, il vit qu'il ne ferait pas quatre pas dans la rue sans être arrêté: il était couvert de sang.

Il s'approcha du bord de l'eau, se pencha vers le fleuve et y lava ses mains et son habit.

Puis il remonta rapidement l'escalier en jetant un dernier regard vers la voûte.

Un filet rouge et fumant en sortait et s'avançait ruisselant vers la rivière.

Arrivé près du Palais, il ouvrit le portefeuille et y trouva le laissez-passer signé du greffier du Palais.

—Merci, Dieu juste! murmura-t-il. Et il monta rapidement les degrés qui conduisaient à la salle des Morts. Trois heures sonnaient.


LIV

La salle des morts

On se rappelle que le greffier du Palais avait ouvert à Dixmer ses registres d'écrou, et entretenu avec lui des relations que la présence de madame la greffière rendait fort agréables.

Cet homme, comme on le pense bien, entra dans des terreurs effroyables lorsque vint la révélation du complot de Dixmer.

En effet, il ne s'agissait pas moins pour lui que de paraître complice de son faux collègue, et d'être condamné à mort avec Geneviève.

Fouquier-Tinville l'avait appelé devant lui.

On comprend quel mal s'était donné le pauvre homme pour établir son innocence aux yeux de l'accusateur public; il y avait réussi, grâce aux aveux de Geneviève, qui établissaient son ignorance des projets de son mari. Il y avait réussi, grâce à la fuite de Dixmer; il y avait réussi surtout, grâce à l'intérêt de Fouquier-Tinville, qui voulait conserver son administration pure de toute tache.

—Citoyen, avait dit le greffier en se jetant à ses genoux, pardonne-moi, je me suis laissé tromper.

—Citoyen, avait répondu l'accusateur public, un employé de la nation qui se laisse tromper dans des temps comme ceux-ci mérite d'être guillotiné.

—Mais on peut être bête, citoyen, reprit le greffier, qui mourait d'envie d'appeler Fouquier-Tinville monseigneur.

—Bête ou non, reprit le rigide accusateur, nul ne doit se laisser endormir dans son amour pour la République. Les oies du Capitole aussi étaient des bêtes, et cependant elles se sont réveillées pour sauver Rome.

Le greffier n'avait rien à répliquer à un pareil argument; il poussa un gémissement et attendit.

—Je te pardonne, dit Fouquier. Je te défendrai même, car je ne veux pas qu'un de mes employés soit même soupçonné; mais souviens-toi qu'au moindre mot qui reviendra à mes oreilles, au moindre souvenir de cette affaire, tu y passeras.

Il n'est pas besoin de dire avec quel empressement et quelle sollicitude le greffier s'en alla trouver les journaux, toujours empressés de dire ce qu'ils savent, et quelquefois ce qu'ils ne savent pas, dussent-ils faire tomber la tête de dix hommes.

Il chercha partout Dixmer pour lui recommander le silence; mais Dixmer avait tout naturellement changé de domicile et il ne put le retrouver.

Geneviève fut amenée sur le fauteuil des accusés; mais elle avait déjà déclaré, dans l'instruction, que ni elle ni son mari n'avaient aucun complice.

Aussi, comme il remercia des yeux la pauvre femme quand il la vit passer devant lui pour se rendre au tribunal!

Seulement, comme elle venait de passer, et qu'il était rentré un instant dans le greffe pour y prendre un dossier que réclamait le citoyen Fouquier-Tinville, il vit tout à coup apparaître Dixmer, qui s'avança vers lui d'un pas calme et tranquille.

Cette vision le pétrifia.

—Oh! fit-il, comme s'il eût aperçu un spectre.

—Est-ce que tu ne me reconnais pas? demanda le nouvel arrivant.

—Si fait. Tu es le citoyen Durand, ou plutôt le citoyen Dixmer.

—C'est cela.

—Mais tu es mort, citoyen?

—Pas encore, comme tu vois.

—Je veux dire qu'on va t'arrêter.

—Qui veux-tu qui m'arrête? Personne ne me connaît.

—Mais je te connais, moi, et je n'ai qu'un mot à dire pour te faire guillotiner.

—Et moi, je n'ai qu'à en dire deux pour qu'on te guillotine avec moi.

—C'est abominable, ce que tu dis là!

—Non, c'est logique.

—Mais de quoi s'agit-il? Voyons, parle! dépêche-toi, car, moins longtemps nous causerons ensemble, moins nous courrons de danger l'un et l'autre.

—Voici. Ma femme va être condamnée, n'est-ce pas?

—J'en ai grand'peur! pauvre femme!

—Eh bien, je désire la voir une dernière fois pour lui dire adieu.

—Où cela?

—Dans la salle des Morts!

—Tu oseras entrer là?

—Pourquoi pas?

—Oh! fit le greffier comme un homme à qui cette seule pensée fait venir la chair de poule.

—Il doit y avoir un moyen? continua Dixmer.

—D'entrer dans la salle des Morts? Oui, sans doute.

—Lequel?

—C'est de se procurer une carte.

—Et où se procure-t-on ces cartes? Le greffier pâlit affreusement et balbutia:

—Ces cartes, où on se les procure, vous demandez?

—Je demande où on se les procure, répondit Dixmer; la question est claire, je pense.

—On se les procure... ici.

—Ah! vraiment; et qui les signe d'habitude?

—Le greffier.

—Mais le greffier, c'est toi.

—Sans doute, c'est moi.

—Tiens, comme cela tombe! reprit Dixmer en s'asseyant; tu vas me signer une carte. Le greffier fit un bond.

—Tu me demandes ma tête, citoyen, dit-il.

—Eh! non! je te demande une carte, voilà tout.

—Je vais te faire arrêter, malheureux! dit le greffier rappelant toute son énergie.

—Fais, dit Dixmer; mais, à l'instant même, je te dénonce comme mon complice, et, au lieu de me laisser aller tout seul dans la fameuse salle, tu m'y accompagneras.

Le greffier pâlit.

—Ah! scélérat! dit-il.

—Il n'y a pas de scélérat là dedans, reprit Dixmer; j'ai besoin de parler à ma femme, et je te demande une carte pour arriver jusqu'à elle.

—Voyons, est-ce donc si nécessaire que tu lui parles?

—Il paraît, puisque je risque ma tête pour y parvenir.

La raison parut plausible au greffier. Dixmer vit qu'il était ébranlé.

—Allons, dit-il, rassure-toi, on n'en saura rien. Que diable! il doit se présenter parfois des cas pareils à celui où je me trouve.

—C'est rare. Il n'y a pas grande concurrence.

—Eh bien, voyons, arrangeons cela autrement.

—Si c'est possible, je ne demande pas mieux.

—C'est on ne peut plus possible. Entre par la porte des condamnés; par cette porte-là, il ne faut pas de carte. Et puis, quand tu auras parlé à ta femme, tu m'appelleras et je te ferai sortir.

—Pas mal! fit Dixmer; malheureusement, il y a une histoire qui court la ville.

—Laquelle?

—L'histoire d'un pauvre bossu qui s'est trompé de porte, et qui, croyant entrer aux archives, est entré dans la salle dont nous parlons. Seulement, comme il y était entré par la porte des condamnés, au lieu d'y entrer par la grande porte; comme il n'avait pas de carte pour faire reconnaître son identité, une fois entré, on n'a pas voulu le laisser sortir. On lui a soutenu que, puisqu'il était entré par la porte des autres condamnés, il était condamné comme les autres. Il a eu beau protester, jurer, appeler, personne ne l'a cru, personne n'est venu à son aide, personne ne l'a fait sortir. De sorte que, malgré ses protestations, ses serments, ses cris, l'exécuteur lui a d'abord coupé les cheveux, et ensuite le cou. L'anecdote est-elle vraie, citoyen greffier? Tu dois le savoir mieux que personne.

—Hélas! oui, elle est vraie! dit le greffier tout tremblant.

—Eh bien, tu vois donc qu'avec de pareils antécédents, je serais un fou d'entrer dans un pareil coupe-gorge.

—Mais puisque je serai là, je te dis!

—Et si l'on t'appelle, si tu es occupé ailleurs, si tu oublies? Dixmer appuya impitoyablement sur le dernier mot:

—Si tu oublies que je suis là?

—Mais puisque je te promets...

—Non; d'ailleurs, cela te compromettrait: on te verrait me parler; et puis, enfin, cela ne me convient pas. Ainsi j'aime mieux une carte.

—Impossible.

—Alors, cher ami, je parlerai, et nous irons faire un tour ensemble à la place de la Révolution.

Le greffier, ivre, étourdi, à demi mort, signa un laissez-passer pour un citoyen.

Dixmer se jeta dessus et sortit précipitamment pour aller prendre, dans le prétoire, la place où nous l'avons vu.

On sait le reste.

De ce moment, le greffier, pour éviter toute accusation de connivence, alla s'asseoir près de Fouquier-Tinville, laissant la direction de son greffe à son premier commis.

À trois heures dix minutes, Maurice, muni de la carte, traversa une haie de guichetiers et de gendarmes, et arriva sans encombre à la porte fatale.

Quand nous disons fatale, nous exagérons, car il y avait deux portes. La grande porte, par laquelle entraient et sortaient les porteurs de carte; et la porte des condamnés, par laquelle entraient ceux qui ne devaient sortir que pour marcher à l'échafaud.

La pièce dans laquelle venait de pénétrer Maurice était séparée en deux compartiments.

Dans l'un de ces compartiments siégeaient les employés chargés d'enregistrer les noms des arrivants; dans l'autre, meublée seulement de quelques bancs de bois, on déposait à la fois ceux qui venaient d'être arrêtés et ceux qui venaient d'être condamnés; ce qui était à peu près la même chose.

La salle était sombre, éclairée seulement par les vitres d'une cloison prise sur le greffe.

Une femme vêtue de blanc et à demi évanouie gisait dans un coin, adossée au mur.

Un homme était debout devant elle, les bras croisés, secouant de temps en temps la tête et hésitant à lui parler, de peur de lui rendre le sentiment qu'elle paraissait avoir perdu.

Autour de ces deux personnages, on voyait remuer confusément les condamnés, qui sanglotaient ou chantaient des hymnes patriotiques.

D'autres se promenaient à grands pas, comme pour fuir hors de la pensée qui les dévorait.

C'était bien l'antichambre de la mort, et l'ameublement la rendait digne de ce nom.

On voyait des bières, remplies de paille, s'entr'ouvrir comme pour appeler les vivants: c'étaient des lits de repos, des tombeaux provisoires.

Une grande armoire s'élevait dans la paroi opposée au vitrage.

Un prisonnier l'ouvrit par curiosité et recula d'horreur.

Cette armoire renfermait les habits sanglants des suppliciés de la veille, et de longues tresses de cheveux pendaient çà et là: c'étaient les pourboires du bourreau, qui les vendait aux parents, lorsque l'autorité ne lui enjoignait pas de brûler ces chères reliques.

Maurice, palpitant, hors de lui, eut à peine ouvert la porte, qu'il vit tout le tableau d'un coup d'œil.

Il fit trois pas dans la salle et vint tomber aux pieds de Geneviève.

La pauvre femme poussa un cri que Maurice étouffa sur ses lèvres.

Lorin serrait, en pleurant, son ami dans ses bras; c'étaient les premières larmes qu'il eût versées.

Chose étrange! tous ces malheureux assemblés, qui devaient mourir ensemble, regardaient à peine le touchant tableau que leur offraient ces malheureux, leurs semblables.

Chacun avait trop de ses propres émotions pour prendre une part des émotions des autres.

Les trois amis demeurèrent un moment unis dans une étreinte muette, ardente et presque joyeuse.

Lorin se détacha le premier du groupe douloureux.

—Tu es donc condamné aussi? dit-il à Maurice.

—Oui, répondit celui-ci.

—Oh! bonheur! murmura Geneviève. La joie des gens qui n'ont qu'une heure à vivre ne peut pas même durer autant que leur vie. Maurice, après avoir contemplé Geneviève avec cet amour ardent et profond qu'il avait dans le cœur, après l'avoir remerciée de cette parole à la fois si égoïste et si tendre qui venait de lui échapper, se tourna vers Lorin:

—Maintenant, dit-il tout en enfermant dans sa main les deux mains de Geneviève, causons.

—Ah! oui, causons, répondit Lorin; mais s'il nous en reste le temps, c'est bien juste. Que veux-tu me dire? Voyons.

—Tu as été arrêté à cause de moi, condamné à cause d'elle, n'ayant rien commis contre les lois; comme Geneviève et moi nous payons notre dette, il ne convient pas qu'on te fasse payer en même temps que nous.

—Je ne comprends pas.

—Lorin, tu es libre.

—Libre, moi? Tu es fou! dit Lorin.

—Non, je ne suis pas fou; je te répète que tu es libre, tiens, voici un laissez-passer. On te demandera qui tu es; tu es employé au greffe des Carmes; tu es venu parler au citoyen greffier du Palais; tu lui as, par curiosité, demandé un laissez-passer pour voir les condamnés; tu les as vus, tu es satisfait et tu t'en vas.

—C'est une plaisanterie, n'est-ce pas?

—Non pas, mon cher ami, voici la carte, profite de l'avantage. Tu n'es pas amoureux, toi; tu n'as pas besoin de mourir pour passer quelques minutes de plus avec la bien-aimée de ton cœur, et ne pas perdre une seconde de ton éternité.

—Eh bien! Maurice, dit Lorin, si l'on peut sortir d'ici, ce que je n'eusse jamais cru, je te jure, pourquoi ne fais-tu pas sauver madame d'abord? Quant à toi, nous aviserons.

—Impossible, dit Maurice avec un affreux serrement de cœur; tiens, tu vois, il y a sur la carte un citoyen, et non une citoyenne; et, d'ailleurs, Geneviève ne voudrait pas sortir en me laissant ici, vivre en sachant que je vais mourir.

—Eh bien, mais si elle ne le veut pas, pourquoi le voudrais-je, moi? Tu crois donc que j'ai moins de courage qu'une femme?

—Non, mon ami, je sais, au contraire, que tu es le plus brave des hommes; mais rien au monde ne saurait excuser ton entêtement en pareil cas. Allons, Lorin, profite du moment et donne-nous cette joie suprême de te savoir libre et heureux!

—Heureux! s'écria Lorin, est-ce que tu plaisantes? heureux sans vous?... Eh! que diable veux-tu que je fasse en ce monde, sans vous, à Paris, hors de mes habitudes? Ne plus vous voir, ne plus vous ennuyer de mes bouts-rimés? Ah! pardieu, non!

—Lorin, mon ami!...

—Justement, c'est parce que je suis ton ami que j'insiste; avec la perspective de vous retrouver tous deux, si j'étais prisonnier comme je le suis, je renverserais des murailles; mais, pour me sauver d'ici tout seul, pour m'en aller dans les rues le front courbé avec quelque chose comme un remords qui criera incessamment à mon oreille: «Maurice! Geneviève!»; pour passer dans certains quartiers et devant certaines maisons où j'ai vu vos personnes et où je ne verrai plus que vos ombres; pour en arriver enfin à exécrer ce cher Paris que j'aimais tant, ah! ma foi non, et je trouve qu'on a eu raison de proscrire les rois, ne fût-ce qu'à cause du roi Dagobert.

—Et en quoi le roi Dagobert a-t-il rapport à ce qui se passe entre nous?

—En quoi? Cet affreux tyran ne disait-il pas au grand Éloi: «Il n'est si bonne compagnie qu'il ne faille quitter?» Eh bien, moi je suis un républicain! et je dis: Rien ne doit nous faire quitter la bonne compagnie, même la guillotine; je me sens bien ici, et j'y reste.

—Pauvre ami! pauvre ami! dit Maurice.

Geneviève ne disait rien, mais elle le regardait avec des yeux baignés de larmes.

—Tu regrettes la vie, toi! dit Lorin.

—Oui, à cause d'elle!

—Et moi, je ne la regrette à cause de rien; pas même à cause de la déesse Raison, laquelle—j'ai oublié de te faire part de cette circonstance—a eu dernièrement les torts les plus graves envers moi, ce qui ne lui donnera pas même la peine de se consoler comme l'autre Arthémise, l'ancienne; je m'en irai donc très calme et très facétieux; j'amuserai tous ces gredins qui courent après la charrette; je dirai un joli quatrain à M. Sanson, et bonsoir la compagnie... c'est-à-dire... attends donc.

Lorin s'interrompit.

—Ah! si fait, si fait, dit-il, si fait, je veux sortir; je savais bien que je n'aimais personne; mais j'oubliais que je haïssais quelqu'un; ta montre, Maurice, ta montre!

—Trois heures et demie.

—J'ai le temps, mordieu! j'ai le temps.

—Certainement, s'écria Maurice; il reste neuf accusés aujourd'hui, cela ne finira pas avant cinq heures; nous avons donc près de deux heures devant nous.

—C'est tout ce qu'il me faut; donne-moi ta carte et prête-moi vingt sous.

—Oh! mon Dieu! qu'allez-vous faire? murmura Geneviève.

Maurice lui serra la main; l'important pour lui, c'était que Lorin sortît.

—J'ai mon idée, dit Lorin.

Maurice tira sa bourse de sa poche et la mit dans la main de son ami.

—Maintenant, la carte, pour l'amour de Dieu! Je veux dire pour l'amour de l'Être éternel. Maurice lui remit la carte.

Lorin baisa la main de Geneviève, et, profitant du moment où l'on amenait dans le greffe une fournée de condamnés, il enjamba les bancs de bois et se présenta à la grande porte.

—Eh! dit un gendarme, en voilà un qui se sauve, il me semble. Lorin se redressa et présenta sa carte.

—Tiens, dit-il, citoyen gendarme, apprends à mieux connaître les gens.

Le gendarme reconnut la signature du greffier; mais il appartenait à cette catégorie de fonctionnaires qui manquent généralement de confiance, et, comme, juste en ce moment, le greffier descendait du tribunal avec un frisson qui ne l'avait point quitté depuis qu'il avait si imprudemment hasardé sa signature:

—Citoyen greffier, dit-il, voici un papier à l'aide duquel un particulier veut sortir de la salle des Morts; est-il bon, le papier?

Le greffier blêmit de frayeur, et, convaincu, s'il regardait, qu'il allait apercevoir la terrible figure de Dixmer, il se hâta de répondre en s'emparant de la carte:

—Oui, oui, c'est bien ma signature.

—Alors, dit Lorin, si c'est ta signature, rends-la-moi.

—Non pas, dit le greffier en la déchirant en mille morceaux, non pas! ces sortes de cartes ne peuvent servir qu'une fois.

Lorin resta un moment irrésolu.

—Ah! tant pis, dit-il; mais, avant tout, il faut que je le tue. Et il s'élança hors du greffe.

Maurice avait suivi Lorin avec une émotion facile à comprendre; dès que Lorin eut disparu:

—Il est sauvé! dit-il à Geneviève avec une exaltation qui ressemblait à la joie; on a déchiré sa carte, il ne pourra plus rentrer; puis, d'ailleurs, pût-il rentrer, la séance du tribunal va finir: à cinq heures, il reviendra, nous serons morts.

Geneviève poussa un soupir et frissonna.

—Oh! presse-moi dans tes bras, dit-elle, et ne nous quittons plus.... Pourquoi n'est-il pas possible, mon Dieu! qu'un même coup nous frappe, pour que nous exhalions ensemble notre dernier soupir!

Alors ils se retirèrent au plus profond de la salle obscure, Geneviève s'assit tout près de Maurice et lui passa ses deux bras autour du cou; ainsi enlacés respirant le même souffle, éteignant d'avance en eux-mêmes le bruit et la pensée, ils s'engourdirent, à force d'amour, aux approches de la mort.

Une demi-heure se passa.


LV

Pourquoi Lorin était sorti

Tout à coup un grand bruit se fit entendre, les gendarmes débouchèrent de la porte basse; derrière eux venaient Sanson et ses aides, qui portaient des paquets de cordes.

—Oh! mon ami, mon ami! dit Geneviève, voilà le moment fatal, je me sens défaillir.

—Et vous avez tort, dit la voix éclatante de Lorin:

Vous avez tort, en vérité,
Car la mort, c'est la liberté!

—Lorin! s'écria Maurice au désespoir.

—Ils ne sont pas bons, n'est-ce pas? Je suis de ton avis; depuis hier, je n'en fais que de pitoyables...

—Ah! il s'agit bien de cela. Tu es revenu, malheureux!... tu es revenu!...

—C'étaient nos conventions, je pense? Écoute, car, aussi bien, ce que j'ai à dire t'intéresse ainsi que madame.

—Mon Dieu! mon Dieu!

—Laisse-moi donc parler, ou je n'aurai pas le temps de conter la chose. Je voulais sortir pour acheter un couteau rue de la Barillerie.

—Que voulais-tu faire d'un couteau?

—J'en voulais tuer ce bon M. Dixmer. Geneviève frissonna.

—Ah! fit Maurice, je comprends.

—Je l'ai acheté. Voici ce que je me disais, et tu vas comprendre combien ton ami a l'esprit logique. Je commence à croire que j'aurais dû me faire mathématicien au lieu de me faire poète. Malheureusement il est trop tard maintenant. Voici donc ce que je me disais; suis mon raisonnement: «M. Dixmer a compromis sa femme; M. Dixmer est venu la voir juger; M. Dixmer ne se privera pas du plaisir de la voir passer en charrette, surtout nous l'accompagnant. Je vais donc le trouver au premier rang des spectateurs: je me glisserai près de lui; je lui dirai: «Bonjour, monsieur Dixmer», et je lui planterai mon couteau dans le flanc.

—Lorin! s'écria Geneviève.

—Rassurez-vous, chère amie, la Providence y avait mis bon ordre. Imaginez-vous que les spectateurs, au lieu de se tenir en face du Palais, comme c'est leur habitude, avaient fait demi-tour à droite et bordaient le quai. Tiens, me dis-je, c'est sans doute un chien qui se noie, pourquoi Dixmer ne serait-il pas là. Un chien qui se noie ça fait toujours passer le temps. Je m'approche du parapet, et je vois tout le long de la berge un tas de gens qui levaient les bras en l'air et qui se baissaient pour regarder quelque chose à terre, en poussant des hélas! à faire déborder la Seine. Je m'approche.... Ce quelque chose... devine qui c'était...

—C'était Dixmer, dit Maurice d'une voix sombre.

—Oui. Comment peux-tu deviner cela? Oui, Dixmer, cher ami, Dixmer, qui s'est ouvert le ventre tout seul; le malheureux s'est tué en expiation sans doute.

—Ah! dit Maurice avec un sombre sourire, c'est ce que tu as pensé?

Geneviève laissa tomber sa tête entre ses mains; elle était trop faible pour supporter tant d'émotions successives.

—Oui, j'ai pensé cela, attendu qu'on a retrouvé près de lui son sabre ensanglanté; à moins que toutefois... il n'ait rencontré quelqu'un....

Maurice, sans rien dire, et profitant du moment où Geneviève, accablée, ne pouvait le voir, ouvrit son habit et montra à Lorin son gilet et sa chemise ensanglantés.

—Ah! c'est autre chose, dit Lorin. Et il tendit la main à Maurice.

—Maintenant, dit-il en se penchant à l'oreille de Maurice, comme on ne m'a pas fouillé, attendu que je suis rentré en disant que j'étais de la suite de M. Sanson, j'ai toujours le couteau, si la guillotine te répugne.

Maurice s'empara de l'arme avec un mouvement de joie.

—Non, dit-il, elle souffrirait trop. Et il rendit le couteau à Lorin.

—Tu as raison, dit celui-ci; vive la machine de M. Guillotin! Qu'est-ce que la machine de M. Guillotin? Une chiquenaude sur le cou comme l'a dit Danton. Qu'est-ce qu'une chiquenaude?

Et il jeta le couteau au milieu du groupe des condamnés. L'un d'eux le prit, se l'enfonça dans la poitrine, et tomba mort sur le coup.

Au même moment, Geneviève fit un mouvement et poussa un cri. Sanson venait de lui poser la main sur l'épaule.


LVI

Vive Simon!

Au cri poussé par Geneviève, Maurice comprit que la lutte allait commencer.

L'amour peut exalter l'âme jusqu'à l'héroïsme; l'amour peut, contre l'instinct naturel, pousser une créature humaine à désirer la mort; mais il n'éteint pas en elle l'appréhension de la douleur. Il était évident que Geneviève acceptait plus patiemment et plus religieusement la mort depuis que Maurice mourait avec elle; mais la résignation n'exclut pas la souffrance, et sortir de ce monde, c'est non seulement tomber dans cet abîme qu'on appelle l'inconnu, mais c'est souffrir en tombant.

Maurice embrassa d'un regard toute la scène présente, et d'une pensée toute celle qui allait suivre:

Au milieu de la salle, un cadavre de la poitrine duquel un gendarme, en se précipitant, avait arraché le couteau, de peur qu'il ne servît à d'autres.

Autour de lui, des hommes muets de désespoir et faisant à peine attention à lui, écrivant au crayon sur un portefeuille des mots sans suite, ou se serrant la main les uns aux autres; ceux-ci répétant sans relâche, et comme font les insensés, un nom chéri, ou mouillant de larmes un portrait, une bague, une tresse de cheveux; ceux-là vomissant de furieuses imprécations contre la tyrannie, mot banal toujours maudit par tout le monde tour à tour, et quelquefois même par les tyrans.

Au milieu de toutes ces infortunes, Sanson, appesanti moins encore par ses cinquante-quatre ans que par la gravité de son lugubre office; Sanson, aussi doux, aussi consolateur que sa mission lui permettait de l'être, donnait à celui-ci un conseil, à celui-là un triste encouragement, et trouvant des paroles chrétiennes à répondre au désespoir comme à la bravade!

—Citoyenne, dit-il à Geneviève, il faudra ôter le fichu et relever ou couper les cheveux, s'il vous plaît. Geneviève devint tremblante.

—Allons, mon amie, fit doucement Lorin, du courage!

—Puis-je relever moi-même les cheveux de madame? demanda Maurice.

—Oh! oui, s'écria Geneviève, lui! je vous en supplie, monsieur Sanson.

—Faites, dit le vieillard en détournant la tête. Maurice dénoua sa cravate tiède de la chaleur de son cou, Geneviève la baisa, et se mettant à genoux devant le jeune homme, lui présenta cette tête charmante, plus belle dans sa douleur qu'elle n'avait jamais été dans sa joie. Quand Maurice eut fini la funèbre opération, ses mains étaient si tremblantes, il y avait tant de douleur dans l'expression de son visage, que Geneviève s'écria:

—Oh! j'ai du courage, Maurice. Sanson se retourna.

—N'est-ce pas, monsieur, que j'ai du courage? dit-elle.

—Certainement, citoyenne, répondit l'exécuteur d'une voix émue, et un vrai courage.

Pendant ce temps, le premier aide avait parcouru le bordereau envoyé par Fouquier-Tinville.

—Quatorze, dit-il. Sanson compta les condamnés.

—Quinze, y compris le mort, dit-il; comment cela se fait-il?

Lorin et Geneviève comptèrent après lui, mus par une même pensée.

—Vous dites qu'il n'y a que quatorze condamnés et que nous sommes quinze? dit-elle.

—Oui, il faut que le citoyen Fouquier-Tinville se soit trompé.

—Oh! tu mentais, dit Geneviève à Maurice, tu n'étais point condamné.

—Pourquoi attendre à demain, quand c'est aujourd'hui que tu meurs? répondit Maurice.

—Ami, dit-elle en souriant, tu me rassures: je vois maintenant qu'il est facile de mourir.

—Lorin, dit Maurice, Lorin, une dernière fois... nul ne peut te reconnaître ici... dis que tu es venu me dire adieu... dis que tu as été enfermé par erreur. Appelle le gendarme qui t'a vu sortir.... Je serai le vrai condamné, moi qui dois mourir; mais toi, nous t'en supplions, ami, fais-nous la joie de vivre pour garder notre mémoire; il est temps encore, Lorin, nous t'en supplions!

Geneviève joignit ses deux mains en signe de prière. Lorin prit les deux mains de la jeune femme et les baisa.

—J'ai dit non, et c'est non, répondit Lorin d'une voix ferme; ne m'en parlez plus, ou, en vérité, je croirai que je vous gêne.

—Quatorze, répéta Sanson, et ils sont quinze! Puis, élevant la voix:

—Voyons, dit-il, y a-t-il quelqu'un qui réclame? y a-t-il quelqu'un qui puisse prouver qu'il se trouve ici par erreur?

Peut-être quelques bouches s'ouvrirent-elles à cette demande; mais elles se refermèrent sans prononcer une parole; ceux qui eussent menti avaient honte de mentir; celui qui n'eût pas menti ne voulait point parler.

Il se fit un silence de plusieurs minutes pendant lequel les aides continuaient leur lugubre office.

—Citoyens, nous sommes prêts..., dit alors la voix sourde et solennelle du vieux Sanson.

Quelques sanglots et quelques gémissements répondirent à cette voix.

—Eh bien, dit Lorin, soit!

Mourons pour la patrie,
C'est le sort le plus beau!...

Oui, quand on meurt pour la patrie; mais, décidément, je commence à croire que nous ne mourons pas pour le plaisir de ceux qui nous regardent mourir. Ma foi, Maurice, je suis de ton avis, je commence aussi à me dégoûter de la République.

—L'appel! dit un commissaire à la porte.

Plusieurs gendarmes entrèrent dans la salle et fermèrent ainsi les issues, se plaçant entre la vie et les condamnés, comme pour empêcher ceux-ci d'y revenir.

On fit l'appel.

Maurice, qui avait vu juger le condamné qui s'était tué avec le couteau de Lorin, répondit quand on prononça son nom. Il se trouva alors qu'il n'y avait que le mort de trop.

On le porta hors de la salle. Si son identité eût été constatée, si on l'eût reconnu pour condamné, tout mort qu'il était, on l'eût guillotiné avec les autres.

Les survivants furent poussés vers la sortie.

À mesure que l'un d'eux passait devant le guichet, on lui liait les mains derrière le dos.

Pas une parole ne s'échangea pendant dix minutes entre ces malheureux.

Les bourreaux seuls parlaient et agissaient.

Maurice, Geneviève et Lorin, qui ne pouvaient plus se tenir, se pressaient les uns contre les autres pour n'être point séparés. Puis les condamnés furent poussés de la Conciergerie dans la cour.

Là, le spectacle devint effrayant.

Plusieurs faiblirent à la vue des charrettes; les guichetiers les aidèrent à monter.

On entendait derrière les portes, encore fermées, les voix confuses de la foule, et l'on devinait à ses rumeurs qu'elle était nombreuse.

Geneviève monta sur la charrette avec assez de force; d'ailleurs, Maurice la soutenait du coude. Maurice s'élança rapidement derrière elle.

Lorin ne se pressa pas. Il choisit sa place et s'assit à la gauche de Maurice.

Les portes s'ouvrirent; aux premiers rangs était Simon.

Les deux amis le reconnurent; lui-même les vit.

Il monta sur la borne près de laquelle les charrettes devaient passer; il y en avait trois.

La première charrette s'ébranla; c'était celle où se trouvaient les trois amis.

—Eh! bonjour, beau grenadier! dit Simon à Lorin; tu vas essayer de mon tranchet, que je pense?

—Oui, dit Lorin, et je tâcherai de ne pas trop l'ébrécher pour qu'il puisse à ton tour te tailler le cuir. Les deux autres charrettes s'ébranlèrent, suivant la première.

Une effroyable tempête de cris, de bravos, de gémissements, de malédictions, fit explosion à l'entour des condamnés.

—Du courage, Geneviève, du courage! murmurait Maurice.

—Oh! répondit la jeune femme, je ne regrette pas la vie, puisque je meurs avec toi. Je regrette de n'avoir pas les mains libres pour te serrer au moins dans mes bras avant de mourir.

—Lorin, dit Maurice, Lorin, fouille dans la poche de mon gilet, tu y trouveras un canif.

—Oh! mordieu! dit Lorin, comme le canif me va; j'étais humilié d'aller à la mort garrotté comme un veau.

Maurice abaissa sa poche à la hauteur des mains de son ami; Lorin y prit le canif; puis, à eux deux, ils l'ouvrirent.

Alors Maurice le prit entre ses dents, et coupa les cordes qui liaient les mains de Lorin.

Lorin débarrassé de ses cordes, rendit le même service à Maurice.

—Dépêche-toi, disait le jeune homme, voilà Geneviève qui s'évanouit.

En effet, pour accomplir cette opération, Maurice s'était détourné un instant de la pauvre femme, et, comme si toute sa force venait de lui, elle avait fermé les yeux et laissé tomber sa tête sur sa poitrine.

—Geneviève, dit Maurice, Geneviève, rouvre les yeux, mon amie; nous n'avons plus que quelques minutes à nous voir en ce monde.

—Ces cordes me blessent, murmura la jeune femme. Maurice la délia. Aussitôt elle rouvrit les yeux et se leva, en proie à une exaltation qui la fit éblouissante de beauté.

Elle entoura d'un bras le cou de Maurice, saisit de l'autre main celle de Lorin, et tous trois, debout sur la charrette, ayant à leurs pieds les deux autres victimes ensevelies dans la stupeur d'une mort anticipée, ils lancèrent au ciel, qui leur permettait de s'appuyer librement l'un sur l'autre, un geste et un regard reconnaissants.

Le peuple, qui les insultait quand ils étaient assis, se tut quand il les vit debout.

On aperçut l'échafaud.

Maurice et Lorin le virent; Geneviève ne le vit pas, elle ne regardait que son amant. La charrette s'arrêta.

—Je t'aime, dit Maurice à Geneviève, je t'aime!

—La femme d'abord, la femme la première! crièrent mille voix.

—Merci, peuple, dit Maurice; qui donc disait que tu étais cruel?

Il prit Geneviève dans ses bras, et, les lèvres collées sur ses lèvres, il la porta dans les bras de Sanson.

—Courage! criait Lorin; courage!

—J'en ai, répondit Geneviève; j'en ai!

—Je t'aime! murmurait Maurice; je t'aime!

Ce n'étaient plus des victimes que l'on égorgeait, c'étaient des amis qui se faisaient fête de la mort.

—Adieu! cria Geneviève à Lorin.

—Au revoir! répondit celui-ci. Geneviève disparut sous la fatale bascule.

—À toi! dit Lorin.

—À toi! fit Maurice.

—Écoute! elle t'appelle. En effet, Geneviève poussa son dernier cri.

—Viens, dit-elle. Une grande rumeur se fit dans la foule. La belle et gracieuse tête était tombée. Maurice s'élança.

—C'est trop juste, disait Lorin, suivons la logique. M'entends-tu, Maurice?

—Oui.

—Elle t'aimait, on la tue la première; tu n'es pas condamné, tu meurs le second; moi, je n'ai rien fait, et, comme je suis le plus criminel des trois, je passe le dernier.

Et voilà comment tout s'explique
Avec l'aide de la logique.

Ma foi, citoyen Sanson, je t'avais promis un quatrain; mais tu te contenteras d'un distique.

—Je t'aimais! murmura Maurice lié à la planche fatale et souriant à la tête de son amie; je t'aime.... Le fer trancha la moitié du mot.

—À moi! s'écria Lorin en bondissant sur l'échafaud, et vite! car, en vérité, j'y perds la tête.... Citoyen Sanson, je t'ai fait banqueroute de deux vers, mais je t'offre en place un calembour.

Sanson le lia à son tour.

—Voyons, dit Lorin, c'est la mode de crier vive quelque chose quand on meurt. Autrefois, on criait: «Vive le roi!» mais il n'y a plus de roi. Depuis, on a crié: «Vive la liberté!» mais il n'y a plus de liberté. Ma foi, vive Simon! qui nous réunit tous trois.

Et la tête du généreux jeune homme tomba près de celles de Maurice et de Geneviève!

FIN


Bibliographie—Œuvres complètes:

Tiré de Bibliographie des Auteurs Modernes (1801—1934) par Hector
Talvart et Joseph Place, Paris, Editions de la Chronique des Lettres
Françaises, Aux Horizons de France, 39 rue du Général Foy, 1935 Tome 5.

1. Élégie sur la mort du général Foy.
Paris, Sétier, 1825, in-8 de 14 pp.

2. La Chasse et l'Amour.
Vaudeville en un acte, par MM. Rousseau, Adolphe (M. Ribbing de Leuven)
et Davy (Davy de la Pailleterie: A. Dumas).
Représenté pour la première fois, à Paris, au théâtre de
l'Ambigu-Comique (22 sept.1825).

Paris, Chez Duvernois, Sétier, 1825, in-8 de 40 pp.

3. Canaris.
Dithyrambe. Au profit des Grecs.
Paris, Sanson, 1826, in-12 de 10 pp.

4. Nouvelles contemporaines.
Paris, Sanson, 1826, in-12 de 4 ff., 216 pp.

5. La Noce et l'Enterrement.
Vaudeville en trois tableaux, par MM. Davy, Lassagne et Gustave.
Représenté pour la première fois, à Paris, au théâtre de la
Porte-Saint-Martin (21 nov.1826).
Paris, Chez Bezou, 1826, in-8 de 46 pp.

6. Henri III et sa cour.
Drame historique en cinq actes et en prose.
Représenté au Théâtre-Français (11 fév.1829).
Paris, Vezard et Cie, 1829, in-8 de 171 pp.

7. Christine ou Stockholm, Fontainebleau et Rome.
Trilogie dramatique sur la vie de Christine, cinq actes en vers, avec
prologue et épilogue.
Représenté à Paris sur le Théâtre Royal de l'Odéon (30 mars 1830).
Paris, Barba, 1830, in-8 de 3 ff. et 191 pp.

8. Rapport au Général La Fayette sur l'enlèvement des poudres de Soissons.
Paris, Impr. de Sétier, s.d. (1830), in-8 de 7 pp.

9. Napoléon Bonaparte, ou trente ans de l'histoire de France.
Drame en six actes.
Représenté pour la première fois, sur le Théâtre Royal de l'Odéon (10 janv.1831).
Paris, chez Tournachon-Molin, 1831, in-8 de XVI-219 pp.

10. Antony.
Drame en cinq actes en prose.
Représenté pour la première fois sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin
(3 mai 1831).
Paris, Auguste Auffray, 1831, in-8 de 4 ff. n. ch., 106 pp. et 1 f.n.
ch. (post-scriptum).

11. Charles VII chez ses grands vassaux.
Tragédie en cinq actes.
Représentée pour la première fois sur le Théâtre Royal de l'Odéon (20 oct. 1831).
Paris, Publications de Charles Lemesle, 1831, in-8 de 120 pp.

12. Richard Darlington.
Drame en cinq actes et en prose, précédé de La Maison du Docteur, prologue par MM. Dinaux.
Représenté pour la première fois sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin (10 déc. 1831).
Paris, J.-N. Barba, 1832, in-8 de 132 pp.

13. Teresa.
Drame en cinq actes et en prose.
Représenté pour la première fois sur le Théâtre Royal de l'Opéra-Comique
(6 fév. 1832).
Paris, Barba; Vve Charles Béchet; Lecointe et Pougin, 1832, in-8 de 164 pp.

14. Le Mari de la veuve.
Comédie en un acte et en prose, par M.***.
Représentée pour la première fois sur le Théâtre-Français (4 avr. 1832).
Paris, Auguste Auffray, 1832, in-8 de 63 pp.

15. La Tour de Nesle.
Drame en cinq actes et en neuf tableaux, par MM. Gaillardet et ***.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la
Porte-Saint-Martin (29 mai 1832).
Paris, J.-N. Barba, 1832, in-8 de 4 ff., 98 pp.

16. Gaule et France.
Paris, U. Canel; A. Guyot, 1833, in-8 de 375 pp.

17. Impressions de voyage.
Paris, A. Guyot, Charpentier et Dumont, 1834-1837, 5 vol. in-8.

18. Angèle.
Drame en cinq actes.
Paris, Charpentier, 1834, in-8 de 254 pp.

19. Catherine Howard.
Drame en cinq actes et en huit tableaux.
Paris, Charpentier, 1834, in-8 de IV-208 pp.

20. Souvenirs d'Antony.
Paris, Librairie de Dumont, 1835, in-8 de 360 pp.

21. Chroniques de France. Isabel de Bavière (Règne de Charles VI).
Paris, Librairie de Dumont, 1835, 2 vol. in-8 de 406 pp. et 419 pp.

22. Don Juan de Marana ou la chute d'un ange.
Mystère en cinq actes.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la
Porte-Saint-Martin (30 avr.1836).
Paris, Marchant, Éditeur du Magasin Théâtral, 1836 in-8 de 303 p.

23. Kean.
Comédie en cinq actes.
Représentée pour la première fois aux Variétés (31 août 1836).
Paris, J.-B. Barba, 1836, in-8 de 3 ff. et 263 pp.

24. Piquillo.
Opéra-comique en trois actes.
Représenté pour la première fois sur le Théâtre Royal de l'Opéra-Comique
(31 oct. 1837).
Paris, Marchant, 1837, in-8 de 82 pp.

25. Caligula.
Tragédie en cinq actes et en vers, avec un prologue.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre-Français (26 déc. 1837).
Paris, Marchant, Editeur du Magasin Théâtral, 1838 in-8 de 170 p.

26. La Salle d'armes. I. Pauline II. Pascal Bruno (précédé de Murat).
Paris, Dumont, Au Salon littéraire, 1838, 2 vol. in-8 de 376 e t 352 pp.

27. Le Capitaine Paul
(La main droite du Sire de Giac).
Paris, Dumont, 1838, 2 vol. in-8 de 316 et 323 pp.

28. Paul Jones.
Drame en cinq actes.
Représenté pour la première fois, à Paris (8 oct. 1838).
Paris, Marchant, 1838, gr. in-8 de 32 pp.

29. Nouvelles impressions de voyage.
Quinze jours au Sinaï, par MM. A. Dumas et A. Dauzats.
Paris, Dumont, 1839, 2 vol. in-8 de 358 et 406 pp.

30. Acté.
Paris, Librairie de Dumont, 1839, 2 vol. in-8 de 3 ff., 242 et 302 pp.

31. La Comtesse de Salisbury. Chroniques de France.
Paris, Dumont, (et Alexandre Cadot), 1839-1848, 5 vol. in-8.

32. Jacques Ortis.
Paris, Dumont, 1839, in-8 de XVI pp. (préface de Pier-Angelo-Fiorentino) et 312 pp.

33. Mademoiselle de Belle-Isle.
Drame en cinq actes, en prose.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre-Français (2 avr. 1839).
Paris, Dumont, 1839, in-8 de 202 pp.

34. Le Capitaine Pamphile.
Paris, Dumont, 1839, 2 vol. in-8 de 307 et 296 pp.

35. L'Alchimiste.
Drame en cinq actes en vers.
Représenté pour la première fois, sur le Théâtre de la Renaissance (10 avr. 1839).
Paris, Dumont, 1839, in-8 de 176 pp.

36. Crimes célèbres.
Paris, Administration de librairie, 1839-1841, 8 vol. in-8.

37. Napoléon, avec douze portraits en pied, gravés sur acier par les
meilleurs artistes, d'après les peintures et les dessins de Horace
Vernet, Tony Johannot, Isabey, Jules Boily, etc.

Paris, Au Plutarque français; Delloye, 1840, gr; in-8 de 410 pp.

38. Othon l'archer.
Paris, Dumont, 1840, in-8 de 324 pp.

39. Les Stuarts.
Paris, Dumont, 1840, 2 vol. in-8 de 308 et 304 pp.

40. Maître Adam le Calabrais.
Paris, Dumont, 1840, in-8 de 347 pp.

41. Aventures de John Davys.
Paris, Librairie de Dumont, 1840, 4 vol. in-8.

42. Le Maître d'armes.
Paris, Dumont, 1840-1841, 3 vol. in-8 de 320, 322 et 336 pp.

43. Un Mariage sous Louis XV.
Comédie en cinq actes.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre-Français (1er juin 1841).
Paris, Marchant; C. Tresse, 1841, in-8 de 140 pp.

44. Praxède,
suivi de Don Martin de Freytas et de Pierre-le-Cruel.
Paris, Dumont, 1841, in-8 de 307 pp.

45. Nouvelles impressions de voyage. Midi de la France.
Paris, Dumont, 1841, 3 vol. in-8 de 340, 326 et 357 pp.

46. Excursions sur les bords du Rhin.
Paris, Dumont, 1841, 3 vol. in-8 de 328, 326 et 334 pp.

47. Une année à Florence.
Paris, Dumont, 1841, 2 vol. in-8 de 340 et 343 pp.

48. Jehanne la Pucelle. 1429-1431.
Paris, Magen et Comon, 1842, in-8 de VII-327 pp.

49. Le Speronare
Paris, Dumont, 1842, 4 vol. in-8.

50. Le Capitaine Arena.
Paris, Dolin, 1842, 2 vol. in-8 de 309 et 314 pp.

51. Lorenzino. Magasin théâtral. Théâtre français.
Drame en cinq actes et en prose.
Paris, Marchant; Tarride, s. d. (1842), gr. in-8 de 36 pp.

52. Halifax. Magasin théâtral. Choix de pièces nouvelles,
jouées sur tous les théâtres de Paris. Théâtre des Variétés.
Comédie en trois actes et un prologue.
Paris, Marchant; Tarride, s. d. (1842), gr. in-8 de 36 pp.

53. Le Chevalier d'Harmental.
Paris, Dumont, 1842, 4 vol. in-8.

54. Le Corricolo.
Paris, Dolin, 1843, 4 vol. in-8.

55. Les Demoiselles de Saint-Cyr.
Comédie en cinq actes, suivie d'une lettre à l'auteur à M. Jules Janin.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre-Français (25 juill.1843). Paris, chez Marchant, et tous les Marchands de Nouveautés, 1843, gr.
in-8 de 1 f. (lettre de Dumas à son éditeur), 38 pp. et VIII pp. (lettre à J. Janin).

56. La Villa Palmieri.
Paris, Dolin, 1843, 2 vol. in-8.

57. Louise Bernard. Magasin théâtral. Choix de pièces nouvelles,
jouées sur tous les théâtres de Paris.
Théâtre de la Porte-Saint-Martin.
Drame en cinq actes.
Paris, Marchant; Tarride, s. d. (1843), gr. in-8 de 34 pp.

58. Un Alchimiste au dix-neuvième siècle.
Paris, Imprimerie de Paul Dupont, 1843, in-8 de 23 pp.

59. Filles, Lorettes et Courtisanes.
Paris, Dolin, 1843, in-8. de 338 pp.

60. Ascanio.
Paris, Petion, 1844, 5 vol. in-8.

61. Le Laird de Dumbicky. Magasin théâtral. Choix de pièces nouvelles,
jouées sur tous les théâtres de Paris.
Théâtre Royal de l'Odéon.
Drame en cinq actes.
Paris, Marchant; Tarride, s. d. (1844), gr. in-8 de 42 pp.

62. Sylvandire.
Paris, Dumont, 1844, 3 vol. in-8 de 318, 310 et 324 pp.

63. Fernande.
Paris, Dumont, 1844, 3 vol. in-8 de 320, 336 et 320 pp.

64. A. Les Trois Mousquetaires
Paris, Baudry, 1844, 8 vol. in-8.
B. Les Mousquetaires
Drame en cinq actes et douze tableaux, précédé de L'Auberge de Béthune,
prologue par MM. A. Dumas et Auguste Maquet.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique
(27 oct. 1845).
Paris, Marchant, 1845, gr. in-8 de 59 pp.
C. La Jeunesse des Mousquetaires.
Pièce en 14 tableaux, par MM. A. Dumas et Auguste Maquet.
Paris, Dufour et Mulat, 1849, in-8 de 76 pp.
D. Le Prisonnier de la Bastille, fin des Mousquetaires.
Drame en cinq actes et neuf tableaux.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Impérial du Cirque
(22 mars 1861).
Paris, Michel Lévy frères, s. d. (1861), gr. in-8 de 24 pp.

65. Le Château d'Eppstein.
Paris, L. de Potter, 1844, 3 vol. in-8 de 323, 353 et 322 pp.

66. Amaury.
Paris, Hippolyte Souverain, 1844, 4 vol. in-8.

67. Cécile.
Paris, Dumont, 1844, 2 vol. in-8 de 330 et 324 pp.

68. A. Gabriel Lambert.
Paris, Hippolyte Souverain, 1844, 2 vol. in-8.
B. Gabriel Lambert.
Drame en cinq actes et un prologue, par A. Dumas et Amédée de Jallais.
Paris, Michel Lévy frères, 1866, in-18 de 132 pp.

69. Louis XIV et son siècle.
Paris, Chez J.-B. Fellens et L.-P. Dufour, 1844-1845, 2 vol. gr. in-8 de
II-492 et 512 pp.

70. A. Le Comte de Monte-Cristo.
Paris, Pétion, 1845-1846, 18 vol. in-8.
B. Monte-Cristo.
Drame en cinq actes et onze tableaux, par MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, N. Tresse, 1848, gr. in-8 de 48 pp.
C. Le Comte de Morcerf.
Drame en cinq actes et dix tableaux de MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, N. Tresse, 1851, gr. in-8 de 50 pp.
D. Villefort.
Drame en cinq actes et dix tableaux de MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, N. Tresse, 1851, gr. in-8 de 59 pp.

71. A. La Reine Margot.
Paris, Garnier frères, 1845, 6 vol. in-8.
B. La Reine Margot.
Bibliothèque dramatique. Théâtre moderne. 2ème série.
Drame en cinq actes et en 13 tableaux, par MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, Michel Lévy frères, 1847, in-12 de 152 pp.

72. Vingt Ans après, suite des Trois Mousquetaires.
Paris, Baudry, 1845, 10 vol.

73. A. Une Fille du Régent.
Paris, A. Cadot, 1845, 4 vol. in-8.
B. Une Fille du Régent.
Comédie en cinq actes dont un prologue.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre-Français
(1er avr. 1846).
Paris, Marchant, 1846, gr. in-8 de 35 pp.

74. Les Médicis. Paris, Recoules, 1845, 2 vol. in-8 de 343 et 345 pp.

75. Michel-Ange et Raphaël Sanzio.
Paris, Recoules, 1845, 2 vol. in-8 de 345 et 306 pp.

76. Les Frères Corses.
Paris, Hippolyte Souverain, 1845, 2 vol. in-8 de 302 et 312 pp.

77. A. Le Chevalier de Maison-Rouge.
Paris, A. Cadot, 1845-1846, 6 vol. in-8.
B. Le Chevalier de Maison-Rouge. Bibliothèque dramatique.
Théâtre moderne. 2ème série.
Épisode du temps des Girondins, drame en 5 actes et 12 tableaux,
par MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, Michel Lévy frères, 1847, in-18 de 139 pp.

78. Histoire d'un casse-noisette.
Paris, J. Hetzel, 1845, 2 vol. pet. in-8.

79. La Bouillie de la Comtesse Berthe.
Paris, J. Hetzel, 1845, pet. in-8 de 126 pp.

80. Nanon de Lartigues.
Paris, L. de Potter, 1845, 2 vol. in-8 de 324 et 331 pp.

81. Madame de Condé.
Paris, L. de Potter, 1845, 2 vol. in-8 de 315 et 307 pp.

82. La Vicomtesse de Cambes.
Paris, L. de Potter, 1845, 2 vol. in-8 de 334 et 324 pp.

83. L'Abbaye de Peyssac.
Paris, L. de Potter, 1845, 2 vol. in-8 de 324 et 363 pp.
N. B. Ces 8 volumes (n 80 à 83) constituent une série intitulée:
La Guerre des femmes, qui a inspiré la pièce:
La Guerre des femmes.
Drame en cinq actes et dix tableaux, par MM. A. Dumas et A. Maquet.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Historique
(1er oct. 1849). Paris, A. Cadot, 1849, gr. in-8 de 57 pp.

84. A. La Dame de Monsoreau.
Paris, Pétion, 1846, 8 vol. in-8.
B. La Dame de Monsoreau.
Drame en cinq actes et dix tableaux, précédé de L'Etang de Beaugé,
prologue par MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, Michel Lévy, 1860, in-12 de 196 pp.

85. Le Bâtard de Mauléon.
Paris, A. Cadot, 1846-1847, 9 vol. in-8.

86. Les Deux Diane.
Paris, A. Cadot, 1846-1847, 10 vol. in-8.

87. Mémoires d'un médecin.
Paris, Fellens et Dufour (et A. Cadot), 1846-1848, 19 vol. in-8.

88. Les Quarante-Cinq.
Paris, A. Cadot, 1847-1848, 10 vol. in-8.

89. Intrigue et Amour. Bibliothèque dramatique.
Théâtre moderne. 2ème série.
Drame en cinq actes et neuf tableaux.
Paris, Michel Lévy frères, 1847, in-12 de 99 pp.

90. Impressions de voyage. De Paris à Cadix.
Paris, Ancienne maison Delloye, Garnier frères, 1847-1848, 5 vol. in-8.

91. Hamlet, prince de Danemark.
Bibliothèque dramatique. Théâtre moderne. 2ème série.
Drame en vers, en 5 actes et 8 parties, par MM. A. Dumas et Paul Meurice.
Paris, Michel Lévy frères, 1848, in-18 de 106 pp.

92. Catilina.
Drame en 5 actes et 7 tableaux, par MM. A. Dumas et A. Maquet.
Paris, Michel Lévy frères, 1848, in-18 de 151 pp.

93. Le Vicomte de Bragelonne. ouDix ans plus tard,
suite des Trois Mousquetaires et de Vingt Ans après.
Paris, Michel Lévy frères, 1848-1850, 26 vol. in-8.

94. Le Véloce, ou Tanger, Alger et Tunis.
Paris, A. Cadot, 1848-1851, 4 vol. in-8.

95. Le Comte Hermann.
2ème Série du Magasin théâtral....
Drame en cinq actes, avec préface et épilogue.
Paris, Marchant, s. d. (1849), gr. in-8 de 40 pp.

96. Les Mille et un fantômes.
Paris, A. Cadot, 1849, 2 vol. in-8 de 318 et 309 pp.

97. La Régence.
Paris, A. Cadot, 1849, 2 vol. in-8 de 349 et 301 pp.

98. Louis Quinze.
Paris, A. Cadot, 1849, 5 vol. in-8.

99. Les Mariages du père Olifus.
Paris, A. Cadot, 1849, 5 vol. in-8.

100. Le Collier de la Reine.
Paris, A. Cadot, 1849-1850, 11 vol. in-8.

101. Mémoires de J.-F. Talma.
Écrits par lui-même et recueillis et mis en ordre sur les papiers
de sa famille, par A. Dumas.
Paris, 1849 (et 1850), Hippolyte Souverain, 4 vol. in-8.

102. La Femme au collier de velours.
Paris, A. Cadot, 1850, 2 vol. in-8 de 326 et 333 pp.

103. Montevideo ou une nouvelle Troie.
Paris, Imprimerie centrale de Napoléon Chaix et Cie, 1850, in-18 de 167 pp.

104. La Chasse au chastre.
Magasin théâtral. Pièces nouvelles....
Fantaisie en trois actes et huit tableaux.
Paris, Administration de librairie théâtrale. Ancienne maison Marchant,
1850, gr. in-8 de 24 pp.

105. La Tulipe noire.
Paris, Baudry, s. d. (1850), 3 vol. in-8 de 313, 304 et 316 pp.

106. Louis XVI (Histoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette.)
Paris, A. Cadot, 1850-1851, 5 vol. in-8.

107. Le Trou de l'enfer. (Chronique de Charlemagne).
Paris, A. Cadot, 1851, 4 vol. in-8.

108. Dieu dispose.
Paris, A. Cadot, 1851, 4 vol. in-8.

109. La Barrière de Clichy.
Drame militaire en 5 actes et 14 tableaux.
Représenté pour la première fois à Paris sur le Théâtre National
(ancien Cirque, 21 avr. 1851).
Paris, Librairie Théâtrale, 1851, in-8 de 48 pp.

110. Impressions de voyage. Suisse.
Paris, Michel Lévy frères, 1851, 3 vol. in-18.

111. Ange Pitou.
Paris, A. Cadot, 1851, 8 vol. in-8.

112. Le Drame de Quatre-vingt-treize. Scènes de la vie révolutionnaire.
Paris, Hippolyte Souverain, 1851, 7 vol. in-8.

113. Histoire de deux siècles ou la Cour, l'Église et le peuple
depuis 1650 jusqu'à nos jours.

Paris, Dufour et Mulat, 1852, 2 vol. gr. in-8.

114. Conscience.
Paris, A. Cadot, 1852, 5 vol. in-8.

115. Un Gil Blas en Californie.
Paris, A. Cadot, 1852, 2 vol. in-8 de 317 et 296 pp.

116. Olympe de Clèves.
Paris, A. Cadot, 1852, 9 vol. in-8.

117. Le Dernier roi (Histoire de la vie politique et privée de
Louis-Philippe.)
Paris, Hippolyte Souverain, 1852, 8 vol. in-8.
118. Mes Mémoires.
Paris, A. Cadot, 1852-1854, 22 vol. in-8.

119. La Comtesse de Charny.
Paris, A. Cadot, 1852-1855, 19 vol. in-8.

120. Isaac Laquedem.
Paris, A la Librairie Théâtrale, 1853, 5 vol. in-8.

121. Le Pasteur d'Ashbourn.
Paris, A. Cadot, 1853, 8 vol. in-8.

122. Les Drames de la mer.
Paris, A. Cadot, 1853, 2 vol. in-8 de 296 et 324 pp.

123. Ingénue.
Paris, A. Cadot, 1853-1855, 7 vol. in-8.

124. La Jeunesse de Pierrot. par Aramis. Publications du Mousquetaire
Paris, A la Librairie Nouvelle, 1854, in-16, 150 pp.

125. Le Marbrier.
Drame en trois actes.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Vaudeville
(22 mai 1854).
Paris, Michel Lévy frères, 1854, in-18 de 48 pp.

126. La Conscience.
Drame en cinq actes et en six tableaux.
Paris, Librairie d'Alphonse Tarride, 1854, in-18 de 108 pp.

127. A. El Salteador.
Roman de cape et d'épée.
Paris, A. Cadot, 1854, 3 vol. in-8.
Il a été tiré de ce roman une pièce dont voici le titre:
B. Le Gentilhomme de la montagne.
Drame en cinq actes et huit tableaux, par A. Dumas (et Ed. Lockroy).
Paris, Michel Lévy, 1860, in-18 de 144 pp.

128. Une Vie d'artiste.
Paris, A. Cadot, 1854, 2 vol. in-8 de 315 et 323 pp.

129. Saphir, pierre précieuse montée par Alexandre Dumas.
Bibliothèque du Mousquetaire.
Paris, Coulon-Pineau, 1854, in-12 de 242 pp.

130. Catherine Blum.
Paris, A. Cadot, 1854, 2 vol. in-8.

131. Vie et aventures de la princesse de Monaco.
Recueillies par A. Dumas.
Paris, A. Cadot, 1854, 6 vol. in-8.

132. La Jeunesse de Louis XIV.
Comédie en cinq actes et en prose.
Paris, Librairie Théâtrale, 1856, in-16 de 306 pp.

133. Souvenirs de 1830 à 1842.
Paris, A. Cadot, 1854-1855, 8 vo l. in-8.

134. Le Page du Duc de Savoie.
Paris, A. Cadot, 1855, 8 vol. in-8.

135. Les Mohicans de Paris.
Paris, A. Cadot, 1854-1855, 19 vol. in-8.

136. A. Les Mohicans de Paris (Suite) Salvator le
commissionnaire.

Paris, A. Cadot, 1856 (-1859), 14 vol. in-8.
Il a été tiré des Mohicans de Paris, la pièce suivante:
B. Les Mohicans de Paris.
Drame en cinq actes, en neuf tableaux, avec prologue.
Paris, Michel Lévy, 1864, in-12 de 162 pp.

137. Taïti. Marquises. Californie. Journal de Madame Giovanni.
Rédigé et publié par A. Dumas.
Paris, A. Cadot, 1856, 4 vol. in-8.

138. La dernière année de Marie Dorval.
Paris, Librairie Nouvelle, 1855, in-32 de 96 pp.

139. Le Capitaine Richard. (Une Chasse aux éléphants.)
Paris, A. Cadot, 1858, 3 vol. in-8.

140. Les Grands hommes en robe de chambre. César.
Paris, A. Cadot, 1856, 7 vol. in-8.

141. Les Grands hommes en robe de chambre. Henri IV. Paris,
A. Cadot, 1855, 2 vol. in-8 de 322 et 330 pp.

142. Les Grands hommes en robe de chambre. Richelieu.
Paris, A. Cadot, 1856, 5 vol. in-8.

143. L'Orestie.
Tragédie en trois actes et en vers, imitée de l'antique.
Paris, Librairie Théâtrale, 1856, in-12 de 108 pp.

144. Le Lièvre de mon grand-père.
Paris, A. Cadot, 1857, in-8 de 309 pp.

145. La Tour Saint-Jacques-la-Boucherie.
Drame historique en 5 actes et 9 tableaux, par MM. A. Dumas et X. de Montépin.
Représenté pour la première fois sur le Théâtre Impérial du Cirque
(15 nov. 1856).
A la Librairie Théâtrale, 1856, gr. in-8 de 16 pp.

146. Pèlerinage de Hadji-Abd-el-Hamid-Bey (Du Couret). Médine et
la Mecque.
Paris, A. Cadot, 1856-1857, 6 vol. in-8.

147. Madame du Deffand.
Paris, A. Cadot, 1856-1857, 8 vol. in-8.

148. La Dame de volupté.
Mémoires de Mlle de Luynes, publiés par A. Dumas.
Paris, Michel Lévy frères, 1864, 2 vol. in-18 de 284 et 332 pp.

149. L'Invitation à la valse.
Comédie en un acte et en prose.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur
le Théâtre du Gymnase (18 juin 1857).
Paris, Beck, 1837 (pour 1857), in-12 de 48 pp.

150. L'Homme aux contes.
Le Soldat de plomb et la danseuse de papier. Petit-Jean et Gros-Jean.
Le roi des taupes et sa fille. La Jeunesse de Pierrot.
Édition interdite en France.
Bruxelles, Office de publicité, Coll. Hetzel, 1857, in-32 de 208 pp.

151. Les Compagnons de Jéhu.
Paris, A. Cadot, 1857, 7 vol. in-8.

152. Charles le Téméraire.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, 2 vol. in-12 de 324 et 310 pp.

153. Le Meneur de loups.
Paris, A. Cadot, 1857, 3 vol. in-8.

154. Causeries.
Première et deuxième séries.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, 2 vol. in-8.

155. La Retraite illuminée, par A. Dumas, avec divers
appendices par M. Joseph Bard et Sommeville.
Auxerre, Ch. Gallot, Libraire-éditeur, 1858, in-12 de 88 pp.

156. L'Honneur est satisfait.
Comédie en un acte et en prose.
Paris, Librairie Théâtrale, 1858, in-12 de 48 pp.

157. La Route de Varennes.
Paris, Michel Lévy, 1860, in-18 de 279 pp.

158. L'Horoscope.
Paris, A. Cadot, 1858, 3 vol. in-8.

159. Histoire de mes bêtes.
Paris, Michel Lévy frères, 1867, in-18 de 333 pp.

160. Le Chasseur de sauvagine.
Paris, A. Cadot, 1858, 2 vol. in-8 de chacun 317 pp.

161. Ainsi soit-il.
Paris, A. Cadot, s. d. (1862), 5 vol. in-8.
Il a été tiré de ce roman la pièce suivante:
Madame de Chamblay.
Drame en cinq actes, en prose.
Paris, Michel Lévy, 1869, in-18 de 96 pp.

162. Black.
Paris, A. Cadot, 1858, 4 vol. in-8.

163. Les Louves de Machecoul, par A. Dumas et G. de Cherville.
Paris, A. Cadot, 1859, 10 vol. in-8.

164. De Paris à Astrakan, nouvelles impressions de voyage.
Première et deuxième série.
Paris, Librairie nouvelle A. Bourdilliat et Cie, 1860, 2 vol. in-18
de 318 et 313 pp.

165. Lettres de Saint-Pétersbourg (sur le Servage en Russie).
Édition interdite pour la France.
Bruxelles, Rozez, coll. Hetzel 1859, in-32 de 232 pp.

166. La Frégate l'Espérance.
Édition interdite pour la France.
Bruxelles, Office de publicité; Leipzig, A. Dürr, coll. Hetzel,
1859, in-32 de 232 pp.

167. Contes pour les grands et les petits enfants.
Bruxelles, Office de publicité; Leipzig, A. Dürr, coll. Hetzel,
1859, 2 vol. in-32 de 190 et 204 pp.

168. Jane.
Paris, Michel Lévy frères, 1862, in-18 de 324 pp.

169. Herminie et Marianna.
Édition interdite pour la France.
Bruxelles, Méline, Cans et Cie, coll. Hetzel, 1859, in-32 de 174 pp.

170. Ammalat-Beg.
Paris, A. Cadot, s. d. (1859), 2 vol. in-8 de 326 et 352 pp.

171. La Maison de glace.
Paris, Michel Lévy, 1860, 2 vol. in-18 de 326 et 280 pp.

172. Le Caucase. Voyage d'Alexandre Dumas.
Paris, Librairie Théâtrale, s. d. (1859), in-4 de 240 pp.

173. Traduction de Victor Perceval. Mémoires d'un policeman.
Paris, A. Cadot, 1859, 2 vol. in-8 de chacun 325 pp.

174. L'Art et les artistes contemporains au Salon de 1859.
Paris, A. Bourdilliat et Cie, 1859, 2 vol. in-18 de 188 pp.

175. Monsieur Coumbes. (Histoire d'un cabanon et d'un chalet.)
Paris, A. Bourdilliat et Cie, 1860, in-18 de 316 pp.
Connu aussi sous le titre suivant: Le Fils du Forçat.

176. Docteur Maynard. Les Baleiniers, voyage aux terres antipodiques.
Paris, A. Cadot, 1859, 3 vol. in-8.

177. Une Aventure d'amour (Herminie).
Paris, Michel Lévy frères, 1867, in-18 de 274 pp.

178. Le Père la Ruine.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, in-18 de 320 pp.

179. La Vie au désert. Cinq ans de chasse dans l'intérieur de
l'Afrique méridionale par Gordon Cumming.

Paris, Impr. de Edouard Blot, s. d. (1860), gr. in-8 de 132 pp.

180. Moullah-Nour.
Édition interdite pour la France.
Bruxelles, Méline, Cans et Cie, coll. Hetzel, s. d. (1860), 2 vol. in-32 de 181 et 152 pp.

181. Un Cadet de famille traduit par Victor Perceval, publié par A. Dumas.
Première, deuxième et troisième série.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, 3 vol. in-18.

182. Le Roman d'Elvire.
Opéra-comique en trois actes, par A. Dumas et A. de Leuven.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, in-18 de 97 pp.

183. L'Envers d'une conspiration.
Comédie en cinq actes, en prose.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, in-18 de 132 pp.

184. Mémoires de Garibaldi, traduits sur le manuscrit
original, par A. Dumas.
Première et deuxième série.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, 2 vol. in-18 de 312 et 268 pp.

185. Le père Gigogne contes pour les enfants.
Première et deuxième série.
Paris, Michel Lévy frères, 1860, 2 vol. in-18.

186. Les Drames galants. La Marquise d'Escoman.
Paris, A. Bourdilliat et Cie, 1860, 2 vol. in-18 de 281 et 291 pp.

187. Jacquot sans oreilles.
Paris, Michel Lévy frères, 1873, in-18 de XXVIII-231 pp.

188. Une nuit à Florence sous Alexandre de Médicis.
Paris, Michel Lévy frères, 1861, in-18 de 250 pp.

189. Les Garibaldiens. Révolution de Sicile et de Naples.
Paris, Michel Lévy frères, 1861, in-18 de 376 pp.

190. Les Morts vont vite.
Paris, Michel Lévy frères, 1861, 2 vol. in-18 de 322 et 294 pp.

191. La Boule de neige.
Paris, Michel Lévy frères, 1862, in-18 de 292 pp.

192. La Princesse Flora.
Paris, Michel Lévy frères, 1862, in-18 de 253 pp.

193. Italiens et Flamands.
Première et deuxième série.
Paris, Michel Lévy, 1862, 2 vol. in-18 de 305 et 300 pp.

194. Sultanetta.
Paris, Michel Lévy, 1862, in-18 de 320 pp.

195. Les Deux Reines, suite et fin des Mémoires de Mlle de Luynes.
Paris, Michel Lévy frères, 1864, 2 vol. in-18 de 333 et 329 pp.

196. La San-Felice.
Paris, Michel Lévy frères, 1864-1865, 9 vol. in-18.

197. Un Pays inconnu, (Géral-Milco; Brésil.).
Paris, Michel Lévy frères, 1865, in-18 de 320 pp.

198. Les Gardes forestiers.
Drame en cinq actes.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Grand-Théâtre parisien
(28 mai 1865).
Paris, Michel Lévy frères, s. d. (1865), gr. in-8 de 36 pp.

199. Souvenirs d'une favorite.
Paris, Michel Lévy frères, 1865, 4 vol. in-18.

200. Les Hommes de fer.
Paris, Michel Lévy frères, 1867, in-18 de 305 pp.

201.
A. Les Blancs et les Bleus.
Paris, Michel Lévy frères, 1867-1868, 3 vol. in-18.
B. Les Blancs et les Bleus.
Drame en cinq actes, en onze tableaux.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Châtelet
(10 mars 1869).
(Michel Lévy frères), s. d. (1874), gr in-8 de 28 pp.

202. La Terreur prussienne.
Paris, Michel Lévy frères, 1868, 2 vol. in-18 de 296 et 294 pp.

203. Souvenirs dramatiques.
Paris, Michel Lévy frères, 1868, 2 vol. in-18 de 326 et 276 pp.

204. Parisiens et provinciaux.
Paris, Michel Lévy frères, 1868, 2 vol. in-18 de 326 et 276 pp.

205. L'Île de feu.
Paris, Michel Lévy frères, 1871, 2 vol. in-18 de 285 et 254 pp.

206. Création et Rédemption. Le Docteur mystérieux.
Paris, Michel Lévy frères, 1872, 2 vol. in-18 de 320 et 312 pp.

207. Création et Rédemption. La Fille du Marquis.
Paris, Michel Lévy frères, 1872, 2 vol. in-18 de 274 et 281 pp.

208. Le Prince des voleurs.
Paris, Michel Lévy frères, 1872, 2 vol. in-18 de 293 et 275 pp.

209. Robin Hood le proscrit.
Paris, Michel Lévy frères, 1873, 2 vol. in-18 de 262 et 273 pp.

210. A. Grand dictionnaire de cuisine, par A. Dumas
(et D.-J. Vuillemot).
Paris, A. Lemerre, 1873, gr. in-8 de 1155 pp.
B. Petit dictionnaire de cuisine.
Paris, A. Lemerre, 1882, in-18 de 819 pp.

211. Propos d'art et de cuisine. Paris, Calmann-Lévy, 1877,
in-18 de 304 pp.

212. Herminie. L'Amazone.Paris, Calmann-Lévy, 1888, in-16
de 111 pp.

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