Le moyen de parvenir, tome 3/3
The Project Gutenberg eBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3
Title: Le moyen de parvenir, tome 3/3
Author: Béroalde de Verville
Release date: September 9, 2018 [eBook #57880]
Language: French
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LE
MOYEN
DE
PARVENIR.NOUVELLE ÉDITION.
Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
Caritas inter jocosve regnat Moria.
TOME TROISIEME,
A LONDRES.
M. DCC. LXXXI.
On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome troisième, extrait du tome premier de l'original.SOMMAIRE
DES CHAPITRES.TOME TROISIEME.
I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du meûnier complaisant.
Le meûnier complaisant, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.
II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; & de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à ordonner. Explication du mot sot; subtilité d'une femme, dont, je crois, elle fut dupe.
La file violée, p. 8.
L'amant trop complaisant, p. 9.
La femme chere à vivre, p. 10.
III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.
Conte du ministre et de la servante, p. 13.
IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.
Conte de l'âne bâté, p. 15.
Conte du nom du paysan, p. 17.
V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.
La famille bien élevée, p. 23.
Le paysan et le rapporteur, p. 25.
VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la main.
Conte du barbier, p. 32.
VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties singulieres.
Le barbier ladre & le médecin, p. 35.
L'homme saigné par quiproquo, p. 39.
Pari d'un paysan, p. 40.
VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques & du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau froide.
Conte de Pâques & du jambon, p. 44.
L'abbé de Grammont & madame l'amiralle, p. 47.
L'ambassade grotesque, p. 48, cont. p. 50.
IX. Augurelle fait des vœux, & est la preuve que tôt ou tard les prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de prédicateurs.
X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; explication des mots premiere messe & premieres nôces. Ici les convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un François.
Le curé curieux, p. 55.
Conte de l'amant en preuve de son amour, p. 60.
XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.
Conte du cheval chrétien, p. 64.
La fille & l'œuf, p. 66.
Conte du crucifix du curé, p. 67.
XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le transport au cerveau.
Soldat pris en maraude, p. 73.
Le ramonneur pris pour le diable, p. 77.
XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la fourchette de St. Carpion.
Le serrurier de Bourgueil, p. 82.
La fourchette de S. Carpion, p. 86.
XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent encore. Conversation de Frostibus & de Luther.
XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, le faire pour épargner le pain. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si reconnoissantes.
Histoire de Michelle & de ses amans, p. 105.
XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la maison. Métier de huguenot à vendre.
XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans son genre.
XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.
Histoire de l'abbé de Turpenai, p. 125.
XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce qui est malfait sans crime, & bienfait sans mérite. Réception d'un maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être ministre, c'est à peu-près de même.
XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. Ridiculité des moines de parler toujours par nous.
Confession du Chien, p. 135.
XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont faits pour tout savoir. Origine du proverbe, avoir le boudin par le nez. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. Pourquoi on appelle une femme vesse. Pourquoi les femmes ne prient pas les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le sotier de Genêve.
Conte du cordonnier & de la chambriere, p. 153.
XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit audaces. Obstination d'une femme. Invention du célibat.
Conte des génitoires noires, p. 156.
XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand on passe devant la porte d'une putain.
XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.
Le Pendu de Douai, p. 166.
La bonne fortune de Colette, p. 170.
XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.
XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au memento.
XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.
XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris pour le diable.
Conte de Jean Tenon, p. 181.
Le chaudronnier pris pour le diable, p. 184.
XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve clairement que Rabelais a été évêque.
XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. Question lequel des deux bœufs est le plus gras. Plaisantes réparties. Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue par un savant & un menuisier.
Femme qui rend le pain béni, p. 195.
XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. Rêverie de Cardan.
XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la femme battue.
XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.
XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere de connoître les hommes & les femmes fideles.
La femme battue, p. 208.
Le jeu de la courte-paille, p. 216.
XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses affaires par trop de zele de son valet.
Conte de la femme bercée, p. 220.
XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de souliers en une heure.
XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.
XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon de se torcher le cul avec du papier blanc.
Le jardinier & sa femme, p. 239.
Le faiseur d'enfans, p. 242.
XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un libraire à l'article de la mort.
XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le prunier, devinez ce que c'est.
XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du MOYEN DE PARVENIR.
Leçon.
I. Il n'y a rien tel que faire bonne chere, besogner un peu, & avoir de l'argent. Voilà, le sage Ulisse préféroit la cuisine au nectar & à l'ambroisie de la belle Calipso. Aussi, que diable servent tant de vétilles? Il n'est que de faire grand-chere, & se réjouir; c'est vivre cela: &, n'en déplaise à ces couillasses de prédicateurs, qui se crévent tous les jours de la semaine, pour jeûner la nuit, comme bons catholiques, lequel vaut mieux crever de graisse ou sécher de pauvreté? C'est ce que me disoit mon compere Bagautier, qui avoit la vérole: autant vaut pourir sur terre, qu'en terre, & puis qu'on a un jouet, que Dieu a donné pour s'ébattre, que si cela ne se faisoit, on troubleroit toutes les fusées du grand dévidoir du destin.
César. Je ne sais quel petit semblant; mais jamais je ne fus sur aucune pour néant.
Herodote. Ne le prenez pas là pour néant; c'est-à-dire, un coup, & puis plus. Cela vaut autant qu'à coupe-cul. Il m'en avint ainsi, quand je donnai une chaîne d'or à la belle Drogueuse; qui la prit, & me fit passer une nuit avec elle joyeusement. Depuis, quand j'y voulus aller, ne me connut plus. Elle est de celles qui le veulent faire sans péché & scandale. On ne s'apperçut jamais pour un coup. Un refus à un, qui l'a fait une fois, est le corrigement de toutes les autres; & afin que vous ne me gaussiez, je vous déduirai mon aventure de cette-ci. Un meûnier avoit une belle femme; elle se nommoit Denise, aimoit mieux chauffer son cas, que brûler sa chemise: & puis on dit que je radote, ramenant les vieux proverbes.
Erasme. Mais comment diriez-vous en un mot, une femme qui se chauffe, & a un chat entre les jambes ou sous ses robes?
Hérodote. C'est consumis. Et s'il n'y avoit point de chat, ce seroit convoitison. Or vous qui en savez tant, dites-moi en grec ou en latin, c'est tout un, comment vous diriez en un mot un homme qui n'a point d'argent, qui en voudroit bien avoir, qui en feroit grand-chere.
Erasme. Voilà bien des paroles, ô, ho, a, ha; il ne faut que dire: ego; parguoi, vous vous y entendez, comme un aveugle à tirer des cirons. Mais revenons un peu à cette meûniere.
Hérodote. Le curé présente donc son service d'amour à Denise; & elle le refuse tout sec, d'autant qu'elle n'étoit pas encore saoule de son mari. Il la presse, & continue importunément sa recherche, parce qu'en usage de prêtre, il ne faut que pousser & s'encrucher.
Cusa. Je pense que tu as été prêtre, ou moine, pour autant que tu les déprises ainsi; & que tu ne saurois tant de leurs affaires.
Hérodote. Oui, j'étois le nourricier de leur cul, je lui baillois de la bouillie, & ce qui me demeuroit aux doigts, je le vous faisois lécher. Denise fâchée, & aussi importunée qu'une garce qui a deux maîtres d'ordinaire, lesquels sont comme les bouchers de notre pays, qui sont deux à une bête, dit à son mari que ce prêtre la requeroit de lui faire tout ainsi qu'il lui faisoit, quand ils s'ébattoient pour s'endormir. Le mari y ayant pensé, & s'estimant trop homme de bien, pour n'être point cocu, jugea qu'il le falloit être à profit; & qu'aussi bien ne pouvoit-il faillir que cela n'avînt, ou pour néant, ou à son désavantage, ainsi qu'ordinairement il échet à vous autres messieurs. Ne voulant donc demeurer à l'être, comme une pauvre sorte de marauds qui n'ont point d'amis, lui dit qu'il falloit y aviser, & que si ce curé lui vouloit donner ses quatre septiers de froment, qu'il avoit eu de son gros de saint Maurice d'Angers, (qui est le fils de celui de Tours, à ce qu'on m'a dit) qu'elle ne feroit point mal d'y entendre. Ma mie, il fait bon gagner quelque chose, cette année que tout est si retiré: une nuit n'est pas tant, il y en a plus que de semaines. De par dieu, soit. Il est bonne personne; il n'en sera que plus gentil, & nous en aimera mieux; il nous confessera pour rien; fait bon épargner. Il n'est si bel argent qui ne s'en aille. J'irai aux champs; & tu lui donneras une assignation. Une fois n'est pas tant, pour avoir du bled; s'il le veut, il aura du plaisir; mais il le paiera. Est-ce pas raison? Promets-lui; mais n'y faudroit pas retourner. Pour une nuit, passe; tu auras eu autant de bon tems, tandis que je m'épargnerai pour une autre fois; aussi-bien me faut-il un peu reposer; mais n'y faudroit pas retourner. O! mon ami, j'aimerois mieux être tombée sur la pointe d'un oreiller, & m'être rompu le cou sans me faire mal, saine & sauve soit la compagnie, que d'y avoir pensé. Le complot pris, Denise attendit le curé, qui ne faillit à venir encore pour tendre ses gluaux. Ainsi qu'il est à deviser avec elle sur le sujet d'enfiler des perles, elle lui dit: en da vere, vous causez assez, vous autres prêtres, & voulez avoir ébat; mais vous ne voulez rien donner. O, ho! & ne tient-il qu'à cela? Demande-moi tout ce que tu voudras; tout ce que j'ai est à toi, mon connaud; dis-moi ce que tu veux. Mon mignon, j'ai un mari fâcheux; & il me gronde, parce que j'avons faute de bled. Donnez-moi vos quatre septiers de froment; & venez coucher avec moi, quand vous voudrez, pourvu que mon mari soit allé aux champs. Il pourra bien y aller ce soir; attendez & revenez après vêpres, & je vous le dirai; si d'aventure vous ne le voyez passer sur son grand mulet. Le curé sortit. Le mari, tout averti, monte sur son mulet; il passa, sur la soirée, par devant le presbitere, où le curé le guettoit à passer. Il fut bien aise, & lui dit: où allez-vous compere? Je m'en vais à cinq lieues d'ici quérir du bled, monsieur le curé. Dieu vous conduise, mon compere. Adieu, monsieur le curé; & d'aller; & le curé de venir au moulin, d'où l'autre âne fut envoyé au presbitere quérir le bled. Cependant le chapon rôtissoit. Le curé, qui tant avoit ouï dire de tours faits aux autres, se voulut assurer & en prendre une poignée sur la mine, avant que de se coucher; ce qu'il fit gracieusement, forçant la meûniere, en dépit qu'elle le vouloit bien. Puis ils souperent, puis ils se coucherent, puis s'embrasserent, & puis ils firent la belle joie, & de ce qu'il peut: on ne fait pas ce qu'on veut. Il s'ébatit à bon escient pour son bled; & sans apostrophe, avec plénitude d'efficace réelle. Et boute, mon ami, boute; tout ce bon bled passera bien par une trémie. Il est vrai qu'elle n'osoit y prendre autant de plaisir qu'avec son mari, de peur de le faire cocu, & qu'elle prît goût au revas-y. Voilà comment elle étoit forcée.
Le bon homme. Elle l'étoit, comme celle qui fit mettre en prison messire Ambroise; lequel, à ce qu'elle disoit, l'avoit forcée; mais achevez ce curé.
César. Laissez-le un peu faire à son aise.
Superstition.
II. Le bon homme. Vous savez que ceux qui sont en prison, sont instruits par les autres, ainsi que le fut cettui-ci, qui, étant amené devant l'official, fut interrogé en la présence de la fille. Venez ça, mon ami. Connoissez-vous pas bien cette fille-là? Oui, monsieur. L'aimez-vous pas bien? Oui, monsieur. L'avez-vous baisée quelquefois? Oui, monsieur. L'avez-vous quelquefois poussée, pour vous accoupler avec elle? Oui, monsieur; mais elle remuoit & tempêtoit, se trémoussant si fort, que je ne sais si j'ai mis dedans ou dehors? Elle va répliquer: hélas! monsieur, le grand menteur! Je ne remuois pas, par mananda, non plus qu'une pauvre piece de bois. O, ho, dit le compagnon, je ne vous ai donc pas prise par force? Que fait notre curé.
Hérodote. Laissez-le moudre son bled. Il fait possible, comme le jardinier qui trouva sa maîtresse endormie, une jambe en bas & l'autre sur le lit. Il leve sa robe, pour voir si elle faisoit semblant, puis la cotte, puis la chemise; & lors il vit le but d'amour, aussi prêt à s'émouvoir qu'une rose fraîche: il y fiche sa fleche; & comme il poussoit trop fort, elle s'éveilla, & le voyant, lui dit: qui vous a fait si hardi? Je m'ôterai, s'il vous plaît, madame. Je ne vous dis pas cela, vous êtes un sot; je vous demande qui vous a fait si hardi?
Gratian. Ce mot de sot est fâcheux, si est-ce que le chevalier de Brin l'endura bien de mademoiselle de Morfaut, qui, sur les discours qu'ils tenoient à l'usage de chevalerie Maltoise, lui demanda: or ça, mon gentilhomme, en bonne foi, voudriez-vous pas bien m'avoir besognée? Oui vraiment, madame; & ne vous en déplaise, je voudrois bien vous avoir embrassée amoureusement, homocentriquement & résolutivement. Allez, vous êtes un sot, le plaisir seroit passé; pour être content, il voudroit mieux me le faire.
Hérodote. Comme possible fait notre nouveau meûnier. Faisons-le lever: il est trop aise. Si-tôt qu'il fut debout, il s'en va chez lui, la queue entre les jambes, honteux comme un coq plumé tout vif. Quelques jours pensant à ses évacuations de la premiere, seconde & troisieme figure.
Néron. Il étoit aussi étonné que le conseiller de Blois, à qui sa femme demandoit une robe: vraiment, ma mie, je ne le vous fais coup qui ne me coûte plus de dix écus. Et certes voire, faites le tant qu'il ne vous revienne qu'à un douzain; il ne tiendra pas à moi, si vous pouvez, que vous ne me deviez du reste.
Hérodote. Le meûnier revenu, vit bled, dont il fut content; mais il dit à sa femme qu'elle n'y retournât plus, à peine d'avoir le cou rompu. (Ainsi la nécessité fait faire des choses qu'il faut quitter, quand on a ce qu'on demande.) Mon ami, je l'entends ainsi; je ne ferai jamais que ce qu'il vous plaira. Or bien n'en parlons plus. Deux ou trois jours après que le meûnier étoit aux champs, le curé vint voir Denise, & se mit à la caresser & baiser. Laissez-moi, monsieur le curé; si mon mari venoit, il nous feroit méchef. Quoi! je vous ai bien fait tout ce que j'ai voulu; & vous faites la revêche? Quoi! votre cas est-il plus cher ou plus sage que l'autre jour? Voyez, monsieur le curé, je n'en ferai rien; il est résolu: ce qui est fait est fait; & rien n'aurez davantage, y fussiez-vous d'ici à cent ans. Pour le moins, baisez-moi, ma mignonne. Que vous êtes importun! Il la baisa, il la tâta au tetin, il mit la main sous sa cotte, il veut prendre le chose; elle l'empêche, & fit trop la courroucée & pleureuse. Comme il veut prendre le calendrier historial, pour marquer le nombre: hélas! que voulez-vous faire? Si mon mari venoit, je serois perdue. Laisse-moi, je te prie; je ne te ferai pas plus de mal, que je fis l'autre nuit. Que tu es fâcheuse! Et pourquoi non? Pour un petit coup, comme l'autrefois. Si mon mari venoit? Il ne viendra pas. C'est tout un; je n'en ferai jamais rien; il ne l'a pas dit. Or ça, laissez-moi; ôtez-vous. Quoi! à tout sans revenir? Oui. Pour le moins, pour lui dire adieu; puisque tu es si mauvaise, que je voie ton chose. Vous ne m'importunerez plus, si je vous le montre? Non, je t'assure, & je te le jure, foi de consistoire. Cela promis, elle se retrousse, & lui montre son chose; ce qu'ayant vu, il se signa, en s'écriant: ô quel grenier, où j'ai mis mon bled!
Galien. Elle ne fit pas comme la femme du grand Pierre de Barace, qui me trompa. Nous parlions de faire le petit verminage, & de voir les pieces; sur quoi elle me dit: si vous me vouliez donner un teston, je vous monterois mon con. J'y allois à la bonne foi, & mis la piece d'argent en main tierce; & elle monta sur un coffre: or ça, je vous ai dit que je le monterois. Je ne le vois pas. Je ne vous ai pas dit que vous le verriez, ou que je le montrerois, mais monterois: allez étudier.
Aristote. Or réfléchissons sur ces moult beaux adages & rencontremens: c'est donc du fait de ce meûnier qu'est procédé le proverbe pour ceux qui ont dépendu de l'argent, ou bien pour tels pertuis: il a mis son bled au grenier au prêtre.
Crespin. L'âne & le meûnier sont relatifs.
Cedrenus. Il faut ici mettre l'âne du peintre.
Glycas. Ayez patience; nous voulions donner à boire à ce curé; puis l'âne viendra son petit train.
Thême.
III. Un ministre avoit une piece de bon vin, qu'il gardoit aux bonnes bouches. Il avint qu'il en voulut avoir, pour envoyer à un sien ami; & il descendit lui-même avec la chambriere, pour faire emplir la bouteille; mais il n'y avoit pas d'ordre: il étoit trop bas. (Il eût eu besoin de priere, comme la bonne femme qui prioit dieu que hausse qui baisse, & que baisse qui hausse: hausse qui baisse, étoit pour son vin; & baisse qui hausse pour son lard, qui étoit pendu au plancher, qui haussoit, plus on en prenoit.) Le ministre n'étoit point content que son vin fût diminué sans s'en être senti. Comme il s'en tourmentoit, la chambriere disoit: il faut qu'il s'en soit allé par quelque part. Et elle faisoit l'empêchée de regarder par-tout; puis elle s'avisa de monter sur le tonneau, pour voir s'il n'y auroit point quelque fente derriere. Etant dessus, & se baissant la tête, voilà ses robes qui se renversent sur son échine, chemise aussi; & son maître qui tenoit la chandelle, va voir la grande essoine qu'elle avoit entre les cuisses. Elle faisoit si beau jeu, qu'on l'eût vu jusqu'à l'herbier. Allons, allons, dit-il, ôtez-vous de-là; l'ai vu la fente par où mon vin a coulé.
Cedrenus. Vous aviez cela à dire, pendant que je faisois paître mon âne.
These.
IV. Un viel peintre avoit une femme jeune, belle & jolie, dont il étoit fortement jaloux, ainsi qu'il est séant à tel âge. Cette jeune femme faisoit semblant de n'y penser pas. Toutefois elle n'étoit point contente de ce que son mari ne tiroit pas si souvent au naturel, qu'elle eût désiré: à quoi elle pourvut au moyen & aide d'un jeune peintre, en quoi elle se gouvernoit tant simplement & faisant la chatemite, qu'il sembloit qu'elle n'y touchât pas. Même elle portoit un semblant tant nice & honteux, qu'elle faisoit presque difficulté de regarder l'endroit de la braguette, & eût fait conscience d'ouïr parler un homme. Toutefois cela n'effaça point l'ombrage de son mari, qui, ayant affaire aux champs pour quelque temps, sur le point qu'il falloit partir, ne pouvant plus s'en excuser, étant necessaire qu'il y allât, avoit fort mal à la tête. (Les dames de Touraine font distinction entre mal & douleur de tête. Mal, c'est quand il est comme de ce peintre; douleur, quand le sens triste l'occupe. Quand donc l'opinion cornue est en la tête, c'est mal; & cela fait ainsi, à ce que m'a conté le sire André T. comme quand une dent perce; c'est que, la corne perçant, cela fait mal.) Etant le peintre sur la conclusion de son partement, il dit à sa femme: ma mie, je vous aime beaucoup; mais je désire de vous quelque chose, qui me fera assurance de votre honnêteté. Mon ami, tout ce qui vous plaira; je ne vous ai jamais refusé de rien, ni ne ferai. Sur cet accord, & lui ayant dit son intention, sur la peau de son ventre, où elle est plus licée & polie, il y peint un âne, puis s'en alla. Il ne fut pas gueres loin, que le compagnon ne vînt voir la belle, & garder le corps de cette femme, à laquelle il savona bien & beau les fauxbourgs des fesses. Comme elle sentit le proche retour de son mari, elle avisa son ami de cet âne, qui, y regardant, le vit tout effacé, excepté la tête & les jambes. Hélas! que ferai-je, dit-elle? Ne vous souciez; je les racoûtrerai bien. Ce qu'il fit, & le vêtit d'un petit joli bât tout neuf, si que le voilà joyeux près la pâture vitale, & étoit si bien qu'il n'y manquoit que la parole. Le mari revenu, fut reçu, avec une douce liesse & bonne chere, comme le bien aimé, à force accollées & baisers mignons. Sur le soir, en devisant, il s'avisa: Eh bien ma mie, notre âne? Mon ami, je n'ai point pensé à lui; je ne sais comment il se porte. Il leve la chemise de sa femme, & le regarde. A, ha, dit-il, en grande admiration, voilà bien mon âne; mais au grand diable soit qui me l'a bâté. Depuis, pour parler en paroles couvertes, on a dit: bâter l'âne, pour signifier faire, verminer, besogner, &c.
Antiphon. Les filles de notre pays disant en paroles couvertes, parlent bien autrement, témoin la fille de chambre de mademoiselle de la Forest, femme d'un conseiller. Un paysan lui apporta un lievre, qu'il mit, en l'absence de monsieur, ès mains de la fille de chambre nommée Andrée, laquelle il prie affectueusement de le présenter à monsieur, & lui recommander son procès, dont il étoit rapporteur, & qu'il avoit nom le Vit. (Une dame ne fit pas, un jour, difficulté de le nommer. Je lui faisois je ne sais quelle petite haire; & elle me vouloit dire: vous faites bien les trois lettres, S, o, t, sot; elle brocha des babines, elle me dit: vous faites bien des trois lettres, V, i, t, vit.
Leon l'Hébreu. Et ma cousine Esther, qui avoit nommé son cela naturellement, me répondit naïvement. O ma mignonne! lui dis-je, qu'avez-vous dit? Vraiment, mon cœur, dit-elle, je n'ai pas dit con).
Antiphon. Durant le dîner, Andrée s'avisa de son message, & dit: à propos, monsieur, il est venu ici un homme qui vous a apporté un grand lievre. Où est-il? Je le vais quérir. Le voilà. Vraiment il est beau; il le faut mettre en pâte. Monsieur, il vous recommande ses affaires, ce pauvre homme. Comment a-t-il nom! Je ne l'oserois dire; il est trop sale. Si vous ne le dites, je ne saurai qui m'aura donné ce lievre. Ardez, monsieur, vous savez bien qui il est; je n'oserois dire ce nom-là, il est trop sale. Mademoiselle lui dit: dites-le en paroles couvertes. Bien donc, Monsieur, il a nom comme cela avec quoi on fout.
Munster. D'un âne vous êtes venu à un lievre, je crois que c'est à cause des oreilles; à raison de quoi, pour le mettre en cosmographie, je vous dis que je ne vis oncques âne plus joli, que celui d'un apothicaire de Tours. Son maître même m'en a assuré, nous en faisant le discours ainsi. J'ai l'âne le meilleur du monde: même il est si naturel, qu'il me sent d'une demi-lieue.
Chapitre.
V. Vous me faites souvenir d'un voyage que nous fîmes en Espaigne; l'année que l'empereur devint fou. Je pense qu'Espaigne, c'est-à-dire, Espargne, i, pour r, comme il est écrit ès prologues des institutions de droit. Etant avec ces magnifiques, ils nous fêtoyerent aussi magnifiquement, & le tout de paroles. Je ne vis jamais tant de beaux banquets de paraphrases; les paroles y étoient apprêtées en toutes sortes; il y en avoit de couvertes en mode de pâtés de venaison; il y en avoit de rassises, pour manger avec du pain frais: le menu étoit de ces petites paroles, syllabes & lettres que l'on mange en poésie & en prose. Certainement ils nous en firent bonne chere: mais cela pourtant nous passoit apostrophiquement par la bouche. Les confitures & le dessert étoient révérences: & pour la bonne bouche, nous eûmes le mot de guet, & le mot pour rire. Voilà comment nous fûmes traités, avec belle eau fraîche, si nous en voulions. Cela étoit mal au ventre. (Ils ne nous traiterent pas, comme le mercier de Loches faisoit sa femme. Sa mere lui dit: mon ami, traitez-là bien doucement. Vraiment il le faisoit; il lui bailloit des oussemens. Ainsi les sages-femmes l'entendent, quand elles disent aux premieres grosses des autres: consolez-vous, ma mie, il en sortira plus doucement qu'il n'y a entré.) Or, nous fûmes bien arrivés auprès de la bonne eau d'Espaigne. Vraiment, si jamais je refais ma cosmographie, je ferai telle description de ce pays là, que l'on croira aisément que les peuples y sont enragés.
Apicius. Mais à propos d'eau, quand un homme entre où l'on dîne, lequel est le plus excellent, si on lui présente de l'eau ou du vin!
Le bon homme. C'est à ce coup, que l'on connoîtra vos bons esprits. O la belle proposition! ô le beau problême notable, qui fut débattu au concile des trois dixaines! Or boivez, pour décider cette affaire.
Apicius. Quant à moi, pour le premier j'en dirai ma ratelée, & ce d'autant que j'ai un beau nom. Et pour vous amuser un peu, qui sont les deux noms les forts délicats; nous n'avions garde d'avoir plus mauvais à un homme? Vous êtes quinaux; vous êtes quarante fesses. C'est Guillaume & Gautier, parce que l'on dit aux gens de nôces; venez, mes amis; mais ne m'amenez ni Gautier, ni Guillaume. En avez-vous? Or, quand j'irai où l'on dîne, je serai bien aise que l'on me présente de l'eau. L'eau, en ce temps là, c'est le juste & parfait symbole d'honneur & de profit à venir; c'est signe qu'il se faut laver, & se mettre le plus près de la table que l'on pourra, & sur-tout vers le milieu. Le vin a sa vérité quant & soi; c'est fait, il ne prophétise rien: l'eau prophétise le dîner; le vin, ayant été présenté & pris, signifie, boivez, & vous en allez. Ainsi, par l'eau, est représentée la jouissance future, & abondance; par ce peu de vin, est montrée une dayée de commodité qui se passe vîte. Ainsi l'eau présentée, alors représente le mystere dînatoire; & le vin dit congé. On baille de l'eau pour disposer l'appétit, non pas seulement pour laver les mains; aussi qu'en est-il besoin? Il ne faudroit, si cela étoit nécessaire, mouiller seulement que le bout des doigts; on ne met pas la soupe dans le creux de la main: ce lavement est donc pour exciter l'appétit; la main est la figure du foie, son rapport unique & formel, laquelle mouillée donne au foie une vertu cuisante. Voyez, je vous prie, les poissonnieres, lesquelles pour avoir toujours la main en l'eau & le feu au cul ont les joues vermeilles; elles sont gaillardes, aiment le bon vin, toujours étant en appétit. Voilà des points secrets de la très-profonde sagesse.
Diogenes. Que males mules aient ces philosophes foireux qui ne font qu'ânonner: je les envoierai à mon métayer & à ses gens. Il y a plus de mille ans que le conte en est fait; mais on l'a mal retenu. La fille de ce métayer apporta des prunes à notre femme, qui lui dit: il n'en falloit point, ma mie. C'est votre gresse, mademoiselle; prenez-les, s'il vous plaît; aussi-bien nos pourceaux n'en veulent point. L'après-dînée, celle de chez nous rencontra la mere de cette fille, à laquelle elle dit ce que sa fille lui avoit dit. Ardez, répondit-elle, mademoiselle, elle dit vrai; ces méchans pourceaux aiment mieux manger la merde. Sur le soir, je rencontre le bon homme, auquel je conte le tout. Pardé, monsieur, dit-il, ce sont bêtes: leur bouche est en paroles aussi honnêtes que le trou de mon cul.
Antiphon. Appelez-vous cela des paroles couvertes? Je crois qu'il les faut servir à couvert, de peur qu'elles ne s'éventent.
Diogenes. Si vous avez peur qu'elles s'éventent, avalez-les vîtement, & faites comme en Italie, baillez-leur du plat de la langue.
Horace. Si j'eusse su cela, j'eusse bu, & eusse pris congé.
Quintilien. Comme quoi? Est-ce selon que le prononça le president Gascon? L'appellant voyant sa partie ne comparoître pas, demanda congé: je demande congé, messieurs. Le président ayant recueilli le conseil, chacun ayant dit: congé; il prononça: qu'il s'en aille. Il y eut un chaste abbé qui l'alla voir, & lui présenta son frere, lui disant: monsieur, je vous supplie de faire cette faveur à mon frere, de le tenir pour votre serviteur. Quoi! faveur! dit-il; je ne fais point de faveur; je fais justice.
Laertius. Je me souviens qu'étant à Paris, chez un conseiller, j'ouis un bon apophthegme. Il y avoit un bon paysan, qui avoit gagné son procès, & étoit allé parler à son procureur, qui lui avoit donné avis d'aller voir ce conseiller qui avoit été rapporteur, afin qu'il le remerciât. Ce bon homme allant, pensoit en lui-même, que possible il lui faudroit encore donner quelque chose: toutefois il s'assura qu'il auroit tant de conscience, qu'il ne lui demanderoit plus rien, vu que pour payer les épices, il avoit même été contraint de vendre sa vache, seul reste de son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui dit: mon ami, je vous sais bon gré de m'être venu voir; je prends plaisir à m'employer pour les gens de bien; remerciez dieu, que vous ayez eu tel qui vous a conservé votre droit. Or il y avoit en la même salle un peintre qui faisoit une chasse en un paysage, où il y avoit plusieurs sortes d'animaux, que ce paysan se mit à regarder. Le conseiller lui dit: que regardez-vous-là, bonhomme? Je regarde si entre tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fût, parce que vous l'avez bien eue & davantage. Ainsi que Laërtius parloit, voilà que la petite chienne de madame, qui demandoit à manger, aboie & le fâche: il étoit assez près, & lui cria: paix, petite vilaine, petite putain; voyez-vous un peu que cette petite vesse fait de bruit! Ce que voyant notre curé, va dire: je m'ébahis que ce philosophe n'a honte de donner le nom d'une personne, & le surnom d'une chrétienne à une chienne. C'étoit lui, qui, prêchant; disoit: enfans, apprenez la patenostre & l'ave à vos peres & meres. Il étoit des enfans de Moulins, auxquels on frotte le cas de beurre, quand ils sont malades. La fille d'un marchand de Lyon, qui s'étoit retirée à Genève, de peur de jeûner en carême, en fut punie, d'autant que, mangeant d'une bonne truite, une arête lui demeura en la gorge: hélas! elle étoit fille unique, uniquement aimée. On courut aux remedes. Médecins, chirurgiens, apothicaires, alquemistes, empiriques, sorciers, charlatans, secrétaires & bimblotiers de drogues furent appellés; mais on n'y pouvoit remédier. Déjà l'arête, ainsi passée, l'ulcéroit; & y avoit crainte qu'elle n'en mourût avec douleurs. Il passa par-là un vieil homme, qui, ayant ouï le bruit & la pitié, fut ému de compassion; il entra en la salle, fit faire un grand feu, & fit apporter une livre de beurre; puis, ayant fait sortir tout le monde, prit cette fille sur ses genoux, s'étant assis comme une nourrice, & lui montra le cul au feu, lequel muni de deux belles grosses fesses rebondies, il graissoit de ce beurre. L'opération en fut merveilleuse, d'autant qu'aussi-tôt l'arête fut avalée, & la fille guérie; & hoc certo certius.
Marot. Je ne sais pourquoi vous nous dites cela; vous ne faites que nous mettre en goût.
Consistoire.
VI. J'aimerois mieux dépuceler une gueuse, que d'avoir le reste d'un roi: toutefois, à cause de ce que ce jaseur vient de dire, je suis tout dégoûté. Cela m'a fait souvenir que je n'ai point d'appétit.
Louvet. Pargoi, mon ami, si tu es tant dégoûté, je te prie & conseille de te faire procureur, & alors tu mangeras à toutes mains jusques aux os.
Marot. Je pourrois manger autant que douze, que je ne m'engraisserois pas.
Louvet. Vraiement, tu n'as garde: comment engraisserois-tu, vu que tu chies tout ce que tu as mangé? A cela, va dire un chien couchant de léchefritte: quelle prodigieuse invention!
Marot. Qu'est-ce là? Quel animal nouveau?
Louvet. C'est un moine de cuisine; aliàs un boute-cul, qui va dire qu'ordinairement on chie au prix que l'on mange.
Le bon homme. Que vous êtes sale! Laissez ces paroles. Vraiment, si j'eusse été le maître, vous n'en eussiez pas ainsi dit; & en ai laissé passer, parce que je m'amusois à faire mon état, qui est de considérer vos actions.
Ciceron. Ne vous trompez pas, monsieur mon ami; les paroles ne sont point sales; il n'y a que l'intelligence. Quand vous orez une parole, recevez-là, & la portez à une belle intelligence; & lors elle sera belle, nette & pure. Mais cela fâche les oreilles? Si les oreilles étoient pures & nettes, cela ne les incommoderoit point. Un étron incommode-t-il le soleil, bien que ses rayons s'y jettent? Sachez aussi, mon pere se puisse tuer, que, si on ôtoit ces paroles d'ici, ce banquet seroit imparfait. Seriez-vous bien aise que l'on vous ôtât le cul, parce qu'il est puant, & ce jusqu'à la mort? Vous seriez un bel homme sans cul! Il faut suivre nature; ainsi notre discours le suit. Et, si vous vous scandalisez, oyez une prophétie que j'ai apprise dans l'abbaye des grottes de Memphis. «Moines, Prêtres, ministres, &c. présidens, conseillers, avocats, &c. marchands, ouvriers, artisans, &c. de quelqu'état, qualité & condition qu'ils soient, qui diront mal des mémoires du Moyen de parvenir, seront atteints & convaincus de tous crimes que la sottise embrasse, que l'imprudence couve, & l'hipocrisie nourrit, &c.» Avez-vous ouï cela? Si vous oyez un mot qui vous fâche, dites que vous ne l'entendez pas, ainsi que je l'enseigne aux sages filles de la cour. Ma mie, si vous oyez parler de ceci ou cela, ou de ficher sans pic, dites que vous n'y entendez rien, & n'en faites aucun semblant; d'autant, que si vous vous fâchez, quand on dira des paroles de fouaillerie, on dira que vous les entendrez, ce qui seroit honteux. Avez-vous ouï, encore un coup, monsieur mon ami. Or donc, soyez sage, & faites votre état.
Hérodote. J'y suimes. Il étoit un beau barbier.
César. Pourquoi dit-on glorieux barbier?
Hérodote. Parce qu'il vous coupera bien le poil du cul, sans en être honteux.
Diogenes. Et si je n'avois point de poil au cul?
Hérodote. Tu serois comme les femmes.
Diogenes. Et dà, pourquoi? Est-ce que les femmes n'ont point de poil au cul?
Hérodote. Grosse pécore, grand âne que tu es, fils d'un coq de Ludonnois, ne sais-tu pas: fronte capillata est, sed post occasio calva. En voilà la raison. Il faut que je fasse le prêcheur, que j'interprete mon latin: c'est parce que la fortune a du poil au front; c'est là où il faut la prendre: entre les deux gros orteils des femmes, il faut se prendre là, parce qu'il n'y a point de poil derriere.
Madame. Là, là, à ce barbier.
Hérodote. Par mon serment, sans jurer, je pense que je l'oubliois, tant vous êtes folle. Ce barbier aimoit très-ardemment une sienne voisine, femme d'un mercier: & avoit le mot du guet avec elle: il ne falloit que trouver le moyen & l'occasion: (voilà adapter les mots, je parle aux doctes; il n'y a gens qui soient moins cocus que merciers demeurant en boutique; parce que toujours leurs femmes sont présentes, & ils leur sont présens.
Uldric. Mais, encore avant que passer outre, monsieur le notaire, je vous demande, pourquoi est ce qu'on se marie?
Archimede. Or regardez, je vous le dirai sur ces quatre doigts, ayant le pouce en la main. Le premier doigt, qui est index, nota; on se marie pour avoir une femme. Le second, pour avoir de l'argent. Le troisieme, pour avoir du plaisir. Le petit doigt, pour avoir des enfans: aussi est-ce là que les Gyptiens & les Bomians les trouvent marqués. Or çà, mon frere, regarde les deux doigts du milieu, & les vois baissés: c'est signe que le plaisir se passe, l'argent s'en va. Vois ces deux doigts restés de bout; ils signifient que la femme & les enfans demeurent avec droit de brancards.)
Hérodote. Et voilà donc l'usage auquel est sujet, comme tout autre marié, ce mercier, la femme duquel desiroit avidement l'accointance du chirurgien son voisin; mais on ne pouvoit y trouver ordre. Ils s'aviserent en parlant à la boutique, les étoffes les séparant, & exécuterent leur dessein. Voilà ma commere la merciere, qui fait la malade; elle plaint sa tête; elle fait semblant d'avoir des soulevemens de cœur: le mari, tout étonné, envoie querir maître Pierre; aussi-tôt qu'il est venu, il la visite. O mes amis, dit-il, & vous, mon compere, parlant au mari, voilà ma commere qui est bien malade; c'est la contagion: mais il y a moyen. Çà un peu de vinaigre; vous avez bien fait de venir au devant; si vous eussiez tardé, il n'y eût plus eu de moyen. Çà, venez ici, apportez cela; ici du feu; là une écuelle; de l'eau, du linge, fermez ces huis un peu; là, parlez bas; des ciseaux; je suis tout étourdi, tant j'ai hâte. Ainsi faisant l'empêché, il fait un emplâtre fort léger, & dit au mercier: mon compere, il faut que vous mettiez cet emplâtre sur le bout de votre membre viril: & que vous le poussiez dans la nature de votre femme. Quoi! dit le mari, faites votre état, maître Pierre. Mais c'est votre femme. Faites votre état, mon ami. A donc le barbier mit l'emplâtre sur le bout de son inconvénient, & le porta à la ruelle du lit; mais quand ce fut à ficher, il ôta le linge poissé, qu'il pausichonna en sa pochette; & mit maître cas dans la belouse, autrement dit, le trou de service, frais, vif & en bon point: & ainsi guérit madame la merciere; & qu'ainsi en puisse prendre à toutes celles qui le desirent.
Committimus.
VII. Il en prit autrement à un petit barbier de Vendôme. Monsieur le médecin Taillerie, menoit en pratique ce petit chirurgien; & parce qu'il avoit long temps à être chez la noblesse ou il alloit, monsieur le médecin, jà vieillard, menoit sa femme qui étoit encore jeune, que le barbier accompagnoit en trousse. Etant en chemin, le médecin demanda au barbier comme se portoit sa femme. Vraiement, dit il, monsieur, il faut qu'elle se porte bien, si elle veut; d'autant que je l'ai approvisionnée six bons coups, cette nuit, sans ce qui s'est fait depuis. Cela leur servit de risée, tant qu'ils furent arrivés à la noblesse, où ils alloient. Le soir, chacun étant retiré, le médecin devisant avec sa femme: laquelle lui avoit entamé le propos de ce jeune barbier, lui demandant, possible en songeant à ce qu'il avoit dit tantôt, pourquoi il s'en servoit plutôt que d'un autre. Ma mie, ce dit-il, je me sers de lui, parce que je desire qu'il ait sa vie toute gagnée, d'autant qu'il n'a plus que deux ans ou environ à travailler, à cause qu'il paroîtra tout ladre. Cette réponse fut cause, que la demoiselle s'en dégoûta. Comme ils s'en retournoient, le médecin gaussa sa femme; & ainsi qu'ils furent en un carroi, où il y a de grand arbres, il lui dit: ma mie, mettez pied à terre; je vous veux baiser entre cul & con. Mon ami, dit-elle vous êtes fâcheux. Non suis; le pied à terre, je le veux. Etant à bas tous deux, il la prend & la baisa en la bouche, comme au jour de leur nôces; puis elle dit: pourquoi me disiez-vous cela? Parce que je l'ai fait; ne vous ais-je pas baisée? Oui. Ha! ma mie, voilà un ruisseau qui se nomme cul, & celui-là con; nous sommes entre-deux. Ainsi, beaux esprits, voilà de belles paroles; elles sont claires comme eau.
Mahomet. Comment voudriez-vous faire entre con & cul une muraille seche?
Cesar. Je ne sais.
Mahomet. Il faudroit boire l'eau, & manger le mortier: achevez.
L'autre. Etant de retour de fortune, mademoiselle du médecin se trouvant chez une commere; (c'est-là où on cause) vint qu'on parla de maître Claude ce barbier. Vraiment, dit cette demoiselle, je suis marrie de son inconvénient, il sera ladre dans deux ans; mon mari me l'a dit. Cela alla de bouche en bouche, ou de couche en couche, tellement que le barbier le sut, qui, tout scandalisé, vint trouver monsieur le docteur, auquel il fit sa plainte, & demanda s'il l'avoit dit, & pourquoi. Parce qu'il ne faut pas, vous qui êtes jeune, que vous parliez devant ma femme, en ma présence, de le faire six coups; & soyez sage.
Beroaltus. Je connois ce barbier, il est honnête homme: il a fessé un chien; il est Gascon & a demeuré à Tours chez un de nos amis. Vraiment il fit un jour un trait notable. Une femme d'honneur étoit malade, & il falloit, au carême, avoir dispense, pour lui faire manger des viandes qui sont interdites en saint temps.
Aristote. (Mais la cause pourquoi la chair terrestre est-elle plutôt défendue que l'aquatique?
Pythagoras. Mais aussi vous dirai-je, un étron est-ce chair ou poisson?
Aristote. Il y faudroit goûter: & puis vous sauriez que tandis qu'il a le sens chaud, il sera chair; s'il l'a froid, il sera poisson & vous en soulez. Ce n'est pas cela. Répondez au prêtre: je vous dirai: c'est parce que la chair fout, & on seroit fou toujours, & le poisson fraie.
Neron. Voilà de belles raisons. J'aimerois autant celles de Jannotin, qui dit: qu'il faudroit être sergent pour aller en paradis, d'autant que les sergens vont devant: da, da. Il est bon, s'il n'y avoit que les gens de justice qui allassent en paradis. Et c'est le contraire, & je l'ai vu en la danse macabrée de Fubourg, où les présidens, conseillers, avocats, procureurs & clercs, sont par les sergens conduits en enfer, & t'en guette).
Beroaltus. Or vela beau cauré? laissez-les dire: j'acheverai mon discours. Maître Pierre le Grand, petit barbier de Tours, avoit chez lui ce compagnon qui se tenoit fidélement à la boutique. Ainsi qu'il fut avisé: ce maître eut un certificat du médecin, afin que l'official ou grand vicaire: (au diable soient-ils, si je me souviens auquel il faut avoir recours, si d'aventure on ne joue deux personnages comme le maréchal de Ballan, qui étoit notaire & aussi barbier, & quand on le demandoit, il disoit: me voulez-vous pour ferrer, ou barber, ou écrire, ou ajourner, parce que depuis il fut sergent.) Le certificat fait par le médecin, le chirurgien le porte chez lui, & dit à son homme: va faire signer cela à monsieur l'Official. Le garçon ouit de biais, & pensoit que le maître eût dit: va faire une saignée chez monsieur l'official. Il prend son manteau & ses outils, & y va. Il heurte à la porte, & le neveu de monsieur lui vint ouvrir, auquel il demanda comment se portoit monsieur. Il se porte fort bien. Si est-ce qu'il y a ici quelqu'un malade, que mon maître m'a envoyé saigner, en voilà l'ordonnance. Le neveu, fort suffisant vit le papier, & ne pouvant rien connoître, pour faire le savant, dit: il faut que ce soit pour moi, d'autant que je suis morfondu; venez & entrez. Ce qu'il fit & le saigna bien & beau. Je m'ébahis qu'il n'en fût mal, mais dieu fut aide aux innocens, & puis la risée lui racoutra le foie. Si le valet fut trompé, le maître le fut aussi. Il vit un vieil paysan, qui se plaignoit d'une douleur en la joue. O, lui dit-il, viens, je la guérirai, je t'arracherai la dent qui te fait mal. Pargoi, vous ne sauriez. Pardienne, si ferai. Je gage demi écu que non. Le voilà: je gage que si, or allons. Quand ils furent en la boutique, & que le patient fut sur la chaire, le barbier se met à regarder en sa bouche, & n'y trouva aucune dent. Et qu'est-ce que cela? C'est que j'ai gagné, dit le pied-gris. Il y a plus de trente ans que je n'ai pas une dent; & dis que tu en as, soulier à belles oreilles.
Ciceron. Je vous reprends, vous jurez. Etes-vous des consuls de Tours?
Beoraltus. Que voulez-vous dire des consuls de Tours?
Ciceron. Rien que bien, sinon que mon compere le sire François, je ne dirai pas son surnom, étant consul, condamna un marchand. Le marchand lui dit: par dieu, vous n'avez pas bien jugé. Le consul lui dit: vous payerez l'amende, par dieu, vous avez juré. Et vous aussi, dit l'autre. Ha! dit le consul: tenez, greffier, voilà mon amende, recevez la sienne.
Arnobe. Cela est aussi bon que le fait de monsieur de Césarée, évêque portatif, qui faisoit sa visite par le diocese d'un qui l'en avoit prié, & où il avoit autrefois tenu les ordres. Il se trouva qu'il interrogea un prêtre qu'il trouva ignorant. O! dit-il, gros bedier, âne que tu es, qui t'a fait prêtre? Qui est le veau d'évêque qui t'a conféré cet ordre? C'est vous, monsieur. Par dépit, bédier, je paierai cent sols d'amende; & toi, dix francs. Mon secrétaire, faites vous payer.
Aristote. Si c'étoit à moi, je corrigerois bien tous ces abus-là.
Alexandre. O! oui, vous êtes brave correcteur, comme celui des bons hommes; corrector à corrigendo.
Le bon homme. En ma conscience, je le crois; ils s'arrousent bien le cœur; je pensois que cela fût hors du monde.
Revers.
VIII. Aristote. A ce que je vois, le pays des sots n'est pas une isle, c'est le monde même, & rien hors d'icelui: ainsi qu'il y a de ces gens-là hors du monde, qui sont de gros veaux, témoin le moine curé, qui se pensoit paillarder sur le bien dire à son prône, annonçant les fêtes qu'il falloit festiner, & disoit: mes amis, il y a de bonnes fêtes cette semaine, lesquelles pourtant ne sont de commande; l'église les fustigera pour vous.
Buchanan. N'étoit-ce pas lui, qui, au lieu de dire à la leçon, qui mœchantur cum illâ, dit, qui monachantur cum illâ.
Apulée. Et que vous faut-il? Vraiment vous êtes bien cruel de regarder à des paroles, & non à l'intention.
Buchanan. Je sais bien pourquoi vous le dites: c'est de peur que je ne parle de votre cousine de Malenoue.
Neron. Dites donc tout, puisque vous êtes détravé.
Buchanan. Durant la ligue, il y eut un bruit qui courut (puisqu'il faut ainsi dire) qu'une nonnain de Malenoue avoit eu apparition d'ange. A cette nouvelle, quelques dames des plus grandes firent partie de l'aller voir: ce qu'elles accomplirent. Etant là avec elle, voyant discourir des merveilles de cet ange, elles étoient en extase de douceur; & comme cette fille les voyoit ainsi transportées d'aise, elle leur amplifioit son discours du reste de la merveille, puis ajouta: j'étois si contente, Madame, que jamais tant, ni plus. C'étoit le plus beau l'ange du monde; & puis, quand ce beau l'ange fut sorti, toute ma chambre étoit si embaumée, que c'étoit merveille, tant elle sentoit l'usc, & le membre vert & gris.
César. Quel ange? Je gage que c'étoit un esprit vital.
Buchanan. Comme vous dites. Au moins souvenez-vous de dame Catherine, qui, oyant parler de sa maîtresse que l'on pensoit qui fût morte, & que le médecin disoit que les esprits vitaux y étoient encore tous: elle répliqua: je ne dis que cela ne fût, si c'étoit à un homme, mais à une femme, ce sont les esprits conaux.
César. Je ne sais quels esprits, si vous ne l'entendez à l'antique, que l'engin & l'esprit sont tout un, ainsi que le pratiqua la chambriere d'une veuve. Je vous assure que cette garce étoit jolie, mais un peu follette; sur quoi sa maîtresse lui disoit toujours qu'elle n'avoit point d'esprit. Or est-il qu'il y avoit un jambon à la cheminée; & cette fille le voyant là si long-tems, elle s'ennuyoit; elle demanda à madame, si elle le mettroit cuire. Non, dit-elle, c'est pour les Pâques. Cette fille en fit le conte à quelques autres de ses compagnes, qui s'en gaussoient en son absence. Mais le clerc du notaire Bardé ne fut point si sot, qu'il n'y prît garde pour éprouver le sens de la fillette. Un jour que la bonne femme étoit allée à sa métairie, & qu'elle avoit laissé Mauricette toute seule, il vint heurter, & demanda madame. Mauricette dit qu'elle n'y étoit pas. J'en suis bien marri, parce que je suis Pâques, qui étois venu quérir le jambon qu'elle m'a promis. Il passa; & la chambriere le laissa paisiblement entrer & prendre le jambon. Lui qui la voyoit si nicette & belle, pensoit à meilleure aventure. Il faut, dit-il, que je voie si c'est ici mon jambon. Si ce l'est, j'ai un esprit qui me le dira. Il tire son chouart vif & glorieux. Quand la fille le vit: qu'est-ce que cela? C'est mon esprit. Je vous prie, donnez-m'en un peu: ma maîtresse ne me fait que tancer, & dire que je n'ai point d'esprit. Il la prit, & lui en distribua autant qu'à lui, dont elle se trouva passablement bien; aussi en étoit-elle toute réjouie, comme celle qui disoit que Claude lui avoit farfouillé en son cul de devant. Quand sa maîtresse fut venue, elle lui conta comme Pâques étoit venu quérir le jambon: & dà, madame, vous ne me reprocherez plus que je n'ai point d'esprit, Pâques m'en a baillé à bon escient.
Quelqu'un. Voilà un beau moyen d'avoir de l'esprit! C'est à quoi pensoit ma cousine Martine, l'autre jour en dînant, que sa mere parloit de son lard. Oui, vraiment, ma mere, notre lard étoit bon; mais la couaine sent le vit.
Renée. Elle ne dit pas ainsi; dà, je la veux défendre; elle dit: s'enlevit.
Socrate. Si vous y regardez de si près, il n'y aura jamais plus de bien au monde.
Le bon homme. Vous pensez à autre chose; je m'assure que vous songez autant à ce que nous disons, que si vous n'étiez pas ici.
Archimede. C'est que j'avisois, & m'est avis que je vois, comme un jour j'étois avec une dame qui cherchoit quelque chose en son cabinet; & elle avoit avec elle une sienne cousine qui la considéroit fort. Cette dame ayant mis la main sur ce qu'elle cherchoit, en se retournant va dire: vraiment je suis une grande sotte. L'autre va dire: c'est ce que je voulois dire, madame.
Liset. Cette-là même étoit avec nous, quand nous parlâmes à monsieur Champis d'aller à la messe de minuit: je ne daignerois y aller; j'y ai été plus de cinq cents fois.
Socrate. Or bien je vous avise donc que ce bon personnage a ses pensées autre part qu'à nos discours.
Menot. Il est possible intéressé, & a volonté de pisser, comme avoit l'abbé de Grandmont; quand il vint voir madame l'amirale. Ce monsieur alors douanant sur son mulet, avec intention & pensée d'en descendre pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame qui avoit affaire de lui, & le vouloit gratifier, sachant qu'il approchoit, vint au-devant de lui, & le surprit; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois; de quoi il fut trompé, d'autant qu'elle le mena en la salle, où le souper étoit préparé. Il se fallut asseoir & faire bonne chere. Cependant monsieur l'abbé étoit en grand peine, ne pensant qu'à pisser; puis voyant que le discours seroit long, il résolut de pisser en sa botte. Vous savez comme les abbés les portent ouvertes par en haut, & larges d'embouchure. Ainsi qu'on apporta le bassin pour laver, il n'en pouvoit plus; parquoi il avoit mis la main à son engin, & déja le déchargeoit dans sa botte. Madame pensoit que ce fût son couteau qu'il serrât, (pour ce que volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) & qu'il ne voulut pas laver avec elle. Vraiment, dit-elle, vous ne ferez point cette difficulté. Et ainsi elle lui tira la main, qui emporta aussi le virolet, qui acheva sa décharge dans le bassin.
Thiart. Le bassin fut un de ceux qui servirent aux ambassadeurs du duc, (aussi il y a des étoffes fées) quand il envoya vers le pape, lui remontrer la disette du pays, & le prier de lui donner deux cueillettes, l'an d'après. Il y avoit six ambassadeurs, notables seigneurs, & de crédit, qui, étant arrivés, le firent savoir au pape, qui, sachant leur venue, fit mettre une oie en mue, mais toute nue. (Elle étoit fille du jars si gras, qui fut mangé à Grenoble, quand le roi prit la Savoye. Ce jars présenté sur la table d'un seigneur, lequel en chercha l'ame, & ne la trouvant, appella le cuisinier: où est l'ame de cette oie? Ce n'est pas une oie, monsieur; c'est un jars, qui a tant chauché sa mere, que le diable a mangé son ame, que le cuisinier avoit donnée à sa mie: comme fit celui qui donna le bon brochet à une pour aller coucher avec elle: mais il fut trompé, le pauvre puceau, d'autant qu'elle avoit pris des dents du brochet, qu'elle avoit agencées de sorte que, quand il voulut engaîner, elle lui en serra le bout, dont il fut fort malade; depuis, quand il fut parlé de le marier, il voulut voir le comment a nom de sa promise, & y voyant je ne sais quelle petite éminence de clitoris: ô! ho, dit-il, voilà la langue, les dents ne sont gueres loin; je n'en veux point.
Chartre.
IX. Ces ambassadeurs, (laissez-les se préparer) le plus sage d'entr'eux fut élu de tous pour porter la parole. Mais, dirent-ils, que donnerons-nous au pape? Il lui faut donner de ce qui abonde en notre pays; c'est de la crême, dont nous aurons chacun, dans un bassin d'argent, une belle & honnête quantité. Que voilà bien entendu! Mais, ce dit le président qui fut monsieur de Raconis, avisez bien tous à faire comme je ferai, de peur que ne fassions les sots. C'est bien dit; nous le ferons. Le jour de l'audience venu, ces messieurs s'en viennent avec leur équipage. La porte ouverte, le premier entre; de fortune il y avoit un petit seuil à bas, qu'il ne voyoit pas: il étoit tête nue, tenant ce bassin haut de ses deux mains, appuyé contre son estomac; il bailla du pied à ce petit seuil, qui lui fit baisser la tête, & donner du nez dans la crême: les autres, voyant sa barbe ainsi blanche, estimerent que ce fût par bienséance qu'il fallût ainsi se présenter; parquoi chacun d'eux se torcha & repassa le museau dans sa crême; & ainsi le présenterent au pape, faisant leur requête, qui leur fut accordée, moyennant que les années auroient vingt-quatre mois.
Le chevalier sans Reproche. Brusquet, un jour, contant cette histoire à la défunte roine, il y eut une de ses filles qui lui dit: Brusquet, vous n'avez pas ainsi blanchi votre barbe; mais votre mere, qui étoit pauvre femme, vous l'a cousue de fil blanc. Il est vrai, mademoiselle, dit Brusquet; & lui montrant l'entrée de son chapeau: mais aussi votre mere vous en a laissé autant de décousu. Pourquoi y alliez-vous, mademoiselle, lui dit notre ami? Vraiment, vous avez rencontré; aussi il y a une heure le jour, que l'on a tout ce que l'on desire & cherche.
Fracastor. Témoin le triste Augurel, qui se mit en une église pour prier dieu, qu'il lui donnât la pierre philosophale. Il y en a qui ne savent que c'est de la pierre philosophale, qui disent que c'étoit un gentilhomme qui demandoit cent mille écus; (je ne dis pas sens mi le cu) il y fut jusques à l'autre midi sonné, qu'il se dépita fort, & va dire: dieu, donne-moi du bran. Et voilà un oiseau, qui lui va émeutir dans la bouche. A! ha, dit-il, je n'avois plus que cet instant, que je n'ai pas bien rencontré.
Liset. Cet instant fut propre à notre ami l'évêque de six poules, qui se sauva d'entre tous les prêtres, qui se noyerent l'année passée. Hélas! que j'en eus de pitié! Et ce qui me faisoit dépit, étoit que ceux qui voyoient ainsi périr ces chastes ames, disoient: voilà belle chouse & grand pitié! Et chacun disoit: je prie dieu pour les marchands qui trafiquent sur l'eau, qu'ils ne puissent faire plus grande perte.
Viret. Par la vertu, j'ai quasi dit tout outre; encore je m'en repens, pource que ces méchans penseront que j'aie envie de devenir huguenot; ceux qui parloient ainsi étoient hérétiques.
Alais. Je le crois, & en sais bien l'occasion; & autrefois j'eusse juré sur mes œufs de pâques, qu'il n'y avoit point moyen de troubler la foi des François; mais aujourd'hui je ne m'ébahis plus de rien. Si je savois que vous deussiez faire profit de ce que je dirai, (nous autres vieilles gens ne prenons pas plaisir à parler pour néant) & que vous ne m'accusassiez de ce que je dirai, je vous alléguerois quelque chose de rare & notable. Certes je déplore la pauvre église Romaine qui se démolit, & sur tout pour un poinct & un acte qui se commet en France. Je vous le dirai, comme si j'eusse été présent à ce bateau qui périt, lequel étoit au fond chargé de sel; & je m'en rapporte à messieurs du grand parti. A! ha, pauvre prêtrise, ton crédit s'en va. Or sachez que la rareté du sel, qui est aujourd'hui si rare & chere, est cause qu'il n'y aura plus gueres de bons catholiques, parce qu'à peine trouvera-t-on du sel pour faire l'eau bénite à bon marché. Que si elle devient chere en continuant, on n'en fera plus; & adieu mere sainte église. Voilà, voilà une raison des hérésies en notre France.
Aristarque. Notre maître Loiseau la donna bien meilleure aux dames, les reprenant de leurs folies; & puis se ravisant, disoit: je ne dis pas que vous soyez paillardes; mais que vous êtes habillées en putains. Et comme les dames lui eurent fait quelque petite priere, de ne les taxer plus ainsi, il disoit: vraiment, mes dames, je vous trouve assez femmes de bien; mais vos enfans sont miévres; ils sont de mauvais petits fils de putains. Les dames derechef le supplierent de les épargner; ce qui fut cause qu'il songea à sa conscience, & n'en parla plus. Mais pourtant voulant instruire sur les mœurs, il disoit aux dames: je suis bien-aise de votre conversion; mais je me fâche que vous avez des perroquets, auxquels vous faites dire de vilaines paroles: maquereau au diable. Oui, oui, cela est du diable. Apprenez-leur à dire de bons de profundis; cela servira aux ames des trépassés. Et puis se jettant après les hommes, il taxoit leur luxe & grande chere. Voilà grand cas, disoit-il, que l'on fait tant de dépense! Bien encore aux jours gras, soit; mais en carême, ô la pitié! Voilà, messieurs couvrent la table d'une belle nappe, boutant à bas des deux côtés; ils mettent des chaises autour la table; ils appellent cette action souper; & qui pis est, ils disent benedicite & graces. Ne mettez la nappe qu'un peu plus de demi: ayez des escabeaux autour de la table; ne dites graces; & dites que vous faites collation, & faites grand-chere tant que vous voudrez.
Concile.
X. Diogenes. Chedienne, mon ami, mon enfant, beau fils, mon couillaud, j'ai beau me torcher le cul; ma chemise est toujours breneuse.
Cettui-ci. Que diantre veut dire ce rêveur, je gage qu'il nous fera faire quelque sottise?
Diogenes. Ce curé en fit assez: je venois ainsi à la traverse pour les faire oublier; mais puisqu'il est destiné, achevez.
L'autre. Sur l'après-dinée, on le pria de fiancer une belle fille; ainsi qu'il étoit après, & que déja il tenoit sa main, il se souvint de son valet & de son avertissement; parquoi, de peur de faillir, il demanda tout haut: lui en a-t-on rien fait?
R. Estienne. Non, monsieur. Cettui-ci est fat, & a un frere fort docte, maître des requêtes, ce docte a force livres. Un jour qu'il délogeoit, il les faisoit porter aux crocheteurs, depuis l'université, pour aller loger vers le louvre, à cause du conseil. Le chemin est grand, si que les crocheteurs étoient lassés: & lui, desirant faire un peu d'épargne, chargeoit les porte-faix le plus qu'il pouvoit. Il y en eut un, sur lequel il mit un peu trop de grands livres. Le crocheteur lui dit: monsieur, je vous prie, choyez-moi; vous en mettez trop. O! ha, ha, dit-il, te voilà bien gâté d'en porter sept ou huit! Et s'il te les falloit tous porter en la tête, comme moi, & que ferois-tu? Adonc le crocheteur se revire vers lui, & lui dit? par mananda, monsieur, vous y avez donc de beaux crochets. Je suis pris; j'ai belle femme. C'est tout un, il y a plus de quinze ans que j'ai chanté ma premiere messe.
Liset. Quoi! ce savant étoit-il prêtre?
R. Estienne. Non; mais à l'usage de France, les prêtres se marient, & les gens laïques disent messe.
Liset. Je ne puis entendre.
Estienne. Vous n'avez donc guères vu de besogne parmi nous? Les Prêtres, quand ils chantent leur premiere messe, ils disent qu'ils font leurs noces, & ainsi les voilà mariés à un bréviaire: & les gens mariés, par dépit, disent qu'ils chantent leur premiere messe sur l'autel velu, ou le sera.
Œcolampade. Cela ne se devroit pas endurer. Et que tous les mille diables, pourquoi endurez-vous que l'on die la messe paresseuse, la messe séche; &, ce qui est bien plus joli, que les prêtres aient des amies sans fraude.
Cusa. Allez, monsieur, allez dormir, vous n'êtes pas assez sage pour renverser nos bonnes coutumes. Apprenez que, durant la famine, les gueux font les étrons plus gros; & vous diriez qu'ils se retiennent de chier, plus qu'en bon temps. Faites vos affaires; & laissez les nonnains se donner du goupillon à l'opposite des reins, parce que chacun veut vivre à sa poste. Je prie dieu pour les marchands, qu'ils fassent si bien leurs affaires qu'ils ne puissent gagner ni perdre; pour les gentilshommes, qu'il n'aillent avant ni arriere; pour les gens de justice, qu'ils ne fassent ni bien ni mal; pour les femmes grosses, que l'enfant en sorte avec même plaisir qu'il est entré; & pour le reste du monde, qu'il se puisse gratter où il se démange sans danger.
Beze. Vous nous parliez d'un savant officier: je l'ai connu. Hors la Table, il n'étoit guere qu'une bête vêtue; au reste, chiche en curé & ribaud, il y paroissoit, d'autant qu'il ne faisoit chez soi plus grand festin que de pâtés d'hermite.
Neron. Qu'est ce que cette viande?
Apicius. Noix, amandes, noisettes.
Quelqu'un. Qui le connoît mieux que moi. Ce fut lui qui vint consoler madame du Bois, après la mort de son mari, qui étoit décédé à Paris, s'étant fait tailler. Il vint vers elle, durant ses grands pleurs. Hé bien, madame, combien vous devez vous consoler, & remercier dieu de ce que monsieur votre mari est mort bon catholique, & qu'il a eu les droits de l'église? Soyez joyeuse de cela, madame, ma chere dame. Or combien ce vous est plus de joie qu'il soit ainsi mort, au prix que s'il eût été rompu sur une route, ou empalé, ou tiré à quatre chevaux, comme tant de bonnes gens. Adieu & bon soir: mais qu'il ne vous déplaise, ni à moi aussi; bon vêpres, tant qu'à l'amander. Apprenez ici à prêcher, messieurs les savans, sans tant user de propos.
Neron. Que pensa cette pauvre dame?
Quelqu'un. Que ce prêtre fût insensé. Aussi ressembloit-il mieux à un fou qu'à un moulin à vent. La pauvrette étoit en douleur extrême: & encore plus, depuis qu'elle eut reconnu le grand amour que son mari lui portoit, ce dont elle avoit été ignorante; & elle l'apprit un an devant qu'elle l'en interrogeât. Une après-dînée qu'ils devisoient, son mari & elle, elle s'avisa de lui dire: mon mignon, je te prie de me dire si tu m'aimes bien. Oui vraiment ma mie. Comme quoi, mon cœur? Comme un bon chier, ma chere sœur. Vraiment, vous ne faites gueres état de moi. Il remarqua ce dédain, & délibéra y pourvoir. Un jour qu'il avoit affaire aux champs, il dit à sa femme qu'il desiroit qu'ils allassent ensemble; à quoi elle s'accorda: il la fit lever plus matin que de coutume, & que nature n'avoit encore apprêté les matieres de l'élection, si qu'elle n'alla point à ses affaires, joint aussi qu'il la hâta fort. Ils monterent à cheval, lui sur son roussin, & elle sur le bon mallier, avec le valet qui la guidoit en croupe, lequel valet étoit avisé de ce qu'il devoit faire. Comme ils eurent passé deux lieues, la dame eut envie de fianter; mais le valet lui dit qu'il n'osoit s'arrêter, & qu'il se falloit hâter; si qu'elle se retint, & si bien qu'à l'arrivée elle se sentoit assez pressée de faire ses affaires; & ce fut tout que d'aller jusqu'au purgatoire, où elle s'évacua abondamment, & avec tant de volupté, qu'elle se souvint de l'amitié que son mari lui portoit. Parquoi, étant revenue, elle dit: a, a, mon ami, je connois bien assurément que vous m'aimez beaucoup; je l'ai tantôt expérimenté, & crois qu'il n'y a rien si bon qu'un bon chier. Même j'ai été en grand'peine; je suis fort marrie que je n'avois du papier pour me torcher le cul; je vous assure que je vous l'eusse bien gardé, tant cela est bon.
L'autre. Elle eût fait comme une demoiselle de Saumur, qui est si bonne ménagere, qu'elle fait à deux fois d'un torche-cul; après que le premier coup, elle s'est torché le cul, elle reploie le papier en sa pochette, où il y a de la dragée pour les mignons, qui fouillent aux pochettes des dames, pour avoir de la friandise, comme tu disois tantôt.
Postel. Fi! je crois que cette est l'occasion, pourquoi les Turcs ne se torchent pas le cul de papier, d'autant qu'ils sont friponniers; & ils enrageroient, s'ils trouvoient ainsi ès pochettes des dames des papiers breneux.
Simler. Tu as dit vrai; tu t'y prends comme un moine à fouler vendanges; tu l'entends comme une guenon à faire des fagots: si la tête vous fait mal, ce ne sera pas de cela. Je vous dirai la raison, pourquoi les Turcs ne se torchent point le cul de papier; c'est de peur que ce papier ne soit une bulle du pape, ou quelque relation de consistoire, ou conclusion de chapitre; de quoi si l'on s'étoit éflairé le fondement, sans doute on auroit les hémorrhoïdes, ce que les Turcs craignent beaucoup: d'autant qu'ils croient que l'ame est au sang, & que le sang coulant ainsi par le cul, leur ame seroit toute breneuse.
Caton. Les pauvres Turcs avoient bien affaire que vous les tinssiez en vos contes. Mais, puisque vous en parlez, à quoi connoîtriez-vous un Turc d'un chrétien, s'ils étoient tous deux tout nuds?
Gesner. Et vous, à quoi connoîtriez-vous une vache au milieu d'un troupeau de brebis?
Caton. A le voir. Çà, çà, répondez à ma question.
Simler. Je vous le dirai bien; c'est qu'il faut sentir au cul, celui qui aura odeur de moust, sera le chrétien; d'autant que le Turc ne boit point de vin.
Instance.
XI. L'autre. Je suis bien aise que vous êtes venus sur ces différences. Dites un peu quelle différence il y a d'une femme à un prêtre? Ce sont gens de robe longue. Je n'en sais rien. Ni moi aussi. Ni moi itout. A, a, je vous le dirai: c'est que les prêtres mettent leurs amis sur leurs têtes; & les femmes mettent leurs amis sur leurs ventres.
Cardan. Si le roi défunt eût su ces différences, il n'eût pas été en peine de demander au grand prieur ce qu'il pensoit d'un beau cheval, qu'on lui vouloit vendre. Le roi lui faisant voir ce cheval, lui dit: monsieur le grand prieur, que dites-vous de ce cheval? Voilà un beau cheval, sire, & qui fera bon service. On me le veut vendre pour Turc; & je vous prie: vous qui vous y connoissez, de m'en dire votre opinion. Quoi! pour Turc? Par la double bierre des pays bas, sire, il est chrétien, comme vous & moi. Afin que vous ne soyez plus abusé, nous rîmes, ce jour-là, tout notre saoul; & monsieur le grand prieur fit, au soir, un trait autant plaisant, qu'il avînt de long-temps à la cour. Je remarquerai un peu le temps. On portoit des bas à attacher; & n'avoit-on qu'un beau petit culot, si que les fesses paroissoient abondamment, & la mere des histoires étant soulevée d'un pont-levis fait en fonte.
Platon. Qu'est-ce que la mere des histoires?
L'autre. Foin, que d'ignorance! C'est la pochette qui contient les histoires, c'est la couille. Voilà une grande difficulté! Qu'il faut peu à ces philosophes, pour les faire badiner! Nous étions en la grand-chambre d'après la salle du château, & monsieur le grand prieur faisoit un état d'une belle épée de damas qu'il avoit. Le roi lui dit qu'il ne croyoit pas qu'elle fût si bonne qu'il disoit. Là-dessus le roi la prend, & ainsi nue la considere: vraiment, dit-il, cela ne coupe point. Quoi! dit le grand prieur, sire, j'en couperai, d'un revers, une douzaine de flambeaux. Le roi dit: vous ne sauriez seulement couper cettui-là, que voilà sur le bout de cette table. Cette parole ne fut pas si-tôt dite, que le grand prieur va vers ce flambeau, & d'un revers la coupe en deux. Il y avoit le baron de Sault avec ses fesses, dont le proverbe en est venu, qui tendoit beau cul, sans y penser. La fin du coup va roide à son cul, d'autant qu'il étoit ainsi tourné parlant à d'autres; & partant il eut le cul coupé. Ha! ce dit-il, monsieur, qu'avez vous fait? Vous avez gâté mon haut-de-chausse.
Renée. Vraiment, ce cul coupé n'eût pas lors serré les fesses de peur de péter.
Asclépiades. Vraiment non, non plus que Margot de chez nous, qui passoit par la salle, en portant un œuf à madame; comme elle fut au milieu de la salle, elle nous salua; & en cette action, elle eut faim de faire un pet, c'est-à-dire envie ou desir, (ainsi qu'on dit à Paris, j'ai faim de pisser, soif de chier.) elle voulut serrer les fesses de peur de peter; elle fit tout au rebours. Je vous assure qu'elle serra si fort le poing, qu'elle creva l'œuf; & ouvrit tant les fesses, qu'elle fit un gros pet. Quoi! vous petez, lui dis-je? Vere, monsieur, dit-elle, c'est que j'ai mangé des pois.
Neron. C'étoit donc une fausse guenippe.
Asclépiades. Oui, elle avoit étudié avec celles muses Aganippes, d'où vient ce bel épithete.
Ciceron. Dites-vous un épi de tête? C'est une corne de cocu.
Asclépiades. N'allez point chercher d'équivoque: cela est défendu par la pragmatique sanction. Ainsi que disoit un chanoine, disant: messieurs, depuis qu'il vous a plu me recevoir indigne chanoine, comme les autres, je n'ai point ouï parler que la pratique de l'ascension nous fût contraire.
Gratian. Une dame du même pays, ayant un panaris au doigt, ainsi qu'elle l'avoit ouï nommer au chirurgien, parlant de son mal à ses commeres: hélas! disoit-elle, ma mie, j'ai le mal de paradis.
Beze. La voilà, là, là, l'ance à monsieur; vous me mettez là-dessus. Le coq de notre paroisse voulant dire, à l'évangile: gloria tibi, domine; faisoit le docteur, & disoit: gloria edit homines; (ha! ha, ha; hem, hem, ho, ho) puis regardoit si on le voyoit.
Bucanan. Il étoit d'une race de gens assez fins pourtant, témoin son cousin germain, qui étoit curé du même village, auquel village depuis n'aguères on avoit fait un crucifix tout neuf, & on avoit mis le vieil au grenier du presbitere. Le curé, qui desiroit de manger d'une bonne oie, l'avoit fait engraisser, tuer & mettre à la broche, pour cuire, toute farcie. Or, pour épargner son bois, il avoit mis le vieil crucifix au feu; &, conscience le dévorant, ne l'avoit voulu rompre, si qu'il le mit tout entier au feu, & laissa son petit neveu rôtir l'oie, c'est-à-dire, tourner la broche. Quand le bras du crucifix fut brûlé, le corps tombe, la tête sur le rôti, & le petit garçon de se lever & courir à l'Eglise, où il va crier: mon oncle, mon oncle, cet homme que vous avez mis dans le feu mange notre oie.
Agatocles. Qui connoît mieux ce curé que moi? Un jour, je dînois chez monsieur du Mesnil, celui que monsieur de Gué-Hébert fit porter, par le diable, avec sa femme, dans un champ à deux lieues de sa maison. Le curé dîna avec nous; puis en diligence s'en retourna; & aussi tôt nous ouimes sonner les cloches, comme pour un nouveau miracle. Le fait est tel, ainsi que nous savons expédier briévement avec grande tirelitantaine de paroles, nous autres Grecs. Un voisin de monsieur le curé lui avoit dérobé une oie & l'avoit mangée. Ce curé l'avoit tant cherchée, qu'il en avoit dépit. Enfin, par confession du paysan, il sut la vérité; & parce que c'est sacrement, il n'y a pas moyen de m'en venger en la découvrant. Pourquoi il délibéra, pour l'attrapper, de lui en faire autant, selon que l'évangile l'enseigne aux gens d'église: si on vous frappe en une joue, baillez une belle & forte jouée en l'autre.
Illiri. Quant j'étois d'église, j'oyois ainsi interpréter, inter fratres penes quos est, l'intelligence des écritures.
Agatocles. Il fit donc tant qu'il empoigna une bonne, grosse, grasse, ferme, délicate oie du paysan; & se délibéra d'en manger à gogo; cou & tout; & pour cet effet, il la fit dévotieusement cuire au feu presbitéral, comme dit est. Etant revenu de l'église, & délibérant se mettre à table, voilà que monsieur du Mesnil l'envoya querir. Quoi! perdre une repue franche? Ce seroit double perte à un curé; il perdroit ce qu'il mangeroit, & ce qu'on lui prépare. Le curé délibérant d'aller dîner, dit au messager: mon ami, je vais après vous.
Marot. Il ne fit pas si dextrement que maître Macé, le curé de la basse Athene, qui étoit pressé de la noblesse, qui sans cesse venoit chez lui l'écornifler. Un jour qu'il y avoit sept ou huit haubereaux chez lui, il leur fit le meilleur visage du monde. Messieurs, soyez les biens venus; çà, que l'on se dépêche; garçon, au vin, au poulailler, au crochet, à la fuye; serviettes blanches. Disant cela, il mouvoit & prend un surplis qui étoit à part sur une autre robe, que celle qu'il avoit rapportée de l'église; & prenant un bréviaire en sa main, les rendit étonnés. Où allez-vous, monsieur le curé? Je viens incontinent, dit-il, messieurs; je ne ferai qu'aller & venir, tandis que le dîner s'apprêtera, je vais réconcilier un pauvre pestiféré, que j'ai confessé ce matin. Et ce disant, il sortit; & soudain, tout ces guillerets épouvantés sortirent; & de treize semaines, n'y voulurent aller.
Agatocles. Cettui-ci se prépara pour venir. Or il avoit envie de manger de l'oie, & disoit: je mangerai de l'oie par dépit. De la laisser au logis, il n'y avoit point de moyen, parquoi il s'avisa de la cacher; & pour en ôter la connoissance à son valet & à sa chambriere, il les occupa de message; puis prit les clefs de l'église, & y porta l'oie toute cuite, & la mit en un coffre; puis il cacha les clefs sous une tombe. Le valet, qui étoit au guet, l'apperçut; parquoi, sitôt que le curé eut pris l'air; il s'en vint avec la chambriere & avec un de leurs familiers, & allerent manger l'oie, tant qu'ils pûrent: puis ils dépendirent toutes les images, & les mirent autour de ce coffre, leur ayant graissé le minois & les mains du reste. Il restoit encore une demi-cuisse, qu'ils mirent en la goule du diable qui est sous saint Michel; & s'en allerent, fermant l'huis, & remettant les clefs au même lieu où elles avoient été mussées. Le curé revenu, va droit aux clefs; & les ayant trouvées comme il les avoit mises, dit: je mangerai de l'oie à mon compere. Il entra en l'église; & voyant tant de saints autour de son coffre à l'oie: ô, ho, dit-il; & qui, tous les diables, vous a mis là? Etant approché, & les voyant ainsi gras par le mufle & les mains, & la cuisse à la gorge du diable, la lui arracha, disant: vilain que tu es, je ne me soucie pas des autres; mais toi, j'en aimerois mieux étrangler, que tu l'eusse; & dà, j'en tâterai. Comme il la savouroit, il se va souvenir de sa faute; si qu'il sonna les cloches, pour appeller le peuple pour voir ce grand miracle.
Production.
XII. A savoir si ces valets avoient mal fait.
Œcolampade. Non, s'ils l'avoient pris avec action de graces, comme le soldat qui échappa le pendre, aux premiers troubles. Monsieur le prince de Condé avoit fait faire un ban, par lequel il étoit défendu aux soldats, à peine de la vie, de prendre chose aucune. Ainsi il sortit d'Orléans, en huguenoterie pour lors, avec une belle troupe. Il y avoit un jeune soldat, qui au partir étoit à pied, & le lendemain il parut monté. Cela fut rapporté; parquoi il le fait venir devant lui, pour être jugé & livré au bourreau. Sentant cette approche, il fut fâché extrêmement d'être pendu, principalement quand on se porte bien. Il se jette à genoux devant monsieur le prince, & lui dit: monseigneur, s'il vous plaît ouïr ma raison, je vous rendrai satisfait. Dis-la. Monseigneur, nos ministres nous prêchent que tout ce que nous prendrons, nous le prenions avec action de graces. Ayant trouvé cette monture, je me suis mis à genoux, & l'ai prise avec action de graces. Va, va, n'y retourne plus, & ne sois plus larron.
Bacon. Il ne l'appella pas larron; non da, non de pardieu, il s'en garda bien, d'autant qu'ayant connoissance de beaucoup d'honneur, il savoit bien qu'il n'y avoit pas raison de nommer un homme larron, sans faire tort à beaucoup de sortes de gens, parce qu'il y a des larrons de toutes sortes de sectes, habits, qualités & autres nations de peuple.
Cusa. Vous n'exceptez rien.
Bacon. Non; & si je ne m'en confesserai point. Non, non.
Cusa. Bien donc, de ce qu'on n'a point fait, ni eu envie de faire, s'en faut-il confesser?
Bacon. Allez demander cela au pénitencier.
Cusa. Et si je ne sais rien pour lui dire?
Bacon. Répondez, comme le bon homme de Vannes, qui étoit charron, lequel s'étant confessé, le curé lui dit: dites votre confiteor. Je ne le sais pas. Dites votre ave. Je ne le sais pas. Dites la patinostre. Je ne le sais pas. Que sais-tu donc? Je sais faire de belles civieres rouleresses; je vous en ferai une quand il vous plaira, & à bon marché.
Le bon homme. Vraiment, ce fut presque de pareille monnoie que furent payés, à Rouen, messieurs les consultans, qui, ayant fort exactement avisé l'affaire d'un Marin Gautier, & lui ayant déclaré l'avis du conseil, il prit son avocat à part, & lui demanda si messieurs se contenteroient bien chacun d'une signole. Signole est une piece d'or valant moins d'un écu; & signole aussi est ce que nous appellons la roue que font les jeunes garçons. L'avocat pensant aux pieces d'or, dit qu'oui, & que c'étoit honnêtement. Adonc Marin va compter ces messieurs; & ayant mis bas son manteau étendu sur la place, fit autant de signoles qu'ils étoient; & deux pour son avocat, & puis les remercia, & adieu.
Illiric. Il paya le talent d'autrui de son labeur. C'est ainsi qu'il faut mettre la piece au trou, comme fit Martin Chouri, qui vint voir le rapporteur de son procès, pour lui montrer quelques pieces qui lui étoient nécessaires, pour le gain de sa cause. Le rapporteur qui avoit été pressé par les parties adverses, qui lui avoient mis ès mains des rouelles de bonne faveur, dit à Martin: mon ami, il n'étoit pas besoin de ces pieces, d'autant que nous avons jugé votre procès. Comment sans ces pieces: Nous l'avons jugé à vue de pays. Et moi, j'en appelle à travers champs.
Louvet. Cet appel eût pu courir bien loin, s'il n'y eût eu montagne ni vallées, ainsi que le disoit messire Marguerin au paysan qu'il confessoit. Le bon homme étoit au lit de la mort; & le prêtre lui prêchoit la résurrection, afin qu'il n'eût point de regret à cette vie; & suivant son propos, lui disoit qu'après le jugement, il n'y auroit ni montagne ni vallée. O! o, dit le paysan, il fera donc beau charroyer. Un peu après aussi, la femme se mouroit; & le prêtre lui disoit qu'elle alloit en paradis, où elle verroit les saints avec lesquels elle seroit: a! ha, dit-elle, il n'est que d'être parmi le monde qu'on connoît.
Uldric. Elle n'étoit donc pas comme le valet du ministre de Vaivai, au-delà de Lauzanne, qui connoissoit le diable. Un jour qu'il faisoit tonnerre, pluie & tempête, & que le monde étoit, un dimanche au soir, aux prieres: voilà un éclat de tonnerre qui donna; & au même instant un pauvre ramonneur de cheminée, pour éviter le danger & la pluie, se jette dans le temple. A son arrivée, chacun le voyant si noir, s'enfuit. Il voit le monde fuir, il fuit aussi après. A la sortie, & qu'il étoit le dernier, il arrête ce valet, qui aussi étoit le dernier des autres, & lui demanda ce qu'il y avoit. Le pauvre valet lui dit: hélas! monsieur, ne me faites rien; je vous connois bien. Et qui suis-je? Vous êtes monsieur le diable, à qui dieu donne bonne vie.
Gaguin. Il étoit aussi fin que le Genevoisien qui étoit en garde avec quelques François à la porte neuve. Un des François, revenu de sentinelle, se jetta sur le lit de bois pour se reposer: ce Genevoisien étoit auprès. Avint qu'en dormant le François va faire un pet, sur quoi l'autre se va écrier: au diantre soit la couvaye, le chancre la puisse ronger! Ils disent qu'ils sont ci venus pour l'évangile, & ils petent comme poirs, c'est-à-dire, pourceaux.
Arnobe. Cela se rapporte comme le moine qui mene un diable en lesse, disant ses heures, le tout en peinture, qui dit: telle est la génération de ceux qui cherchent la face du dieu de Jacob. Je l'eusse dit en latin, sans que le diable qui s'en formalisa, dit tout haut en bon françois, par la bouche d'un procureur qui voyoit cette figure aux augustins de Tours, où le grand conseil tenoit: si le diable avoit des peintres, on verroit plus de peintures de diables menant des moines en lesse, que des moines y menant des diables; encore qu'il y ait, comme il se comptera à la fin du monde, un tiers plus de moines que de diables pour les amuser.
César. Je pense que vous rêvez de parler ainsi.
Sozomene. Non fait, il ne rêve pas. Il est comme le sire George, qui étoit fort malade; & sa femme avec quelques siennes commeres le réconfortoient; & comme elles voulurent essayer s'il les connoissoit, l'une dit: hé bien, mon compere mon ami, nous connoissez-vous bien? Oui. Qui sommes-nous? Vous êtes toutes des plus fortes putains de Blois. Ardez, ce dit l'une, il rêve. Vraiment non fait, dit sa femme, il vous connoît bien.
Rondelet. J'y étois; je le pançois, j'en ris assez; & encore plus, quand les dames y étant pour le renforcer, l'incitoient d'avoir courage. Madame la gouvernante y étoit, qui lui disoit: or ça, courage, sire George; là, il faut prendre quelque chose. N'avez-vous rien pris aujourd'hui? Il répondit: sauf votre grace, madame, j'ai pris une puce à la raie de mon cul.
César. Je crois qu'il étoit fou: le saffran de sa boutique lui avoit altéré le cerveau.
Rondelet. Encore dites-vous vrai, témoin monsieur de Vendôme, qui étant malade & dégoûté, vouloit manger du ris; ce que disant à son médecin, il le lui accorda. Le prieur ajouta qu'il eût bien voulu qu'on y eût mis du saffran. Bien, dit le médecin, mais il n'y en faut gueres. Non, répondit le prieur, il me feroit mal: & de fait, je vis un jour un cheval qui en étoit trop chargé; il en devint fou.
Marot. Estimez-vous pour cela que ce seigneur fût fou? Non, pas du tout; mais il tenoit un peu de la féve. Et c'est ce que notre Pythagoras nous enseigne, disant: gardez-vous ou abstenez-vous de féves: c'est-à-dire, d'être fous, ou d'en faire des traits. Je ne sais pas quel fou étoit cet abbé, mais j'ai retenu de lui des maximes notables.
Exploit.
XIII. Pour parenthese, je vous dirai que c'est de lui que je tiens qu'il y a au monde quatre nations anagogiques aux quatre mendians de l'hôpital, qui sont poux, puces, morpions, punaises.
Uldric. Voici qui est beau.
Marot. Ecoutez; tantôt nous rentrerons bien en propos, à droit ou à gauche. Là, cher ami, je vous prie. Les poux sont les Allemands, qui mordent & mangent, & se laissent assommer, ainsi que les Suisses, sans s'avancer. Les puces sont les François, qui sautent & n'ont point d'arrêt, & laissent des marques par-tout où ils vont, ainsi qu'on le voit par-tout; mais ils n'y sont pas. Les morpions sont les Espagnols, qui se sapent ès places si bien, que, si on les peut ôter, c'est piece à piece. Les punaises sont les Italiens, qui empuantissent tout de leurs inventions de danses & belles farfanteries qui infectent le monde.
Neron. Que deviendront les autres nations?
Marot. Je les recommanderai aux cordeliers réformés, ministres, jésuites & telles gens de l'autre monde nouveau.
César. Mais où en étions-nous?
Paracelse. Sur les diables familiers, ce me semble, ou quelque chose de diablerie: c'est tout un.
Ronsard. Si vous avez perdu la mémoire, je vous dirai une jolie aventure, pour vous reguiser la mémoire. Ceux de Benest & d'autour devoient aller au marché à Bourgueil; & quelques-uns s'étant donné but pour partir de bonne heure, il y eut un serrurier qui se leva plus matin que les autres, & voyant que ses compagnons ne se vouloient point lever, se mit en chemin. Ayant fait plus d'une lieue, & avisant qu'il étoit encore trop matin, se voulut reposer. Il échut qu'il se va jetter à quartier sous une potence, où depuis quelques jours on avoit attaché un larron, qui gambadoit en évêque champêtre. Le serrurier s'endormit très-bien. Le jour venu, ceux qui alloient au marché passant par-là, il y en eut de joyeux qui dirent qu'il falloit appeller ce pendu. C'est bien dit. Hau, compagnon, hau, hau, veux-tu pas venir? Il y a assez que tu es là. Le dormeur qui étoit à bas, qui ouit ce bruit, s'éveilla, & répondit: oui, oui, hau, hau; je vais, attendez-moi. Ces passans se trouverent surpris extrêmement, & s'enfuirent, cuidant que ce fût le pendu qui eût parlé à eux; & le serrurier de courir après. Eux, oyant ses ferremens, pensoient que ce fût la chaîne du pendu; parquoi ils s'enfuient: le serrurier appelle & plus il appelle & court, & plus les autres tout épouvantés s'enfuient, & ne cesserent de courir, qu'ils ne fussent à Bourgueil.
Simler. Or ça, nous voilà au marché, qu'acheterons-nous?
Zancus. Achetons des moutons & des poules, pour les payer au seigneur Breton, auquel on doit, par aveu bien écrit, trente moutons lainés, couilleux, cornus, & vingt poules avec leur sauce de ménage: voilà qui est bon, tout sert en ménage.
Renée. Oui da. Mais quelles sont les plus grandes nécessités ou pauvretés du ménage? Je ne sais. Ni moi aussi. Ni moi. Je vous les dirai, & les retenez. Je parle comme la bonne femme, à la porte de laquelle on avoit chié, & s'en plaignant à un sergent, lui dit: monsieur, je vous en embouche le premier; ardez, si vous m'en faites avoir raison, je vous promets de vous en faire bonne chere; & vous ayant satisfait, nous en ferons chez nous un bon repas. La premiere pauvreté & nécessité, c'est quand on brûle le balai, par faute de bois. La seconde, quand par faute d'autre pâte on fait cuire le levain. Et l'extrême, quand, par disette de linge, on torche le cul aux enfans avec la langue. Vous sentez qu'il faut être marié; autrement cela n'auroit pas lieu par-tout.
Beze. O! ne vous abusez pas. Ceux qui ne se marient qu'au mariage du diable, ne laissent pas d'avoir des enfans; parce qu'ils font la cause pourquoi.
Asclépiades. Ne parlons point de cela; nous ferions des querelles. Et puis, mon ami, les parfaits sont aux cieux. Demeurons en terre, tandis que nous y serons bien. Donc nous converserons avec les femmes mariées; & pour l'amour de si belle conversation, je vous dirai qu'une dame de Paris, d'auprès le coin de la rue Aubri-le-Boucher, avoit trois filles, qu'elle maria en un même jour; & le lendemain, voulant savoir si ses filles étoient femmes, elle les prit à part, & leur dit: or ça, mes filles, nous voici toutes femmes; il faut tout dire: je veux savoir laquelle est la mieux de vous, ou si vous êtes bien toutes trois. Là, dites-moi, quel cas ont vos maris? L'aînée dit: ma mere, mon mari l'a menu, mais il est long. Bien! voilà qui est bon, quand la cuillier va jusqu'au fond du pot. La seconde dit: mon mari l'a court, mais il est gros. Cela est raisonnable, lors que la cheville emplit le pertuis. La jeune: mon mari l'a petit & menu, mais il me le fait souvent. C'est ce qui est propre, & est grand heur d'avoir petite rente qui vient toujours. Or devinez laquelle est la mieux mariée; & vous souvenez que l'outil de mariage est le plus sale drogueux de tous, parce qu'après avoir bien pilé en son mortier, il crache dedans.
Fracastor. Une fois, étant à Paris, je discourois familiérement avec une maquerelle. Je lui demandois quels membres virils étoient les meilleurs. Elle me montra que tous ses doigts entroient en un de ses naseaux; & qu'ainsi les cas des femmes sont selles à tous chevaux.
Beroalte. Ne le prenez pas-là, joint que Mathurin de Blere ne vous le concédera pas, vu qu'il ne put presque jamais dépuceler sa femme; & sans la fourchette de saint Carpion, jamais il n'en fût venu à bout.
Le bon homme. Boivons un coup, puis nous saurons cela. Boivez-vous des coups?
Apicius. Oui, d'autant que cela, c'est-à-dire boire, va à coup & se serre délicieusement: je dirai une volte, si vous voulez; aussi je la bois mieux que je ne la danse, & audaces fortuna juvat; cela veut dire, que qui chapon mange, chapon lui vient. Ceux qui sont un peu malades, & se renforcent à boire & à manger, guérissent; aussi l'on ne meurt que faute de boire & de manger, & bref de s'abstenir de faire les vertus cardinales.
Paracelse. En bonne finte, doncques maître François me vouloit faire prendre courage & esprit; parce que qui a bon esprit, il boit & mange bien. Je le priai de me donner une recette, pour m'empêcher de devenir gras, comme l'étoit Fouillez de Tours; il me dit que j'ouvrisse les yeux & fermasse la bouche. C'étoit cela pour m'accommoder.
Dioscorides. Il ne vous eût point fallu de fourchette pour établer vos morceaux. Mais à propos de cette fourchette.
Beroalte. Il y avoit de mon temps, à Nevers, un bon personnage, qui cherchoit la pierre philosophale; depuis sa mort on l'a fait saint, & nommé Carpion. Ce bon homme donnoit des eaux, (comme celui qui avoit fait un enfant à une belle demoiselle, dont elle avoit été délivrée, & le fait fort secret, ce qui a paru, parce que depuis elle a été bien mariée au fils d'un bailli. Le soir des nôces, cette demoiselle parlant à son ami qui lui avoit aidé à faire cet enfant, lui disoit: j'ai peur que cet homme ne s'apperçoive de la dilatation de mon cas. J'y ai pourvu, dit-il; envoyez, ce soir, votre laquais; & faudra qu'il me vienne demander de l'eau pour les yeux. Je vous envoierai de l'eau qui le rendra si étroit, qu'il n'y aura pas quasi moyen d'y passer un filet. Ce conseil pris, le laquais alla quérir l'eau, & l'eut; & l'apportant, il pensa en soi-même que souvent il avoit mal aux yeux, & que l'on ne lui en donneroit pas, parquoi qu'il valoit mieux qu'il en prît; ce qu'il fit, & s'en frotta les yeux, qui se serrerent, si fort, qu'il fût demeuré là qui l'y eût laissé). Le bruit de ce bon personnage étant grand pour tel effet, il avint qu'il y eut un jeune homme (c'est celui dont vous avez parlé, ou tout autre, c'est tout un) marié avec une bourgeoise. Ces deux étoient encore fort jeunes, & ne savoient rien du manége de concupiscence: tellement qu'ils se mettoient, sans rien faire, l'un sur l'autre. La mere de la nouvelle mariée lui demanda, un jour, comment elle s'en trouvoit; & si son mari avoit fait ouverture à sa nature. Elle lui dit que non. O! ma mie, il faut aller à monsieur saint Carpion, & lui demander de l'aide. La belle y va, & lui fit sa plainte. Il lui demanda si son mari avoit des pendillantes au bas du ventre. Elle dit qu'oui; mais que ce qu'il y avoit en forme d'écritoire étoit si vif, & se levoit si fort contre le nombril, qu'ils n'en pouvoient rien faire. O bien, ma mie, venez ici sur les quatre heures du soir. Le bon personnage fit son apprêt. Et la belle étant revenue à sa mere, lui dit: en da, ma mere, nous serons bien heureux; ce bon homme nous fera grand bien. Je vais vîtement le voir. Etant arrivée: bon soir, bon soir, monsieur: avez-vous eu le plaisir de songer en moi? Oui, ma mie; tenez, voici une fourchette qui est de franc-coudre. Voyez; elle est enveloppée & sacrée en ce papier; emportez-la; & quand vous serez au terme de vous coucher, recommandez-vous à dieu, vous & votre mari: puis étant tous deux tout nuds, faites-le mettre à genoux entre vos jambes; & ce qu'il a qui se joint si ferme au nombril, abbaissez-le en le poussant avec cette fourchette, tant qu'il soit à droit de ce petit pertuis, que vous avez au bas du ventre. Allez, ma mie. La jeune bourgeoise ainsi instruite, ne faillit en rien; si qu'elle & son mari trouverent le point qui leur fit grand bien; & tant s'y accoûtumerent qu'il ne leur fallut plus de fourchette. Parquoi, avec un petit présent d'une ceinture, que les fileurs de soie nomment un cude, elle reporta la fourchette au bon pere, lui disant qu'elle étoit bien tenue à lui, & qu'ils n'en avoient plus affaire; que le cas se baissoit assez, sans aide que de la main. Le sage lui dit: gardez-la, ma mie, gardez-la; elle vous a servi à le baisser à cette heure qu'il est jeune; elle servira à le lever, quand il sera vieux.
Suite.
XIV. Arnobe. C'est belle chose d'avoir de la mémoire: vous avez parlé d'intérins. Que ne nous avez vous dit ce que c'est; s'ils sont d'Allemagne ou d'autre part.
Asclépiades. Attendez; & vous le saurez. Je n'avois garde ni autre d'en parler, sans l'avis de nos maîtres: & pource, belles entendoires, souvenez-vous quand nous fûmes à Rouen avec notre roi; & que ce bon archidiacre, lequel est notre maître entre les médecins, nous traîta. Il fit ce banquet à nous autres, qui sommes conseillers du roi en médecine. Ainsi il y en a de conseillers en finances, en maçonnerie, en fontainerie, en tavernerie, & comme vous diriez en rufiannerie. Celate verba.
Néron. Ce sont mots dorés & notables; ne les contaminez pas.
Asclépiades. C'est cet homme d'église qui est cause que j'ai fianté ainsi du latin par la bouche. C'est un miserere mei d'éloquence, qui me fourgonne la mémoire. Ce noble archidiacre nous fit le conte de son aventure. Ainsi que madame étoit très-malade, & que l'on pensoit qu'elle expirât, environ la minuit, on vint appeller monsieur le docteur, qui se jette du lit; or a-t-il une coutume de dormir sans chemise. Vraiment il n'avoit garde d'y penser, d'autant qu'il n'étoit pas dedans. Il se leve en sursaut, pour aller secourir madame, il met sur ses épaules le manteau de son valet, premier trouvé, (j'ai quasi dit venu, comme le disent ceux qui sont du pays où tout va & vient). Le manteau ne lui passoit pas le nombril; & ce personnage entra en la chambre, où prêtres, gentilshommes, dames & autres étoient. A son entrée, tout chacun se mit à rire; & lui s'écriant, dit: ha! mauvaises gens, vous êtes sans amitié, sans douceur & bonté. Voilà madame qui se meurt; & vous riez! Est-ce la pitié qui vous doit émouvoir? Plus il prêchoit la désolation, plus les autres rioient. Et madame, qui revint à ce bruit, eut la même vision que les autres, s'en prit si fort à rire qu'elle fit un pet & fut guérie; & en cet excellent changement, lui dit: mon pere, cachez votre vit, il me fait rire.
Sapho. Ainsi qu'il avint à notre métayer, qui se mettant à goûter, voilà mademoiselle de Launai qui le vint voir, & s'assit sur une mote de cailloux; & comme négligemment elle se tenoit: parlant à lui, une jambe baissée & l'autre haute, il voyoit son cela, & ne lui répondoit qu'à demi. A donc il lui dit: mademoiselle, cachez votre con, il m'empêche de goûter.
Le Ministre. Mais ces intérins?
L'enfant. Or bien, sachez qu'il y a des dames à Paris, & autres lieux où il y a des cours souveraines, qui ont liberté de se prêter, d'autant que là, & autre part, il y a liberté de fesses, comme il appert par les priviléges de Bourges, Tours, & autres lieux, où les chanoines ont des garces, ainsi qu'ailleurs; les dames étant mariées à gens qui ont des affaires, comme en ont messieurs de la cour des comptes, & autres dont je ne parle ni ne cuide parler, d'autant que si je crois qu'il y ait entr'eux quelque homme de bien, & que je le die, ce ne sera pas sans dépriser les autres, auxquels je ne veux faire tort. Mais parce qu'ils sont bien connus, je le propose, afin que par eux on juge de ceux qui ont des négoces. Les femmes de ces empêchés, voyant & connoissant que leurs maris n'ont pas loisir de leur faire choses & autres, ont de beaux jeunes hommes à la maison, qui font ce qui est à faire, pendant que monsieur n'y est pas: & parce que cette coutume commença du temps des sénateurs de Rome, le nom latin leur en est demeuré encore. Et puis quand monsieur le procureur vient harassé comme un marayeux, en entrant, il voit sa femme, & lui dit: bon jour, trognon. Bon jour, mon ami, dit-elle. Et bien, ma fille, dînerons-nous? Oui, mon ami. Je m'en vais à la messe, & un petit à confesse quelquefois, où elle est jusques après vêpres. Et puis dis que tu en as, homme de peine, pour en amasser à telles friquettes.
Sacerdos. Mais que disent-elles à confesse?
Minister. Ce qui leur vient en la bouche.
L'autre. O! & leur vient-il quelque chose? Je pensois qu'il n'y vînt rien que quand on y porte.
Minister. Voire, vous voilà aussi étonné que le mari de madame Jeanne, servante de monsieur de Bourges, qui fut mariée à son argentier. Ce gars, la nuit des nôces, lui disoit: Jeanne, ma mie, tu as le con bien grand. Oui, dit-elle, vous voilà bien empêché! Il en faut louer la moitié. Si j'en suis étonné ou empêché ce n'est pas sans cause, vu que souvent les hommes ne savent que dire, non plus que celui de tantôt, qui ne savoit rien faire que des civieres.
Valden. Je fus bien empêché, confessant, un jour, un jeune Breton Vallon, qui, en fin de confession, me dit qu'il avoit besogné une civiere. Quoi! lui dis-je, mon ami, ce péché n'est point écrit au livre angélique d'enfer, nommé la somme des péchés, qui est le livre le plus détestable qui fût jamais fait, & le plus blasphématoire, d'autant qu'il est dédié à la plus femme de bien. Je ne sais quelle pénitence te donner. Mais non, mon ami, quel goût y prenois-tu? Monsieur, bon & délectable. Quoi! est-ce une civiere rouleresse, ou à bras? Monsieur, elle est à bras, & à bran, & à bouche: c'est une vendeuse de cives. Ha! de par le diable, je pensois mal; va, mon ami, va, ne peche plus.
Le Docteur. Cette civiere étoit-elle femme de bien? Je ne le demande pas sans cause, pource que je ne sais que vous faisiez, parce que mon confesseur me demanda, un jour, si je n'avois jamais paillardé à autre qu'avec ma femme.
L'écolier. Quelle différence y a-t-il entre les femmes de bien & les autres?
Le Maître. Vous avez tort, il ne faut pas les mêler, il n'y a point de comparaison. Paix-là, paix-là, paix.
L'écolier. Voire; mais de parler des femmes de bien je ne l'endurerai pas; ma mere l'étoit.
Le Maître. Encore pis, tu me feras gâter. Vois-tu? Les femmes de bien baillent, ou font bailler, ou ont qui baille de l'argent pour leur faire, & en faut bailler aux autres.
L'écolier. C'est pourquoi elles ont plus de liberté, comme celle qui, à souper, vit que son mari ne lui avoit point donné de veau; & il coupoit un oison. Elle lui dit: mon mari, je vous prie, ne faites pas-là de l'oison, comme vous avez fait du veau. A, ha! he, hi, hi, e e e. Etant sur ces entrefaites, voici entrer Frostibus, lieutenant-général de tous les diables, auquel on avoit interdit la porte; mais madame lui avoit fait ouvrir, d'autant qu'il étoit bon diable. Il vint, gai & gaillard, mettre les deux mains sur les épaules de Luther, & lui dit: & bien, monsieur de l'autre monde, quoi! que dites-vous des gentillesses que nous avons faites par-delà, en notre enfance? Tais-toi; lui dit ce vieil rêveur Stumius, tu n'es pas sage, tu découvres le pot aux roses, tu déclares les secrets du métier. Mais, dit-il, par ta foi, pauvre mélancolique, si tu es plus homme de bien que les autres, va te faire brûler en quatre quartiers, comme vrai martyr des quatre religions. Or bien, messieurs, encore un coup, boivez, ne me tenez gueres. Je vais en Flandre, pour copuler les états. Que voulez-vous savoir de moi?
Luther. Tu es importun. Nous ne nous soucions plus de toi; va à tous les diables, & nous laisse. Sinon, va à ce nouvel abstracteur de quintessence qui te fasse griller, comme tu as fait rôtir de mes bons disciples.
Frostibus. Ha! ha, par ma foi, je suis tout réjoui. Savez-vous un poinct, mes bons seigneurs? En quelque pays où il y ait une des quatre religions établie, je fais déclarer hérétiques, comme fromage de Milan, ceux qui n'en sont point; & puis on les grille; & cela vient bien à mon goût, d'autant que le fromage grillé est plus voluptueux au palais que l'autre. Mais laissons cela, ce n'est pas ce qui m'amene: je suis venu ici pour vous prier, mon Luther, mon capitaine, mon ami, de me faire la faveur qu'il n'y ait plus personne damné. Tous les diables vous en prient; & sera bon, s'il vous plaît, d'y prendre garde, de peur qu'enfin les maréchaux des logis d'enfer n'aillent en purgatoire marquer par-tout pour nous loger. Et dà, il en est besoin, d'autant qu'il y a déja tant de damnés en enfer, que les pauvres diables couchent dehors; & ainsi vous y aviserez, & je me recommande à vos bonnes graces. Je m'en vais. Je n'oserois être ici plus long-temps, de peur de devenir hérétique ou papiste. Que si cela avenoit, je serois perdu. Les financiers & bon conseillers des rois & princes ne feroient plus état de moi, parce qu'ils ne font pas cas de ceux qui sont fermes en une religion.
Défaut.
XV. Ayant dit cela, il s'en alla: & fut dit que qui que ce fût, qui heurteroit, demeureroit dehors, s'il n'étoit de l'une ou de l'autre religion, ex professo: & te va faire loger, pauvre diable.
Lucrece. Mais s'il y venoit quelque gueule, lui refuseroit-on la porte?
Pontanus. Ces poëtes phantastiques ont toujours quelque allégorie. Que veux-tu dire par ces gueules?
Lucrece. Hé! pauvre fat, ne sais-tu pas bien que nos garces, que l'on appelle putains à Paris, & nos sœurs ès cloîtres, sont de vraies gueules. Aussi, je dis que, s'il vient ici des gueules, il les faut laisser entrer ici, d'autant qu'elles sont bonnes papistes, quand par dévotion elles le font avec les gens sacrés; & bonnes huguenotes, lorsqu'elles ne discernent point les jours. Ces deux sortes de gueules sont comme les avaleurs d'huîtres; elles vivent de viandes vives & crues. Mon doux ami, tu t'en es tant escrimé, que les mains te tremblent. Qui joue des reins en jeunesse, ils tremblent des mains en vieillesse.
Locrus. Disant cela, je me ressouviens que vous n'avez pas tantôt résolu qui étoit le meilleur; bien que vous eussiez dit que l'abbesse avoit résolu qu'il n'y en avoit point de grands.
Axiocus. Cela est bon. L'abbesse de Long-champs m'a appris ce qui en est; me demandant sur cette résolution ce que j'en pensois: & je lui dis que c'étoit à elle, s'il lui plaisoit, à m'en éclaircir. C'est, ce me dit-elle, celui qui est dur & dure. Voire, mais dis-je, madame: il ne peut toujours durer. Non dà, dit la bonne mere, & c'est pourquoi on ne nous donne pas les états de judicature, à cause que nous résistons au droit, & l'anéantissons.
Lucrece. La dame qui ouit dire à un docteur proférant ponendum jus: ho, ô, dit-elle, vous aurez menti, je ne ponerai pas jus, je suis femme de bien. C'est la raison pour laquelle monsieur de la Saulaye marioit ses filles jeunes; & quand on lui demandoit pourquoi, il disoit: j'aime mieux qu'il leur cuise, qu'il leur démange.
Socrates. Vraiment, je n'y saurois que faire: il y en a à ce bout de table, qui disent possible les mêmes choses que nous disons ici: mais il les enfilent d'autre sorte: je vous prie, vous qui les oyez, prenez-y garde, pour les ôter de ces mémoires & y mettre vos intentions; & vous pour le premier qui le ferez, serez mis au catalogue des bons esprits, c'est-à-dire, vous serez déclaré bête de bon esprit. Or sur-tout prenez garde à quelques petites gentillesses qui sont ici réduites, & les calculez avec leur distance; &, sous cette proportion, vous trouverez un grand notable secret; excellent mystere, & mystérieuse excellence.
Diogenes. Il m'est échappé de vous dire cela; le diable me l'a tiré du cul, pour le mettre en votre bouche; faites-en votre profit, comme d'une belle & joyeuse vrille de bois.
Le bon homme. Et bien, boivons, & me donnez un petit de cette croûte de pâté; ce que j'en fais est pour épargner le pain. Mais à propos, qu'est-ce qui épargne plus le pain en une maison?
Chose. E! hé, quel voyage, ma grand'tante; & qui êtes-vous, chouse? C'est la miche, & le gâteau, & le tourteau, & la fouace, & le biscuit. Cela me fait souvenir qu'étant à Blois avec mes amis, à faire bonne chere, durant les états.
Beze. Gare le concile.
Petrus de Alver. Pourquoi?
Beze. Parce qu'aux nôces les huguenots furent attrappés à Paris, à la S. Barthelemi. Aux états, les ligueurs furent contaminés, environ noël. Et s'il avient un concile, au diable le couillon restant de ces sortes de gens qui gâtent tout.
Chose. J'étois donc à Blois à me rigoler comme un pere; & mes amis qui me gratifioient, me traiterent douze jours de bons vivres, & ne me présenterent point de pain; ils ne me donnerent que de la miche. Ce fut au temps même que la pauvre Ragonde, fille du commissaire Chotard, se trouva grosse: & comme son pere s'en fut apperçu, il lui fit quelques remontrances, disant: comment, ma fille, qu'avez-vous fait? En dà, mon pere, je ne pensois pas que si peu de chose me pût ainsi aventurer. O! vilaine que tu es, je crois qu'il te faudroit donc un fourgon.
Sparcippus. Je n'étois pas-là; mais à Montauban, ou à Beziers, où j'oyois maître Florimond le menuisier, qui tançoit sa femme de ce qu'elle étoit ivrogne; & lui remontrant gracieusement pour l'induire à pénitence, lui dit: en dà, ma mie, ma femme, j'aimerois mieux que tu fusses un peu putain. Elle lui répondit: carabous, carabous le meo marita tout attingueren, de tout ferem, un poque.
Apulée. Hé! gué, tout ira bien, j'en aurons; & puis on trouve à Paris pleine chemise de chair vive pour cinq sols au rabais.
Pogge. Celle de la dame Isabelle valut bien davantage, ainsi qu'il a paru: c'est qu'elle a tant gagné à prêter son brelingot, que de l'argent du reste, elle a fondé la plus célebre religion qui soit à Venise, ainsi que me l'ont dit les Jésuites en confession.
Macrobe. Ce chose là n'étoit donc pas comme celui de cette pauvre garce Michelle, qui venoit d'Angers à Tours, & se mit au bateau de Bolacre. Nous étions bonne troupe, & montions par eau sur Loire, pour aller aux pardons à Orléans. Comme j'étois là, je désirois que la riviere eût été mi-partie, qu'un rang eût coulé comme elle fait, & que l'autre eût coulé vers Blois. Si quelque pape savoit faire cela, il augmenteroit beaucoup le domaine de saint Pierre, par la diligence que feroient les postes. Entre tant de gens de bien qui étoient au bateau, il y avoit un gai & jeune, qui, pour avoir frayé avec Michelle, avoit mal à son unique bout, ce qui lui déplaisoit fort, aussi-bien qu'aux autres qui ont pareils accidens, qui survinrent à plus de six de la compagnie. Il falloit se reposer à Tours, où pour lors étoit le roi, qui venoit de fixer le mercure. Etant là, ce jeune homme intéressé aux parties vitales, (ainsi notre ami l'horlogeur nommoit le vit, de peur d'offenser les oreilles des filles: aussi qui les en iroit frétiller par tel endroit, feroit ridiculité: ainsi que celui qui demandoit chez Bourgant, la même semaine, du ridicule d'antimoine; il vouloit dire du régule;) ainsi cet affligé alla droit chez le compere Jardin, qui le consola, & le mit en train de briéve guérison. Or, en notre troupe, y avoit un prêtre Breton, qui avoit la pine si offensée, qu'enfin vexé de trop de mal, il se découvrit à ce jeune homme, qui lui conseilla d'aller Jardiner. Le triste ecclésiastique y va. (Il y en a qui ont voulu dire que c'étoit un ministre du Languedoc, venu au synode à Châtelleraut: ils se trompent, d'autant qu'il n'avoit que des poulains, qui lui étoient venus, pour avoir monté sur la haquenée du confesseur des religieuses de Fontevrault, à qui le médecin de madame avoit donné la vérole.) Ce patient étant devenu le barbier, il lui déclara son mal. Adonc le maître le visita, & trouva qu'il étoit copieusement grangrené; si qu'il le falloit couper, à quoi il eut beaucoup de peine à faire résoudre l'affligé, qui enfin, craignant de mourir, abandonna son pauvre cas au rasoir. Ainsi que l'exécution étoit prête, le chirurgien lui demanda de quel état il étoit. Il lui répondit qu'il étoit prêtre. Adonc le maître donna le coup rasibus, sans rien épargner: & comme messire Pierre cria, il lui dit: là, là, c'est tout un, aussi-bien n'en avez-vous que faire.
Renée. Quand notre ami Yverd le coupa à un chantre de saint Gratien, qui le regrettoit: allez, dit-il, il reviendra.
Macrobe. Le prêtre ainsi fait courtaud de légere taille, nous allâmes tous à la file, pour avoir remede à nos maux; même le petit qui tenoit la peautre, & qui avoit été poivré, vint à Jardin; & comme il lui faisoit le discours de son inconvénient, & parlant de Michelle, il nous disoit: depuis que j'eumes hébrégé cette vetture, je n'en eus que malheur; le vent s'est tourné, & jernigoi de la vetture, & de la foutue vetture.
Parée. Il avoit passé par les mains d'une qui avoit moyen de le récompenser ainsi que me dit à Lyon madame Briolet, l'amie du comte Bennerie. Je la traitois d'un mal de tête. Mon gentilhomme, mon ami, me dit-elle, faites-moi du bien; je vous promets que je vous paierai bien. O! ô, dis-je, mademoiselle, je vous remercie; en dà, je ne veux pas être payé de ce que je fais aux dames; il y a trop de danger.
Gauthier. Mais le curé de saint Martin d'Aussigni, vers Bourges, y avoit-il mal?
Guillaume. Vraiment ce fut grand pitié. Il aimoit une femme qui lui donna assignation, & faisant semblant de le recevoir courtoisement, l'empoigna: & comme maître Antitus de braguette sentoit cette main douillette, il s'exaltoit. Adonc cette femme avec l'autre main avança un couteau, dont elle le coupa tout net.
Sapho. O! de par le diable, quel trait! Elle étoit plus inhumaine que madame, la présidente de même nom, qui se trouvant en lieu d'assignation, où six l'attendoient pour la bricolfrétiller, elle, se refroignant un peu, dit: hé bien, messieurs, je vous prie de vous dépêcher, d'autant que mon mari m'attend; je n'avois épargné du tems que pour un coup ou deux.
Le Moine. Mademoiselle de Lescard, ayant ouï conter ces nouvelles, eut des visions en dormant, & lui sembla qu'elle voyoit semer des vits, ainsi elle se jetta hors du lit & se cassa un bras, voulant, comme elle l'a confessé à monsieur le premier barbier, en amasser un bien gros. Or cependant, vous parlez à cette heure, belle dame, selon vos intentions.
Térence. Aussi faisoient le valet de notre boulanger, & la femme du conseiller… Comment?
Rémission.
XVI. Il y en a qui parlent suivant leurs intentions arrêtées aux objets. Le boulanger de la ville tenoit à ferme une maison qui étoit à ce monsieur le conseiller; & là y avoit un beau jardin, où les arbres rapportoient de beaux abricots, & de bonne heure. Ce jardinier, en ayant recueilli des plus beaux & premiers, appella le mitron, auquel il commanda d'en porter un quarteron à monsieur le conseiller.
Valron. Qu'est-ce que mitron?
Térence. Les valets des boulangers sont ainsi nommés, parce qu'ils n'ont point de haut-de chausses, mais seulement une devantiere, telle ou semblable à celle des capucins, qu'ils nomment une mutarde, & qui, en pure scolastique, est nommée une mitre renversée. La mitre couvre la tête, & ce devanteau le cul, qui sont relatifs. Le mitron, obéissant à son maître, vint avec les abricots; & entra dans la chambre, où la servante l'introduisit. Il fit une belle révérence à mademoiselle à cul nud, lui demandant où étoit monsieur. Elle dit: il viendra à cette heure, mon ami; attendez le un peu. Cependant le mitron regardoit la demoiselle qui s'achevoit d'habiller, & faisoit la litiere à ses tetons, qui paroissoient mignons & beaux; il les considéroit des yeux fort goulûment, que voici monsieur qui entra. Alors le mitron, allant vers lui, fait une grande révérence, & lui dit: monsieur, voilà mon maître qui se recommande à vous, & vous envoie une pannerée de tetons. Il dit ainsi, pensant & parlant tout à-la-fois. Quoi! dit monsieur, ce coquin ne sait ce qu'il dit. Le mitron, voulant faire la révérence, trouva derriere lui un placet qui le fit cheoir, de sorte que, sa devantiere se renversant sur le ventre, il montra toute sa pauvreté, ses pauvres tritebilles. Qu'est ceci, ce dit le conseiller? Voyez ce maraut! Il se met à regarder les tetons de ma femme; il ne sait ce qu'il dit, & encore se laisse tomber. Adonc la demoiselle, qui regardoit le paquet d'amour, le spectacle de l'outil de nature, excusant ce pauvre mitron, dit à son mari: mon ami, vous le devez excuser; s'il est chut. Un cheval qui a quatre couilles, se laisse bien cheoir. Elle vouloit dire quatre pieds; mais l'objet la détournoit.
Madame. Quel paquet d'amour! Que le chat fût bridé de semblables!
L'autre. Il n'en seroit pas plus fort, pour l'avoir mangé. Je vous le prouverai, par l'aventure qui nous survint à la Boisiardiere; où, un vendredi, nous dînions; & madame se coléroit de ce que l'on n'avoit gueres mis de beurre. La fille qui l'avoit en charge vint, & tenoit le chat mignon en sa main, & disoit qu'elle l'avoit pris sur le fait, achevant de manger quatre livres de beurre. Moi, qui aime justice, desirois excuser le chat; & pour sa justification, & je le pris & le pese; & en bonne finte, il ne pesoit que trois livres trois quarterons; je ne sais ce qu'il pesa, quand il eut chié le beurre; allez-y voir.
Rabelais. Il a oublié ce qu'il vouloit dire.
Gregoire. Comme celui qui se vouloit faire recevoir procureur au châtelet, lequel se présenta humblement à l'examen; & ainsi que l'on lui eut fait plusieurs questions, il ne savoit répondre à aucune. Un des messieurs lui demanda, d'où venoit cela qu'il ne se présentoit & ne savoit rien: messieurs, dit-il, j'ai été en vendanges, où j'ai oublié tout ce que je savois.
Godefroi. Et ce bon personnage qui avoit acheté… O, qu'ai-je dit? Qui avoit eu gratis, comme les autres, un métier de conseiller.
Louvet. Appellez-vous cela métier? Vous seriez aussi prophané, que le bourgeois de la Rochelle, qui, ce dernier carême-prenant, ayant été tancé, parce qu'il étoit de la religion, d'avoir joué joyeusement, (& même le consistoire l'avoit repris aigrement) se trouvant en compagnie, où l'on se consoloit de ce qui s'étoit passé, va dire: par la certebleu, si j'avois trouvé quelqu'un qui me voulût bailler cinquante écus de mon métier de huguenot, je m'en déferois.
Discours.
XVII. Plotin. Ho! compere, que vous allez vîte! Comme vous dépêchez tout!
Godefroi. Je ne vais pas si vîte que le plumacier de l'univers.
Ciceron. Quel diable de nouveau mot est ceci? Qui est ce plumacier?
Plotin. C'est celui qui pose les panaches sur les têtes des hommes de l'univers.
Pogge. Je gage qu'il veut parler de cornage.
Plotin. Tu l'as trouvé; qu'il te puisse accompagner comme accident indélébile!
Asclepiades. Comment est-ce qu'il va si-tôt?
Plotin. O cher compere de toute la fressure, je te le dirai! Sache, toi qui as belle & jeune femme; sache, mon tendre & jovial petit belleau, mon petit prêteur de franches repues, que, si tu étois au Grand-Caire, & que ta femme tant poupine fût à Paris, & que de son consentement, me faisant ouverture de ses bonnes graces, elle me laissât entrer à elle, je n'aurois pas si-tôt mis mon V, I, T, pied, dans son C, O, N, pantoufle, que l'admirable, grand & révéré cocuage ne fût, en un instant, au Grand-Caire, à te frétiller avant la tête, pour te réjouir du beau petit plumage d'amourettes.
Planudes. Triste garçon à demi vieil que tu es, je t'assure que ta journée n'y monteroit gueres. Tu es de ceux auxquels on peut dire: depuis que la couille passe le vit; adieu vous dis.
Bionon. Paix, de par tous les diables, taisez-vous, ou je vous couperai le cou, comme je fis un jour à un roi qui chioit. Achevez le discours de ce conseiller, & meshui ne vous interromprai; ou j'abomine, je contamine, je précipite, je diable, je trente mille: a, ha! je ne le dirai pas: faites votre devoir.
Godefroi. Parlez-vous de ce conseiller de la prévôté, lequel le pere le présentant à messieurs, demandant séance pour lui, leur dit: messieurs, mon fils n'a point de science, il vous plaira lui en donner. (Un gâta tout. Non, dit-il, c'est de celui qui se faisoit recevoir à la cour, qui est tant bonne & douce, la bonne dame, qu'elle ne reçoit, ou n'a reçu, ou ne recevra, de peur de faillir, je ne le dirai pas; en voilà qui me veulent faire dire des ânes, je n'en ferai rien.) Ainsi que messieurs interrogeoient ce bon personnage déja âgé, ils l'incitoient à répondre; & il ne savoit, d'autant qu'il n'entendoit pas ce qu'ils disoient. (S'il eût été encore comme moi, qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces messieurs-là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ni eux aussi, ce qui m'apporta une belle dayée de réputaison.) Ce personnage écoutoit; puis, comme revenu de bien en songerie, dit: messieurs, je n'ai pas accoutumé ce ménage ainsi que vous dites. Bien je ne sais rien, il est vrai; mais j'ai un fils qui est bien savant, qui répondra pour moi, comme mon compere le sieur Basgrand a répondu de l'argent que je dois de mon office. Par dépit qu'il ne put être reçu, si-tôt que sa femme fut morte, il récompensa une prébende, & fut official.
L'autre. Ce fut à lui, auquel Menaud, notre métayer fit une jolie réponse. On agissoit devant lui d'une cause de fouculterie; & Menaud étoit appellé à témoin, pour dire que le garçon eût eu habitation de concupiscence charnelle avec cette fille. Ainsi que Menaud fut entré, il dit: j'y étois, & ce que je vous dis est vrai, monsieur l'official. Dieu me doint bonne vie & longue! on m'a dit que vous me demandiez. L'official lui dit: & bien, mon ami, dites vrai. Avez-vous vu que ce gars ait envahi cette fille? Avez-vous vu qu'il l'ait travaillée? Monsieur l'official, je n'en saurois que dire; je suis votre serviteur. Là, mon ami, dites; je suis le vôtre. A, a! monsieur, il suffit, si vous me faites plaisir. Dites donc, mon ami, dites. Et bien, monsieur l'official, je vous dirai: j'ai vu quatre fesses & deux culs; mais je n'ai point vu de vit; je crois que le larron de con l'avoit en la goule.
Sapho. Hé gai, voilà de beaux contes à dire devant des gens d'église. Aussi