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Les vieilles villes des Flandres: Belgique et Flandre française

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XII

ALOST.—TERMONDE.

Deux Hôtels de ville pittoresques.—Aventures et catastrophes.—Sièges.—Pestes et incendies.

Alost, petite ville industrielle, à mi-chemin entre Gand et Bruxelles, plus peuplée qu'il ne semble à première vue, n'a pas très grand caractère, et n'éveillerait pas un intérêt bien considérable, n'était la très belle maison de ville qui se dresse sur sa Grand Place.

C'est une très ancienne ville, il faut le dire, et qui a des annales assez chargées. S'il ne lui est pas resté beaucoup de maisons ou d'édifices de son vieux temps, si sa physionomie s'est un peu banalisée, cela tient sans doute aux mauvais moments qu'elle eut à passer dans le cours des siècles.

En 1360, un incendie réduisit en cendres les trois quarts de ses maisons. Une terrible aventure la mit à mal deux siècles après; au temps des guerres religieuses, la Furie espagnole de 1576 partit d'Alost. C'est un corps d'Espagnols occupant la ville enlevée par surprise, qui donna le signal. Réunis sur cette grande place d'Alost, les soldats mutinés, rendus furieux par une série d'échecs et par les misères de la guerre, furent harangués par Juan de Navarese et l'élurent pour chef. Après avoir mis consciencieusement à sac la malheureuse petite cité, ils marchèrent sur Anvers pour lui faire subir le même sort.

Toujours comme Anvers, quelques années après, Alost eut à subir la visite de l'armée du duc d'Alençon. D'autres visites ne furent pas moins désastreuses pour les habitants; en 1485 et 1580, ce fut la peste qui fit chaque fois un nombre considérable de victimes. L'église principale, la collégiale Saint-Martin, possède un grand tableau de Rubens rappelant ces tristes épisodes: Saint Roch et les pestiférés ou Alost ravagée par la peste.

L'Hôtel de ville d'Alost est très particulier, non point par la magnificence de son architecture, les exubérances du gothique flamboyant ou la belle ordonnance, mais par un arrangement de lignes et de détails curieux, et par le caractère pittoresque de l'ensemble. Le beffroi, le pignon à tourelles, les morceaux ajoutés, gothique et gothico-Renaissance, tout s'arrange de façon très amusante.

Le beffroi est une tour carrée du quinzième siècle, terminée par un campanile à carillon sur la jolie plate-forme. Sous deux statues décorant une des faces et représentant d'anciens comtes d'Alost, s'inscrit la date de 1200 juste. Si l'Hôtel de ville suivant l'habitude de toutes les vieilles personnes, ne se vieillit pas un peu par coquetterie, cela fait un bel âge, et comme il vient d'être restauré, il semble porter très bien ses sept cents ans.—Ni espoir, ni crainte, dit une inscription sur le beffroi, sans doute en souvenir des pestes, assauts, mises à sac et autres catastrophes qui tombèrent sur la ville. Brrr..., c'est beau le stoïcisme.

Le beffroi s'accompagne d'un beau pignon décoré avec un second campanile à la pointe et une tourelle sur le côté. Sur l'angle s'avance une annexe de la fin du quinzième siècle, très joli petit édifice du gothique de la dernière période, très orné, très fleuri, à pignon ondulé, avec des statues et des pinacles. Les décrochements de la façade donnent des ombres nettes qui soulignent et ajoutent au pittoresque des lignes et des détails.

Pour ajouter par la couleur quelque chose de plus, il y a au fond de la place une rangée de maisons à pignons du seizième siècle portées sur arcades, façades de briques avec encadrements de pierres. Une statue au milieu de la place s'entoure des voitures, des échoppes et des déballages du marché: c'est Thierry Mœrtens, célèbre imprimeur, né à Alost, et qui fonda en sa ville natale un des premiers établissements typographiques de Belgique.

L'Hôtel de ville a, par derrière, une deuxième façade plus sévère, un grand pignon éclairé de belles fenêtres et flanqué aussi de tourelles.

La vieille église Saint-Martin fait face au beffroi, au bout d'une petite rue; la pauvre église serait probablement fort belle, si, ayant échappé aux catastrophes de 1360 et de 1576, elle n'avait été ravagée par un incendie en 1605. Elle n'a pour ainsi dire pas de façade, on tourne autour par des petites rues et l'on ne trouve que les entrées latérales, de jolis morceaux, des arrangements de transepts, de chapelles et de toits très mouvementés.

Autre gentille petite ville, autre Hôtel de ville intéressant, à peu de distance; c'est Termonde ou Dendermonde, au confluent de la Dendre et de l'Escaut.

Dans la grasse verdure des prairies, parmi les bouquets d'arbres où çà et là des maisonnettes mettent la note rouge d'un toit de tuiles, la Dendre vire et sinue capricieusement, enserrant des remparts, des talus de batteries, tournant autour des bastions bas et s'élargissant en étang devant une porte. Il faut passer plusieurs ponts, franchir plusieurs bras de rivière pour entrer en ville. Termonde est une vieille place forte et elle a toujours compté l'eau de ses rivières comme son principal rempart.

Toutes ces eaux qui font la beauté et la fraîcheur de sa campagne lui ont servi en 1667 lorsque Louis XIV, arriva avec cinquante mille hommes, se flattant de prendre rapidement la ville, comme il venait d'enlever Alost et la plupart des places de la Flandre et du Hainaut. Mais, aux approches de l'ennemi, les défenseurs de Termonde n'eurent qu'à ouvrir leurs écluses, la campagne fut transformée en un lac, et l'armée française dut aussitôt lever le siège.

Cependant, en 1706, l'armée de Marlborough vint assiéger une garnison française, c'est l'année de Ramillies, le temps des tristesses et des revers pour le grand Roy vieilli, et cette fois Marlborough prend la place, après six jours de tranchée ouverte.

Comme tous les Hôtels de ville de Belgique, celui de Termonde vient d'être restauré. Sa large façade claire compte trois pignons à gradins donnant du pittoresque au grand comble; au milieu, monte le beffroi, haute tour carrée, encastrant en haut l'horloge entre quatre tourelles, et couronnée d'un gracieux petit campanile.

Comme décoration de façade, ce sont des statues accrochées tout le long, sous des niches, un balcon bretèche au beffroi et en bas un petit perron gardé par le lion de Flandre.

Sur le côté gauche de la place, un autre édifice important fait vis-à-vis à l'Hôtel de ville, un grand bâtiment avec un toit énorme, de hautes lucarnes à gradins et une fine tourelle sur le côté; c'était jadis la Halle aux draps convertie aujourd'hui en Musée.

Il y a une église intéressante, Notre-Dame, qui peut montrer un grand décor d'autel de Saint-Nicolas, des fonts baptismaux curieux, et diverses œuvres d'art. David Téniers habita longtemps Termonde. Etait-ce là qu'il portait ses tableaux à vendre au marché sur son âne?


XIII

MALINES.—LOUVAIN.—AUDENARDE.

La Grand'Place.—La Tour géante de Saint-Rombaut.—Un grand palais ruiné.—Vieux logis.—Orfèvrerie de pierres à Louvain.—L'Eglise Saint-Pierre.—Autres tours géantes écroulées.—L'Université.—La Grand'Place d'Audenarde et l'Hôtel de ville.—Notre-Dame de Pamele.

La dominante architecturale de Malines, ce n'est pas un beffroi de maison communale, c'est un clocher d'église: la très grosse et très haute tour de Saint-Rombaut. La vieille cité catholique, la vieille ville des dentelles,—très abandonné, le fuseau des dentellières,—bien que modernisée sur ses grandes voies, conserve, dans les quartiers serrés du centre, assez de vieux édifices pour faire cortège à son imposante cathédrale au formidable clocher.

La Dyle, une rivière pas bien large, tourne et retourne à travers les maisons et se divise en plusieurs bras. De temps en temps, on trouve un pont, une percée dans les vieilles murailles, c'est la Dyle qui passe et disparaît sous des voûtes, sous des bâtisses désordonnées, sous des verdures, dans des cours et des jardins.

La Grand'Place, qui se prolonge à droite et à gauche par d'autres places, est admirablement encadrée de très beaux monuments. On trouve d'un côté les Halles, ou plutôt le bâtiment composé des Vieilles Halles et du palais bâti par Charles-Quint pour le Grand Conseil. A gauche, l'ancienne Maison échevinale; en face, une rangée de belles maisons du seizième siècle, accompagnant un Hôtel de ville du dix-huitième, au-dessus desquelles maisons se dressent la nef de Saint-Rombaut, l'abside avec ses magnifiques fenêtres et toutes ses chapelles et la tour colossale.

Saint Rombaut était venu d'Ecosse prêcher le christianisme à Malines vers l'an 700; l'église actuelle date des quatorzième et quinzième siècles. Malines fut érigé en Archevêché pour le cardinal Granvelle, le célèbre ministre de Philippe II, qui eut aussi le titre de Primat des Flandres. C'était en 1559, le roi Philippe II procédait à la réorganisation des Pays-Bas et nommait, entre autres, Guillaume d'Orange, au gouvernement de Hollande, et le comte d'Egmont à celui de Flandre et d'Artois; la duchesse Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint, était gouvernante générale.

La tour étonne par ses proportions et charme quand on suit le détail des lignes; ce sont d'énormes contreforts habillés de belles sculptures, de niches, de dais, de pinacles, de balustrades, et cela monte à 97 mètres, jusqu'à une belle plate-forme portant une amorce de flèche qui n'a jamais été construite.

Cette géante de pierres, incomplète, ressemble à la Tour Saint-Jacques de Paris, mais elle est plus massive et plus haute. On devait encore lui ajuster une flèche proportionnée à sa taille, montant d'une soixantaine de mètres encore, mais les événements du seizième siècle ont arrêté sa construction. Les habitants de Malines ne peuvent se consoler de ne point voir cette flèche dans leur ciel, et ils accusent Guillaume d'Orange de leur avoir volé les pierres amassées pour la construction, en vue de bâtir la ville de Willemstadt, créée par lui au milieu des polders, en avant de Rotterdam.

Pour se rendre exactement compte des proportions de la tour, il suffit de regarder à ses pieds le pavé de la place. Au centre, s'élève la statue de Marguerite d'Autriche, tante de Charles-Quint, gouvernante des Pays-Bas, qui avait établi sa résidence à Malines. On a reproduit, autour de la statue, sur le pavé, le cadran de l'horloge placée tout en haut de la tour et ce cadran mesure 13m.70.

On vient de commencer la restauration de l'édifice composite, à la fois Halles et Palais du Grand Conseil. Il en avait besoin; en certaines parties, c'était presque une ruine, utilisée tant bien que mal en maisons. Cela faisait tout récemment encore un amalgame extrêmement pittoresque. La façade était en trois morceaux distincts: un grand pavillon au centre, grande porte ogivale surmontée d'une galerie crénelée et d'un pignon flanqué de tourelles;—un pignon du seizième siècle à droite,—et sur le flanc gauche, un édifice tronqué, découronné, d'une très belle architecture du seizième siècle, fortement écorchée, montrant çà et là des sculptures brisées ou grattées, avec les restes d'une jolie tourelle d'angle au-dessus d'un estaminet, et des boutiques banales au rez-de-chaussée, sous des galeries bouchées qui devaient avoir été fort belles. D'ailleurs, sur toute la façade, de grandes ogives murées, des rafistolages de plâtre, des blessures béantes, des estafilades et des cicatrices, montraient combien outrageusement le pauvre palais de Charles-Quint avait été maltraité.

C'était là que siégeait le Grand Conseil, la Consulte, au temps où la Cour de la Gouvernante et les administrations établies par elle à Malines apportaient à la ville animation et prospérité. Malines ne produisait pas que des dentelles pour les fraises des nobles dames, elle fondait des canons et des bombardes pour les armées espagnoles.

Mais les beaux jours avaient parfois de tristes lendemains: ce n'était pas assez de l'épouvantable catastrophe amenée par l'explosion de son grand magasin à poudre, qui détruisit plusieurs églises et trois cents maisons, en tuant ou blessant huit cents personnes, Malines eut encore à souffrir des dévastations et des mises à sac en 1566, 1578 et 1580. Alors disparurent bien des riches logis et les édifices survivants reçurent de nombreuses blessures.

La vieille Maison échevinale, en meilleur état que le Palais de Charles-Quint, n'a pas autant d'importance; c'est cependant un bâtiment d'une assez jolie silhouette grâce à un arrangement de pignons, à la tourelle d'angle et au petit clocheton posé sur son toit.

Sur les Bailles de fer,—joli nom d'allure romantique,—qui commencent là, se voient quelques pignons du dix-septième siècle encadrant gentiment le marché. Ces Bailles de fer, large rue plutôt que place, conduisent au Grand Pont sur la Dyle, pont du treizième siècle, mais fort abîmé, dont les vieilles arches sombres tiennent à tout un quartier de vieilles constructions patinées à souhait.

En face, sur le Quai au sel, on trouve quelques-unes des plus curieuses parmi les maisons de Malines; la maison d'Adam et Eve a deux étages d'arcatures gothiques: celles de rez-de-chaussée encadrent les deux bas-reliefs qui ont fourni le nom à l'immeuble, la tentation d'Eve, puis Adam et Eve chassés du Paradis. D'après d'anciennes vues, la maison possédait jadis une belle tourelle d'angle disparue. A côté, autre pignon, de bois cette fois, très fouillé, avec sirènes à l'auvent et statuettes à chaque poteau d'encorbellement.

Il s'en trouve un peu plus loin un autre non moins remarquable, en pierre, qui présente du haut en bas des encadrements de fenêtres fort compliqués, arcs trilobés, surbaissés, avec une jolie porte intacte comme sculptures et panneaux. Çà et là se montre quelque haute tourelle de briques, tourelle d'escalier sans doute, montant à une belle hauteur par-dessus les toits, ou surgissant dans des cours de maisons jadis importantes.

Que voir encore de Malines au hasard des petites rues? Le Palais de la Gouvernante, Marguerite de Parme, sert aujourd'hui de Palais de justice, c'est un bel édifice de noble architecture complètement restauré de nos jours. Un débris des remparts apparaît isolé parmi les arbres du boulevard, c'était la porte de Bruxelles, ouvrant entre deux fortes tours coiffées de bizarres poivrières, énormes et renflées en haut. Combien cela devait être plus joli avec l'avancée au-delà du fossé, comme le montrent les estampes d'autrefois.

Et les églises: Saint-Jean, belle tour, jolie petite rosace au portail, Sainte-Catherine, Notre-Dame d'Hanswyck, coupole basse du seizième siècle, Notre-Dame-au-delà-de-la-Dyle, plus intéressante, ces deux dernières s'arrangeant de façon très pittoresque parmi le fouillis des masures et des arbres au-dessus de la rivière.

Il n'y a pas un grand nombre de kilomètres entre Malines et Louvain, toutes les deux situées à une quinzaine de kilomètres de Bruxelles et aussi sur la même petite rivière, la capricieuse Dyle qui la traverse divisée en plusieurs bras enfermant des îlots de maisons, ou les blocs de grands bâtiments des brasseries.

Louvain, vieille cité qui eut aussi ses jours de grandeur et d'opulence, se trouve aujourd'hui, après une série de mauvaises chances et de malheurs, très au large dans l'enceinte à peu près circulaire tracée il y a cinq ou six siècles, qu'elle remplissait de ses rues populeuses, de ses maisons serrées. Maintenant la ville s'est comme recroquevillée sur elle-même, la campagne a refranchi l'ancienne ligne des remparts et reconquis bien du terrain, de rue en rue.

Cette résidence des anciens ducs de Brabant était pourtant, comme tant d'autres villes de métiers, importante avec ses puissantes et riches corporations du drap et de la toile, et de plus une ville d'Université depuis 1426.

Le temps de prospérité des drapiers et tisserands est le quatorzième siècle: alors Louvain comptait deux cent mille âmes, plus que la plupart des capitales d'alors. Son Université au siècle suivant eut parfois huit mille étudiants répartis dans quarante-trois collèges. Aujourd'hui, temps de renaissance après une éclipse presque totale, elle en a deux mille.

Au quinzième siècle, la draperie déclinait déjà; il fallut pour l'achever que le siècle suivant apportât avec lui tous les malheurs, la peste et la guerre. La peste s'acharna sur la malheureuse ville, elle tua cinquante mille habitants, dépeupla l'Université de ses élèves et finit par emporter tous les professeurs.

Ensuite les guerres de la Réforme survinrent, lesquelles détruisirent, suivant les historiens, trois mille trois cents maisons, ce qui faisait ressembler Louvain «moins à une ville qu'à une campagne ravagée». Actuellement, la ville remonte la pente, puisque de vingt-six mille habitants, en 1840, elle en compte maintenant plus de quarante mille.

Il reste à Louvain, de son âge prospère, un splendide édifice, un Hôtel de ville de toute magnificence, construit au milieu du quinzième siècle, et qui semble véritablement le chef-d'œuvre d'une confrérie d'orfèvres qui auraient travaillé la pierre, ou de maçons qui auraient tenté d'imiter l'œuvre des dentellières.

Construit tout à fait sur le modèle de ces châsses merveilleuses destinées à renfermer des reliques vénérées, il ne lui manque que des émaux et des pierres précieuses étincelant et rutilant au bout de ses pinacles ou dans les découpures de ses balustrades.

Cette fabuleuse architecture, ne pouvant être renfermée dans un musée, brille au plein soleil sur une Grande Place, pas très grande, étroite même, resserrée entre ce magnifique reliquaire d'art gothique et l'église Saint-Pierre, autre très beau morceau, au point de vue pittoresque surtout.

L'Hôtel de ville fait penser à une Sainte-Chapelle, c'est la même simplicité de plan, la même netteté de lignes, un rectangle à deux pignons lançant une svelte tourelle à chaque pointe, avec une autre tourelle à chaque angle, mais le tout est fouillé et sculpté de la base au faîte, fleuri de la première à la dernière pierre. Trois étages de fenêtres entre chacune desquelles une colonnette engagée au bas porte sur une saillie triangulaire, en guise de contreforts, une série de statues superposées sous des dais délicatement ciselés; tout le long du toit, règne une belle galerie de créneaux ajourés en balustrade flamboyante. Les tourelles d'angle, à partir de là, ont encore deux étages de plates-formes et une flèche aussi ajourée. Sur le toit, quatre étages de lucarnes.

Et partout, du haut en bas des arcatures trilobées, un hérissement de fleurons, de crochets, de pierres miraculeusement frisées, dentelées, tortillées. Et l'ensemble est d'une grâce souriante et épanouie. Il n'est pas d'architecture plus gaie que ce gothique flamboyant; par tous les temps, à travers bourrasques, brumes, tempêtes et révolutions, le gothique sourit toujours. Quelles lunettes portaient donc les gens du dix-huitième siècle qui l'accusaient d'être un art de tristesse!

Cet admirable monument était, comme tant d'autres, comme presque tous les monuments du Moyen-Age, arrivé à notre époque fort maltraité, et il a dû subir de nos jours une complète restauration; bien entendu les statues manquaient ou se trouvaient mutilées, il a fallu les refaire.

On fait commencer la décadence de Louvain à la fin du quatorzième siècle, après les dissensions entre les nobles et les artisans qui ensanglantèrent maintes fois la ville. Un des principaux chefs des gens des métiers ayant été assassiné à Bruxelles par des nobles chassés de Louvain, le peuple, quand la nouvelle en arriva, se rua en fureur sur les logis des nobles qui durent chercher refuge à l'Hôtel de ville.

Mais la foule les y pourchassa et enfonça toutes les portes, les nobles furent impitoyablement massacrés et jetés par les fenêtres sur les piques du populaire entassé sur la place.

Les massacres suscitèrent d'autres massacres en représailles, il en résulta une longue guerre qui se termina mal pour Louvain. Le duc de Luxembourg, Wenceslas, futur empereur d'Allemagne, petit-fils de Jean de Luxembourg, le roi de Bohême aveugle qui mourut à Crécy, amena une armée pour châtier la ville où il entra par la brèche en janvier 1382. C'est alors que la fabrication des draps commença à décliner et que beaucoup d'artisans portèrent leurs Métiers en Angleterre.

Cette décadence n'empêcha pourtant pas Louvain de construire l'admirable Hôtel de ville actuel, pour remplacer celui qui avait été le théâtre de cette défenestration, et que sans doute la guerre avait ruiné comme une énorme quantité de maisons en ville.

Presque en face de l'Hôtel de ville s'ouvre le porche latéral de l'église Saint-Pierre. Ce côté de la place est tout à fait pittoresque, il y a encore de vieilles petites maisons rouges, à lucarnes flamandes pourvues de frontons à volutes, sous les chapelles de l'église. Pourvu qu'on ne les démolisse pas! l'abside est déjà complètement dégagée et il y a bien des démolitions en train autour de Saint-Pierre. Cela fait si bien partout, ces églises surgissant au-dessus des maisons basses serrées, nichées, pour ainsi dire, dans le giron du grand monument. Ici comme ailleurs, l'église y prend une majesté et une grandeur remarquables, cet entourage cadre très bien avec l'architecture rude du porche devant lequel s'avancent les bases d'un portail commencé, et les deux étages de fenêtres, d'un joli dessin, les pignons des chapelles et tous les arcs-boutants ajoutent encore du mouvementé.

Pour l'intérieur, il faudrait comme à presque toutes les églises, répéter qu'il est majestueux et riche en monuments et œuvres d'art: jubé gothique, grand tabernacle, tombeaux, retables, tableaux, chaire décorative posée sur un gros rocher de bois sculpté formant grotte, avec arbres, feuillages sculptés et statues, particulièrement un saint Paul de grandeur naturelle tombant de cheval sur la route d'Ephèse.

Notons encore un Christ singulier, vêtu d'une robe de velours, et très vénéré parce qu'un jour, suivant une légende, il détacha un bras de sa croix pour saisir un voleur en train d'enlever le calice de l'autel.

Il paraît que jadis, au-dessus de la façade, une énorme tour montait à 175 mètres, sans la croix, entre deux autres de 140. C'était de toute l'Europe la pointe monumentale la plus haute. Le 31 janvier 1604, un ouragan formidable soufflait sur Louvain; la grosse tour, orgueil de la ville, vacilla soudain sur ses deux voisines qui fléchirent, et toutes trois s'écroulèrent sur les maisons voisines, pendant que la grande croix emportée passait par-dessus les maisons de la Place et s'en allait au loin tomber dans la Dyle.

Ici, comme dans toutes les villes, les riches corporations possédaient des Halles monumentales. Les anciennes Halles aux draps, actuellement occupées par l'Université, ne sont qu'un débris de l'édifice primitif du treizième siècle; il reste le rez-de-chaussée, très dénaturé extérieurement, sur lequel au dix-septième siècle, on a construit un étage sans beauté. Cependant la grande salle d'entrée est d'un beau caractère, avec son double escalier dans le fond, son plafond à grosses poutres, porté par une épine de fortes colonnes gothiques.

Partout on rencontre l'eau dans la ville, la Dyle que l'on passe et repasse; partout fument de grandes brasseries: c'est la ville de Gambrinus, partout roulent de grandes voitures chargées de tonneaux. Dans toutes ces rues où l'atmosphère a l'odeur et le goût de la bière, on peut rencontrer un certain nombre de vieilles maisons ou de choses intéressantes, mais sans exagération.

Il y a, non loin de l'Université, un beau et grand pignon de briques à rosaces curieuses, qui provient peut-être de quelque collège; plus loin, un reste de tour avec un morceau de rempart dans un parc. Dans la rue de Bruxelles, se voit, près de l'Hôpital, un vieux portail roman assez curieux appliqué à une chapelle moderne.

Parmi les églises, Sainte-Gertrude et Saint-Jacques surtout, ont quelque intérêt, le grand pignon de Saint-Jacques et sa flèche, se découpent pittoresquement sur le ciel. Quant aux bâtiments de l'Abbaye du Parc aux portes de la ville, ils ont été modernisés au dix-huitième siècle.

Audenarde, c'est encore un Hôtel de ville de premier ordre, encore un très merveilleux édifice qui peut bien se mettre au premier rang, à côté de celui de Louvain. Il est dans le même caractère et tout autant ciselé, tout autant fouillé et travaillé, avec la délicieuse fantaisie du gothique le plus flamboyant, et même il possède, pour le distinguer de la Châsse de Louvain, quelque chose de plus, un beffroi superbe.

C'est pourtant une bien petite ville par le chiffre actuel de sa population, six mille habitants, mais il ne lui suffit pas d'avoir pour Hôtel de ville un chef-d'œuvre de l'art gothique, elle a encore deux belles et grandes églises. D'ailleurs Audenarde jadis était artiste, ce n'est pas des draps qu'elle fabriquait, mais des tapisseries de haute lisse très fameuses, et c'est même chez elle qu'on vint chercher, à la fondation des Gobelins, des ouvriers habiles et le maître tapissier Jans pour les diriger.

Son histoire est celle de toutes les villes voisines pendant les siècles du Moyen-Age. Lorsque Gand se révolta contre le duc Philippe le Bon en 1452, un corps d'hommes d'armes du duc, commandé par le sire de Lalaing, défendit la ville d'Audenarde contre les milices gantoises, trente mille hommes, qui avaient amené avec elles, entre autres pièces d'artillerie, le grand canon Dulle Griet, Marguerite l'Enragée, et Audenarde allait succomber si l'armée du duc, avec toute la noblesse des Flandres, n'était venue livrer bataille aux assiégeants sous les murs de la ville.

Audenarde connut aussi toutes les alarmes, toutes les mauvaises chances des guerres du seizième siècle. Cependant, prise par Alexandre Farnèse, duc de Parme, dans sa campagne de 1581, elle fut plus heureuse que d'autres.

Une maison de la Grand'Place avait abrité un roman d'amour de l'Empereur Charles-Quint, et Farnèse, se souvenant que sa mère, Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles-Quint et d'une belle Flamande, Jeanne van der Gheenst, de la famille d'un maître tapissier d'Audenarde, y était née, épargna à la ville les horreurs de la mise à sac. Plus tard, elle fut prise trois ou quatre fois par les Français qui la démantelèrent.

Pour l'Hôtel de ville, c'est la même ordonnance qu'à Louvain, un rectangle à double pignon, décoré de la même façon, avec la même prodigalité. En plus, le rez-de-chaussée est précédé d'une jolie galerie d'arcades en avant-corps, grand balcon régnant sur toute la façade, et du milieu duquel se détache le beffroi, jolie tour carrée aussi fouillée que tout le reste, ouverte au dedans de la galerie en manière de «bretèque» pour parler au peuple. La grande salle échevinale donne sur cette bretèque, une grande salle de noble caractère, avec une magnifique cheminée comme il s'en trouve une série à signaler dans les Hôtels de ville de Belgique.

Le beffroi a encore trois étages après la naissance du toit, dont deux octogonaux pour le campanile, et il se termine par une coupole à jour en forme de couronne impériale, fleuronnée et hérissée de crochets, au sommet de laquelle plane orgueilleusement une statue dorée d'homme d'armes, que les gens d'Audenarde appellent Hanske, le «petit Jean le Guerrier».

L'Hôtel de ville est dans tout l'éclat d'une récente restauration, qui met en relief toute la délicatesse de sa délicieuse ornementation: on a doré la crête du faîtage et les aigles impériales placées au sommet des grandes lucarnes.

De l'autre côté de l'immense Grand'Place, au delà d'une fontaine datant de l'occupation française sous Louis XIV, au-dessus de maisons qui semblent minuscules en raison de la distance, montent les murailles sombres de Sainte-Walburge, église considérable, dominée par une belle tour robuste de 98 mètres.

Pittoresque plutôt que belle, l'église est faite de morceaux abîmés ayant fortement souffert, ou de parties refaites, car elle a subi plusieurs dévastations, d'abord au seizième siècle, quand les Réformés iconoclastes mirent, à Audenarde comme ailleurs, les églises à sac, et ensuite, pendant les guerres du dix-septième siècle, par les sièges et ensuite, pendant les guerres en 1864.

Dans le quartier de Pamele, où jadis, entouré par l'Escaut, se trouvait le très curieux château à enceinte ronde ou plutôt octogonale, détruit au dix-septième siècle, s'élève une autre église, Notre-Dame de Pamele, édifice romano-gothique d'un bon effet, sur le bord de la rivière, dans le mouvement de la batellerie, parmi les mâts des péniches attendant l'éclusée.


XIV

BRUXELLES

La Grand'Place et ses souvenirs.—L'Hôtel de ville.—La Maison du Roi et les Maisons de corporations.—Les comtes d'Egmont et de Horn.—Sainte-Gudule et les églises.—Palais sur palais.—La porte de Hal.

Jamais personne n'a parlé de Bruxelles autrement que pour reconnaître son charme et ses agréments divers. Grande et superbe ville, Bruxelles trouve le moyen de se montrer vraiment une capitale très moderne, tout en demeurant une ville originale, bien flamande, bien caractérisée, d'aspect aimable et gai, d'être cosmopolite sans cosmopolitisme banal, et de conserver, ce qui devient si rare partout, la couleur locale.

Une capitale toute pimpante de jeunesse et de modernité, cela se voit aux fastueuses architectures dans le goût du jour, aux dômes et coupoles s'allongeant ou bombant dans le ciel, au coin des grandes artères nouvelles sillonnées de trams électriques, agitées d'un mouvement intense,—mais tout ce décor vingtième siècle, tous ces quartiers de la vie actuelle, tous ces boulevards auxquels on passe la banalité des choses neuves qui n'ont pas encore beaucoup vécu, tout cela tourne autour d'un centre historique et artistique, où tout le caractère d'une vieille cité flamande se montre pleinement pittoresque et expressif.

Le noyau, le vieux Bruxelles central, pour quiconque ne s'attarde pas aux nouveautés des grandes voies ou aux élégances des magasins en recherche de somptuosité, offre autant de savoureuses satisfactions artistiques qu'on en peut désirer. Il y a tout le quartier de l'Hôtel de ville si curieux, si grouillant, si amusant, si haut en couleur, où tous les aspects, de coin de rue en coin de rue, sont intéressants par la variété, l'imprévu, le mouvementé.

La Grand'Place est un des points les plus caractéristiques de notre vieille Europe, par son merveilleux ensemble architectural: l'Hôtel de ville tenant tout un côté, la maison du Roi, ancienne Halle au pain en face, et l'entourage curieusement découpé des maisons de corporations.

Le colossal Hôtel de ville, avec ses 80 mètres de façade et sa tour haute de 114 mètres, domine superbement toutes ces architectures entassées, d'un mouvement, d'une richesse et d'une variété de lignes extraordinaires et si chaudement colorées. C'est aux premières années du quinzième siècle que Bruxelles, déjà ville florissante, s'offrit ce gigantesque édifice, que pour la glorification des libertés communales, on voulut faire puissant et somptueux, surchargé, hérissé de sculptures, polychromé et même recouvert de feuilles d'or par places, aux fines tourelles et ailleurs.

Commencé en 1402, l'œuvre s'acheva en 1455. L'énorme masse a deux étages de hautes fenêtres sur un rez-de-chaussée précédé d'une galerie d'arcades, des rangées de statues partout où le nu des murs pouvait se montrer, de belles tourelles d'angle montant aux pignons et une galerie crénelée. Le beffroi partage la façade en deux parties inégales, la plus longue est la plus ancienne; il y a quelque différence au premier étage, après la tour, dans l'aile droite commencée en 1444. Elle monte superbe à l'escalade des nuages, cette tour, fine et légère dans la moitié supérieure, polygonale, et soutenue, quand elle a dépassé le grand comble, par de fines tourelles faisant office de contreforts. Tout en haut, sur la pointe, le patron de la ville, un Saint Michel, statue de cuivre doré, ayant 5 mètres de taille, les pieds sur le Mauvais Ange, brandit l'épée et tourne à tous les vents depuis 1445.

Les bâtiments forment un vaste carré autour d'une cour centrale. Ils renferment nombre de belles salles restaurées et décorées, soit en 1718, soit à notre époque. Au point de vue historique, il faut retenir l'ancienne salle des Etats de Brabant, dans laquelle en 1556 l'empereur Charles-Quint vieilli, usé, cassé avant l'âge, prononça son abdication dans une séance mémorable et remit le sceptre à son fils Philippe II. C'est là aussi, que douze ans plus tard, les comtes d'Egmont et de Horn entendirent prononcer leur sentence. L'Hôtel de ville a beaucoup souffert du bombardement de 1695 et toute la partie postérieure de l'édifice dut être reconstruite.

Cette année-là, au cours des grandes guerres soutenues avec des fortunes diverses par Louis XIV, contre les puissances coalisées: Angleterre, Hollande, Espagne, Allemagne, Savoie, une armée de soixante mille hommes, sous le commandement de Villeroy, se présenta devant Bruxelles, pour faire lever, par une énergique diversion, le siège de Namur que défendait Boufflers.

En représailles de tous les bombardements à outrance, avec brûlots et machines infernales, par lesquels les Anglais essayaient de détruire tous les ports français, Le Havre, Saint-Malo, Calais, Granville, Dunkerque, Dieppe, etc., Villeroy déchaîna sur Bruxelles pendant trois jours, du 13 au 15 août 1695, un ouragan de bombes et de boulets rouges. L'incendie, activé par un vent violent, fit de la ville une effroyable fournaise. Seize églises ou chapelles, quatre mille maisons furent réduites en cendres. L'Hôtel de ville flambait, les Maisons des corporations s'écroulaient, ce fut un désastre épouvantable qui n'empêcha pas Namur de tomber aux mains du roi d'Angleterre, et les batailles de continuer.

La prospérité de Bruxelles n'avait fait que grandir sous les princes de la maison de Bourgogne, son commerce s'était développé, ses métiers pouvaient rivaliser avec ceux de Gand et d'Anvers et le règne de l'empereur Charles-Quint avait été pour la ville un temps de splendeur. La Grand'Place, cadre magnifique pour les fêtes et les tournois, devait voir après Charles-Quint de tout autres spectacles.

Les querelles religieuses commencées, aux ravages des iconoclastes, aux excès de tout genre, répondirent les supplices et les massacres, la guerre répondit à la guerre. C'est à Bruxelles que, le 3 avril 1566, les gentilshommes confédérés réunis au nombre de quatre cents à l'Hôtel de Culembourg, apportèrent solennellement à la Gouvernante Marguerite de Parme, le Compromis d'Union et la requête de suspension des édits contre les protestants; c'est alors qu'ils adoptèrent pour leur parti le nom de Gueux, se parant fièrement d'une injure reçue de l'un des conseillers de la Gouvernante. Tout le pays était précipité dans la guerre civile et l'anarchie. Le duc d'Albe fut chargé de faire tête à la rébellion, aux gueux des bois harcelant les Espagnols par toutes les provinces, aux gueux de mer qui donnaient la chasse aux navires d'Espagne, et faisaient des descentes victorieuses dans les ports. Dès son arrivée à Bruxelles le 22 août 1567, le Conseil des Troubles commença son œuvre de répression. Le duc d'Albe fit prononcer la peine capitale contre les signataires du Compromis et raser l'Hôtel de Culembourg.

Le comte d'Egmont et le comte le de Horn, arrêtés, non comme Réformés puisqu'ils étaient catholiques, ainsi que bon nombre de signataires du Compromis, mais comme défenseurs de l'indépendance flamande, furent amenés à Bruxelles et enfermés à la Maison du Roi, en face de l'Hôtel de ville. Le 5 juin, à cinq heures du matin, vingt-deux compagnies espagnoles, mèches allumées, vinrent se serrer autour d'un échafaud drapé de noir. Le comte d'Egmont, le vainqueur de Saint-Quentin, parut au milieu des soldats; après s'être confessé à l'évêque d'Ypres et avoir reçu l'extrême-onction sur l'échafaud, il posa sa tête sur le billot. Dès que l'épée du bourreau se fut abattue, on amena le comte de Horn dont la tête roula bientôt près de celle de son ami, au milieu d'un tumulte de cris de fureur et de gémissements montant de la foule que les arquebusiers avaient peine à maintenir. D'une fenêtre de l'Hôtel de ville le duc d'Albe assistait au supplice, et, dit-on, pleurait aussi.

La Maison du Roi ou Halle au pain servit de maison communale jusqu'à l'achèvement de l'Hôtel de ville. L'édifice qui existe actuellement, en style ogival extrêmement fleuri et tout étincelant d'une récente restauration, fut construit en 1515. C'est aujourd'hui le Musée historique. La maison du Roi avait été restaurée déjà au dix-septième siècle. A cette époque, pour remercier Notre-Dame de la Paix d'avoir délivré Bruxelles de la peste, de la famine et de la guerre, on y grava l'inscription: A peste fame et bello, libera nos Maria Pacis; ce qui n'empêcha pas les bombes de 1695 de rendre nécessaire une autre restauration.

On sortait de la cruelle période des guerres, on avait souffert de la grande peste de 1578 qui avait emporté 27 000 Bruxellois, et l'on avait connu la famine pendant le blocus de 1584. Le règne réparateur de l'infante Isabelle, mariée à l'archiduc Albert, allait heureusement faire oublier les calamiteuses années et ramener la prospérité. La sève énergique de ce terrible seizième siècle perçait toujours, malgré désastres et catastrophes.

C'est de ces temps orageux que datent, pour la plupart, les grandes maisons de corporations qui bordent la Grand'Place de leurs façades compliquées et surchargées, rehaussées de peintures et de dorures, façades qu'il fallut malheureusement refaire avec modifications, après le bombardement de 1695.

A droite de l'Hôtel de ville, côté de la rue de la Tête-d'Or, c'est d'abord la Maison du Renard, construite par la corporation des merciers, un pignon à volutes et frontons, avec une statue en haut, et au balcon du premier étage cinq figures, les Parties du Monde; plus haut, des cariatides, et à l'entresol, des bas-reliefs.

A la Maison des Bateliers, sa voisine, c'est bien autre chose, le pignon a été transformé ultérieurement en gaillard d'arrière de frégate, avec balcon, canons, statues de matelots montant la garde, et au-dessous, une figure de Neptune et des chevaux marins cabrés dans les vagues de la mer.

Ensuite, la Maison de la Louve, indiquée par Romulus et Rémus allaités par la louve, en bas-relief, et qui était le local de la guilde des archers, statues nombreuses, fronton et, tout en haut, le phénix renaissant de son bûcher. Puis, Maison du Sac, aux tonneliers et menuisiers, beau pignon à volutes très ornementé, Maison des Imprimeurs ensuite.

A gauche de l'Hôtel de ville, la Maison du Cygne, aux bouchers, la Maison des Brasseurs, très large fronton surmonté de la statue équestre du duc Charles de Lorraine, puis les pignons de la Rose blanche et des Drapeaux. Tout le côté de la place en retour est pris par un grand édifice à pilastres et frontons précédé de trois perrons; c'est l'Hôtel dit des ducs de Brabant, pour la série de bustes à la base des pilastres, hôtel divisé en habitations particulières désignées, suivant la coutume ancienne, par des noms tirés de sculptures servant d'enseignes, comme Saint Antoine, la Fortune, la Pinte, etc., l'Hôtel des ventes en occupe une partie, et cela donne à la place déjà si mouvementée un supplément de mouvement et de bruit. On vend à l'encan, dans les salles intérieures, les ventes débordent sur le perron, les mobiliers s'entassent sur le pavé, les enchères volent, les commissaires-priseurs agitent leurs marteaux jusqu'au milieu de la Grand'Place.

En face de l'Hôtel de ville, la Maison du Roi est flanquée de deux groupes d'autres pignons, moins truculents qu'à côté, mais encore très joliment découpés, où l'on peut signaler la Maison des Tailleurs, en style classique, mais très décorée et très surchargée au sommet.

Tout autour, par derrière, dans les rues étroites, le pittoresque continue; ce sont des façades souvent presque aussi belles que celles de la Place, des recoins curieux, derrière la Maison du Roi, rue des Harengs ou rue Chair-et-Pain, rue au Poivre ou sur le Marché aux herbes, derrière l'Hôtel de ville, rue des Chapeliers, rue de la Tête-d'Or, rue de l'Amigo, rue de l'Etuve.

Ici arrêt forcé toujours, à l'angle décoré par le très fameux Manneken-Pis, fétiche bruxellois et curiosité légendaire. Ce petit bonhomme «shoking», le plus ancien bourgeois de Bruxelles, œuvre du sculpteur Duquesnoy, est là depuis 1648, et remplace une figure plus ancienne représentant un Godefroy, fils d'un duc de Brabant. Ce petit Manneken, nu ordinairement, a cependant, pour les jours de fête, une garde-robe bien fournie. Un Electeur de Bavière lui donna plusieurs riches habillements, avec un valet de chambre pour l'habiller. Louis XV, en réparation des insolences de quelques grenadiers français, le fit chevalier de ses ordres et lui envoya un magnifique costume, avec épée et chapeau à plumes, que l'inconstant personnage remplaça par un bonnet rouge en 93. A la Révolution de 1830, pour le conquérir au nouvel ordre des choses, on le fit officier de la garde civique.

Du Marché aux herbes, la rue de la Montagne conduit à l'église Sainte-Gudule, l'imposante masse sombre qui se dresse là-haut sur l'ancienne Colline aux moulins. Les deux grosses tours de la façade, au-dessus d'un large soubassement formant perron d'une quarantaine de marches, ont, bien que très ornées, une grandiose sévérité de lignes, par leur plate-forme crénelée, par les robustes contreforts en tourelles d'angle et par leurs fenêtres en lancettes, sévérité compensée par un gable du quatorzième siècle, très découpé, à statues, pinacles et clochetons, au-dessus du portail central. De très beaux et très riches porches latéraux s'ouvrent sur les transepts au pignon très orné.

A l'intérieur, beaux vitraux, monuments divers, grands mausolées, et naturellement chaire du même style extraordinaire que dans toutes les églises importantes,—peut-être la plus extraordinaire de toutes. Sous la chaire proprement dite, Adam et Eve, figures colossales, sont chassés du Paradis terrestre par l'ange à l'épée flamboyante et guettés par la Mort.—Au double escalier, troncs d'arbres, branchages entrelacés garnis d'oiseaux et d'animaux divers; tout en haut sur l'abat-voix en feuillages et draperies soulevés par des anges voltigeants, la Vierge sur le Croissant écrase la tête du Serpent.

Le Bruxelles officiel, élégant, le Bruxelles des palais du dix-neuvième siècle, occupe tout le sommet de la ville haute, la longue colline qu'escaladent les rues de la Montagne, Montagne-aux-Herbes-potagères, Montagne-de-la-Cour, et autres voies pittoresques aux noms amusants, comme rue Fosse-aux-Loups, rue du Bois-Sauvage, Montagne-des-Aveugles, etc... On y trouve même la «rue d'une Personne».

Il y a la colonne du Congrès, sur sa place en belvédère dominant tous les toits de la basse ville, le Parc, entre le Palais du Roi et le Palais de la Nation, où siègent les Chambres, la Place Royale et l'église Saint-Jacques-sur-Caudenberg, classique du dix-huitième siècle, sans compter d'autres Palais, Musées ou Ministères, le Palais des Comtes de Flandre, le Palais du duc d'Arenberg, pour arriver à la masse formidable du nouveau Palais de Justice. Il faudrait entasser les uns sur les autres les adjectifs «énorme, formidable, colossal, babylonien» pour essayer de qualifier comme il conviendrait cet extraordinaire ensemble de portiques, de vestibules ouverts à la grecque, de colonnades, de temples, de bâtiments posés sur d'immenses plates-formes, sur d'autres bâtiments, amalgamés, entassés, superposés, le tout portant, sur une terrasse supérieure, comme couronnement majestueux, un édifice carré à colonnades, avec statues colossales assises aux angles, sur lequel se pose un étage circulaire et enfin la coupole terminale, l'ensemble occupant 25 000 mètres carrés.

Le Guide affirme qu'il y a là vingt-sept grandes salles d'audience et deux cent quarante-cinq pièces de moindre dimension. C'est effrayant quand on songe à ce que ces chiffres, formidables comme tout le reste, permettraient de supposer comme quantité indispensable de procès pour les justifier ensuite, comme membres de juges, avocats, greffiers, huissiers, etc., pour occuper tous ces prétoires, tous ces greffes, tous ces locaux divers... Mais resterait-il assez de Belges pour fournir de plaideurs ce temple de la déesse Chicane?

Sur la place du Sablon s'élève une autre église gothique, Notre-Dame-du-Sablon, d'une belle découpure de lignes dans l'ensemble, avec un très gracieux portail, mais sans flèche ni tour.

Devant l'église s'étend une grande place arrangée en square, au-dessous du Palais du duc d'Arenberg. On a placé là, sur une fontaine monumentale, les statues des comtes d'Egmont et de Horn, entourés d'un cercle de personnages du seizième siècle.

Un peu plus loin se trouve l'église de la Chapelle, autre église gothique, mais bizarrement restaurée de nos jours et pourvue d'un très disgracieux clocher.

Un bel échantillon des défenses du vieux Bruxelles des anciens jours subsiste sur le boulevard de Waterloo, derrière le Palais de Justice. C'est la Porte de Hal, imposant morceau conservé à la démolition des remparts en 1830 et qui valait bien d'être maintenu et restauré. Outre ses bons services militaires, ce donjon avait été utilisé en prison sous le proconsulat du duc d'Albe; on lui a donné aujourd'hui une meilleure destination en en faisant un Musée d'armures.


XV

LIÉGE

Histoire mouvementée.—Troubles, massacres et boucheries.—Les Princes-Evêques et leur Palais.—Les sièges de Charles le Téméraire.—Eglises romanes et gothiques.—Vieilles pierres et modernités.

L'illustration historique de cette grande cité de Liége, remonte à de longs siècles, et son passé mouvementé n'est qu'une succession d'épisodes tragiques.

Ce n'est certes pas une ville morte, bien qu'elle ait eu, à certaines heures terribles, toutes les chances pour devenir aussi défunte que nulle autre. Ses gens des Métiers furent, au temps des grandes Communes, parmi les plus ombrageux et les plus turbulents, les plus difficiles à manier et les plus prompts à s'enflammer pour leurs droits, comme à se jeter avec une énergie furieuse, en toutes occasions, dans les violences, les séditions et les troubles. Que de luttes, pendant des siècles, contre les princes-évêques ou les suzerains, que de batailles, que de malheurs aussi aux époques sanglantes!

Pourtant Liége vit toujours. Dévastée et dépeuplée après les plus lugubres catastrophes, elle se rebâtissait et se repeuplait. Toujours ouvrière, manufacturière, c'est un centre industriel de premier ordre, une vaste cité où s'agite et travaille une population de 160 000 habitants.

La large Meuse s'y réunit à l'Ourthe dans les bas quartiers industriels. La partie importante de la ville est sur la rive gauche, à la base et sur le flanc des collines, où les grands quartiers modernes flanquent les vieux quartiers de la ville historique, que domine tout en haut la citadelle.

Une statue équestre de Charlemagne, sur le boulevard d'Avroy, nous rappelle l'importance que Liége commençait à prendre dès les derniers temps des vieux Carlovingiens, des Pépin d'Héristal ou de Landen, ducs d'Austrasie nés dans la contrée. Sans remonter jusqu'à cette lointaine époque, nous voyons, vers l'an mille l'évêque Notger, successeur de saint Lambert dont les reliques sont à la cathédrale, et de saint Hubert, le patron des chasseurs, fonder, pour ainsi dire, la principauté ecclésiastique indépendante de Liége, et pendant trente-cinq ans d'épiscopat, travailler au bien et à la grandeur de son évêché, créer des écoles, construire des églises et pour garantir la sécurité de ses ouailles, entourer Liége de solides remparts.

Pendant quelques siècles, Liége poursuit sa marche ascendante, malgré les querelles intestines, les troubles amenés par les compétitions pour le trône épiscopal, ou les luttes des évêques cherchant l'agrandissement de leur domaine. A travers toutes ces secousses, malgré l'existence d'une aristocratie féodale, à côté du pouvoir épiscopal, la bourgeoisie et les métiers de Liége, alliés tantôt des uns, tantôt des autres, conquièrent un échevinage et des garanties pour les libertés communales, non sans émeutes, sans explosions de fureurs et sans égorgements par les rues et les places publiques.

L'importance de cette principauté indépendante explique toutes les compétitions pour le trône épiscopal; les Evêques féodaux, grands seigneurs ou cadets de familles princières, une fois en possession de la mitre, menaient dans leur palais une existence fastueuse, et grâce à leurs richesses se livraient parfois aux plus scandaleux désordres. De là exactions, calamités, insurrections diverses.

En 1408, le peuple de Liége en pleine révolte chasse un de ces prélats indignes, Jean de Bavière, et le remplace. La guerre éclate. Liége peut fournir une armée de 15 000 hommes de pied et de 700 cavaliers, conduits par le nouvel Evêque Jean de Horn et par son père, armée qui se heurte près de Tongres aux 35 000 hommes amenés par Jean de Bavière et le duc de Bourgogne.

Les Liégeois sont écrasés. Après un épouvantable carnage, les têtes du nouvel Evêque et de son père sont portées à Jean de Bavière. Celui-ci, rentré dans Liége, supprime les libertés et privilèges de la ville et se livre à des cruautés qui lui valent le surnom de Jean sans pitié.

Ce Jean de Bavière, Evêque à dix-sept ans, abandonna plus tard son évêché pour se marier et courir à de nouvelles ambitions.

Quelque cinquante années après, Liége recevait un nouvel Evêque, Louis de Bourbon, un prélat de seize ans, neveu du duc de Bourgogne, et ce nouvel Evêque apportait à ses ouailles une longue suite de malheurs. En 1465, la ville révoltée contre Louis de Bourbon l'assiège à Huy et l'oblige à une fuite précipitée. La guerre se poursuit, les Liégeois se savent encouragés par le roi de France Louis XI, mais une armée bourguignonne leur inflige une cruelle défaite à Saint-Trond et marche sur Liége. Commines, qui suivait alors la fortune de Charles le Téméraire, raconte les péripéties de l'entrée en ville, le désaccord des Liégeois sans direction et qui auraient pu encore se défendre et ne pas subir la capitulation extrêmement dure qui leur fut imposée. Louis XI surpris par leur défaite trop prompte n'avait pu rien pour eux.

Six mois après, nouveau soulèvement, les Liégeois n'avaient pas si complètement livré leurs armes, de la première vouge à la dernière arbalète, qu'ils ne pussent encore mettre sur pied une armée considérable, mais dépourvue d'engins d'artillerie, et ils comptaient encore sur Louis XI.

Mais à Péronne, Louis XI s'est mis imprudemment entre les mains du duc Charles. Au lieu d'un allié, c'est un ennemi que le duc de Bourgogne traîne avec lui contre Liége. La ville, démantelée six mois auparavant, peut à peine se défendre contre les 40 000 Bourguignons de Charles le Téméraire. Il n'y avait «portes ny murailles, ny fossez, ny une seule pièce d'artillerie qui rien valut». Les Liégeois ne peuvent que vendre chèrement leur vie; ils commencent par infliger un échec à l'avant-garde ennemie, en lui tuant 2 000 hommes. Les assiégeants installent leur camp en attendant l'heure de l'assaut. Charles le Téméraire a son quartier sur les hauteurs de Sainte-Walburge, du côté de la citadelle actuelle; à côté de son logis, Louis XI, son otage, a le sien, séparé du duc par une grange où sont entassés 300 hommes.

L'assaut devait avoir lieu à la pointe du jour, mais, la nuit même, les Liégeois se sont résolus à une tentative désespérée. Commines racontant «comment les Liégeois firent une merveilleuse sortie sur les gens du duc de Bourgogne, là où lui et le roy furent en grand danger», dit que 600 hommes du pays de Franchimont près Liége, se laissant glisser sans bruit par les brèches, eussent tué le duc et le roi couchés dans leurs lits, si, rencontrant deux grandes tentes où dormaient quelques seigneurs bourguignons, ils ne se fussent «amusés» à lancer de grands coups de piques à travers, ce qui donna l'alarme. Au bruit, les 300 hommes de la grange commencèrent à sortir à demi armés, les archers du duc se levèrent et une horrible mêlée s'engagea dans l'obscurité, devant le logis de Charles qui s'armait à la hâte. D'autre part, le logis du roi était également attaqué, les quelques archers écossais de Louis XI se défendaient à coups de flèches tirés au petit bonheur dans la masse des gens qui s'égorgeaient sans se voir, serrés dans un si petit espace. Mais tout le camp réveillé arrivait à la rescousse, les 600 Liégeois moururent jusqu'au dernier.

Le lendemain l'armée bourguignonne forçait les retranchements et le duc Charles donnait le signal du massacre, des exécutions, des noyades en masse, du pillage à fond et de l'incendie final, de l'effroyable embrasement dont on aperçut les fumées tourbillonnantes depuis Aix-la-Chapelle, atrocités que le duc—l'impitoyable boucher de Nesle, de Gand, de Dinant et d'ailleurs,—devait justement expier un jour à Nancy, sous les piques des Suisses.

Liége semblait bien morte. Charles le Téméraire avait envoyé à la Bourse de Bruges, pour y être exposé «à la risée honteuse de la populace» selon une inscription qu'il y fit graver, le Perron c'est-à-dire une colonne surmontée d'une pomme de pin, Palladium de la cité et symbole des libertés communales, devant laquelle se faisaient les proclamations au peuple. Ce perron, on le voit encore aujourd'hui, ou du moins l'édifice qui a hérité de sa place et de son nom, une jolie fontaine du dix-septième siècle, où la colonne, au lieu de la pomme de pin traditionnelle porte un petit groupe des Trois Grâces. Que de gentillesses aujourd'hui, pour un souvenir des époques dures, des rudes combats soutenus par les métiers liégeois et de tous les égorgements qui firent ruisseler tant de sang sous ce perron.

Il est sur la Place du Marché, devant un Hôtel de ville de 1714. Liége n'a malheureusement pas de maison communale du Moyen-Age, l'Hôtel de ville, construit une trentaine d'années après le sac de Charles le Téméraire, ayant été détruit à son tour par un bombardement en 1691.

Après les massacres et les destructions de 1468, Liége se repeupla pourtant, se reprit à vivre, mais ce n'était pas la dernière tragédie. A peine une douzaine d'années écoulées, c'est l'assassinat de l'Evêque Louis de Bourbon par Guillaume de la Marck, le farouche Sanglier des Ardennes, qui, à la tête d'une bande de 4000 routiers, était venu tendre une embuscade à l'Evêque, aux portes de la ville où il s'était ménagé des intelligences.

Entré en ville, Guillaume de la Marck, terrorisant les chanoines, leur imposa l'élection au trône épiscopal de son fils, Jean d'Arenberg qui n'était même pas clerc. Mais les chanoines ayant pu s'enfuir à Louvain, s'empressèrent d'élire un autre Evêque, lequel, soutenu par le Pape et l'Empereur, put quelque temps après mettre la main sur le farouche Sanglier des Ardennes et le faire décapiter.

Ce fut le signal d'une guerre de brigandages menée par la famille de la Marck, alliée à la populace liégeoise. Huit années de luttes et de surprises, jusqu'au jour où les Liégeois, fatigués de la tyrannie des partisans des la Marck, se révoltèrent et les massacrèrent jusqu'au dernier.

Malgré les troubles, pendant le seizième siècle, Liége s'efforce cependant de se tenir à l'écart des grandes guerres contre l'Espagne. Au dix-septième siècle, les divisions prennent un caractère aigu, la ville se partage entre deux partis: Grignoux—Grognards—parti populaire, et Chiroux,—Hirondelles—parti de l'aristocratie. Les émeutes et les bagarres se succèdent, le bourgmestre Laruelle est massacré, avec l'aide des Espagnols, mais les Grignoux, furieux, font à leur tour une boucherie de tout ce qui peut tenir au parti opposé.

Luttes contre les Princes-Evêques ou difficultés pour maintenir la neutralité de la principauté pendant les grandes guerres, soulèvements et réactions, cela recommence toujours jusqu'à la Révolution française, quand le dernier des quatre-vingt-dix-huit Princes-Evêques de Liége est obligé de quitter sa ville, devant les troupes de Dumouriez.

Le Palais des Princes-Evêques n'est pas tout à fait tel qu'il était du temps où ces Prélats le remplissaient d'une cour de gens d'Eglise, et d'hommes d'armes. Il est aujourd'hui converti en Palais de Justice. Quelques robes de juges et d'avocats, quelques plaideurs, c'est tout ce qu'on y peut rencontrer. Un incendie l'a ravagé en 1734, détruisant une partie des bâtiments. La façade reconstruite est du dix-huitième siècle, sans beauté. Derrière cette façade, se trouvent deux cours rectangulaires; la plus grande est vraiment belle avec ses quatre galeries d'arcades soutenues par d'étranges colonnes à fûts renflés, différents de chaque côté, semblables à d'énormes chandeliers d'église couverts de grandes arabesques sculptées, aux chapiteaux desquels grimacent des figures grotesques. Dans la restauration entreprise de nos jours, on a ajouté une façade latérale en style du quinzième siècle, rappelant les bâtiments de la grande cour.

Le Palais des Princes-Evêques c'est le cœur du vieux Liége, mais, en dehors des églises, on y rencontre bien peu d'édifices anciens ou de maisons curieuses, ce ne sont dans ces vieux quartiers que rues commerçantes alignant des files de façades modernes, des places très mouvementées, gentilles certainement, mais sans originalité comme la Place Saint-Lambert, où se trouve le Palais de Justice, la Place Verte, la Place du Théâtre où s'élève la statue de Grétry.

On trouve pourtant quelques fragments anciens, quelques vieux murs dans les quartiers hauts, vers Sainte-Croix et Saint-Martin, en montant par les Degrés des Bégards, raide escalier grimpant sous de vieilles pierres moussues, sous des terrasses enlierrées et fleuries, jusqu'à l'église Saint-Martin, du côté où se trouvait jadis la porte Saint-Séverin.

De l'autre côté du Palais, rue Hors-Château, d'autres escaliers se voient encore, montant à la citadelle à la Vauban qui remplace les forts successivement établis sur ces hauteurs depuis le treizième siècle, pris, repris, démantelés, rebâtis, après avoir eu à combattre les archers flamands, les hommes d'armes de Bourgogne, les routiers du Sanglier des Ardennes, les arquebusiers espagnols, les canonniers de Louis XIV ou de Marlborough...

Magnifique vue de là-haut sur le cours de la Meuse qu'assombrissent des tourbillons de fumée, non plus celles des batailles ou du sac de Charles le Téméraire, mais la respiration des grandes usines et des établissements métallurgiques d'une banlieue industrielle.

Des ponts nombreux réunissent les deux parties de la ville; le vieux pont de jadis, le pont des Arches a été reconstruit en 1860 et n'a pas plus de caractère que les autres. Sur le quai de Maestricht, une haute construction domine tout le quartier par sa taille et sa beauté sévère, énorme carré de briques et de pierres à toit immense, jusqu'au sommet duquel monte une tour carrée terminée en terrasse. La porte ouvrant dans un petit pavillon, sous une sorte d'échauguette, a du caractère, ainsi d'ailleurs que certaines grandes fenêtres à solides grillages. C'est aujourd'hui le Mont-de-Piété qui s'abrite derrière ces grillages.

Pour cathédrale, Liége est obligée de se contenter de son église Saint-Paul, la Révolution ayant détruit l'ancien et superbe édifice qui regardait jadis le Palais de ses Princes-Evêques. Tour carrée, sans grand intérêt. Saint-Jacques, beaucoup plus intéressant, montre un peu de tous les styles, une rugueuse tour romane au portail, une longue nef gothique tout le long de laquelle, à la base des combles, se prolonge une galerie d'arcatures ouvertes, comme en haut des façades du Palais épiscopal, et un petit porche classique de la Renaissance, en hors-d'œuvre, ouvrant dans le bas côté gauche, à côté de la tour romane.

A Saint-Jean, de la vieille église romane de forme ronde, remplacée par un édifice dix-huitième siècle, il reste une vieille et belle tour carrée accostée d'une tourelle ronde. Saint-Barthélemy est également roman avec des tours à quatre pignons qui rappellent les clochers rhénans.

Sainte-Croix est une très belle église romano-gothique à trois nefs égales dont l'abside ronde, surmontée de petites tourelles et d'un clocher octogonal, fait un bel effet en haut de la colline. L'église Saint-Martin, grosse tour sans flèche est gothique; ici, lors d'une lutte entre le parti populaire et les nobles en 1312, deux cents de ceux-ci réfugiés dans la tour, après s'être défendus jusqu'au bout, périrent dans l'embrasement de cette tour.


XVI

HUY.—NAMUR.—DINANT.

La Meuse.—Une série de citadelles.—Notre-Dame de Huy.—Une fontaine gothique.—Le rocher de Dinant.—Sièges malheureux et mises à sac.—La Roche à Bayard.—Bouvignes.

Sur la Meuse, entre Liége et Namur, un énorme rocher qui vient presque border la rivière porte une citadelle qui pouvait, il y a trente ou quarante ans encore, être qualifiée de formidable.

Maintenant, avec les engins nouveaux et les explosifs à la dernière mode, on ne sait plus si le mot convient encore, mais nous pouvons toujours dire que ce rocher, couronné d'immenses maçonneries, reste très imposant. Cela constitue, dans tous les cas, un fort joli paysage, ces maisons blanches trempant dans la Meuse sans quai sous la forteresse, la roche nue perçant par endroits sous les broussailles ou le maigre gazon, les grands murs d'escarpe à mine rébarbative, percés d'embrasures, enfin, la grande église et sa grosse tour carrée.

Dans cette principauté ecclésiastique de Liége, Huy était une ville essentiellement cléricale qui comptait en ces temps dix-sept abbayes, couvents ou simples monastères et quinze églises.

L'une de ces abbayes, Neufmoutiers, était une fondation de Pierre l'Ermite, le prédicateur de la première Croisade, qui mourut à Huy. Mais la pauvre petite cité subit le contre-coup de toutes les révolutions qui secouèrent la ville capitale, de toutes les explosions populaires, comme aussi de toutes les discordes princières. A chacune de ces secousses, Huy récoltait quelques désagréments, le parti momentanément vaincu à Liége accourait se réfugier dans sa forteresse, pourchassé aussitôt par le parti vainqueur, et la guerre s'abattait sur la malheureuse petite ville pour laquelle il s'ensuivait siège, blocus, assauts, tous les malheurs possibles, avec souventes fois sac, pillage et incendie.

Dans les guerres du dix-septième siècle, elle eut encore à souffrir, elle perdit son beau pont du treizième siècle, détruit par Villeroy en 1689, ensuite la citadelle fut prise d'assaut et incendiée en 1693. Plus tard, après les guerres de l'Empire on la reconstruisit comme nous la voyons aujourd'hui.

De tous ses établissements religieux, il reste à Huy sa grande collégiale Notre-Dame, fondée par Charlemagne en 799. C'est un bel édifice du quatorzième siècle qui élève deux tours carrées à l'abside et, sur le côté d'un porche latéral, une très grosse tour carrée, dans le bas de laquelle, pour éclairer l'église, est percée une grande rosace, ce qui doit être un exemple unique.

Quelques restes de bâtiments claustraux se voient encore autour de l'église; sur la rue qui passe devant l'abside, s'ouvre le charmant portail de la Vierge, un petit édicule accoté au chevet sous les grandes verrières. C'est, au-dessus d'un passage, une grande ogive entre deux moindres, chacune sous un gable fleuronné. La grande ogive encadre dans ses subdivisions des scènes de la Nativité, la Vierge couchée dans l'étable de Bethléem, les Rois mages, les bergers, etc. Il faut dire que ce portail est une restauration très agrandie, l'ogive centrale seule est ancienne; elle s'ouvrait entre deux vieux bâtiments. Quand, il y a quelques années, on dégagea l'église de ce côté, on ajouta les deux petites ogives en supprimant un couronnement de la Renaissance, pour refaire le gable qui avait dû exister jadis.

Huy possède un joli petit monument sur une de ses places, une fontaine en cuivre du commencement du quinzième siècle, tout à fait originale comme arrangement, et qui fait penser à quelque gigantesque aquamanile. Du milieu d'un bassin, surgit une sorte de petit château, composé de quatre tours crénelées avec goulots en forme de gargouilles, entre lesquelles se tiennent debout quatre statuettes intéressantes pour l'allure et le costume, une dame, un évêque, un jeune chevalier et un autre homme d'armes; au milieu, une tour centrale porte une figure d'homme sonnant du cor.

Comme Huy, Namur, à quelques lieues de là, au confluent de la Sambre et de la Meuse, montre de loin les blanches murailles d'une citadelle haut perchée sur des rochers. C'est une très belle situation prêtant fort par elle-même au pittoresque, mais ce n'est pas le pittoresque qu'il faut demander à Namur. Point de vieux logis de tournure ancienne, ni de petite maison à la mode de jadis, point de grands monuments gothiques en cette cité bourgeoise très banalisée; ici les rues propres et froides, aux façades nettes et élégantes, n'ont aucune vieille chose à montrer.

Namur a l'air d'être né au dix-huitième siècle, tout au plus, et quoique un de ses quais sur la Meuse porte un nom latin, boulevard ad Aquam, on ne lui donnerait pas son âge. Quelques morceaux de vieilles rues assez anciennes se rencontrent bien çà et là, mais sans caractère.

L'Hôtel de ville est tout à fait moderne; il y a un beffroi pas bien loin, mais on l'aperçoit à peine par-dessus les toits, au fond d'une cour. Quant aux églises, ce sont des portiques, des colonnades classiques, des balustrades, des entablements, des coupoles, et du corinthien, du style jésuite, de la pompe et du faste.

Elles sont toutes du dix-septième ou du dix-huitième siècle, ce qui explique tout. La cathédrale date de 1750, l'église Saint-Loup, la plus fastueuse, est plus vieille d'un siècle.

Probablement, les sièges subis par la citadelle, avec leurs éclaboussures de bombes et de boulets, sont pour quelque chose dans cette absence d'édifices d'un certain âge, et de pierres travaillées aux belles époques, dans une cité aussi ancienne.

Seule, en arrière de la cathédrale Saint-Aubain, une vieille tour se montre comme intimidée par tant de somptuosités classiques, c'est le pauvre vieux clocher de l'ancienne église, clocher roman surmonté d'un campanile, oublié comme un parent pauvre dans un recoin désert où l'on ne va plus.

Mais quels charmants paysages tout le long de la Meuse, quel superbe déroulement sinueux de la rivière, entre bois, prairies et escarpements rocheux, avec des villages gentiment perchés dans la verdure, de jolies vallées s'ouvrant comme de bleuâtres coulisses, et les rochers de Dinant qui s'annoncent de loin barrant l'horizon.

Huy est bien situé, Namur agréable, la Meuse au-dessus comme au-dessous coule dans des paysages accidentés, délicieux et gais, mais quelle charmante ville que Dinant et quel site admirable. Au point le plus mouvementé de ces horizons superbes, après des tournants de rivière idylliques, le paysage a pris une soudaine grandeur.

Au-dessus des eaux qui filent, des rochers se lèvent abrupts, se découpant de la façon la plus pittoresque, et c'est encore, là-haut, sur la pointe de ces rochers, une forteresse moderne, mais si bien placée et si pittoresque! Voilà un adjectif que l'on n'a pas souvent l'occasion d'appliquer aux citadelles d'aujourd'hui, aux froids remparts dessinés au tire-lignes. Celle-ci, juchée sur un piton rocheux, à un tournant de la rivière, sans être aussi amusante de lignes qu'un château du quinzième siècle, couronne bien les terribles rochers à pic aux rudes cassures qui surplombent la ville.

Il faut dire que Dinant, serré tout le long de la Meuse sur une rive très étroite fait bonne figure aussi, et surtout que l'église, sous la pointe du rocher, est elle-même de lignes très curieuses, d'une couleur sombre qui met une note vigoureuse, juste où elle est nécessaire, et enfin que, sur son portail robuste et sévère, cette église Notre-Dame campe un très étrange clocher, une flèche bulbeuse qui se renfle en coloquinte, se rétrécit pour se renfler encore et compliquer une silhouette très amusante.

Les maisons au-dessous de ce curieux portail trempent presque dans la Meuse, elles sont hautes et serrées; beaucoup, après un rez-de-chaussée très bas, sont portées en encorbellement sur des poutrelles ou sur des corbeaux de pierre ayant un faux air de mâchicoulis.

Un grand pont moderne traversant la Meuse sous l'église, réunit la ville au faubourg de Leffe, et remplace le vieux pont plusieurs fois détruit, tout comme la ville elle-même, dont le passé est au moins aussi accidenté que les rochers. L'histoire de Dinant n'est qu'une succession d'explosions de fureurs et de catastrophes amenées par les coups de colères aussi imprudents que frénétiques des Dinantais.

C'était une rude ville que Dinant. Fière des richesses amassées dans le travail du cuivre, avec ses Dinanteries renommées par toute l'Europe, se fiant à la force de ses rochers et de son château de Montorgueil, elle se montrait d'une humeur peu commode, aussi bien avec la petite ville de Bouvignes, sa très proche voisine, qui la regardait de la rive en face à moins d'une demi-lieue, qu'avec les puissants, fussent-ils le Prince-Evêque de Liége, leur seigneur immédiat, le duc de Bourgogne ou le roi de France.

Bouvignes, c'est l'ennemie intime. Pendant des siècles, Bouvignes et Dinant si proches, mais séparées par une haine implacable, vécurent en état d'hostilité, telles Semlin et Belgrade. Les Dinantais eurent affaire en 1466 au comte de Charolais, le futur Charles le Téméraire. La principauté de Liége étant en révolte contre la maison de Bourgogne, ils eurent l'imprudence de s'en aller pendre Charles en effigie devant Bouvignes, qui tenait pour le duc, en criant aux habitants: «Voyez le fils de votre duc pendu ici, comme le roi le fera pendre en France». Et Dinantais et Liégeois s'en allèrent de compagnie ravager le pays de Namur resté fidèle au duc.

Mais Charles amenait une grosse armée avec une formidable artillerie qui fit rage contre les remparts. Malgré les averses de boulets, malgré les brèches largement ouvertes aux assaillants, les Dinantais, dans un délire de fureur, pendirent les parlementaires envoyés pour leur offrir une capitulation. La défense était impossible pourtant, et il fallut se résigner et se rendre à discrétion.

A furieux, furieux et demi. Le comte de Charolais allait tirer d'eux une terrible vengeance. Il se faisait alors la main pour les atroces boucheries qu'il devait ordonner par la suite. Il lança au pillage et au massacre ses bandes de routiers. Les femmes, les enfants, les gens d'église mis à part, réunis en un lamentable troupeau furent éloignés, et la ville livrée aux soldats, entièrement pillée, saccagée et incendiée. Comme, parmi les parlementaires mis à mort par les Dinantais, il se trouvait des gens de Bouvignes, huit cents habitants liés deux à deux furent conduits devant Bouvignes et noyés dans le fleuve.

Les flammes éteintes, Charles ne s'éloigna qu'après avoir rassemblé les populations voisines pour leur faire abattre et raser ce que l'incendie avait laissé debout.

La ruine était si complète que l'acte autorisant plus tard la reconstruction d'une église, disait: «Au lieu jadis appelé Dinant.»

Et cependant, après quelques années, les Dinantais revinrent peu à peu et leur industrie se rétablit. Ce n'était pas le dernier siège que la ville devait subir. Moins de cent ans après, en 1554, pendant la guerre des trois évêchés, une armée française arriva sous les murs de Dinant. Les Dinantais dans un nouvel accès de fureur, se livrèrent encore aux mêmes insultes imprudentes, bien que le roi de France leur eût fait offrir de rester neutres, ils n'y gagnèrent qu'un siège et une mise au pillage.

Sous le rocher qui porte la citadelle il n'y a guère qu'une longue rue: l'église vue de côté se dessine de façon tout aussi pittoresque avec son transept et son petit porche latéral.

Il n'y a pas d'autres monuments ensuite que l'Hôtel de ville, ancien palais des Princes-Evêques, où l'on voit encore, flanquant une vieille porte datée de 1637, une grosse tour coiffée du même dôme en coloquinte que l'église, une sorte de tourelle en encorbellement, bref un ensemble de bâtiments s'arrangeant agréablement dans un peu de verdure, sur la berge de la Meuse.

Et cette berge conduit un peu plus loin à une autre curiosité, naturelle celle-ci, très monumentale après tout, la célèbre Roche à Bayard, qui se dresse à pic dans les eaux de la Meuse, droite comme une tour, aiguë comme une flèche de cathédrale, au point le plus magnifique du paysage dinantais.

Cette Roche à Bayard—le Chevalier sans peur et sans reproche n'est pour rien dans cette appellation, ce Bayard serait plutôt le fameux cheval des Quatre Fils Aymon—est une aiguille complètement séparée de la falaise de rochers par une fente, un simple couloir pratiqué à la mine pour laisser passer la route.

Bouvignes, en aval de Dinant, est une vieille petite ville redevenue village: elle a encore les ruines d'une porte et des restes de remparts, sur lesquels vient se poser l'abside de son église du treizième siècle.

Sur la Grand Place s'élève une sorte de vieux manoir, la très curieuse maison dite des Allemands, qui se compose de plusieurs corps de logis, de pignons de pierres et briques groupés sous une tour élevant au-dessus des toits et des cheminées une flèche ardoisée,—en pointe, celle-ci, sans doute pour protester contre les flèches bulbeuses et dodues de Dinant.

Bouvignes est dominé par les ruines du château de Crèvecœur, des pans de murs éventrés et des tours à demi écroulées. C'est l'ouvrage de la guerre de 1544. Bouvignes était alors du même parti que Dinant; le château de Crèvecœur, assiégé par les Français, se défendit jusqu'à la dernière extrémité, et au moment de la prise d'assaut, comme la soldatesque lancée au sac et au pillage se répandait dans le château, les dames de Bouvignes voyant leurs maris morts sur les pierres de la brèche, se précipitèrent du haut de la tour pour ne pas leur survivre.


TABLE DES MATIÈRES

I. Cambrai—Valenciennes.—Au pays des Hôtels de ville.—Le Palais de Fénelon.—La Porte Notre-Dame.—Quelques vieilles façades.—La Maison du Prévost.—Les vieux Chroniqueurs.—Monstrelet et Froissart.

5

II. Douai—Lille.—Le Beffroi.—La famille Gayant.—L'Hôtel de Rihour.—La Colonne du Siège et les Sièges.—Commines et son Beffroi.—Troisième Chroniqueur.—Bergues.—Autre Beffroi.—Gravelines.—Dunkerque.

20

III. Furnes—Nieuport—Dixmude.—Le décor de la Grand Place.—Le Pavillon des Officiers espagnols.—Les Églises.—Le dernier mystère.—Ce qui survit de Nieuport.—Fantôme de ville dans les Dunes.—Dixmude endormie dans ses prairies.

39

IV. Courtrai.—Triomphe et mise à sac, la journée des Éperons d'or.—Rosebecke.—Le Vieux Beffroi.—Un pont fortifié.—Le Béguinage.

58

V. Tournai.—Capitale mérovingienne.—La Cathédrale aux cinq tours.—Le premier beffroi de Belgique.—Églises et maisons romanes.—Le Pont des Trous et la tour d'Henri VIII.

66

VI. Ypres.—L'immense édifice des Halles.—La Grosse Tour et le Nieuwerk.—Tisserands et foulons.—La Vieille Boucherie.—Pignons sur pignons.—Le Steen des Templiers.

78

VII.  Gand.—Modernisme et Moyen-Age.—Deux burgs, château des Comtes et château de Gérard le Diable.—Le Cloître de Saint-Bavon.—L'Homme du Beffroi.—Les métiers.—Les Artevelde et les «vaillantes gens de Gand».—Marguerite l'Enragée.

94

VIII.  Gand (suite).—L'Hôtel de ville.—La Breloque.—La Halle aux draps.—Le Mammeloker.—Les Francs-Bateliers.—Les Béguinages: l'ancien et le nouveau.—Sainte Begga, princesse carolingienne, et les Béguines.—Vieilles maisons.—Le Rabot.

119

IX. Bruges.—Le bourg et ses monuments.—En haut du beffroi.—Le carillon.—Le Saint-Sang.—Les cygnes expiatoires.—Les grandes églises.—L'Hôtel de Gruuthuse.—L'hôpital Saint-Jean.—Le lac d'Amour et le Béguinage.

139

X. Bruges (suite).—Rues et canaux.—Le style flamand.—La Loge des Bourgeois et les Chambres de Rhétorique.—Les Loges des Nations.—La Toison d'or.

163

XI. Anvers.—Façade sur l'Escaut.—Le Steen et ses souvenirs.—La Cathédrale et l'Hôtel de ville.—La Fortune d'Anvers.—La Grande Boucherie.—La Furie espagnole et autres furies.—Le grand Siège.—Une Bourse gothique.—La Maison Plantin.

172

XII. Alost—Termonde.—Deux Hôtels de ville pittoresques.—Aventures et catastrophes.—Sièges.—Pestes et incendies.

196

XIII. Malines—Louvain—Audenarde.—La Grand'Place.—La Tour géante de Saint-Rombaut.—Un grand palais ruiné.—Vieux logis.—Orfèvrerie de pierres à Louvain.—L'Église Saint-Pierre.—Autres tours géantes écroulées.—L'Université.—La Grand'Place d'Audenarde et l'Hôtel de ville.—Notre-Dame de Pamele.

205

XIV. Bruxelles.—La Grand'Place et ses souvenirs.—L'Hôtel de ville.—La Maison du Roi et les Maisons de corporations.—Les comtes d'Egmont et de Horn.—Sainte-Gudule et les églises.—Palais sur palais.—La porte de Hal.

236

XV. Liége.—Histoire mouvementée.—Troubles, massacres et boucheries.—Les Princes-Évêques et leur Palais.—Les sièges de Charles le Téméraire.—Églises romanes et gothiques.—Vieilles pierres et modernités.

252

XVI. Huy—Namur—Dinant.—La Meuse.—Une série de citadelles.—Notre-Dame de Huy.—Une fontaine gothique.—Le rocher de Dinant.—Sièges malheureux et mises à sac.—La Roche à Bayard.—Bouvignes.

266

TABLE DES GRAVURES

Alost.—Hôtel de ville (eau forte).

Frontispice

   —    Arrière-façade de l'Hôtel de ville.

200

   —    L'Église.

202

   —    Vieilles Maisons.

203

Anvers.—Vue sur l'Escaut.

172

   —    Le Steen.

174

   —    Intérieur du Steen.

175

   —    La Cathédrale.

176

   —    Puits de Quentin Metzys.

180

   —    Maisons de corporations. Place de l'Hôtel-de-ville.

182

   —    Entrée de la Bourse.

183

   —    Statue de Sylvius Brabo.

186

   —    La Vieille Boucherie.

187

   —    Passage sous la Vieille Boucherie.

189

   —    Église Saint-Jacques.

190

   —    Cour de l'ancien Hospice des Merciers.

191

   —    Cour de la maison Plantin-Moretus.

193

   —    Vieille Porte, rue Haute.

194

   —    Porte de la Maison hydraulique.

195

Audenarde.—L'Hôtel de ville.

225

   —    Église Sainte Walburge.

229

   —    Vieux Pignon, rue de Namur.

231

   —    Notre-Dame de Pamele.

233

   —    Cheminée de l'Hôtel de ville.

235

Bergues.—Le Beffroi.

33

   —    Restes de l'abbaye de Saint-Winoc.

36

Bouvignes.—Ancienne Porte sous le chevet de l'église.

276

   —    La Maison des Allemands.

279

Bruges.—Canal du Rosaire.

Couverture

   —    Canal derrière le Franc.

Couverture

   —    Le Lac d'Amour.

139

   —    Le Beffroi.

141

   —    Chapelle du Saint-Sang.

143

   —    Hôtel de ville et Chapelle du Saint-Sang, vus du Beffroi.

145

   —    Les Pignons du Franc et Entrée du Marché au Poisson.

146

   —    Rue de l'Ane-Aveugle entre le Greffe et l'Hôtel de ville.

149

   —    Église Notre-Dame. Ancien portail du Paradis, aujourd'hui baptistère.

150

   —    Chevet de l'église Notre-Dame.

153

   —    Entrée de l'Hôpital Saint-Jean.

154

   —    Hôtel de Gruuthuse.

155

   —    Intérieur du Béguinage.

156

   —    Hôpital Saint-Jean.

157

   —    Porte des Baudets, ou d'Ostende.

158

   —    Porte Sainte Croix.

159

   —    Les Moulins de la Porte Sainte-Croix.

160

   —    Place Van Eyck.

161

   —    Entrée du Béguinage.

163

   —    La Loge aux Bourgeois restaurée.

165

   —    Pignon rue Flamande.

166

   —    Oratoire sous les murs de Saint-Sauveur.

167

   —    Bretèche sur le canal. Au Pont Flamand.

168

   —    Pignon provenant de l'ancienne Loge aux Génois.

169

   —    Église de Jérusalem.

171

Bruxelles.—Beffroi.

Couverture

   —    Notre-Dame du Sablon.

236

   —    Place de l'Hôtel de ville.

237

   —    Bretèches de l'Hôtel Ravenstein, rue Terarken.

242

   —    La Maison du Roi, ancienne Halle au pain.

243

   —    Sainte Gudule.

247

   —    Porte de Hal.

251

Cambrai.—Maison de bois près la Chapelle des Jésuites.

9

   —    Portique de l'ancien évêché.

10

   —    Porte Notre-Dame.

12

Commines.—Le Beffroi.

31

Courtrai.—Le Pont du Broel.

5

   —    Le Béguinage.

58

   —    Le Beffroi et l'Église Saint-Martin.

61

   —    Cheminée de l'Hôtel de ville.

65

Dinant vu de la Roche à Bayard.

266

   —    Vue générale.

269

   —    L'Hôtel de ville.

275

Dixmude.—Moulin.

Couverture

   —    Le Jubé de Saint-Nicolas.

52

   —    La Grand'Place.

53

   —    Le Béguinage.

57

Douai.—Beffroi.

Couverture

   —    Hôtel de ville.

13

   —    Église Notre-Dame.

21

   —    Fronton de la maison du Dauphin.

23

Furnes.—Les Pénitents de la Grande Procession.

39

   —    La Grand'Place.

41

   —    Pavillon des Officiers espagnols.

45

   —    Tour de Saint-Nicolas.

46

Gand.—Tourelle d'angle de l'Hôtel de ville. Le dragon du beffroi. Abside de l'église Saint-Michel.

94

   —    Le Château de Gérard le Diable.

95

   —    Le Château des Comtes.

97

   —    Grand Châtelet d'entrée du Château des Comtes.

100

   —    Donjon du Château des Comtes.

101

   —    Ruines de Saint-Bavon.

102

   —    Cloître de Saint-Bavon.

105

   —    L'Homme du Beffroi.

108

   —    Le Beffroi.

109

   —    Le Toreken. Place du Marché du Vendredi.

112

   —    La Grosse Bombarde «Marguerite l'Enragée» .

114

   —    Pignon de la Halle aux draps.

116

   —    Château des Comtes, crénelage de l'enceinte.

118

   —    Place Saint-Pharaïlde.

119

   —    Le Quai aux herbes, pignon des Francs-Bateliers.

121

   —    Portique du Marché aux poissons.

124

   —    Maison de la Faucille.

126

   —    Église Saint-Nicolas.

129

   —    Le Mammeloker.

130

   —    Entrée du Nouveau Béguinage.

133

   —    Intérieur du Nouveau Béguinage.

134

   —    Église du Nouveau Béguinage.

137

   —    Le Rabot.

138

Gravelines.—L'Église reliée aux casernes.

20

Huy.—Église Notre-Dame et Citadelle.

261

   —    Porche de la Vierge à l'église Notre-Dame.

268

   —    Fontaine du quinzième siècle.

271

Liége.—Cour du Palais des Évêques.

249

   —    Statue de Charlemagne. Le Perron. Tour romane à Saint-Jacques.

252

   —    Église Saint-Jacques.

256

   —    Église Sainte-Croix.

259

   —    Le Mont-de-piété.

263

   —    Église Saint-Jean.

265

Lille.—Restes de l'hôtel de Rihour derrière l'Hôtel de ville.

25

   —    La Bourse et la Colonne du Siège sur la Grand'Place.

27

   —    Abside de l'église Saint-Maurice.

29

Louvain.—L'Hôtel de ville.

217

   —    Église Saint-Pierre.

223

   —    Chaire de l'église Saint-Pierre.

224

   —    Église Saint-Jacques.

227

   —    Reste des remparts au Parc Saint-Donat.

228

Malines.—Vieux Pont et Notre-Dame-au-delà-de-la-Dyle.

205

   —    Ancien Échevinage.

206

   —    Anciennes Halles et Palais du Grand Conseil, avant leur restauration.

207

   —    Pignon sur la Grand'Place.

210

   —    Cathédrale Saint-Rombaut.

211

   —    Maison du Quai au Sel.

214

   —    Tourelle sur les Bailles de Fer.

215

   —    Maison du Saumon.

216

   —    Ancien Palais de Marguerite d'Autriche.

219

   —    Porte de Bruxelles.

220

Mons.—Le Beffroi.

76

   —    Cathédrale Sainte-Waudru.

77

Namur.—Citadelle de Namur, au confluent de la Sambre et de la Meuse.

273

Nieuport.—Les Halles.

47

   —    Tour des Templiers.

50

Termonde.

196

   —    L'Hôtel de ville.

197

   —    Le Musée.

204

Tournai.—Le Pont des Trous.

66

   —    Maison, rue du Four-du-Chapitre.

66

   —    Porche de la Cathédrale.

67

   —    Le Beffroi.

69

   —    Petit Porche latéral à la Cathédrale.

72

   —    Derrière l'évêché.

73

   —    Église Sainte-Marguerite.

75

Valenciennes.—Un coin de la Grand'Place.

16

   —    Maison du Prévost.

17

   —    Pignon dans le faubourg de Paris.

19

Ypres.—Remparts près la porte de Lille.

78

Vieux Pignon de bois, rue de Lille.

78

Le Nieuwerck.

81

La Vieille Boucherie.

84

Les Halles.

85

Intérieur de la Vieille Boucherie.

87

   —    L'ancien Steen des Templiers restauré.

89

   —    Maison Bièbuyck, rue de Dixmude.

90

   —    Clocher de Saint-Pierre.

91

   —    Sur l'esplanade. Tir des archers de Saint Sébastien.

92

   —    Portail du Marché au poisson.

93

Zuitcote.—Clocher ensablé.

281

PARIS
IMPRIMERIE DE J. DUMOULIN
5, RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, 5


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