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Le trésor des humbles

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VII
EMERSON

« Une seule chose importe, dit Novalis, c'est la recherche de notre moi transcendental. » Ce moi, nous l'apercevons par moments dans les paroles de Dieu, dans celles des poètes et des sages, au fond de quelques joies et de quelques douleurs, dans le sommeil, l'amour et les maladies, et en des conjonctures inattendues, où de loin il nous fait signe et nous montre du doigt nos relations avec l'univers. Quelques sages ne s'attachèrent qu'à cette recherche et ils écrivirent ces livres où ne règne que l'extraordinaire. « Qu'y a-t-il qui vaille dans les livres, dit notre auteur, si ce n'est le transcendental et l'extraordinaire? » Ils étaient comme des peintres s'efforçant de saisir une ressemblance dans les ténèbres. Les uns tracèrent des images abstraites, très grandes mais presque indistinctes. Les autres parvinrent à fixer une attitude ou un geste habituel de la vie supérieure. Plusieurs imaginèrent des êtres étranges. Il n'existe pas un grand nombre de ces images. Elle ne se ressemblent jamais. Quelques-unes sont très belles, et ceux qui ne les ont pas vues sont pareils toute leur vie à des hommes qui ne seraient jamais sortis vers le milieu du jour. Il en est dont les lignes sont plus pures que les lignes du ciel ; et alors, ces figures nous paraissent si lointaines que nous ignorons si elles vivent ou si elles furent transcrites selon nous-mêmes. Elles sont l'œuvre des mystiques purs et l'homme ne s'y reconnaît pas encore. D'autres, qu'on nomme les poètes, nous parlèrent indirectement de ces choses. Une troisième classe de penseurs, élevant d'un degré le vieux mythe des centaures, nous a donné de cette identité occulte une image plus accessible en mêlant les lignes de notre moi apparent à celles de notre moi supérieur. Le visage de notre âme divine y sourit par moments par dessus l'épaule de sa sœur, l'âme humaine, inclinée aux humbles besognes de la pensée ; et ce sourire qui nous fait entrevoir en passant tout ce qu'il y a par delà la pensée importe seul dans les œuvres des hommes…

Ils ne sont pas nombreux ceux qui nous montrèrent que l'homme est plus grand et plus profond que l'homme, et qui parvinrent à fixer ainsi quelques-unes des allusions éternelles que nous rencontrons à chaque instant par la vie, dans un geste, dans un signe, dans un regard, dans une parole, dans un silence et dans les événements qui nous entourent. La science de la grandeur humaine est la plus étrange des sciences. Nul d'entre les hommes ne l'ignore ; mais presque tous ne savent pas qu'ils la possèdent. L'enfant qui me rencontre ne sera pas capable de dire à sa mère ce qu'il a vu ; et cependant, dès que son œil a touché ma présence, il sait tout ce que je suis, tout ce que j'ai été, tout ce que je serai, aussi bien que mon frère et trois fois mieux que moi-même. Il me connaît immédiatement dans le passé et l'avenir, dans ce monde-ci et dans les autres, et ses yeux à leur tour me révèlent le rôle que je joue dans l'univers et dans l'éternité. Les âmes infaillibles se sont entrejugées ; et dès que son regard a admis mon regard, mon visage, mon attitude, et tout l'infini qui les entoure et dont ils sont les interprètes, il sait à quoi s'en tenir ; et bien qu'il ne distingue pas encore la couronne d'un empereur de la besace d'un mendiant, il m'a connu, un moment, aussi exactement que Dieu.

Il est vrai que nous agissons déjà comme des dieux, et toute notre vie se passe au milieu de certitudes et d'infaillibilités infinies. Mais nous sommes des aveugles qui jouons avec des pierreries le long des routes ; et cet homme qui frappe à ma porte, dépense, au moment où il me salue d'aussi merveilleux trésors spirituels que le prince que j'aurais arraché à la mort. Je lui ouvre ; et en un instant il voit à ses pieds, comme du haut d'une tour, tout ce qui a lieu entre deux âmes. La paysanne à qui je demande le chemin, je la juge aussi profondément que si je lui demandais la vie de ma mère, et son âme m'a parlé aussi intimement que celle de ma fiancée. Elle remonta en hâte, jusqu'aux plus grands mystères, avant de me répondre ; puis elle m'a dit tranquillement, sachant tout à coup ce que j'étais, qu'il fallait prendre à gauche le sentier du village. Si je passe une heure au milieu d'une foule, j'ai jugé mille fois sans rien dire et sans y songer un moment, les vivants et les morts, et lequel de ces jugements sera réformé au dernier jour? Il y a dans cette chambre cinq ou six êtres qui parlent de la pluie et du beau temps ; mais au dessus de cette conversation misérable, six âmes ont un entretien dont nulle sagesse humaine ne pourrait approcher sans danger ; et bien qu'elles parlent à travers leurs regards, leurs mains, leur visage et toute leur présence, ils ignoreront toujours ce qu'elles ont dit. Il faut cependant qu'ils attendent la fin de l'insaisissable dialogue, et c'est pourquoi ils ont je ne sais quelle joie mystérieuse dans leur ennui, sans connaître ce qui écoute en eux toutes les lois de la vie, de la mort et de l'amour qui passent comme des fleuves intarissables autour de la maison.

Il en est ainsi partout et toujours. Nous ne vivons que selon notre être transcendental, dont les actions et les pensées percent à chaque instant l'enveloppe qui nous entoure. Je vais voir aujourd'hui un ami que je n'ai jamais vu, mais je connais son œuvre et je sais que son âme est extraordinaire et qu'il a passé sa vie à la manifester aussi exactement que possible selon le devoir des intelligences supérieures. Je suis plein d'inquiétudes et c'est une heure solennelle. Il entre ; et toutes les explications qu'il nous a données durant un grand nombre d'années tombent en poussière au mouvement de la porte qui s'ouvre sur sa présence. Il n'est pas ce qu'il croit être. Il est d'une autre nature que ses pensées. Une fois de plus nous constatons que les émissaires de l'esprit sont toujours infidèles. Il a dit sur son âme des choses très profondes ; mais en ce petit instant qui sépare le regard qui s'arrête du regard qui s'éloigne, j'ai appris tout ce qu'il ne pourra jamais dire et tout ce qu'il ne pourra jamais faire vivre en son esprit. Il m'appartient désormais sans retour. Autrefois nous étions unis par la pensée. Aujourd'hui, une chose mille et mille fois plus mystérieuse que la pensée nous livre l'un à l'autre. Il y a des années et des années que nous attendions ce moment ; et voilà que nous sentons que tout est inutile, et, pour ne pas avoir peur du silence, nous qui nous étions préparés à nous montrer des trésors secrets et prodigieux, nous nous entretenons de l'heure qui sonne ou du soleil qui se couche, afin de donner à nos âmes le temps de s'admirer et de s'étreindre dans un autre silence que le murmure des lèvres et de la pensée ne pourra pas troubler…

Au fond, nous ne vivons que d'âme à âme et nous sommes des dieux qui s'ignorent. S'il m'est impossible ce soir de supporter ma solitude, et si je descends parmi les hommes, ils me diront que l'orage vient d'abattre leurs poires ou que les dernières gelées ont fermé le port. Est-ce pour cela que je suis venu? Et cependant, je m'en irai tantôt, l'âme aussi satisfaite et aussi pleine de forces et de trésors nouveaux que si j'avais passé ces heures avec Platon, Socrate et Marc-Aurèle. Ce que disait leur bouche ne s'entendait pas à côté de ce que proclamait leur présence, et il est impossible à l'homme de n'être pas grand et admirable. Ce que pense la pensée n'a aucune importance à côté de la vérité que nous sommes et qui s'affirme en silence ; et si, après cinquante ans de solitude, Epictète, Gœthe et saint Paul abordaient en mon île, ils ne pourraient me dire que ce que me dirait en même temps et plus immédiatement peut-être le petit mousse de leur navire.

En vérité, ce qu'il y a de plus étrange dans l'homme, c'est sa gravité et sa sagesse cachées. Le plus frivole ne rit jamais réellement parmi nous, et malgré ses efforts ne parvient pas à perdre une minute, car l'âme humaine est attentive et ne fait rien d'inutile. Ernst ist das Leben, la vie est grave et au fond de notre être notre âme n'a pas encore souri. De l'autre côté de nos agitations involontaires, nous menons une existence merveilleuse, immobile et très pure et très sûre, à laquelle font sans cesse allusion les mains qui se tendent, les yeux qui s'ouvrent, les regards qui se rencontrent.

Tous nos organes sont les complices mystiques d'un être supérieur, et ce n'est jamais un homme, c'est une âme que nous avons connue. Je n'ai pas vu ce pauvre qui implorait l'aumône sur les marches de mon seuil ; mais j'apercevais autre chose : en nos yeux deux destinées identiques se saluaient et s'aimaient, et, au moment où il tendait la main, la petite porte de la maison s'entr'ouvrait un instant sur la mer. « Dans mes rapports avec mon enfant, dit Emerson, le grec, le latin, tout ce que je sais, tout l'or que je possède ne me servent de rien ; ce que j'ai d'âme importe seul. Si j'ai une volonté, il oppose sa volonté à la mienne, une contre une, et me laisse, si je veux, la honte d'abuser de ma force en le frappant ; mais si je renonce à ma volonté, et si j'agis au nom de l'âme, la plaçant comme arbitre entre nous deux, à travers ses jeunes yeux regarde la même âme ; il révère et il aime avec moi. »

Mais s'il est vrai que le dernier d'entre nous ne peut faire le moindre geste sans tenir compte de l'âme et des royaumes spirituels où elle règne, il est vrai aussi que les plus sages ne songent presque jamais à l'infini que déplace une paupière qui s'ouvre, une tête qui s'incline, une main qui se ferme. Nous vivons si loin de nous-mêmes que nous ignorons presque tout ce qui se passe à l'horizon de notre être. Nous errons au hasard dans la vallée, sans nous douter que tous nos gestes sont reproduits et acquièrent leur signification sur le sommet de la montagne, et il faut par moments que quelqu'un vienne nous dire : Levez les yeux, voyez ce que vous êtes, voyez ce que vous faites ; ce n'est pas ici que nous vivons ; c'est là-haut que nous sommes. Ce regard échangé dans l'ombre ; ces paroles qui n'avaient pas de sens au pied de la montagne, voyez ce qu'ils deviennent et ce qu'ils signifient par delà la neige des cimes ; et comme nos mains que nous croyons si faibles et si petites atteignent Dieu, à chaque instant, sans le savoir.

Quelques-uns sont venus nous frapper ainsi sur l'épaule en nous montrant du doigt ce qui se passe sur les glaciers du mystère. Ils ne sont pas nombreux. Il y en a trois ou quatre en ce siècle. Il y en a cinq ou six dans les autres ; et tout ce qu'ils ont pu nous dire n'est rien au regard de ce qui a lieu et de ce que notre âme n'ignore pas. Mais qu'importe? Ne sommes-nous pas semblables à un homme qui a perdu les yeux dans les premières années de son enfance? Il a vu le spectacle innombrable des êtres. Il a vu le soleil, la mer et la forêt. Maintenant, ces merveilles se trouvent à jamais dans sa substance ; et si vous en parlez, que pourrez-vous lui dire, et que seront vos pauvres mots à côté de la clairière, de la tempête et de l'aurore qui vivent encore au fond de son esprit et de sa chair? Il vous écoutera, cependant, avec une joie ardente et étonnée et bien qu'il sache tout, et que vos paroles représentent ce qu'il sait plus imparfaitement qu'un verre d'eau ne représente un grand fleuve, les petites phrases impuissantes qui tombent de la bouche des hommes illumineront un instant l'océan, la lumière et les sombres feuillages qui dormaient au milieu des ténèbres, sous ses paupières mortes.

Les faces de ce « moi transcendental » dont parle Novalis, sont probablement innombrables et aucun des moralistes mystiques n'est parvenu à étudier la même. Swedenborg, Pascal, Novalis, Hello et quelques autres examinent nos rapports avec un infini abstrait, subtil et très lointain. Ils nous mènent sur des montagnes dont tous les sommets ne nous semblent pas naturels et habitables et où nous respirons souvent avec peine. Gœthe accompagne notre âme sur les rivages de la mer de la Sérénité. Marc-Aurèle la fait asseoir au penchant des collines humaines de la bonté parfaite et lasse, et sous les feuillages trop lourds de la résignation sans espoir. Carlyle, le frère spirituel d'Emerson, qui en ce siècle nous avertit à l'autre extrémité de la vallée, fait passer comme des éclairs, les seuls moments héroïques de notre être, sur le fond d'ombre et d'orage d'un inconnu sans cesse monstrueux. Il nous mène comme un troupeau affolé par les tempêtes vers les pâturages ignorés et sulfureux. Il nous pousse au plus profond des ténèbres qu'il a découvertes avec joie, et qu'éclaire seule l'étoile intermittente et violente des héros et nous y abandonne, avec un mauvais rire, aux vastes représailles des mystères.

Mais en même temps, voici Emerson, le bon pasteur matinal des prés pâles et verts d'un optimisme nouveau, naturel et plausible. Il ne nous conduit pas du côté des abîmes. Il ne nous fait pas sortir de l'humble clos familier, parce que le glacier, la mer, les neiges éternelles, le palais, l'étable, le poële éteint du pauvre et le lit du malade, tout est situé sous le même ciel, purifié par les mêmes astres et soumis aux mêmes puissances infinies.

Il est venu pour plusieurs au moment où il fallait venir et à l'instant où ils avaient mortellement besoin d'explications nouvelles. Les heures héroïques sont moins apparentes, celles de l'abnégation ne sont pas encore revenues ; il ne nous reste plus que la vie quotidienne, et cependant nous ne pouvons pas vivre sans grandeur. Il a donné un sens presque acceptable à cette vie qui n'avait plus ses horizons traditionnels, et peut-être a-t-il pu nous montrer qu'elle est assez étrange, assez profonde et assez grande pour n'avoir besoin d'autre but qu'elle-même. Il n'en sait pas plus que les autres ; mais il affirme avec plus de courage, et il a confiance dans le mystère. Il faut vivre, vous tous qui traversez des jours et des années, sans actions, sans pensées, sans lumière, parce que votre vie, malgré tout, est incompréhensible et divine. Il faut vivre parce que nul n'a le droit de se soustraire aux événements spirituels des semaines banales. Il faut vivre parce qu'il n'y a pas d'heures sans miracles intimes et sans significations ineffables. Il faut vivre parce qu'il n'y a pas un acte, pas un mot, pas un geste qui échappe à des revendications inexplicables en un monde « où il y a beaucoup de choses à faire, et peu de choses à savoir. »

Il n'y a ni grande ni petite vie, et l'action de Régulus ou de Léonidas n'a aucune importance lorsque je la compare à un moment de l'existence secrète de mon âme. Elle pouvait faire ce qu'ils ont fait ou ne pas le faire, ces choses ne l'atteignent pas ; et l'âme de Régulus, lorsqu'il s'en retournait à Carthage, était probablement aussi distraite et aussi indifférente que celle de l'ouvrier qui s'en va vers l'usine. Elle est trop loin de toutes nos actions ; elle est trop loin de toutes nos pensées. Elle vit seule, au fond de nous, une vie qu'elle ne dit pas ; et des hauteurs où elle règne, la variété des existences ne se distingue plus. Nous marchons accablés sous le poids de notre âme et il n'y a pas de proportion entre elle et nous. Elle ne songe peut-être jamais à ce que nous faisons et cela se lit sur notre visage. Si l'on pouvait demander à une intelligence d'un autre monde quelle est l'expression synthétique de la face des hommes, elle répondrait, sans doute, après les avoir vus dans leurs joies, dans leurs douleurs et dans leurs inquiétudes : Ils ont l'air de songer à autre chose. Soyez grand, soyez sage et éloquent ; l'âme du pauvre qui tend la main au coin du pont ne sera pas jalouse, mais la vôtre lui enviera peut-être son silence. Le héros a besoin de l'approbation de l'homme ordinaire, mais l'homme ordinaire ne demande pas l'approbation du héros et il poursuit sa vie sans inquiétude, comme celui qui a tous ses trésors en lieu sûr. « Lorsque parle Socrate, dit Emerson, Lysis et Ménéxène n'éprouvent aucune honte de leur silence. Eux aussi ils sont grands. Et Socrate s'en réfère à eux et les aime tandis qu'il parle, parce que tout homme renferme et est la vérité même qu'articule un homme éloquent. Mais en l'homme éloquent, à cause de cela même qu'il peut l'articuler, il semble que cette vérité réside déjà moins ; et c'est pourquoi il se tourne vers ces silencieux admirables, avec une déférence et un respect plus grands. »

L'homme est avide d'explications. Il faut qu'on lui montre sa vie. Il se réjouit lorsqu'il trouve quelque part l'interprétation exacte d'un petit geste qu'il a fait il y a vingt-cinq ans. Ici, il n'y a pas de petit geste ; il y a la plupart des attitudes de notre âme quotidienne. Vous n'y trouverez pas le caractère éternel de la pensée de Marc-Aurèle. Mais Marc-Aurèle c'est la pensée par excellence. D'ailleurs, qui de nous mène la vie de Marc-Aurèle? Ici, c'est l'homme et rien de plus. Il n'est pas arbitrairement agrandi ; seulement, il est plus près de nous que d'habitude. C'est Jean qui taille ses arbres ; c'est Pierre qui bâtit sa maison, c'est vous qui me parlez de la moisson, c'est moi qui vous donne la main ; mais nous sommes mis au point où nous touchons aux dieux et nous sommes étonnés de ce que nous faisons. Nous ne savions pas que toutes les puissances de l'âme étaient présentes, nous ne savions pas que toutes les lois de l'univers attendaient autour de nous ; et nous nous retournons, et nous nous regardons sans rien dire comme des gens qui ont vu un miracle.

Emerson est venu affirmer avec simplicité cette grandeur égale et secrète de notre vie. Il nous a entourés de silence et d'admiration. Il a mis un trait de lumière sous les pas de l'artisan qui sort de l'atelier. Il nous a montré toutes les forces du ciel et de la terre, occupées à soutenir le seuil sur lequel deux voisins parlent de l'eau qui tombe ou du vent qui s'élève, et au dessus de deux passants qui s'abordent, il nous fait voir le visage d'un Dieu qui sourit au visage d'un Dieu. Il est plus près que nul autre de notre vie habituelle. Il est l'avertisseur le plus attentif, le plus assidu, le plus probe, le plus méticuleux, le plus humain peut-être. Il est le sage des jours ordinaires, et les jours ordinaires sont en somme la substance de notre être. Plus d'une année s'écoule sans passions, sans vertus, sans miracles. Apprenez-nous à vénérer les petites heures de la vie. Si j'ai pu agir ce matin, selon l'esprit de Marc-Aurèle, ne venez pas souligner mes actions, car je sais, moi aussi, qu'il est arrivé quelque chose. Mais si je crois avoir perdu ma journée en misérables entreprises ; et si vous pouvez me prouver que j'ai vécu cependant aussi profondément qu'un héros, et que mon âme n'a pas perdu ses droits ; vous aurez fait plus que si vous m'aviez persuadé de sauver aujourd'hui mon ennemi, car vous avez augmenté en moi, la somme, la grandeur et le désir de la vie ; et demain, peut-être, je saurai vivre avec respect.

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