Lettres à M. Panizzi - 3eme édition, Tome I
CXXVIII
Paris, 1er juin 1863.
Mon cher Panizzi,
Nous sommes ici dans le fort de la fièvre électorale. Je ne sais pas encore ce qui sortira de l'urne, mais très probablement l'opposition anti-dynastique sera renforcée très notablement. On croit que Thiers sera nommé à Paris, grâce aux lettres furieuses de Persigny.
Si le gouvernement fait des folies, l'opposition en fait de son côté. Les rouges et les blancs s'allient sans la moindre vergogne. Le duc de Broglie reçoit chez lui Carnot, le ministre de l'instruction publique de 1848, qui signait les factums de madame Sand. Cela effraye un peu les épiciers, qui se souviennent du peu de poivre qu'on achetait alors; mais le bourgeois de Paris a toujours du goût pour l'opposition. J'espère que notre ami le docteur Maure sera élu, malgré son préfet, dans les Alpes-Maritimes. Le fils de M. Fould le sera sans la moindre difficulté à Tarbes, et Édouard Fould dans son département, où ses bons dîners lui ont gagné le coeur de tous les curés.
On est toujours fort inquiet des affaires de Pologne, plus encore que de celles du Mexique, qui cependant n'avancent guère. Mais à quelque chose malheur est bon. Le Mexique arrêtera sans doute les velléités polonaises. Il est impossible de dire plus de mensonges que tous les journaux n'en débitent sur ce sujet.
Les interpellations de M. Grégory et les réponses de M. Layard au sujet de l'Orient m'ont amusé. Lord Palmerston n'en démordra pas, et, après l'Angleterre, il n'y a pas à ses yeux de pays mieux administré que la Turquie.
Adieu, mon cher Panizzi. Je ne sais rien de nouveau sur l'incognita, et je ne me mets pas en frais, d'espionnage. Elle me promet une visite pour aujourd'hui.
CXXIX
Paris, 16 juin 1863.
Mon cher Panizzi,
Vous aurez vu le résultat de nos dernières élections, où l'opposition a réussi assez notablement. C'est un enseignement dont je ne sais pas trop si l'on profitera. Ici, le cri général est qu'il faut changer de ministère, ou du moins modifier considérablement le ministère actuel. Bien que l'opposition, en dernière analyse, ne consiste que dans vingt-cinq voix, elle a une puissance énorme dans un pays où tout le monde aime à critiquer. Il faudra de toute façon compter avec elle, autrement on lui donnerait trop d'avantages. Si on jugeait les changements probables par ce qu'on désire et par ce qui serait agréable au plus grand nombre, les dépensiers et les courtisans seraient exclus du cabinet et remplacés par des hommes d'affaires. Mais le maître n'aime pas les visages nouveaux et n'admet pas trop, je le crains, qu'il y ait des hommes nécessaires. Cependant M. Billaut a, depuis quelque temps, de fréquentes conversations avec lui et paraît le conseiller dans ce sens.
Notre ami du faubourg Saint-Honoré me semble plus content et plus calme. Je sais, d'autre part, que M. Walewski, qui d'abord avait pris des airs triomphants, est maintenant un peu écorné et inquiet. Cependant rien n'est encore fait, et la situation peut durer encore longtemps; on ne paraît pas disposé à réunir la Chambre tout de suite pour la vérification des pouvoirs. C'est en novembre, à ce qu'il paraît, que la convocation aura lieu, ce qui me semble assez mauvais; car d'un côté, il pourrait arriver tel événement qui exigeât une réunion immédiate, et cependant il faudrait encore perdre quinze jours à la vérification des pouvoirs. D'un autre côté, après la façon dont les élections ont été menées par les préfets, il faut s'attendre à plus d'un scandale, et il vaudrait mieux, à mon avis, confondre tout cela avec l'excitation électorale, que de laisser reposer les gens pour les réveiller et les exciter de nouveau. Machiavel, qui est toujours le prince des politiques, dit quelque part: Debbono farsi tutte le crudeltà in un tratto. A la place de crudeltà, qui n'est plus de ce temps-ci, mettez un mot plus convenable, le principe reste toujours le même.
M. Thiers annonce l'intention d'être très modéré. Je le crois, au fond, un peu embarrassé de son entourage. Il ne peut pas se dissimuler qu'il est seul à la Chambre et que la queue plus ou moins rouge qui se ralliera à lui dans certaines occasions ne lui veut aucun bien. Il est partagé entre l'irritation très-juste que lui donnent les circulaires de Persigny, et l'inquiétude que lui inspire le parti rouge. Je crois que, avec un autre ministère, il serait possible de l'amener, non pas à devenir le défenseur du gouvernement, mais à être un critique bienveillant et utile dans l'occasion.
Voici une petite histoire assez-drôle: Prévost-Paradol, des Débats, avait acheté un cheval arabe d'un officier de spahis. La première fois qu'ils le monte, il va au bois de Boulogne. Le prince impérial vient à passer avec son escorte de spahis. Aussitôt, le cheval se met avec eux, et, bon gré; mal gré, emmène M. Paradol jusque dans la cour des Tuileries.
Adieu, mon cher Panizzi; portez-vous bien et écrivez-moi.
CXXX
Fontainebleau, 25 juin au soir 1863.
Mon cher Panizzi,
Vous aurez vu que nous avons fait un ministère. Je crois que tout est pour le mieux. Les nouveaux venus peut-être n'ont pas assez de notoriété; mais le cabinet gagne cent pour cent en se défaisant de quelques-uns de ses membres. On peut dire que le dernier changement donne raison aux gens d'esprit. Les fous et les bêtes de moins, c'est une bonne chose.
Nous passons ici le temps très gaiement et en très bonne compagnie, presque aussi agréablement qu'à Biarritz, breeches excepted. Il n'y a pas de montagnes de la Rune, et nous faisons des promenades charmantes dans des bois magnifiques. IL y a devant le palais un grand étang que nous appelons honorablement le Lac. Il y a toute sorte de petites embarcations, un caïque de Constantinople avec un caïkdji et une gondole vénitienne quite in style avec son gondolier. Cette gondole a pris la parole, l'autre soir, et a dit, par l'entremise de Nigra, d'assez jolis vers à Sa Majesté. En voici la fin:
Tuo lago, a quando a quando
Teco verrà solando
Il muto Imperator,
Digli che in riva all' Adria
Povera, ignuda, esangue,
Geme Venezia e langue
Ma vive--e aspetta ancor!
Je crains qu'on n'ait répondu: Aspetti. Cependant Nigra est très festoyé ici. Il y a un autre Italien, compatriote à vous, je crois, un comte Sormani, qui est bon garçon et homme d'esprit. Il est de Modène, je crois, et aussi dévoué à ses ducs légitimes que vous pouvez l'être. Avec M. Billaut, qui est homme du monde et très aimable, c'est le seul personnage officiel du séjour et cela ne le gâte pas.
Nous avons vu des figures assez drôles pendant la crise ministérielle. C'est amusant d'être aux premières loges et d'assister à la comédie quand on n'est pas acteur, et qu'on n'a pas la prétention d'y jouer un rôle. Je n'ai pas revu M. Fould depuis mon départ de Paris; mais on me dit qu'il est très content.
J'ai vu M. Thiers, que j'ai trouvé fort sage et moins irrité que je ne l'aurais cru. A vrai dire, il aurait tort de l'être, car c'est aux colères de M. de Persigny qu'il doit sa nomination. Il m'a parlé en très bons termes de l'empereur et paraît détermine à se séparer de l'opposition. Je crois qu'il cherche une position intermédiaire. Il voudrait qu'on fît un pas en avant; mais il croit que ce pas consoliderait la dynastie. Hic jacet lepus. Mais, enfin, je crois que ce n'est pas une mauvaise chose qu'un homme comme lui, acceptant franchement le gouvernement de l'empereur et voulant améliorer au lieu de renverser, chose rare dans les oppositions françaises. Je ne doute pas qu'un de ces jours nous ne le voyions ici.
Les affaires de Pologne continuent à donner beaucoup d'inquiétude. Je ne trouve pas que le jeu qu'on joue en Angleterre soit très loyal. Il rappelle trop l'histoire des marrons tirés du feu par la patte du chat. Tout le bruit qu'on fait au Parlement des violences des Russes, on aurait pu le faire avec autant de raison à Saint-Pétersbourg, lors de la révolte des cipayes dans l'Inde. Personne ne trouvait à redire lorsque le capitaine Hodgton tuait de sa main les deux fils du Grand Mogol, coupables d'avoir eu des sujets qui avaient violé des Anglaises (car ces Indiens ont de mauvaises manières) et l'on jette feu et flammes lorsque les Russes pendent des officiers qui ont quitté leur régiment pour prendre parti parmi les insurgés. Nous faisons très justement fusiller à Puebla des Français que nous avons attrapés.
Adieu, mon cher Panizzi. L'incognita m'écrit des lettres italiennes toujours brûlantes.
CXXXI
Paris, dimanche 12 juillet 1863.
Mon cher Panizzi,
Je devais dîner avec Sa Majesté hier, et je comptais lui remettre votre lettre; mais, au moment de monter en voiture pour Saint-Cloud, est arrivé un de ses écuyers m'annoncer que le dîner était remis, attendu que le duc de X... venait d'avoir une attaque, on ne sait pas bien de quoi, et qu'il était encore sans connaissance. Il y a deux divinités païennes qui peuvent être accusées du fait, pour lesquelles il avait trop de penchants! On nous a remis à demain, pour le cas où l'accident ne finirait pas mal. Je vais envoyer savoir de ses nouvelles dans l'après-midi. S'il allait plus mal, ou s'il mourait salute a noi, j'enverrais votre lettre qui me paraît excellente.
Je ne vois pas encore bien clair dans l'avenir. Cependant je crois bien que vous me verrez apparaître vers le 20 de ce mois. Vous savez que je ne tiens pas beaucoup au monde et que je viens à Londres pour vous voir. Quant aux dîners, les vôtres me plaisent beaucoup mieux que ceux des aristocrates du West-End. L'exemple du duc de X... est là pour prouver que les jeunes gens de notre âge doivent se contenter d'un bifteck.
On vient de recevoir la nouvelle de la prise de Mexico. Ce serait excellent si cela finissait tout; mais c'est un autre ordre de difficultés qui commence. César et M. Fould sont jusqu'à présent les seules personnes, à ma connaissance, qui pensent que l'affaire pourra devenir profitable à ce pays-ci.
On attend avec grande impatience et un peu d'inquiétude des nouvelles de Russie. La plupart croient que la réponse de Gortchakof sera très polie, et même qu'il acceptera la proposition de l'Autriche, sinon les nôtres, qui paraissent les mêmes que celles de l'Angleterre. Mais les Polonais n'en voudront pas, pas plus que de l'armistice timidement présenté par lord Russell. Alors quelle sera la conséquence? de laisser carte blanche à la Russie. Si on n'eût pas encouragé les Polonais, il est probable que l'insurrection serait déjà terminée. On se demande encore comment on traiterait avec le gouvernement national, qui ressemble fort au gouvernement des francs juges ou des inquisiteurs de l'État de Venise. Je pense que lord Russell ne sera pas embarrassé pour les découvrir, car il a le grand pontife Hertzen sous la main.
Je viens de voir une lettre de Thiers. Il a été reçu merveilleusement par l'aristocratie de Vienne. L'empereur l'a consulté sur la politique, et il a modestement répondu qu'il ne pouvait qu'admirer M. de Schmerling. Il paraît, d'ailleurs, très frappé du mouvement libéral de l'Autriche et de la résignation des grands seigneurs à l'accepter. Il paraît bien résolu à ne pas faire ici d'opposition tracassière; et même à se séparer très franchement des rouges ses collègues de Paris. Mais, entre dicho y hecho, hay gran trecho.
Adieu, mon cher Panizzi; à bientôt, j'espère. Mille amitiés et compliments.
CXXXII
Paris, 16 juillet 1863.
Mon cher Panizzi,
Voilà le pauvre duc de X... qui paye cher ses amusements trop tardifs. Il paraît qu'après avoir bien dîné et avoir bu beaucoup d'eau-de-vie, il est allé dans un bal champêtre, d'où il est revenu pour souper, en compagnie de deux gueuses, et c'est en sortant de la Maison dorée, après un souper très prolongé, qu'il est tombé sur le trottoir à demi paralysé. Je ne crois pas qu'il ait retrouvé sa connaissance.
J'ai dîné avant-hier chez madame Fould, qui m'a donné des nouvelles de Vichy. Son mari était, en apparence, en grande faveur auprès de Sa Majesté. On est content, en général, du nouveau ministère. Le ministre de l'instruction publique a commencé par quelques mesures très anti-jésuitiques qui ont fait un très bon effet.
Je ne suis pas content de la note de lord Russell ni de son discours sur la Pologne. La note est bien médiocre de forme, surtout si on la compare à celle de Drouyn de Lhuys et à celle de M. de Rechberg. Il y a une grande naïveté au sujet de l'armistice, naïveté dont, au reste, nous avons à supporter notre part. On demande un armistice; mais comment un armistice peut-il exister sans frontières définies? Et le moyen de déterminer une frontière dans un pays où les insurgés n'ont pas une ville, peut-être pas un village; où il n'y a pas une lieue de terrain occupé par eux, mais où il y a, dans chaque forêt, une troupe de cent à deux cents hommes? Quelle réponse on prépare au prince Gortchakof! Ajoutez à cela l'assurance donnée au Parlement qu'on ne fera pas la guerre à la Russie, quand même elle répondrait par la négative aux six propositions. Il me semble que rien de plus imprudent, ni de plus timide à la fois, n'avait encore été signé par un ministre des affaires étrangères. Comme tout cela montre bien l'énormité de la puissance de la presse, qui fait faire tant de bêtises aux gens les plus sensés!
Adieu, mon cher Panizzi; je vous écrirai bientôt, et ce sera j'espère pour vous dire le jour de mon arrivée.
CXXXIII
Paris, 21 août 1863.
Mon cher Panizzi,
Je suis arrivé hier soir à bon port dans mon domicile, non sans avoir offert un petit sacrifice à Neptune, moins à cause de sa fureur que par la présence de cent cinquante vieilles femmes qui remplissaient des cuvettes à l'envi.
Je n'ai pu aller aujourd'hui à Saint-Cloud. J'irai demain, je pense, et je vous écrirai au commencement de la semaine prochaine.
Il paraît décidé que nous aurons une session en novembre, non pas seulement pour la vérification des pouvoirs, mais pour faire des lois. Le peu de gens que j'ai vus ne croient pas à la guerre, et on m'assure que l'enthousiasme polonais se refroidit tous les jours.
L'archiduc Maximilien a écrit à l'empereur une lettre de huit pages pour lui faire ses remerciements. Il accepte et on dit que ce n'est ni la reconnaissance ni l'éloquence qui manquent à cette épître. On assure que nos affaires au Mexique vont bien. On a chargé un colonel Dupin de poursuivre les guérillas mexicaines-juaristes avec des spahis d'Afrique et des contre-guerillas mexicaines. Il a débuté comme il faut commencer avec cette canaille, par pendre et fusiller tout ce qu'il attrapait. Les gens du pays out trouvé cela très bon et nous servent d'espions avec empressement. On croit que quelques mois de chasse suffiront pour rendre le pays parfaitement sûr. Utinam.
Ici, à la Chambre, on s'attend que l'opposition fera le diable à quatre et donnera beaucoup d'embarras. Je compte voir Thiers ces jours-ci.
L'empereur et le prince impérial sont au camp de Châlons à faire de grandes manoeuvres.
Adieu, mon cher Panizzi; portez-vous bien. Je suis triste de vous avoir quitté, et me console en pensant que c'est pour peu de jours.
CXXXIV
Paris, 23 août 1863.
Mon cher Panizzi,
Je suis allé hier à Saint-Cloud, où j'ai trouvé tout le monde en très bonne santé; je ne parle pas des militaires grands et petits qui sont au camp. On vous remercie beaucoup des photographies, qui ont paru faire grand plaisir.
On allait vous écrire; mais, comme c'est une opération qui coûte beaucoup à cette petite main, on me charge de la lui épargner. On m'ordonne donc de vous demander quand vous venez. On part le 31 de ce mois. Voulez-vous partir avec elle? Monsieur ne revient à Paris que le 27. Il en partira le 4 septembre. De toute façon, on compte sur votre présence, vous laissant absolument maître de décider le jour. Seulement ne tardez pas à répondre. Je suis à votre disposition tout à fait. Je fais une seule, non objection, mais observation. Si nous partons le 31, il n'est pas clair que nous puissions nous en aller avant la fin du mois. Décidez.
Point de guerre cette année. Cela est évident. On est bien catholique. Le fils cependant me donne des espérances. Son précepteur lui a conté un vieux roman dont le dénouement a eu lieu sous Tibère, et lui a demandé si les juifs n'étaient pas d'abominables gredins d'avoir fait ce tour à Notre-Seigneur. Le petit a dit: «Mais pourquoi s'est-il laissé faire puisqu'il était tout-puissant?». Je ne sais pas ce que le précepteur a dit. Tâchez de trouver une bonne réponse.
Adieu, à bientôt. Répondez-moi et décidez pour vous sans arrière-pensée, ni considérations de cérémonie. Vous avez des affaires et vous pouvez et devez les faire passer avant tout.
CXXXV
Biarritz, 27 septembre 1863.
Mon cher Panizzi,
Un mot très à la hâte, car je vais à la messe. L'impératrice est très souffrante d'un mal de gorge commencé vous savez où et continué dans une promenade en bateau sur la Nive. L'empereur est aussi un peu enrhumé et le prince impérial a été très souffrant hier de vomissements. Ce matin, il est à peu près complètement remis.
Nous avons eu un très agréable voyage de Tarbes à Pau et à Biarritz. Vos commissions ont été fidèlement remplies et aussitôt que possible.
Adieu. Je suis chargé pour vous de tous les compliments et tendresses des dames et des messieurs, à commencer par deux augustes personnages 20.
Note 20: (retour) A cette lettre étaient ajoutés ces quelques mots de la main de l'impératrice:«Je veux vous dire, mon cher M. Panizzi, tout le regret que j'ai de ne plus vous avoir parmi nous. Je vous demande de vouloir bien me conserver un de vos bons et meilleurs souvenirs.
»Votre alliée politique.
»EUGÉNIE.»
CXXXVI
Biarritz, 1er octobre 1863.
Mon cher Panizzi,
Les rhumes dont je vous ai effrayé vont à peu près bien, ma questo è nulla.
Le diable qui préside à nos affaires a envoyé dans nos parages le yacht impérial l'Aigle, et nous a suggéré l'envie de faire un voyage de circumnavigation autour de la péninsule ibérique. On doit embarquer quantité de cocodès, aller d'abord à Lisbonne voir si la reine de Portugal est bien accouchée, puis visiter Cadix, Séville, Malaga et Grenade, et s'en revenir par Marseille.
En Portugal, il n'y a guère d'autre inconvénient que l'inopportunité de la visite; mais, en Andalousie, les choses deviennent plus graves: quantité de cousins; le duc de Montpensier à San-Lucar ou à Séville; les élections espagnoles; une jeune personne à marier plus ou moins recommandée aux prétendants par l'entourage de cocodès et d'officiers de marine.
Cortina, l'ancien ministre des finances à Madrid, que j'ai rencontré à Bayonne, me disait que l'arrivée de Sa Majesté en Andalousie pouvait être l'occasion de très graves désordres. Elle sera reçue, suivant lui, ou bien ou mal, mais de toute façon d'une manière scandaleuse et dangereuse. Il craint que les progressistes, qui sont gens à faire flèche de tout bois, ne profitent de cela pour faire quelque ovation aussi embarrassante pour celle qui en sera l'objet que pour le gouvernement espagnol.
Enfin, et c'est le plus grave, la presse est libre en Espagne, et l'arrivée et le cortège peuvent fournir aux journalistes le sujet de bien des malices et insolences, d'autant plus que Sa Majesté catholique et le duc de Montpensier ne manqueront pas de les exciter sous main.
Je me suis trouvé d'accord avec tout le monde ici pour déplorer ce projet malencontreux, mais à peu près seul pour parler. Cependant j'ai déterminé Mocquart à parler à l'empereur. Comme il m'a cité et que l'empereur m'a cité, j'ai eu sur-le-champ une bataille à soutenir contre l'impératrice.
Vous ne serez pas surpris quand je vous dirai que, bien qu'elle fût un peu irritée, elle n'a pas cessé un instant d'être bienveillante et bonne pour moi à son ordinaire. Mon attachement pour elle, et le danger très réel de la chose, m'ont donné hardiesse et franchise, et je lui ai débité très nettement ma râtelée, quelquefois avec plus de vivacité que le respect ne l'exigeait. Elle a discuté loyalement, mais en avocat qui soutient une mauvaise cause. Son grand argument était qu'elle était bien libre de faire tout ce qu'un particulier peut faire. J'ai répondu qu'elle n'était pas un particulier, qu'elle avait des charges et qu'elle devait les supporter. Après une demi-heure de dispute très animée, ayant dit tout ce que j'avais sur le coeur, j'ai conclu en lui disant qu'une grande souveraine comme elle ne pouvait rien faire qui compromît et son mari et son pays; et qu'elle devait se persuader qu'elle n'était pas libre; qu'un roi l'était moins que personne, et que c'était pour cette raison que j'avais refusé toutes les couronnes qu'on m'avait offertes. Elle s'est mise à rire, m'a dit que j'étais une bête; mais il m'a paru cependant que mon discours l'avait ébranlée et lui laissait quelques inquiétudes.
Comme elle ne sait pas céder, le voyage est résolu. On devait partir ce matin, mais la mer est furieuse. Impossible de gagner Passages, où attend l'Aigle. Je désire et j'espère un peu que le voyage se borne à quelques jours passés à Lisbonne. La mer, l'équinoxe, etc., peuvent modifier beaucoup les résolutions.
Adieu, mon cher Panizzi, portez-vous bien et donnez-moi de vos nouvelles. Ne parlez à personne du voyage, qui malheureusement ne sera bientôt plus un secret.
CXXXVII
Paris, 8 octobre 1863.
Mon cher Panizzi,
Je trouve ici qu'on ne s'occupe pas trop du voyage de l'impératrice, ce qui me fait grand plaisir. Elle est arrivée à Lisbonne en bonne santé et assez vite. Aujourd'hui, elle doit être à Cadix. C'est malheureusement là que les embarras commencent. Il paraît qu'elle n'a fait que paraître et disparaître en Portugal. On avait prévenu le roi, mais il n'y a pas eu d'entrée ni de fiocchi. D'un autre côté, elle envoie de Lisbonne à Madrid de Caux avec une lettre pour la reine, en sorte que la mauvaise humeur de Sa Majesté catholique soit conjurée autant que possible.
Je viens de déjeuner avec M. Fould, que j'ai trouvé assez gaillard et moins furieux qu'on ne le pouvait craindre de la part d'un homme qu'on arrache aux ortolans de Tarbes pour le relancer dans la politique et les finances. Il est très content de son maître et croit au maintien de la paix, du moins tant que ses alliés ne voudront pas la guerre.
J'ai trouvé ici un Portugais, homme assez riche, qui s'ennuie et qui a le goût des coups de fusil. Il est allé en tirer au Maroc avec O'Donnell, puis en Pologne, d'où il revient après avoir été deux fois pris par les Russes, dont il se loue assez, car on s'est borné à le renvoyer par la frontière la plus proche. Il dit qu'il n'y a pas un mot de vrai dans les bulletins polonais, et qu'il a passé son temps à être battu et à s'enfuir. Il n'a pas grande idée ni du patriotisme ni des ressources du pays.
La phrase de lord Palmerston que vous m'envoyez est jolie; mais c'est le mot d'un vieillard qui n'espère plus rien, et qui ne demande plus qu'à mourir tranquille. Ce n'est pas, ce me semble, le langage du premier ministre d'un grand pays.
Adieu, mon cher Panizzi; je vous souhaite santé et prospérité. Il fait un temps digne de Londres, quoique pas trop froid.
CXXXVIII
Cannes, 20 octobre 1863.
Mon cher Panizzi,
J'ai pensé faire une fâcheuse expérience des économies réalisées par les compagnies de chemins de fer, qui, pour ne pas retarder un train, le font passer sur des traverses non calées ni consolidées. Nous avons eu un accident entre Avignon et Marseille qui aurait pu être assez grave. Tout s'est borné pourtant à un wagon renversé, celui de l'administration des postes, dont les employés out été tous un peu contusionnés. La diligence où j'étais s'est arrêtée au bord d'un talus d'une vingtaine de pieds. J'étais dans un coupé avec un curé, et il y avait derrière trois capucins. Cela explique l'accident. Il ne faut pas s'embarquer en si mauvaise compagnie.
J'ai reçu des nouvelles de nos amis embarqués sur l'Aigle. Un mot de madame de Lourmel et une dépêche télégraphique de la comtesse de Pierrefonds (sic), datée de Cadix 18, et ainsi conçue: «Je pars de Cadix en très bonne santé. Tout s'est bien passé.» Expliquez comme vous pourrez le journal qui dit qu'elle est arrivée à Valence le 17 et partie pour Madrid.
La mort de Billaut est un coup funeste pour la réussite de la session qui va s'ouvrir. C'était assurément le plus habile et le plus propre à lutter avec avantage contre les orateurs de l'opposition, même les plus brillants. Ce n'était pas un homme d'État, mais c'était un instrument merveilleux entre les mains d'un homme d'État. Je ne vois que Rouher qui puisse lui succéder, non le remplacer.
J'ai, d'ailleurs, d'assez bonnes nouvelles de Thiers. Il est toujours sage et promet de continuer à l'être. Tiendra-t-il parole, cela est écrit dans les tablettes de Jupiter. Cousin, qui était un excellent conseiller, va venir ici et ne pourra plus le contrôler ni combattre l'influence fâcheuse d'un certain nombre de belles dames orléanistes dont notre ami estime les sourires à un très haut prix.
Adieu, mon cher ami; j'espère que vous êtes en bonne santé et que vous ne regrettez pas trop le ciel des Pyrénées. J'étouffe de chaleur. Pas un nuage au ciel. La mer est comme une glace.
CXXXIX
Cannes, 27 octobre 1863.
Mon cher Panizzi,
Les motifs qu'on donne chez vous au voyage sont parfaitement ridicules. Il y a des gens qui ne croient pas qu'on boive jamais un verre de vin de Bordeaux sans quelque but politique. Du reste, la réception a été très belle et tout s'est passé pour le mieux. Dans quelque temps, j'aurai des détails dont je vous ferai part s'ils en valent la peine.
Hier, nous avons eu la visite de Cousin arrivant de Paris et voyant les choses très en noir. Il croit, et je crains qu'il n'ait raison, que toutes les belles promesses de Thiers ne tiendront pas. C'est un autre orgueil, et des plus grands. Il ne s'agit plus d'être chef du cabinet: il faut être président ou Dieu sait quoi. En attendant, il débute par ce qui me semble une impertinence et une faute. Il n'ira pas à la séance d'ouverture. Les nouveaux élus sénateurs et députés doivent y prêter serment. Croit-il que le serment prêté à la Chambre et devant le président oblige moins que s'il était prêté devant Sa Majesté. Il dit que ce qu'il en fait, c'est pour se mettre bien avec l'opposition, afin de donner plus d'autorité à sa parole lorsqu'il lui prêchera la modération.
Adieu, mon cher Panizzi. Nous avons toujours un temps magnifique. Hier, on nous a donné un gros bouquet de lilas; c'est la seconde cueillette de cette année. Nous mangeons des pois et, si la chaleur durait, nous aurions probablement bientôt des fruits de l'année prochaine.
CXL
Paris, 9 novembre 1863.
Mon cher Panizzi,
L'histoire de lord Palmerston m'a mis en belle humeur pendant trois jours. Il paraît, par une lettre d'avocat, que la partie lésée ne veut pas entendre à un arrangement; et qu'il y aura procès. Que ce pauvre Ellice aurait ri avec nous s'il était encore de ce côté de l'Achéron. Lady Palmerston, qui est une femme d'esprit, doit au fond se soucier très peu de l'infidélité; mais le scandale, à cet âge, est plus grave, et la reine doit faire une grise mine à son premier ministre. En France, un homme d'État ne résisterait pas probablement à ce flot de ridicule. Je ne sais pas comment la chose sera prise en Angleterre. Du reste, si l'on fait une souscription pour élever une statue à lord Palmerston, inscrivez mon nom après le vôtre. Je crains qu'on ne nous en élève pas de semblables.
Il paraît que le discours de l'empereur a plu généralement. Il est fort habile, et, quoique la réunion d'un congrès européen soit une chose pratiquement bien difficile à réaliser, il met tous les souverains dans un grand embarras, et les souverains qui refuseront seront mal notés par leurs peuples. C'était la seule partie vulnérable qu'il a touchée dans les notes du prince Gortchakof. Le discours de M. de Morny a également fait un bon effet par son ton conciliant et comme il faut. En somme, la session, qui semblait devoir, s'ouvrir sous de très mauvais auspices, pourra bien être meilleure qu'on ne l'avait prévu. Je vais voir M. Fould et entendre probablement son rapport, qui, dit-on, est rassurant.
Adieu, mon cher Panizzi; tenez-vous en joie et santé s'il est possible. Rappelez-moi au souvenir de nos amis.
CXLI
Compiègne, 18 novembre 1863.
Mon cher Panizzi,
J'ai présenté vos hommages à Leurs Majestés, et en particulier à l'impératrice pour le jour de sa fête, le 15, dont vous ne vous étiez pas seulement douté, païen que vous êtes!
Tout s'est très bien passé, c'est-à-dire exceptis excipiendis. Au feu d'artifice, une femme qui voulait le voir de trop près et qui avait franchi le cordon sanitaire a été tuée tout raide par une fusée qui l'a frappée à l'oeil. Nous avons joué une charade un peu leste, mais qui a été bien prise et qui a fait rire.
Puis, au dîner, le 15, votre ami le prince Napoléon, toujours gracieux, n'a pas voulu porter la santé de l'impératrice. Il était assis à sa droite, pro consuetudine, et l'empereur lui a dit de porter un toast et de faire un speech. Il a fait la grimace. De son côté, l'impératrice lui a dit: «Je ne tiens pas beaucoup au speech. Vous êtes très éloquent, mais vos discours me font un peu peur quelquefois.» A une seconde sommation de l'empereur, il a répondu: «Je ne sais pas parler en public.» On s'était levé, tout le monde attendait sans trop comprendre ce qui se passait au milieu de la table. Enfin Sa Majesté a dit: «Vous ne voulez pas porter la santé de l'impératrice?--Si Votre Majesté veut bien m'excuser, je m'en dispenserai.» Le prince Joachim alors a porté le toast, et on a quitté la table un peu ému.
Cette frasque a semblé assez forte pour le faire prier d'aller voir au Palais-Royal si Leurs Majestés y étaient; cependant l'hôte et l'hôtesse ont gardé leur sang-froid ordinaire, et l'impératrice a même pris son-bras pour passer au salon. Le prince est resté là fort isolé, tout le monde l'évitant; lui, faisant une mine boudeuse et méchante qui le faisait ressembler fort à Vitellius.
Le matin, il y a eu beaucoup d'allées et de venues dont le résultat paraît avoir été un replâtrage. Jamais je n'ai vu homme plus mal gracieux. Quant à moi, je n'aurais pas souffert pareille incartade; mais vous connaissez la longanimité de l'empereur; il le regarde comme un enfant et lui passe ses mauvaises humeurs. Je trouve fort triste, au fond, que, dans un temps comme celui-ci, les Bonaparte ne se serrent pas tous autour du chef de leur maison. Le prince, qui a parfois, je suppose, des velléités de jouer un rôle politique, se fait détester par ses mauvaises manières. Il flatte les rouges et s'imagine peut-être que, dans une révolution, il serait épargné. L'histoire du duc d'Orléans est là pour lui apprendre quel serait son sort si la République s'établissait jamais dans ce pays.
Je reste ici, encore une huitaine de jours. Aujourd'hui arrivent les Allemands, M. de Metternich et le ministre de Prusse, le comte de Goltz, tous gens peu amusants. Peut-être que la mort du roi de Danemark nous privera des belles toilettes et des valses de ces dames.
Je pense être de retour à Paris pour le milieu de la semaine prochaine. J'y resterai jusqu'après la discussion de l'adresse; puis j'irai attendre à Cannes la fin de l'hiver. Viendrez-vous nous y voir?
Adieu, mon cher Panizzi; tenez-vous en joie et recommandez-moi à nos amis.
CXLII
Compiègne, 22 novembre 1863.
Mon cher Panizzi,
Nous vivons ici en grandes occupations. Votre serviteur est directeur de théâtre, auteur et acteur. Il fait de plus des révolutions dans les beaux-arts et de la polémique avec l'institut. Dans ses moments de loisir, on lui donne des recherches à faire sur l'histoire romaine. Il est, d'ailleurs, libre de faire ce qui lui plaît depuis une heure du matin jusqu'à huit heures. Heureusement que, mercredi, je redeviens homme libre.
La réponse de l'Autriche est arrivée, très amicale; acceptant en principe, mais demandant des renseignements. M. de Goltz, qui est ici, a apporté, je crois, une lettre semblable du roi de Prusse. En somme, je pense qu'il y aura bien des protocoles, mais qu'il y aura un congrès. Je doute qu'il fasse grand'chose, mais il aura empêché la guerre, ce qui est un grand point.
Adieu; portez-vous bien et donnez de vos nouvelles.
CXLIII
Paris, 7 décembre 1863.
Mon cher Panizzi,
Il semble que César n'a pas trop mal vu la lettre de lord Russell. C'est pour l'Angleterre un parti pris de devenir une puissance de second ordre; du moins elle fait le plongeon toutes les fois qu'on l'invite à faire acte de puissance du premier ordre. C'est son affaire, et, à un certain point de vue, je trouve qu'elle a raison et que nous avons tort. Mais, d'un autre côté, trouvez-vous bien l'excessive hâte de son refus, et les termes employés par lord Russell? On n'est pas habitué de sa part à la politesse, mais on aurait voulu qu'il prît la peine de lire la lettre de l'empereur. Tandis que toutes les puissances de l'Europe se bornent à demander qu'on spécifie les questions à traiter, il répond qu'il est impossible de s'entendre, et que ce n'est pas la peine de commencer. Observez que, naguère encore, il se plaignait de la grandeur des armements de la France, qui obligeait toute l'Europe à l'imiter. Or l'empereur, dans sa lettre, dit que la question du désarmement général doit occuper le congrès. Supposé que toutes les puissances refusassent de traiter les affaires qui agitent en ce moment l'Europe, qu'elles voulussent qu'on en restât sur l'uti possidetis, et qu'on se bornât à reproduire les articles non abrogés des traités de 1815, en leur donnant une sanction nouvelle, la question du désarmement pourrait cependant être traitée sans difficulté. Si chaque puissance prenait vis-à-vis des autres l'engagement de réduire son état militaire à ses besoins personnels, ne serait-ce pas un grand avantage pour toute l'Europe? C'est à quoi lord Russell ne répond même pas.
L'impression de sa lettre a été très mauvaise ici, de quoi sans doute il se soucie très peu. Ce qui paraît certain, c'est que, supposé, ce qui est probable, que l'insurrection polonaise soit anéantie au printemps prochain et que l'empereur Alexandre fasse preuve de quelque humanité ou de quelque politique à l'égard de ses sujets polonais, il y aura un rapprochement entre la France et la Russie, dont l'Angleterre pourra craindre un jour les effets, si nous ne sommes pas en pleine anarchie lorsque la question d'Orient éclatera.
La discussion des pouvoirs de la Chambre a montré à nu le suffrage universel. Le gouvernement n'a pas été justifié, et l'opposition a été convaincue d'avoir fait usage des mêmes moyens de corruption et d'intimidation. Maintenant que les candidats ont à faire la cour à la canaille, ils sont obligés d'employer des agents ignobles, qui font toutes les turpitudes imaginables. Il est fâcheux qu'on ait mis cela au grand jour. En Angleterre où la matière électorale est beaucoup plus élevée, on a grand soin de passer l'éponge sur toutes les saloperies de cette nature.
Adieu, mon cher Panizzi; portez-vous bien. Que devient le procès de lord Palmerston? On dit que, ayant demandé conseil là-dessus à Thiers, Thiers lui a répondu: «Faites la vérification des pouvoirs.»
CXLIV
Cannes, 30 décembre 1863.
Mon cher Panizzi,
Depuis que je suis ici, je ne sais plus rien de la politique que par Cousin, qui a des correspondants parmi les grands hommes d'État, et par quelques mois que M. Fould m'envoie de temps en temps.
La discussion de l'emprunt a été meilleure que je ne l'aurais espérée. M. Thiers a été convenable. Entre nous, il me semble qu'il n'a rien appris ni rien oublié, comme vos amis les Bourbons. Il avait besoin de parler et a parlé sur la pointe d'une aiguille. Il a traité la Chambre avec des airs de supériorité qui n'ont pas plu beaucoup, et il n'est pas arrivé à un autre résultat qu'à prouver qu'il ne dirigeait pas l'opposition, et qu'elle n'avait guère de confiance en lui. Il prendra peut-être sa revanche sur la question du Mexique, qui est un bien meilleur champ de bataille pour l'opposition. Je ne sais pas trop comment M. Rouher et M. Chaix d'Est-Ange se tireront de ce mauvais pas.
On annonce de mauvaises nouvelles d'Italie et de Hongrie. Le parti rouge, qui est de tous les pays, comme le parti clérical, et qui dans toute l'Europe agit avec un diabolique concert, se remue terriblement et promet pour le printemps prochain une explosion générale. Vous avez vu la proclamation de Kossuth. Je ne sais pas si le gouvernement d'Italie est assez fort pour empêcher les volontaires et Garibaldi de recommencer quelque autre sottise. Il est fort à craindre qu'il ne soit pas trop préparé pour s'y opposer. Ce qui est certain, c'est que les rouges et les cléricaux; ces deux ennemis du sens commun et de l'humanité, sont les uns et les autres pleins de confiance et annoncent de grands événements pour l'année qui va commencer après-demain. Je ne crois pas au succès des uns ni des autres, mais je crois à un gâchis terrible, funeste pour tout le monde et pour nous plus que pour personne.
On parlait à Paris ces jours derniers de changements ministériels, entre autres de celui de Drouyn de Lhuys. Je n'y crois pas trop, bien que persuadé qu'il serait fort à désirer que nous fussions débarrassés de ce faiseur de phrases qui n'a pas une idée à lui, et qui, même en matière de phrases, est fort au-dessous du prince Gortchakof.
Lord Brougham est ici, bien faible, chancelant sur ses jambes, mais toujours busy body, curieux de tout savoir et passablement gobe-mouche. Il est devenu fort dévot. Cela donne de l'espérance pour vous et moi quand nous aurons quatre-vingt-cinq ans.
J'ai consulté, avant de quitter Paris, le plus habile médecin pour l'asthme. Il m'a ordonné un traitement que je vais suivre et il me promet une guérison complète si je l'observe exactement. C'est de l'arsenic qu'il s'agit d'avaler. Cela fait grand bien aux moutons, aux chevaux et aux Tyroliens; mais c'est une question de savoir si mon estomac est comme celui des quadrupèdes et bipèdes à qui l'arsenic réussit. Enfin il faut essayer.
Adieu, mon cher Panizzi; finissez bien cette année, commencez bien l'autre, et suivez le précepte philosophique recte agere et lætari que le père Dubois, le médecin de Napoléon Ier, traduisait par faire son affaire et se f..... du reste.
FIN DU PREMIER VOLUME
TABLE
1850 Pages I. Paris 31 décembre 1 1855 II. Paris 4 juillet 3 1857 III. Paris 11 octobre 4 IV. Cannes 5 décembre 5 1858 V. Paris 25 janvier 7 VI. -- 12 mai 8 VII. -- 16 -- 11 VIII. Paris 7 juin 13 IX. Berne 7 juillet 15 X. Venise 11 août 16 XI. Paris 17 octobre 18 1859 XII. Cannes 7 janvier 18 XIII. Paris 12 mars 21 XIV. -- 8 avril 25 XV. -- 29 -- 29 XVI. -- 10 mai 33 XVII. -- 27 -- 37 XVIII. -- juin 39 XIX. -- 30 -- 42 XX. -- 12 juillet 48 XXI. -- 15 -- 51 XXII. -- 20 -- 54 XXIII. -- 25 -- 57 XXIV. -- 12 août 59 XXV. Cannes 16 décembre 62 XXVI. -- 26 -- 65 1860 XXVII. Cannes 10 janvier 68 XXVIII. -- 29 -- 71 XXIX. -- 17 février 73 XXX. Paris 25 mars 76 XXXI. -- 31 -- 80 XXXII. Paris 1er avril 81 XXXIII. -- 25 -- 88 XXXIV. -- 30 -- 91 XXXV. -- 3 mai 94 XXXVI. -- 11 -- 95 XXXVII. -- 23 -- 97 XXXVIII. -- 31 -- 102 XXXIV. Fontainebleau 15 juin 106 XL. Paris 1er juillet 108 XLI. Londres 7 août 110 XLII. Paris 6 octobre 112 XLIII. -- 11 -- 119 XLIV. -- 15 -- 122 XLV. -- 16 -- 124 XLVI. -- 16 -- 128 XLVII. -- 21 -- 129 XLVIII. -- 23 -- 133 XLIX. -- 31 -- 135 L. -- 3 novembre 139 LI. -- 4 -- 143 LII. -- 11 -- 145 LIII. Cannes 21 -- 149 LIV. -- 27 -- 152 LV. -- 2 décembre 155 LVI. -- 11 -- 158 LVII. -- 16 -- 163 1861 LVIII. Cannes 9 janvier 164 LIX. -- 24 -- 166 LX. -- 13 février 170 LXI. Paris 27 -- 173 LXII. -- 28 -- 178 LXIII. -- 1er mars 181 LXIV. -- 6 -- 183 LXV. -- 8 -- 186 LXVI. -- 19 -- 189 LXVII. Melle 30 mars 192 LXVIII. Paris 8 avril 196 LXIX. -- 14 -- 197 LXX. -- 18 -- 199 LXXI. Ville-d'Avray 21 -- 203 LXXII. Paris 2 mai 204 LXXIII. -- 11 -- 207 LXXIV. -- 19 -- 209 LXXV. -- 9 juin 211 LXXVI. -- 11 -- 212 LXXVII. Fontainebleau 24 -- 214 LXXVIII. Paris 2 juillet 216 LXXIXI. -- 19 août 217 LXXX. Paris 30 -- 219 LXXXI. -- 3 septembre 221 LXXXII. -- 8 -- 223 LXXXIII. Biarritz 15 -- 225 LXXXIV. Biarritz 28 septembre 227 LXXXV. Paris 14 octobre 228 LXXXVI. -- 23 -- 230 LXXXVII. -- 17 novembre 233 LXXXVIII. -- 4 -- 235 LXXXIX. Compiègne 16 -- 235 XC. Paris 8 décembre 237 XCI. Cannes 31 -- 239 1862 XCII. Cannes 3 février 240 XCIII. -- 10 mars 242 XCIV. -- 22 -- 245 XCV. Paris 31 -- 248 XCVI. -- 9 avril 251 XCVII. -- 18 -- 254 XCVIII. -- 23 -- 256 XCIX. -- 26 -- 258 C. -- 2 juillet 259 CI. -- 11 -- 261 CII. -- 18 -- 262 CIII. -- 20 -- 265 CIV. -- 29 -- 266 CV. -- 31 -- 267 CVI. Biarritz 29 septembre 268 CVII. Paris 9 octobre 272 CVIII. -- 11 -- 274 CIX. Paris 15 octobre 278 CX. -- 15 -- 282 CXI. Marseille 19 -- 284 CXII. Paris 28 -- 287 CXIII. -- 31 -- 290 CXIV. -- 18 novembre 292 CXV. Cannes 30 -- 294 CXVI. -- 6 décembre 297 CXVII. -- 13 -- 298 1863 CXVIII. Cannes 3 janvier 301 CXIX. -- 16 -- 303 CXXI. -- 3 février 304 CXXII. -- 5 -- 307 CXXIII. -- 11 -- 310 CXXIV. Paris 21 mars 311 CXXV. -- 5 mai 315 CXXVI. -- 11 -- 316 CXXVII. -- 21 -- 318 CXXVIII. -- 1er juin 321 CXXIX. -- 16 -- 323 CXXX. Fontainebleau 25 -- 326 CXXXI. Paris 12 juillet 329 CXXXII. -- 16 -- 332 CXXXIII. -- 21 août 334 CXXXIV. -- 23 -- 336 CXXXV. Biarritz 27 septembre 338 CXXXVI. Biarritz 1er octobre 339 CXXXVII. Paris 8 -- 342 CXXXVIII. Cannes 20 -- 344 CXXXIX. Cannes 27 -- 346 CXL. Paris 9 novembre 348 CXLI. Compiègne 18 -- 349 CXLII. -- 22 -- 352 CXLIII. Paris 7 décembre 353 CXLIV. Cannes 30 -- 356
FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME
615-80.--CORBEIL. Typ. et stér. J. CRÉTÉ.