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Les évangiles des quenouilles

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S'ensieut la continuacion des euvangiles leuttes par dames sebile des mares le jeudy soir en l'ostel accoustumez.

Le jeudy entre six et sept heures du vespre aprés souper convindrent et assemblerent les matrones et femmes acoustumeez de venir a la serie ensemble pluiseurs autres qui point n'avoient accoustumé d'y venir pour oir lire dame sebile des mares son euvangile.

Dame sebile qui fort tenoit du grave vint en la compagnie de pluiseurs de sa cognoissance/ et se assist pour presider ceste nuit/ comme celle qui a ce faire estoit ordonnee. mais ains que oultre procede: je vueil touchier un pou de sa vie et l'estat de conversacion.

Ceste sebile estoit de par sa grant mere venue de savoie d'une contree nommee vaux dont premiers vindrent les vaudois de laquele science elle avoit beaucop retenu. elle avoit d'eage environ .lvii. ans maigre et longue femme estoit/ et si se disoit gentil femme a cause de vaux. et en quelque assemblee qu'elle se trouvoit: elle avoit volentiers la derreniere parolle pour tout couclure et ainsi estoit elle avantaigiere pourquoi il y eut pluiseurs femmes qui pour ceste cause y vindrent qui paravant n'y avoient esté. Dame sebile doncques assise en son siege aprés silence obtenue commença le premier chappitre de son euvangile et dist.

Le premier chappitre.

Qui vuelt que ses enfans ne soient paoreux il est expedient que incontinent aprés le batesme de l'enfant/ le pere lui face empoingnier de la main droite son espee ou son glaive/ et il sera toute sa vie hardis.

Glose. Dame alix des mares sa suer dist que qui feroit lire par un prestre dessus l'enfant l'euvangile des trois rois ou l'oroison sainct charlemaine il seroit hardis et victorieux.

Le second chappitre.

Quant deux jones gens filz et fille sont pour lever un enfant le prestre se doit mettre entre deux car s'il avenoit qu'ilz preissent l'ung l'autre a mariage jamais n'auroit paix entre eulx.

Glose. Une vielle qui la estoit dist tantost sur cest article qu'il estoit certain et vray. Et oultre que s'ilz avoient enfans ils feroient tous pute fin.

Le tiers chappitre.

Cellui qui congnoist charnelement sa commere a sa priere jamais ne puet en paradis entrer se le filleul son enfant ne fait de son gré la penitance premier pour sa marrine/ et aprés pour son pere.

Glose. Cristine la sauvage dist que qui prent sa commere par mariage/ touteffois qu'ilz se conjoindent charnelement/ qu'il tonne volentiers ou fait orage en terre ou en mer.

Le quart chappitre.

Quiconques congnoist charnelement nonnain ou femme voilee par copulacion d'homme de religion ou prestre seculier/ sachiez qu'ilz morrons tous a membre roit/ et a trop plus de doleur que autres gens.

Glose. Fillette l'estroite dist que se de tel accouplement viennent enfans ilz sont enclins a mains maulz et fortunes.

Le .v.e chappitre.

Une meschine de prestre perseverant en son pechié jusques a la mort/ sachiez pour vray comme euvangile qu'elle est chevalet au dyable/ et ne convient prier pour elle.

Glose. L'une d'entre elles qui savoit de cest article respondy que le pechié se povoit estaindre par les prieres du prestre/ et par les enfans qu'ilz ont engendrez jasoit ce que communement ilz ne facent gaire bonne fin.

Le .vi.e chappitre.

Se un prestre seculier ou autre religieux congnoist charnelement femme mariee/ il n'aura jamais du pechié pardon/ se premierement ne lui est pardonné du mari d'elle.

Glose. Certainement respondy une matrone cest article croy je bien/ car dieu n'emprent jamais sur le droit d'autrui/ et aprés il pardonne le droit de partie sauf.

Le .vii.e chappitre.

Se un homme marié habite a la femme de son voisin ou autre femme mariee/ il mesmes se clot la porte de paradis et ja n'y enterra com fort qu'il y busche.

Glose. Margot clappeie dist que jamais ne lui sera ouverte fors par cellui a qui tant a offensé/ quant aincoires il lui auroit pardonné.

Le .viii.e chappitre.

Quant le preste a chanté messe et que les aucuns vont baisier l'autel ceulz en celle sepmaine ne doivent baisier femme nulle se ilz ne l'ont espousee.

Glose. Certainement dist une vielle filleresse/ ceulx qui font contre cest article ne fauldront avoir mal aux dens ou a la teste.

Le .ix.e chappitre.

Quant une femme enchainte porte son enfant plus sur le costé dextre et qu'elle mengue volentiers venoison et volille/ qu'elle oyt volentiers parler de tournois et de joustes sachiez de vray qu'elle porte un filz.

Glose. Mabelie qui mere alerresse estoit dit que quant la femme porte sur le costé senestre et appete dansses et sons d'instrumens que elle aura une fille.

Le .x.e chappitre.

Se une femme grosse d'enfant desire savoir quel hoir elle porte ascoutez la parler/ et par elle mesmes le saurez. car quant elle demandera quel hoir vous semble il que je porte. Se vous dittes un beau fils et elle n'en rougist: sachiez pour vray qu'elle fera une fille.

Glose. Dist laurette la serie que se la femme enchainte marche au mouvoir plus tost du pied droit que du senestre elle porte sans faulte un filz. et s'elle fait le contraire ce sera une fille.

Le .xi.e chappitre.

Quant un homme engendre naturellement un enfant s'il lui povoit lors souvenir le temps qu'il lui avint et il pensoit comment aprés le fait il se trouva disposé/ autre juge fors lui n'y fauldroit car quant l'omme engendre un filz petit s'en change pour ce qu'il engendre son semblable. mais a engendrer une fille qui est hors de sa complexion: il s'en treuve fort aliené voire pour deulx ou pour trois jours.

Glose. Perrote galoise dist que incontinent que femme a conceu enfant masle pour les trois premiers mois elle porte assez bel. mais les autres six mois moult en a grant doleur plus que d'une fille. Toutefois les trois premiers mois la fille lui baille plus a souffrir.

Le .xii.e chappitre.

Quant vous voyez les gelines assembler dessoubz quelque apentis ou en requoy sachiez pour vray que le temps se muera en pluye de brief.

Glose. Puis que sommes entrez de parler des gelines dist emmeline trumeliere je vous en diray droites merveilles. car quant vous volez avoir vos poules coupez dessus leurs testes pour aussi vray que sommes icy il vous convient affubler un sac aquoquide quant vous mettez les oefs couver/ et les pouilles seront toutes couppeez dessus leurs testes.

Le .xiii.e chappitre.

Et quant vous verrez alumer la sieuye dedens voz chemineez faittes lui la moe: et pour aussi vray que euvangile elle s'estaindera a acop.

Le .xiiii.e chappitre.

Mes amies et voisines quant vous alez au retrait gardez vous de torchier vostre derriere de fueilles/ et pour aussi vray que euvangile jamais ne serez malade du mal sainct loup de fueilloy.

Glose. Calle court talon dist qu'elle le fist une fois. mais elle ne povoit durer d'escopine qui le poingnoit/ je croy que le dyable estoit en l'erbe.

Le .xv.e chappitre.

Quant un enfant est né avant qu'il soit baptisié gardez vous de le mettre premierement ne porter sur vostre bras senestre. car pour vrai il en seroit gauchier toute sa vie.

Glose. Martine tost preste dist a ce propos que se vous faites tourner a vostre mari son visage vers orient tandis qu'il est embesoingnié ou fait d'amours/ s'il fait generacion se sera un filz.

Le .xvi.e chappitre.

Qui se mire en un miroir de nuit pour aussi vray que euvangile/ il y voit le mauvais et si n'en embellira ja pourtant ains en devendra plus lait.

Glose. Belotte camuse dist qu'il y a des miroirs a bruge glace qui sont naturelz et qui rendent les gens qui s'i mirent un pou bruns/ mais ilz ont mauvaise alaine.

Le .xvii.e chappitre.

Qui veult estre victorieulx en guerre ou eureulx en marchandise/ si veste au matin sa chemise ce devant derriere ou a l'envers/ et pour vray il le sera.

Glose. Ceste rigle et sans aucune faulte mais que la guerre ne soit contre sa femme/ car s'il la voloit batre il le perderoit.

Le .xviii.e chappitre.

Quant une femme a son coq lent et niche elle lui doit faire mengier des aux/ et lui en oindre la creste affin qu'il en deviengne plus fort et plus vigoureux/ et aussi il en gardera mieulx ses drois envers ses gelines.

Glose. Qui pourroit trouver dist marote ridee l'erbe qui resveille les niches maris j'en donroie jusques a ma chemise/ et deusse aler pour mon pain.

Le .xix.e chappitre.

Qui veult nourrir et eslever petis chiens sans gaires croistre/ il doit au matin laver ses mains en largement d'eaue/ et d'icele mouillier le pain qu'on donne aux chiens et de celle eaue a boire/ et pour vrai jamais plus ne croisteront/ neiz que les mains d'icelle sont laveez.

Glose. Je croy bien qu'il soit ainsi/ mais marote pelee ma taie les nourrissoit en un pot et ils ne povoient croistre plusgrant que le pot n'estoit.

Le .xx.e chappitre.

Quant une femme se lieve de nuit pour pissier devant que le coq chante la tierce fois/ et elle engambe par dessus son mari sachiez que s'il a acun de ses membres roide qu'il se amollira s'elle ne retourne en son lieu par ou elle est engambee.

Glose. Maroie ployarde dist que se c'est aprés le premier chant du coq elle sans prejudice s'en puet retourner par ou lui plaist.

Le .xxi.e chappitre.

Pour certain mes voisines quant vous orrez fort venter sachiez que c'est tout signe de traison ou aumoins de mauvaises nouvelles.

Glose. C'est chose moult de fois esprouvee dont les exemples en seroient trop longues a raconter.

Le .xxii.e chappitre.

Quant un homme chevauce par le chemin et il rencontre une femme filant/ c'est tresmauvais rencontre et doit retourner et prendre son chemin par autre voye.

Glose. Jaquette joquesus dist que se la femme veult muchier sa queloingne en son gyron ou derriere son cul: qu'il ne lui puet nuire. mais s'il paraventure cheoit de son cheval: il se porroit bien fort blechier en aucun de ses membres.

Le .xxiii.e chappitre.

Je vous dy pour conclusion et pour aussi vray que nous sommes icy que se une femme veult que son mari ou amy l'aime fort: elle lui doit mettre une fueille de gauguier cueillie la nuit sainct jehan tantis qu'on sonne nonne en son souler du pied senestre. et sans faulte il l'amera moult merveilleusement.

Conclusion de la serie du jeudy.

A celle conclusion commencerent toutes les vieilles et jones qui presens y estoient a deviser toutes ensemble et faire un murmure comme toutes esbahiez des nobles auctoritez et vrayes euvangiles que dame sebile leur avoit exposé/ et bien promirent entr'elles de les retenir et mettre en leurs memoires/ car sainctes et bonnes les tenoient.

Il me desplaisoit moult que compaignie d'aucun homme ne povoie avoir pour rire/ car certes la maniere qu'elles tenoient estoient moult estrange/ et a mon avis il leur sembloit que le monde par ces constitucions et chappitres se devoit cy aprés gouverner et regir par elles.

Or ça dist l'une qui moult vieille et bochue estoit nommee estoit Mabelie du cendrier. Mes amies et voisines il est jeudy qui est jour de recreacion et le plus cras de la sepmaine. il m'est avis qu'il seroit bon que feissions un petit bancquet pour recreer noz espris/ et especiallement pour bien vegnier le profiat de noz bonnes et sages doctoresses qui jusques icy nous ont instruit et amonnesté la noble doctrine dont ci aprés sans aucune doubte serons ameez prisiez et honnoreez et par aventure parvendrons a avoir dominacion par dessus les hommes. Qu'en dittes vous: Certes dist une sienne voisine qui bonne galoise estoit/ et savoit assez du bas voler/ nommee Mehault ployarde. je vous diray oncques femme ne dist mieulx. je m'en voy a ma maison tout quoyement tandis que mon mari ployart dort et apporteray une douzaine d'oefs. Dist une autre. Et je m'en voy querir de la farine et du burre si ferons des gauffres. et par dieu le vilain joquesus n'en tastera ja. Respondit une vieille ridee nommee flourette du pré. et je m'en voy querir demy lot de vin doulz/ car aincoires ay je espargnié un denier que mon mari malprest ne scet point. Or sus doncques chascune se mette en ses devoirs dist l'une et je ferai tout apprester.

Tandis qu'elles estoient ainsi empeschiés et ne pensoient fors d'acomplir leur entencion: je me departi en muchettes. et sans congié me retray/ car grant sommeil avoie. De la chiere qu'elles firent riens n'en sçay fors ce que l'endemain m'en fut dit. mais il n'y a chose digne d'estre mise par escript car en ce bancquet y eut tant de raisons sans effect qu'il n'est secretaire tant soit publique qui en eust sceut tenir le conte

La continuacion de la journee du jeudy au vendredy faitte par dame gomberde la faee.

Quant vint le vendredi a heure acoustumee et que les vielles matrones et autres voisines de toutes sortes furent illec venues avant que dame gomberde la faee fust venue pour presider en son siege: elles se commencerent a deviser entr'elles de la bonne chiere qu'elles avoient faittes le soir precedent depuis mon departement parquoy je sceus comment la nuit s'estoit portee: et disoit dame mabelie du cendrier a flourette du pré: dya voisine et comment vous voz huvastes hier soir je croy que ce fut pour mieulx dormir vous touchastes de la tierce pinte. Et je le croy bien respondy flourette/ pieça ne m'avint d'avoir si bonne nuit/ car ce songart joquesus mon mari ne me fist ne chou ne quoy/ voire au moins qui vaille/ passé a plus de .ix. jours/ je croy qu'il face sa neuvaine a quelque sainct maupreu lui puist il faire de me ainsi espargnier mais puis que temps avons de deviser/ comment s'achema mehault ployarde/ il sembloit que tout fust sien/ et a brief dire il n'y avoit que pour elle. il seroit bon de savoir se elle ne resveilla point son mari ployart au couchier. A hay respondy mehault/ et pour dieu qu'on le laisse desormais en paix/ car il ne vault desormais plus riens et moins que riens que male froide joye en peust on avoir. Et comment dist une jone fille qui l'escoutoit. dame mehault vous qui estes si vielle et si ancienne vouldriez vous aincores gymberter et y a il en vous aincoires vaine qui y tende: A ceste parolle mist dame mehault ses mains a ses costez/ et en grant couroux lui respondit que voirement avoit elle aincoires une verde vaine/ et que pour couchier dessoubz il ne failloit point regarder a l'eage: mais seulement au bon voloir qui aincoires lui estoit demouré/ et que dieu merci aincoires fondoit le burre en sa bouche/ combien qu'elle ne peust croquier noisettes/ car elle n'avoit que un seul dent.

A dont vint dame Gomberde la faee pour commencer son euvangile a la venue de la quele fut faitte silence/ mais ce fust a tresgrande paine. car dame mehault estoit si malcontente de ce que elle avoit esté appellee vielle: et si n'avoit aincoires que .lxxvii. ans que nullement se voloit appaisier. Touteffois tant l'en pria l'en qu'elle se teust la dieu merci. Si pris ma plume et mon papier/ et me mis en mon devoir pour noter ce qu'elle diroit. mais avant que je procede a ses chappitres: je vous vueil dire qui fut celle doctoresse gomberde.

Elle estoit de par sa mere d'auvergne et de par son pere de piemont. de simple et assez belle maniere estoit devant les gens/ car elle se disoit gentil femme. Mais se aucun avoit perdu quelque chose elle se mesloit de le renseignier. et qui eust a faire d'aucune fille secrete elle en eust fait plaisir pour gracieulx vin et c'estoit la practique de quoy elle s'entretenoit le mieulx. Subtile estoit comme il apperra par sa lecture.

Quant elle fut assise et que silence fut faitte elle commença son thume en cest maniere.

Le premier chappitre.

Or sus dist dame gomberde laissons toutes rihotes et debas ester et commençons pour l'onneur du vendredy ouquel nous sommes a parler du sainct sacrement de mariage/ car j'ay esté sept fois mariee. mais ce non obstant se le .viii.e me venoit et il estoit a mon het aincoires y entenderoie volentiers. Et pour de lui estre fort amee je lui feroie mengier une poiree d'herbes cueillies la nuit sainct jehan a nonne. et pour vray il ne lui seroit possible de me laissier pour une autre plus jone de moy.

Glose. Dist belotte court talon a ce propos que se une femme mettoit en l'oreille de son mari des plumes d'un chappon qui auroit mené jones pouchins/ et du poil de la droite patte de son chien/ et du poil du bout de la queue de son chat. il ne pourroit jamais oublier l'amour d'elle.

Le second chappitre.

Se une femme veult estre audessus que son mari ne la batte. il fault prendre toutes ses chemises et quant le curé list la passion le vendredi les mettre dessoubz l'autel/ et lui faire vestir le dimence ensuivant/ sachiez que tant qu'il aura vestue ceste chemise: il sera a sa femme doulx et courtois.

Le tiers chappitre.

Se une femme veult que son mari aime mieulx l'un de ses enfans que l'autre: si lui face mengier des deux debous des oreilles de son chien la moitié/ et a l'enfant l'autre moitié. et pour aussi vray que euvangile ilz s'entraimeront si fort que a pou pourront ilz estre l'un sans l'autre.

Le quart chappitre.

Se une femme veult faire que son mari aime tous ses enfans outre mesure si prende de l'orine de tous ses enfans atout eaue belle et clere/ et par .ix. jours au desceu de son mari lui en face laver ses mains et son visage/ et sans faulte il les amera oultre mesure.

Le .v.e chappitre.

Qui veult affranchir son chien de devenir enragié si lui donne a mengier tous les jours au matin du propre pain un morseau ou deux qui aura esté porté a l'offrande le dimence derrain passé/ et si le reffuse sachiez pour vray qu'il est mal disposé.

Glose. Marotte pelee dist que qui ne veult estre assailli ne abayé des chiens de jour ne de nuit/ si ait du bon frommage rosti et leur donne en disant Inchamo et freno tout au long/ et pour certain ilz le laisseront en paix. voire et se fussent ilz rabis.

Le .vi.e chappitre.

Femme qui desire que ses vaches donnent chascune autant de lait comme celles de ses voisines elle doit par chascun jour son vaissel a moudre froter de bonnes herbes cueillies sur la nuit de sainct jehan tandis qu'on sonne nonne.

Glose. Je croy dist jennette grosse motte que qui metteroit ces herbes ainsi cueillies la nuit saint jehan deseure l'uys de l'estable ou les vaches couchent en disant que dieu les sauve et sainte bride qu'elles donneront lait tous jours de bien en mieulx.

Le .vii.e chappitre.

Qui veult avoir de ses vaches et l'yver et l'esté burre frais. il doit quant elles sont en sault les mener devant le thaur/ et les lui laissier flairier sans touchier/ et mener la vache trois tours autour du thaur/ et puis lui laissier saillir et pour vray vous aurez toute l'annee frais burre.

Le .viii.e chappitre.

Quant une femme grosse engambe le tymon d'un char/ se c'est un filz il aura gros membre et dur a merveilles. Et se c'est une fille elle aura moult grosses levres et vermeilles aussi bien dessoubz comme dessus.

Le .ix.e chappitre.

Femme qui jamais ne veult perdre son bon chat quant on l'a on lui doit oindre les quatre pates de burre par trois vespreez/ et jamais de cestui hostel ne se depatira.

Le .x.e chappitre.

Je vous dy pour aussi vray que euvangile que se une personne mengue d'une beste que le loup aura estranglé/ et de laquelle il aura par aventure mengié/ a grande paine puet icelle personne rendre ame se le loup n'estoit premierement mort.

Glose. Au moins ne pourroit il parler dist belotte le cornue par long temps s'il n'avoit fait son offrande a monseigneur sainct loup.

Le .xi.e chappitre.

Quant on voit blans religieux aler ou chevauchier par les champs nul ne se doit acheminer celle part pour le lait temps qui par coustume leur survient.

Glose. Aucunes sages femmes dist margot le pelee ont dit pour vray que le rencontrer du matin d'un blanc moisne est tresmauvais signe. mais le rencontre d'un noir est par le contraire bon signe voire mais qu'il n'ait riens de blanc.

Le .xii.e chappitre.

Quant une espousee va de sa maison a l'eglise pour espouser son fiancé la meilleur de toutes les prieres qu'on lui donne demeurent a son prouffit/ moiennant qu'elle remercie incontinent le donneur autrement celle priere ne lui vauldroit riens.

Glose. Dist une bonne galoise nommee perrine bleue levre de cest chappitre ay trouvé une exepcion/ car quant j'alay espouser janot bleue levre mon mari/ ma taye me salua en priant que je peusse avoir bon et roide encontre/ dont je l'en merciay. mais il m'en avint tout autrement/ car je le trouvay si doulz qu'on le eust lyé au droit neu/ qu'on en ait froide joye.

Le .xiii.e chappitre.

On ne doit jamais mettre couver oefs de geline ne d'anettes par le jour du vendredy. Car pour vray les pouchins qui en viennent sont volentiers devorez des oyseaux et bestes sauvages.

Glose. Certainement dist maroie du cendrier/ j'ay souvent oy dire qu'il fault se garder de mettre oefz couver le jour devant que la lune se reface et le jour aprés qu'elle est refaitte. car les pouchins qui en viennent ne font jamais bonne fin.

Le .xiii.e chappitre.

Quant a une femme lui escopist la gorge/ ce lui sont bonnes nouvelles que brief yra aux nopces ou a relevee faire grande chiere. Mais quant la teste lui escopist/ c'est signe contraire/ car elle pourra bien estre batue de son mari.

Glose. Perrette longues tettes dist que quant la gorge escopist a un homme qui autreffois a batu sa femme c'est tout signe de pendre.

Le .xv.e chappitre.

Quant on voit plenté de chauvesoris voler entour une maison il en fait bon deslogier/ car c'est un grant signe que temprement on y boutera le feu.

Le .xvi.e chappitre.

Qui de nuit laisse sur la table la nape estendue/ et les soris viennent par nuit sur la nape mengier les miettes du pain qui y sont demoureez/ quiconques mengue l'endemain sur icelle: ses dens lui devendront noirs et tost aprés pourriront.

Glose. Maroye bouche d'or dist a ce propos que de mangier chault potaige/ et especialment poree de choulz: on en a les dens noirs.

Le .xvii.e chappitre.

Quant un enfant est nouveau né se c'est un filz il le convient porter au pere/ et lui bouter des pieds contre la poitrine/ et pour certain jamais ne fera l'enfant male fin.

Glose. Fremine fauvele dist a ce point que quant une femme est acouchie d'une fille il convient l'asseoir sur la poitrine de la mere en disant/ dieu te face predefemme/ et jamais elle n'aura honte de son corps.

Le .xviii.e chappitre.

Quant une femme couchie avec son mari et veult avoir plus tost un filz que une fille elle doit tenir ses mains closes tandis que son mari fait l'euvre de nature/ et pour vray elle aura un filz.

Glose. Aucunes anciennes matrones maintiennent que qui veult faire un filz il le convient faire au matin de jour/ et une fille au vespre et de nuit.

Le .xix.e chappitre.

Une femme qui veult avoir petis enfans tandis qu'elle porte se doit desjuner au matin d'une tostee de pain blanc en vin et sans faulte l'enfant qu'elle porte sera petit.

Glose. Dist une vielle qui la estoit/ je croy mieulx que les petis enfans soient engendrez en faulte de la lune que autrement car par coustume les hommes ont lors deffaulte de moele.

La conclusion de la serie du vendredy.

Pour ceste derraine glose sourdy grande tumulte entre les femmes illec assembleez tant de rire comme de parler toutes ensemble/ et ne sembloit autre chose fors que ce fust un marchié de hire hare sans ordre et sans voloir entendre l'une l'autre ne atendre la fin de leurs raisons pourquoy quant je vey ceste confusion je ploiay mon papier/ estouppay et serray mon escriptoire/ remis ma plume en mon coffin/ et me levay me cuidant embler d'elles/ mais tantost je fus apperceus d'aucunes d'elles qui me retindrent a toute force et pour moy firent aucun pou de silence qui gaires ne dura. en laquele elles me prierent que l'endemain voulsisse retourner entr'elles a l'eure acoustumee affin de parfurnir/ et achever leur intencion et la chose encommencee/ et pour mettre par escript le residu des euvangiles de dame berthe de corne qui estoit la derraine assemblee qu'elles devoient faire/ et ou elles devoient conclurre et faire fin de leurs articles. Moy considerant le commun proverbe qui se dit. Que qui sert et ne parsert son loyer pert: leur ottroiay leur requeste liberalement. Et aprés congié pris d'elles me parti. et m'en alay reposer/ car la teste avoie fort vuide pour les raisons traversaines d'elles que mon entendement n'avoit peu comprendre. Si les laissay illecques trousser leurs bagues et leurs quilles et m'en alay reposer.

La continuacion de la serie du vendredy a celle du sammedy.

Le samedy soir environ six heures aprés le salve de nostre dame/ et que j'eus prise assez legiere refection tant pour l'onneur du jour comme pour l'affeccion que j'avoie pour veoir et oyr a quel fin prenderoient noz dames conclusion de leurs euvangiles: je aprés que j'eus prises mes agoubilles/ papier plume/ et enchre me transportay ou lieu ou le soir precedent avions assemblé.

Et moy illec venus me assis en mon lieu acoustumé/ pluiseurs des escolieres estoient desja venues qui commençoient a desvuider et haspler leurs fuseez. car filer ne povoient pour l'onneur du samedy et de la vierge marie. je n'eus illec gaires sejourné quant vint dame berthe de corne acompaignie de pluiseurs de ses amies et voisines pour son euvangile lire et continuer comme a ce faire estoit esleute. Mais avant que je procede a ses chappitres: je vueil descripre aucune chose de sa genealogie et venue.

Dame berthe de corne estoit de l'eage environ de .iiii.xx. ans ou plus fille avoit esté de regnaut de corne sage homme a merveille qui en son temps avoit estudié a toulette en l'art de gramaire et en geomancie: depuis avoit esté a montpellier ou il avoit estudié en medecine/ et ceste art fut dont il vesqui toute sa vie et introduist dame berthe sa fille en laquelle elle prouffita moult/ et s'en vesqui depuis en tapinage assez honnestement. Elle doncques assise en son siege et silence obtenue commença son euvangile en ceste maniere.

Mes bonnes amies et voisines puis que mon tour est venu que je vous doy faire fin et conclusion de l'euvre par mes dames encommencé: je a mon povoir traitteray de la science que j'ay aprise qui touche medecine. et m'en acquiteray au mieulx que porray. Si vueilliez diligemment entendre et les retenir car elles sont dignes d'estre mises en vostre memoire.

Le premier chappitre.

Et pour mon premier chappitre je vous dy qui a les fievres et il june le premier dimence aprés le premier jour qu'elles l'auront pris sachiez pour vray qu'elles le laisseront.

Le second chappitre.

Cellui qui aura les fievres tierces et il porte a son col en un petit de soie les haulz noms lyez sans doubte il en garira.

Le tiers chappitre.

Se vous avez mari rebelle et qui ne vous vueille baillier argent a vostre besoing prenez le premier neu d'un festu de fromment cueillie auprés de terre la nuit sainct jan tandis qu'on sonne nonne/ et icellui boutez ou trou du coffre ou lieu de la clef: et sans faulte elle s'ouvrira.

Le quart chappitre.

Cellui qui a les fievres quartaines face tant qu'il treuve le tesffle a quatre fueilles/ et s'en desjune par quatre jours/ et pour vray elles le laisseront.

Le .v.e chappitre.

Femme qui est malade de la rougereule doit prendre de l'eaue qui aura esté benoite le dimence et d'icelle en faire un chaudeau et en humer/ et pour certain elle en garira.

Le .vi.e chappitre.

Pluiseurs gens parlent de la maladie des fievres blanches qui gaires ne scevent que c'est/ mais elles sont pires que doubles quartes. touteffois se pevent elles garir par faire une souppe ou vaissel sainct george.

Le .vii.e chappitre.

Pour garir fievres continues il fault escripre trois les premiers mos de la paternoster sur une fueille de sauge nostree et icelle mengier par trois matineez et il garira.

Le .viii.e chappitre.

Se une femme se mespasse le pied telement qu'il soit estors et comme hors du lieu. il convient que son mari voise en pelerinage a monseigneur sainct martin pour sa santé et qu'il raporte des lavemens du pied du cheval sainct martin. et d'iceulx lavemens en lave son pied et tantost elle garira.

Le .ix.e chappitre.

Se une femme est malade des varoles il convient que son mari achate un noir aigneau de l'annee et qu'il couche et lye sa femme en la peau d'icellui agneau toute chaude/ et qu'il face son pelerinage et offrande a saincte arragonde et pour certain elle en garira.

Le .x.e chappitre

Se un cheval s'est estors la gambe ou le pied/ il convient le chevauchier vers l'ostel du prestre et le appeller pardehors et sans parler a lui tantost s'en retourner et pour certain le cheval yra tout droit comme devant sans sentir aucune douleur.

Le .xi.e chappitre.

Je vous diroie merveilles des chevaux et de leurs medecines. Mais pour ce que les hommes ne le prengnent a leur prouffit/ je m'en tairay et parleray d'autre chose/ mais touteffois je vous vueil bien aincoires tant dire que quant vous veez un cheval si terrible qu'il ne vuelt souffrir qu'on monte sur lui/ ou ne veult entrer en un navire/ ou sur un pont/ dittes lui en l'oreille ces parolles. Cheval aussy vray que meschine de prestre est cheval au dyable/ tu vueilles souffrir que je monte sur toy. Et tantost il sera paisible et en ferez vostre volenté.

Le .xii.e chappitre.

Mes amies et voisines aincoires vous dy pour verité que se un homme avoit sur lui ou portoit en bataille la petite peau qu'il apporte du ventre sa mere: sachiez qu'il ne porroit estre blechiez ne navrez en son corps.

Glose. Lors sourdy une vielle matrone d'entr'elles nommee jehanne tost vestue/ et dist oyant toutes que se un homme portoit sur lui quant il doit aler en bataille les haulz noms qui sont telz.

Tart y va
loing te tien.
S'on s'i combat/
si t'en revien.

que jamais bleschiez ne seroit en la guerre.

Le .xiii.e chappitre.

Je ne me puis retraire de toudis parler des choses a l'avantaige des hommes/ et si sçay bien que de nous ne font gaires de compte/ car ilz tiennent leurs parlemens et gengle de nous toudis en la reproche de nostre sexe mais tant vous vueil aincoires bien dire que a femmes qui a nouvellement pris les fievres s'elle oingt tous ses conduis de miel le premier jeudy aprés qu'elles les aura eues: sachiez qu'elle en sera quitte et delivre.

Le .xiiii.e chappitre.

Quant vous voyez arondelles faire leur nyd en aucune maison sachiez que c'est tout signe de povreté. Et se les moissons y font leur nyd/ c'est signe de prosperité et de toute bonne fortune.

Le .xv.e chappitre.

Je vous dy aincoires pour verité que qui veult boire de toutes manieres de vins et avec toutes manieres de gens sans estre yvre sachiez qu'il ne fault que se desjuner d'une pomme sure au matin et boire un trait de fresche eaue et sans faulte il ne sera ce jour yvre.

Glose. Joly treu le fille de mouscaille dist a ce propos que son pere pour vin qu'il beust oncques ne fut yvre/ mais il reclamoit tousjours sainct nycolas en toutes ses requestes.

Le .xvi.e chappitre.

Mes amies pour la conclusion finale de mon euvangile/ ensemble pour l'onneur du saint dimenche qui nous approche/ je vous vueil dire un merveilleux secret que pou d'hommes scevent. je vous dy pour certain que les cygoignes qui en l'esté se tiennent en ce pays et en yver s'en retournent en leur pays/ qui est entour le mont de synay: sont pardela creatures comme nous. Et qu'il appere qu'elles ayent raison elles donnent tousjours et paient leurs dismes a dieu quant elles ont fait des petis de l'un d'iceulx.

Glose. A ceste conclusion affermer se leva dame abreye l'enfflee vielle a merveilles/ et dist qu'il estoit vray ce que dame berthe de corne avoit dit. Car elle avoit souvent oy dire a son tayon/ clais van triere que quant il avoit esté a sainte katherine du mont de synay/ et en passant les desers avoit perdu par mortalité toute sa compaignie/ il vey de loing une creature a laquele il ala et commença a demander son chemin en flameng. Celle creature lui respondi tantost et lui enseigna son chemin et de fait ala longuement avec lui. Et lui devisa tout son estat/ et comment elle estoit cygoigne par deça/ et faisoit son nyd en flandres sur l'ostel de son voisin. Clais qui ceste chose ne voloit croire lui pria qu'elle lui baillast certaines enseignes affin que s'il povoit jamais retourner ou pays qu'il la remerciast de sa courtoisie. Adont la cygoigne tira un annel d'or qu'elle avoit recueillie en la place delez sa maison et lui monstra/ et tantost que clais le vey il le recongneut/ car c'estoit l'annel duquel il avoit espousé mal cenglee sa femme. La cygoigne lui rendy son annel par tel si qu'il deffenderoit aux porchiers et vachiers de son hostel qu'ilz ne lui feissent plus de moleste comme paravant ilz avoient acoustumé a faire. Et aprés ces promesses prist mon tayon congié et s'en retourna a bruges ou depuis vesqui si bien qu'il estoit gros de .xiiii. palmes de tour quant il morut.


Grande risee fut illec faitte de toutes les assistentes/ que desja avoient lavé leurs cheveulx et desvuidié leurs fuseez/ et estoient prestes de trousser leurs quilles et agoubilles dont je fus moult joyeux/ car certes je m'en commençoie fort a taner/ pour ce que ce qu'elles avoient dit me sembloient choses toutes sans aucune raison ou aucune bonne consequence/ comme j'avoie au commencement pensé. Mais pour me monstrer non parcial ne aussi vilipendeur ne despriseur de leurs volentez/ je a demy chiere joyeuse/ et non pas trop attendi entr'elles quele fin elles metteroient en leurs euvangilles et auctoritez: et comment mon honneur sauvé je prenderoie congié d'elles. Il n'estoit aincoires apparent que silence fust entr'elles/ pourquoy je me mis en la veue d'elles affin que par mon regard elle eussent aucune vergoingne et honte de leur affaire que certes estoit moult desriglé comme d'une bataille faillie. Enfin les six qui avoient esté inventeresses et presidentes toute la sepmaine vindrent vers moy/ et me remercierent moult de la paine que prise avoie pour elles/ et pour mon salaire me promirent ayde se les requeroie de me avanchier envers quelque damoiselle. Dont je les remerciay en moy excusant par une auctorité joyeuse qui se dist communement. C'est que quant un cheval va boire sans qu'on lui maine/ et un homme va a complie atout un baston: Certes ces deux ont passé leur temps: de ces deux bestes j'en suis l'une.

Conclusion de l'acteur.

Vous messeigneurs et mes dames qui cest petit traittié lirez/ ou avez leut prenez le en passetemps d'oyseuse je vous prie/ et n'ayez regard a aucun des chappitres quant au regard d'acune apparence de verité ne d'aucune bonne introduction/ mais prenez le tout estre dit et escript pour demonstrer la fragilité de celles qui ainsi se devisent souvent quant ensamble se treuvent. Et aincoires plus en ay oy d'elles/ mais il doit souffire quant a present/ pour ma part un autre vendra qui les augmentera.

Note sur la transcription.

On reproduit dans cette version électronique le livre coté Res-Ye-92 de la Bibliothèque nationale de France, édité vers 1479-1482 par Colard Mansion.

On a conservé l'orthographe, la ponctuation et l'usage des majuscules de l'original. Pour le confort de lecture, on a cependant résolu les abréviations par signes conventionnels, introduit apostrophes, accents et cédilles, et distingué u/v et i/j selon l'usage.

Seules les coquilles manifestes (par exemple: qne > que) ont été corrigées.

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