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Les pornographes sacrés: La confession et les confesseurs: Appendice: Pieuses exhortations, par Monseigneur Claret; Mœchialogie, par le R. P. Debreyne; Compendium; et les Diaconales, par Monseigneur Bouvier

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LA CONFESSION
ET
LES CONFESSEURS

Une supposition. Reportons-nous à l’année 1869. Imaginez-vous ceci : — Tropmann vient de commettre son horrible crime. Il va trouver un juge d’instruction et lui dit : « Monsieur, je viens d’assassiner toute une famille : sept personnes, dans le but de m’approprier quelques billets de banque. » Le magistrat répond : « Mon bon ami, mon cher enfant, donnez-moi donc, je vous prie, le produit de votre crime ; j’en ferai un bon usage, et, pour tout le monde, ce sera comme si vous n’aviez jamais tué un lapin. Allez, mon fils, allez, j’efface votre meurtre abominable ; vous êtes, maintenant, aussi pur que le plus parfait honnête homme. Allez, je vous déclare innocent. » Le juge encaisse l’argent de Tropmann, et Tropmann n’est pas poursuivi ; il peut même recommencer ses exploits, assassiner une nouvelle famille Kinck.

Tel est le sacrement de pénitence, qui est le principe de ce qu’on appelle la confession.

Un monsieur, qui s’intitule prêtre, se donne le droit d’innocenter les plus grands coupables, à la condition qu’il se soumettront à une pénitence toujours très commode pour le criminel et surtout très lucrative pour M. le Curé.

On peut commettre tous les crimes, assassiner père et mère, se passer les fantaisies de Monseigneur Maret et de M. le comte de Germiny, détrousser un garçon de recettes et le larder de coups de couteau ; on peut accomplir les plus exécrables forfaits, se souiller des turpitudes les plus obscènes, et les plus dégradantes ; en sortant du confessionnal, on est, d’après l’Église, plus innocent que le bébé qui vient de naître. Une fois l’absolution donnée par le confesseur, Dumollard devient un archange, et Tropmann se transforme en un vrai petit chérubin. — Vous pouvez leur donner vos filles en mariage.

Par la confession, on est sanctifié en raison même de ses crimes. Ainsi : plus un ignorantin se vautre dans les infamies, plus il a besoin de se confesser, plus il se confesse, et plus il est pur.

Voilà la morale de l’Église catholique à laquelle la Chambre vote chaque année un budget de cinquante à cinquante-cinq millions. Autant vaudrait établir un budget pour subventionner les Tropmann et les Dumollard ; ce serait aussi logique.

Si un magistrat s’était comporté à l’égard de Tropmann comme je viens d’en faire la supposition en commençant, il n’y aurait eu en France qu’une voix pour le conspuer et le flétrir. Ce magistrat, si commode pour les assassins, aurait été plus scélérat que les plus odieux meurtriers, n’est-ce pas ? Eh bien, le prêtre, qui absout le vol, est plus gredin que les voleurs ; le prêtre, qui bénit les assassins, est le dernier des scélérats. Nul homme, en matière criminelle, n’a le droit de substituer son jugement personnel au jugement de la société.

*
*  *

Je sais bien ce que me répondront les défenseurs du catholicisme.

Ils me diront : — Vous faites de l’exception la généralité. Tous ceux qui vont s’agenouiller au tribunal de la pénitence n’ont pas sur la conscience des meurtres et des viols. La confession n’a pas été instituée pour l’absolution unique des criminels. Il est telle faute légère, tel manquement aux prescriptions de l’Église dont le confesseur relève le pénitent. Or, la pratique constante de la confession est un bien pour les petits coupables, pour les hommes que le crime n’a point pervertis, en ce qu’elle les met sans cesse face à face avec leurs fautes, leur en fait honte et les en déshabitue.

Je répliquerai : — D’abord, il ne me paraît pas prouvé que la confession ait un effet salutaire, même au point de vue des petites fautes. Il me paraît, au contraire, qu’un examen de conscience régulier ne doit pas être une tâche bien lourde pour celui qui s’y livre périodiquement ; car la confession ainsi pratiquée arrive à n’être plus qu’un acte machinal.

Plus la confession est fréquente, plus elle devient banale, plus le pénitent s’habitue à ses passions, à ses défauts, à ses vices.

Quant aux manquements aux prescriptions de l’Église, je ne m’en soucie guère. Il est possible que la perspective d’une confession désagréable à faire empêche un marguillier de manquer la messe le dimanche ; mais il faut envisager les choses de plus haut. Nous n’avons pas à nous arrêter à ces vétilles ; dire le chapelet ou ne pas le dire n’a aucun rapport avec l’honnêteté. Les pratiques de dévotion relèvent simplement du bon sens, et le bon sens a depuis longtemps condamné toutes ces grimaces, toutes ces singeries.

Au XVIIe siècle, les théologiens catholiques agitèrent une question très grave : il s’agissait de savoir si un bouillon pris en lavement rompait le jeûne.

Vous savez, ou vous ne savez pas, que pour manger le bon Dieu, il faut être à jeun. Le Tout-Puissant est un bifteck qui demande à n’être précédé dans l’estomac des fidèles par aucun potage gras ou maigre. Une fois le bon Dieu avalé, on peut lui verser de la sauce par-dessus ; mais avant l’engloutissement du personnage, défense de se garnir l’intérieur de la moindre julienne ou du plus mince radis. Une goutte d’eau seulement, absorbée avant le divin pain à cacheter, constitue un péché mortel.

Or, tous les dévots ne se lèvent pas de bon matin ; beaucoup de grandes dames ne vont le dimanche qu’à la grand’messe, qui est celle où l’on exhibe les belles toilettes. Et puis, il y a les vieux curés de rebut, qui sont chargés de la messe de midi. Tout ce monde-là avale le bon Dieu entre dix heures du matin et midi et demi. Or, garder le jeûne jusqu’à ce moment tardif n’a rien d’agréable.

C’est alors que les vieux curés avaient imaginé de prendre avant la messe un bouillon en lavement. Ça les soutenait jusqu’à midi, les pauvres vieux ! Seulement, voilà, les évêques ont mis le nez dans l’affaire, en disant : « Pas de ça ! mon bel ami, avec votre lavement roublard vous allez contre les prescriptions de l’Église. » — Les curés qui tenaient à leur clystère se sont rebiffés.

« Si nous le prenions par en haut, ont-ils répondu, oui, ça gênerait le Père Éternel ; mais par en bas, qu’est-ce que ça peut lui faire ? »

Alors, il y a eu des évêques qui n’ont pas voulu entendre de cette oreille. On a examiné le cas : à savoir, si la Sainte-Trinité et le clystère nutritif avaient des chances de se rencontrer dans le tube des communiants. On fit appel aux lumières de la Faculté. On écrivit beaucoup de livres pour et contre le lavement d’avant la communion. Bref, cette dispute, qui est absolument historique, a duré un bon quart de siècle et a finalement été tranchée par le pape, seul juge souverain et compétent.

Conclusion : le clystère est défendu.

Aussi, maintenant, nos vieilles dévotes qui ne veulent pas faire une communion coupable sont obligées de se tenir à jeun, dans le sens absolu du mot ; car, si elles se laissaient aller à manœuvrer un piston sacrilège avant de recevoir leur doux Jésus, elles commettraient un péché monstrueux dont il leur faudrait rendre compte au confessionnal.

Les curés ramollis et les vieilles dévotes, voilà les natures sur lesquelles le sacrement de pénitence exerce une action efficace, et encore est-ce à propos des particularités théologiques qui sont le bagage grotesque de la religion.

On conviendra que, dans cet ordre d’idées, l’efficacité de la confession nous préoccupe peu.

Ce qu’il est intéressant pour nous de savoir, c’est si la confession convertit les criminels ; et cela, nous ne le croyons pas. Delacolonge, qui a coupé en morceaux l’infortunée Fanny Besson, était un prêtre ; Mingrat, qui viola, étrangla et dépeça l’infortunée Marie Gérin, était un prêtre ; Mgr Maret, qui souillait les petites filles et en guise de première communion leur donnait une maladie honteuse, était un prêtre. Ces monstres-là, et bien d’autres encore, — car il se valent à peu près tous, — non seulement se confessaient, mais encore ils confessaient les autres. Est-ce que la pratique constante du sacrement de pénitence les a retenus, les a empêchés de se livrer à leurs habitudes infâmes, les a empêchés de commettre leurs crimes atroces ? — Non !

C’était sur ceux-là, surtout, qu’il aurait fallu que la confession eût de l’efficacité !

On me dira, on dit : — Pourquoi citer les grands criminels ? Ils forment une quantité infiniment petite dans le nombre des gens qui se confessent.

Soit, je l’admets. Mais cela ne change rien à la valeur de mon raisonnement. Qu’importe que, dans le nombre des gens qui se confessent, les grands criminels forment le cinquante pour cent, ou le un pour cent seulement ! Quelle que soit la proportion existante, n’y eût-il qu’un assassin sur mille, sur cent mille, sur un million d’individus agenouillés devant vous, messieurs les curés, n’y en eût-il qu’un seul sur mille milliards, est-il vrai, oui ou non, que vous vous prétendez le droit de l’absoudre, cet assassin ?

Oui, n’est-ce pas ? — Vous ne pouvez pas le nier, puisque vous revendiquez ce droit exécrable d’absolution comme une prérogative céleste.

Eh bien, je vous le dis et vous le répète, par l’exercice de votre prétention cyniquement infâme, vous êtes les complices des voleurs et des assassins. Vous êtes plus scélérats qu’eux.

Ah ! l’on nous accuse de faire de l’exception la généralité ; tous ceux qui vont s’agenouiller au tribunal de la pénitence, affirme-t-on, n’ont pas sur la conscience des meurtres et des viols.

Je réponds : — Soit ! Mais si tous ceux qui se confessent ne sont pas des escrocs, des bandits, des violateurs et des assassins, tous les violateurs, tous les assassins, tous les escrocs et tous les bandits se confessent.

On n’osera pas soutenir le contraire. Tropmann s’est confessé ; Lacenaire s’est confessé ; Papavoine s’est confessé ; Dumollard s’est confessé ; le gardien de la paix Prévost s’est confessé ; Johannon, qui a mangé le cœur palpitant d’une pauvre femme qu’il venait de poignarder, s’est confessé.

Ils ont reçu la bénédiction du prêtre, tous, tous, tous !

Ils ont appelé l’homme noir : « Mon père », et l’homme noir a répondu à chacun : « Mon fils. » — N’est-ce pas bien, cette fois, le cas de dire : Tel père, tel fils ?

Tous, ils ont reçu l’accolade du ministre religieux, qui a murmuré à leur oreille : « Les hommes vous punissent, mais Dieu vous pardonne ; les hommes vous méprisent, mais Dieu a de l’estime pour vous ; les hommes vous ont en horreur et en exécration, mais Dieu vous aime. »

Tous ces brigands, qui sont la honte de l’humanité, ont gravi les marches de l’échafaud avec la conviction, à eux donnée par le prêtre, qu’ils montaient au ciel, qu’ils allaient, leur âme lavée de toute souillure, se reposer pour l’éternité dans le sein de Dieu.

Ils étaient des monstres d’infamie ; mais ils étaient en même temps les adeptes fervents du catholicisme.

*
*  *

Laissons de côté ces tristes tableaux. De ces embrassades entre l’Église et le crime, ne retenons qu’un enseignement : c’est que le principe de la confession est abominable, c’est que le droit d’absolution que le prêtre se donne est la plus violente des immoralités.

Partant d’un principe abominable et immoral au suprême degré, que peut bien être la confession ?

Nous allons voir qu’elle ne vaut pas mieux que son principe.

Au début, — il faut le reconnaître, — la confession n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Le criminel n’avait pas recours à cette lessive spirituelle, parce qu’alors, au lieu d’avouer tout bas son forfait à une seule personne, il fallait l’avouer tout haut, devant tout le monde.

La confession, qui était publique, avait une certaine efficacité au point de vue des peccadilles. On se risquait à se reconnaître coupable d’un petit mensonge ou d’un menu larcin peu conséquent ; mais on rougissait très fort en formulant son aveu, on était vivement mortifié, et on se promettait, avec une sincérité à laquelle je rends hommage, de ne plus retomber dans la faute commise.

La confession publique, dont se gardaient bien d’user les grands coupables, avait tout de même du bon ; elle exerçait une influence réelle, une influence moralisatrice sur les petits pécheurs.

Si on veut rétablir cette confession-là, je n’y vois aucun inconvénient. Nous nous ferons même un devoir d’aller entendre les jeunes et vieilles dévotes raconter leurs fredaines. Ce sera instructif et cela ne manquera pas de gaieté.

Malheureusement, la confession publique ne sera jamais rétablie. Ce qui la fit supprimer ne manquerait pas de se reproduire.

Voici l’anecdote :

Au IVe siècle, tandis que Nectarius était patriarche de Constantinople, un beau jour, à la confession publique dans l’église de Sainte-Sophie, une femme mariée s’accusa tout haut d’avoir eu des relations avec le diacre qui assistait le célébrant à l’autel. Or, justement, le mari se trouvait là, accroupi derrière un pilier, occupé à faire ses prières. Mettez-vous un peu à sa place. Il trouva la révélation fort peu édifiante ; il fit un vacarme de tous les diables. Les assistants étaient stupéfaits ; monsieur le diacre restait confus. Quant au patriarche Nectarius, il était, on le conçoit, fort embarrassé : il voulait bien qu’un de ses diacres passât du bon temps avec une jolie pénitente, mais il ne voulait pas que toute la ville le sût.

Il n’eut pas la présence d’esprit d’imaginer à l’instant la confession auriculaire si utile à ces messieurs. Ce qu’il trouva de mieux, pour éviter à l’avenir pareil scandale, ce fut de permettre aux fidèles de manger le bon Dieu sans confession.

Voilà comment la confession publique fut abolie.

Ce sont les moines, les frocards, qui imaginèrent cette petite armoire sombre dans laquelle les coquins et les imbéciles vont vider le baquet de leurs turpitudes, à la grande joie de MM. les calotins.

Les supérieurs de couvents commencèrent, vers le VIIe siècle, à exiger que leurs moines vinssent, deux fois l’an, leur avouer leurs fautes. Ils inventèrent la formule suivante : — « Je t’absous autant que je le peux et que tu en as besoin. » — Plus tard, messieurs les curés eurent des prétentions plus élevées. Ils ne dirent plus : « Je t’absous autant que je le peux » ; ils dirent tout catégoriquement : « Au nom des pouvoirs que m’a délégués Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, je t’absous. »

Je serais bien curieux — et vous aussi, n’est-ce pas ? — de voir de près ces fameux pouvoirs, et d’examiner simplement la signature du notaire qui en certifie l’authenticité.

Mais les moines ne furent pas aussi exigeants vis-à-vis de leurs abbés. Ils auraient pu dire au Père supérieur : « Mon ami, avant de donner l’absolution aux autres, tâche de te faire absoudre toi-même ; » mais non ! ils aimèrent mieux être confessés et devenir à leur tour confesseurs.

Il est si agréable de savoir les secrets des ménages, de connaître dans leurs plus grands détails les péchés des jeunes filles, — et encore les confesseurs qui s’en tiennent là ne sont pas les plus dangereux. Ils sont des indiscrets, et voilà tout ; mais au fond des confessionnaux il n’y a pas toujours que des indiscrets. Le plus souvent ces antres de la superstition renferment des exploiteurs du crime et des séducteurs obscènes.

Le R. P. Martène, un bénédictin qui vivait au commencement du XVIIIe siècle, raconte, dans un livre intitulé les Rites de l’Église, que Mmes les abbesses confessèrent pendant très longtemps leurs religieuses ; seulement, il paraît que ces abbesses étaient excessivement curieuses ; elles furent même si curieuses que l’on fut obligé de leur retirer ce droit. — Pourquoi ne l’ôte-t-on pas aux confesseurs curieux ? — Il y en a ! il y en a !

Ceux qui conseillent à une femme de faire… jeûner son mari le mercredi, sous prétexte que ce jour-là est consacré à la sainte Vierge ; — ceux qui conseillent à madame de faire tout à fait jeûner monsieur sous prétexte que monsieur ne va pas à la messe, ou qu’il refuse de croire à l’infaillibilité du pape ; — ceux qui conseillent à un jeune homme sans vocation de se faire prêtre, parce qu’il faut quand même des recrues au clergé ; — ceux qui éveillent le tempérament d’une petite fille par des questions qui lui apprennent ce qu’elle ne doit pas encore savoir ; ceux-là ne sont pas seulement des indiscrets ; ils sont plus coupables, et, comme tels, ils sont très répréhensibles. — Et il y en a beaucoup comme cela !

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Non seulement ces confesseurs dangereux sont en grand nombre ; mais encore ils ne se contentent pas d’interroger les enfants sur tels et tels actes. Ils vont plus loin même.

Ils ont inventé ce qu’ils appellent des Examens de conscience. Ce sont des petits questionnaires qui, sous le couvert de la religion, instruisent nos jeunes garçons et nos jeunes fillettes de ce que nous prenons tant de peine à leur cacher.

Vous croyez que j’exagère ?

Eh ! bien, vous allez être pleinement édifiés. Vous allez voir quelles questions les prêtres posent aux petits garçons et aux petites filles.

Il est nécessaire que les pères et mères de famille sachent à quelles infâmes interrogations ils exposent leurs enfants en les envoyant au confessionnal.

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