ÉPIGRAMME CONTRE UN SOT POLITIQUE
Des Gazettes de la Tamise,
Quand tu saurois le résultat,
Faudroit-il te vanter d'être, comme un Moïse,
Savant dans le métier que fait un Potentat?
Ta femme me l'a dit: ta sottise est sans bornes,
Et si tu ressemblois à cet homme d'État,
Ce ne seroit que par les cornes.
LE CURÉ COMPLAISANT
«Lisez tout bas ce guide-âne,
»Monsieur, vous m'épouvantez;
»Ah! quels grands mots! Libertés…
»De l'Église Gallicane!
»Comment! je crois, Dieu me damne!
»Que je les ai répétés.
»—Venez sur cette Ottomane,
»Prendre place à mes côtés.
»Or, maintenant, écoutez:
»Levez ce jupon de panne,
»Et sur le dos vous mettez;
»Les deux cuisses écartez:
»Moi, j'entr'ouvre ma soutane…
»—Je crois que vous me foutez?
»—Non, c'est pour vous montrer, Jeanne,
»Ce qu'on nomme Libertés
»De l'Église Gallicane.»
ÉPIGRAMME
Un auteur, dont le nom passera d'âge en âge,
Montrant un jour son fils, disoit:
«Voilà mon plus mauvais ouvrage.
»—Monsieur,» reprit Damon, caustique personnage,
«Est-il sûr que vous l'ayez fait?»
LA QUESTION RÉSOLUE
Trois rivaux voyant leur maîtresse
Que l'on vient de blesser au sein,
Aussitôt l'un tombe en faiblesse;
L'autre court après l'assassin;
Le troisième bande la plaie.
Par ce moyen chacun essaie
De montrer qui l'aime le mieux.
Si mon avis on me demande,
Je répondrois qu'il saute aux yeux:
Car je suis pour celui qui bande.
LE FAGOT
CONTE
Deux nouveaux mariés font le sujet du conte.
Tous deux, jeunes, s'aimoient tous deux;
Mais un débat s'émut entre eux.
Il étoit vif, elle étoit prompte.
Un semblable débat fut autrefois, dit-on,
Entre Jupiter et Junon:
Mais Junon de dépit saisie
Ne tarda guère à se venger
Du jugement de Tirésie.
Une femme, pour bien juger,
Veut qu'on juge à sa fantaisie.
Nos deux jeunes époux étoient donc courroucés,
De quoi? D'être trop peu la nuit en paix laissés,
De dormir trop peu l'un et l'autre:
«Est-ce ma faute?—C'est la vôtre.
»—N'est-ce pas vous qui me pincez?
»—N'est-ce pas vous qui m'agacez?»
Telle étoit chaque jour leur plainte mutuelle;
Mais ils n'avoient qu'un lit, ce n'étoit pas assez
Pour mettre fin à leur querelle.
—«Eh bien! pour vous montrer,» dit-elle,
»Que je ne veux vous dire mot,
»Mettons entre nous un fagot.»
Là-dessus la nuit vient, sème le ciel d'étoiles,
Et couvre l'univers de ses plus sombres voiles;
Tout invite au sommeil, et le fagot se met
Pour garant du repos que chacun se promet.
Le couple conjugal dormit comme une souche.
Mais quand de tous ses sens l'usage suspendu
Après un long sommeil lui fut enfin rendu,
L'épouse, vers l'époux nonchalamment tournée,
Lui dit: «Au moins vous ne vous plaindrez pas
»Que de votre repos je ne fais point de cas.
»—Et moi,» répond l'époux, «vous ai-je importunée?»
A la seconde nuit, c'est à recommencer.
Le fagot revient se placer.
«Bonsoir, mon cœur.—Bonsoir, m'amie.»
Au milieu de la nuit pourtant
L'épouse assez mal endormie,
Se tourne et se retourne tant,
Que le fagot la pique, et qu'elle se récrie:
«Peste soit du fagot, et de qui l'a planté!»
L'époux, que le fagot n'avoit pas bien traité,
—«Qu'avez-vous,» dit-il, «je vous prie,
»A tant pousser de mon côté?
»Le fagot, grâce à vous, m'a fort mal ajusté.
»—Mon Dieu!» cria l'épouse, alors toute attendrie,
«Que je voie…» et pour voir le fagot fut ôté.
Mais elle ne vit rien qu'une certaine épine…
Lors prenant et serrant son époux dans ses bras:
—«Mon ami,» lui dit la coquine,
«Pour te venger, au lieu de me faire la mine,
»Pique-moi tant que tu pourras!»
LA DEMANDE SINGULIÈRE
Au temps prescrit par notre mère Église,
Chez son évêque un jeune rustre alla;
Puis il lui dit: «Monseigneur, me voilà;
»J'ai nom Jacquot, baillez-moi la prêtrise.»
Le Prélat rit et lui répond:—«Nigaud,
»Crois-tu mener si vite cette affaire?
»Va, mon enfant, pour être prêtre, il faut
»Qu'un homme ait fait trois ans de Séminaire.»
Jacquot repart:—«Je le sais, mais aussi
»Informez-vous de tout notre village:
»Mon père étoit vicaire, et, Dieu merci!
»Tout fils de maître est franc d'apprentissage.»
L'AVOCAT RAISONNABLE
Un Avocat, revenant dans son logis après deux ans d'absence,
y retrouva un gros garçon qu'il ne croyoit pas avoir laissé;
au lieu de s'emporter contre sa femme, il fit l'in-promptu
suivant:
IN-PROMPTU
Air: Du Vaudeville de la Rosière.
Sur cet article délicat,
Un autre courroit au grimoire;
Mais moi, comme un franc Avocat,
C'est la loi que je veux en croire;
Or si je consulte la Loi,
L'enfant de ma femme est à moi.
Je sais bien qu'avant mon départ,
Madame écoutoit les fleurettes,
Et qu'elle avoit sa bonne part
Du foible qu'on donne aux coquettes;
Mais si je consulte la Loi,
L'enfant de ma femme est à moi.
Plus je regarde le poupon,
Moins je trouve qu'il me ressemble:
Il a la bouche de Cliton,
Ses yeux, son nez: aye! aye! je tremble;
Mais si je consulte la Loi,
L'enfant de ma femme est à moi.
Sur un doute pareil au mien,
Rondon plaida sa ménagère,
A cela que gagna-t-il? Rien.
Le juge dit au pauvre hère:
«Va-t'en donc consulter la Loi,
»L'enfant de ta femme est à toi.»
Tous les jours, j'en suis convaincu,
Le plus galant homme peut être
Ce que l'on appelle cocu;
Mais, sans chercher à le paroître,
Il dit: «N'écoutons que la Loi,
»L'enfant de ma femme est à moi.»
COUPLET A MADEMOISELLE ***
Air: Du Vaudeville d'Epicure.
C'est peu d'être jeune et jolie:
Sans l'amour, que sert la beauté?
Pour être une fille accomplie,
Il faut un peu de volupté.
Victoire, soyez moins sévère,
Le plaisir n'est que dans vos yeux:
Si vous voulez me laisser faire,
Je le logerai beaucoup mieux.
L'ÉPOUSE NAÏVE
Blaise aimoit certaine donzelle.
Il l'épousa. Dès la première nuit,
En la caressant, il lui dit:
«J'ai peur que nos plaisirs dans quelque temps, ma belle,
»Ne te causent bien du tourment…
»—Ne crains rien,» lui répond la naïve femelle;
«Blaise, j'accouche heureusement.»
FIN
TABLE
| Avis de l'Éditeur |
V |
| A ma Commère |
1 |
| La Femme sans chose |
5 |
| La Croyance fondée |
12 |
| La Déclaration militaire |
13 |
| La Réponse sensée |
15 |
| La Plainte injuste |
16 |
| Badinage in-promptu |
17 |
| La Belle accommodante |
17 |
| In-promptu |
18 |
| Couplet |
18 |
| Bouquet à Mademoiselle *** |
19 |
| La Rage d'amour |
19 |
| Le Prétendu malin |
20 |
| La Gageure |
21 |
| Le Paiement d'avance |
21 |
| Impromptu |
24 |
| La Calomnie foudroyée |
24 |
| La Fente |
25 |
| Le Repentir sincère |
27 |
| L'Armure de Vénus |
27 |
| A ma Maîtresse |
28 |
| Les Désolations et les Consolations, vaudeville |
28 |
| Élégie |
29 |
| Épigramme |
30 |
| Le Triomphe de la Marotte |
31 |
| Les Cinq points |
37 |
| L'Un pour l'autre |
37 |
| La Présence d'esprit |
38 |
| La Défense bien observée, chanson |
39 |
| Le Dégel |
40 |
| Histoire véritable, etc., d'un Abbé qui |
41 |
| L'Expédient facile |
43 |
| On fait ce qu'on peut |
44 |
| Le Qui pro Quo, ou Colin-Maillard |
44 |
| L'Inoculation, conte |
46 |
| La Muette, chanson |
47 |
| L'Obstacle, conte |
49 |
| Le Tribut conjugal |
51 |
| Le Conseil inutile |
52 |
| La Confidence |
53 |
| Le Chapelain, chanson |
54 |
| Le Marchand de loto |
55 |
| Le Lendemain des noces |
58 |
| Le Confesseur exemplaire |
59 |
| L'Esprit fort |
60 |
| Couplet |
62 |
| Épigramme |
63 |
| Le Cas décidé |
63 |
| Le Faux Jupiter |
64 |
| Le Sommeil de Vénus |
69 |
| Quatrain à Madame *** |
71 |
| L'Enthousiasme Gascon |
72 |
| Le Cri du cœur |
72 |
| La Bénédiction trop chère, où le conseil d'Alix |
73 |
| Épître consolante à un cocu |
75 |
| L'Avocat poussé à bout |
77 |
| Le Déluge |
80 |
| Ægri salivantis solatium |
81 |
| Dialogue entre deux servantes |
81 |
| Le Salamalec Lyonnois |
82 |
| La Colère naïve |
85 |
| Partant quitte |
86 |
| Le fin Menteur |
87 |
| Le Pardon |
87 |
| Le Mensonge évident |
88 |
| La Métamorphose |
89 |
| Le Maladroit |
90 |
| Le Plaisir sans remords |
91 |
| Les deux Clystères |
92 |
| Le double Aveu |
92 |
| Les Souliers |
95 |
| Qui perd gagne |
95 |
| In-promptu—Parodie d'un couplet des Amours d'été |
97 |
| L'Excuse ingénieuse |
98 |
| L'Observateur en second, ou l'Art d'aimer |
99 |
| Épigramme contre un sot politique |
102 |
| Le Curé complaisant |
102 |
| Épigramme |
103 |
| La Question résolue |
104 |
| Le Fagot |
104 |
| La Demande singulière |
106 |
| L'Avocat raisonnable |
107 |
| Couplet à Mademoiselle *** |
109 |
| L'Épouse naïve |
109 |
IMPRIMÉ
PAR
CHARLES UNSINGER
83, Rue du Bac
PARIS
Isidore LISEUX, Libraire-Éditeur
Quai Malaquais, no 5.
ÉDITIONS RÉSERVÉES
Sous cette désignation générale, nous avons
l'intention de faire paraître une série de volumes
curieux de divers formats, imprimés
à un très petit nombre d'exemplaires et non
destinés au commerce de la Nouveauté. Le
Petit-Neveu de Grécourt est le premier de cette
série.
Les couvertures ne porteront aucune indication
de prix.
Le prix net de souscription pour Amateurs
ou Libraires, indistinctement, sera communiqué
par avis individuel. Les Amateurs qui
souscriront par l'entremise des Libraires,
s'entendront avec eux pour la commission à
leur payer en sus du prix net.
Aussitôt parus, les volumes entreront de
plain-pied dans la Librairie ancienne, et le
prix originaire de souscription ne pourra plus
être donné qu'à titre de simple renseignement.
Envoi franco recommandé contre Mandat
ou Chèque.
Paris.—Typ Ch. Unsinger, 83, rue du Bac.