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Les fleurs animées - Tome 2

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PLANCHE 1ÈRE

Garnier frères Editeurs

PLANCHE 2ÈME

Garnier frères Editeurs

HORTICULTURE
DES DAMES

INTRODUCTION
PAR
ALPHONSE KARR

N

N ’aurez-vous donc jamais, Mesdames, aucune pitié de ces pauvres fleurs, le tribut le plus ordinaire que l’on apporte à vos pieds?—Ne songez-vous jamais qu’on les sépare de leur tige, et qu’on se hâte de vous les livrer pour que vous les voyiez mourir,—pour que vous respiriez leur dernier soupir parfumé?

Celles que je plains le plus ne sont pas celles qu’on vous donne en bouquet: celles-là reçoivent du sécateur une mort assez rapide;—mais que dirai-je de ces pauvres malheureuses qu’on vous offre en pots ou en caisses, avec un peu de terre au pied, et dont l’agonie est si longue et si douloureuse!—Avez-vous donc quelque cruel plaisir à les voir souffrir ainsi?—Les poètes dont les vers s’enroulent autour des mirlitons ou se plient en quatre dans les diablotins, à force de vous dire qu’elles sont vos rivales, vous ont-ils inspiré contre elles de mauvais sentiments?

Elles, vos rivales! elles ne font qu’ajouter à votre beauté,—elles qui, en foule, viennent mourir chaque jour dans vos cheveux et sur votre sein, ou, mort plus cruelle! oubliées sur le marbre d’une console,—ou sur le velours d’une banquette—au bal ou au théâtre!

Non, il est impossible que vous n’aimiez pas les fleurs, impossible que vous n’ayez pas quelquefois le désir de soulager celles qui jaunissent, se fanent et meurent dans vos jardinières;—mais pour cela, il faut apprendre un peu,—car l’eau qui sauvera l’une en humectant son pied sera mortelle pour l’autre et la noiera;—celle-ci aime l’air et celle-là la chaleur.—Le tussilage, l’héliotrope d’hiver, meurt de ce qui fait fleurir le camélia,—de la chaleur de vos appartements.

Ne s’attacherait-il pas quelque chose qui tiendrait de l’amitié à la plante qui fleurirait chez vous pour la seconde fois?—à celle qui vous devrait ses éclatantes couleurs et ses suaves parfums?—On aime ceux à qui on fait du bien. Les moralistes ont dit cent sottises en exigeant du dévouement de l’obligé,—c’est le bienfaiteur qui a tout le bonheur du bienfait, c’est lui qui doit et qui a la reconnaissance.—S’il l’attend, c’est un fou; s’il l’exige, c’est un usurier.

Cette fleur que j’ai soignée, cette plante qui se penchait faible et languissante, à laquelle j’ai rendu la vie et la santé,—ce n’est plus une plante ni une fleur, c’est ma fleur et ma plante à moi.

L’ombre est plus douce sous ces arbres que j’ai plantés moi-même;—cette belle glycine aux grappes bleues si odorantes qui tapisse ma maison, je songe que c’est moi qui l’ai rendue si vigoureuse et si bien portante;—c’est moi qui lui ai mis au pied cette bonne terre de bruyère qu’elle aime; c’est moi qui l’ai palissadée au midi;—ses parfums m’appartiennent mieux et j’en jouis davantage; elle a l’air si heureux, sa végétation est si luxuriante!

Voilà une douce science,—une science permise,—une science que le cœur cherche.

Ce n’est pas comme la botanique,—qui vous apprend à dessécher les fleurs et à les injurier en grec.

L’horticulture vous enseigne à les rendre plus belles et plus heureuses.

Reprenez aux hommes ce qu’on appelle encore en province le sceptre de Flore.—Ce n’est pas une femme qui aurait jeté ces pauvres fleurs dans les agitations politiques et dans les fureurs des partis!

Le lis et la violette ont été tour à tour triomphants et proscrits;—l’impériale a été guillotinée en 1815.—Ce n’est pas une femme qui ferait jouer ce rôle ridicule aux œillets rouges,—au moyen desquels certains hommes réussissent à faire croire, à dix pas, qu’ils sont décorés, et à faire voir, à trois pas, qu’ils sont des sots.

Créer des fleurs,—c’est le seul ouvrage pour lequel Dieu accepte des collaborateurs.—L’art a créé des fleurs;—quel doux orgueil s’il naissait une plante nouvelle semée par vous,—une plante qui n’existerait que dans votre jardin,—dont personne ne verrait les couleurs et ne respirerait les parfums que ceux à qui vous les donneriez, comme Dieu a donné les autres plantes à tout le monde.

Que d’autres savants découvrent une nouvelle planète qui ne nous donne rien, ni chaleur ni lumière,—mais qu’une femme découvre et crée une rose inconnue qui nous donnera un parfum nouveau.

J’ai connu deux amants qui, désunis par une triste destinée,—sont morts tous deux sans se revoir, après une longue séparation. Ils ne pouvaient s’écrire,—mais je ne sais lequel des deux eut une idée ingénieuse: sans exciter de soupçons, ils échangeaient de loin les graines des fleurs qu’ils cultivaient;—ils savaient qu’à deux cents lieues de distance,—ils prenaient les mêmes soins,—voyaient les mêmes fleurs s’épanouir dans la même saison et le même jour;—ils respiraient les mêmes odeurs.—Ç’a été un bonheur, et le seul bonheur de toute leur vie.

Alphonse KARR.

PREMIÈRE PARTIE

PRINCIPES ÉLÉMENTAIRES

C

Cultiver les fleurs, dans un jardin, sur une terrasse, aux balcons des fenêtres et même dans l’intérieur des appartements; voir naître, se développer, s’épanouir ces beaux enfants du soleil; guider leurs premiers mouvements, les soutenir, pourvoir à leurs besoins, à leur sûreté; être témoin de leurs chastes amours, recueillir et protéger leur nombreuse postérité, est un des plus doux et des plus innocents passe-temps qui se puissent imaginer. Il y a là de délicieuses émotions pour chaque mois de l’année, pour chaque jour du mois, pour chaque heure du jour. Ce doit être et c’est en effet le délassement des belles âmes, des cœurs purs et des nobles intelligences.

A ces charmants travaux nous nous proposons d’initier les profanes qui jusqu’ici se sont contentés d’admirer les fleurs, de se laisser éblouir et embaumer par elles. De blanches mains, de jolis doigts aux ongles rosés y perdent bien momentanément quelque peu de leur éclat, mais cet inconvénient passager doit avoir de si nombreuses et de si ravissantes compensations, que les plus belles mains du monde s’y risqueront.

TERRES

Trois sortes de terres sont employées dans la culture des fleurs, savoir: la terre franche, la terre légère et la terre de bruyère. La terre franche a pour base l’argile. Elle se trouve partout; elle est parfois jaunâtre, quelquefois grise; mais elle ne s’emploie presque jamais pour les fleurs sans être mélangée de terreau, car sans mélange elle serait trop forte, c’est-à-dire trop compacte, et par conséquent trop froide pour la plupart des fleurs.

La terre légère ou sablonneuse n’est autre chose que la terre franche ou végétale, mêlée de sable et de détritus de végétaux; le sable qu’elle contient la rend meuble et poreuse; modifiée par le terreau, elle est, pour beaucoup de fleurs, d’une grande fécondité.

La terre de bruyère est la plus convenable et la plus généralement employée pour la culture des fleurs; elle est le résultat du détritus des masses de bruyères qui végètent sur le sable, s’y mêlent et le rendent très-fertile. Cette terre convient particulièrement aux fleurs à racines bulbeuses.

En général, les terres qu’on se propose d’employer à la culture des fleurs doivent être préalablement ameublies et passées à la claie, afin qu’il ne s’y trouve ni pierres ni autres corps étrangers.

Le terreau est à peu près le seul engrais nécessaire à la culture des fleurs; il y en a de deux sortes: celui qui provient de la décomposition des matières animales, et celui qui résulte de la décomposition des matières végétales. Le premier convient particulièrement aux arbustes et aux plantes à racines fibreuses; le second est excellent pour les plantes à oignons et convient à toutes les plantes bulbeuses.

Dans un jardin, il ne s’agit toujours que de modifier la terre qui s’y trouve; mais quand on veut garnir de fleurs une terrasse, un balcon, une simple fenêtre, tout est à faire. Le meilleur, le plus sûr, dans ces circonstances, est d’acheter la terre nécessaire chez les jardiniers fleuristes de profession, où toutes les sortes de terres et d’engrais se trouvent à profusion. A Paris, les quatre marchés aux fleurs en sont toujours abondamment approvisionnés, et les marchands grainiers en réputation, non-seulement en vendent, mais en enseignent très-volontiers la manipulation.

EXPOSITIONS

L’exposition du midi convient aux plantes et racines bulbeuses ou à oignons, toutes les plantes de pleine terre à racines fibreuses se plaisent au levant, quelques-unes de ces dernières réussissent également au couchant; on ne peut guère cultiver, à l’exposition du nord, que les arbustes toujours verts, et certaines fleurs qui craignent le soleil, comme les primevères, les pervenches, les oreilles-d’ours, etc. Dans tous les cas, l’exposition du midi est la préférable, parce qu’on peut aisément ajouter aux avantages qu’elle possède ceux des autres expositions, au moyen des tentes, des abris et des arrosements.

On ne doit pas oublier que l’air et l’eau sont aussi indispensables à la végétation que le soleil; ainsi, une plante qui s’étiolera à la fenêtre d’un premier étage, recouvrera toute sa force, sa vigueur, sa beauté, deux étages plus haut: c’est ce qui fait que les fenêtres du pauvre, dans les grandes villes, sont toujours plus brillantes, sous ce rapport, que celles du riche, de même que les enfants du village sont plus robustes, plus vigoureux que ceux des villes.

A Paris, il n’est pas rare de voir des maisons de cinq, six, huit, dix étages (celles traversées par le passage Radziville, par exemple), au sommet desquelles se trouvent des terrasses plombées, offrant l’aspect et étant en effet de charmants jardins, ornés des plus belles fleurs et même d’arbres fruitiers d’une grande fécondité. Et puis, il en est des plantes comme de certaines jolies personnes: elles ne sont pas exemptes de caprices, de bizarreries; celle qui, cultivée avec soin, sera chétive et souffrante, poussera des jets vigoureux dans la fente d’un mur où le vent aura jeté un peu de poussière et le ciel un peu d’eau.

Hâtons-nous de dire toutefois que c’est là l’exception, et que les soins donnés aux fleurs et aux femmes sont rarement perdus.

POTS, CAISSES, INSTRUMENTS

Bien que certaines fleurs se plaisent mieux en pleine terre que partout ailleurs, il n’en est pas cependant qu’on ne puisse cultiver avec succès en caisses et en pots, pourvu que ces vaisseaux soient bien construits et d’une capacité suffisante. Le vase peut être plus grand qu’il ne faut sans danger; mais s’il est trop petit, si la racine est gênée, la plante souffre et meurt; pour les petites plantes, le vase doit avoir de quinze à dix-huit centimètres de diamètre. A partir de , il faut que la largeur et la profondeur soient graduées selon la force de la plante. Le pot, comme la caisse, doit être percé au fond pour faciliter l’écoulement de l’eau, et il est bon, avant d’y mettre la terre, de placer sur le trou une écaille d’huître ou quelque morceau de poterie un peu convexe, pour que l’eau s’échappe plus facilement. Dans les pots ou caisses destinés aux plantes qui craignent l’humidité, on placera, au fond, une couche de plâtre de sept à huit centimètres d’épaisseur. C’est une méthode excellente, généralement suivie par les jardiniers fleuristes de Paris, qui sont les plus habiles du monde, et c’est la présence de ce plâtre bienfaisant qui a fait croire aux amateurs peu éclairés de la capitale que ces jardiniers mettaient de la chaux au pied des plantes qu’ils exposaient en vente, afin qu’elles périssent promptement, et qu’on fût obligé de revenir plus souvent à la charge. La chaux morte, au fond d’un pot, serait peu dangereuse, elle pourrait même avoir quelquefois de bons résultats. Il en est de cette substance comme du sel: on l’a trop longtemps calomniée. Autrefois, quand un noble était condamné pour crime de haute trahison, on brûlait ses armes, on rasait ses châteaux, on coupait par le milieu du tronc les arbres de ses forêts, et l’on semait du sel sur ses terres afin de les rendre à jamais stériles. Heureusement nous avons changé tout cela, et le sel est aujourd’hui un des plus puissants engrais qui se puissent employer.

Il y a des caisses de plusieurs sortes, des caisses mobiles et des caisses à demeure. Les caisses mobiles sont employées de la même manière que les pots; c’est-à-dire que la caisse, construite solidement, revêtue d’une ou de deux couches de peinture à l’huile, afin d’avoir moins à redouter les effets de l’humidité, doit avoir une capacité proportionnée à la plante qu’on veut y placer. S’il s’agit d’une plante vivace de grande dimension, d’un arbuste ou d’un arbrisseau, la caisse devra être faite à panneaux mobiles, afin qu’il soit facile d’en changer la terre, lorsque cela est nécessaire, sans blesser les racines.

Les caisses à demeure, que l’on appelle aussi caisses-parterres, contiennent ordinairement un certain nombre de plantes ou arbustes; on les construit le plus ordinairement sur les balcons. Ces caisses, dont la dimension dépend du lieu où on les construit ou de la fantaisie du constructeur, ne doivent pas avoir moins de cinquante centimètres de profondeur. Elles offrent, quand elles sont assez vastes, tous les avantages de la pleine terre.

La caisse construite, ce qui est la chose la plus simple du monde, on la garnira de la terre la plus convenable aux plantes que l’on se proposera d’y placer; mais si l’on voulait y mettre des plantes diverses dont la culture demande des terres différentes, on la remplirait de terre ainsi mélangée: terre franche, cinq dixièmes; terre légère, trois dixièmes; terre de bruyère, deux dixièmes; le tout bien mêlé, et modifié de temps en temps par un peu de terreau.

Si la caisse-parterre est placée à l’exposition du midi, il faudra agencer à un mètre et demi au-dessus une petite tente qui puisse se déployer facilement, afin de garantir les fleurs des ardeurs du soleil vers le milieu du jour. Cette tente, faite en toile imperméable, peut aussi servir à garantir les plantations des pluies trop fréquentes ou trop abondantes, et des brouillards froids de l’automne.

Aux approches des grandes gelées, on garnira les côtés de la caisse, en dehors, avec du fumier de cheval, et l’on couvrira la surface de paille sèche et brisée, en ayant soin d’enlever cette couverture de temps en temps à l’heure où le froid sera le moins vif, afin que les plantes ne soient pas entièrement privées d’air.

Les instruments nécessaires à la culture des fleurs dans ces proportions sont peu nombreux: deux arrosoirs, quelques cloches de verre, une serpette, un greffoir, un sécateur, instrument à deux lames, dont on se sert d’une seule main, et qui peut remplacer la serpette; un transplantoir et une houlette pour faire l’office de bêche: voilà tout, et cela est trop connu, d’un maniement trop facile, pour qu’il soit nécessaire d’en donner ici la description.

SERRES

Les plantes en pots ou en caisses mobiles ne pourraient supporter la gelée comme elles le supporteraient en pleine terre; car, dans ce dernier cas, la gelée n’a de prise que sur la surface, tandis que les pots et les caisses en sont frappés de tous les côtés. Il est donc nécessaire de les placer, pendant la mauvaise saison, dans une serre froide ou orangerie où la température ne soit jamais moindre de trois degrés au-dessus de zéro. A défaut de serre, on pourra facilement disposer une chambre de manière à ce qu’elle en tienne lieu. Il suffira que cette chambre soit bien éclairée, point humide et assez grande pour que les plantes y soient à l’aise. La cheminée, s’il y en a une, sera bouchée, et l’on placera au milieu de cette pièce un poêle, à l’aide duquel on entretiendra une température à peu près égale, sans jamais dépasser cinq degrés centigrades au-dessus de zéro. L’eau avec laquelle on arrosera les plantes de temps en temps devra être au même degré que l’atmosphère de la chambre. La chambre-serre ne doit pas être habitée, les personnes et les plantes se trouveraient également mal d’une cohabitation. L’air de la serre doit être souvent renouvelé, et l’on choisit pour cela le moment de la journée où le froid est le moins vif. On ouvre alors les fenêtres, en ayant soin de consulter le thermomètre. L’expérience apprendra aisément quelles sont les plantes auxquelles le grand jour est le plus nécessaire, et celles-ci seront placées près des fenêtres.

On pourrait encore faire construire ce que l’on est convenu d’appeler des serres-fenêtres; mais cela est dispendieux, dangereux et incommode. Cependant il est facile de convertir, sans inconvénient, en serres les fenêtres à doubles croisées entre lesquelles la distance serait assez grande.

Au reste, il ne saurait y avoir sur ce point des règles particulières; c’est le cas de prendre conseil des circonstances, des localités, des dispositions, etc.

MULTIPLICATION DES PLANTES

On a vu dans la botanique que toute graine renferme le germe d’un végétal aussi complet que celui qui l’a produite, et qu’il suffit de confier cette graine à la terre pour que la reproduction s’accomplisse; mais les plantes ne se reproduisent pas seulement par ce moyen: la vie est si puissante en elles, elles sont si heureusement douées, que presque chacune de leurs parties est un tout qui ne demande pour se développer qu’un peu de terre, d’air et de soleil; ainsi, indépendamment de la reproduction par semis, les plantes se multiplient par caïeux, par bulbes, œilletons, rejetons, boutures, éclats de racines, marcottes, greffes, etc.

MULTIPLICATION PAR GRAINES

Ce moyen de reproduction est le plus naturel, mais il est aussi le plus lent. C’est par semis qu’on obtient des variétés de la même espèce; les sujets obtenus de cette manière s’acclimatent mieux au lieu qu’on leur assigne; ils sont plus vigoureux que ceux résultant des autres procédés; ils vivent de leur vie propre, tandis que la vie des plantes obtenues de toute autre manière est en quelque sorte entée sur celle d’autres sujets. Mais il est fort difficile de se procurer de bonnes graines, même chez les marchands les plus renommés. Le plus sûr est de les récolter soi-même et de les étiqueter soigneusement, afin de ne pas éprouver de ces déceptions d’autant plus fâcheuses que le mal est sans remède. En voici un exemple entre mille.

Mme la baronne de X..., charmante personne, accoutumée à voir tous les obstacles disparaître devant sa volonté, s’était tout à coup senti une vive passion pour l’horticulture. C’était au commencement du printemps, et devant les appartements de la baronne s’étendait une belle terrasse. Des caisses-parterres sont construites sous les yeux de la noble et belle jardinière; elle-même les garnit de terre parfaitement choisie; puis elle fait acheter des graines, et la voilà manœuvrant la houlette et le plantoir, et semant serré, sauf à élaguer ensuite. Les graines lèvent à merveille; la baronne est enchantée; c’est avec la tendresse d’une mère qu’elle veille sur ces pauvres petites plantes dont elle attend de si belles fleurs. «Toutes mes bordures, disait-elle, sont en pieds-d’alouette doubles et variés: au centre l’hortensia, la digitale, les pivoines, etc... Ce sera charmant... et tout cela me devra la vie!»

Elle trouvait que les jours passaient trop lentement; mais elle se disait que tout arrive à point à qui sait attendre, et elle s’efforçait de faire taire son impatience. Les plantes grandissaient; les caisses semblaient couvertes d’un tapis de verdure; mais les premiers jours de juin arrivèrent et les fleurs ne paraissaient pas. Mme de X... reçut à cette époque la visite d’un savant horticulteur; elle voulut avoir son avis sur ses plantations, savoir la cause du retard de la floraison, et elle le conduisit sur sa terrasse. Au premier aspect l’horticulteur ne peut retenir un éclat de rire.

—Pardon, belle dame, dit-il ensuite; mais, pour Dieu, qu’avez-vous semé là?

—Du pied-d’alouette qui doit être superbe, des pivoines, de...

—En ce cas, il faut que quelque sorcier ait passé par là, car vos bordures sont de très-belles carottes; je vois au centre des radis noirs d’une végétation très-satisfaisante, des oignons de cuisine de la plus belle espèce, et...

—Mauvais plaisant!

Pour toute réplique, le savant se baissa et arracha de petites carottes très-bonnes à mettre en ragoût; de petits oignons propres au même usage, et quelques radis d’une assez belle venue. Le désappointement de la baronne fut tel, qu’elle renonça à l’horticulture et fit sur-le-champ enlever les caisses.

Le temps le plus convenable pour semer est le printemps: les graines nouvelles donnent en général des sujets plus robustes, plus sains, d’une végétation plus vigoureuse que les vieilles; mais les fleurs de ces derniers ont plus d’éclat, et l’on en obtient plus facilement des variétés, pourvu toutefois qu’elles aient été conservées avec soin à l’abri de l’humidité.

Les graines fines se mêlent avec du sable fin, ce qui aide à les semer également; on frotte dans ce sable les graines qui sont garnies de poils et d’aigrettes. La terre étant bien préparée, nettoyée et ameublie, on sème les graines fines à la surface, puis on appuie dessus avec la main, le pied ou une planche; ensuite on arrose légèrement et on recouvre d’une petite couche de terreau. Les graines grosses, comme les pois, les haricots d’Espagne, etc., se plantent par une, deux ou trois, dans des trous faits avec le plantoir à quatre ou cinq centimètres de profondeur; on arrose, puis on remplit le trou de terre mêlée de terreau. Les semis en terrines et en pots ont cet avantage qu’on peut les arroser en dessous en plongeant dans l’eau le vase jusqu’au tiers de sa hauteur; le fond du vase étant percé, l’eau monte doucement dans la terre et active singulièrement la végétation. Soit que l’on sème pour rester en place ou pour relever le plant et le repiquer, les soins à donner sont les mêmes.

Les grosses graines germant plus lentement que les petites, on peut en hâter la germination en les faisant tremper dans l’eau pendant vingt-quatre heures avant de les mettre en terre. S’il s’agit d’un semis de noyaux, il faut les faire stratifier pendant plusieurs mois avant de les employer. Pour cela, on met dans un baquet un lit de noyaux sur une couche de sable fin; on les recouvre d’une autre couche de sable, et ainsi de suite. Cela se fait en automne. Lorsque le froid commence à se faire sentir, on place le baquet à la cave. On arrose fréquemment. Au printemps, les noyaux sont germés et on peut les planter.

Les graines d’un certain nombre de plantes ayant besoin pour germer d’une chaleur plus grande que celle de la température ordinaire du printemps, les jardiniers qui cultivent en grand les sèment sur couches. Dans les petits jardins, sur les terrasses et les balcons, on pourra remplacer les couches par un procédé très-simple: au milieu d’une caisse-parterre, on pratiquera un trou de deux mètres de circonférence; on l’emplira aux deux tiers de fumier de cheval bien tassé, puis on achèvera de le remplir avec de la terre franche mêlée de terreau, et on sèmera dessus. C’est ce qu’on appelle semer sur capot. Il faudra arroser peu et souvent. Si la plante est délicate, on la couvrira d’une cloche qu’on lèvera très-peu d’abord, vers le milieu du jour, puis successivement un peu plus, jusqu’à ce qu’elle ait acquis assez de force pour supporter l’air libre. C’est alors seulement qu’on pourra la transplanter sans danger.

La transplantation ne se supporte pas également bien par toutes les plantes. Il sera donc nécessaire de semer les plus délicates dans de petits pots que l’on enterrera ensuite dans le capot jusqu’au niveau de leur bord supérieur; on les gouvernera comme il est dit ci-dessus jusqu’à ce qu’elles soient assez fortes pour supporter l’air libre; alors on déterre le pot, on le casse avec précaution et l’on met la plante en place avec toute la terre qui l’environne.

Il n’y a pas de règles fixes pour la profondeur à laquelle on doit mettre les graines dans la terre: ainsi que nous l’avons dit, les graines fines doivent être simplement jetées sur la terre, que l’on bat légèrement ensuite et que l’on arrose après l’avoir légèrement couverte d’un peu de terreau ou de paille hachée; quant aux graines que l’on enterre, il vaut mieux qu’elles ne le soient pas tout à fait assez que de l’être trop; car, dans le premier cas, on peut les rechausser, tandis que, dans le second, elles pourrissent. Pour les graines de la grosseur du haricot, une profondeur d’un peu moins de deux centimètres est suffisante.

MULTIPLICATION PAR CAIEUX

Tout est dans tout, a dit un philosophe moderne. Le paradoxe est peut-être un peu bien osé; mais il y a aujourd’hui tant de belles et grandes vérités qui ont été longtemps à l’état de paradoxe, qu’on peut bien donner droit de cité à celui-là. Que sais-je? disait Montaigne; et que savons-nous de plus aujourd’hui? Nous sommes entourés d’assez de merveilles pour ne pas croire à l’impossible. Voyez cette tulipe parée des plus riches couleurs; dans quelques jours, sa brillante corolle tombera, le soleil mûrira la graine qui aura succédé à la fleur; chacune de ces graines donnera une tulipe semblable à celle qui a vécu. Mais ce n’est pas tout: arrachez la racine, détachez de l’oignon principal les petits oignons qui y sont adhérents et qu’on nomme caïeux, et chaque caïeu donnera encore une tulipe, et la fleur qu’il produira n’en sera pas moins belle.

Toutes les plantes à oignons produisent des caïeux qu’il suffit de planter à la saison suivante pour en obtenir des sujets qui ne cèdent en rien à la plante mère; mais il est important de ne séparer les caïeux de l’oignon qu’au moment de les replanter, car non-seulement ils se conservent mieux, mais ils s’améliorent tant que dure leur union.

On appelle aussi caïeux les petites pattes ou griffes qui croissent sur les grosses, comme chez les dahlias, les renoncules, etc.

Les oignons, lorsqu’on les retire de la terre, doivent être soigneusement étiquetés, afin que, si l’on fait des plates-bandes, il soit facile d’alterner les nuances de la manière la plus agréable à l’œil.

MULTIPLICATION PAR BULBES

Les bulbes, bulbilles ou saboles, sont de petits corps ronds et charnus qui, chez les plantes bulbeuses, naissent aux aisselles des feuilles, au bas de la tige, et quelquefois à la racine. Ces bulbes se détachent, se conservent, et, traitées comme les caïeux, elles donnent le même résultat.

MULTIPLICATION PAR ŒILLETONS & REJETONS

Les rejetons et les œilletons sont une seule et même chose; ce sont des pousses qui naissent de la racine de la plante mère: si ces pousses se produisent tout près de la plante à laquelle elles appartiennent, on les nomme œilletons, et rejetons si elles naissent à quelque distance de la tige principale. Rejetons ou œilletons s’enlèvent en automne, à moins qu’on ne craigne que l’hiver ne les détruise. Dans ce dernier cas, on les sépare au printemps, et on les transplante aussitôt dans une terre meuble et bien préparée.

Pour que les racines donnent des œilletons ou rejetons, il faut qu’elles soient près de la surface de la terre; si elles étaient enfoncées, il faudrait en mettre à nu quelques parties sur lesquelles les rejetons ne tarderaient pas à paraître.

MULTIPLICATION PAR ÉCLATS

Ce moyen de multiplication s’emploie pour les plantes vivaces dont les racines ont beaucoup de chevelu. En automne, on enlève la plante, on en sépare les racines en plusieurs parties, et l’on replante chaque partie séparément. Pour le plus grand nombre des plantes à racines fibreuses, cette séparation peut se faire avec une bêche, une houlette, des ciseaux, etc.; mais il en est quelques-unes que le contact du fer suffit pour faire mourir, il est donc plus sûr d’opérer cette séparation, qui est très-facile d’ailleurs, avec les mains et sans le secours d’aucun instrument.

MULTIPLICATION PAR MARCOTTES

La multiplication par marcottes est à la fois une des plus faciles et des plus importantes, en ce que beaucoup de plantes délicates ne peuvent, dans nos climats, se reproduire d’une manière satisfaisante que par ce moyen. On marcotte de plusieurs manières; les principales sont les marcottages par torsion, par incision, par circoncision, par strangulation, par amputation et par buttes.

Marcottage par torsion.—Ce moyen est le plus sage et le plus généralement employé pour la reproduction des arbustes. On choisit une des branches les plus voisines du sol, on en ôte les feuilles, et on la tord à la partie qui doit être enterrée jusqu’à ce que l’écorce se déchire. Alors on abaisse cette partie de la branche, on la couche dans la terre, on la couvre, et après l’avoir consolidée dans cette position au moyen d’un crochet en bois enfoncé dans la terre, on fait prendre à la portion supérieure de la branche la position la plus verticale possible. Ce procédé demande une main délicate et une certaine dextérité; par exemple, il peut arriver qu’en tordant la branche on la rompe en partie, et alors l’opération est manquée; il en est de même lorsque la branche, abaissée jusque sur le sol, se détache en partie de la tige; cela se comprend, car jusqu’à ce que la portion tordue et enterrée de la branche jette des racines, elle peut vivre sans le secours de la plante mère; c’est une enfant à la mamelle qu’il faut sevrer graduellement. Ainsi, lorsque la marcotte est bien enracinée, alors qu’elle peut prendre facilement dans le sol toute la nourriture qui lui est nécessaire, il serait encore dangereux de la séparer brusquement de la plante mère; il faut la couper peu à peu: aujourd’hui on fait une incision qui enlève l’écorce, dans deux ou trois jours l’entaille attaquera la partie ligneuse, et successivement cette entaille deviendra plus profonde jusqu’à ce qu’on arrive à une amputation complète. La marcotte est alors dans toute sa vigueur; mais ce sont là de doux enfants qui ne crient point, qui ne sont ni maussades, ni hargneux; la tendresse qu’on ressent pour eux peut être poussée sans danger jusqu’à la plus extrême faiblesse; ils peuvent faire goûter toutes les joies maternelles sans en faire jamais ressentir les douleurs.

Marcottage par incision.—Ce procédé est à peu près semblable au précédent; il n’en diffère que par la fente que l’on fait à la partie de la branche qui doit être enterrée; on maintient cette fente ouverte en y insérant une petite pierre, et l’on opère du reste comme il est dit ci-dessus.

Marcottage par circoncision.—La différence entre ce procédé et ceux qui le précèdent consiste à enlever un anneau de l’écorce à l’endroit de la branche qui doit s’enraciner. Quelques horticulteurs prétendent que cette opération accélère la pousse des racines; mais cela ne paraît pas bien certain. Tordre, inciser, sont des opérations bien assez terribles pour de douces mains; laissons la loi de Moïse aux enfants d’Israël.

Marcottage par strangulation.—Voilà encore un bien vilain mot pour une chose si simple, et non-seulement le mot est désagréable, mais il ne donne pas une idée juste de la chose. La marcotte, en effet, n’est pas étranglée par ce procédé, car si elle l’était, elle ne pourrait recevoir aucune nourriture de la plante mère, en attendant qu’elle ait des racines, et elle mourrait sur-le-champ. Ce qu’on est convenu d’appeler strangulation consiste à serrer fortement au-dessous d’un œil la marcotte à l’endroit qui doit être mis en terre, au moyen d’un fil ciré ou un fil de fer; la marcotte n’est pas étranglée, mais seulement comprimée de manière à ne recevoir de la plante mère qu’une partie des substances nécessaires à sa vie, ce qui l’oblige à tirer l’autre partie du sol. C’est toujours le système du sevrage gradué.

Marcottage par amputation.—En vérité, les horticulteurs passeraient pour des gens bien féroces s’il fallait les juger d’après les noms effrayants qu’ils ont donnés aux opérations les plus simples et les plus innocentes. Amputation, ici, veut dire une entaille de deux à trois centimètres de long qui doit enlever l’écorce et entamer un peu le bois. Au bout de quelque temps, il se forme sur les bords de cette entaille un bourrelet; c’est ce bourrelet que l’on met et maintient dans la terre, où il ne tarde pas à s’enraciner.

Marcottage par buttes.—Ce marcottage n’est employé que pour multiplier les plantes en touffes. On forme autour des plus jeunes sujets une butte de terre grasse, assez élevée pour que ces sujets y soient emprisonnés jusqu’aux deux tiers de leur hauteur. On coupe ensuite ces jeunes plantes au-dessus de la butte, et l’on entretient celle-ci dans un état constant d’humidité. Au bout d’un an, on coupe ces jeunes sujets sous la butte, au rez du sol. On a ainsi autant de jeunes plantes nouvelles qu’il y a de jeunes tiges dans la butte; ce qui n’empêche pas la plante mère de repousser avec vigueur.

Règles générales.—Dès que l’on a couché la marcotte en terre, il faut arroser cette terre de manière qu’elle soit toujours humide. En relevant la marcotte après l’avoir séparée de la plante mère, il faut enlever avec elle la motte de terre dans laquelle elle a jeté ses racines, et la transplanter avec cette terre.

Lorsque la branche que l’on veut marcotter est trop éloignée du sol pour qu’il soit possible de l’y coucher sans risquer de la casser, on peut faire passer cette branche dans un pot percé, rempli de terre, et soutenu par une perche. La partie tordue ou incisée doit se trouver au milieu du pot; on arrose fréquemment, et lorsqu’on sépare le sujet de la plante mère, il se trouve tout naturellement transplanté.

Beaucoup de fleurs, et particulièrement les œillets, ne se reproduisent d’ordinaire que par marcottes. Les plantes ainsi reproduites ne dégénèrent pas, mais restent les mêmes, et ce n’est que par semis qu’on peut obtenir des variétés.

MULTIPLICATION PAR BOUTURES

Il est certaines plantes, comme le peuplier, l’osier, etc., dont il suffit de couper une branche et de la ficher en terre pour qu’elle reprenne aussitôt; c’est ce qu’on appelle bouture. N’est-il pas prodigieux qu’un membre ainsi violemment enlevé se métamorphose en un individu absolument semblable à celui dont il n’était qu’une faible partie? Mais pourquoi ce qui est si facile pour beaucoup de plantes est-il excessivement difficile pour un grand nombre et absolument impossible pour quelques-unes? C’est ce que nul ne sait, et ce que nul ne saura probablement jamais. Il faut bien en convenir, les savants les plus justement honorés ne sont que de grands ignorants incapables de faire suivre de parce que la millième partie des pourquoi qui peuvent se formuler à chaque instant autour d’eux. Il faut donc se contenter de voir et d’admirer, et c’est souvent un passe-temps si doux, qu’il est facile de s’en contenter.

En général, les plantes dont le bois est tendre, la moelle abondante, se reproduisent aisément par bouture; celles dont le bois est sec et dur se multiplient très-difficilement par ce procédé.

L’opération, comme on vient de le voir, est très-simple; mais quand on veut en assurer le succès, il est bon d’y mettre plus de soin. Ainsi, on coupera la branche dont on veut faire une bouture au-dessous d’un nœud ou bouton; cette branche doit être coupée horizontalement, de manière que l’endroit de la section ait la forme d’un sifflet; on détache ensuite les feuilles de la branche depuis le bas jusqu’aux deux tiers de sa longueur. Ces diverses opérations doivent être faites avec un instrument bien tranchant, afin que les coupures soient nettes et que l’écorce ne soit pas déchirée. Cela terminé, on mettra immédiatement les boutures dans la terre qu’on aura préparée d’avance selon la nature des sujets que l’on veut reproduire: aux boutures des plantes grasses, la terre franche suffit; les boutures d’arbres et d’arbustes de pleine terre et même d’orangerie s’accommodent mieux d’une terre moitié franche et moitié légère; les boutures des végétaux à tige tendre et succulente reprennent facilement dans le sable; enfin les boutures des plantes les plus délicates doivent être mises en terre de bruyère pure ou légèrement mélangée de terreau.

Les boutures des arbres et arbustes de pleine terre doivent se faire vers la fin de février; celles des plantes d’orangerie se font au printemps.

Bien que la méthode que nous venons d’enseigner pour faire des boutures soit la plus généralement employée, il en est pourtant d’autres: ainsi, un an avant de couper la branche, on l’entoure quelquefois d’un fil de fer serré en anneau à l’endroit où elle doit être mise en terre. Cet anneau, interceptant une partie de la séve, il se forme à cet endroit une espèce de bourrelet qui facilite la reprise; c’est ce qu’on nomme bouture à bourrelet.

Il arrive aussi qu’on détache la branche d’une autre branche, en amputant une partie de cette dernière, qui doit former une sorte de crochet; c’est la bouture en crochet.

Les boutures des plantes dont le bois est dur, sec, se mettent en pot, rempli de terre de bruyère. Ce pot doit être ensuite enfoncé jusqu’au niveau de son bord dans une couche ou dans le capot d’une caisse-parterre (voir plus haut multiplication par graines), et l’on couvre ce pot d’une cloche que l’on soulève de temps en temps, jusqu’à ce que la bouture soit assez bien reprise pour supporter l’air libre; c’est ce que les jardiniers appellent bouture étouffée.

MULTIPLICATION PAR GREFFE

La greffe est le triomphe de l’art sur la nature, c’est l’opération d’horticulture la plus utile et la plus merveilleuse. Jusqu’ici nous avons vu les plantes se reproduire, se multiplier par d’ingénieux procédés; maintenant nous allons les voir se métamorphoser de mille manières. C’est là certainement un des plus grands, des plus inexplicables mystères de la végétation. Par exemple, les personnes étrangères à l’horticulture croient communément qu’en plantant un noyau de cerise, on pourra obtenir, avec le temps, un cerisier donnant des fruits de la même qualité que celui auquel appartient le noyau; cela est logique, c’est tout ce qu’il y a de plus rationnel. Eh bien, cela n’est pas vrai: plantez le noyau d’une de ces belles cerises dites de Montmorency, apportez tous les soins imaginables à l’entretien de l’arbre qui en résultera, et lorsqu’il donnera des fruits, vous récolterez de petites merises aigres, n’ayant en quelque sorte qu’un noyau recouvert d’une pellicule dure et sèche. Il en est de même pour tous les fruits. Qui dira encore la cause de cela? Cela est, donc cela doit être; il ne nous est pas permis d’aller plus loin. Mais de ce qu’on ne connaît pas la cause du mal, ce n’est pas à dire qu’on ne puisse y remédier, et le remède ici est la greffe, au moyen de laquelle on reproduit les variétés les plus précieuses. La greffe, en effet, consiste à faire rapporter à une plante des fleurs et des fruits absolument différents de ceux qu’elle eût donnés naturellement. Coupez les branches de ce merisier, dont les fruits sont si aigres; fendez-en le tronc; insérez dans les fentes quelques petites branches enlevées au cerisier de Montmorency, et au lieu de merises, il vous donnera des cerises semblables à celles dont le noyau vous aura produit un si grand désappointement; et non-seulement vous lui ferez produire des cerises, mais des prunes, des abricots, des pêches, les uns et les autres, et même tous ensemble si vous opérez savamment.

La greffe embellit les fleurs, améliore les fruits; mais les végétaux sur lesquels on la pratique perdent beaucoup de leur vigueur et de leur force, et ils vivent moins longtemps que ceux qui n’ont pas subi cette opération. Si l’on attend qu’un sujet ait acquis une grande force pour le greffer, il sera lent à produire des fruits; si, au contraire, on le greffe alors qu’il est encore faible, il donnera des fruits promptement; mais il durera moins. La greffe, enfin, est une opération qui augmente l’activité de la vie des plantes en en diminuant la durée. On ne peut pas tout avoir: la beauté et la durée sont nécessairement antipathiques. C’est là, Mesdames, encore une de ces douloureuses vérités qu’il est permis aux parties intéressées d’appeler des paradoxes.

La greffe se pratique de plusieurs manières; les principales sont la greffe en fente, la greffe en écusson, la greffe en couronne, la greffe en approche, la greffe anglaise et la greffe herbacée.

Greffe en fente.—C’est la plus facile, et, par conséquent, la plus usitée. Il faut d’abord choisir un sujet sain et vigoureux. On entend par sujet l’arbre que l’on veut greffer; la greffe est une branche que l’on prend sur l’arbre dont on veut donner les propriétés au sujet. Supposons qu’il s’agisse de métamorphoser un églantier ou rosier sauvage en rosier à cent feuilles. Après avoir coupé les branches de l’églantier, vous pratiquez à la partie supérieure de sa tige une fente longitudinale dans laquelle vous insérez une branche de l’année précédente, prise sur le rosier à cent feuilles, et taillée en biseau à son extrémité inférieure. La greffe doit être plus petite que le sujet; à la rigueur, elle pourrait être de la même grosseur; mais si elle était plus grosse, elle ne réussirait pas. Cette branche ou greffe doit être coupée à son extrémité supérieure de manière qu’elle ne porte que deux ou trois yeux. Il n’est pas nécessaire que son insertion soit bien profonde; mais il faut absolument que les parties de l’écorce du sujet soient en contact parfait avec les parties de l’écorce de la greffe, c’est par l’écorce que se fait et que se consolide la reprise.

On peut placer plusieurs greffes sur le même sujet lorsqu’il est assez fort. On peut aussi ne greffer qu’une partie du sujet: ainsi on peut greffer des roses blanches sur un rosier rose de manière qu’il nous donne simultanément ces deux variétés, et ces modifications peuvent s’étendre à l’infini sous une main bien exercée.

Lorsque la greffe est placée dans la fente du sujet, on pratique une ligature avec de la laine, à la hauteur de la fente, et on entoure le tout d’un mastic ainsi composé:

Poix de Bourgogne 5/10es
Poix noire 2/10
Cire jaune 1/10
Résine 1/10
Suif de mouton 1/10

Le tout fondu à petit feu, bien mélangé et employé pas précisément chaud, mais avant d’être entièrement refroidi.

Greffe en couronne.—Elle ne se pratique que sur des sujets très-forts, sur un tronc coupé aux deux tiers de sa hauteur, par exemple. On pratique sur ce sujet, à l’aide d’un petit coin de bois, une ouverture entre le bois et l’écorce sur toute la circonférence; on place ensuite dans cette ouverture, et en forme de couronne, les greffes préparées comme pour greffer en fente, en ayant soin que l’écorce du sujet et celle des greffes se touchent, et on achève l’opération comme pour la greffe en fente.

Greffe en écusson.—On ne pratique cette greffe que sur les arbres et arbrisseaux dont l’écorce se détache facilement. On pourra greffer de cette manière au printemps pendant la séve et en automne. Faite en automne, on la nomme greffe à œil dormant, parce qu’elle ne reprend qu’au printemps suivant; faite au printemps, pendant la séve, on l’appelle greffe à œil poussant, parce qu’elle pousse presque aussitôt: mais en général, celle pratiquée en automne réussit mieux.

Si l’on opère en novembre, on choisira pour prendre la greffe une branche de cette même année. Avec le tranchant du greffoir on incise l’écorce de cette branche en forme d’écusson, tout autour d’un œil bien nourri; puis, glissant le greffoir sous cet écusson, entre l’écorce et l’aubier, on le détache, on fait aussitôt sur le sujet deux incisions, l’une horizontale, un peu plus large que l’écusson; l’autre verticale, de manière que les deux incisions forment cette figure T, si l’on opère en automne, et celle-ci ⟘, si c’est au printemps. On glisse ensuite le greffoir sous l’écorce ainsi incisée jusqu’à l’aubier, et on la détache assez pour pouvoir glisser dessous l’écorce qui est la greffe, puis on coupe horizontalement la partie supérieure de cet écusson, de manière que l’écorce de la greffe et celle du sujet soient réunies. On fait ensuite, avec de la laine ou du chanvre, une ligature qui maintienne les choses en cet état, et que l’on aura soin de desserrer à mesure que le sujet grossira.

Greffe en approche.—Ce genre de greffe réussit sur tous les arbres et arbrisseaux, pourvu que greffe et sujet soient assez voisins pour pouvoir se toucher. Supposons, par exemple, qu’un lilas et un syringa soient assez voisins pour que l’on puisse mettre en contact une branche de l’un avec une branche de l’autre, il sera facile alors d’obtenir du lilas sur le syringa, et du syringa sur le lilas. Les branches étant autant que possible de grosseur égale, on incisera jusqu’à la moelle la branche de lilas et celle de syringa; on les appliquera et on les maintiendra l’une contre l’autre dans la partie incisée, à l’aide d’une ligature et du mastic composé comme il est dit plus haut. Si c’est le lilas qui doit produire du syringa, on coupera à quelques centimètres au-dessus de la ligature la branche du lilas qui est le sujet, afin de forcer la séve à monter dans la greffe; on fera la même chose dans le sens opposé, si l’on veut faire produire du lilas au syringa. Lorsque la soudure sera complète, on pourra couper la greffe au-dessous de la reprise, mais non tout d’un coup: on fera d’abord une entaille qu’on rendra successivement plus profonde jusqu’à ce que la section soit entière.

La greffe en approche peut se faire de mars en septembre; mais elle réussit mieux lorsque la séve monte que lorsqu’elle descend.

Greffe anglaise.—Pour que cette greffe réussisse, il faut que le sujet soit jeune, et que sujet et greffe soient de la même grosseur: l’un et l’autre sont coupés en biseau de même longueur et en sens inverse, afin de s’ajuster parfaitement; mais comme, malgré la ligature, la greffe pourrait glisser, on pratique à la partie correspondante du biseau de la tige une entaille ascendante, de manière que la greffe se trouve accrochée au sujet, et l’on termine comme pour la greffe en fente. Cette greffe ne réussit bien qu’au printemps.

Greffe herbacée.—C’est tout simplement la greffe en fente appliquée aux plantes herbacées ou aux plantes ligneuses alors qu’elles sont encore jeunes et molles. On l’emploie avec succès lorsque le sujet est dans toute sa force de végétation, c’est-à-dire un peu avant la floraison. Le sujet et la greffe étant très-tendres, il faut opérer avec beaucoup de dextérité; elle est d’ailleurs peu en usage pour les fleurs.

ÉDUCATION DES PLANTES

De graine, de rejeton, marcotte ou autrement, la plante est née. C’est maintenant surtout que la tendresse et les soins maternels lui sont nécessaires: un coup de vent peut suffire pour renverser, anéantir ces pauvres petits individus sortis de la terre pour sourire au soleil. Le mouvement de locomotion dont ils ne sont pas doués est pourtant indispensable à un grand nombre d’entre eux. C’est le moment, Mesdames, de leur tendre une main secourable pour leur faire quitter ce berceau où ils sont mal à l’aise, maintenant qu’ils commencent à grandir. Mais, prenez garde! quelque tendre que soit votre cœur, quelque douce que soit votre blanche main, il suffirait de la plus légère distraction pour que vous ayez à vous reprocher la mort de ces frêles enfants.

Dès que la plante obtenue par un des moyens indiqués plus haut, à l’exception de la greffe, a atteint une certaine force, il s’agit de la placer, soit en pleine terre, soit en caisse-parterre, ce qui est à peu près la même chose, soit en caisse ou en pot; c’est ce qu’on appelle repiquage, une des plus importantes opérations d’horticulture.

Repiquage.—Soit que l’on ait semé en pleine terre, sur couches ou sur capot, ce qui est la même chose; soit, ainsi que nous venons de le dire, que le sujet vienne de marcotte, bouture, etc., il arrive un moment où il faut l’enlever pour le mettre plus à l’aise, à la place qu’il doit orner. Si les sujets à repiquer sont en pot, on casse ce dernier avec précaution, on divise la terre qu’il contient en autant de parties qu’il y a de sujets; on enlève chacun de ceux-ci avec la partie de terre qui lui est adhérente, on le met dans le trou préparé à le recevoir, et on arrose sur-le-champ. Lorsque le sujet qu’il s’agit de repiquer est en pleine terre, on l’enlève avec le transplantoir; mais si les plants n’étaient pas assez espacés, on les enlèverait collectivement en passant la houlette dessous, sauf à les séparer ensuite comme ceux semés en pot.

Les plantes robustes se transplantent à nu, c’est-à-dire qu’on les arrache tout simplement du lieu où elles sont pour les placer symétriquement dans un autre. Dans ces plantes, on retranche quelquefois le pivot de la racine, lorsqu’il est trop long, ce qui nuit à la reprise, et l’on ôte une partie du chevelu, quand il est trop abondant. Mais la règle est difficile à poser sur ce point, et le plus sage est de laisser les racines entières et de ne pas les blesser.

Il est bien entendu que chaque plante doit être repiquée dans la terre qui lui convient, laquelle aura été ameublie, et que les arrosements seront fréquents jusqu’à ce que la reprise soit complète.

Transplantation.—On procède pour la transplantation à peu près de la même manière que pour le repiquage. Cette opération ne se fait avec succès que vers la fin de novembre. S’il s’agit de transplanter un arbuste ou un arbrisseau, on en coupe les branches; mais il ne faut pas toucher aux racines, et si, par accident, on en avait blessé quelques parties, il faudrait amputer sur-le-champ les parties lésées avec un instrument bien tranchant. Le mal, de cette manière, serait moins grand, mais il ne serait pas entièrement réparé. Les arbres toujours verts se transplantent en enlevant avec les racines la motte de terre qui les environne; on ne coupe pas les branches.

Arrosements.—Nous devons répéter ici que l’eau n’est pas moins nécessaire aux plantes que l’air et la lumière; mais toutes n’ont pas un égal besoin d’humidité, et il y a un grand nombre de gradations entre la plante qui naît, vit et est fécondée au fond des fleuves et celle qui végète sur les plus arides rochers. Nous ne pouvons indiquer qu’une règle générale qui consiste à n’arroser que fort peu les plantes grasses, charnues, spongieuses, et à arroser davantage, mais sans excès pourtant, les plantes fibreuses et ligneuses.

Dans l’hiver, on arrosera après le lever du soleil, afin que l’eau ne puisse être saisie par la gelée; dans l’été, au contraire, il faut arroser le soir, après le soleil couché, pour que l’eau ne s’évapore pas avant d’avoir pénétré dans la terre.

L’eau dont on se sert pour arroser doit avoir le même degré de chaleur que la température; si donc on se servait de l’eau d’un puits profond, il faudrait, avant de l’employer, l’exposer à l’air pendant plusieurs heures. L’eau de pluie est la plus favorable à la végétation. Ce n’est pas seulement le pied des plantes qu’il faut arroser, mais encore les tiges, les rameaux, les feuilles; les fleurs seules ne doivent pas recevoir d’eau.

Rencaissage.—Rencaisser ou rempoter, c’est enlever une plante du vase où elle se trouve pour la placer dans un autre, afin d’en renouveler la terre. Une plante peut demeurer sans danger pendant deux ans dans le même vaisseau, et au maximum trois ans; mais alors il faut la rencaisser, ce qui se fait avec le plus de succès au commencement du printemps. Après avoir laissé un peu sécher la terre, on enlève la plante, on en secoue doucement les racines, on les ébarbe légèrement avec un instrument bien tranchant, puis on les enterre dans un autre vase préparé à cet effet; on arrose, et l’opération est terminée. Une autre opération, appelée demi-rempotage, consiste à enlever chaque année, au printemps, avec une houlette, le tiers ou la moitié de la terre contenue dans le pot, et à la remplacer par de la terre nouvelle de même espèce.

Lorsqu’une plante dépérit sans cause apparente, il faut la dépoter sur-le-champ, en examiner les racines, les laver soigneusement, et si l’on y découvre quelque plaie, retrancher la partie malade en la coupant le plus nettement possible. On rempote ensuite la plante, et si elle est délicate, on la met sur capot et sous cloche jusqu’à ce qu’elle ait repris assez de vigueur pour supporter l’air libre.

INSECTES

MOYENS DE LES DÉTRUIRE

Quatre sortes d’insectes sont particulièrement redoutables aux fleurs: ce sont les pucerons, les fourmis, les kermès et les tiquets... Les pucerons sont surtout abondants dans les années humides; ils s’établissent à l’extrémité des rameaux, détruisent les feuilles et souvent les fleurs. S’ils n’apparaissent pas en trop grand nombre, on peut les détruire en les faisant tomber à l’aide d’une petite brosse, et même avec la barbe d’une plume; s’ils sont abondants, il faut arroser les rameaux dont ils se sont emparés avec une eau de savon légère.

Les fourmis sont plus difficiles à détruire, à cause de leur activité, qui fait qu’elles sont ici, là et ailleurs presque en même temps; mais il est facile de les empêcher d’envahir les plantes à tige: ce moyen consiste à entourer la tige, vers le milieu de sa hauteur, d’un assez large anneau de coton cardé qu’elles ne peuvent franchir. Lorsque le contact de l’air, de l’eau, de la poussière commence à durcir le coton, on le change. Cela n’est nécessaire que pour les plantes en pleine terre; quant à celles en pots et en caisses, il suffit de les placer dans un lieu que l’on environne d’eau.

Les kermès sont une sorte de punaises qui attaquent particulièrement les orangers; le meilleur et le plus sûr moyen pour s’en débarrasser est de laver la tige et les branches avec de l’eau claire et une brosse rude, et d’arroser les feuilles avec de l’eau de savon.

Les tiquets sont des insectes qui se logent le plus communément sur les lis; on les détruit en arrosant les plantes avec une décoction de tabac. Cette décoction seule suffirait pour détruire tous les insectes qui nuisent aux fleurs; mais il est un grand nombre de plantes qui ne pourraient supporter cet arrosement, qu’on ne doit employer que modérément et avec précaution.

TAILLE DES ARBUSTES
ARBRISSEAUX ET ARBRES

L’opération de la taille n’est importante que pour les arbres fruitiers; quant aux arbrisseaux et arbustes d’agrément, on ne les taille qu’en vue de leur donner la forme la plus agréable, et dans certains cas aussi pour accélérer la végétation. Il suffira donc ici d’en exposer les principes généraux que voici:

Les petites branches se taillent avec une serpette bien tranchante; la coupure doit être nette, sans mâchure ni égratignure sur les bords. L’endroit où s’est faite la solution de continuité doit être plane et être, autant que possible, à l’exposition du nord. Pour les grosses branches on peut employer la scie à main; mais on doit ensuite unir la surface avec la serpette ou tout autre instrument tranchant.

Quand on coupe une branche, il faut qu’il y ait au moins un œil au-dessous de l’endroit où se pratique l’amputation.

Il est important surtout de s’attacher à retrancher ce qu’on appelle les branches gourmandes, qui ne produisent rien, n’ont pas d’yeux et se développent avec rapidité aux dépens des branches productives.

L’époque la plus convenable pour la taille est la fin de février ou les premiers jours de mars.

Plus les branches d’un arbre ou arbrisseau croissent rapidement, moins elles donnent de fleurs et de fruits; la séve, montant trop vite, n’agit plus sur les boutons; on dit alors que l’arbre s’emporte en bois. Dans ce cas, il ne faut pas avoir recours à la taille, il est trop tard; cette opération ne pouvant jamais être faite avec succès que lorsque la séve est en repos. Mais il est un moyen bien simple d’empêcher que les rameaux prennent un trop grand développement: il suffit pour cela de pincer avec les ongles l’extrémité des rameaux qui ont une tendance à s’emporter. Cela ne diminue pas l’énergie de la séve, mais l’oblige à refluer sur les boutons.

Il arrive quelquefois que l’on est dans la nécessité de couper toutes les branches d’un arbrisseau, soit parce qu’on en veut changer la direction, soit qu’à la suite d’une maladie l’arbre n’ait plus assez de vigueur pour les supporter. Cette opération doit être faite avec beaucoup de soin, et de manière à ne pas arrêter tout à fait la végétation. Il faut, dans ce cas, laisser au sommet de la tige quelques-unes de ces petites branches appelées brindilles, garnies de boutons, sauf à supprimer ces brindilles plus tard, lorsque l’arbre aura repris une vigueur suffisante. Il est aussi nécessaire, après avoir coupé les plus grosses branches, de couvrir avec de la cire à greffer la place où l’amputation a été pratiquée.

L’opération appelée tonte demande moins de soin; elle consiste à donner à un arbre ou arbuste une forme quelconque, à l’aide de grands ciseaux avec lesquels on coupe symétriquement les extrémités des branches. C’est par la tonte que les orangers du jardin des Tuileries, à Paris, et des principaux jardins publics, ont pris et conservent tous la même forme et ressemblent à des boules de feuillage. On peut par le même procédé avoir des arbustes en forme de pyramide, de gobelet, etc. Mais nous sommes loin d’approuver cette régularité, cette symétrie qui change l’aspect naturel des plantes, et leur enlève tout ce qu’elles ont d’agreste et de capricieux. C’est de la tyrannie, et aussi de la barbarie et de la cruauté, puisqu’en agissant ainsi on substitue sa volonté à celle de la nature, et qu’on fait souffrir l’opprimé en même temps qu’on lui enlève une partie de ses charmes. Taillez donc, mesdames, et ne tondez point; car tailler c’est guérir, et tondre c’est blesser.

Tels sont, belles lectrices, les éléments de cette science ou de cet art si facile à acquérir, et source intarissable de tant de pures jouissances dont tous les artifices de style seraient impuissants à donner une juste idée. Véritables Fleurs animées, c’est à vous qu’il appartient de faire vivre, de diriger et d’embellir ces sœurs, ces frêles et délicieuses compagnes que vous a données le ciel, après vous avoir douées de cette intime délicatesse qui vous en fait sentir tout le prix. L’amour des fleurs est inné dans le cœur de la femme, et nous ne doutons pas que beaucoup d’entre vous, mesdames, ne possèdent par intuition l’art de les cultiver. Nous ne laisserons pas néanmoins de vous donner quelques conseils sur la culture particulière de chacune des plus belles. Un bon avis est un œil dans la main, dit la sagesse des nations, et il n’est pas impossible qu’à la plus savante un peu d’aide fasse grand bien.

SECONDE PARTIE

CULTURE SPÉCIALE
DES PRINCIPALES FLEURS
INDIQUÉE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE

N

Nous faisons ici l’abstraction de la botanique; nous ne rangeons donc pas les fleurs par tribus, par familles, par genres, mais simplement par ordre alphabétique. Il ne s’agit plus de compter les pistils, les étamines, les pétales; mais bien de savoir ce qu’il faut faire pour obtenir les plus belles variétés d’un individu, à quelque tribu, famille et genre qu’il appartienne. C’est ici de la science facile, dans laquelle on peut pénétrer avec le même succès, soit que l’on commence par la fin, le milieu ou le commencement; c’est un dictionnaire, ou plutôt un conseiller toujours disposé à rendre un bon office sans s’inquiéter de formes ou de méthodes.

Il ne serait pas impossible pourtant que la lecture s’en fît tout d’une haleine: nous vous avons raconté de plus grands miracles que celui-là, et encore ici trouverez-vous peut-être quelquefois le conteur sous l’écorce du jardinier. Espérons donc et commençons.


A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

A

ACONIT.—On cultive trois variétés de cette plante, qui fleurit en juin; l’aconit napel, qui, sur une tige haute communément de plus d’un mètre, porte des fleurs en épi d’un beau bleu; l’aconit à grandes feuilles, dont les fleurs sont d’un bleu plus vif, et l’aconit tue-loup, qui donne des fleurs jaunes. Plantes à racines fibreuses.—Terre de bruyère.—Se multiplient par éclats.

ADONIDE D’ÉTÉ.—Plante annuelle qui se multiplie par graines semées en place, et donne, en juillet, de petites fleurs blanches, jaunes ou rouges, selon la variété. L’adonide printanière est une autre espèce qui est vivace, fleurit en juillet et donne de très-belles fleurs jaunes. Cette dernière peut se multiplier par éclats; la terre de bruyère convient à toutes deux.

AIRELLE.—Arbuste dont on cultive plusieurs variétés. La plus remarquable est l’airelle myrtille, arbuste de soixante à soixante-dix centimètres de hauteur, donnant en mai des fleurs en grelot d’un rose pâle, et en août des baies semblables au raisin d’un goût très-agréable.—Terre de bruyère. On peut le reproduire par graines, rejetons et marcottes; mais ce dernier procédé est celui qui réussit le mieux. Des autres variétés remarquables de cette plante sont l’airelle corymbifère, qui atteint communément une hauteur d’un mètre et demi; l’airelle veinée, arbuste plus petit que le premier. La culture est la même pour toutes les variétés.

AMARANTE.—Charmante fleur annuelle dont on cultive deux variétés, l’amarante en queue, qui donne en juin des fleurs en épi très-allongé, et amarante tricolore, dont les fleurs sont réunies en paquet. Ces deux variétés se reproduisent par graines semées à la fin de mars sur couches ou sur capot.—Terre de bruyère mêlée de terre franche et de terreau.

AMARYLLIS.—Plante à oignons, fleurissant en septembre.—Terre de bruyère, multiplication par caïeux que l’on sépare des oignons tous les deux ans. Nombreuses variétés, dont les principales sont l’amaryllis jaune, la seule variété qui puisse s’accommoder d’une autre terre que celle de bruyère; l’amaryllis dorée, l’amaryllis à fleurs en croix, et l’amaryllis de Guernesey, admirable plante du Japon, jetée sur les côtes de l’île de Guernesey par une tempête, ainsi que nous l’avons dit plus haut, dans la Botanique des Dames.

AMÉTHYSTE.—Plante annuelle, qui donne en juin des fleurs bleues très-jolies. Multiplication par graines, semées aux premiers jours d’avril, en terre de bruyère mêlée de terreau.

AMOMON.—Joli arbrisseau dont la hauteur varie d’un mètre à un mètre et demi. Il donne en août des fleurs blanches, et en septembre des fruits rouges qui ont la forme de cerises, mais qui ne sont pas mangeables.—Terre légère.—Multiplication par marcottes et par semis faits fin de mars.—Beaucoup d’air; terre ameublie; arrosements modérés.

ANCOLIE.—On cultive l’ancolie commune et l’ancolie du Canada. Toutes deux fleurissent en mai; la première donne des fleurs très-jolies, bleues ou roses; les fleurs de la seconde sont d’un beau jaune.—Terre de bruyère mêlée de terre franche. Multiplication par éclats, et par graines, qui doivent être semées aussitôt qu’elles sont mûres.

ANÉMONE.—Cette belle plante compte un grand nombre de variétés; les plus jolies sont celles dont les nuances sont pures et bien tranchées, depuis le bleu du ciel jusqu’au nacarat. On ne peut obtenir ces belles variétés que par le semis fait au commencement de mars sur terre franche recouverte de terreau. On arrose fréquemment. La plante, cette année, ne donne pas de fleurs. En juin ou au commencement de juillet, les feuilles se fanent; alors on déterre les pattes, et après les avoir fait sécher à l’ombre, on les replante en octobre, en observant de laisser entre chacune une distance de trois à quatre centimètres. Au mois d’avril suivant on obtient des fleurs; on forme alors une collection, qu’on plante chaque année en octobre. Il est mieux encore de faire deux collections et d’alterner la plantation, de sorte que la même collection ne donne des fleurs que tous les deux ans. Loin de nuire à la plante, ce repos d’une année la fortifie, et elle donne ensuite des fleurs admirables.—Terre franche.—Déterrer la plante en juillet et en séparer des tubercules nouveaux.

Les anémones cultivées en pots, dans les appartements, peuvent donner des fleurs au milieu de l’hiver; mais celles que l’on force ainsi ne se reproduisent plus; il faut donc se bien assurer des richesses que l’on possède avant de tuer ainsi la poule aux œufs d’or.

APOCYN.—Plante à racines fibreuses, qui donne en juillet de petites fleurs roses et blanches en forme de cloche. On nomme aussi cette plante gobe-mouche, parce que la fleur, exhalant une odeur de miel, attire les mouches qui se trouvent prises dans la matière visqueuse dont est enduit l’intérieur de la corolle.—Terre légère; multiplication par éclats en octobre, et par semis en mars.

ARMOISE ou CITRONELLE.—Joli arbuste de soixante à soixante-quinze centimètres de haut, donnant en août de charmantes petites fleurs en grappes, et dont les feuilles exhalent une odeur de citron des plus agréables. Se cultive en pots qu’il faut rentrer aux premiers froids.—Arrosements modérés. Terre franche mêlée de terre de bruyère.—Multiplication par semis; mais plus facilement par éclats au mois de mars.

ASCLÉPIADE.—Plante à racines fibreuses. En juillet, petites fleurs rouges exhalant un parfum de vanille assez prononcé.—Terre de bruyère; arrosements fréquents.—Multiplication par graines, et plus facilement par éclats, fin octobre.—Plusieurs variétés; même culture.

AUBÉPINE.—Il n’est personne qui ne connaisse ce charmant arbrisseau dont, vers la fin d’avril, le parfum embaume nos champs. Il n’y a presque rien à dire sur la culture de l’aubépine, qui croît spontanément dans toutes sortes de terre, au milieu des haies vives, sur la lisière des forêts, sur les coteaux les plus escarpés. Toutes les terres lui conviennent sous un climat tempéré; mais la terre franche est celle dans laquelle elle se plaît le mieux.

L’aubépine, cependant, ne peut être convenablement placée que dans un jardin d’une certaine étendue: les soins qu’on lui donne n’ajoutent rien à la délicieuse odeur qu’elle exhale; mais ses fleurs sont plus nombreuses; ses rameaux prennent un plus grand développement. C’est encore un emblème de l’innocence; mais c’est l’innocence agitée par l’espérance et la crainte; c’est l’innocence sous les armes.—Peu d’eau, beaucoup d’air.—Multiplication par boutures, marcottes, et plus facilement par graines semées aussitôt qu’elles sont mûres.

AZALÉE.—Très-bel arbrisseau dont la hauteur dépasse quelquefois un mètre et demi, fleurissant en mai. Ses fleurs, d’un doux parfum, ressemblant un peu à celles du chèvrefeuille, sont de différentes couleurs, selon la variété.—Terre de bruyère; arrosements fréquents.—Multiplication par semis, par marcottes et rejetons, en mars.

B

BAGUENAUDIER.—Grand arbrisseau de pleine terre, de trois à quatre mètres de haut, qui ne se cultive que dans les jardins d’une certaine étendue. Nous en avons pourtant vu quelquefois de fort jolis dans de grandes caisses-parterres.—Fleurs jaunes en grappes en juin.—Terre franche.—Multiplication par rejetons œilletons, marcottes; arrosements modérés.—Plusieurs variétés; même culture.

BALSAMINE.—Plante à racines tubéreuses, annuelle, dont les jolies fleurs, de toutes couleurs, selon la variété, s’épanouissent en juillet.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par graines semées fin mars et repiquées en mai.

BASILIC.—Plante annuelle, remarquable seulement par son odeur agréable. Fleurit en mai et se multiplie par graines semées en avril sur terreau.—Plusieurs espèces; même culture pour toutes.

BELLE-DE-JOUR.—Charmante plante annuelle qui fleurit en juillet. Fleurs nombreuses, jaunes à la gorge, blanches au milieu et bleues sur les bords.—Multiplication par graines semées en place en avril.—Arrosements modérés. Cette fleur s’ouvre dès que le jour paraît, et se ferme un peu après le coucher du soleil, phénomène auquel elle doit son nom, et qu’on a vainement tenté d’expliquer.

BELLE-DE-NUIT.—Fleurit en juillet, fleurs nombreuses et de diverses couleurs, odorantes ou inodores, selon la variété. C’est une des plus jolies plantes annuelles. On la sème à la fin de mars en place.—Terre légère; arrosements modérés. Ses fleurs, qui présentent la forme d’un entonnoir, s’ouvrent à la fin du jour et se ferment au soleil levant.

BIGNONE.—Ce joli arbuste atteint assez communément une hauteur d’un mètre et demi; les fleurs, qui s’épanouissent en juin, sont brunes en dehors et d’un beau jaune en dedans. Il n’est pas impossible de le multiplier par graines, mais cela est très-difficile, et le semis ne lève que la deuxième année; encore faut-il le tenir sur capot et en avoir les plus grands soins. Le plus sûr et le plus simple est de le multiplier par éclats, par boutures ou par marcottes.—Terre légère; arrosements fréquents.—Deux variétés; même culture.

BOULE DE NEIGE.—Très-bel arbrisseau, fort commun dans les jardins d’agrément; il donne, en mai, de jolies fleurs en boule et d’un blanc de neige.—Terre franche; de l’ombre et un peu d’arrosement.—Multiplication facile par rejetons et boutures.

BOUTON D’OR.—Charmante petite fleur de la famille des renonculacées, qui s’épanouit en juin, et présente la forme d’un bouton du plus beau jaune. Elle se multiplie le plus communément par l’éclat des racines.—Terre franche, arrosements fréquents.

BRUYÈRES.—Jolis arbustes, d’un effet très-agréable dans les appartements. Culture en pot ou en caisse mobile; en orangerie ou en serre pendant l’hiver.—Multiplication par éclats ou par marcottes.—Nombreuses variétés, même culture.

BUGLOSE.—Plante à racines fibreuses, donnant en avril de petites fleurs bleues d’un aspect très-agréable.—Multiplication par graines, ou mieux par éclats.—Terre de bruyère; arrosements modérés.

C

CAMÉLIAS.—Les camélias, qu’on appelait d’abord roses du Japon, sont aujourd’hui la fleur la plus en vogue dans l’aristocratie.

Le camélier ou camélia est un très-bel arbrisseau toujours vert, donnant, en février, des fleurs superbes, rouges, blanches ou roses, selon la variété; mais parfaitement inodores.—En serre, d’octobre en mai.—Terre de bruyère mélangée d’un tiers de terre franche et d’un peu de terreau. Il faut le tenir près des fenêtres, car le défaut de lumière le ferait infailliblement périr. Beaucoup d’eau en été et peu en hiver.—Multiplication par graines sur capot et sous cloche; par boutures, qui reprennent très-facilement, et par marcottes qu’on ne peut serrer qu’au bout de deux ans.

Bien que cette fleur soit réellement très-belle, mérite-t-elle la vogue dont elle jouit? Nous pensons, en conscience, qu’elle ne doit cette faveur qu’à la difficulté de la culture. Quoi qu’il en soit, les camélias sont devenus une partie indispensable des toilettes de bal, et certains amateurs ont renouvelé de nos jours, à propos de cette plante, les folies des amateurs de tulipes du siècle précédent. Tout récemment, un procès s’est engagé devant le tribunal de commerce de Paris à propos de deux camélias vendus ONZE MILLE FRANCS. L’acquéreur n’avait acheté ces arbustes, alors à la Nouvelle-Orléans, que sur les dessins qui lui en avaient été donnés: le marché conclu, les camélias arrivèrent à grands frais de l’Amérique. Ils étaient en fleurs, l’acquéreur refusa de les recevoir, prétendant que les fleurs différaient de celles qui lui avaient été montrées sur le papier; mais il fut condamné à prendre livraison et à payer. Cœurs sensibles, ne vous hâtez pas trop de le plaindre: le procès avait eu du retentissement; tous les journaux en avaient rapporté les détails; tout le monde voulut voir ces deux arbustes déposés au Jardin-d’Hiver des Champs-Élysées; les recettes, pour droit d’entrée dans cet établissement doublèrent, et les fleurs que portaient ces deux camélias, vendues au détail, produisirent quatre mille francs! Dans dix ans, les mêmes arbrisseaux se donneront pour trente sous sur les marchés aux fleurs de Paris; dans le pays des roses, le règne du camélia ne peut être que passager.

CAMPANULE.—Plante vivace, à racines fibreuses, se multipliant par graines ou par éclats, et donnant en juin de très-jolies fleurs en forme de cloche, de toutes couleurs, selon les variétés.—Terre franche, mêlée de terre de bruyère. Arrosements fréquents en été.

CAPUCINE.—Jolie plante grimpante qui, à cause du peu de soin qu’elle demande, est l’ornement ordinaire de la fenêtre du pauvre.—Belle verdure, charmantes fleurs. Multiplication par graines, semées en place, au mois d’avril. Il suffit de l’arroser fréquemment pour qu’elle réussisse, à quelque exposition qu’elle soit.

Bien plus jolie que beaucoup d’autres, cette modeste fleur est dédaignée des heureux du jour; il est vrai que la pauvreté a de grands torts: ses faveurs sont à qui les veut, et elles ne coûtent rien!

CENTAURÉE ODORANTE.—En août, fleurs grosses, ayant la forme du bleuet; de couleurs diverses, selon la variété.—Terre franche, multiplication par graines, en février.—Quelques variétés sont vivaces, comme la centaurée de montagne, la centaurée blanche, et quelques autres. Ces dernières se multiplient par éclats séparés au mois d’octobre.

CHÈVREFEUILLE.—Charmant arbuste grimpant, hôte des forêts, où il prodigue son délicieux parfum en récompense de l’appui des arbres à hautes tiges autour desquels il s’enroule, et dont la mort seule peut le séparer. Il fait aussi l’ornement des plus beaux jardins; mais si la culture ne lui ôte rien, elle n’augmente pas non plus ses qualités.—Terre légère, peu d’eau. Multiplication par boutures et marcottes, en automne.—Plusieurs variétés; même culture pour toutes.

CHRYSANTHÈME.—Arbuste qui commence à fleurir en avril, et qui ne cesse de donner, pendant la plus grande partie de l’année, des fleurs à rayons blancs.—Terre de bruyère mêlée de terre franche et d’un peu de terreau. Arrosements fréquents.—Reproduction difficile par graines, mais très-facile par boutures, de mai en septembre.

CIERGE DU PÉROU.—Fleurs superbes en août, blanches ou rouges, selon la variété, n’ayant pas moins de cinquante centimètres de circonférence, et exhalant une odeur des plus agréables.—Terre franche; arrosements dans les plus grandes chaleurs de l’été seulement. Multiplication par boutures, qu’il faut couper huit ou dix jours avant de les planter.

CLÉMATITE.—Joli arbuste grimpant, donnant, de juillet en septembre, des fleurs innombrables, d’un doux parfum, et ne demandant point de soins particuliers. Au centre de la France, la clématite est le principal ornement extérieur de la chaumière du pauvre; on la sème sans façon dans le premier coin venu, et dès la première année elle s’attache aux murailles de la demeure à l’abri de laquelle on l’a placée; puis elle s’élève doucement, semblant caresser les modestes murailles qui la protègent, et elle finit par couvrir le toit rustique, d’où ses délicieuses émanations s’étendent au loin. La clématite est une de ces fleurs qu’il est impossible de ne pas aimer. Qui croirait qu’une si douce et si innocente fleur ait pu être la cause première d’un grand crime!

C’était en 1808. Mme la baronne de Cauville, entièrement ruinée par la Révolution, vivait avec son jeune fils, âgé de douze ans, dans une modeste chaumière, au village de Bazincourt (Eure). Le curé du village, noble et digne vieillard, fort instruit, avait pris en amitié le jeune de Cauville, et s’était chargé de faire son éducation; il venait en outre de son mieux à l’aide de la mère, qui ne possédait plus qu’un revenu de quelques centaines de francs, insuffisant pour subvenir à ses besoins. Mais le bon curé était pauvre lui-même, et la baronne souffrait; elle était d’ailleurs frappée au cœur par de cuisants chagrins: l’échafaud avait dévoré son père, son mari, la plus grande partie de sa famille, dont les derniers membres étaient morts sur la terre d’exil.

Le mal faisait des progrès rapides; Mme de Cauville fut bientôt dans un tel état de faiblesse qu’elle dut garder le lit. C’était au mois de juin; Arthur de Cauville ne quittait le chevet du lit de sa mère que pour préparer les remèdes prescrits par le médecin, et aller chercher pour la malade les fleurs qu’elle aimait.

—Mon Dieu! dit un jour cette dernière, que ce monsieur Guiron est heureux d’avoir cette belle clématite que je vois d’ici grimper sur le toit de sa maison, et dont le doux parfum arrive jusqu’à mon lit! Que j’aurais de plaisir à voir et sentir de plus près une branche de cette jolie plante!

Un quart d’heure après, Arthur sollicitait de son voisin Guiron la permission de cueillir quelques branches de sa clématite. Mais Guiron était un de ces hommes sans cœur, ne comprenant que les plaisirs matériels en rapport avec ses appétits grossiers.

—Autrefois, monsieur le baron, répondit-il avec ironie, un personnage comme vous ne m’eût rien demandé; il eût pris mon bien sans se donner la peine de dire gare!... Aujourd’hui que les choses sont changées, chacun doit garder ce qu’il a: la clématite m’appartient, et je défends à tous les barons du monde d’y toucher.

—Monsieur, je vous en prie, dit le jeune homme dont deux larmes qu’il n’avait pu retenir sillonnaient les joues, c’est un désir de malade, de mourante peut-être!...

—Eh bien! est-ce que c’est un brimborion comme ça qui l’empêchera de mourir?... Laissez-moi donc tranquille avec vos singeries.

Arthur se retira la rougeur sur le front et le désespoir dans le cœur. Il ne dit rien à sa mère de l’humiliation qu’il venait de subir, et comme la baronne continuait à manifester le désir d’avoir une branche de clématite, il lui dit qu’il irait voir M. Guiron, leur voisin, vers la fin du jour, et que probablement il obtiendrait la permission de couper quelques tiges de ce joli arbuste.

Le soir venu, le jeune homme sort de sa demeure; il monte sur un petit mur, du faîte duquel il peut atteindre la clématite tant enviée: il en coupe promptement plusieurs branches, et, heureux de cet innocent larcin, il se dispose à se retirer par le même chemin, lorsque Guiron, qui a entendu quelque bruit, sort armé d’un fusil, et fait feu sur le jeune homme. Pas un cri, pas un gémissement ne se fait entendre; Arthur regagne la chambre de sa mère; il remet entre les mains de la malade les branches de clématite qu’il vient de dérober, et presque aussitôt il tombe sans avoir pu prononcer un mot. Exaltée par l’amour maternel, Mme de Cauville recouvre assez de force pour s’élancer hors du lit: elle essaie de relever son fils; elle l’interroge en lui prodiguant les noms les plus tendres; mais Arthur ne peut l’entendre: atteint d’une balle en pleine poitrine, c’était par un effort surhumain qu’il avait pu arriver jusqu’à sa mère; en tombant il avait rendu le dernier soupir.

En reconnaissant toute l’étendue de son malheur, l’infortunée ne fit point retentir sa chaumière de cris et de sanglots; elle s’assit près du corps inanimé de son fils, le prit dans ses bras, le serra contre son cœur, et expira. Ce fut en cet état que, le lendemain, les deux cadavres furent trouvés par le digne curé, seul ami qui restât à ces infortunés.

Le meurtrier, livré à la justice, fut absous comme s’étant trouvé en cas de légitime défense!

COBÆA.—Plante grimpante dont le beau feuillage vert couvre admirablement les berceaux des jardins, ou forme des tonnelles de l’aspect le plus pittoresque. De juin en septembre, fleurs jaunes et violettes, très-belles, mais qui sont presque aussitôt fanées qu’épanouies. C’est encore une des consolatrices du pauvre; c’est aux fenêtres des mansardes et des greniers qu’elle se montre le plus communément. Elle ne demande pas plus de soins que la capucine, sa compagne ordinaire.—Terre franche. Multiplication par graines semées en place; arrosements fréquents.

COLOQUINTE.—Cette plante annuelle, de la famille des cucurbitacées, n’est remarquable qu’à cause de la bizarrerie de son fruit, qui est fort gros, et affecte la forme d’une bouteille, d’une massue, d’une poire, d’une boule, etc., fruit qui, étant vidé, desséché, peut servir à plusieurs ouvrages domestiques.—Multiplication par graines semées vers le milieu de mars, sur capot et sous cloche; arrosements fréquents. Lorsque la tige a acquis une certaine étendue, on la pince à l’extrémité, afin que le fruit grossisse. Ce fruit doit être recueilli en septembre.

CORBEILLE DORÉE.—Plante à racines fibreuses, donnant, en mai, de petites fleurs réunies en bouquets d’un beau jaune doré.—Terre franche. Multiplication par graines, et mieux par éclats faits en automne.

COURONNE IMPÉRIALE.—Plante à oignons, dont les larges et belles fleurs, ordinairement d’un beau rouge, paraissent en avril, et forment une couronne à un ou deux rangs au sommet de la tige.—Terre franche; beaucoup d’eau. Multiplication par graines, et mieux par caïeux, séparés de l’oignon tous les trois ans, en mai ou juin, et replantés aussitôt.

CROCUS ou SAFRAN PRINTANIER.—Plante à oignons, donnant, en février, des fleurs de diverses couleurs, selon la variété.—Terre franche; arrosements fréquents. Multiplication par caïeux détachés, en mai ou juin, tous les trois ou quatre ans, et replantés sur-le-champ.

CROIX DE JÉRUSALEM.—En juin, jolies fleurs à cinq pétales, ressemblant à une croix de Malte, de diverses couleurs, selon la variété. Plante fibreuse, se multipliant par graines, boutures et marcottes, et mieux par éclats faits au mois de novembre.—Terre franche; arrosements abondants.

CUPIDONE.—En juillet, fleurs d’un beau bleu.—Terre de bruyère; peu d’eau. Multiplication par éclats.

CYTISE.—Arbuste dont les fleurs, qui paraissent en juin, sont d’un très-beau jaune.—Terre légère; très-peu d’eau. Multiplication par graines et par éclats.

D

DAHLIA.—Cette fleur, qui malheureusement n’a aucun parfum, est l’une des plus belles que l’on connaisse. Elle est produite par une plante à racines tubéreuses, d’une culture très-facile, puisqu’il suffit de relever les tubercules avant les grands froids pour les replanter en terre franche au mois d’avril. Les fleurs qui s’épanouissent depuis la fin de juillet jusqu’aux derniers jours d’octobre, ont quelquefois jusqu’à vingt-cinq centimètres de circonférence, et présentent les couleurs les plus belles et les plus variées. Le nombre des variétés de cette belle fleur est de plus de trois cents. On en cultive, au jardin du Luxembourg, à Paris, une des plus belles collections qui se puissent voir. Les tiges ont assez communément d’un mètre à un mètre et demi de haut, et c’est quelque chose d’admirable que l’aspect de cette mer de fleurs de toutes nuances ondulant sous la brise. Il n’y a point aujourd’hui de parterre possible sans dahlias.

On nous apprend que des essais faits récemment à Chambéry, il résulte que les tubercules du dahlia, cuits d’une certaine manière, sont un mets délicieux. Mais nous avons trop de raisons de douter de la capacité culinaire de ces mangeurs de châtaignes pour prendre cela au sérieux.

DALÉA.—Plante à racines fibreuses, donnant en juillet des fleurs en épi, petites, d’un rouge violet.—Terre légère, arrosements modérés. Multiplication par graines semées en avril.

DAPHNÉ.—Arbuste de serre, d’un mètre de haut, donnant en janvier de petites fleurs vertes d’une couleur agréable.—Terre de bruyère mêlée de terre franche; arrosements fréquents, mais peu abondants. Multiplication par graines semées sur capot et sous cloche aussitôt leur maturité, et repiquées en pot.

DATURA.—Très-bel arbrisseau, dont les fleurs d’un blanc de neige s’épanouissent en août et exhalent une odeur des plus agréables.—Terre de bruyère, point d’eau l’hiver, très-peu l’été. Multiplication par marcottes.—Le moindre froid pouvant être fatal à cette jolie plante, il faut la rentrer de bonne heure, ne la sortir qu’en mai, et la placer de manière à ce que la lumière ne lui manque pas.

DIGITALE.—En août, jolies fleurs en épi, de diverses couleurs, selon la variété.—Terre franche mêlée de terreau; arrosements modérés. Multiplication par œilletons, en automne, ou par graines semées aussitôt leur maturité.

E

ÉPI DE LA VIERGE.—Fleurs à oignons, donnant en juin des fleurs blanches en étoiles ou en épi.—Terre franche mêlée de terre de bruyère; arrosements fréquents. Multiplication par caïeux séparés tous les trois ans et replantés en automne.—Plusieurs variétés, même culture.

F

FARAGELLE.—Plante à racines fibreuses. En septembre, fleurs rougeâtres.—Terre de bruyère; peu d’eau.—Multiplication par éclats au printemps.

FLEUR DE LA PASSION ou GRENADILLE BLEUE.—Arbuste dont la tige a communément sept à huit mètres de longueur; il donne, en août, des fleurs bleues d’une forme bizarre, dans lesquelles, l’imagination aidant pour beaucoup, comme il arrive toujours en pareil cas, on a cru voir tous les instruments de la Passion: couronne, lance, clous, marteau, échelle, etc. On peut former avec cet arbuste de très-jolis berceaux.—Terre légère; beaucoup d’eau. Multiplication par marcottes, boutures et rejetons.

FRAGON.—En décembre, petites fleurs blanches surgissant à la surface supérieure des feuilles, qui sont piquantes.—Terre franche, arrosements fréquents. Multiplication par graines et par éclats.

FRAXINELLE.—Plante singulière, exhalant, dans les temps chauds et secs, une sorte de gaz qui s’enflamme lorsqu’on en approche une lumière.—En juillet, de belles et grandes fleurs purpurines en grappes.—Multiplication très-facile par graines semées en août, ou par éclats faits en novembre.

G

GENTIANE.—En mai, grandes fleurs d’un bleu clair. Terre de bruyère; arrosements fréquents et abondants.—Multiplication par graines aussitôt leur maturité, ou par éclats en novembre.

GÉRANIER ou GÉRANIUM.—Joli arbuste dont on cultive un grand nombre de variétés, les unes inodores, d’autres exhalant le parfum le plus suave, et d’autres encore répandant une odeur fétide, mais rachetant ce défaut par des fleurs du plus vif éclat.—Terre franche; beaucoup d’air et de lumière; peu d’eau.—Multiplication par boutures qui demandent de grands soins: elles se font en avril, dans des pots placés sur capot et sous cloche que l’on soulève graduellement, jusqu’à ce que la plante ait acquis assez de force pour supporter l’air libre et être ensuite transplantée.

Il y a des espèces à racines tuberculeuses dont la multiplication est plus facile. On coupe les tubercules de manière à ce que chaque morceau soit pourvu d’un œil; on les plante en pot, et l’on arrose un peu.

GIROFLÉE.—Jolie plante à racines fibreuses, donnant, en juin, de belles fleurs en grappes, jaunes, blanches, rouges ou violettes, selon la variété, et exhalant une odeur très-agréable. Les principales variétés se multiplient par graines semées en terre franche mêlée de terreau; on enlève les sujets quand ils sont assez forts et on les met en place. Arrosements fréquents. Quelques variétés peuvent se reproduire par boutures, particulièrement celle appelée variable, dont les fleurs, d’abord blanches, deviennent jaunes ensuite, puis rouges. Cette dernière variété est vivace.

Nous ne parlerons pas ici de la giroflée des murailles, qui ne demande aucun soin, n’exige aucune culture: un peu de poussière, une goutte d’eau dans la fente d’un vieux mur lézardé, de l’air, du soleil et la rosée du ciel, c’est tout ce qu’il lui faut pour devenir belle et jeter autour d’elle son suave parfum. C’est encore une amie du pauvre qui se trouverait mal à son aise dans un riche parterre.

GLACIALE.—Les grosses tiges de cette plante annuelle sont garnies de globules transparents remplis d’une eau très-limpide, de telle sorte que, pendant les grandes chaleurs, elles semblent couvertes de glace. C’est là, du reste, tout son mérite, les petites fleurs blanches qu’elle donne en août étant insignifiantes.—Multiplication par graine semée en avril sur un terrain bien fumé, pour être repiquées en juin.

GLAIEUL.—Plante à oignons, fleurissant en mai; fleurs roses, blanches ou rouges, selon la variété. On lève les oignons fin de juin; on les garde dans un endroit sec jusqu’aux derniers jours de septembre. On en détache alors les caïeux qu’on replante aussitôt.—Terre franche, mêlée de terre de bruyère; arrosements modérés.

GLOBULAIRE.—En juin, fleurs bleues, petites, mais se réunissant en globe, et d’un assez joli effet. Plantes à racines fibreuses.—Terre légère.—Multiplication par éclats.

GRENADIER.—Belles fleurs rouges en août. Il se cultive en caisse comme les orangers.—Terre franche, arrosements fréquents; en serre d’octobre en avril.—Multiplication par marcottes et boutures.—Plusieurs variétés; même culture.

GUEULE DE LOUP ou MUFLIER.—Plante à racines fibreuses, dont les fleurs, paraissant en mai, sont rouges ou blanches, selon la variété, et sont en forme de mufle.—Terre franche, arrosements modérés.—Multiplication facile par graines semées en mars, ou par éclats en automne.

H

HARICOT D’ESPAGNE.—Deux espèces: l’une donnant en juin de belles fleurs rouges non odorantes; l’autre, en juin également, des fleurs plus grandes et d’une odeur agréable. Toutes deux se sèment au commencement du printemps en terre légère. L’espèce à grandes fleurs se multiplie aussi par marcottes et boutures. Cette espèce étant vivace, doit être semée en pots, afin d’être mise en serre aux premiers froids.

HÉLIOTROPE.—Arbuste donnant, de la fin de juillet en septembre, de petites fleurs violettes en bouquets d’un parfum doux et agréable.—Terre de bruyère, arrosements fréquents en été, peu ou point en hiver.—Multiplication par graines, et mieux par boutures placées sur capot et sous cloche jusqu’à parfaite reprise.

HELLÉBORE.—En février, fleurs jaunes peu odorantes. Cette plante, à racines fibreuses, ne craint pas le froid, et elle demande peu de soins; en outre, elle fleurit au milieu de l’hiver, ce qui suffit pour la faire rechercher.—Deux variétés.—Multiplication par éclats, au commencement de l’hiver.

HÉMÉROCALE.—Charmante fleur qui ressemble au lis et dont l’odeur n’est pas moins suave que celle de ce roi du parterre. Plusieurs variétés, qui, toutes, fleurissent en juin.—Terre de bruyère; arrosements modérés.—Multiplication par caïeux séparés et replantés en automne. En serre jusqu’au printemps.

HORTENSIA.—Charmant arbuste, un des plus beaux ornements d’un parterre, dont les fleurs, roses, rouges ou bleues, selon la variété, s’épanouissent et forment de grosses boules, en août.—Terre légère; beaucoup d’eau.—Multiplication par boutures, au mois d’avril. Cet arbuste ne craint pas le froid, et nous en avons en ce moment sous les yeux un massif superbe en pleine terre, à l’exposition du nord qui, depuis dix ans, n’a fait que croître et embellir. Cependant il est plus sûr de le rentrer pendant les grands froids.

I

IMMORTELLE.—Plante annuelle donnant, en août, des fleurs blanches, violettes, grises ou jaunes, selon la variété. Cette fleur doit son nom à la singulière propriété qu’elle a de conserver sa couleur et son état longtemps après qu’elle a été desséchée; et lorsque, après un certain nombre d’années, elle paraît les avoir perdus, il suffit, pour les lui faire recouvrer, de l’exposer à la vapeur du vinaigre.—Terre légère.—Multiplication par graines semées au printemps.

IRIS.—Il y a deux espèces d’iris bien distinctes, qui comptent chacune un grand nombre de variétés: ce sont l’iris à racines fibreuses et l’iris à racines bulbeuses. La première donne, en mai, de jolies fleurs bleues, roses, blanches, panachées, etc., selon la variété, et qui toutes ont une odeur des plus agréables. Elles se multiplient par éclats de racines faits en octobre.—Terre légère, arrosements fréquents.

Les variétés de l’espèce à racines bulbeuses fleurissent également en mai, et ne sont ni moins belles ni moins odorantes. Ces dernières se multiplient par caïeux détachés de l’oignon, la deuxième année, en automne, et replantés aussitôt.—Terre de bruyère; arrosements modérés.

Quelques amateurs font, des variétés de ces deux espèces, de très-belles collections.

IXIA.—Charmantes fleurs à racines bulbeuses, qui s’épanouissent en mai, et sont de couleurs diverses, selon la variété, depuis le rouge de pourpre jusqu’au blanc de neige.—Terre de bruyère; peu d’eau.—Multiplication par caïeux détachés et replantés en septembre.—En serre de novembre en avril.

J

JACINTHE.—Cette plante à oignons est l’une des plus belles et des premières qui fleurissent au printemps. Fleur d’une odeur suave et de toutes les couleurs, selon les variétés, qui ne sont pas moins nombreuses que celles des tulipes.—Multiplication par caïeux, qu’on détache dès que la plante est fanée, et qu’on laisse sécher à l’ombre pendant deux mois. En septembre, on plante les caïeux dans une bonne terre de bruyère mêlée de terreau et d’un peu de terre franche, et arrosée précédemment avec de l’eau salée; on couvre la terre de paille pendant l’hiver.—Arrosements modérés.

La jacinthe est une des fleurs qui ont la propriété de végéter dans l’eau, et l’on peut, par ce moyen, en avoir en fleurs pendant tout l’hiver dans les appartements. Le procédé est simple: on remplit d’eau légèrement salée des carafes dont le goulot est étroit et l’orifice évasé; on place un oignon de jacinthe sur chaque carafe, de manière que l’oignon se trouve à moitié plongé dans l’eau, et l’on remplit les carafes à mesure que l’eau qu’elles contiennent s’évapore ou est absorbée par la plante. Une chaleur de dix à douze degrés dans l’appartement est suffisante, et en peu de temps, chaque oignon produit une fleur qui n’est ni moins belle ni moins odorante que celle des oignons mis en terre; mais ces oignons ainsi forcés, perdent leur vertu germinative, et dès que la fleur est fanée, il faut les jeter.

JASMIN.—Très-joli arbuste, à fleurs blanches ou jaunes, d’un parfum délicieux, de juillet en septembre.—Terre franche mêlée d’un peu de terre de bruyère. De l’air, du soleil et beaucoup d’eau en été.—Multiplication par boutures, et mieux par marcottes, au printemps.

JOUBARBE.—Plante grasse donnant, en juillet, d’assez jolies fleurs rouges ou jaunes, selon la variété.—Terre légère, très-peu d’eau.—Multiplication par boutures plantées deux ou trois jours après avoir été coupées.

JULIENNE.—Espèce de giroflée donnant, en mai, des fleurs blanches en grappes d’une odeur très-forte et très-agréable. Plante bisannuelle.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par éclats, en juin.

Une autre espèce, appelée Julienne de Mahon, compte plusieurs variétés qui sont rouges, violettes, blanches, etc., et qui ont le même parfum que la julienne proprement dite. Cette dernière espèce est annuelle et se multiplie par graines semées en octobre.—Terre légère, peu d’eau.

K

KETMIE.—Il existe deux plantes de ce nom qui sont bien distinctes: l’une, le ketmie des marais, est une plante annuelle donnant, en août, de grandes fleurs blanches à onglet rouge.—Terre légère; peu d’eau.—Multiplication par graines semées au printemps.

L’autre ketmie, appelée ketmie des jardins, est un arbrisseau qui a assez ordinairement deux mètres de haut, et qui donne, en octobre, d’assez jolies fleurs de toutes couleurs, depuis le blanc jusqu’au rouge foncé, selon la variété.—Terre légère; arrosements fréquents mais peu abondants.—Multiplication par marcottes.

L

LAURIER COMMUN.—Joli arbrisseau dont les feuilles et le bois exhalent une odeur aromatique très-forte, et qui donne, en mai, des fleurs peu apparentes.—Terre franche; peu d’eau.—Multiplication par graines, et mieux par marcottes, au printemps.—En serre pendant l’hiver.

LAURIER-ROSE.—Très-joli arbuste, dont on cultive plusieurs variétés, donnant en juin et en juillet de belles fleurs roses, blanches ou jaunes, selon la variété; mais toutes sans parfum, à l’exception de deux variétés, l’une nommée laurier odorant, dont les fleurs, d’un rose très-pâle, exhalent une odeur à peu près semblable à celle de la violette, et l’autre, à fleurs blanches semi-doubles, qui ont le même parfum que l’aubépine. Toutes se cultivent de la même manière—Terre légère, peu d’eau, du soleil.—Multiplication par marcottes et rejetons au printemps.

LAURIER-TIN.—Arbrisseau toujours vert, donnant, en février, de nombreuses fleurs, blanches en dedans et rouges en dehors.—Terre franche mêlée de terre de bruyère; peu d’eau et point de soleil.—Multiplication par boutures en automne.

LILAS.—La plus belle, la plus gaie, la plus gracieuse fleur du printemps. Ce charmant arbrisseau, dont les fleurs embellissent et embaument les derniers jours d’avril et les premiers de mai, et dont le feuillage d’un beau vert ne tombe qu’en octobre, est indispensable dans un jardin, sur une terrasse bien garnie et même sur un balcon, quand ce dernier est d’une certaine étendue. Il se plaît partout, se multiplie de toutes manières, et ne demande presque aucun soin.

On en cultive plusieurs variétés: le lilas commun, grand arbrisseau qui a quelquefois de huit à neuf mètres de hauteur; le lilas varin, de deux à trois mètres de hauteur, dont les fleurs sont plus petites, mais non moins odorantes que celles du lilas commun, et le lilas de Perse, qui diffère peu du lilas varin.

La terre franche est celle qui convient le mieux au lilas.—Arrosements modérés. Lorsque les fleurs sont fanées, il est bon de les couper, à moins qu’on ne veuille recueillir de la graine, et dans ce cas il suffit d’en conserver quelques-unes.

Quelques jardiniers-fleuristes de Paris ont réussi à faire fleurir les lilas deux fois dans la même année, en avril et en août. Pour obtenir ce résultat, il suffit de couper les fleurs en mai, dès qu’elles commencent à se faner, et, vers la fin du même mois, de dépouiller l’arbrisseau de toutes ses feuilles; mais il ne résiste pas longtemps à un pareil régime; il dépérit dès la seconde année, et meurt ordinairement dans le cours de la quatrième.

LILAS DES INDES.—Arbuste toujours vert, donnant en juillet de belles fleurs d’un bleu tendre et d’un parfum doux.—Terre de bruyère mêlée de terreau; en serre pendant l’hiver; le plus d’air et de lumière possible; arrosements modérés.—Multiplication par marcottes et par graines.

LIS.-C’est le roi du parterre, et il suffit de le voir pour comprendre que les souverains de la France aient voulu qu’il figurât dans leurs armes. Beauté, grandeur, majesté, parfum enivrant, sont le partage de cette fleur superbe. On en cultive un grand nombre de variétés, parmi lesquelles nous citerons le lis de Constantinople, le lis à fleurs doubles, l’orangé, le turban, le tigre, le martagon, dont les bulbes, cuites au four, sont un mets très-agréable. Mais de tous, le lis blanc est le plus beau.

La culture de cette belle fleur ne demande que peu de soins. On met l’oignon en terre, en automne ou en mars, à quinze centimètres de profondeur environ.—Terre franche, mêlée d’un peu de terreau; arrosements modérés. Tous les deux ou trois ans, on relève les oignons, et l’on détache les caïeux, qui doivent être replantés sur-le-champ.

En plein air, le parfum du lis est délicieux; dans un appartement il est dangereux; il peut avoir de fâcheuses influences sur l’économie animale, et même causer une asphyxie complète. C’est une ressemblance de plus avec les grands de la terre, dont le contact est si souvent fatal aux petits.

LISERON SATINÉ.—Arbuste dont les fleurs, d’un rose très-tendre, s’épanouissent en août.—Terre de bruyère; peu d’eau. En serre dès les premiers froids.—Multiplication par marcottes, par boutures et par graines. Les marcottes prennent difficilement; les boutures doivent se faire vers la fin d’avril.

LOBÉLIE.—Jolie plante à racines fibreuses donnant, en août, de grandes et belles fleurs en grappes d’un beau rouge.—Terre franche; beaucoup d’eau. En serre pendant l’hiver.—Multiplication par éclats de racines à la fin de septembre, et par boutures en avril.

LUNAIRE.—Plante annuelle. En avril, fleurs en grappes blanches, rouges ou panachées, selon la variété.—Terre franche.—Multiplication par graines semées fin mars.

LUPIN.—On en cultive de deux espèces, le lupin vivace et le lupin annuel. Toutes deux fleurissent en juin. Les fleurs des vivaces, roses d’abord, deviennent bleues quand elles sont entièrement épanouies; celles du lupin annuel sont d’un beau jaune et odorantes. Les deux espèces se multiplient par graines semées fin mars.—Terre franche; arrosements modérés.

M

MARJOLAINE.—Arbuste fleurissant en juin. Fleurs blanches ou roses, selon la variété, et très-odorantes.—Terre de bruyère, peu d’eau. En serre pendant l’hiver.—Multiplication par semences, et mieux par éclats, au printemps.

MATRICAIRE.—Plante vivace, à racines fibreuses, donnant en juin de grosses fleurs blanches.—Terre franche; peu d’eau.—Multiplication par éclats, en automne ou en mars.

MÉLILOT.—En août, fleurs blanches en grappes et odorantes.—Terre franche, arrosements modérés.—Multiplication par graines semées en avril.

MÉLISSE.—En juillet, petites fleurs blanches peu remarquables.—La plante exhale une odeur de citron très-prononcée.—Terre légère; peu d’eau.—Multiplication par graines ou par éclats faits en octobre.

MILLEPERTUIS.—Plante vivace, originaire de la Chine, dont les grandes et belles fleurs jaunes s’épanouissent en octobre.—Terre de bruyère mélangée de terre franche et de terreau; arrosements modérés.—Multiplication par marcottes, boutures, éclats de racines.—En serre l’hiver.

MOURON EN ARBRE.—Petit arbuste donnant, en mai, d’assez jolies fleurs rouges. Terre légère mélangée de terreau, beaucoup d’eau.—Multiplication par marcottes et par boutures.—En serre l’hiver.

MUGUET.—Charmante fleur qui vient parfaitement sans culture dans les bois, qu’elle embaume au mois de mai. Elle ne demande donc que fort peu de soins. Terre franche et fraîche.—Multiplication par éclats de racines. Le muguet du Japon, autre espèce, dont les fleurs sont bleues et s’épanouissent à la même époque, se cultive de la même manière.

MYOSOTIS ou SOUVENEZ-VOUS DE MOI.—En avril, charmantes petites fleurs d’un beau bleu.—Terre franche; arrosements fréquents.—Multiplication par éclats.

MYRTE.—Joli arbuste, symbole de l’amour heureux, aromatique dans toutes ses parties, et donnant en août de petites fleurs blanches. Il y en a de plusieurs variétés, qui se cultivent toutes de la même manière.—Terre franche mêlée de terre de bruyère; exposition du midi; arrosements fréquents.—En serre pendant l’hiver, de manière à recevoir le plus de lumière possible.—Multiplication par rejetons, marcottes et graines.

N

NARCISSE.—Jolie plante à oignons, dont les fleurs, qui répandent un doux parfum, s’épanouissent en mai. Il y en a un assez grand nombre d’espèces, qui toutes ont plusieurs variétés. La culture est la même pour toutes. On relève les oignons vers la fin de juin; on en détache les caïeux que l’on nettoie et laisse sécher à l’ombre, dans une serre, pendant deux ou trois mois. On les replante ensuite à quatre ou cinq centimètres de profondeur.—Terre franche mélangée de terre de bruyère et de terreau; beaucoup d’eau. Les narcisses peuvent végéter dans de l’eau comme les jacinthes. (Voyez Jacinthe.)

NIGELLE.—Plante annuelle dont les fleurs, d’un beau bleu, paraissent en juillet.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par graines semées en avril.

O

ŒILLET.—Cette fleur si connue est une des plus belles qui puissent orner un parterre. On en compte un grand nombre d’espèces, et chacune a de nombreuses variétés. Quelques amateurs en font d’admirables collections.—Terre franche, mélangée de terre de bruyère et de terreau; arrosements fréquents. Toutes les espèces d’œillets se multiplient par marcottes, qui reprennent très-facilement. Mais pour obtenir des variétés, il faut avoir recours à la graine qu’on sème au printemps. On relève les plants dès qu’ils sont assez forts, et on les met en place.

De même que le lis et la violette, l’œillet a joué un rôle important dans nos discordes civiles. En 1815, par exemple, peu de jours après l’accomplissement de la seconde Restauration, l’œillet rouge devint le signe de reconnaissance des partisans de Napoléon. Par opposition, les royalistes, et particulièrement les gardes-du-corps, les pages, avaient adopté l’œillet blanc. Il y eut souvent des rencontres terribles entre les deux partis. Ils se livrèrent à Paris, sur les boulevards, des combats sérieux, et il en résulta plus d’une déplorable catastrophe. En voici une qui produisit une bien vive sensation.

Un jeune page de Louis XVIII, Jules de Saint-P..., avait pour tante la comtesse de C..., une des dames d’honneur de la duchesse d’Angoulême.

Un jour du mois d’août, le jeune page était venu voir sa tante, dans les appartements de la duchesse.

—Eh quoi! chevalier, s’écria Mme de C..., vous n’avez point d’œillet à votre boutonnière?... Les bonapartistes vous font-ils donc peur?

Comme elle achevait de prononcer ces paroles, la duchesse parut; elle avait entendu le reproche que Mme de C... venait d’adresser à son neveu, et voyant le jeune homme la rougeur sur le front, elle prit en souriant un œillet blanc dans un des beaux vases de Sèvres qui ornaient la cheminée, et le présenta à Jules.

—Votre tante vient de se montrer injuste, chevalier, lui dit-elle; nous savons bien qu’il n’y a dans votre famille que de bons Français, et que les Saint-P... sont sans peur comme sans reproche.

Le page s’inclina respectueusement, et prit la fleur:

—Merci, madame, répondit-il d’une voix fortement émue, et que votre Altesse Royale soit assurée que je m’efforcerai toujours de mériter la bonne opinion qu’elle veut bien avoir de moi.

Une heure après, le jeune page, en habit de ville, était sur le boulevard des Italiens, appelé alors boulevard de Gand, avec plusieurs de ses amis, portant tous l’œillet blanc et ayant à la main une canne à épée. Ils ne tardèrent pas à se trouver en face d’un groupe d’officiers à la demi-solde, décorés de l’œillet rouge.

—Prenez garde, messieurs, dit un de ces derniers, vous portez là une couleur qui se salit aisément.

—Et c’est pour cela que les gens de votre sorte font bien de ne pas la porter, répondit vivement le chevalier.

Des sarcasmes aux menaces la transition fut prompte; on n’avait pas échangé quatre phrases, que les épées étaient tirées. Jules s’attaqua à celui des officiers qui, le premier, l’avait apostrophé, et par malheur c’était le plus rude joûteur de tous: sang-froid, coup d’œil d’aigle, poignet de fer, rien ne lui manquait. Mais le jeune page était trop animé pour s’apercevoir de son infériorité, et s’en fût-il aperçu, qu’il n’eût pas rompu d’une semelle. Comme cela se passait en plein jour, une foule nombreuse entourait les combattants. Tout à coup une voix s’écria: «Voici les gendarmes!»

L’autorité, en effet, avait pris des mesures pour réprimer ces troubles, et une patrouille accourait pour séparer les combattants.

—Nous ne pouvons pourtant nous quitter ainsi, dit l’adversaire du chevalier; tenez, monsieur le chevalier, à l’œillet!

Le coup fut porté avec la rapidité de l’éclair. Jules, atteint en pleine poitrine, tomba sur les genoux. En ce moment les gendarmes n’étaient plus qu’à deux pas des combattants. Les officiers se retirèrent promptement, et le jeune chevalier, relevé par ses amis, plus heureux que lui, fut mis dans une voiture et conduit à l’hôtel des pages. Comme il venait de mettre pied à terre, une calèche passait; une dame seule l’occupait: c’était la comtesse de C... qui, sans faire attention à la pâleur de Jules, soutenu par ses amis, s’écria avec l’accent de l’indignation:

—Un œillet rouge!... Le malheureux nous déshonore!...

Jules, qui n’avait pas perdu connaissance, abaissa son regard sur la fleur placée à sa boutonnière, et répondit d’une voix mourante:

—Oui, madame, rouge, mais toujours pur, car c’est mon sang qui l’a teint!

La calèche s’était arrêtée; la comtesse s’élança vers son malheureux neveu.

—Mon Dieu! mon Dieu! disait-elle éperdue, c’est moi qui l’ai tué!

Et elle disait vrai, car la blessure était mortelle, et le jeune page expirait le soir même, après avoir demandé qu’on mît avec lui dans sa tombe l’œillet, présent si funeste qu’une main royale lui avait fait.

ORANGER.—Dans les pays chauds, et même en France, dans la Provence, l’oranger est un arbre de pleine terre, donnant en abondance des fruits parfumés, d’une saveur délicieuse; mais partout ailleurs on ne cultive l’oranger que comme arbre d’ornement, et pour sa fleur, si belle et d’une si suave odeur.

La culture de l’oranger présente beaucoup moins de difficultés qu’on ne le croit communément. Il se plaît dans une terre franche, mélangée de terre de bruyère et de terreau; il craint plus l’eau que le froid, et bien qu’il soit prudent de le mettre en serre d’octobre en avril, on pourrait sans danger le laisser à l’air libre tant que la température ne serait pas plus basse que quatre degrés centigrades au-dessous de zéro. Aussi, dans la serre où on le place, ne faut-il faire du feu que lorsque le froid arrive à ce point.

Vers la fin d’avril, on remet les orangers à l’air libre; il est bon alors d’en laver les grosses branches et le tronc avec de l’eau claire et une brosse, et d’en arroser abondamment le feuillage.

Tous les trois ou quatre ans au plus, il faut renouveler, au moins en grande partie, la terre dans laquelle végète l’oranger. Lorsqu’on s’aperçoit que les feuilles, ordinairement d’un beau vert, pâlissent, cela annonce que l’arbre est trop à l’étroit; que ses racines sont gênées. On a alors le choix entre deux expédients: l’un consiste à tailler les branches de manière à ce que l’arbre exige moins de subsistance; l’autre est de mettre l’oranger dans une caisse plus grande que celle où il est gêné.

L’oranger se multiplie assez facilement par marcottes et par boutures; il est aussi très-facile de le multiplier par graines: dans une terre composée comme nous l’avons dit plus haut, on plante, à une profondeur de deux centimètres et à une distance de sept à huit centimètres les uns des autres, les pépins d’une orange très-mûre et même pourrie; puis on enfonce le contenant de cette plantation dans un pot plus grand ou une caisse remplie de fumier de cheval. On le couvre d’une cloche de verre qu’on lève de temps en temps pour donner de l’air et arroser avec de l’eau tiède. Cela se fait en mars; au mois de mai on peut supprimer la cloche, et, en septembre, les plantes étant assez fortes, on les sépare pour mettre chacune dans le pot ou dans la caisse qui lui est destinée, et dont la terre doit être mélangée comme il est dit plus haut. Il est très-important, en levant ces jeunes plantes, de ne point dégarnir leurs racines de la terre qui leur est adhérente.

Les fleurs de l’oranger nouvellement cueillies sont d’un grand prix; les distillateurs, à Paris, les payent jusqu’à douze francs le kilogramme; mais les jardiniers fleuristes les font payer bien plus cher encore, quand il s’agit d’en faire une couronne de mariée; car la fleur d’oranger est l’emblème par excellence de la virginité. Et voyez comme l’épigramme se glisse partout! il n’est pas un produit de nos jardins que les fabricants de fleurs artificielles soient parvenus à imiter d’une manière plus parfaite. C’est à ce point qu’aujourd’hui presque toutes les couronnes de jeunes mariées sortent des ateliers de la rue Saint-Denis, à Paris... Mon Dieu! nous savons bien qu’elles n’en sont pas moins pures pour cela (les jeunes mariées); mais, il faut le dire, si la fraude n’est pas là d’un fâcheux augure, elle est certainement de bien mauvais goût.

OREILLES D’OURS.—C’est le nom fort laid d’une très-jolie plante dont les amateurs cultivent jusqu’à six cents variétés et dont ils font d’admirables collections. Toutes ces variétés fleurissent en avril, et leurs couleurs vives et veloutées présentent l’aspect le plus agréable. L’oreille-d’ours n’aime pas le soleil, et pourtant plus qu’une autre plante elle redoute l’humidité; aussi est-il nécessaire, pour en obtenir de beaux produits, de la cultiver en pots, afin de pouvoir, lorsque les pluies du printemps sont trop abondantes, les garantir de ce danger. Pour cela, il n’est pas nécessaire de rentrer les pots; on les couche seulement de manière que la pluie n’atteigne que les parois extérieures du vase sans pouvoir pénétrer à la racine de la plante. L’oreille-d’ours se plaît à l’exposition du nord et de l’ouest, dans une terre composée moitié de terre franche, moitié de terre de bruyère, le tout mélangé d’un peu de terreau. On n’arrose cette plante que dans les temps très-secs; encore ces arrosements doivent-ils être fort peu abondants. La multiplication s’obtient par éclats de racine; mais pour former une collection, il faut semer les graines, dès qu’elles sont mûres, en terre de bruyère et à l’ombre. Le plant étant assez fort, on le relève et on le repique, en observant une distance de dix ou douze centimètres entre chacun. On obtient ainsi toutes les variétés possibles, et lors de l’inflorescence on peut faire un choix des plus jolis.

ORNITHOGALE.—Plante bulbeuse, donnant en juin des fleurs blanches en étoile. On en cultive plusieurs variétés, de couleurs diverses, dont quelques-unes sont odorantes. Toutes se cultivent de la même manière.—Terre franche mêlée de terre de bruyère; arrosements fréquents.—Multiplication par caïeux séparés des oignons, que l’on relève tous les deux ans, en juillet. On nettoie ces caïeux, on les met sur une planche, dans un lieu sec et à l’ombre, et on les plante en octobre. C’est encore une des fleurs dont on fait collection: il y a des ornithogales indigènes et d’autres exotiques; la culture des diverses espèces est la même.

OROBE.—C’est une des plus précoces et des plus jolies fleurs printanières, jaunes ou rouges, selon la variété, qui s’épanouissent en mars.—Plante vivace, à racines fibreuses, demandant peu de soins.—Terre franche.—Multiplication par semis, ou mieux par éclats.

ORVALE ou LAMIER.—Belle plante à racines fibreuses, donnant, en avril, de grandes fleurs blanches tachetées d’un beau vert.—Terre franche.—Multiplication par éclats en octobre ou par semis en février.

OXALIDE.—Plante de serre chaude, qui fleurit en février. On en cultive plusieurs espèces, dont une seule, l’oxalide pied-de-chèvre, est odorante. Les fleurs de cette dernière sont d’un beau jaune; celles des autres espèces sont d’un rose tendre, ou blanches rayées de rouge.—Terre de bruyère; arrosements peu abondants, mais fréquents.—Multiplication par caïeux, détachés en juin et replantés en septembre.

P

PACHYSANDRE.—Plante vivace dont les fleurs, petites et d’un rose tendre, s’épanouissent en mai.—Terre de bruyère, peu d’eau.—Multiplication par rejetons ou par éclats de racines.

PAIN-DE-POURCEAU OU CYCLAME.—Les fleurs de cette plante s’épanouissent en mai, et présentent cette singularité que la partie supérieure de leur corolle regarde la terre; aussi en a-t-on fait le symbole du regret. On en cultive plusieurs espèces, dont quelques-unes ont une odeur fort agréable; mais l’aspect de ces fleurs est triste; on dirait, selon l’expression de M. de Chateaubriand, qu’elles aspirent à la tombe. Cette disposition ne justifie pourtant pas le hideux nom vulgaire qu’on leur a donné.—Terre de bruyère, peu d’eau; en serre aux premiers froids.—Multiplication par racines ou par graines semées en juin, en pots, et dont les plants doivent être relevés et repiqués au mois de mars suivant.

PANCRATIER.—On en cultive deux espèces: le pancratier maritime et le pancratier d’Illyrie. Ce sont des plantes bulbeuses fort jolies, dont les grandes fleurs blanches, qui s’épanouissent en juillet, exhalent une odeur fort agréable.—Terre de bruyère; peu d’eau.—Multiplication par caïeux détachés en septembre et replantés un mois après, de même que les oignons.

PANICAUT.—Fleurs bleues en août.—Terre fraîche; arrosements modérés.—Multiplication par rejetons, ou par graines semées au printemps.

PAQUERETTE.—Charmante petite plante vivace dont les fleurs, dès le mois d’avril, émaillent le gazon des pelouses, et qui n’ont besoin, pour s’épanouir, que d’un rayon de soleil et d’une goutte de rosée. De cette gentille petite villageoise l’éducation a fait presque une grande dame; sa parure si simple s’est nuancée de riches couleurs, et ses formes ont gagné en grâce ce qu’elles ont perdu en modestie. Par la culture, en effet, on obtient des pâquerettes doubles, blanches, rouges, roses, panachées, etc.; mais, malgré ces métamorphoses, la pâquerette se contente de peu.—Terre franche et fraîche, c’est tout ce qu’il lui faut, et il suffit, pour la multiplier à l’infini, d’en diviser les touffes au mois de mars.

PARNASSIE.—En août, fleurs blanches et jaunes, d’un aspect singulier, à cause des espèces d’écailles et de cils dont elle est garnie. Plante vivace à racines fibreuses.—Terre de bruyère; arrosements fréquents et abondants en tout temps.—Multiplication par éclats de racines, au printemps.

PAVOT.—Charmante fleur qui s’épanouit en juin, et dont la graine a des propriétés narcotiques très-puissantes et même dangereuses. On en cultive plusieurs espèces: la plus brillante est le pavot oriental, dont les fleurs, d’un rouge éclatant, atteignent une grandeur extraordinaire. C’est de cette espèce, ainsi que nous l’avons dit dans la Botanique, que l’on tire l’opium, poison d’un grand prix, et dont les effets sont si singuliers ou si terribles, selon les doses qu’on en absorbe. Pris à dose modérée, l’opium exalte au plus haut degré toutes les facultés intellectuelles: sous l’influence de cette substance, on vit en quelque sorte dans un monde nouveau et tout rempli de prodiges dont, à l’état normal, il serait impossible de se faire l’idée; l’homme d’une élocution difficile devient éloquent; le plus illettré est poète; quelques-uns parlent des langues qu’ils n’ont jamais apprises, qu’ils possèdent comme par intuition tant que l’influence de l’opium est dans sa force, et qu’ils oublient entièrement lorsque vient la réaction. Cette réaction est terrible: le regard s’éteint; une pâleur livide succède à l’animation du visage; les sens s’affaiblissent d’autant plus que la surexcitation qu’ils viennent d’éprouver a été plus violente, et le malheureux mangeur ou fumeur d’opium arrive à un état presque complet d’idiotisme, qui dure jusqu’à ce qu’une nouvelle dose de ce poison l’en fasse sortir. L’homme le mieux constitué ne résiste pas longtemps à ces alternatives d’exaltation et d’anéantissement: il vieillit vite; ses cheveux blanchissent et ses mains tremblent avant l’âge, et il touche à la caducité alors que les facultés dont la nature l’a doué devraient être dans toute leur force...

En vérité, je vous le dis, tout cela est dans une fleur, et j’en sais d’autres encore dont les propriétés sont plus redoutables...; mais c’est du pavot qu’il s’agit: cette plante annuelle se sème en mars.—Terre franche; arrosements modérés.

PENSÉE.—Cette fleur, qui fleurit en mars, n’est qu’une variété de la violette, et c’est la seule qui se plaise au soleil, où elle étale avec complaisance sa parure violette et jaune. Il faut bien lui pardonner cette ostentation, car elle n’a pas, comme sa modeste sœur, un doux parfum qui puisse faire deviner sa retraite.—Terre franche, arrosements modérés.—Multiplication par graines.

PERCE-NEIGE.—Jolie petite fleur blanche, la première qui se montre à travers le manteau glacé qui couvre assez ordinairement la terre au mois de février. Au banquet de la vie, la pauvrette ne doit apparaître qu’un instant; penchée mélancoliquement vers la terre, elle semble regretter l’obscurité d’où elle n’est sortie que pour annoncer le réveil de la nature. Ce gentil précurseur du printemps se plaît en terre franche et fraîche.—Multiplication par caïeux que l’on détache des oignons tous les deux ou trois ans, au mois de juillet.

PERVENCHE.—Si cette plante nous est chère, ce n’est pas la faute à Voltaire, comme disait Béranger, il y a quelque trente ans; mais nous devons convenir que c’est un peu la faute de Rousseau. La pervenche était, en effet, la fleur de prédilection du philosophe de Genève, auquel elle rappelait quelques jours heureux de sa jeunesse. On en a fait depuis le symbole du premier amour. C’est, en réalité, une petite fleur modeste, d’une inocuité parfaite. On en cultive deux espèces: la grande, dont la fleur, qui s’épanouit en mai, est d’un bleu d’azur, et la petite, qui est d’un rouge vif.—Terre franche, peu d’eau.—Multiplication par rejetons et par graines.

PHALANGÈRE.—Belle plante, dont les fleurs en épi, blanches ou roses, selon la variété, s’épanouissent en juillet. On en cultive de plusieurs espèces, et les fleurs de quelques-unes ressemblent, en petit, aux fleurs du lis, ce qui a fait donner à l’une d’elles le nom de lis de saint Bruno.—Terre franche, mêlée de terre de bruyère et de terreau; arrosements fréquents.—Multiplication par graines.

PHLOX.—Admirable plante vivace qui a souvent plus d’un mètre et demi de hauteur, et dont les charmantes fleurs, roses, bleues, lilas, blanches, selon la variété, doivent être mises au nombre des plus beaux ornements des jardins, de juillet en septembre.—Terre franche; arrosements abondants.—Multiplication par éclats de racines.

PHLOMIS.—Plante vivace qui fleurit en août. Ses fleurs, d’un rouge violacé, sont peu remarquables; mais cela fait nombre et jette de la variété dans un parterre. Les racines de cette plante sont bulbeuses, et on la multiplie par la séparation de ses bulbes, qu’on opère au mois d’avril, et qui doivent être replantées aussitôt.

PIED-D’ALOUETTE.—Plante annuelle, dont les fleurs en épi offrent toutes les variétés de couleurs imaginables. Rien de plus joli au mois de juin et de juillet qu’une bordure de pied-d’alouette; il n’est pas de fleur qui ajoute autant à la beauté d’un parterre, surtout lorsque les graines ayant été recueillies avec soin, on a pu mélanger les couleurs.—Terre franche mélangée de terreau; arrosements fréquents et peu abondants.—Multiplication par graines semées fin mars.

On cultive une autre espèce de pied-d’alouette, dont la tige est plus élevée que celle dont nous venons de parler, et dont les fleurs sont plus grandes. Cette dernière est vivace et peut se multiplier par éclats de racines, séparés en octobre.

PIGAMON.—La fleur de cette plante, qui s’épanouit en mai, est surtout remarquable à cause d’une aigrette de soixante étamines que portent ses pétales. On en cultive deux variétés, l’une jaune, l’autre lilas. C’est une plante vivace, à racines fibreuses, qui se plaît en terre franche et qu’on multiplie par éclats en octobre.

PIMENT.—Ce n’est pas pour ses fleurs qu’on cultive cette plante annuelle, mais pour ses fruits, qui sont au mois d’août gros comme des œufs de poule, et d’un beau rouge éclatant, et qui font un très-bel effet au milieu des fleurs qui s’épanouissent dans le cours de ce mois. Ce fruit a d’ailleurs l’avantage de pouvoir être employé en cuisine. Il est plus ardent que le poivre, dont il a, en partie, la saveur et les propriétés. Sa culture, d’ailleurs, demande peu de soins. On le sème, au printemps, en terre franche mêlée de terreau, exposition du midi; peu ou point d’eau.

PIVOINE.—On cultive deux espèces de pivoine, qui fleurissent en mai; la pivoine commune et la pivoine en arbre. La première est une plante vivace, dont les grandes et belles fleurs sont rouges, blanches ou roses, selon la variété. Elle se plaît en terre franche, demande peu de soins, et se multiplie par éclats de racines, faits en octobre.

La pivoine en arbre est un bel arbuste qui a quelquefois deux mètres de haut. Ses fleurs, grandes et roses, conservent pendant un mois entier et plus leur fraîcheur, qui est des plus suaves. La culture de cet arbuste demande quelques soins. D’abord, il doit être en pot ou en caisse, afin de pouvoir être rentré dès les premiers froids, et tant que dure l’hiver, il faut qu’il reçoive le plus de lumière possible.—Terre de bruyère, cinq dixièmes; terre franche, trois dixièmes; terreau, deux dixièmes.—Multiplication par graines, et mieux par marcottes, qui prennent très-facilement, mais qu’il ne faut sevrer que la deuxième année, afin que la plante soit vivace; levée la première année, la marcotte donnerait des fleurs; mais ce ne serait qu’une plante annuelle.

PODALYRIA.—Plante vivace, à racines fibreuses, dont les fleurs, d’un beau bleu, paraissent en juin; elles sont inodores et peu remarquables, malgré leur couleur; mais elles font nombre dans un parterre, où il faut avant tout de la variété.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par graines semées fin mars, ou par éclats de racines, au mois d’octobre.

PODOPHILLE.—Les fleurs de cette plante, à racines fibreuses, s’épanouissent en mai; elles sont blanches et présentent la forme d’un bouclier.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par rejetons ou par graines semées en mars.

POIS DE SENTEUR.—C’est encore là une de ces belles, suaves et modestes fleurs qui prodiguent leurs faveurs à quiconque leur accorde quelques brins de terre, un peu d’eau, et leur permet de recevoir un rayon de soleil. Rien de plus joli que ces fleurs veloutées, rouges, roses, bleues, blanches, qui ressemblent aux ailes des plus beaux papillons et qui répandent au loin leur enivrant parfum. Et pourtant cette délicieuse fleur est assez généralement dédaignée; c’est que, par malheur... par bonheur plutôt, elle ne coûte rien, ce qui la fait adopter par le pauvre. Elle fait, avec la capucine, le cobæa, l’ornement des fenêtres-mansardes, et il est peu de chaumières dont les chétives murailles ne lui accordent protection.

Belle et bonne, c’est aux belles et aux bonnes que nous la recommandons.—Terre franche.—Multiplication par graines semées fin mars.

POLÉMOINE.—Plante peu remarquable, donnant en mai des fleurs en bouquets, d’un rouge nuancé de bleu.—Terre franche.—Multiplication par graines ou par éclats de racines, en mars.

PRIMEVÈRE.—C’est encore une de ces plantes dont certains amateurs font des collections, à cause du nombre de variétés qu’on peut en obtenir. Les primevères offrent près de quatre cents variétés qui présentent toutes les couleurs et toutes les nuances connues et qui toutes fleurissent en avril. Cette plante se multiplie parfaitement par éclats; mais, pour obtenir des variétés, il faut avoir recours au semis, qui se fait dans les premiers jours de mars.—Terre légère et franche.

PULMONAIRE.—On cultive deux espèces de cette plante, qui ne diffèrent entre elles qu’en ce que l’une est vivace: c’est la pulmonaire de Virginie, et l’autre est annuelle: c’est la pulmonaire de Sibérie. Toutes deux donnent, en mars, de petites fleurs. Celles de la première espèce sont rouges, bleues ou blanches, selon la variété. La seconde n’a que des fleurs bleues, petites, comme celles de l’autre, mais d’un éclat plus vif.

La pulmonaire vivace se multiplie par éclats de racines, au mois d’octobre; on multiplie celle de Sibérie par graines semées aussitôt après les grands froids.—Terre légère et fraîche pour toutes deux.

PYROLE.—En juin, petites fleurs d’un rose tendre, placées par deux sur chaque pédoncule. On en cultive deux espèces: l’une odorante et l’autre inodore. Même culture pour toutes deux.—Terre de bruyère; arrosements fréquents.—Multiplication par éclats de racines, au printemps.—En serre pendant l’hiver.

R

REINE-MARGUERITE.—Les fleurs de cette plante, que l’on nomme aussi Aster de la Chine, rivalisent de beauté avec celles du dahlia, et ses variétés ne sont pas moins nombreuses. Elles s’épanouissent en juillet, et l’on en fait de brillantes collections qui offrent un aspect charmant. La culture en est excessivement facile.—Terre franche.—Multiplication par graines semées en avril. La meilleure graine est celle que la tige-mère porte à son extrémité; si on la garde un an avant de la semer, la fleur n’en est que plus belle.

Il y a un grand nombre d’espèces d’asters; les plus remarquables après la reine-marguerite sont: l’œillet-de-christ, le soyeux, le géant et le denté. Ces quatre espèces peuvent se multiplier par éclats de racines séparées en octobre.

RENONCULE.—C’est encore une des plus belles fleurs qui se puissent voir. Les faiseurs de collections en comptent près de six cents variétés qui réunissent toutes les couleurs et toutes les nuances connues, toutes... excepté le bleu. Certes, nous sommes loin du temps où les oignons de tulipes se cotaient à la banque d’Amsterdam et atteignaient des prix fabuleux. Cependant il est certain qu’un horticulteur qui serait assez heureux pour obtenir une renoncule bleue pourrait faire une rapide et brillante fortune. Quoi d’extraordinaire? N’avons-nous pas vu, il y a quelques années, la graine d’une certaine espèce de chou se vendre, rue de Richelieu, à Paris, cinq francs l’une... oui, cinq francs une seule graine, ce qui portait le produit d’un seul chou à cinquante ou soixante mille francs! L’industriel qui possédait ces graines en vendit pour un demi-million en six mois. Ce prodigieux résultat bouleversa l’esprit de ce malheureux; il devint fou et se fit sauter la cervelle.

Donc il n’existe pas de renoncules bleues, mais il en peut naître une, et c’est là le plus cher espoir de tous les amateurs qui cultivent exclusivement cette jolie fleur. Au reste, cette culture est des plus faciles. La graine, que l’on récolte en octobre, doit être gardée dans un lieu sec pendant un an et même deux ans. On la sème en automne sur une terre franche, puis on la recouvre d’une légère couche de terreau et l’on arrose fréquemment. Mais on ne multiplie les renoncules par graines que pour obtenir de nombreuses et nouvelles variétés. Lorsqu’on veut s’en tenir à la collection qu’on possède, il est plus simple de les multiplier par la séparation des griffes, qu’on replante aussitôt, ou l’année suivante. Dans ce cas, les couleurs de la fleur sont plus vives. Les renoncules fleurissent en juin; la séparation des griffes se fait vers la fin de juillet.

RÉSÉDA.—Petite plante vivace, connue de tout le monde. Ses formes n’ont rien de remarquable, mais son parfum le dispute à celui de la rose. Le réséda est vivace; on le multiplie par éclats de racines ou par semis. Toutes les terres lui sont bonnes, pourvu qu’elles ne soient pas trop sèches.

Le réséda dit en arbre n’est pas une espèce différente de celle dont nous venons de parler; on fait du réséda un arbuste en retranchant les branches inférieures, et en soutenant, à l’aide d’un tuteur, la tige qui s’élève ainsi et devient ligneuse.

RHEXIE.—Plante originaire de la Virginie, dont les grandes fleurs, d’un rouge vif s’épanouissent en juin.—Terre de bruyère; beaucoup d’eau.—Multiplication par graines semées au commencement du printemps.—En terre pendant l’hiver.

RHODODENDRON.—Bel arbrisseau d’Amérique, de deux mètres de hauteur, dont les grandes fleurs blanches, roses ou rouges, selon la variété, ont la forme d’un cornet fort évasé.—Terre de bruyère, exposition du nord; beaucoup d’eau.—Multiplication par marcottes et par graines, quand elles arrivent à parfaite maturité, ce qui est rare. On en cultive de plusieurs espèces; le rhododendron en arbre est une des plus belles, mais elle ne supporte pas le froid; elle doit être rentrée de bonne heure.

ROMARIN.—Joli arbrisseau dont la hauteur ne dépasse guère un mètre et demi, et qui forme ordinairement un buisson touffu. Ses fleurs, d’un bleu pâle, s’épanouissent au mois de février, dans la saison des bals, alors que la terre est couverte de neige et de glace. Autrefois, à cette époque de l’année, la moindre fleur était une merveille; aujourd’hui que Paris possède des jardins d’hiver où les fleurs sont aussi abondantes au mois de janvier qu’elles peuvent l’être en juin dans le plus riche parterre, le romarin est presque dédaigné... Ainsi passe la gloire de ce monde!

Le romarin, dont toutes les parties sont aromatiques, se plaît dans une terre légère, peu humide, et il se multiplie par marcottes et par boutures.

RONCE.—Voilà une pauvre plante bien calomniée par les moralistes, qui ne cessent de comparer la vie de l’homme à un sentier parsemé de ronces et d’épines! Eh! messieurs, qui savez tout et une infinité d’autres choses encore, faut-il donc vous apprendre qu’il est des ronces charmantes qui n’ont point d’épines... Et, quand elles en auraient! La rose en a bien... Nous le répétons, des ronces charmantes, sans épines, à feuilles panachées, à fleurs doubles roses et à fruits blancs. C’est un de nos travers de nous laisser prendre aux mots qui, la plupart du temps, ne servent qu’à enraciner l’erreur. Par exemple, il est arrivé qu’un naturaliste obtus a dit, a écrit que l’écrevisse marchait à reculons; eh bien! quarante siècles ne suffiront pas à détruire cette erreur. La vérité est que l’écrevisse marche comme tous les autres animaux doués des organes de la locomotion, en avant; seulement elle peut nager en arrière... Hélas! il en sera des ronces comme il en est des écrevisses, et c’est en vain que nous tentons de les réhabiliter. Mais c’est ici le cas de mettre en pratique cette belle devise: Fais ce que dois, advienne que pourra. Nous proclamons donc qu’il est des espèces de ronces fort jolies; telles sont celles à feuilles découpées, le framboisier du Canada, et quelques autres.—Terre franche et ferme; exposition du nord ou de l’ouest.—Multiplication par graines, marcottes et rejetons, au printemps: les fleurs paraissent en juillet.

ROSE D’INDE.—En septembre, grandes fleurs jaunes et blanches, selon la variété.—Terre franche.—Multiplication par semis, en mars; relever les plants et les repiquer en mai ou en juin. Beaucoup d’eau.

ROSE DE NOËL.—Plante à racines fibreuses, donnant, en février, de grandes fleurs d’un rose tendre.—Terre franche, mêlée de terre de bruyère. En serre.—Multiplication par éclats de racines, en octobre.

ROSE TRÉMIÈRE.—Grande et superbe plante de deux à trois mètres de haut, dont les larges et admirables fleurs, qui s’épanouissent en juillet, offrent toutes les couleurs et toutes les nuances. Les variétés de cette plante sont innombrables, et les collections qu’on en fait grossissent chaque année.—Terre fraîche; peu d’eau—Multiplication par graines semées dans les derniers jours d’avril.

ROSIER.—Hélas! tarde venientibus... Pardon, Mesdames, cela veut dire que les absents ont tort, ou bien que les derniers venus doivent se contenter de ce qu’ils trouvent. Or, nous venons le dernier vous parler de la rose... Oh! oui, nous le savons bien, on vous a tout dit sur la rose: on vous a fait son histoire; on vous a raconté ses qualités, ses défauts, ses mœurs, ses amours; on vous a initiées à tous ses secrets, à toutes ses métamorphoses, et vous avez vu la rose, fleur, femme, reine! Mais il n’est pas de récolte si complétement faite que le pauvre ne trouve à glaner dans le champ qui l’a produite: essayons de glaner.

On compte aujourd’hui un peu plus de deux mille espèces de roses, et nous avons entendu un savant horticulteur affirmer que quatre gros volumes in-folio en petit texte ne suffiraient pas pour rapporter ce qu’il y a seulement de plus curieux dans la culture de cette fleur. Nous l’avouerons, toutefois, nous nous défions énormément de ces prétendues curiosités visibles seulement pour ces amateurs enthousiastes bien résolus à voir des merveilles partout. Mais les deux mille et tant d’espèces existent, et c’est un fait que nous constatons, heureux que nous sommes d’avoir à constater ici quelque chose!

Puisque nous voici entré dans cette voie, nous pourrions bien, Mesdames, vous donner la nomenclature de ces espèces; mais vous en seriez quittes pour tourner rapidement le feuillet, et nous en serions pour nos frais d’érudition horticole; ce serait trop de moitié.

Nous nous contenterons donc de vous dire que les botanistes et les horticulteurs,—car ces gens-là s’entendent quelquefois,—ont divisé les rosiers en onze classes, savoir:

Les rosiers à feuilles simples,
Les rosiers FÉROCES... Oh!
Les rosiers BRACTÉOLÉS,
Les rosiers cannelles,
Les rosiers pimprenelles,
Les rosiers à cent feuilles,
Les rosiers velus,
Les rosiers rouillés,
Les rosiers CYNORRHODONS... Ouf!
Les rosiers à styles soudés,
Les rosiers BANKSIENS... Ah!

Et cela est tout rose; qui oserait le contester?... Mais cela n’empêche pas que la rose soit le chef-d’œuvre de la végétation, d’où il résulte que les rosiers sont indispensables dans un parterre, quelque peu étendu qu’il soit. Et rien n’est si facile de les y mettre et de les y faire vivre, la culture de ces arbustes étant des plus simples. Presque tous les rosiers se plaisent dans une terre franche, légère; ceux du Bengale seuls s’accommodent mieux de la terre de bruyère. Tous se multiplient par graines, rejetons, boutures, marcottes, et il n’est pas d’arbustes plus dociles à la greffe et qui se prêtent plus volontiers aux caprices de l’horticulteur.

Les plus belles roses fleurissent en juin; mais il en est pour toutes les saisons, et il n’est pas rare de voir, dans nos jardins, des roses du Bengale s’épanouir sous des flocons de neige.

RUDBECKIA.—En juillet, grandes fleurs rouges. Cette plante, à racines fibreuses, demande peu de soins.—Terre franche, arrosements modérés.—Multiplication par graines semées en avril.

S

SABLINE.—Charmantes petites fleurs blanches qui surgissent en mai du milieu d’un gazon touffu, et dont on fait de très-jolies bordures.—Terre franche; arrosements fréquents.—Multiplication par éclats de racines, en octobre, ou par graines semées fin mars.

SABOT DE VÉNUS.—Fleurs brunes, d’une forme singulière, paraissant en mai et exhalant absolument le même parfum que les fleurs d’oranger. Les pétales de cette fleur, au nombre de quatre, ressemblent parfaitement aux ailes d’un moulin à vent.—Terre de bruyère; exposition de l’ouest; arrosements fréquents.—Multiplication par graines semées en mars.

SAFRAN.—Plante bulbeuse dont les fleurs jaunes, blanches, grises ou bleues, selon la variété, s’épanouissent en février.—Terre franche, mêlée de terre de bruyère; peu d’eau.—Multiplication par caïeux, qu’il ne faut détacher que tous les trois ou quatre ans en juin et qu’on replante en juillet, en laissant entre eux une distance de cinq à six centimètres.

SAINFOIN A BOUQUET.—Plante peu remarquable, donnant en juillet des fleurs rouges en épis.—Terre légère.—Multiplication par graines semées en avril.

SANGUINAIRE.—Cette plante, originaire du Canada, ne porte qu’une seule feuille en forme de cœur, dont les nervures sont rouges. Ses fleurs, blanches et de moyenne grandeur, paraissent en avril.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par éclats de racines, en automne.

SANSÉVIÈRE.—Jolie plante donnant en mai et en août de nombreuses fleurs roses en épis, très-odorantes.—Deux espèces; même culture: terre de bruyère, peu d’eau.—Multiplication par graines semées fin mars ou par œilletons.

SARETTE.—Plante à racines fibreuses, dont les fleurs en épis, rouges ou lilas, selon la variété, paraissent en septembre et octobre.—Terre franche.—Multiplication par graines semées fin octobre, on peut aussi multiplier cette plante par éclats de racines, mais seulement quand elle a atteint une certaine force, c’est-à-dire la troisième ou la quatrième année.

SAUGE.—On en cultive plusieurs espèces qui toutes fleurissent en juillet, août, septembre et octobre. Fleurs roses, bleues ou d’un beau rouge, selon l’espèce.—même culture pour toutes: terre franche mêlée de terre de bruyère et de terreau; peu d’eau; en serre l’hiver.—Multiplication par graines semées en octobre et tenues chaudement, ou par boutures, au printemps.

SAXIFRAGE.—Très-belle plante dont on cultive plusieurs espèces, donnant toutes, en mai, de jolies fleurs rouges, blanches ou roses, selon l’espèce.—Toutes se cultivent de la même manière: terre de bruyère, en pots, afin de les mettre en serre pendant l’hiver.—Multiplication par éclats, en avril.

SCABIEUSE ou FLEUR DE VEUVE.—Jolies fleurs d’un rouge foncé, veloutées et d’un parfum très-agréable.—Terre légère.—Multiplication par graines, semées en avril. On en cultive plusieurs espèces, dont quelques-unes sont vivaces, comme la scabieuse des Alpes et la scabieuse de Crète; ces dernières peuvent se multiplier par éclats et par boutures. Toutes fleurissent en juillet.

SCEAU DE SALOMON.—Plantes à racines fibreuses, donnant, en avril, de belles fleurs blanches pendantes. Plusieurs espèces.—Même culture pour toutes: terre franche; arrosements fréquents.—Multiplication par éclats de racines en automne, ou par graines semées au commencement de mars.

SCILLE.—On en cultive de plusieurs espèces, qui toutes fleurissent en avril, mais dont les fleurs ne se ressemblent pas et qui demandent des soins différents. Plusieurs, comme la scille du Pérou, la scille maritime, la scille à deux feuilles doivent être mises en terre de bruyère et en pots pour être rentrées l’hiver. D’autres, comme la scille d’Italie, la scille agréable, qu’on appelle aussi jacinthe étoilée, se plaisent mieux en pleine terre. Les fleurs de presque toutes les espèces sont bleues; mais elles diffèrent par la forme: les unes sont en épis, d’autres en grappes, d’autres encore en ombelles, etc. Plusieurs sont inodores, quelques-unes ont un parfum à peu près semblable à celui de l’aubépine. Toutes se multiplient par caïeux, séparés des oignons tous les deux ans.

SEDUM.—Jolies fleurs rouges ou roses, en juin, d’une odeur de rose très-prononcée, cette odeur s’exhalant soit de la fleur, soit de la racine, selon la variété. Il y a pourtant quelques variétés inodores.—Terre de bruyère pour toutes; peu ou point d’eau; exposition du midi.—Multiplication par boutures, par éclats ou par graines.

SÉNEÇON.—On en cultive deux espèces qui se subdivisent en plusieurs variétés. Le séneçon d’Afrique donne de très-belles fleurs rouges, simples ou doubles, selon la variété. La variété simple se multiplie par graines semées dans les premiers jours du printemps; la variété double se multiplie par boutures. L’espèce dite à feuilles d’Adonis, dont les fleurs sont d’un beau jaune, se multiplie par éclats de racines, en octobre.

SENSITIVE.—Cette plante, connue de tout le monde, n’est remarquable que par les divers mouvements qu’elle exécute. Pendant la nuit, les feuilles de la sensitive sont accolées les unes aux autres, près des pétioles; au jour elles reprennent leur état ordinaire, comme si elles sortaient d’un profond sommeil. (V. Sommeil des Plantes, Botanique des Dames, première partie.)

La sensitive éprouve d’une manière toute particulière ce besoin que les plantes ont, plus que tous les êtres organisés, des rayons du soleil. Son feuillage en suit généralement la direction, et, en observant avec soin, on aperçoit un changement continuel de position dans toutes ses feuilles. La sensitive exécute, en outre, un mouvement de plication plus singulier: quand une feuille se ferme, soit par le contact d’un corps étranger, soit par la privation de la lumière, son pétiole se rapproche du rameau et fait avec lui un angle plus aigu qu’auparavant. Lorsque l’attouchement est très-fort, on voit successivement toutes les parties de la plante se resserrer. Néanmoins, les mouvements des folioles, des feuilles et des rameaux sont indépendants les uns des autres, et il est possible de toucher le rameau si délicatement que lui seul reçoive une impression de mouvement. Mais il faut, pour cela, qu’en se pliant, le rameau n’aille pas porter ses feuilles contre quelque autre partie de la plante, car elle s’en ressentirait au même instant. Les parties de la plante qui se sont fermées se rouvrent ensuite et reprennent le premier état; le temps nécessaire pour cela est inégal, selon la vigueur de la plante, la saison et l’heure du jour.

Jusqu’à présent on n’a pas donné une explication satisfaisante de ce phénomène, non plus que de tant d’autres mystères dont Voltaire a dit:

Réaumur, dont la main si savante et si sûre
A percé tant de fois la nuit de la nature,
M’apprendra-t-il jamais par quels subtils ressorts
L’éternel artisan fait végéter les corps?
Pourquoi l’aspic affreux, le tigre, la panthère,
N’ont jamais adouci leur cruel caractère?
Et que, reconnaissant la main qui le nourrit,
Le chien meurt en léchant le maître qu’il chérit?
D’où vient qu’avec cent pieds qui semblent inutiles,
Cet insecte tremblant traîne ses pas débiles?
Pourquoi ce ver changeant se bâtit un tombeau,
S’enterre, ressuscite avec un corps nouveau,
Et le front couronné, tout brillant d’étincelles,
S’élance dans les airs en déployant ses ailes?
Le sage Du Faï, parmi ses plants divers,
Végétaux rassemblés des bouts de l’univers,
Me dira-t-il pourquoi la tendre sensitive
Se flétrit sous nos mains, honteuse et fugitive?

Personne ne l’a dit, mais peut-être le dira-t-on quelque jour. En attendant nous dirons, nous, que la sensitive est un arbuste indispensable dans un parterre.—Terre de bruyère, peu d’eau; en serre dès les premiers froids.—Multiplication par boutures, marcottes et rejetons.

SEPTAS.—Plante à racines tubéreuses, originaire d’Amérique, mais naturalisée depuis longtemps dans notre climat.—En août, fleurs rouges en ombelles, blanches à l’intérieur.—Terre de bruyère, peu d’eau.—Multiplication par bulbes levées en octobre et mises en vente vers le milieu de mars.

SILÈNE.—C’est au genre de cette fleur qu’appartient l’attrape-mouche dont nous avons dit les propriétés dans la Botanique. A l’exception de cette sensibilité que les diverses espèces possèdent à un degré plus ou moins élevé, les silènes sont des fleurs qui n’ont rien de remarquable. Rouges ou blanches, selon la variété, ces plantes fleurissent en juin, sont annuelles et se multiplient par graines semées au printemps, en terre franche. Elles sont inodores, une seule exceptée, dont les fleurs sont d’un rouge vif, et qu’il faut mettre en pot afin de pouvoir la rentrer en hiver, cette espèce étant vivace.

SILPHIUM.—Plante vivace dont la fleur, qui s’épanouit en septembre, ressemble à celle des soleils. La tige de quelques silphiums atteint une hauteur de six mètres; mais cette fleur n’est remarquable que par son étendue.—Terre franche; arrosements modérés.—Multiplication par éclats de racines et plus sûrement par graines semées au mois d’avril.

SOLDANELLE.—C’est une petite plante des Alpes qui réunit deux avantages: elle est vivace et fleurit en mars, c’est-à-dire à l’époque où la terre est encore presque nue. Ses fleurs, rouges ou blanches, selon la variété, sont d’un effet très-agréable bien qu’elles soient petites. N’est-il pas naturel de se sentir quelque préférence pour ces pauvres petites fleurettes que font éclore les premiers rayons du doux soleil de printemps, et qui viennent les premières égayer nos regards et nous annoncer une vie nouvelle, au risque d’être anéanties avant le temps par le terrible vent du nord, qui se fait encore si fréquemment sentir à cette époque?... De grâce, Mesdames, ayez un peu de pitié pour ces petites audacieuses; donnez-leur une terre légère mêlée d’un peu de terreau; placez-les à l’exposition du midi, afin que le soleil qu’elles aiment les vivifie, et recueillez leur graine en avril ou mai pour la semer en octobre, en pots, afin de pouvoir les rentrer pendant les plus grands froids. Les soldanelles peuvent aussi se multiplier par éclats de racines.

SOLEIL.—Grande et belle plante annuelle, dont les fleurs jaunes, radiées, commencent à se montrer dans les premiers jours d’août, et n’ont pas moins, quelquefois, d’un mètre de circonférence, tandis que la tige s’élève à une hauteur de trois à quatre mètres. Cette fleur, comme presque toutes les autres, semble suivre le cours du soleil et se tourne de manière à en recevoir constamment les rayons.

Il est peu de plantes plus majestueuses que celle-là, et pourtant on la dédaigne, elle est souvent exclue des parterres où sont admises une foule d’autres qui sont bien loin d’avoir son éclat et sa majesté. D’où vient cela? Serait-ce que le soleil est une fleur inodore? Mais la tulipe, le dahlia ne sont pas plus favorisés sous ce rapport, et le dahlia, la tulipe, exigent des soins dont le soleil se passe parfaitement.—C’est, dit-on, une plante vulgaire...—Vulgaire, pourquoi? Comment! vous osez faire un crime à cette immense corolle si justement appelée soleil, de sa facilité à naître, à grandir? Il est vrai que pour une belle elle se contente de peu; un coin de cour dépavé lui suffit; que l’on jette une graine, en avril, à la place du pavé absent, c’est assez. Eh bien! c’est là, il nous semble, être belle et bonne à la fois, qualités qui se trouvent, hélas! trop rarement réunies... A ces causes, Mesdames, nous vous demandons grâce pour cette belle fleur; vous lui consacrerez quelque superbe territoire, trois ou quatre fois grand comme la main; vous l’arroserez peu ou point, et vous en recueillerez, vers la fin de septembre, la graine, grosse, abondante et délicieuse, dont vous pourrez faire d’excellent orgeat pour vos soirées.

SOUCI.—Fleurs jaunes paraissant à la fin d’avril. C’est une plante peu remarquable; mais sa culture est facile, et elle jette de la variété dans un parterre. On la multiplie par graines semées en mars sur une terre franche, et recouvertes d’un peu de terreau.—Deux espèces, l’une jaune safranée; l’autre blanche, qui a la singulière propriété de se fermer lorsque l’atmosphère est humide.—Même culture pour toutes deux.

SOWERBÉE.—Jolie plante dont la tige ressemble à un jonc, et dont les fleurs, en bouquets, d’un beau rouge pourpre, s’épanouissent en mai.—Terre de bruyère, arrosements modérés. En pots, afin de pouvoir être rentrée l’hiver.—Multiplication par graines.

SPAROXIS.—Fleurs violettes ou jaunes, selon l’espèce, grandes et belles, s’épanouissant en avril.—Terre de bruyère; peu d’eau.—Multiplication par caïeux détachés en juillet et plantés en octobre.—En serre pendant l’hiver.

SPIGÈLE.—En juin, fleurs en épis d’un beau rouge à l’extérieur et jaunes en dedans. Cette plante demande beaucoup de soins; il lui faut de la terre de bruyère pure, des arrosements peu abondants, mais fréquents.—Multiplication par graines.

SPIRÉE.—En juillet, fleurs en bouquets, simples ou doubles, blanches ou roses, odorantes ou inodores, selon l’espèce.—Terre franche, arrosements modérés.—Multiplication par graines, par tubercules, ou par éclats de racines.

STACHYS.—Jolie plante donnant, en juillet, des fleurs en épis d’un beau rouge.—Terre de bruyère mélangée de terreau; peu d’eau.—Multiplication par éclats de racines, en automne. Cette plante doit être rentrée dès les premiers froids et placée de manière à ne pas manquer de lumière.

STATICÉ.—Petites fleurs qui paraissent en juillet, rouges et néanmoins peu apparentes. On en cultive de plusieurs espèces, toutes assez délicates, et c’est à peu près leur seul mérite.—Terre légère, peu d’eau; en serre pendant l’hiver.—Multiplication par éclats de racines, en octobre, ou par graines, au printemps.

STÉVIE.—On cultive sept ou huit espèces de cette jolie plante, qui toutes sont vivaces, à l’exception d’une seule, et donnent, en juillet, de très-belles fleurs blanches, roses ou violettes.—Terre de bruyère, arrosements peu fréquents.—Multiplication par graines, semées sur capot, au printemps, pour être repiquées en juin.—En serre l’hiver.

STRAMOINE.—On en cultive de deux espèces qui diffèrent beaucoup l’une de l’autre: le stramoine cornu et le stramoine en arbre. Le premier est une fort jolie plante annuelle, dont les grandes et belles fleurs blanches, qui s’épanouissent en août, exhalent une odeur très-agréable.—Terre légère, beaucoup d’eau.—Multiplication par graines, semées au printemps.—Le stramoine en arbre est un joli arbrisseau, dont les fleurs blanches, qui paraissent également en août, ont quelquefois jusqu’à trente-cinq centimètres de longueur, et dont l’odeur est aussi des plus agréables. Cet arbrisseau exige beaucoup de soins: il lui faut une terre légère, peu d’eau, jamais de froid, beaucoup de lumière et un air fréquemment renouvelé.

SWERTIA.—Plante vivace, dont les fleurs bleues, en étoiles, paraissent en juin. Elle demande peu de soins; toute terre lui convient.—Multiplication par éclats de racines et par graines, semées en août ou septembre.

SYMPHORICARPOS.—Fleurs roses en grappes, qui s’épanouissent vers la fin de mars, et auxquelles succèdent des fruits blancs et gros comme des perles. Cette plante est d’un joli effet dans un parterre.—Terre légère, arrosements modérés.—Multiplication par éclats.

SYRINGA.—Très-bel arbrisseau, dont les jolies fleurs blanches, qui paraissent en juin, exhalent une odeur des plus agréables, mais dont l’intensité dans un appartement de peu d’étendue cause des maux de tête, et peut même asphyxier. On en cultive aussi une espèce qui est entièrement inodore.—Même culture pour toutes deux: terre franche, exposition du nord ou de l’ouest.—Multiplication par marcottes, boutures, rejetons, éclats de racines. Quoique fort joli, cet arbrisseau n’est convenablement placé que dans un jardin d’une assez grande étendue.

T

TABAC.—Nous ne sommes pas assez injuste pour ne pas le reconnaître, le tabac est une plante fort innocente en apparence, qui se multiplie par graines semées au printemps, et dont les fleurs, qui s’épanouissent en septembre, exhalent une odeur assez semblable à celle du jasmin (celles du tabac ondulé). Mais qu’est-ce que ce chétif mérite du tabac, en comparaison des maux affreux qu’il répand sur toute la surface du globe!... Nous l’avons déjà dit, le tabac est une horrible lèpre qui s’étend sans cesse, et qui est mille fois plus funeste qu’une invasion de Barbares. C’est un affreux poison qui empeste l’air que nous respirons, qui engourdit les sens, qui étouffe l’imagination. Il n’est pas de crimes, de méfaits horribles, monstrueux, que le tabac n’ait commis ou qu’il n’ait fait commettre: c’est par lui que tous les liens sociaux sont relâchés; c’est lui qui abrutit le peuple, qui déprave le goût. C’est le tabac qui rendit souvent le grand Frédéric cruel; c’est lui qui a aidé les geôliers anglais à tuer Napoléon. Grâce à lui, les plus belles dents se carient, l’haleine la plus douce devient fétide, les narines s’élargissent, se tuméfient, le regard se ternit, la voix se voile, l’appétit s’éteint; les désirs s’émoussent, la pensée s’alourdit... Et pourtant il s’est trouvé des poètes pour chanter cette nauséabonde substance!...

De grâce donc, Mesdames, point de tabac, même en fleur; on ne saurait prendre trop de soin pour se garantir des mauvaises influences.

TAGÉTÈS ou GRAND ŒILLET-D’INDE.—Grandes et belles fleurs jaunes ou blanches, simples ou doubles, selon la variété, qui s’épanouissent en septembre. C’est une fleur commune, mais d’un assez joli effet quand elle est accompagnée.—Terre légère, arrosements abondants.—Multiplication de graines, semées en avril, pour repiquer les plants en mai ou juin.

THLASPI.—Plante de serre; jolies fleurs blanches, en janvier.—Terre de bruyère, très-peu d’eau.—Multiplication par boutures et par rejetons, levés en juillet. Cette plante doit être rentrée avant les premiers froids.

THUYA.—Arbrisseau toujours vert, mais qui n’a que ce mérite. Il sert à orner les terrasses et les cours, et il ne craint ni le froid ni l’humidité.—Multiplication par boutures et par marcottes.

THYM.—Plante commune, à petites fleurs rouges, qui paraissent en juin, et qui exhalent, de même que toutes les autres parties de la plante, une odeur aromatique des plus agréables. On en cultive plusieurs variétés dont on fait surtout les bordures, à cause du peu de soin que demande cette bonne et jolie petite plante, qui se contente de la place qu’on lui accorde, du terrain dans lequel on la pose, et qui, malgré le vent et l’orage, les glaces de l’hiver et les ardeurs du soleil de l’été, ne cesse de montrer ses petites branches vertes, et de prodiguer son parfum. Par malheur, les artistes culinaires se sont emparés depuis des siècles de ce précieux aromate, et cela l’a fait dédaigner par les amateurs de fleurs. C’est une injustice criante, contre laquelle nous protestons de toutes nos forces. Depuis quand cesse-t-on d’être aimable par cela seul qu’on est utile? Nous demandons pour le thym une réhabilitation complète.—Multiplication par éclats de racines, en tout temps; mais de préférence en automne.

THYMÉLÉE DES ALPES.—Fleurs roses, qui s’épanouissent en janvier, ce qui est leur principal mérite. L’arbrisseau qui les porte ne dépasse presque jamais un mètre de hauteur.—Terre de bruyère, arrosements fréquents et peu abondants.—Multiplication par graines. On peut aussi multiplier les arbrisseaux par boutures et par marcottes; mais elles ne réussissent que difficilement.

TIGRIDIE.—Très-jolie plante à racines bulbeuses, fleurissant en août, et dont les fleurs violettes, jaunes et rouges, offrent l’aspect le plus agréable.—Terre de bruyère.—Multiplication par caïeux détachés tous les deux ou trois ans.—En serre aux premiers froids.

TRACHÉLIE.—En août, jolies petites fleurs, d’un beau bleu, qui sont d’un effet très-agréable dans un parterre. Plante vivace, qui redoute le froid.—Terre de bruyère pure, très-peu d’eau.—Multiplication par graines, semées fin septembre, sur capot et sous cloche, ou par boutures, traitées de la même manière.

TRIFOLIUM.—Bel arbuste, dont les fleurs jaunes, qui paraissent en mai, sont nombreuses et fort jolies.—Terre de bruyère, mêlée de terre franche.—Multiplication par graines, semées aussitôt leur maturité, par boutures et par marcottes.

TRILLIE.—Plante à racines fibreuses, qui fleurit en avril. Ses fleurs, d’un rouge foncé, sont peu remarquables.—Terre légère.—Multiplication par éclats de racines, en automne, ou par graines, en juin.

TRITOMA.—Grandes et belles fleurs en épis, d’un rouge éclatant, couronnant au mois d’août une tige d’un mètre de haut.—Terre de bruyère, arrosements modérés.—Multiplication par graines.

TROLLE.—En avril, les fleurs jaunes.—Terre légère, peu d’eau.—Multiplication par éclats de racines, en automne, ou par graines, semées en mars.

TUBÉREUSE.—Plante à racines bulbeuses, donnant en juillet de belles fleurs blanches en épis, d’un parfum délicieux.—Terre de bruyère, mélangée de terreau; arrosements fréquents et abondants.—Multiplication par graines.

TULIPE.—Il y a encore des amateurs qui poussent jusqu’au fanatisme l’amour de cette belle fleur, ainsi que nous l’avons dit ailleurs.

Au mois de septembre, on plante les oignons ou les caïeux, dans une terre franche, mélangée d’un peu de terreau, et bien ameublie, à la profondeur de sept à huit centimètres, et à quinze centimètres de distance les uns des autres. On arrose modérément. La fleur paraît en avril, et il faut alors, autant que possible, la garantir du soleil. Lorsque la fleur est passée, et que la tige commence à se fléchir, on arrache les oignons, que l’on nettoie avec soin; on en sépare les caïeux, et on les garde dans un endroit sec pour les replanter au mois de septembre suivant.

V

VALAIRE.—En mai, fleur d’un rouge foncé, inodores et peu remarquables.—Terre de bruyère.—En serre l’hiver.—Multiplication par graines et par éclats de racines.

VALÉRIANE.—Plante des Pyrénées, à racines fibreuses, donnant en juin des fleurs rouges, blanches ou violettes, selon la variété, et toutes d’un très-bel effet.—Terre de bruyère.—Multiplication par éclats de racines, au mois d’octobre.

VARAIRE.—C’est une assez jolie plante, qui fleurit en juin. On en cultive quatre espèces différentes: la noire, la blanche, la verte et la jaune.—Même culture pour toutes.—Terre franche, exposition de l’ouest, arrosements fréquents.—Multiplication par graines semées en avril.

VÉLAR.—En mai, fleurs jaunes peu remarquables.—Terre de bruyère.—Multiplication par graines et par éclats.

VELTHEMIA.—Belle plante de serre, qui fleurit en mars, et dont les fleurs en grappes rouges et jaunes sont d’un bel effet.—Terre de bruyère, mêlée de terreau, peu d’eau.—Multiplication par caïeux, détachés tous les deux ans, ou par graines.

VERGE D’OR.—Plante à racines fibreuses, donnant, en août, des fleurs jaunes, petites, mais nombreuses, et d’un aspect agréable.—Terre de bruyère.—Multiplication par éclats, en octobre.

VÉRONIQUE.—En août, fleurs bleues, blanches ou d’un rose pâle, selon la variété.—Terre légère, arrosements fréquents.—Multiplication par éclats de racines, en octobre, ou par graines, semées en avril.

VERVEINE DE MIQUELON.—Plante bisannuelle, dont les petites fleurs en épis, d’un beau rouge, paraissent en avril.—Terre légère.—Multiplication par graines.

VIEUSSEUXIE.—Plante à racines bulbeuses, dont les fleurs blanches, tachetées de bleu et bordées de noir, s’épanouissent en mai.—Terre de bruyère, mélangée de terreau, peu d’eau.—Multiplication par caïeux.

VIGNE-VIERGE.—Arbrisseau grimpant, dont le feuillage, d’un beau vert, forme de fort jolis berceaux.—Terre franche.—Multiplication par boutures et marcottes.

VILLARSIE.—Jolie fleur, d’un beau jaune, qui s’épanouit en juin.—Terre de bruyère et terreau, beaucoup d’eau.—Multiplication par éclats de racines.

VIOLETTE.—Charmante fleur, emblème du mérite modeste, qui pousse partout, sur la lisière d’un bois, le revers d’un fossé, au pied d’une haie, sans culture et sans soins, et qui n’annonce sa présence que par le parfum qu’elle exhale. Toute espèce de terre lui convient, et elle se multiplie par graines et par racines.

Y

YUCCA.—Arbrisseau d’un mètre de haut, garni de feuilles épaisses, du sein desquelles part une hampe qui, au mois d’août, se couvre d’une grande quantité de grandes et belles fleurs blanches, en forme de calice.—Terre de bruyère, arrosements rares.—Multiplication par boutures et par rejetons.

Z

ZINNIA.—Belles fleurs jaunes et rouges, qui s’épanouissent en octobre. Cette plante, qui est annuelle, se multiplie par graines, semées au printemps, sur terre légère, recouverte d’un peu de terreau.

Voilà, Mesdames, pour la théorie; mais la théorie n’est pas ici le beau côté de la chose. C’est dans la pratique que vous attendent les surprises agréables, les découvertes spontanées, les résultats imprévus. Il suffit de voir les fleurs pour les aimer; mais cette tendresse est bien autrement vive quand on les cultive. Cela devient souvent une véritable passion; passion chaste et pure toutefois, qui ne prépare ni regrets, ni remords, et qu’on peut avouer toujours, habituée qu’elle est à ne se loger que dans une belle âme.

CTE FŒLIX.

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