Les femmes qui font des scènes
LES PARISIENS DU DIMANCHE
Sonnez, mirlitons! glapissez, fritures! embaumez, rosiers!—Soleil, darde tes rayons les plus dorés sur cette foule!—Voilà les Parisiens du dimanche!
Ils sortent de chez eux, ils se répandent sur les boulevards, ils prennent d’assaut les omnibus. Dans les gares de chemins de fer c’est comme un bourdonnement d’abeilles. Il y a là des rubans d’un rose vif aux bonnets des commères de quarante ans, d’honnêtes redingotes de mari, des collerettes d’idylle; partout des figures empressées, heureuses et propres. Tous se hâtent, ils vont aux bois.
Sonnez, mirlitons! glapissez, fritures! embaumez, rosiers!—Soleil, darde tes rayons les plus dorés sur cette foule!—Voilà les Parisiens du dimanche!
Aux bois de Boulogne, de Vincennes, de Fleury, d’Aulnay, de Montmorency! Dans tous ces jardins d’amour où Fragonard a suspendu ses balançoires, où Lantara s’est reposé! Ils s’en vont aussi le long de l’eau, regardant glisser les nombreuses embarcations montées par des rameurs et des rameuses en vareuse rouge. D’autres plus indolents ou plus modestes, se contentent de s’asseoir sur les talus verdoyants des fortifications.
Sonnez, mirlitons! glapissez, fritures! embaumez, rosiers!—Soleil, darde tes rayons les plus dorés sur cette foule!—Voilà les Parisiens du dimanche!
Sous les tonnelles, sur les terrasses au-devant des portes des restaurants, en travers des chemins, par les fenêtres toutes grandes ouvertes, c’est un fracas d’assiettes, de couteaux, de chaises, de verres et de voix. Les servantes ahuries ne savent à qui répondre. Les esprits ingénieux se dirigent vers la cuisine, pour y choisir eux-mêmes leurs mets; ils soulèvent le couvercle des casseroles fumantes.—«Voulez-vous un joli morceau de veau? leur dit le traiteur en tablier blanc; quant à du lapin, il ne nous en reste plus.»
Sonnez, mirlitons! glapissez, fritures! embaumez, rosiers!—Soleil, darde tes rayons les plus dorés sur cette foule!—Voilà les Parisiens du dimanche!
Le soir ce sont des feux d’artifice à tous les bouts de l’horizon. Les bombes du Château-des-Fleurs répondent aux fusées du Château-Rouge. A Grenelle, la tour Malakoff illuminée; la tour Solferino illuminée, à Montmartre. Tout autour de Paris une aveuglante guirlande de bals. L’ouvrier s’en revient, portant triomphalement sur l’épaule son enfant endormi, tandis que la mère, inquiète, les suit, en murmurant de minute en minute: «Tiens-toi bien, Jules!»
LES VIEILLES BÊTES
I
Nul au monde plus que moi ne t’environne de respect et d’amour, sainte Vieillesse!
Tu es l’expérience attendrie, la majesté douce, le dernier sourire et le dernier rayon.
Mais nul au monde n’est plus irrévérencieux, plus impitoyable que moi, pour ceux qui te déshonorent ou qui te font ridicule.
Pourquoi les cheveux blancs sauvegarderaient-ils Jocrisse?...
Le nombre des vieilles bêtes est immense, hélas! Je n’en entreprendrai pas une classification complète, à la manière de Linné;—je n’ai jamais rien fait de complet dans ma vie; je ne commencerai pas par l’Annuaire des vieilles bêtes.
Je me contenterai d’en piquer quelques-unes sur le papier, et d’appeler mes amis autour d’elles pour en rire.
II
Un des caractères principaux des vieilles bêtes, c’est leur prétention à l’infaillibilité.
Il semblerait au contraire que l’âge, les événements, les catastrophes, les déceptions, auraient dû leur apprendre à se tenir dans une méfiance et dans une réserve continuelles.
Point du tout.
De même qu’elles ont une façon inexorable de mettre leur cravate, les vieilles bêtes ont aussi une façon inexorable de penser.
Leur point de départ est qu’elles rendent des oracles.
Une vieille bête politique,—c’est une des séries les plus abondantes,—se faisait lire le journal, un matin, devant moi.
Le lecteur arrive à un passage important, à l’annonce d’une combinaison ministérielle, dans laquelle entraient plusieurs hommes nouveaux.
La vieille bête soulève un peu la tête, se fait répéter les noms, sourit, se renverse dans son fauteuil, en fermant à moitié les paupières,—comme M. de Talleyrand.
Puis, tapant sur sa tabatière en or:
—Ce ministère-là ne durera pas huit jours.
Le ministère a duré deux ans.
III
Je connais une vieille bête qui est habituée de la Comédie française.
Elle est rogue, elle est importante, elle crache avec bruit, elle hausse les épaules à tout propos.
Elle n’aime que le vieux répertoire, les pièces mortes, les auteurs enterrés. Son admiration en est restée à Alexandre Duval. Elle commence cependant à comprendre Scribe et Valérie.
Lorsqu’on joue les Caprices de Marianne, l’Aventurière ou la Fin du roman, la vieille bête s’agite dans son fauteuil; elle se tourmente, elle soupire, elle tousse, elle ricane, elle se retourne, elle feint de dormir.
La vieille bête n’admet pas plus les comédiens nouveaux que les écrivains nouveaux; elle s’écrie en joignant les mains:—Ah! ma pauvre Dupont, où es-tu? Ah! Duchesnois! ah! Armand! ah! Cartigny! ah! Baptiste!
Un soir, incommodé par le voisinage de la vieille bête, j’essayai de discuter avec elle; je lui représentai poliment que, si parfaite que fût mademoiselle Dupont, j’étais convaincu qu’Augustine Brohan pouvait lui être comparée sans désavantage; que Bressant valait bien Armand, et que Cartigny avait trouvé dans Got un digne successeur.
J’accumulai ainsi pendant quelques minutes les exemples et les comparaisons.
La vieille bête ne trouva rien à me répondre, sinon que j’étais un insolent,—et elle me menaça d’envoyer chercher la garde.
IV
Ah! voilà comme elles sont, les vieilles bêtes littéraires!
Et celles qui ont fait elles-mêmes des ouvrages,—dans leur temps,—pièces ou volumes!
De ce qu’on ne les joue plus, ou de ce qu’on ne les réimprime plus, tout va de mal en pis, l’art est perdu, un abîme est sous nos pieds.
Deux d’entre elles s’abordent dans la cour de l’Institut,—considérée comme passage.
—Comprenez-vous quelque chose à ce qui s’écrit aujourd’hui? demande le père d’un Asdrubal quelconque à l’auteur d’un recueil d’Apologues et d’Héroïdes.
—Moi! s’écrie avec indignation l’interpellé; est-ce que je lis un seul mot de la littérature actuelle? Je me crèverais les yeux plutôt que de les souiller par ces rapsodies!
—Cependant, il est bon de se tenir au courant...
—Allons donc! est-ce que je ne sais pas à L’AVANCE, tout ce que ces messieurs peuvent dire!!!
Et l’on parle de la critique parfois étourdie des jeunes gens.
Comment qualifier alors la critique aveugle des vieilles bêtes?
V
Les vieilles bêtes sont presque toujours des méchantes bêtes.
A un moment donné, Cassandre ne reculera devant aucun moyen pour se défaire de Léandre.
Il y avait une fois une vieille bête qui était un oncle, et qui abusait horriblement de ce titre d’oncle pour opprimer un charmant garçon qui était son neveu.
L’oncle habitait la province; il était riche à lard; il avait maison de ville et maison des champs; il ne faisait rien; il était célibataire; il restait quatre heures à table. Le soir, il jouait aux cartes avec sa domestique.
Le neveu demeurait à Paris, où il étudiait la médecine. Il était seul et pauvre. Il travaillait et dormait dans un taudis immonde; il mangeait des choses infâmes dans un cabaret ténébreux. En revanche, il recevait de son oncle une pension ridicule: quelque chose comme soixante francs par mois.
De temps en temps, le neveu écrivait à l’oncle:
«Je vous jure sur l’honneur que vos soixante francs sont insuffisants à me faire exister!»
L’oncle répondait stoïquement:
«Un jeune homme doit apprendre de bonne heure l’économie. A ton âge, je savais me tirer d’affaire.»
Alors le neveu se serrait un peu plus le ventre. Mais, au bout de quelques mois, vaincu, il écrivait encore:
«Mon cher oncle, je tends les bras vers vous! Soyez humain, vous qui avez tant d’argent!»
Et la vieille bête répondait toujours:
«Tu ne seras pas fâché de trouver cela après ma mort.»
Le mot favori des vieilles bêtes!
Un mot lâche, et sous lequel ils se mettent à couvert toute leur vie.
VI
Oh! mon histoire n’est pas terminée.
Il arriva forcément un jour où le neveu dut faire des dettes.
Il arriva également un autre jour où les créanciers, ne pouvant être payés par le neveu, s’adressèrent à l’oncle.
Humbles et chétifs créanciers! créanciers du toit, du vêtement et de la nourriture!
Ce jour là, l’oncle irrité supprima la pension de soixante francs à son neveu.
Comment fit celui-ci pour vivre? Je l’ignore. Comment font tant d’autres?...
Des récits lamentables parvenaient par intervalles aux oreilles de l’oncle, qui se contentait de proférer un de ses axiomes:
—Il est bon qu’un garçon mange de la vache enragée.
Une fois, il reçut une lettre d’un accent désespéré, dans laquelle son neveu l’avertissait qu’il était à bout de ressources honnêtes, et que si le ciel ou son «bon oncle» ne lui venait en aide dans les quarante-huit heures, il se verrait obligé de mettre fin à son existence.
—Bah! bah! murmura l’oncle, en haussant les épaules.
—Déclamations de jeune homme! ajouta la domestique.
Les quarante-huit heures écoulées, le jeune homme fit comme il avait dit. Il se tua.
Ce qui se passa dans l’âme de l’oncle à cette nouvelle, on ne l’a jamais su.
Peut-être ne se passa-t-il rien.
Seulement, cinq ou six ans après la mort de son neveu, il se chargea de son épitaphe.
Je vais vous dire comment.
C’était sur la fin d’un gros dîner, entre vieilles bêtes retirées des affaires.
L’une d’elles vint à s’adresser à l’oncle:
—N’aviez-vous pas encore de la famille, il y a quelques années?
L’oncle répondit, en pelant une poire:
—Oui, j’avais un neveu... qui a mal tourné.
LE
CHANT DE LA TISANE
O tisane! tisane réparatrice, faite avec les bonnes herbes de la campagne, édulcorée avec les plus séduisants sirops, apportée sur la pointe du pied, et remuée à petits coups argentins par une main amie; tisane salutaire, je te reconnais et je t’aime!
Le malade est dans son lit: la nuit va finir. La mèche tourmentée d’une veilleuse darde ses derniers feux dans la chambre muette. Le malade ne dort pas; il a perdu depuis longtemps le sommeil; tourné contre la muraille, son œil farouche compte pour la millième fois les dessins de la tapisserie et cherche à y découvrir quelques configurations nouvelles. Le silence qui l’enveloppe lui est odieux. Enfin, on ouvre doucement la porte, on s’approche doucement de son lit, on écarte doucement les rideaux; et une voix murmure à son oreille; «Mon ami, voici ta tisane.»
O tisane! tisane réparatrice!
Il demande si le médecin est venu. Le médecin est la principale préoccupation du malade, sa providence et son joujou; il voudrait l’avoir constamment à son chevet; il amasse dans sa mémoire une foule de choses sur lesquelles il se propose de l’interroger. Mais pourquoi le médecin tarde-t-il tant aujourd’hui? Il avait promis de venir à huit heures, et voilà qu’il est huit heures et demie. «Tu te trompes, mon ami, il est à peine sept heures.—Pourtant j’ai entendu sonner la pendule.—Ne te fatigue pas, tiens-toi tranquille.» Et, pour détourner sa pensée, sa femme ajoute câlinement: «Veux-tu boire ta tisane?»
O tisane! tisane réparatrice!
La tisane prise, en voilà pour une heure de patience. On reborde le lit, on exhausse l’oreiller. «Ce jour ne te paraît-il pas trop vif? Es-tu assez couvert comme cela? Tâche de transpirer un peu. Je reviendrai de temps en temps pour voir si tu as besoin de quelque chose.» Le malade reste seul. Les bruits de la rue, tels que voitures qui roulent et cris des marchands ambulants, arrivent faiblement à son oreille. Il songe. Il repasse sa vie, et surtout sa jeunesse, comme on fait toujours dans la maladie, les minutes d’enivrement et les années mal employées; il remet en leur place drames et églogues; parfois, il ferme les yeux pour mieux revoir les figures chères, et quand il les rouvre il les sent mouillés. Un orgue qui s’obstine dans la cour, un orgue aux refrains chevrotants, accompagne sa songerie. Le malade se laisse aller à l’émotion. L’attendrissement le rattache à l’existence, et c’est lui qui sonne pour avoir sa tisane.
O tisane! tisane réparatrice!
Un ami demande à le voir. «Ne le faites pas trop causer,» lui recommande la femme sur le seuil de la chambre. Ils entrent tous deux, elle le précédant: «Mon ami, c’est monsieur Un Tel qui désire te dire un petit bonjour.» Le malade fait un bond de joie. Une visite! la manne dans son désert! «Eh bien, farceur, s’écrie le survenant, c’est donc comme cela que tu t’amuses à nous donner de l’inquiétude! tu as donc bien du temps à perdre? Imagine-toi que je n’ai appris ton accident qu’hier au soir; je ne voulais pas y croire. Mais je vois avec plaisir que tu n’es pas aussi mal qu’on me l’avait dit...» Le malade écoute cette voix avec ravissement; il s’agite et veut étendre le bras. «Ne te découvre pas! dit la femme.—Non, ne te découvre pas, répète l’ami.» Le malade se résigne, et dirige du moins un regard chargé de reconnaissance sur ce mortel tombé du ciel. «Allons, allons, reprend celui-ci, cela ne sera rien; il ne s’agit que de ne pas se frapper. Avant de m’en aller, mon bon, je veux te voir boire ta tisane.»
O tisane! tisane réparatrice!
C’en est fait, le visiteur est parti, et avec lui la lumière, le bonheur. Le malade retombe dans son apathie jusqu’à l’heure où se joue la tragédie palpitante et atroce de la nourriture. Il supplie, la femme refuse. Il implore un blanc de volaille; il descend jusqu’à l’œuf à la coque; il s’abaisse jusqu’au biscuit. La femme est implacable. Il jure qu’il se porte à merveille; l’ami qui vient de sortir n’a-t-il pas trouvé qu’il avait une mine florissante? La femme ne veut rien entendre; elle quitte la chambre pour reparaître un instant après, un bol à la main. «Ah! je l’ai attendrie, se dit le malade; c’est un potage qu’elle m’apporte.» C’est la tisane!
O tisane! tisane réparatrice!
Enfin, on annonce le médecin, sortant d’un coupé comme s’il sortait d’une boîte, paré, sentant bon, la voix discrète, le geste apaisant, le sourire aux lèvres, ne se doutant même pas qu’il est en retard de deux heures. Le médecin s’asseoit en face du malade; il lui raconte les courses qu’il a faites, celles qu’il doit faire encore; il dit les quartiers démolis et les embellissements, et comme quoi il a l’intention d’acheter des terrains du nouveau boulevard La Fayette. Le malade fait d’immenses efforts d’attention. Après vingt minutes d’un spirituel narré, l’aimable médecin prend son chapeau et se dispose à s’en aller. «Mais, docteur, vous ne m’avez rien ordonné!—Oh! vous êtes hors de danger depuis longtemps; continuez, je reviendrai. Est-ce qu’on ne vous donne pas à manger? (Un soubresaut du malade.)—Vous savez bien, monsieur, dit la femme, que vous l’avez formellement défendu.—Vous pouvez maintenant lui donner ce qu’il demandera, avec modération, bien entendu... Et surtout, beaucoup, beaucoup, beaucoup de tisane!»
O tisane! tisane réparatrice, faite avec les bonnes herbes de la campagne, édulcorée avec les plus séduisants sirops, apportée sur la plante du pied, et remuée à petits coups argentins par une main amie; tisane salutaire, je te reconnais et je t’aime!
JE M’APPELLE CORBIN
J’ai à raconter une aventure arrivée à une femme, autant affolée de noblesse que la comtesse d’Escarbagnas.
Elle ne voulait frayer qu’avec des gens de qualité.
Et pourtant, elle était née avec un cœur sensible.
Comment accorder la voix, la voix suppliante de ce pauvre cœur, avec l’accent impérieux de l’orgueil héraldique?
Il fallait au moins douze quartiers pour lui baiser la main;
Vingt quartiers pour lui écrire un billet doux;
Trente quartiers pour lui dire: Je vous aime!
Il fallait remonter jusqu’aux croisades pour suivre la progression.
Aussi, que de fois son cœur eut-il à souffrir et à murmurer!
Mais le préjugé fut toujours le plus fort.
Pas d’armes—pas de marquise.
Car elle était marquise.
Un jour, il se présenta un fort bel homme, à la poitrine bombée, aux sourcils extrêmement noirs et fournis, comme le Du Bousquet du roman de Balzac: la Vieille Fille.
C’était probablement un homme qui avait à se venger de quelque chose ou de quelqu’un.
Il se faisait appeler le vicomte de Saint-Ovipare.
Il avait un carrosse et des gens.
Son ton était exquis.
Il disait belle dame! à toutes les femmes, et il baisait dévotement le bout de leurs doigts gantés.
Le vicomte de Saint-Ovipare n’inspira aucune méfiance à la marquise.
Au contraire.
Il chercha à plaire,—il plut.
Il fit son métier de soupirant en conscience.
Enfin, il obtint un tendre rendez-vous.
Et... lorsqu’il n’eut plus rien à souhaiter.
Il s’écria d’une voix retentissante:
—Je m’appelle Corbin!
Ne voyez-vous pas, caché sous cette historiette, un mythe très-profond?
Pour moi, j’y vois mes Illusions parées, fleuries, entrelacées à la façon d’un groupe vaporeux de Gendron, et rasant le lac de ma vie.
Elles m’appellent, elles m’attirent du regard, du sourire et de la voix.
L’une me dit, en effeuillant des bouquets et en me les jetant au visage:
—Je suis Camille!
L’autre, en me montrant les saules:
—Je suis Galathée!
Celle-là, blanche et fière:
—Je suis Hélène!
Éperdu, enivré, je me laisse peu à peu séduire par ces ravissantes fées; je les suis et je les poursuis; et lorsque je parviens à les saisir et à les étreindre dans mes bras passionnés, elles s’écrient, mes Illusions, avec de mauvais éclats de rire:
—Je m’appelle Corbin!
ÉPITRE
AU ROI DE PRUSSE
Sire,
Voilà bien longtemps que je travaille pour Votre Majesté. L’heure de ma récompense est-elle proche?
Voilà bien longtemps que je me dévoue, et que je m’épuise, et que j’espère,—et que j’attends.
Il y a juste vingt ans, jour pour jour, que je suis à votre service, Sire, et que je fais partie des gens de lettres, qui est un beau corps, modestie à part.
Ah! Votre Majesté peut se vanter de posséder une nombreuse et vaillante armée. Des troupes toujours fraîches, sans cesse renouvelées, constamment enthousiastes, que l’on mène avec un mot, et dont on fait tout ce que l’on veut avec une promesse!
Seulement, comme les troupes de notre vieille République, elles auraient bien besoin qu’on leur votât une paire de souliers.
Mais il faut croire que l’auguste oreille de Votre Majesté est devenue un peu dure,—ou que vos courtisans ne laissent pas parvenir jusqu’à elle nos réclamations et nos plaintes.
Jadis, vos recruteurs, en m’entraînant au cabaret pour me faire mettre mon paraphe au bas d’un enrôlement, m’avaient promis un avancement rapide. Un d’entre eux même n’avait pas hésité à m’affirmer que j’avais un bâton de maréchal dans mon buvard.
Moyennant quoi j’avais signé.
Hélas! c’est absolument comme si j’avais signé un pacte avec la misère, l’affront, l’injustice et l’angoisse.
Vingt ans se sont écoulés, pendant lesquels je vous ai donné, Sire, ma force et ma santé, mes jours les plus superbes, mes heures les plus fécondes, les jours et les heures qu’on regrette éternellement.
Pendant vingt ans, la tête grosse du fatras des bibliothèques, j’ai chaque soir, régulièrement et patiemment, allumé ma lampe et écrit des pages sur toutes sortes de choses.—Et j’ai reconnu que j’écrivais pour Votre Majesté.
J’ai voulu aimer, et les trésors de mon cœur je les ai versés aux pieds de statues habillées de robes de soie.—Et j’ai reconnu que j’aimais pour Votre Majesté.
Aujourd’hui, je suis las; je suis las et je suis vieux. De mes cheveux noirs, la moitié est partie à votre service, Sire, et l’autre moitié est en train de blanchir. Et de tous les points, du nez, du front, des yeux, partent, se croisent, s’élancent des rides longues et sinueuses,—qui sont les fusées de ce feu d’artifice que le temps met cinquante ans à tirer sur une face humaine.
L’admirable ressort qui ouvrait et fermait ma bouche avec tant de précision s’est insensiblement détendu; je me surprends quelquefois la lèvre pendante, sans savoir pourquoi.
Ma pensée aussi est sans ressort. C’est le commencement de la fin. N’en doutez pas, Sire, votre sujet a fait son temps.
O mes aspirations et mes ambitions! O les gloires rêvées, les joies entrevues!—Les recruteurs m’avaient menti!
Le vieux racoleur s’était gaussé de moi. En fait de bâton de maréchal, je ne trouve dans mon buvard qu’un tout petit bâton de cire à cacheter, dérisoirement pailleté d’or, qui va me servir à cacheter cette dolente épître à Votre Majesté.
LE
RÉPERTOIRE D’UN FARCEUR
I
Hélas! je connais un farceur!
Je sais bien,—un farceur ne s’appelle plus aujourd’hui un farceur; le mot est allé rejoindre les vaudevilles de Désaugiers et les romans de Paul de Kock.—On dit un cascadeur maintenant.—Mais si le mot a changé, l’espèce existe toujours, invariable, et, hâtons-nous de l’écrire, insupportable. Le farceur est capable de rendre la gaieté haïssable, dans un temps donné.
Hélas! je connais un farceur!
Je le connais depuis l’enfance.—Le jour qu’il tira la langue à son maître d’école, pour la première fois, sa vocation fut décidée: il avait fait rire ses petits camarades. Mon intention n’est pas de le suivre dans ses essais très-vulgaires; il ne manquerait plus que cela! Qu’il suffise de savoir que l’homme a tenu ce que promettait l’enfant.—Lors de son mariage, dans les corridors de la mairie, il trouva le moyen d’attacher une queue de cerf-volant au collet de l’habit de son beau-père.—Rien ne lui est sacré. Il semble que pour lui la vie ne soit autre chose qu’une invitation à une partie de plaisir, avec ce post-scriptum de la main du Créateur: On fera des farces.
Hélas! je connais un farceur!
Et comme il a bien l’air d’un farceur! Quels gros yeux! Quelle bouche fendue jusqu’aux oreilles! Quels gestes à la Titi le Talocheur!—Du plus loin qu’il m’aperçoit, il se met à jeter son chapeau en l’air et à danser sur le trottoir. Tout le monde se retourne, c’est ce qu’il voulait. Il me prend par le bras, et la première parole qui sort de sa bouche est:
—Savez-vous celle du cuirassier qui a gagné le gros lot à la loterie du Vase?
Je comprends qu’il veut me conter une farce, et je hausse les épaules.
—Si vous la savez, continue-t-il, avouez-le tout de suite et ne me faites pas poser... Mais non; où l’auriez-vous entendue? Enfin, vous m’arrêterez...
Et il me raconte celle du cuirassier.
Et après celle du cuirassier, celle du dragon, et puis celle du tambour-major.
Hélas! je connais un farceur!
Tout en marchant à mon côté, il ne laisse pas que de se préoccuper des passants: il feint de choir avec fracas en frôlant une femme; il salue des personnes en voiture qu’il ne connaît pas; ou bien, s’arrêtant soudain, il me désigne au sommet d’une maison quelque objet chimérique,—et voilà une vingtaine d’individus attroupés autour de nous. Trop heureux si, au moment de nous séparer, moment que je hâte de tous mes efforts, il ne me saisit pas en criant de toutes ses forces:
—Monsieur, vous allez me rendre la montre que vous m’avez dérobée!!
Hélas! je connais un farceur!
En société, il ne tarit pas.—C’est un acteur perpétuellement en scène. Il ne recule devant aucune audace, pas même devant la ventriloquie,—art qui tend à disparaître. Avec une serviette autour de la tête, il s’affuble successivement en religieuse et en Mauresque. Et il parle! Il n’y en a que pour lui. Les bourgeois l’écoutent avec délices, et s’en vont répétant:
—Il n’y a pas moyen de s’ennuyer cinq minutes avec cet être-là!
Hélas! je connais un farceur!
II
Un incident bizarre a récemment marqué mes relations avec ce farceur.
Si acharné et si habile qu’il fût à tenir le crachoir, il était quelquefois forcé de s’interrompre. Dans ces intervalles, il s’éclipsait modestement dans une chambre voisine ou dans un coin de jardin, partout enfin où il croyait pouvoir être seul.—Alors, il tirait furtivement d’une poche de côté un carnet sur lequel il jetait les yeux.—Ce rapide examen fait, il semblait que sa verve en reçût un nouveau stimulant, et il rentrait au salon plus brillant et plus farceur que jamais. J’avais surpris ce manége, et j’en étais fort intrigué. Le hasard seconda ma curiosité. A la suite d’un repas poussé un peu loin, un échange de paletots, prémédité de mon côté, mit en ma possession le carnet mystérieux.
C’était, ainsi que je l’avais d’ailleurs supposé, un recueil de facéties, bourdes, pointes, quolibets, jeux de mots, scènes, chapelourdes, reparties, gaillardises, classés avec une certaine méthode, adaptés à toutes les circonstances de la vie, assortis au goût de tout le monde;—un bréviaire, ou plutôt un répertoire de joyeusetés cueillies, c’est-à-dire ramassées partout, dans les vaudevilles, dans les journaux, dans les cafés, dans les bals publics, dans les tables d’hôte, sur les talus des fortifications;—un ensemble du plus détestable goût, qui peut quelquefois forcer le sourire, mais qui fait naturellement hausser les épaules.
Se pourrait-il que ce fût là le niveau d’un certain esprit contemporain? Les succès de mon ami le farceur me le donneraient presque à supposer.
Quoi qu’il en soit, j’ai tenu à reproduire ici, au hasard, plusieurs traits de cet esprit. J’en ai vraiment le rouge au front. Mais quelque chose me soutient dans cette exhibition de lazzi tour à tour effrontés ou piteux: c’est l’espoir de les rendre désormais impossibles.
En les livrant à la publicité, je les enlève peut-être à la circonlocution.
Connue la farce,—ruiné le farceur.
III
Extraits du Répertoire
Pages 2 et suivantes. Contrepetteries et locutions par a peu près.
D’un travail achevé, dire:—c’est le nègre plus ultra.
Des approches du soir:—l’heure du crépsulcule.
D’un individu mélancolique:—gai comme poinçon.
Au lieu de mercredi prochain:—mercrechain prodi, mercrechi prodin, mercredin prochi.
* *
Images originales, expressions burlesques.
D’une femme que tout le monde admire et trouve superlativement belle. La regarder froidement, et dire en levant les yeux au ciel:
—Oui. Elle me rappelle un notaire que j’ai bien aimé!
D’un homme qui prend du ventre:
—Il bâtit sur le devant.
* *
Page 5. Farces diverses pour toutes les saisons.
Entrer au bras d’un ami,—qu’on n’a pas prévenu,—dans un magasin quelconque, et s’exprimer, non pas dans une langue étrangère (on pourrait trouver à qui parler), mais dans une langue inventée.
Exemple:
—Balacla tomar epsin molinod cummus no ferra pribumel van gomallet rusine.
La marchande, ou le marchand, tend l’oreille, et murmure gracieusement:
—Je ne comprends pas.
L’ami devient écarlate.
Continuer alors, en désignant un objet:
—Zémi réazor changuerbem souls vollis flan?
—Combien ceci? fait la marchande, se croyant sur la trace; trente-deux francs cinquante centimes, monsieur.
—Stoltz?
—Trente... deux... francs! francs!... répète la marchande avec une télégraphie de tous les doigts.
—Boum rosa! Boum rosa! Tiglitir?
Poursuivre, sur cette donnée, jusqu’à complète apoplexie de votre ami,—ou jusqu’à la fureur soudaine de la marchande.
Effet certain.
* *
Au théâtre, crier: bravo Arnal! lorsque c’est Mélingue qui joue.
Et, lorsque madame Thierret est en scène, se pencher vers son voisin de stalle, en disant assez haut pour être entendu.
—Cette Déjazet aura toujours vingt ans!
* *
Pages 9 et suivantes. Imitations et tours d’adresse.
Imiter avec la voix et avec les pieds un régiment qui passe, le bruit des tambours et des commandements répétés, ainsi que la marche du père Bugeaud et l’air de la Reine Hortense.
* *
Imiter, derrière un paravent, ou simplement le dos tourné:
- Le rabot;
- La scie;
- Un enfant indisposé;
- Une bouteille qu’on débouche;
- L’orage;
- Les gazouillements d’une volière;
- Les chants de l’étable;
- L’herbe qui pousse.
* *
Imiter la fanfare du coq dans ses trois tonalités bien distinctes:
D’abord, glapissante et cassée, un vieux coq:—Je m’en vais quand je veux!
Puis, retentissante, un coq dans la force de l’âge:—Je m’en vais quand je veux!!
Enfin, grêle et claire, un tout jeune coq:—Tu es bien heureux!!!
* *
Représenter sur la muraille, avec les doigts (une bougie étant placée à cet effet), les ombres de deux chats qui se guettent, s’éloignent, se rapprochent, et font entendre successivement des miaou de tendresse et des frou frou d’enragés.
Excellent en partie de grisettes.
* *
Page 12. Chansons et poésies variées.
Lâcher du Gustave Nadaud dans le demi-monde.
Les Deux Gendarmes;
Les Reines de Mabille;
La Lorette;
Je souffle la bougie; m’aimez-vous?
Aborder la Colmance dans les ateliers d’artistes et aux dîners en vareuse:
Ça vous fend la bouche à quinze pas.
Quel cochon d’enfant!
Joli mois de mai.
Auteurs anonymes: Mam’zelle Lise. C’est le temps où l’on aime. Au pied du Liban, etc., etc.
* *
Pages 15 et suivantes. Narrations importantes et de longue haleine.
Le Condamné à mort, d’Henri Monnier;
Le Condamné à mort, de Vanderburch et Tisserant;
Le Condamné à mort, d’Eugène Chavette.
* *
La Diligence de Lyon;
La Chasse;
Le Père d’Adolphe.
* *
Les noces de Madame Francastor!
Prud’homme en bonne fortune.
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Page 20. Mystifications.
Tout le répertoire du célèbre cor Vivier.—Oh! Vivier!—un dieu!
Son coup de pistolet dans une cellule d’un établissement inodore est un trait de génie.
Rechercher avec soin ses moindres faits et gestes.—On vient de me raconter l’aventure du mannequin; je m’empresse de la consigner dans mes tablettes.
Attardé, un soir d’hiver, chez un peintre de ses amis, qui demeurait en face d’un bureau d’omnibus, Vivier avise tout à coup, dans un coin de l’atelier, un mannequin revêtu d’une robe de femme.
—Prête-moi ce mannequin? dit-il à l’artiste.
—Pourquoi faire?
—Je n’en sais rien; mais laisse-moi l’emporter.
—Volontiers, répond le peintre, habitué sans doute aux excentricités du cor.
Et Vivier s’en va bras dessus bras dessous avec le mannequin.
Il était onze heures. Le dernier omnibus était sur le point de partir. Il n’y avait personne dedans. Le cocher dormait sur son siége; le conducteur battait la semelle sur le trottoir.
Vivier monte avec son mannequin et s’installe dans les places du fond. Grâce à la demi-obscurité, le mannequin, assis comme une personne naturelle, faisait illusion.
L’omnibus s’emplit peu à peu. On part.
—Pour deux personnes! dit Vivier en passant douze sous au conducteur.
Dix minutes après, arrivé devant sa porte, il descend, laissant le mannequin dans la voiture,—sans s’embarrasser de la surprise et de l’effroi que celui-ci doit y causer tôt ou tard.
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B.... aussi, le long acteur B...., fournit un joli contingent d’historiettes. Elles sont un peu vives, par exemple, et bonnes à émettre seulement à la campagne.
Rappeler entre autres,—avec des circonlocutions,—une entrevue avec un de ses directeurs. B.... sollicitait de lui une avance. Le directeur refusait; B.... insistait avec douceur; le directeur persistait avec dureté.
A la fin, lassé, mais sans rien perdre de son flegme, B.... fit un geste terrible, et lui dit:
—Vous allez m’avancer mon mois à l’instant, ou je... dans votre cabinet!
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Pages 22 et suivantes. Des propos incohérents.
Je crois être l’inventeur de cette variété de mystification; dans tous les cas, je l’ai fait arriver à un haut degré de perfectionnement.
La meilleure façon d’en donner une idée est de rapporter à peu près la conversation que j’eus dans un grand dîner.
J’avais remarqué la physionomie débonnaire d’un de mes voisins, et j’attendais avec impatience qu’il m’adressât la parole.
Ce moment arriva.
LE VOISIN. Voilà un délicieux potage; n’est-il pas vrai, monsieur?
MOI. Assurément; il y a dans ce potage des combinaisons dont le soulèvement peut se sous-entendre sans nuire à l’austérité des fonctions illusoires.
LE VOISIN. Vous dites?
MOI. Je suis de votre avis; toutefois, vous me permettrez de croire, qu’en parlant ainsi, vous vous placez exclusivement au point de vue des subrécargues, opposition dont un arrêt devrait interdire à jamais la volatilisation.
LE VOISIN. Comment cela, monsieur?
MOI. Eh, oui! Vous laissez planer un sentiment de suspicion, impétueux et subreptice, dû autant à la solidarité d’un principe équitable qu’au libre arbitre du plénipotentiaire que tout le monde nomme.
LE VOISIN. Quel plénipotentiaire, s’il vous plaît?
MOI. J’en appelle à ces dames et à ces messieurs. Tout est légitime, rien n’est abandonné au hasard. C’est une volute, capable d’aveugler; ne nous écartons des idées rationnelles que dans la limite inoffensive de la combativité. Triste, j’en conviens, mais nécessaire. Toute synthèse a sa base; qui le nie? Monsieur (désignant le voisin) soutient une mauvaise cause.
LE VOISIN. Moi, monsieur!
MOI. Évidemment! Votre solution, qu’engendre-t-elle? Prétendre ériger en système les insanités d’un esprit foncièrement cubique, melliflu, solitaire, incapable d’un élan collecteur, c’est tomber droit dans le manichéisme, etc., etc.
IV
Ne lâcher le voisin que lorsqu’on le voit suer à grosses gouttes.
Voyons, vous devez avoir assez de ces échantillons, mes chers lecteurs, restons-en là pour aujourd’hui,—et pour toujours.
J’ai rendu le paletot,—mais j’ai gardé les tablettes.
Depuis cette soustraction, il m’est arrivé de me trouver plusieurs fois avec le farceur.
Il n’est plus le même; sa verve est embarrassée, sa parole est hésitante. On sent qu’il lui manque quelque chose...
FIN.
TABLE
| Pages | |
| Préface | 1 |
| Les Femmes qui font des scènes | 3 |
| La première Bonne | 19 |
| Il y aura des femmes charmantes | 35 |
| La Grue | 45 |
| Ma femme m’ennuie | 63 |
| La Rosière | 75 |
| La Bague | 87 |
| Les Inviteurs | 105 |
| Le Photographe | 121 |
| Il sait où est le cadavre | 135 |
| La Symphonie du banquet | 149 |
| Examen de conscience d’un homme de lettres | 165 |
| Les Vétérans de Cythère | 171 |
| Pourquoi l’on aime la campagne | 185 |
| Le Samaritain du boulevard | 195 |
| Un Réveillon | 201 |
| Les Immortels | 213 |
| Le Turc et le Grenadier | 223 |
| Mémoires d’un homme à qui il n’est jamais rien arrivé | 237 |
| Le Dîner du Lancier | 247 |
| L’Ami des Acteurs | 261 |
| Une Nature en dehors | 271 |
| L’Œil, la Dent et le Cheveu | 283 |
| Les Réputations de cinq minutes | 289 |
| Le Chicard | 295 |
| Les Parisiens du Dimanche | 309 |
| Les Vieilles bêtes | 313 |
| Le Chant de la tisane | 323 |
| Je m’appelle Corbin | 329 |
| Épître au roi de Prusse | 333 |
| Le Répertoire d’un farceur | 337 |
FIN DE LA TABLE
Clichy.—Impr. Maurice Loignon et Cie, rue du Bac-d’Asnières, 12.
Au lecteur.
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