Les Phénomènes Psychiques Occultes: État Actuel de la Question
«Aucun de ces faits, dit-il (qu'il faut pourtant admettre, parce qu'on ne peut nier des faits qu'on a vus), n'est de nature à faire supposer, pour les expliquer, un monde différent de celui admis par les neuro-pathologistes. Avant tout, il ne faut pas perdre de vue que Mme Eusapia est névropathe, qu'elle reçut dans son enfance un coup au pariétal gauche, ayant produit un trou assez profond pour qu'on puisse y enfoncer un doigt, qu'elle resta sujette ensuite à des accès d'épilepsie, de catalepsie, d'hystérie, qui se produisent surtout pendant les phénomènes médianimiques; qu'elle présente enfin une remarquable obtusité du tact. C'étaient des névropathes aussi, ces médiums admirables, tels que Home, Slade, etc... Eh bien! je ne vois rien d'inadmissible à ce que, chez les hystériques et les hypnotiques, l'excitation de certains centres, qui devient puissante par suite de la paralysie de tous les autres et provoque alors une transposition et une transmission des forces psychiques, puisse aussi amener une transformation en force lumineuse ou en force motrice. On comprend ainsi comment la force, que j'appellerai cordiale ou cérébrale, d'un médium, peut, par exemple, soulever une table, tirer la barbe de quelqu'un, le battre, le caresser, phénomènes assez fréquents dans ces cas.
»Pendant la transposition des sens due à l'hystérisme, quand, par exemple, le nez et le menton voient (et c'est un fait que j'ai vu de mes yeux), alors que pendant quelques instants tous les autres sens sont paralysés, le centre cortical de la vision, qui a son siège dans le cerveau, acquiert une telle énergie qu'il se substitue à l'œil.......
»Examinons maintenant ce qui arrive quand il y a transmission de pensée. Dans certaines conditions, très rares, le mouvement cérébral, que nous appelons pensée, se transmet à une distance petite ou grande. Or, de la même manière que cette force se transmet, elle peut aussi se transformer, et la force psychique devient force motrice: il y a, dans l'écorce cérébrale, des amas de substance nerveuse (centres moteurs) qui président précisément aux mouvements et qui, étant irrités, comme chez les épileptiques, provoquent des mouvements très violents dans les organes moteurs. On m'objectera que ces mouvements spiritiques n'ont pas comme intermédiaire le muscle, qui est le moyen le plus commun de transmission des mouvements; mais la pensée, non plus, dans les cas de transmission, ne se sert plus de ses voies ordinaires de communication, qui sont la main et le larynx. Dans ce cas, pourtant, le moyen de communication est celui qui sert à toutes les énergies et qu'on peut nommer, en se servant d'une hypothèse constamment admise, l'éther, par lequel se transmettent la lumière, l'électricité. Ne voyons-nous pas l'aimant faire mouvoir le fer, sans aucun intermédiaire visible? Dans les faits spirites, le mouvement prend une forme se rapprochant davantage de la volitive, parce qu'il part d'un moteur qui est en même temps un centre psychique: l'écorce cérébrale. La grande difficulté consiste à admettre que le cerveau est l'organe de la pensée et que la pensée est un mouvement; car, du reste, en physique, il n'y a pas de difficulté à admettre que les énergies se transforment et que telle énergie motrice devient lumineuse ou calorique.
»Après l'ouvrage de M. Janet sur l'automatisme inconscient, il n'y a plus à chercher à expliquer les cas des médiums écrivains.... Lorsque la table donne réponse exacte (par exemple, quand elle dit l'âge d'une personne que celle-ci est seule à connaître), lorsqu'elle cite un vers dans une langue inconnue au médium, ce qui étonne étrangement les profanes, cela arrive parce qu'un des assistants connaît cet âge, ce nom, ce vers et y fixe sa pensée vivement concentrée, à l'occasion de la séance, et qu'il transmet ensuite sa pensée au médium qui l'exprime par ses actes, et la reflète quelquefois chez un des assistants: justement parce que la pensée est un mouvement; non seulement elle se transmet, mais encore elle se reflète. J'ai observé des cas d'hypnotisme où la pensée, non seulement se transmettait, mais se reflétait en bondissant chez une troisième personne, qui n'était ni l'agent ni le sujet, et n'avait pas été hypnotisée. C'est ce qui arrive pour la lumière et l'onde sonore....
»L'objection faite par la plupart des gens est celle-ci:
»Pourquoi le médium, Mme Eusapia, par exemple, a-t-il un pouvoir qui manque aux autres?—De cette différence avec tout le monde surgit le soupçon d'une duperie, soupçon naturel, surtout chez les âmes vulgaires, et qui est l'explication plus simple, plus dans le goût de la multitude qui évite de réfléchir, d'étudier[146]. Mais ce soupçon disparaît dans l'esprit du psychologue, vieilli dans l'examen des hystériques et des simulateurs. Il s'agit, d'ailleurs, de faits très simples et assez vulgaires (tirer la barbe, soulever la table) à peu près toujours les mêmes, et qui se répètent avec une invariable monotonie, tandis qu'un simulateur saurait les changer, en inventer de plus amusants et plus merveilleux.
»En outre, les charlatans sont très nombreux, et les médiums très rares.... Si les faits spécifiques étaient toujours simulés, ils devraient être très nombreux et non des exceptions.—Je le répète, on doit chercher la cause des phénomènes dans les conditions pathologiques du médium même... Et la grande erreur de la majorité des observateurs est d'étudier le phénomène hypnotique et non pas le terrain où il naît. Or, le médium, Mme Eusapia, présente des anomalies cérébrales très graves, d'où vient sans doute l'interruption des fonctions de quelques centres cérébraux, tandis que s'accroît l'activité d'autres centres, notamment des centres moteurs. Voilà la cause des singuliers phénomènes médianimiques. Quelquefois, les phénomènes spéciaux aux hypnotisés et aux médiums arrivent, il est vrai, chez des individus normaux, mais au moment d'une profonde émotion, chez les mourants, par exemple, qui pensent à la personne chérie avec toute l'énergie de la période préagonique. La pensée se transmet alors, sous forme d'image, et nous avons le fantôme qu'on appelle aujourd'hui hallucination véridique ou télépathique[147].
»Et justement parce que le phénomène est pathologique et extraordinaire, on le rencontre seulement dans des circonstances graves et chez des individus qui ne présentent pas une grande intelligence, du moins à l'instant de l'accès médianimique. Il est probable que dans les temps très reculés, quand le langage était à l'état embryonnaire, la transmission de la pensée était beaucoup plus fréquente et que beaucoup plus fréquents aussi étaient les phénomènes médianimiques, qu'on appelait alors magie, prophétie[148]. Mais, avec le progrès, avec le perfectionnement de l'écriture et du langage, le moyen de la transmission directe de pensée fut destiné à disparaître complètement, étant devenu inutile et même nuisible(?) et peu commode, parce qu'il trahissait les secrets et communiquait les idées avec une exactitude insuffisante. Quand l'on eut enfin compris que ces formes nécropathiques n'avaient pas l'importance qu'on leur attribuait et qu'elles étaient pathologiques et non divines, on vit diminuer et disparaître les magies, les fantômes, soi-disant miracles, qui étaient presque tous des phénomènes réels, mais médianimiques. Chez les peuples civilisés on ne rencontra plus toutes ces manifestations qu'en des cas très rares, tandis qu'elles continuent sur une vaste échelle chez les peuples sauvages(?) et les individus névropathiques.
»Etudions, observons donc, comme dans la névrose, les convulsions, l'hypnotisme, le sujet plus que le phénomène, et nous trouverons l'explication de celui-ci plus complète et moins merveilleuse qu'elle ne semblait tout d'abord. Pour le moment, défions-nous de cette prétendue finesse d'esprit qui consiste à voir partout des simulateurs et à nous croire seuls les savants, tandis que précisément cette prétention pourrait nous plonger dans l'erreur.
Lombroso.»
Turin, 12 mars 1892.
Voilà qui est parfait. Mais s'il est prudent de se défier d'une finesse d'esprit trop aiguë, l'on doit, ce nous semble, agir de même envers certaines hypothèses très brillantes, très séduisantes sans doute, mais un peu périlleuses...
La théorie du savant italien explique suffisamment certains cas; mais, sans que nous ayons besoin de les préciser, elle reste insuffisante devant d'autres...
Comme le sujet qui nous occupe semble, de par son irritant mystère, posséder, plus que tout autre, le don de susciter des théories et des hypothèses, le lecteur nous permettra de citer, en terminant, pour le bien de sa discipline intellectuelle et de la nôtre propre, les passages suivants du livre admirable et naturellement peu connu de Stallo: la Matière et la Physique moderne. En des études où les faux pas de l'esprit peuvent être si fréquents, on ne saurait trop insister sur les véritables procédés logiques.
Quand un nouveau phénomène se présente à l'homme de science ou à l'observateur ordinaire, cette question se pose à l'esprit de l'un comme de l'autre: Qu'est-ce?—et cette question signifie simplement: De quel fait connu, familier, ce fait étrange en apparence, inconnu jusqu'ici, est-il une nouvelle forme?—de quel fait connu, familier, est-il un déguisement ou une explication? Ou, en tant que l'identité partielle ou totale de plusieurs phénomènes est la base de la classification (une classe étant un certain nombre d'objets ayant une ou plusieurs propriétés en commun), on peut dire aussi que toute explication, y compris l'explication par hypothèse, est, au fond, une classification. Telle étant la nature essentielle de l'explication scientifique, dont l'hypothèse est une forme à titre d'essai, il en résulte qu'aucune hypothèse ne peut être valide, si elle n'identifie tout ou partie du phénomène qu'elle est destinée à expliquer, avec un ou plusieurs autres phénomènes préalablement observés. La première règle, la règle fondamentale de tout raisonnement hypothétique dans la science, peut formellement se résoudre en deux propositions:—la première est que toute hypothèse valide doit être une identification de deux termes: le fait à expliquer et un fait par lequel on l'explique;—et la seconde, que ce dernier fait doit être connu par l'expérience.
D'après la première de ces propositions, toute hypothèse est frivole quand elle substitue une supposition à un fait. C'est ce qu'on appelle, dans le langage scolastique, expliquer obscurum per obscurius, ou bien—la supposition étant l'expression du fait lui-même sous une autre forme, le fait répété—expliquer idem per idem. La frivolité de ces hypothèses confine à une puérilité déplorable quand elles remplacent un fait simple par plusieurs suppositions arbitraires, parmi lesquelles est le fait lui-même... Pour remplir la première condition de sa validité, une hypothèse doit mettre le fait à expliquer en relation avec un ou plusieurs autres faits, en identifiant une partie ou la totalité du premier avec une partie ou la totalité du second. Dans ce sens, on a dit, avec raison, qu'une hypothèse valide réduit le nombre des éléments non compris d'un phénomène.
Quant à la seconde condition de validité des hypothèses:
Le phénomène explicatif (c'est-à-dire celui avec lequel est identifié le phénomène à expliquer) doit être une donnée de l'expérience, elle équivaut en substance à la partie de la première regula philoso-phandi de Newton, dans laquelle il insiste sur ce point que la cause choisie pour l'explication des choses de la nature doit être une vera causa, terme qu'il ne définit pas expressément dans les Principia, mais dont le sens peut être extrait du passage suivant de son Optique: «Dire que chaque espèce de choses est douée d'une qualité spécifique occulte, par laquelle elle agit et produit des effets manifestes, c'est ne rien dire. Mais exprimer deux ou trois principes généraux du mouvement, tirés des phénomènes, et ensuite montrer comment les propriétés et actions de toutes les choses matérielles découlent de ces principes manifestes, ce serait faire un grand pas en philosophie, quand même les œuvres de ces principes ne seraient pas encore découvertes[149]....»
Telles sont les règles d'intellect, qu'en Psychologie occulte, plus encore que partout ailleurs, on devrait avoir constamment présentes, lorsqu'on aborde l'interprétation des phénomènes[150].
CONCLUSIONS
Il est certains sujets qui portent en eux-mêmes leurs conclusions: ce sont ceux qui, exempts de toute intervention, de toute opinion personnelle de l'auteur qui les traite, ne comprennent que le simple énoncé des faits. Nous avons tenu—tout le long de ces pages—à conserver rigoureusement à notre étude ce caractère d'argumentation, pour ainsi dire impersonnelle, d'argumentation par les Faits et rien que par les Faits. Nous effaçant constamment devant eux, nous les avons laissé parler à notre place. En un sujet encore aussi obscur, aussi discuté et dont les conséquences peuvent être si graves, ce système d'exactitude positive s'imposait.
Mais les documents que nous avons voulu donner comme unique soutien à notre thèse ont-ils toutes les garanties qui forment «l'éloquence des Faits»? S'ils ne les possèdent, s'ils ne peuvent pas les posséder toutes (en une science encore si neuve), ils en présentent du moins de suffisantes et, à notre avis, de décisives: d'une part le nombre, de l'autre la qualité des témoignages.—Et c'est sur ce dernier argument qu'il convient surtout d'insister.
Le savant directeur de la Revue scientifique le dit lui-même: «Il n'est pas possible que tant d'hommes distingués d'Angleterre, d'Amérique, de France, d'Allemagne, d'Italie, se soient grossièrement et lourdement trompés. Toutes les objections qu'on leur a faites, ils les avaient pesées et discutées: on ne leur a rien appris, en leur opposant soit le hasard possible, soit la fraude, et ils y avaient songé bien avant qu'on le leur ait reproché; de sorte que j'ai peine à croire que tout leur travail ait été stérile et qu'ils aient expérimenté, médité, réfléchi sur de décevantes illusions[151]».
Si donc les Phénomènes occultes ont tant de peine à se faire admettre de l'Idée contemporaine, ce n'est point surtout parce que les témoignages qui les affirment sont en quantité ou de valeur insuffisantes. Au fond—est-il besoin de le dire?—ce qui prévient les esprits contre l'Occulte, ce qui le leur rend suspect et intolérable, c'est uniquement son inconcevabilité. La question se ramène donc, en dernière analyse, à celle-ci: La concevabilité est-elle—et dans quelle mesure—une preuve de réalité possible?
On sait quels vifs débats cette question a suscités dans la philosophie contemporaine; on connaît les réponses opposées que lui ont faites Stuart Mill et ses élèves d'un côté, Whewel et Herbert Spencer de l'autre. Tandis que les premiers soutiennent que notre incapacité de concevoir une chose n'implique pas forcément son impossibilité, Whewel et Spencer affirment que ce qui est inconcevable ne peut pas être réel ou vrai. Nous n'avons pas à entrer ici dans le détail de cette discussion philosophique, d'autant que l'on n'ignore pas notre opinion à cet égard; bornons-nous donc à citer les paroles suivantes de Stallo, qui la résument exactement:
«Généralement parlant, l'inconcevabilité d'un fait physique, par suite de son désaccord avec des notions préconçues, n'est pas une preuve de son impossibilité ou de sa non-existence. Le progrès intellectuel consiste presque toujours à rectifier ou renverser de vieilles idées, dont un grand nombre ont été considérées comme évidentes, pendant de longues périodes intellectuelles... On pourrait en accumuler des exemples indéfiniment. Jusqu'à la découverte de la décomposition de l'eau, de la véritable combustion et des affinités relatives du potassium et de l'hydrogène pour l'oxygène, il était impossible de concevoir une substance qui brûlât au contact de l'eau; un des attributs reconnus de l'eau—en d'autres termes, une partie du concept d'eau—était qu'elle est le contraire du feu. Ce concept préalablement était faux, et quand il fut détruit, l'inconcevabilité d'une substance telle que le potassium disparut[152].»
Donc, puisque, d'une part, l'observation positive,—nous pensons l'avoir suffisamment montré,—de l'autre, l'analyse philosophique, loin d'infirmer la proposition mise en tête de ces pages, semblent au contraire la légitimer, nous n'hésitons pas à la prendre pour conclusion de notre travail.
Et nous répétons avec M. Richet:
«Nous avons la ferme conviction qu'il y a, mêlées aux forces connues et décrites, des forces que nous ne connaissons pas; que l'explication mécanique, simple, vulgaire, ne suffit pas à expliquer tout ce qui se passe autour de nous; en un mot qu'IL Y A DES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES OCCULTES[153].»
On s'en souvient, nous avons jugé nécessaire—non par une sotte pusillanimité intellectuelle, mais parce que l'état actuel de la question l'exigeait—d'établir des degrés, des nuances dans l'admissibilité de ces divers Phénomènes; ces réserves ne sauraient pourtant infirmer en rien la conclusion ci-dessus, la seule à retenir, et qui peut se résumer en ces quelques mots vulgaires, mais significatifs: IL Y A SUREMENT QUELQUE CHOSE.
Maintenant, et pour dire un mot des causes possibles de tout cet Absurde, parviendrons-nous à mieux connaître la plus probable[154] d'entre elles, cette «Force psychique» à peine entrevue jusqu'ici? Réussirons-nous—comme nous fîmes pour le fluide électrique—à pénétrer les modes de sa production et de son activité, à la manier selon nos désirs, en un mot, à nous l'asservir?
«Un jour viendra, dit Humboldt, où les forces qui s'exercent paisiblement dans la nature élémentaire, comme dans les cellules délicates des tissus organiques, sans que nos sens aient encore pu les découvrir, reconnues enfin, mises à profit et portées à un haut degré d'activité, prendront place dans la série indéfinie des moyens à l'aide desquels, en nous rendant maîtres de chaque domaine particulier dans l'empire de la nature, nous nous élèverons à une connaissance plus intelligente et plus animée de l'empire du monde.»
La Force psychique est-elle au nombre de ces forces, et la prédiction d'Humboldt se réalisera-t-elle à son sujet? Il serait peu philosophique de le nier, téméraire de l'affirmer.
«Assurément, les effets qu'elle a produits jusqu'à présent sont relativement faibles; mais quand Galvani s'amusait à faire danser des grenouilles, prévoyait-il qu'un siècle après, cette force, à peine perceptible qu'il venait de découvrir, éclairerait Paris?[155]»
Quel que soit son sort dans l'avenir, maintenant que l'existence de ce nouveau mode de l'Energie est à peu près démontrée, en dehors de toute erreur, en dehors de toute fraude, il faut, sans plus hésiter, le soumettre aux ordinaires procédés d'investigation scientifique, car, Sir William Thomson l'a déclaré: «La Science est tenue, par l'éternelle loi de l'honneur, à regarder en face et sans crainte tout problème qui peut franchement se présenter à elle[156].»
Or—que l'on nous permette de revenir encore sur ce point—croire que parce que certains de ces problèmes affectent des données absolument contraires à celles qui nous sont familières, ils ne sauraient exister, c'est «se faire fort par une téméraire présumption de sçavoir jusques où va la possibilité[157]», c'est, du même coup, interdire toute investigation scientifique, en dehors des régions déjà connues, c'est arrêter net l'évolution progressive de la Science. Pareilles affirmations ne peuvent être le fait que d'un imprudent oubli des leçons infligées à l'esprit de l'homme par l'histoire des sciences...
Certes, nous ne nous dissimulons pas que ces études si nouvelles nous réservent peut-être bien des déceptions. Qu'importe, s'il nous reste une chance, une seule d'atteindre à des résultats dont on peut dire que les entrevoir seulement effare l'imagination!
Non pas, cependant, que, dans leur essence, les Phénomènes occultes soient plus «merveilleux» que n'importe lequel des faits qui se passent journellement sous nos yeux. Pour tout esprit tant soit peu philosophique, les mouvements d'un objet sans contact ne constituent pas un «incompréhensible» plus profond, un prodige plus étonnant que la germination d'une simple graine. L'absurde n'est-il pas, suivant le mot de Gœthe, «la véritable âme de notre monde?» Seulement, les Phénomènes de l'Occulte sont en dehors de notre expérience journalière, ils bouleversent notre routine mentale; de plus—et c'est ce qui achève de désorbiter l'esprit—ils nous révèlent l'existence probable de nouveaux, d'inespérés éléments dans la série des Forces, ils projettent de révélatrices et aveuglantes lueurs dans les ténèbres de ces mystérieux «Au-delà» que la pensée humaine a toujours soupçonnés et jamais pénétrés...
Donc, encore un coup, et c'est ici notre seconde conclusion—corollaire logique de la première,—il est temps d'entrer et d'entrer hardiment dans ces régions de l'Occulte, trop longtemps l'apanage de la Superstition et de la Fraude; il est temps de reconnaître ce nouveau et peut-être si fertile domaine, auquel M. Lodge assigne les limites suivantes:
«Limitrophe à la fois, dit-il, à la physique et à la psychologie, cette région intermédiaire entre l'énergie et la vie, entre l'esprit et la matière, est bornée au nord par la psychologie, au sud par la physique, à l'est par la physiologie, et à l'ouest par la pathologie et la médecine..... Jusqu'à présent, nous avons trop hésité à pénétrer dans ce nouveau domaine, mais bientôt nous l'envahirons.»
Et il continue par ces paroles, qui seront les dernières de notre étude:
«Ce que nous savons n'est rien auprès de ce qui nous reste à apprendre, dit-on souvent, quoique parfois sans conviction. Pour moi, c'est la vérité la plus littérale, et vouloir restreindre notre examen aux territoires déjà à demi-conquis, c'est tromper la foi des hommes qui ont lutté pour le droit de libre examen, c'est trahir les espérances les plus légitimes de la Science.»
NOTES:
[1] Lettre à M. Dariex sur les Phénomènes psychiques, in Annales des Sciences psychiques.—No 1.
[2] Il est entendu que, pour les facilités du discours, et toute opinion sur la cause possible de ces Phénomènes mise à part, nous comprenons sous les termes de Merveilleux et de Surnaturel l'ensemble des faits contraires, en apparence, à toutes les lois naturelles connues et inexplicables par les données actuelles de la Science. Donc, pas d'équivoque.
[3] Paulhan: Le Nouveau Mysticisme (Alcan, 1891). Voir, sur ce qu'il faut penser de la sincérité de ce mysticisme, la hautaine et cinglante préface que J.-K. Huysmans a mise au précieux livre de Rémy de Gourmont: Le Latin mystique (Vanier, 1892).
[4] Paulhan: Les Hallucinations véridiques, in Revue des Deux-Mondes, 1er nov. 1892.
[5] L'Avenir de la Psychologie, in Annales des Recherches psychiques, no 6, 2e année.
[6] Charcot: La foi qui guérit (Revue hebdomadaire du 3 déc. 1892).
[7] Ch. Richet: Lettre à M. Dariex, etc.
[8] De Rochas: Les Etats profonds de l'Hypnose, page 115 (Chamuel, 1892).
[9] Voir Maury: Croyances et légendes de l'Antiquité (Didier, 1863)
[10] Voir, pour les prêtres médecins de la Grèce: Decharme, Mythologie de la Grèce antique,—et pour les guérisons du sanctuaire d'Epidaure: Reinach, Traité d'épigraphie grecque.
[11] Voir Schuré: Les grands initiés (Didier).
[12] Voir, sur la Kabbale: Munck, Système de la Kabbale. Paris, 1842. Mélanges de philosophie juive et arabe. Paris, 1859.
Ad. Franck: La Kabbale. Paris, 1889.—Papus: La Kabbale, résumé méthodique (Chamuel, 1891).
Parmi les anciens: Reuchlin. De Verbo mirifico. Bâle, 1494.—De arte cabalistica. Haguenau, 1517.—et les œuvres de Pic de la Mirandole.
[13] Voir, à ce sujet, E. Havet: Le Christianisme et ses origines.
[14] «Socrate non seulement s'imaginait recevoir des influences, des inspirations divines, mais il croyait encore, à raison de ce privilège, posséder à distance une influence semblable sur ses amis, sur ses disciples..., influence indépendante même de la parole et du regard et qui s'exerçait à travers les murailles et dans un rayon plus ou moins étendu.» (Lélut: Le démon de Socrate, 1836, p. 121.)
[15] Chassang: Apollonius de Thyane (Didier, 1862).
[16] Voy., pour les hérésies réunies sous le terme générique de gnosticisme: Matter, Histoire critique du gnosticisme. Paris, 1828-1843.—Ch. Baur: la Gnose chrétienne (all.). Tubingue, 1835.
[17] Voir le De Divinatione, de Cicéron.
[18] Voir Histoire des sciences occultes, par le comte de Résie, 1857.
[19] Voy. Jules Simon: Histoire de l'Ecole d'Alexandrie, 1844-45.—Vacherot: Histoire critique de l'Ecole d'Alexandrie.
[20] Voir Berthelot: Origines de l'Alchimie (Steinheil, 1885); Collection des anciens Alchimistes (Steinheil).
«A travers les explications mystiques et les symboles dont s'enveloppent les alchimistes, nous pouvons entrevoir les théories essentielles de leur philosophie, lesquelles se réduisent, en somme, à un petit nombre d'idées claires, plausibles, et dont certaines offrent une analogie étrange avec les conceptions de notre temps...
»Pourquoi ne pourrions-nous pas former le soufre avec l'oxygène, former le selenium et le tellure avec le soufre, par des procédés de condensation convenables? Pourquoi le tellure, le selenium ne pourraient-ils pas être changés inversement en soufre, et celui-ci, à son tour, métamorphosé en oxygène?
»Rien, en effet, ne s'y oppose a priori. Assurément, je le répète, nul ne peut affirmer que la fabrication des corps simples soit impossible a priori. La pierre philosophale n'est donc pas impossible.» (Berthelot.)
Voici ce que, de son côté, pensait Dumas: «Serait-il permis d'admettre des corps simples isomères? Cette question touche de près à la transmutation des métaux. Résolue affirmativement, elle donnerait des chances de succès à la pierre philosophale; il faut donc consulter l'expérience, et l'expérience, il faut le dire, n'est point en contradiction, jusqu'ici, avec la possibilité de la transmutation des corps simples. Elle s'oppose même à ce qu'on repousse cette idée comme une absurdité, qui serait démontrée par l'état actuel de nos connaissances».
[21] Figuier: Histoire du Merveilleux. Voir, sur cette période: La Bibliothèque diabolique, collection Bourneville (Babé).
[22] Le lecteur trouvera dans l'admirable roman de Huysmans: Là-Bas, une des œuvres littéraires les plus fortes de ces dernières années, les renseignements les plus précis sur le Satanisme au Moyen-Age et dans les temps modernes.
[23] Voir Matter: Le Mysticisme en France au temps de Fénelon (Didier).
[24] Matter: Swedenborg (Didier. 1863).
[25] Comte de Résie, loc. cit.
[26] Voir Matter: Swedenborg et les Lettres de Kant à Mlle de Knobloch.
[27] Voir, pour l'histoire du Magnétisme animal, les ouvrages de Dechambre, de Bersot et une excellente étude de Paul Richer, dans la Nouvelle Revue du 1er août 1882.—Voir aussi le Magnétisme animal, de Binet et Féré (Alcan, 1890).
[28] De la Suggestion et de ses applications.
[29] 9e des 27 Propositions de Mesmer.
[30] Voir le Fluide des magnétiseurs, réédité et annoté par M. de Rochas (Carré, 1892).
[31] Cours théorique et pratique de braidisme, publié sous le pseudonyme de Philip's.
[32] Cette force émanerait «d'un centre mystérieux et ineffable, où réside l'Être des Êtres.»
[33] Voir Plytoff: La Magie (Baillière, 1892).
[34] Voir le beau livre de Joséphin Péladan: Comment on devient Mage (Dentu, 1892), sorte de catéchisme intellectuel et moral que, par ce temps d'abject sensualisme, l'on devrait mettre entre les mains de tous les jeunes gens.
[35] Voir Matter: Saint-Martin. Le philosophe inconnu (Didier). Ad. Franck: La philosophie mystique en France au XVIIIe siècle.
[36] Donnons, pour fixer les idées à leur égard et faire cesser des équivoques souvent absurdes, une définition précise des principales Ecoles:
Magie.—Elle étudie la mise en pratique des forces occultes de la nature et de l'homme. Si ces forces sont actionnées en vue du mal ou dans un intérêt égoïste, on donne naissance à la Magie noire; si, au contraire, elles sont mises en action pour le bien et dans l'intérêt de tous, c'est la Magie blanche qui se révèle.
Alchimie.—Branche de la science occulte qui s'occupe particulièrement de l'application de la magie aux êtres inférieurs de la nature, minéraux et végétaux.
Kabbale.—Signifie tradition.—D'après certains auteurs, la Bible est incompréhensible sans une explication secrète. Cette explication aurait été donnée par Moïse à certains hommes choisis et transmise ainsi de génération en génération. Cependant, à une certaine époque, la peur de perdre la tradition aurait déterminé ses possesseurs à l'écrire, le plus symboliquement possible, du reste. De là l'origine des deux livres fondamentaux de la Kabbale: le Sepher Iesirah et le Zohar. (Ces définitions sont empruntées à Papus).
[37] La langue hébraïque restituée.—Histoire philosophique du genre humain.—Les Vers Dorés de Pythagore. (Traduction et analyse.) Tous ces ouvrages chez Chamuel.
[38] Dogme et Rituel de la haute Magie, Histoire de la Magie. Clef des Grands Mystères (Chamuel).
[39] Chimie nouvelle, Histoire dogmatique des Sciences physiques, Le Roman alchimique.
[40] Le Serpent de la Genèse, Le Temple de Satan (Chamuel).
[41] Mission des Juifs (Calmann-Lévy).
[42] Papus.—Voici ce que dit M. Paulhan des Sciences occultes: «M. Héricourt signalait récemment, à propos des travaux de M. Charles Henry, sous le fatras des Sciences occultes, la vision de l'importance des nombres et de leurs rapports pour l'explication du monde. En effet, ramener le monde à des lois générales est un but des Sciences occultes, mais ce n'est pas le seul. Une fois connues les causes des phénomènes, il faut se servir de ces découvertes pour agir sur le monde. La Magie n'est pas autre chose que la science qui permet la mise en activité, par l'initié, de l'agent universel et des différentes forces invisibles émanées de l'âme humaine, pour obtenir certains résultats pratiques.»
(Paulhan: Le Nouveau Mysticisme, page 112).
[43] Gibier: Le Spiritisme ou Fakirisme occidental (Doin, 1889).
[44] Gibier, loc. cit.
[45] Voir De Mirville: Pneumatologie.—Des esprits et de leurs manifestations diverses, 4 vol., 1863.
[46] On trouvera cet article cité tout au long dans le livre de M. Gibier.
[47] Déjà vers 1868, la Société dialectique de Londres, sous la présidence de sir Lubbock, avait étudié les Phénomènes occultes et conclu à la réalité de la Force psychique. (Voy. Gibier, loc. cit., page 250).
[48] Voir son livre: Miracle and modern spiritualism.
[49] Voir son ouvrage: Wissenschaftliche Abhandlungen, 1877-81.
[50] De Rochas: Les forces non définies (Masson, 1887).—Les Etats profonds de l'Hypnose (Chamuel, 1892).
[51] Voyez, pour tout ce qui se rapporte à l'Occultisme, la Bibliographie méthodique, publiée par la Librairie du Merveilleux (Chamuel, éditeur).
[52] Binet et Féré: Le Magnétisme animal (Alcan, 1890).
[53] Richet: Lettre à M. Dariex, in Annales des sciences psychiques, premier numéro.
[54] Marillier: Hallucinations télépathiques (Alcan, 1891).
[55] «En résumé, dit-il, je considère comme probable l'existence de deux sortes de suggestion mentale, l'une conditionnée par une exaltation des sens, exaltation relative vis-à-vis des sensations provenant du magnétiseur, ce qui constitue le rapport commun; et une autre, conditionnée par une paralysie complète des sens, avec l'exaltation tout à fait exceptionnelle du cerveau.» (La suggestion mentale, Doin 1889, page 526.)
[56] Janet: Note sur quelques phénomènes de somnambulisme; deuxième Note sur quelques phénomènes de somnambulisme. In Revue Philosophique, 1886.
[57] Voir aussi, pour le sommeil suggéré à distance, les expériences de Dusart, Dufay, Claude Perronet.
[58] Richet: La suggestion mentale et le calcul des probabilités, in Revue Philosophique (décembre 1884).—Quelques expériences sur la transmission d'une image ont été faites, en 1891, par MM. Desbeaux et Hennique. Les résultats, quoique intéressants, ne sont pas cependant assez satisfaisants pour que nous en parlions en détail. (Voir Annales des Sciences psych., no 5).
[59] Mémoires, t. I, p. 157.
[60] Paulhan, loc. cit.
[61] Voir les ouvrages de Puységur, Clocquet et Ch. Bertrand: Traité du somnambulisme, page 229; du Magnétisme en France, page 428-30.
[62] Richet: Relation de diverses expériences sur la transmission mentale, la lucidité et autres phénomènes non explicables par les données actuelles de la science.
[63] Paulhan: Les Hallucinations véridiques, in Revue des Deux-Mondes, 1er novembre 1892.
[64] Luys et Encausse: Du transfert à distance à l'aide d'une couronne aimantée. (Communication faite à la Société de Biologie, séance du 16 novembre 1890.)
[65] Voir de Rochas: Les Etats profonds de l'Hypnose (Chamuel et Carré, 1892).
[66] Gurney, Myers et Podmore: Hallucinations télépathiques; traduction Marillier.
[67] Voici les termes dans lesquels est faite cette enquête: «Vous est-il arrivé, alors que vous étiez complètement éveillé, d'éprouver l'impression nette de voir un être vivant ou un objet inanimé, sans que vous puissiez rapporter cette impression à aucune cause extérieure? Vous est-il arrivé, dans les mêmes conditions, d'éprouver l'impression nette d'être touché par un être vivant ou un objet inanimé, ou bien d'entendre une voix humaine, etc., etc.?»
Il suffit de demander à M. Dariex, 6, rue Du Bellay, à Paris, des feuilles d'observation contenant ce questionnaire détaillé.
[68] Héricourt: Annales des Sciences psychiques (no 5, 1re année).
[69] Richet: Lettre-préface des Hallucinations télépathiques.
[70] Pour les éléments de calcul, voir les Annales des Sciences psychiques (no 3, 2e année).
[71] Paulhan: Les Hallucinations véridiques, in Revue des Deux-Mondes, 1er nov. 92.
[72] Hallucinations télépathiques, traduction de Marillier, page 270.
[73] Pour plus de détails, voir l'étude de M. Paulhan citée plus haut et les Hallucinations télépathiques de Gurney, Myers et Podmore.
[74] Voir Hallucinations télépathiques, page 165 et suivantes.
[75] Chez les aliénés, notamment, la proportion des hallucinations auditives aux visuelles est comme de 3 à 1 (Esquirol). Dans son beau Traité, Brierre de Boismont attribue le 2e rang aux hallucinations visuelles. (Des Hallucinations, page 88, Baillière, 1852).
[76] Hallucinations télépathiques, page 207.
[77] On a des exemples réels de ces rêves où le dormeur a vu l'image d'une personne qui mourrait loin de là ou qui était en péril. Mais ici l'observation est particulièrement délicate. «En effet, les rêves sont souvent confus et obscurs, et la connaissance du fait réel peut, après coup, donner au souvenir une précision et une clarté que n'avait point l'image apparue. Ensuite, des millions de personnes rêvent toutes les nuits, et il n'est point étonnant que parmi ces millions et ces millions d'images qui traversent des millions d'esprits, il y en ait quelques-unes qui coïncident par hasard avec des faits réels.» Cependant, malgré ces objections, on trouvera dans le livre de MM. Gurney, Myers, etc., des exemples indéniables de Rêves véridiques. (Voyez page 97 et suivantes).
[78] Comme, en un sujet encore si discuté, on ne saurait apporter trop de preuves, nous ferons suivre chaque observation de tous les documents qui la confirment.—Les chiffres romains indiquent le numéro de l'observation dans la traduction française abrégée, les chiffres arabes ce numéro dans le livre anglais.
[79] Brierre de Boismont: Hallucinations, p. 124, 489, etc.
[80] Hallucinations télépathiques, p. 344.
[81] Voir Papus: Traité de Science Occulte.—Plytoff: la Magie.—Voir aussi Adolphe d'Assier: Essai sur l'humanité posthume.
[82] Voir, pour le mécanisme possible de cette suggestion: Ochorowicz: Suggestion mentale, p. 521.
[83] Lodge: Les problèmes actuels des Sciences physiques, in Revue Scientifique du 12 septembre 1891, p. 327.
[84] Voir les Annales des Sciences Psychiques, no 3 (1re année).
[85] Voir Annales des Sciences Psychiques, 1re année, no 5 et suivants.—Mme Henry Sidgwick: Essai sur la preuve de la clairvoyance.
[86] Voir Annales no 4, 2e année. On trouvera dans ce numéro plusieurs autres observations de ce genre.
[87] Voir: Revue politique et littéraire du 30 janvier 1875.
[88] Ces deux observations sont aussi reproduites dans les Annales des Sciences psychiques, no 2.
[89] Voir: États profonds de l'Hypnose, p. 102.
[90] «Chacune de nos pensées, dit Balfourt-Stewart, est accompagnée d'un déplacement et d'un mouvement de particules cérébrales, et il est possible d'imaginer que, de façon ou d'autre, ces mouvements soient propagés dans l'univers.»
«M. Babbage a montré, dit Jevons, que si nous avions le pouvoir de découvrir et de suivre les effets les plus minutieux de toute agitation, chaque particule de matière deviendrait un registre de tout ce qui est arrivé.»
[91] Le titre exact de cette 2e partie de notre travail serait: Phénomènes psychiques occultes à effets physiques. Il s'agit toujours d'une force encore inconnue émanant de l'organisme et agissant, non plus sur un autre organisme, mais sur des objets matériels. Le titre que nous avons choisi nous paraît cependant suffisamment clair, et il a l'avantage d'être court.
[92] Voir aussi M. l'abbé Moigno: Cosmos du 8 janvier 1854.—Comte de Gasparin: Les Tables tournantes.—Quant aux bruits spirites, on connaît déjà la bizarre interprétation anatomique qu'on leur avait donnée.
[93] Voir son livre, l'Automatisme psychologique, p. 367 et suivantes. (Alcan, 1889).
[94] Voir: le Fluide des Magnétiseurs.
[95] «.. Que les effluves de l'aimant soient sensibles à quelques organismes délicats, nous ne voyons vraiment pas ce qu'il y a là de difficile à admettre; et, comme on l'a dit, ce qu'il y a de plus étrange, c'est que, précisément, dans la grande majorité des cas du moins, l'organisme humain soit insensible à l'action de plus forts aimants. De même, il serait étrange que le corps humain lui-même échappât à cette condition physique de toute matière, d'être le support de phénomènes électriques et magnétiques.» (S. Héricourt, in Ann. des Sc. psych., 1892. no 6).
[96] Dans un ordre de faits connexes, disons que l'on sait, maintenant, qu'il existe des courants électriques dans les plantes; des expériences faites, il y a quelque temps, par M. Kunkel, l'avaient porté à en attribuer l'origine au processus purement mécanique du mouvement de l'eau. M. Haake, qui a repris la question récemment, en s'entourant de toutes sortes de précautions, arrive à des conclusions qui se résument ainsi:
1o Il n'est pas douteux que la production des courants électriques est due à des changements de matière de diverses natures, notamment à la respiration de l'oxygène et à l'assimilation de l'acide carbonique;
2o Les mouvements de l'eau peuvent avoir une part à la production des courants électriques, mais, certainement, cette part est faible. (Revue Scientifique du 21 janvier 1893, p. 88.)
[97] Voir Plytoff: La Magie. (Baillière, 1892).
[98] Gibier: Analyse des choses, p. 157.
[99] Gibier, loc. cit., p. 159.
[100] Dr Baréty: Force neurique rayonnante, vulgairement magnétisme animal. (Paris, Doin, 1882).—Disons pourtant que la force neurique du docteur Baréty diffèrerait, par certains caractères, de la force psychique de Croockes.
[101] Voir Croockes: Nouvelles expériences sur la force psychique. Traduction Alidel, Paris.
[102] Voir son livre, Daniel Douglas Home: Révélations sur ma vie surnaturelle. (Dentu, 1863).
[103] Gibier: Spiritisme occidental, p. 269.
[104] Croockes: Force psychique, p. 66 et suivantes.
[105] C'est pourquoi très souvent les médiums demandent l'obscurité et abritent leurs mains sous une table.
[106] Croockes, loc. cit, p. 147 et suivantes.
[107] Zœllner; Wissenschaftliche Abhandlungen, 1877-81. Leipzig (4 vol. in-8).
[108] Voir le Spiritisme, de M. Gibier, p. 307.
[109] Louis Lucas avait déjà observé que l'approche de certaines personnes faisait dévier l'aiguille d'un galvanomètre très sensible. (Chimie nouvelle). Mais il resterait à démontrer que ce ne sont pas les vibrations caloriques qui provoquent cette déviation.
[110] Spiritisme, p. 323.
[111] Gibier, loc. cit., p. 327, 328.
[112] Voir son livre l'Automatisme psychologique, p. 397 et suiv.
[113] Gibier, loc. cit., p. 366.
[114] Plytoff: La Magie, p. 37 et suiv. (Germer-Baillière, 1892).
[115] Nous empruntons ces documents aux Annales des Sciences Psychiques, no 5, première année.
[116] Nous verrons plus loin comment M. Lombroso essaie d'expliquer les faits dont il a été témoin.
[117] Disons, du reste, que la question des mouvements d'objets sans contact est plus que jamais à l'ordre du jour des Recherches psychiques, et qu'en Angleterre comme en France, les résultats obtenus sont des plus satisfaisants.
[118] Voir, dans les Annales des Sciences Psychiques, une étude documentée de M. Meyers, sur les Mouvements d'objets sans contact, no 4, 2e année et numéros suivants.
[119] Discours prononcé le 15 novembre 1891, au dîner offert par la Société des Electriciens.
[120] De Rochas: Les Etats profonds de l'Hypnose, p. 111, note, (Chamuel, Carré, 1892.)
[121] Jacolliot: Voyage au pays des Fakirs charmeurs.
[122] L'Inde est encore aujourd'hui, ainsi que nous l'avons dit, la terre d'élection du Merveilleux. Nous avions même pensé à lui consacrer un chapitre spécial, dans lequel nous aurions examiné les divers «miracles» produits par les Fakirs: germination d'une graine en quelques heures, sommeil cataleptique sous terre pendant des mois, etc., etc. Malheureusement, toutes ces merveilles, que nous ont énergiquement affirmées nombre de personnes qui en avaient été témoins, n'ont pas encore été soumises à un contrôle scientifique sérieux. Il y a, paraît-il, dans la péninsule gangétique, d'extraordinaires prestidigitateurs, dont il faudrait cependant distinguer les Fakirs, faiseurs de miracles. Ceux-ci, en leur qualité de membres inférieurs de la caste sacerdotale, habitent en commun des retraites situées dans le haut Tibet, d'où ils descendent, à certaines époques de l'année, pour se répandre sur les côtes. C'est aussi dans ces retraites des montagnes qu'habiteraient les fameux Mahatmas, les mystérieux et puissants Initiés dont on a tant parlé, et, sur le compte desquels on ne sait en réalité rien qui vaille. Quoi qu'il en soit, et maintenant que la Science occidentale admet, dans l'Occulte, autre chose qu'une constante supercherie, il y aurait pour des Européens, et surtout pour les médecins de la marine, d'intéressantes recherches à faire sur le Merveilleux, en ces régions.
[123] Voir, pour le détail de ces voyages aériens: la Mystique divine de l'abbé Ribet, la Mystique de Gœrres, etc.
[124] Voir son livre: De la Force psychique, p. 156 et suivantes.
[125] Dunglas Home: Révélations sur ma vie surnaturelle. Paris, 1864, p. 52-53.
[126] Il est regrettable que Home n'ait pas insisté sur le rôle de la volonté en ces phénomènes.
[127] Combien de fois, cependant, cela lui a mal réussi à ce «bon sens» si prôné. «Hélas! il n'est guère qu'une routine de l'intelligence. Le bon sens d'il y a deux mille ans était de croire que le soleil tourne autour de la terre et se couche tous les soirs dans l'Océan. Le bon sens d'il y a deux cents ans était que l'on ne peut, dans la même journée, donner de ses nouvelles à Pékin et en avoir une réponse, et cependant le bon sens d'aujourd'hui indique que l'on peut y envoyer un télégramme, réponse payée.» (Richet.—Préface de la Suggestion mentale d'Ochorowicz.)
[128] Voir Annales des Sciences Psychiques, no 4, 2e année.
[129] Annales, même numéro.
[130] Voir Annales des Sc. Psych., no 6, 2e année: Phénomènes étranges du château du T.....
[131] Croockes: Force psychique, p. 161, 162, 163.—Ne nous récrions pas trop: Oserait-on affirmer, demandons-nous encore, que toutes les modalités de la matière nous sont connues?
[132] Croockes: Force psychique. Appendice. Extrait du Spiritualiste, 29 mai 1874.
[133] On trouvera le détail des expériences de ces auteurs dans un ouvrage tout récemment paru et très complet: Le Phénomène spirite, par Gabriel Delanne (Chamuel, 1893).
[134] Opinion qui a cours aussi en ce qui concerne Croockes.... Elle est si commode! Grâce à elle, on évite si aisément les courbatures cérébrales que l'on attraperait, à vouloir réfléchir sérieusement sur ces histoires-là!
[135] On trouvera, dans le livre de M. Croockes (pag. 172 et suiv.), un fait à peu près analogue: en présence de plusieurs personnes et de M. Croockes lui-même, «une tige d'herbe de Chine» traversa une table...
[136] Voilà un reproche que—nos lecteurs en conviendront—l'on ne saurait adresser au scrupuleux directeur de la Revue Scientifique.
[137] Ce rapprochement, M. de Rochas en légitime plus que personne la supposition et l'espoir, lorsqu'il nous révèle, dans ses Etats profonds de l'Hypnose, quelques-uns des étonnants et nombreux mystères que recèle encore l'Hypnotisme; il nous donne même la quasi-certitude que celui-ci n'est, comme il le dit, que «le vestibule d'un vaste et merveilleux édifice.»
[138] Journal du Magnétisme. 1851, 79.
[139] Chevillard: Etudes expérimentales sur certains phénomènes nerveux, et solution rationnelle du problème spirite. 1875.
[140] Voy. son livre: l'Automatisme psychologique, p. 404 et suiv.
[141] Cela revient à chercher si, déjà, dans les phénomènes de l'Hypnose, ce «quelque chose» d'inconnu, que l'on a nommé Force psychique, n'intervient pas.
[142] Voy. Papus: Traité méthodique de Science occulte, p. 867 et suiv.
[143] Voir plus bas l'opinion de M. Lombroso à ce sujet.
[144] Dariex: De l'expérimentation dans les Phénomènes psychiques, Annales des Sciences psychiques, no 6, 1re année. L'un des plus célèbres médiums-imposteurs que l'on connaisse est celui qui, sous les noms de Cagliostro et de Joseph Balsamo, fit tant de bruit à la fin du XVIIIe siècle. Voy. le curieux passage que, dans ses Mémoires, Gœthe consacre à cet aventurier sicilien et à sa famille, qui valait mieux que lui. (Gœthe: Mémoires, tome II, page 140 et suiv. Charpentier, 1885).
[145] Voyez: Croockes: Force psychique, p. 174 et suiv.—Gibier: Spiritisme, p. 310 et suiv.
[146] Disons mieux, cette multitude dont parle M. Lombroso—et non toujours la plus vulgaire—a non seulement de l'indifférence, mais encore, souvent, de la haine pour l'idée.
[147] Et lorsque l'image de l'agent se manifeste alors que celui-ci ne court aucun danger et ne pense pas du tout au sujet?
[148] Avancer que lorsque la Magie était florissante, le langage était encore à l'état embryonnaire, nous semble un peu hasardé.
[149] Stallo: La Matière et la Physique moderne. (Alcan, 1884), p. 77 et suiv.
[150] Deux essais d'explication scientifique des Phénomènes psychiques occultes viennent d'être récemment tentés, l'un par M. Durand (de Gros), dans son Merveilleux scientifique (Paris, Alcan, 1894), l'autre par le docteur Fugairon, dans son Essai sur les Phénomènes électriques des êtres vivants (Paris, Chamuel. 1894). Nous ne saurions trop recommander à nos lecteurs l'étude attentive de ces deux savants ouvrages.
[151] Richet: L'Avenir de la Psychologie, in Annales des Sciences psychiques, no 6, 2me année.
[152] Stallo, loc. cit., p. 109 et suiv.
Nous l'avons dit: la seule notion des Phénomènes que nous venons d'étudier confine aux questions les plus élevées, suggère les plus transcendants problèmes. C'est ainsi que l'on se demande si de la solution de cette nouvelle et si grave Inconnue ne pourra pas résulter—entre autres conséquences—la défaite ou le triomphe définitifs de l'un ou de l'autre des deux grands systèmes en présence: le Matérialisme et le Spiritualisme.
«L'on doit affirmer que la matière, quelle qu'elle soit, est munie, pourvue et formée de telle sorte que toute vertu, toute essence, tout acte et tout mouvement peuvent en être des conséquences ou des émanations naturelles[152-a].»
Cette affirmation de Bacon, la Psychologie occulte la confirmera-t-elle? ou bien en sera-t-elle la réfutation aussi décisive qu'imprévue? La fameuse déclaration de Tyndall ne saurait suffire à décider notre opinion:
«Mettant bas tout déguisement, dit-il, voici l'aveu que je crois de voir faire devant vous: quand je jette un regard en arrière sur les limites de l'expérience expérimentale, je discerne au sein de cette matière—que, dans notre ignorance et tout en proclamant notre respect pour son Créateur, nous avons jusqu'ici couverte d'opprobre,—la promesse et la puissance de toutes les formes et de toutes les qualités de la vie[152-b].»
Disons-le encore une fois: Nul ne peut affirmer dès maintenant connues toutes les modalités de la Matière et de la Force; nul, non plus, ne peut certifier que ces deux concepts (en réalité ce n'est pas autre chose) suffisent et suffiront toujours à tout expliquer....
[152-a] Discours inaugural prononcé, en août 1874, au Congrès de l'Association britannique, à Belfast.
[152-b] Bacon: De Princ. atque Orig. Opp. éd. Bohn, vol. II, p. 691.
[153] Ch. Richet: Lettre de M. Dariex, Ann. des Sciences Psychiques, no 1, 1re année.
[154] Au moins, pour une partie des Phénomènes psychiques, sinon pour tous.
[155] De Rochas.
[156] Discours prononcé, en 1871, devant l'Association britannique, à Edimbourg.
[157] Montaigne: Essais.—C'est folie de rapporter le vray et le faulx au jugement de notre suffisance.
TABLE DES MATIÈRES
| Pages | |
| Préambule | v | 
| Introduction | vii | 
| Historique | 17 | 
| Division du sujet | 41 | 
| PREMIÈRE PARTIE PREMIÈRE CLASSE—PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES OCCULTES  | 
|
|---|---|
| Premier genre.—Télépathie | 45 | 
| A.—Hallucinations télépathiques visuelles | 63 | 
| B.—Hallucinations télépathiques auditives | 73 | 
| C.—Hallucinations télépathiques tactiles | 81 | 
| D.—Hallucinations télépathiques réciproques | 89 | 
| E.—Hallucinations télépathiques collectives | 92 | 
| Deuxième genre.—Lucidité ou clairvoyance | 100 | 
| Troisième genre.—Pressentiment | 112 | 
| DEUXIÈME PARTIE DEUXIÈME CLASSE—PHÉNOMÈNES PHYSIQUES OCCULTES  | 
|
| I. De la force psychique | 125 | 
| Lévitation | 154 | 
| II. Phénomènes divers | 161 | 
| 1o Phénomènes se produisant sans l'intervention reconnue d'un médium | 164 | 
| 2o Matérialisations | 172 | 
| 3o Expériences de Milan | |
| III. Des médiums | 202 | 
| IV. Théories émises pour expliquer les divers phénomènes occultes | 210 | 
| Conclusions | 218 | 
Librairie Camille COULET, Éditeur.
VIENT DE PARAITRE
TRAITÉ PRATIQUE
DES
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
PAR
| J. GRASSET | G. RAUZIER | |
| Correspondant de l'Académie | Professeur agrégé | |
| de Médecine | Chargé du cours de pathologie | |
| Professeur de clinique médicale | interne | |
| à la Faculté de Médecine de Montpellier | ||
QUATRIÈME ÉDITION
Revue et considérablement augmentée
AVEC 122 FIGURES DANS LE TEXTE ET 33 PLANCHES
DONT 15 EN CHROMO ET 10 EN HÉLIOGRAVURE
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