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Lettres persanes, tome II

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De Paris, le dernier de la lune de Rebiab 2, 1719.

LETTRE CXXX.

RICA A ***.

Je te parlerai dans cette lettre d'une certaine nation qu'on appelle les nouvellistes, qui s'assemblent dans un jardin magnifique, où leur oisiveté est toujours occupée. Ils sont très-inutiles à l'État, et leurs discours de cinquante ans n'ont pas un effet différent de celui qu'auroit pu produire un silence aussi long: cependant ils se croient considérables, parce qu'ils s'entretiennent de projets magnifiques, et traitent de grands intérêts.

La base de leurs conversations est une curiosité frivole et ridicule: il n'y a point de cabinet si mystérieux qu'ils ne prétendent pénétrer; ils ne sauroient consentir à ignorer quelque chose; ils savent combien notre auguste sultan a de femmes, combien il fait d'enfants toutes les années; et quoiqu'ils ne fassent aucune dépense en espions, ils sont instruits des mesures qu'il prend pour humilier l'empereur des Turcs et celui des Mogols.

A peine ont-ils épuisé le présent, qu'ils se précipitent dans l'avenir; et, marchant au-devant de la providence, la préviennent sur toutes les démarches des hommes. Ils conduisent un général par la main; et, après l'avoir loué de mille sottises qu'il n'a pas faites, ils lui en préparent mille autres qu'il ne fera pas.

Ils font voler les armées comme les grues, et tomber les murailles comme des cartons; ils ont des ponts sur toutes les rivières, des routes secrètes dans toutes les montagnes, des magasins immenses dans les sables brûlants: il ne leur manque que le bon sens.

Il y a un homme avec qui je loge, qui reçut cette lettre d'un nouvelliste; comme elle m'a paru singulière, je la gardai; la voici:

«Monsieur,

«Je me trompe rarement dans mes conjectures sur les affaires du temps. Le 1er janvier 1711, je prédis que l'empereur Joseph mourroit dans le cours de l'année: il est vrai que, comme il se portoit fort bien, je crus que je me ferois moquer de moi si je m'expliquois d'une manière bien claire; ce qui fit que je me servis de termes un peu énigmatiques; mais les gens qui savent raisonner m'entendirent bien. Le 17 avril de la même année, il mourut de la petite vérole.

«Dès que la guerre fut déclarée entre l'empereur et les Turcs, j'allai chercher nos messieurs dans tous les coins des Tuileries; je les assemblai près du bassin, et leur prédis qu'on feroit le siége de Belgrade, et qu'il seroit pris. J'ai été assez heureux pour que ma prédiction ait été accomplie. Il est vrai que, vers le milieu du siége, je pariai cent pistoles qu'il seroit pris le 18 août[F]; il ne fut pris que le lendemain: peut-on perdre à si beau jeu?

[F] 1717.

«Lorsque je vis que la flotte d'Espagne débarquoit en Sardaigne, je jugeai qu'elle en ferait la conquête: je le dis, et cela se trouva vrai. Enflé de ce succès, j'ajoutai que cette flotte victorieuse iroit débarquer à Final pour faire la conquête du Milanès. Comme je trouvai de la résistance à faire recevoir cette idée, je voulus la soutenir glorieusement: je pariai cinquante pistoles, et je les perdis encore; car ce diable d'Alberoni, malgré la foi des traités, envoya sa flotte en Sicile, et trompa tout à la fois deux grands politiques, le duc de Savoie et moi.

«Tout cela, monsieur, me déroute si fort, que j'ai résolu de prédire toujours et de ne parier jamais. Autrefois nous ne connoissions point aux Tuileries l'usage des paris, et feu M. le comte de L. ne les souffrait guère; mais, depuis qu'une troupe de petits-maîtres s'est mêlée parmi nous, nous ne savons plus où nous en sommes. A peine ouvrons-nous la bouche pour dire une nouvelle, qu'un de ces jeunes gens propose de parier contre.

«L'autre jour, comme j'ouvrois mon manuscrit, et accommodois mes lunettes sur mon nez, un de ces fanfarons, saisissant justement l'intervalle du premier mot au second, me dit: Je parie cent pistoles que non. Je fis semblant de n'avoir pas fait d'attention à cette extravagance; et, reprenant la parole d'une voix plus forte, je dis: M. le maréchal de *** ayant appris... Cela est faux, me dit-il, vous avez toujours des nouvelles extravagantes; il n'y a pas le sens commun à tout cela. Je vous prie, monsieur, de me faire le plaisir de me prêter trente pistoles; car je vous avoue que ces paris m'ont fort dérangé. Je vous envoie la copie de deux lettres que j'ai écrites au ministre. Je suis, etc.»

LETTRE D'UN NOUVELLISTE AU MINISTRE.

«Monseigneur,

«Je suis le sujet le plus zélé que le roi ait jamais eu: c'est moi qui obligeai un de mes amis d'exécuter le projet que j'avois formé d'un livre pour démontrer que Louis le Grand étoit le plus grand de tous les princes qui ont mérité le nom de Grand. Je travaille depuis longtemps à un autre ouvrage qui fera encore plus d'honneur à notre nation, si Votre Grandeur veut m'accorder un privilége: mon dessein est de prouver que, depuis le commencement de la monarchie, les François n'ont jamais été battus, et que ce que les historiens ont dit jusqu'ici de nos désavantages sont de véritables impostures. Je suis obligé de les redresser en bien des occasions; et j'ose me flatter que je brille surtout dans la critique. Je suis, monseigneur, etc.»

«Monseigneur,

«Depuis la perte que nous avons faite de M. le comte de L., nous vous supplions d'avoir la bonté de nous permettre d'élire un président. Le désordre se met dans nos conférences, et les affaires d'État n'y sont pas traitées avec la même discussion que par le passé; nos jeunes gens vivent absolument sans égard pour les anciens, et entre eux sans discipline: c'est le véritable conseil de Roboam, où les jeunes imposent aux vieillards. Nous avons beau leur représenter que nous étions paisibles possesseurs des Tuileries vingt ans avant qu'ils fussent au monde; je crois qu'ils nous en chasseront à la fin, et qu'obligés de quitter ces lieux où nous avons tant de fois évoqué les ombres de nos héros françois, il faudra que nous allions tenir nos conférences au Jardin du Roi ou dans quelque lieu plus écarté. Je suis...»

De Paris, le 7 de la lune de Gemmadi 2, 1719.

LETTRE CXXXI.

RHÉDI A RICA.

A Paris.

Une des choses qui a le plus exercé ma curiosité en arrivant en Europe, c'est l'histoire et l'origine des républiques. Tu sais que la plupart des Asiatiques n'ont pas seulement d'idée de cette sorte de gouvernement, et que l'imagination ne les a pas servis jusqu'à leur faire comprendre qu'il puisse y en avoir sur la terre d'autre que le despotique.

Les premiers gouvernements du monde furent monarchiques: ce ne fut que par hasard et par la succession des siècles que les républiques se formèrent.

La Grèce ayant été abîmée par un déluge, de nouveaux habitants vinrent la peupler: elle tira presque toutes ses colonies d'Égypte et des contrées de l'Asie les plus voisines; et, comme ces pays étoient gouvernés par des rois, les peuples qui en sortirent furent gouvernés de même. Mais la tyrannie de ces princes devenant trop pesante, on secoua le joug; et du débris de tant de royaumes s'élevèrent ces républiques qui firent si fort fleurir la Grèce, seule polie au milieu des barbares.

L'amour de la liberté, la haine des rois, conserva longtemps la Grèce dans l'indépendance, et étendit au loin le gouvernement républicain. Les villes grecques trouvèrent des alliées dans l'Asie mineure: elles y envoyèrent des colonies aussi libres qu'elles, qui leur servirent de remparts contre les entreprises des rois de Perse. Ce n'est pas tout: la Grèce peupla l'Italie; l'Italie, l'Espagne, et peut-être les Gaules. On sait que cette grande Hespérie, si fameuse chez les anciens, étoit au commencement la Grèce, que ses voisins regardoient comme un séjour de félicité: les Grecs qui ne trouvoient point chez eux ce pays heureux, l'allèrent chercher en Italie; ceux de l'Italie, en Espagne; ceux d'Espagne, dans la Bétique ou le Portugal: de manière que toutes ces régions portèrent ce nom chez les anciens. Ces colonies grecques apportèrent avec elles un esprit de liberté qu'elles avoient pris dans ce doux pays. Ainsi, on ne voit guère, dans ces temps reculés, de monarchies dans l'Italie, l'Espagne, les Gaules. On verra bientôt que les peuples du Nord et d'Allemagne n'étoient pas moins libres: et, si l'on trouve des vestiges de quelque royauté parmi eux, c'est qu'on a pris pour des rois les chefs des armées ou des républiques.

Tout ceci se passoit en Europe: car, pour l'Asie et l'Afrique, elles ont toujours été accablées sous le despotisme, si vous en exceptez quelques villes de l'Asie mineure dont nous avons parlé, et la république de Carthage en Afrique.

Le monde fut partagé entre deux puissantes républiques: celle de Rome et celle de Carthage. Il n'y a rien de si connu que les commencements de la république romaine, et rien qui le soit si peu que l'origine de celle de Carthage. On ignore absolument la suite des princes africains depuis Didon, et comment ils perdirent leurs puissance. C'eût été un grand bonheur pour le monde que l'agrandissement prodigieux de la république romaine, s'il n'y avoit pas eu cette différence injuste entre les citoyens romains et les peuples vaincus; si l'on avoit donné au gouverneur des provinces une autorité moins grande; si les lois si saintes pour empêcher leur tyrannie avoient été observées, et s'ils ne s'étoient pas servis, pour les faire taire, des mêmes trésors que leur injustice avoit amassés.

Il semble que la liberté soit faite pour le génie des peuples d'Europe, et la servitude pour celui des peuples d'Asie. C'est en vain que les Romains offrirent aux Cappadociens ce précieux trésor: cette nation lâche le refusa, et elle courut à la servitude avec le même empressement que les autres peuples couroient à la liberté.

César opprima la république romaine, et la soumit à un pouvoir arbitraire.

L'Europe gémit longtemps sous un gouvernement militaire et violent, et la douceur romaine fut changée en une cruelle oppression.

Cependant une infinité de nations inconnues sortirent du Nord, se répandirent comme des torrents dans les provinces romaines; et, trouvant autant de facilité à faire des conquêtes qu'à exercer leurs pirateries, les démembrèrent et en firent des royaumes. Ces peuples étoient libres et ils bornoient si fort l'autorité de leurs rois, qu'ils n'étoient proprement que des chefs ou des généraux. Ainsi ces royaumes, quoique fondés par la force, ne sentirent point le joug du vainqueur. Lorsque les peuples d'Asie, comme les Turcs et les Tartares, firent des conquêtes, soumis à la volonté d'un seul, ils ne songèrent qu'à lui donner de nouveaux sujets, et à établir par les armes son autorité violente: mais les peuples du Nord, libres dans leur pays, s'emparant des provinces romaines, ne donnèrent point à leurs chefs une grande autorité. Quelques-uns même de ces peuples, comme les Vandales en Afrique, les Goths en Espagne, déposoient leurs rois dès qu'ils n'en étoient pas satisfaits; et, chez les autres, l'autorité du prince étoit bornée de mille manières différentes: un grand nombre de seigneurs la partageoient avec lui; les guerres n'étoient entreprises que de leur consentement; les dépouilles étoient partagées entre le chef et les soldats; aucun impôt en faveur du prince; les lois étoient faites dans les assemblées de la nation. Voilà le principe fondamental de tous ces États, qui se formèrent des débris de l'empire romain.

De Venise, le 20 de la lune de Rhégeb, 1719.

LETTRE CXXXII.

RICA A ***.

Je fus, il y a cinq ou six mois, dans un caffé; j'y remarquai un gentilhomme assez bien mis qui se faisoit écouter: il parloit du plaisir qu'il y avoit de vivre à Paris; il déploroit sa situation d'être obligé de vivre dans la province. J'ai, dit-il, quinze mille livres de rente en fonds de terre, et je me croirois plus heureux si j'avois le quart de ce bien-là en argent et en effets portables partout. J'ai beau presser mes fermiers, et les accabler de frais de justice, je ne fais que les rendre plus insolvables: je n'ai jamais pu voir cent pistoles à la fois. Si je devois dix mille francs, on me feroit saisir toutes mes terres, et je serois à l'hôpital.

Je sortis sans avoir fait grande attention à tout ce discours; mais, me trouvant hier dans ce quartier, j'entrai dans la même maison, et j'y vis un homme grave, d'un visage pâle et allongé, qui, au milieu de cinq ou six discoureurs, paroissoit morne et pensif, jusques à ce que, prenant brusquement la parole: Oui, messieurs, dit-il en haussant la voix, je suis ruiné; je n'ai plus de quoi vivre; car j'ai actuellement chez moi deux cent mille livres en billets de banque, et cent mille écus d'argent: je me trouve dans une situation affreuse; je me suis cru riche, et me voilà à l'hôpital: au moins si j'avois seulement une petite terre où je pusse me retirer, je serois sûr d'avoir de quoi vivre; mais je n'ai pas grand comme ce chapeau en fonds de terre.

Je tournai par hasard la tête d'un autre côté, et je vis un autre homme qui faisoit des grimaces de possédé. A qui se fier désormais? s'écrioit-il. Il y a un traître que je croyois si fort de mes amis que je lui avois prêté mon argent: et il me l'a rendu! quelle perfidie horrible! Il a beau faire; dans mon esprit il sera toujours déshonoré.

Tout près de là étoit un homme très-mal vêtu, qui, élevant les yeux au ciel, disoit: Dieu bénisse les projets de nos ministres! puissé-je voir les actions à deux mille, et tous les laquais de Paris plus riches que leurs maîtres! J'eus la curiosité de demander son nom. C'est un homme extrêmement pauvre, me dit-on; aussi a-t-il un pauvre métier: il est généalogiste, et il espère que son art rendra, si les fortunes continuent; et que tous ces nouveaux riches auront besoin de lui pour réformer leur nom, décrasser leurs ancêtres, et orner leurs carrosses; il s'imagine qu'il va faire autant de gens de qualité qu'il voudra; il tressaille de joie de voir multiplier ses pratiques.

Enfin, je vis entrer un vieillard pâle et sec, que je reconnus pour nouvelliste avant qu'il se fût assis; il n'étoit pas du nombre de ceux qui ont une assurance victorieuse contre tous les revers, et présagent toujours les victoires et les trophées: c'étoit au contraire un de ces trembleurs qui n'ont que des nouvelles tristes. Les affaires vont bien mal du côté d'Espagne, dit-il: nous n'avons point de cavalerie sur la frontière, et il est à craindre que le prince Pio, qui en a un gros corps, ne fasse contribuer tout le Languedoc. Il y avoit vis-à-vis de moi un philosophe assez mal en ordre qui prenoit le nouvelliste en pitié, et haussoit les épaules à mesure que l'autre haussoit la voix; je m'approchai de lui, et il me dit à l'oreille: Vous voyez que ce fat nous entretient, il y a une heure, de sa frayeur pour le Languedoc; et moi, j'aperçus hier au soir une tache dans le soleil, qui, si elle augmentoit, pourroit faire tomber toute la nature en engourdissement; et je n'ai pas dit un seul mot.

De Paris, le 17 de la lune de Rhamazan, 1719.

LETTRE CXXXIII.

RICA A ***.

J'allai l'autre jour voir une grande bibliothèque dans un couvent de dervis, qui en sont comme les dépositaires, mais qui sont obligés d'y laisser entrer tout le monde à certaines heures.

En entrant, je vis un homme grave qui se promenoit au milieu d'un nombre innombrable de volumes qui l'entouroient. J'allai à lui, et le priai de me dire quels étoient quelques-uns de ces livres que je voyois mieux reliés que les autres. Monsieur, me dit-il, j'habite ici une terre étrangère: je n'y connois personne: bien des gens me font de pareilles questions; mais vous voyez bien que je n'irai pas lire tous ces livres pour les satisfaire; mais j'ai mon bibliothécaire qui vous donnera satisfaction, car il s'occupe nuit et jour à déchiffrer tout ce que vous voyez là; c'est un homme qui n'est bon à rien, et qui nous est très à charge, parce qu'il ne travaille point pour le couvent. Mais j'entends l'heure du réfectoire qui sonne. Ceux qui comme moi sont à la tête d'une communauté doivent être les premiers à tous les exercices. En disant cela, le moine me poussa dehors, ferma la porte, et, comme s'il eût volé, disparut à mes yeux.

De Paris, le 21 de la lune de Rhamazan, 1719.

LETTRE CXXXIV.

RICA AU MÊME.

Je retournai le lendemain à cette bibliothèque, où je trouvai tout un autre homme que celui que j'avois vu la première fois: son air étoit simple, sa physionomie spirituelle, et son abord très-affable. Dès que je lui eus fait connoître ma curiosité, il se mit en devoir de la satisfaire, et même en qualité d'étranger, de m'instruire.

Mon père, lui dis-je, quels sont ces gros volumes qui tiennent tout ce côté de bibliothèque? Ce sont, me dit-il, les interprètes de l'Écriture. Il y en a un grand nombre! lui repartis-je; il faut que l'Écriture fût bien obscure autrefois, et bien claire à présent; reste-t-il encore quelques doutes? peut-il y avoir des points contestés? S'il y en a, bon Dieu! s'il y en a! me répondit-il; il y en a presque autant que de lignes. Oui, lui dis-je! Et qu'ont donc fait tous ces auteurs! Ces auteurs, me repartit-il, n'ont point cherché dans l'Écriture ce qu'il faut croire, mais ce qu'ils croient eux-mêmes; ils ne l'ont point regardée comme un livre où étoient contenus les dogmes qu'ils devoient recevoir, mais comme un ouvrage qui pourroit donner de l'autorité à leurs propres idées: c'est pour cela qu'ils en ont corrompu tous les sens, et ont donné la torture à tous les passages. C'est un pays où les hommes de toutes les sectes font des descentes, et vont comme au pillage; c'est un champ de bataille où les nations ennemies qui se rencontrent livrent bien des combats, où l'on s'attaque, où l'on s'escarmouche de bien des manières.

Tout près de là vous voyez les livres ascétiques ou de dévotion; ensuite les livres de morale, bien plus utiles; ceux de théologie, doublement inintelligibles, et par la matière qui y est traitée, et par la manière de la traiter; les ouvrages des mystiques, c'est-à-dire des dévots qui ont le cœur tendre. Ah! mon père, lui dis-je, un moment; n'allez pas si vite; parlez-moi de ces mystiques. Monsieur, dit-il, la dévotion échauffe un cœur disposé à la tendresse, et lui fait envoyer des esprits au cerveau qui l'échauffent de même, d'où naissent les extases et les ravissements. Cet état est le délire de la dévotion; souvent il se perfectionne, ou plutôt dégénère en quiétisme: vous savez qu'un quiétiste n'est autre chose qu'un homme fou, dévot et libertin.

Voyez les casuistes, qui mettent au jour les secrets de la nuit; qui forment dans leur imagination tous les monstres que le démon d'amour peut produire, les rassemblent, les comparent, et en font l'objet éternel de leurs pensées: heureux si leur cœur ne se met pas de la partie, et ne devient pas lui-même complice de tant d'égarements si naïvement décrits et si nuement peints!

Vous voyez, monsieur, que je pense librement, et que je vous dis tout ce que je pense. Je suis naturellement naïf, et plus encore avec vous, qui êtes un étranger, qui voulez savoir les choses, et les savoir telles qu'elles sont. Si je voulois, je ne vous parlerois de tout ceci qu'avec admiration; je vous dirois sans cesse: Cela est divin, cela est respectable; il y a du merveilleux. Et il en arriveroit de deux choses l'une, ou que je vous tromperois, ou que je me déshonorerois dans votre esprit.

Nous en restâmes là; une affaire qui survint au dervis rompit notre conversation jusqu'au lendemain.

De Paris, le 23 de la lune de Rhamazan, 1719.

LETTRE CXXXV.

RICA AU MÊME.

Je revins à l'heure marquée, et mon homme me mena précisément dans l'endroit où nous nous étions quittés. Voici, me dit-il, les grammairiens, les glossateurs, et les commentateurs. Mon père, lui dis-je, tous ces gens-là ne peuvent-ils pas se dispenser d'avoir du bon sens? Oui, dit-il, ils le peuvent; et même il n'y paroît pas, leurs ouvrages n'en sont pas plus mauvais; ce qui est très-commode pour eux. Cela est vrai, lui dis-je; et je connois bien des philosophes qui feroient bien de s'appliquer à ces sortes de sciences-là.

Voilà, poursuivit-il, les orateurs, qui ont le talent de persuader indépendamment des raisons; et les géomètres, qui obligent un homme malgré lui d'être persuadé, et le convainquent avec tyrannie.

Voici les livres de métaphysique, qui traitent de si grands intérêts, et dans lesquels l'infini se rencontre partout; les livres de physique, qui ne trouvent pas plus de merveilleux dans l'économie du vaste univers que dans la machine la plus simple de nos artisans; les livres de médecine, ces monuments de la fragilité de la nature et de la puissance de l'art; qui font trembler quand ils traitent des maladies même les plus légères, tant ils nous rendent la mort présente; mais qui nous mettent dans une sécurité entière quand ils parlent de la vertu des remèdes, comme si nous étions devenus immortels.

Tout près de là sont les livres d'anatomie, qui contiennent bien moins la description des parties du corps humain que les noms barbares qu'on leur a donnés: chose qui ne guérit ni le malade de son mal, ni le médecin de son ignorance.

Voici la chimie, qui habite tantôt l'hôpital et tantôt les petites-maisons, comme des demeures qui lui sont également propres.

Voici les livres de science, ou plutôt d'ignorance occulte: tels sont ceux qui contiennent quelque espèce de diablerie; exécrables selon la plupart des gens; pitoyables selon moi. Tels sont encore les livres d'astrologie judiciaire. Que dites-vous, mon père? Les livres d'astrologie judiciaire, repartis-je avec feu! Et ce sont ceux dont nous faisons plus de cas en Perse: ils règlent toutes les actions de notre vie, et nous déterminent dans toutes nos entreprises; les astrologues sont proprement nos directeurs; ils font plus, ils entrent dans le gouvernement de l'État. Si cela est, me dit-il, vous vivez sous un joug bien plus dur que celui de la raison: voilà ce qui s'appelle le plus étrange de tous les empires; je plains bien une famille, et encore plus une nation, qui se laisse si fort dominer par les planètes. Nous nous servons, lui repartis-je, de l'astrologie, comme vous vous servez de l'algèbre. Chaque nation a sa science, selon laquelle elle règle sa politique: tous les astrologues ensemble n'ont jamais fait tant de sottises en notre Perse qu'un seul de vos algébristes en a fait ici. Croyez-vous que le concours fortuit des astres ne soit pas une règle aussi sûre que les beaux raisonnements de votre faiseur de système? Si l'on comptoit les voix là-dessus en France et en Perse, ce seroit un beau sujet de triomphe pour l'astrologie; vous verriez les mathématiciens bien humiliés: quel accablant corollaire en pourroit-on tirer contre eux!

Notre dispute fut interrompue, et il fallut nous quitter.

De Paris, le 26 de la lune de Rhamazan, 1719.

LETTRE CXXXVI.

RICA AU MÊME.

Dans l'entrevue suivante, mon savant me mena dans un cabinet particulier. Voici les livres d'histoire moderne, me dit-il. Voyez premièrement les historiens de l'Église et des papes; livres que je lis pour m'édifier, et qui font souvent en moi un effet tout contraire.

Là, ce sont ceux qui ont écrit de la décadence du formidable empire romain, qui s'étoit formé du débris de tant de monarchies, et sur la chute duquel il s'en forma tant de nouvelles. Un nombre infini de peuples barbares, aussi inconnus que les pays qu'ils habitoient, parurent tout à coup, l'inondèrent, le ravagèrent, le dépecèrent, et fondèrent tous les royaumes que vous voyez à présent en Europe. Ces peuples n'étoient point proprement barbares, puisqu'ils étoient libres: mais ils le sont devenus depuis que, soumis pour la plupart à une puissance absolue, ils ont perdu cette douce liberté si conforme à la raison, à l'humanité, et à la nature.

Vous voyez ici les historiens de l'Allemagne, laquelle n'est qu'une ombre du premier empire, mais qui est, je crois, la seule puissance qui soit sur la terre, que la division n'a point affoiblie; la seule, je crois encore, qui se fortifie à mesure de ses pertes; et qui, lente à profiter des succès, devient indomptable par ses défaites.

Voici les historiens de France, où l'on voit d'abord la puissance des rois se former, mourir deux fois, renaître de même, languir ensuite pendant plusieurs siècles; mais, prenant insensiblement des forces, accrue de toutes parts, monter à son dernier période: semblable à ces fleuves qui dans leur course perdent leurs eaux, ou se cachent sous terre; puis reparoissant de nouveau, grossis par les rivières qui s'y jettent, entraînent avec rapidité tout ce qui s'oppose à leur passage.

Là, vous voyez la nation espagnole sortir de quelques montagnes: les princes mahométans subjugués aussi insensiblement qu'ils avoient rapidement conquis; tant de royaumes réunis dans une vaste monarchie, qui devint presque la seule; jusqu'à ce qu'accablée de sa fausse opulence, elle perdit sa force et sa réputation même, et ne conserva que l'orgueil de sa première puissance.

Ce sont ici les historiens d'Angleterre, où l'on voit la liberté sortir sans cesse des feux de la discorde et de la sédition; le prince toujours chancelant sur un trône inébranlable; une nation impatiente, sage dans sa fureur même; et qui, maîtresse de la mer (chose inouïe jusqu'alors), mêle le commerce avec l'empire.

Tout près de là sont les historiens de cette autre reine de la mer, la république de Hollande, si respectée en Europe, et si formidable en Asie, où ses négociants voient tant de rois prosternés devant eux.

Les historiens d'Italie vous représentent une nation autrefois maîtresse du monde, aujourd'hui esclave de toutes les autres; ses princes divisés et foibles, et sans autre attribut de souveraineté qu'une vaine politique.

Voilà les historiens des républiques: de la Suisse, qui est l'image de sa liberté; de Venise, qui n'a de ressources qu'en son économie; et de Gênes, qui n'est superbe que par ses bâtiments.

Voici ceux du nord, et entre autres de la Pologne, qui use si mal de sa liberté et du droit qu'elle a d'élire ses rois, qu'il semble qu'elle veuille consoler par là les peuples ses voisins, qui ont perdu l'un et l'autre.

Là-dessus, nous nous séparâmes jusqu'au lendemain.

De Paris, le 2 de la lune de Chalval, 1719.

LETTRE CXXXVII.

RICA AU MÊME.

Le lendemain, il me mena dans un autre cabinet. Ce sont ici les poëtes, me dit-il; c'est-à-dire ces auteurs dont le métier est de mettre des entraves au bon sens, et d'accabler la raison sous les agréments comme on ensevelissoit autrefois les femmes sous leurs parures et leurs ornements. Vous les connoissez; ils ne sont pas rares chez les Orientaux, où le soleil, plus ardent, semble échauffer les imaginations mêmes.

Voilà les poëmes épiques. Hé! qu'est-ce que les poëmes épiques? En vérité, me dit-il, je n'en sais rien; les connoisseurs disent qu'on n'en a jamais fait que deux, et que les autres qu'on donne sous ce nom ne le sont point: c'est aussi ce que je ne sais pas. Ils disent de plus qu'il est impossible d'en faire de nouveaux; et cela est encore plus surprenant.

Voici les poëtes dramatiques, qui, selon moi, sont les poëtes par excellence, et les maîtres des passions. Il y en a de deux sortes: les comiques, qui nous remuent si doucement; et les tragiques, qui nous troublent et nous agitent avec tant de violence.

Voici les lyriques, que je méprise autant que je fais cas des autres, et qui font de leur art une harmonieuse extravagance.

On voit ensuite les auteurs des idylles et des églogues, qui plaisent même aux gens de cour, par l'idée qu'ils leur donnent d'une certaine tranquillité qu'ils n'ont pas, et qu'ils leur montrent dans la condition des bergers.

De tous les auteurs que nous avons vus, voici les plus dangereux: ce sont ceux qui aiguisent les épigrammes, qui sont de petites flèches déliées qui font une plaie profonde et inaccessible aux remèdes.

Vous voyez ici les romans, qui sont des espèces de poëtes, et qui outrent également le langage de l'esprit et celui du cœur; qui passent leur vie à chercher la nature, et la manquent toujours; et qui font des héros, qui y sont aussi étrangers que les dragons ailés et les hippocentaures.

J'ai vu, lui dis-je, quelques-uns de vos romans: et, si vous voyiez les nôtres, vous en seriez encore plus choqué. Il sont aussi peu naturels, et d'ailleurs extrêmement gênés par nos mœurs: il faut dix années de passion avant qu'un amant ait pu voir seulement le visage de sa maîtresse. Cependant les auteurs sont forcés de faire passer les lecteurs dans ces ennuyeux préliminaires. Or, il est impossible que les incidents soient variés: on a recours à un artifice pire que le mal même qu'on veut guérir; c'est aux prodiges. Je suis sûr que vous ne trouverez pas bon qu'une magicienne fasse sortir une armée de dessous terre; qu'un héros lui seul en détruise une de cent mille hommes. Cependant voilà nos romans: ces aventures froides et souvent répétées nous font languir, et ces prodiges extravagants nous révoltent.

De Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1719.

LETTRE CXXXVIII.

RICA A IBBEN.

A Smyrne.

Les ministres se succèdent et se détruisent ici comme les saisons: depuis trois ans j'ai vu changer quatre fois de système sur les finances. On lève aujourd'hui, en Perse et en Turquie, les subsides de la même manière que les fondateurs de ces monarchies les levoient: il s'en faut bien qu'il en soit ici de même. Il est vrai que nous n'y mettons pas tant d'esprit que les Occidentaux: nous croyons qu'il n'y a pas plus de différence entre l'administration des revenus du prince et de ceux d'un particulier qu'il y en a entre compter cent mille tomans ou en compter cent. Mais il y a ici bien plus de finesse et de mystère. Il faut que de grands génies travaillent nuit et jour; qu'ils enfantent sans cesse, et avec douleur, de nouveaux projets; qu'ils écoutent les avis d'une infinité de gens qui travaillent pour eux sans en être priés; qu'ils se retirent et vivent dans le fond d'un cabinet impénétrable aux grands et sacré aux petits; qu'ils aient toujours la tête remplie de secrets importants, de desseins miraculeux, de systèmes nouveaux; et qu'absorbés dans les méditations, ils soient privés non-seulement de l'usage de la parole, mais même quelquefois de la politesse.

Dès que le feu roi eut fermé les yeux, on pensa à établir une nouvelle administration. On sentoit qu'on étoit mal, mais ne savoit comment faire pour être mieux. On s'étoit mal trouvé de l'autorité sans bornes des ministres précédents: on la voulut partager. On créa pour cet effet six ou sept conseils; et ce ministère est peut-être celui de tous qui a gouverné la France avec plus de sens: la durée en fut courte, aussi bien que celle du bien qu'il produisit.

La France, à la mort du feu roi, étoit un corps accablé de mille maux: N*** prit le fer à la main, retrancha les chairs inutiles, et appliqua quelques remèdes topiques; mais il restoit toujours un vice intérieur à guérir. Un étranger est venu, qui a entrepris cette cure. Après bien des remèdes violents, il a cru lui avoir rendu son embonpoint; et il l'a seulement rendue bouffie.

Tous ceux qui étoient riches il y a six mois sont à présent dans la pauvreté, et ceux qui n'avoient pas de pain regorgent de richesses. Jamais ces deux extrémités ne se sont touchées de si près. L'étranger a tourné l'État comme un fripier tourne un habit: il fait paroître dessus ce qui étoit dessous; et ce qui étoit dessus, il le met à l'envers. Quelles fortunes inespérées, incroyables même à ceux qui les ont faites! Dieu ne tire pas plus rapidement les hommes du néant. Que de valets servis par leurs camarades, et peut-être demain par leurs maîtres!

Tout ceci produit souvent des choses bizarres. Les laquais qui avoient fait fortune sous le règne passé vantent aujourd'hui leur naissance: ils rendent à ceux qui viennent de quitter leur livrée dans une certaine rue tout le mépris qu'on avoit pour eux il y a six mois; ils crient de toute leur force: La noblesse est ruinée, quel désordre dans l'État! quelle confusion dans les rangs! On ne voit que des inconnus faire fortune! Je te promets que ceux-ci prendront bien leur revanche sur ceux qui viendront après eux; et que, dans trente ans, ces gens de qualité feront bien du bruit.

De Paris, le 1er de la lune de Zilcadé, 1720.

LETTRE CXXXIX.

RICA AU MÊME.

Voici un grand exemple de la tendresse conjugale, non-seulement dans une femme, mais dans une reine. La reine de Suède, voulant à toute force associer le prince son époux à la couronne, pour aplanir toutes les difficultés, a envoyé aux états une déclaration par laquelle elle se désiste de la régence, en cas qu'il soit élu.

Il y a soixante et quelques années qu'une autre reine, nommée Christine, abdiqua la couronne pour se donner tout entière à la philosophie. Je ne sais lequel de ces deux exemples nous devons admirer davantage.

Quoique j'approuve assez que chacun se tienne ferme dans le poste où la nature l'a mis; et que je ne puisse louer la foiblesse de ceux qui, se trouvant au-dessous de leur état, le quittent comme par une espèce de désertion; je suis cependant frappé de la grandeur d'âme de ces deux princesses, et de voir l'esprit de l'une et le cœur de l'autre supérieurs à leur fortune. Christine a songé à connoître dans le temps que les autres ne songent qu'à jouir; et l'autre ne veut jouir que pour mettre tout son bonheur entre les mains de son auguste époux.

De Paris, le 27 de la lune de Maharram, 1720.

LETTRE CXL.

RICA A USBEK.

A ***.

Le parlement de Paris vient d'être relégué dans une petite ville qu'on appelle Pontoise. Le conseil lui a envoyé enregistrer ou approuver une déclaration qui le déshonore; et il l'a enregistrée d'une manière qui déshonore le conseil.

On menace d'un pareil traitement quelques parlements du royaume.

Ces compagnies sont toujours odieuses: elles n'approchent des rois que pour leur dire de tristes vérités; et pendant qu'une foule de courtisans leur représentent sans cesse un peuple heureux sous leur gouvernement, elles viennent démentir la flatterie, et apporter au pied du trône les gémissements et les larmes dont elles sont dépositaires.

C'est un pesant fardeau, mon cher Usbek, que celui de la vérité, lorsqu'il faut la porter jusqu'aux princes: ils doivent bien penser que ceux qui le font y sont contraints, et qu'ils ne se résoudroient jamais à faire des démarches si tristes et si affligeantes pour ceux qui les font, s'ils n'y étoient forcés par leur devoir, leur respect, et même leur amour.

De Paris, le 21 de la lune de Gemmadi 1, 1720.

LETTRE CXLI.

RICA AU MÊME.

A ***.

J'irai te voir sur la fin de la semaine: que les jours couleront agréablement avec toi!

Je fus présenté, il y a quelques jours, à une dame de la cour, qui avoit quelque envie de voir ma figure étrangère. Je la trouvai belle, digne des regards de notre monarque, et d'un rang auguste dans le lieu sacré où son cœur repose.

Elle me fit mille questions sur les mœurs des Persans, et sur la manière de vivre des Persanes: il me parut que la vie du sérail n'étoit pas de son goût, et qu'elle trouvoit de la répugnance à voir un homme partagé entre dix ou douze femmes. Elle ne put voir sans envie le bonheur de l'un, et sans pitié la condition des autres. Comme elle aime la lecture, surtout celle des poëtes et des romans, elle souhaita que je lui parlasse des nôtres: ce que je lui en dis redoubla sa curiosité; elle me pria de lui faire traduire un fragment de quelques-uns de ceux que j'ai apportés. Je le fis, et je lui envoyai, quelques jours après, un conte persan: peut-être seras-tu, bien aise de le voir travesti.


Du temps de Cheik-Ali-Can, il y avoit en Perse une femme nommée Zuléma: elle savoit par cœur tout le saint Alcoran; il n'y avoit point de dervis qui entendît mieux qu'elle les traditions des saints prophètes; les docteurs arabes n'avoient rien dit de si mystérieux qu'elle n'en comprît tous les sens; et elle joignoit à tant de connoissances un certain caractère d'esprit enjoué, qui laissoit à peine deviner si elle vouloit amuser ceux à qui elle parloit, ou les instruire.

Un jour qu'elle étoit avec ses compagnes dans une des salles du sérail, une d'elles lui demanda ce qu'elle pensoit de l'autre vie, et si elle ajoutoit foi à cette ancienne tradition de nos docteurs, que le paradis n'est fait que pour les hommes.

C'est le sentiment commun, leur dit-elle; il n'y a rien que l'on n'ait fait pour dégrader notre sexe. Il y a même une nation répandue par toute la Perse, qu'on appelle la nation juive, qui soutient, par l'autorité de ses livres sacrés, que nous n'avons point d'âme.

Ces opinions si injurieuses n'ont d'autre origine que l'orgueil des hommes, qui veulent porter leur supériorité au delà même de leur vie; et ne pensent pas que, dans le grand jour, toutes les créatures paroîtront devant Dieu comme le néant, sans qu'il y ait entre elles de prérogatives que celles que la vertu y aura mises.

Dieu ne se bornera point dans ses récompenses: et comme les hommes qui auront bien vécu, et bien usé de l'empire qu'ils ont ici-bas sur nous, seront dans un paradis plein de beautés célestes et ravissantes, et telles que, si un mortel les avoit vues, il se donneroit aussitôt la mort, dans l'impatience d'en jouir; aussi les femmes vertueuses iront dans un lieu de délices, où elles seront enivrées d'un torrent de voluptés, avec des hommes divins qui leur seront soumis: chacune d'elles aura un sérail, dans lequel ils seront enfermés; et des eunuques, encore plus fidèles que les nôtres, pour les garder.

J'ai lu, ajouta-t-elle, dans un livre arabe, qu'un homme, nommé Ibrahim, étoit d'une jalousie insupportable. Il avoit douze femmes extrêmement belles, qu'il traitoit d'une manière très-dure: il ne se fioit plus à ses eunuques, ni aux murs de son sérail; il les tenoit presque toujours sous la clef, enfermées dans leur chambre, sans qu'elles pussent se voir ni se parler; car il étoit même jaloux d'une amitié innocente: toutes ses actions prenoient la teinture de sa brutalité naturelle; jamais une douce parole ne sortit de sa bouche; et jamais il ne fit un moindre signe qui n'ajoutât quelque chose à la rigueur de leur esclavage.

Un jour qu'il les avoit toutes assemblées dans une salle de son sérail, une d'entre elles, plus hardie que les autres, lui reprocha son mauvais naturel. Quand on cherche si fort les moyens de se faire craindre, lui dit-elle, on trouve toujours auparavant ceux de se faire haïr. Nous sommes si malheureuses, que nous ne pouvons nous empêcher de désirer un changement: d'autres, à ma place, souhaiteroient votre mort; je ne souhaite que la mienne: et, ne pouvant espérer d'être séparée de vous que par là, il me sera encore bien doux d'en être séparée. Ce discours, qui auroit dû le toucher, le fit entrer dans une furieuse colère; il tira son poignard, et le lui plongea dans le sein. Mes chères compagnes, dit-elle d'une voix mourante, si le ciel a pitié de ma vertu, vous serez vengées. A ces mots, elle quitta cette vie infortunée, pour aller dans le séjour des délices, où les femmes qui ont bien vécu jouissent d'un bonheur qui se renouvelle toujours.

D'abord elle vit une prairie riante, dont la verdure étoit relevée par les peintures des fleurs les plus vives: un ruisseau, dont les eaux étoient plus pures que le cristal, y faisoit un nombre infini de détours. Elle entra ensuite dans des bocages charmants, dont le silence n'étoit interrompu que par le doux chant des oiseaux; de magnifiques jardins se présentèrent ensuite; la nature les avoit ornés avec sa simplicité, et toute sa magnificence. Elle trouva enfin un palais superbe préparé pour elle, et rempli d'hommes célestes destinés à ses plaisirs.

Deux d'entre eux se présentèrent aussitôt pour la déshabiller; d'autres la mirent dans le bain, et la parfumèrent des plus délicieuses essences; on lui donna ensuite des habits infiniment plus riches que les siens; après quoi on la mena dans une grande salle, où elle trouva un feu fait avec des bois odoriférants, et une table couverte des mets les plus exquis. Tout sembloit concourir au ravissement de ses sens: elle entendoit d'un côté une musique d'autant plus divine qu'elle étoit plus tendre; de l'autre, elle ne voyoit que des danses de ces hommes divins, uniquement occupés à lui plaire. Cependant tant de plaisirs ne devoient servir qu'à la conduire insensiblement à des plaisirs plus grands. On la mena dans sa chambre; et, après l'avoir encore une fois déshabillée, on la porta dans un lit superbe, où deux hommes d'une beauté charmante la reçurent dans leurs bras. C'est pour lors qu'elle fut enivrée, et que ses ravissements passèrent même ses désirs. Je suis toute hors de moi, leur disoit-elle; je croirois mourir, si je n'étois sûre de mon immortalité. C'en est trop, laissez-moi; je succombe sous la violence des plaisirs. Oui, vous rendez un peu le calme à mes sens; je commence à respirer et à revenir à moi-même. D'où vient que l'on a ôté les flambeaux? Que ne puis-je à présent considérer votre beauté divine? Que ne puis-je voir... Mais pourquoi voir? Vous me faites rentrer dans mes premiers transports. O dieux! que ces ténèbres sont aimables! Quoi! je serai immortelle, et immortelle avec vous! je serai... Non, je vous demande grâce, car je vois bien que vous êtes gens à n'en demander jamais.

Après plusieurs commandements réitérés, elle fut obéie: mais elle ne le fut que lorsqu'elle voulut l'être bien sérieusement. Elle se reposa languissamment, et s'endormit dans leurs bras. Deux moments de sommeil réparèrent sa lassitude: elle reçut deux baisers qui l'enflammèrent soudain, et lui firent ouvrir les yeux. Je suis inquiète, dit-elle; je crains que vous ne m'aimiez plus. C'étoit un doute dans lequel elle ne vouloit pas rester longtemps: aussi eut-elle avec eux tous les éclaircissements qu'elle pouvoit désirer. Je suis désabusée, s'écria-t-elle; pardon, pardon; je suis sûre de vous. Vous ne me dites rien, mais vous prouvez mieux que tout ce que vous me pourriez dire: oui, oui, je vous le confesse, on n'a jamais tant aimé. Mais quoi! vous vous disputez tous deux l'honneur de me persuader! Ah! si vous vous disputez, si vous joignez l'ambition au plaisir de ma défaite, je suis perdue; vous serez tous deux vainqueurs, il n'y aura que moi de vaincue; mais je vous vendrai bien cher la victoire.

Tout ceci ne fut interrompu que par le jour. Ses fidèles et aimables domestiques entrèrent dans sa chambre, et firent lever ces deux jeunes hommes, que deux vieillards ramenèrent dans les lieux où ils étoient gardés pour ses plaisirs. Elle se leva ensuite, et parut d'abord à cette cour idolâtre dans les charmes d'un déshabillé simple, et ensuite couverte des plus somptueux ornements. Cette nuit l'avoit embellie; elle avoit donné de la vie à son teint, et de l'expression à ses grâces. Ce ne fut pendant tout le jour que danses, que concerts, que festins, que jeux, que promenades; et l'on remarquoit qu'Anaïs se déroboit de temps en temps, et voloit vers ses deux jeunes héros; après quelques précieux instants d'entrevue, elle revenoit vers la troupe qu'elle avoit quittée, toujours avec un visage plus serein. Enfin, sur le soir, on la perdit tout à fait: elle alla s'enfermer dans le sérail, où elle vouloit, disoit-elle, faire connoissance avec ces captifs immortels qui devoient à jamais vivre avec elle. Elle visita donc les appartements de ces lieux les plus reculés et les plus charmants où elle compta cinquante esclaves d'une beauté miraculeuse: elle erra toute la nuit de chambre en chambre, recevant partout des hommages toujours différents, et toujours les mêmes.

Voilà comment l'immortelle Anaïs passoit sa vie, tantôt dans des plaisirs éclatants, tantôt dans des plaisirs solitaires; admirée d'une troupe brillante, ou bien aimée d'un amant éperdu: souvent elle quittoit un palais enchanté pour aller dans une grotte champêtre; les fleurs sembloient naître sous ses pas, et les jeux se présentoient en foule au-devant d'elle.

Il y avoit plus de huit jours qu'elle étoit dans cette demeure heureuse, que, toujours hors d'elle-même, elle n'avoit pas fait une seule réflexion: elle avoit joui de son bonheur sans le connoître, et sans avoir eu un seul de ces moments tranquilles, où l'âme se rend, pour ainsi dire, compte à elle-même, et s'écoute dans le silence des passions.

Les bienheureux ont des plaisirs si vifs, qu'ils peuvent rarement jouir de cette liberté d'esprit: c'est pour cela qu'attachés invinciblement aux objets présents, ils perdent entièrement la mémoire des choses passées, et n'ont plus aucun souci de ce qu'ils ont connu ou aimé dans l'autre vie.

Mais Anaïs, dont l'esprit étoit vraiment philosophe, avoit passé presque toute sa vie à méditer: elle avoit poussé ses réflexions beaucoup plus loin qu'on n'auroit dû l'attendre d'une femme laissée à elle-même. La retraite austère que son mari lui avoit fait garder ne lui avoit laissé que cet avantage. C'est cette force d'esprit qui lui avoit fait mépriser la crainte dont ses compagnes étoient frappées, et la mort, qui devoit être la fin de ses peines et le commencement de sa félicité.

Ainsi elle sortit peu à peu de l'ivresse des plaisirs, et s'enferma seule dans un appartement de son palais. Elle se laissa aller à des réflexions bien douces sur sa condition passée, et sur sa félicité présente; elle ne put s'empêcher de s'attendrir sur le malheur de ses compagnes: on est sensible à des tourments que l'on a partagés. Anaïs ne se tint pas dans les simples bornes de la compassion: plus tendre envers ces infortunées, elle se sentit portée à les secourir.

Elle donna ordre à un de ces jeunes hommes qui étoient auprès d'elle de prendre la figure de son mari; d'aller dans son sérail de s'en rendre maître: de l'en chasser, et d'y rester à sa place jusqu'à ce qu'elle le rappelât.

L'exécution fut prompte: il fendit les airs, arriva à la porte du sérail d'Ibrahim, qui n'y étoit pas. Il frappe, tout lui est ouvert; les eunuques tombent à ses pieds: il vole vers les appartements où les femmes d'Ibrahim étoient enfermées. Il avoit, en passant, pris les clefs dans la poche de ce jaloux, à qui il s'étoit rendu invisible. Il entre, et les surprend d'abord par son air doux et affable; et, bientôt après, il les surprend davantage par ses empressements et par la rapidité de ses entreprises. Toutes eurent leur part de l'étonnement; et elles l'auroient pris pour un songe, s'il y eût eu moins de réalité.

Pendant que ces nouvelles scènes se jouent dans le sérail, Ibrahim heurte, se nomme, tempête, et crie. Après avoir essuyé bien des difficultés, il entre, et jette les eunuques dans un désordre extrême. Il marche à grands pas; mais il recule en arrière, et tombe comme des nues, quand il voit le faux Ibrahim, sa véritable image, dans toutes les libertés d'un maître. Il crie au secours; il veut que les eunuques lui aident à tuer cet imposteur; mais il n'est pas obéi. Il n'a plus qu'une foible ressource, c'est de s'en rapporter au jugement de ses femmes. Dans une heure le faux Ibrahim avoit séduit tous ses juges. Il est chassé et traîné indignement hors du sérail, et il auroit reçu la mort mille fois, si son rival n'avoit ordonné qu'on lui sauvât la vie. Enfin, le nouvel Ibrahim, resté maître du champ de bataille, se montra de plus en plus digne d'un tel choix, et se signala par des miracles jusqu'alors inconnus. Vous ne ressemblez pas à Ibrahim, disoient ces femmes. Dites, dites plutôt que cet imposteur ne me ressemble pas, disoit le triomphant Ibrahim: comment faut-il faire pour être votre époux, si ce que je fais ne suffit pas?

Ah! nous n'avons garde de douter, dirent les femmes. Si vous n'êtes pas Ibrahim, il nous suffit que vous ayez si bien mérité de l'être: vous êtes plus Ibrahim en un jour qu'il ne l'a été dans le cours de dix années. Vous me promettez donc, reprit-il, que vous vous déclarerez en ma faveur contre cet imposteur? N'en doutez pas, dirent-elles d'une commune voix; nous vous jurons une fidélité éternelle: nous n'avons été que trop longtemps abusées: le traître ne soupçonnoit point notre vertu, il ne soupçonnoit que sa foiblesse; nous voyons bien que les hommes ne sont point faits comme lui; c'est à vous sans doute qu'ils ressemblent: si vous saviez combien vous nous le faites haïr! Ah! je vous donnerai souvent de nouveaux sujets de haine, reprit le faux Ibrahim: vous ne connoissez point encore tout le tort qu'il vous a fait. Nous jugeons de son injustice par la grandeur de votre vengeance, reprirent-elles. Oui, vous avez raison, dit l'homme divin; j'ai mesuré l'expiation au crime: je suis bien aise que vous soyez contentes de ma manière de punir. Mais, dirent ces femmes, si cet imposteur revient, que ferons-nous? Il lui seroit, je crois, difficile de vous tromper, répondit-il: dans la place que j'occupe auprès de vous, on ne se soutient guère par la ruse; et d'ailleurs je l'enverrai si loin, que vous n'entendrez plus parler de lui, pour lors je prendrai sur moi le soin de votre bonheur. Je ne serai point jaloux; je saurai m'assurer de vous, sans vous gêner; j'ai assez bonne opinion de mon mérite pour croire que vous me serez fidèles: si vous n'étiez pas vertueuses avec moi, avec qui le seriez-vous? Cette conversation dura longtemps entre lui et ces femmes, qui, plus frappées de la différence des deux Ibrahims que de leur ressemblance, ne songeoient pas même à se faire éclaircir de tant de merveilles. Enfin le mari désespéré revint encore les troubler; il trouva toute sa maison dans la joie, et les femmes plus incrédules que jamais. La place n'étoit pas tenable pour un jaloux; il sortit furieux; et un instant après le faux Ibrahim le suivit, le prit, le transporta dans les airs, et le laissa à quatre cents lieues de là.

O dieux! dans quelle désolation se trouvèrent ces femmes dans l'absence de leur cher Ibrahim! Déjà leurs eunuques avoient repris leur sévérité naturelle; toute la maison étoit en larmes; elles s'imaginoient quelquefois que tout ce qu'il leur étoit, arrivé n'étoit qu'un songe; elles se regardoient toutes les unes les autres, et se rappeloient les moindres circonstances de ces étranges aventures. Enfin, Ibrahim revint, toujours plus aimable; il leur parut que son voyage n'avoit pas été pénible. Le nouveau maître prit une conduite si opposée à celle de l'autre qu'elle surprit tous les voisins. Il congédia tous les eunuques, rendit sa maison accessible à tout le monde: il ne voulut pas même souffrir que ses femmes se voilassent. C'étoit une chose singulière de les voir dans les festins, parmi des hommes, aussi libres qu'eux. Ibrahim crut avec raison que les coutumes du pays n'étoient pas faites pour des citoyens comme lui. Cependant il ne se refusoit aucune dépense: il dissipa avec une immense profusion les biens du jaloux, qui, de retour trois ans après des pays lointains où il avoit été transporté, ne trouva plus que ses femmes et trente-six enfants.

De Paris, le 26 de la lune de Gemmadi 1, 1720.

LETTRE CXLII.

RICA A USBEK.

A ***.

Voici une lettre que je reçus hier d'un savant: elle te paroîtra singulière.

«Monsieur,

«Il y a six mois que j'ai recueilli la succession d'un oncle très-riche, qui m'a laissé cinq ou six cent mille livres, et une maison superbement meublée. Il y a plaisir d'avoir du bien lorsqu'on en sait faire un bon usage. Je n'ai point d'ambition ni de goût pour les plaisirs: je suis presque toujours enfermé dans un cabinet, où je mène la vie d'un savant. C'est dans ce lieu que l'on trouve un curieux amateur de la vénérable antiquité.

«Lorsque mon oncle eut fermé les yeux, j'aurois fort souhaité de le faire enterrer avec les cérémonies observées par les anciens Grecs et Romains: mais je n'avois pour lors ni lacrymatoires, ni urnes, ni lampes antiques.

«Mais depuis je me suis bien pourvu de ces précieuses raretés. Il y a quelques jours que je vendis ma vaisselle d'argent pour acheter une lampe de terre qui avoit servi à un philosophe stoïcien. Je me suis défait de toutes les glaces dont mon oncle avoit couvert presque tous les murs de ses appartements, pour avoir un petit miroir un peu fêlé, qui fut autrefois à l'usage de Virgile: je suis charmé d'y voir ma figure représentée, au lieu de celle du cygne de Mantoue. Ce n'est pas tout: j'ai acheté cent louis d'or cinq ou six pièces de monnoie de cuivre qui avoit cours il y a deux mille ans. Je ne sache pas avoir à présent dans ma maison un seul meuble qui n'ait été fait avant la décadence de l'empire. J'ai un petit cabinet de manuscrits fort précieux et fort chers: quoique je me tue la vue à les lire, j'aime beaucoup mieux m'en servir que des exemplaires imprimés, qui ne sont pas si corrects, et que tout le monde a entre les mains. Quoique je ne sorte presque jamais, je ne laisse pas d'avoir une passion démesurée de connoître tous les anciens chemins qui étoient du temps des Romains. Il y en a un qui est près de chez moi, qu'un proconsul des Gaules fit faire il y a environ douze cents ans: lorsque je vais à ma maison de campagne, je ne manque jamais d'y passer, quoiqu'il soit très incommode, et qu'il m'allonge de plus d'une lieue; mais ce qui me fait enrager, c'est qu'on y a mis des poteaux de bois de distance en distance, pour marquer l'éloignement des villes voisines; je suis désespéré de voir ces misérables indices, au lieu des colonnes milliaires qui y étoient autrefois: je ne doute pas que je ne les fasse rétablir par mes héritiers, et que je ne les engage à cette dépense par mon testament. Si vous avez, monsieur, quelque manuscrit persan, vous me ferez plaisir de m'en accommoder: je vous le payerai tout ce que vous voudrez; et je vous donnerai par-dessus le marché quelques ouvrages de ma façon, par lesquels vous verrez que je ne suis point un membre inutile de la république des lettres. Vous y remarquerez entre autres une dissertation, où je prouve que la couronne dont on se servoit autrefois dans les triomphes étoit de chêne, et non pas de laurier: vous en admirerez une autre, où je prouve, par de doctes conjectures tirées des plus graves auteurs grecs, que Cambyses fut blessé à la jambe gauche, et non pas à la droite; une autre, où je prouve qu'un petit front étoit une beauté recherchée par les Romains. Je vous enverrai encore un volume in-quarto, en forme d'explication d'un vers du sixième livre de l'Enéide de Virgile. Vous ne recevrez tout ceci que dans quelques jours; et quant à présent, je me contente de vous envoyer ce fragment d'un ancien mythologiste grec, qui n'avoit point paru jusques ici, et que j'ai découvert dans la poussière d'une bibliothèque. Je vous quitte pour une affaire importante que j'ai sur les bras: il s'agit de restituer un beau passage de Pline le naturaliste, que les copistes du cinquième siècle ont étrangement défiguré. Je suis, etc.»

FRAGMENT D'UN ANCIEN MYTHOLOGISTE.

«Dans une île près des Orcades, il naquit un enfant qui avoit pour père Éole, dieu des vents, et pour mère une nymphe de Calédonie. On dit de lui qu'il apprit tout seul à compter avec ses doigts; et que, dès l'âge de quatre ans, il distinguoit si parfaitement les métaux, que sa mère ayant voulu lui donner une bague de laiton au lieu d'une d'or, il reconnut la tromperie, et la jeta par terre.

«Dès qu'il fut grand, son père lui apprit le secret d'enfermer les vents dans une outre, qu'il vendoit ensuite à tous les voyageurs; mais comme la marchandise n'étoit pas fort prisée dans son pays, il le quitta, et se mit à courir le monde en compagnie de l'aveugle dieu du hasard.

«Il apprit dans ses voyages que dans la Bétique l'or reluisoit de toutes parts: cela fit qu'il y précipita ses pas. Il y fut fort mal reçu de Saturne, qui régnoit pour lors; mais ce dieu ayant quitté la terre, il s'avisa d'aller dans tous les carrefours, où il crioit sans cesse d'une voix rauque: Peuples de Bétique, vous croyez être riches parce que vous avez de l'or et de l'argent; votre erreur me fait pitié: croyez-moi, quittez le pays des vils métaux; venez dans l'empire de l'imagination; et je vous promets des richesses qui vous étonneront vous-mêmes. Aussitôt il ouvrit une grande partie des outres qu'il avoit apportées, et il distribua de sa marchandise à qui en voulut.

«Le lendemain il revint dans les mêmes carrefours, et il s'écria: Peuples de Bétique, voulez-vous être riches? Imaginez-vous que je le suis beaucoup, et que vous l'êtes beaucoup aussi; mettez-vous tous les matins dans l'esprit que votre fortune a doublé pendant la nuit; levez-vous ensuite; et, si vous avez des créanciers, allez les payer de ce que vous aurez imaginé; et dites-leur d'imaginer à leur tour.

«Il reparut quelques jours après, et il parla ainsi: Peuples de Bétique, je vois bien que votre imagination n'est pas si vive que les premiers jours; laissez-vous conduire à la mienne; je mettrai tous les matins devant vos yeux un écriteau qui sera pour vous la source des richesses: vous n'y verrez que quatre paroles; mais elles seront bien significatives, car elles régleront la dot de vos femmes, la légitime de vos enfants, le nombre de vos domestiques. Et quant à vous, dit-il à ceux de la troupe qui étoient le plus près de lui; quant à vous, mes chers enfants (je puis vous appeler de ce nom, car vous avez reçu de moi une seconde naissance), mon écriteau décidera de la magnificence de vos équipages, de la somptuosité de vos festins, du nombre et de la pension de vos maîtresses.

«A quelques jours de là il arriva dans le carrefour, tout essoufflé; et, transporté de colère, il s'écria: Peuples de Bétique, je vous avois conseillé d'imaginer, et je vois que vous ne le faites pas: eh bien! à présent je vous l'ordonne. Là-dessus, il les quitta brusquement; mais la réflexion le rappela sur ses pas. J'apprends que quelques-uns de vous sont assez détestables pour conserver leur or et leur argent. Encore passe pour l'argent; mais pour de l'or.... pour de l'or... Ah! cela me met dans une indignation... Je jure par mes outres sacrées que, s'ils ne viennent me l'apporter, je les punirai sévèrement. Puis il ajouta d'un air tout à fait persuasif: Croyez-vous que ce soit pour garder ces misérables métaux que je vous les demande? Une marque de ma candeur, c'est que, lorsque vous me les apportâtes il y a quelques jours, je vous en rendis sur-le-champ la moitié.

«Le lendemain on l'aperçut de loin, et on le vit s'insinuer avec une voix douce et flatteuse: Peuples de Bétique, j'apprends que vous avez une partie de vos trésors dans les pays étrangers; je vous prie, faites-les-moi venir; vous me ferez plaisir, et je vous en aurai une reconnoissance éternelle.

«Le fils d'Éole parloit à des gens qui n'avoient pas grande envie de rire; ils ne purent pourtant s'en empêcher: ce qui fit qu'il s'en retourna bien confus. Mais, reprenant courage, il hasarda encore une petite prière: je sais que vous avez des pierres précieuses; au nom de Jupiter, défaites-vous-en: rien ne vous appauvrit comme ces sortes de choses; défaites-vous-en, vous dis-je: si vous ne le pouvez pas par vous-mêmes, je vous donnerai des hommes d'affaires excellents. Que de richesses vont couler chez vous, si vous faites ce que je vous conseille! Oui, je vous promets tout ce qu'il y aura de plus pur dans mes outres.

«Enfin il monta sur un tréteau, et, prenant une voix plus assurée, il dit: Peuples de Bétique, j'ai comparé l'heureux état dans lequel vous êtes, avec celui où je vous trouvai lorsque j'arrivai ici; je vous vois le plus riche peuple de la terre: mais, pour achever votre fortune, souffrez que je vous ôte la moitié de vos biens. A ces mots, d'une aile légère le fils d'Eole disparut, et laissa ses auditeurs dans une consternation inexprimable; ce qui fit qu'il revint le lendemain, et parla ainsi: Je m'aperçus hier que mon discours vous déplut extrêmement. Eh bien! prenez que je ne vous aie rien dit. Il n'y a qu'à prendre d'autres expédients pour arriver au but que je me suis proposé. Assemblons nos richesses dans un même endroit; nous le pouvons facilement, car elles ne tiennent pas un gros volume. Aussitôt il en disparut les trois quarts.»

De Paris, le 9 de la lune de Chahban, 1720.

LETTRE CXLIII.

RICA A NATHANAEL LÉVI, MÉDECIN JUIF.

A Livourne.

Tu me demandes ce que je pense de la vertu des amulettes, et de la puissance des talismans. Pourquoi t'adresses-tu à moi? tu es Juif, et je suis mahométan: c'est-à-dire que nous sommes tous deux bien crédules.

Je porte toujours sur moi plus de deux mille passages du saint Alcoran; j'attache à mes bras un petit paquet, où sont écrits les noms de plus de deux cents dervis: ceux d'Ali, de Fatmé, et de tous les Purs, sont cachés en plus de vingt endroits de mes habits.

Cependant je ne désapprouve point ceux qui rejettent cette vertu que l'on attribue à de certaines paroles: il nous est bien plus difficile de répondre à leurs raisonnements, qu'à eux de répondre à nos expériences.

Je porte tous ces chiffons sacrés par une longue habitude, pour me conformera une pratique universelle: je crois que, s'ils n'ont pas plus de vertu que les bagues et les autres ornements dont on se pare, ils n'en ont pas moins. Mais toi, tu mets toute ta confiance sur quelques lettres mystérieuses, et, sans cette sauvegarde, tu serois dans un effroi continuel.

Les hommes sont bien malheureux! ils flottent sans cesse entre de fausses espérances et des craintes ridicules: et, au lieu de s'appuyer sur la raison, ils se font des monstres qui les intimident, ou des fantômes qui les séduisent.

Quel effet veux-tu que produise l'arrangement de certaines lettres? Quel effet veux-tu que leur dérangement puisse troubler? quelle relation ont-elles avec les vents, pour apaiser les tempêtes; avec la poudre à canon, pour en vaincre l'effort; avec ce que les médecins appellent l'humeur peccante et la cause morbifique des maladies, pour les guérir?

Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que ceux qui fatiguent leur raison pour lui faire rapporter de certains événements à des vertus occultes, n'ont pas un moindre effort à faire pour s'empêcher d'en voir la véritable cause.

Tu me diras que de certains prestiges ont fait gagner une bataille: et moi je te dirai qu'il faut que tu t'aveugles, pour ne pas trouver dans la situation du terrain, dans le nombre ou dans le courage des soldats, dans l'expérience des capitaines, des causes suffisantes pour produire cet effet dont tu veux ignorer la cause.

Je te passe pour un moment qu'il y ait des prestiges: passe-moi à mon tour, pour un moment, qu'il n'y en ait point; car cela n'est pas impossible. Cette concession que tu me fais n'empêche pas que deux armées ne puissent se battre: veux-tu que, dans ce cas-là, aucune des deux ne puisse remporter la victoire?

Crois-tu que leur sort restera incertain jusqu'à ce que quelque puissance invisible vienne le déterminer? que tous les coups seront perdus, toute la prudence vaine, et tout le courage inutile?

Penses-tu que la mort, dans ces occasions, rendue présente de mille manières, ne puisse pas produire dans les esprits ces terreurs paniques que tu as tant de peine à expliquer? Veux-tu que, dans une armée de cent mille hommes, il ne puisse pas y avoir un seul homme timide? Crois-tu que le découragement de celui-ci ne puisse pas produire le découragement d'un autre? que le second, qui quitte un troisième, ne lui fasse pas bientôt abandonner un quatrième? Il n'en faut pas davantage pour que le désespoir de vaincre saisisse soudain toute une armée, et la saisisse d'autant plus facilement qu'elle se trouve plus nombreuse.

Tout le monde sait, et tout le monde sent, que les hommes, comme toutes les créatures qui tendent à conserver leur être, aiment passionnément la vie; on sait cela en général: et on cherche pourquoi, dans une certaine occasion particulière, ils ont craint de la perdre?

Quoique les livres sacrés de toutes les nations soient remplis de ces terreurs paniques ou surnaturelles, je n'imagine rien de si frivole, parce que, pour s'assurer qu'un effet qui peut être produit par cent mille causes naturelles est surnaturel, il faut avoir auparavant examiné si aucune de ces causes n'a agi; ce qui est impossible.

Je ne t'en dirai pas davantage, Nathanaël: il me semble que la matière ne mérite pas d'être si sérieusement traitée.

De Paris, le 20 de la lune de Chahban, 1720.

P. S. Comme je finissois, j'ai entendu crier dans la rue une lettre d'un médecin de province à un médecin de Paris (car ici toutes les bagatelles s'impriment, se publient, et s'achètent): j'ai cru que je ferois bien de te l'envoyer, parce qu'elle a du rapport à notre sujet. Il y a bien des choses que je n'entends pas: mais toi, qui es médecin, tu dois entendre le langage de tes confrères.

LETTRE D'UN MÉDECIN DE PROVINCE A UN MÉDECIN DE PARIS.

Il y avoit dans notre ville un malade qui ne dormoit point depuis trente-cinq jours: son médecin lui ordonna l'opium; mais il ne pouvoit se résoudre à le prendre; et il avoit la coupe à la main; qu'il étoit plus indéterminé que jamais. Enfin il dit à son médecin: Monsieur, je vous demande quartier seulement jusqu'à demain: je connois un homme qui n'exerce pas la médecine, mais qui a chez lui un nombre innombrable de remèdes contre l'insomnie; souffrez que je l'envoie quérir: et, si je ne dors pas cette nuit, je vous promets que je reviendrai à vous. Le médecin congédié, le malade fit fermer les rideaux, et dit à un petit laquais: Tiens, va-t'en chez M. Anis, et dis-lui qu'il vienne me parler. M. Anis arrive. Mon cher monsieur Anis, je me meurs, je ne puis dormir: n'auriez-vous point, dans votre boutique, la C. du G., ou bien quelque livre de dévotion composé par un révérend père jésuite, que vous n'ayez pas pu vendre? car souvent les remèdes les plus gardés sont les meilleurs. Monsieur, dit le libraire, j'ai chez moi la Cour sainte du P. Caussin, en six volumes, à votre service: je vais vous l'envoyer; je souhaite que vous vous en trouviez bien. Si vous voulez les œuvres du révérend père Rodriguez, jésuite espagnol, ne vous en faites faute. Mais, croyez-moi, tenons-nous-en au père Caussin; j'espère, avec l'aide de Dieu, qu'une période du père Caussin vous fera autant d'effet qu'un feuillet tout entier de la C. du G. Là-dessus M. Anis sortit, et courut chercher le remède à sa boutique. La Cour sainte arrive: on en secoue la poudre; le fils du malade, jeune écolier, commence à la lire: il en sentit le premier l'effet, à la seconde page il ne prononçoit plus que d'une voix mal articulée, et déjà toute la compagnie se sentoit affoiblie: un instant après tout ronfla, excepté le malade, qui après avoir été longtemps éprouvé, s'assoupit à la fin.

Le médecin arrive de grand matin. Hé bien! a-t-on pris mon opium? On ne lui répond rien: la femme, la fille, le petit garçon, tous transportés de joie, lui montrent le père Caussin. Il demande ce que c'est; on lui dit: Vive le père Caussin! il faut l'envoyer relier. Qui l'eût dit? qui l'eût cru? c'est un miracle! Tenez, monsieur, voyez donc le père Caussin: c'est ce volume-là qui a fait dormir mon père. Et là-dessus on lui expliqua la chose, comme elle s'étoit passée.

Le médecin étoit un homme subtil, rempli des mystères de la cabale, et de la puissance des paroles et des esprits: cela le frappa; et, après plusieurs réflexions, il résolut de changer absolument sa pratique. Voilà un fait bien singulier, disoit-il. Je tiens une expérience; il faut la pousser plus loin. Hé pourquoi un esprit ne pourroit-il pas transmettre à son ouvrage les mêmes qualités qu'il a lui-même? ne le voyons-nous pas tous les jours? Au moins cela vaut-il bien la peine de l'essayer. Je suis las des apothicaires; leurs sirops, leurs juleps, et toutes les drogues galéniques ruinent les malades et leur santé: changeons de méthode; éprouvons la vertu des esprits. Sur cette idée il dressa une nouvelle pharmacie, comme vous allez voir par la description que je vous vais faire des principaux remèdes qu'il mit en pratique.

Tisane purgative.

Prenez trois feuilles de la logique d'Aristote en grec; deux feuilles d'un traité de théologie scholastique le plus aigu, comme, par exemple, du subtil Scot; quatre de Paracelse; une d'Avicenne; six d'Averroès; trois de Porphyre; autant de Plotin; autant de Jamblique: faites infuser le tout pendant vingt-quatre heures, et prenez-en quatre prises par jour.

Purgatif plus violent.

Prenez dix A*** du C*** concernant la B*** et la C*** des I***; faites-les distiller au bain-marie; mortifiez une goutte de l'humeur âcre et piquante qui en viendra, dans un verre d'eau commune: avalez le tout avec confiance.

Vomitif.

Prenez six harangues; une douzaine d'oraisons funèbres indifféremment, prenant garde pourtant de ne point se servir de celles de M. de N.; un recueil de nouveaux opéras; cinquante romans; trente mémoires nouveaux: mettez le tout dans un matras; laissez-le en digestion pendant deux jours; puis faites-le distiller au feu de sable. Et si tout cela ne suffit pas,

Autre plus puissant.

Prenez une feuille de papier marbré, qui ait servi à couvrir un recueil des pièces des J. F.; faites-la infuser l'espace de trois minutes; faites chauffer une cuillerée de cette infusion; et avalez.

Remède très-simple pour guérir de l'asthme.

Lisez tous les ouvrages du révérend père Maimbourg, ci-devant jésuite, prenant garde de ne vous arrêter qu'à la fin de chaque période: et vous sentirez la faculté de respirer vous revenir peu à peu, sans qu'il soit besoin de réitérer le remède.

Pour préserver de la gale, gratelle, teigne, farcin des chevaux.

Prenez trois catégories d'Aristote, deux degrés métaphysiques, une distinction, six vers de Chapelain, une phrase tirée des lettres de M. l'abbé de Saint-Cyran: écrivez le tout sur un morceau de papier, que vous plierez, attacherez à un ruban, et porterez au col.

Miraculum chymicum, de violenta fermentatione cum fumo, igne et flammâ.

Misce Quesnellianam infusionem, cum infusione Lallemaniana; fiat fermentatio cum magna vi, impetu et tonitru, acidis pugnantibus, et invicem penetrantibus alcalinos sales: fiet evaporatio ardentium spirituum. Pone liquorem fermentatum in alembico: nihil inde extrahes, et nihil invenies, nisi caput mortuum.

Lenitivum.

Recipe Molinæ anodyni chartas duas; Escobaris relaxativi paginas sex; Vasquii emollientis folium unum: infunde in aquæ communis libras iiij. Ad consumptionem dimidiæ partis colentur et exprimantur; et in expressione dissolve Bauni detersivi et Tamburini abluentis folia iij.

Fiat clyster.

In chlorosim, quam vulgus pallidos-colores, aut febrim-amatoriam, appellat.

Recipe Aretini figuras quatuor; R. Thomæ Sanchii de matrimonio folia ij. Infundantur in aquæ communis libras quinque.

Fiat ptisana aperiens.


Voilà les drogues que notre médecin mit en pratique, avec un succès imaginable. Il ne vouloit pas, disoit-il, pour ne pas ruiner ses malades, employer des remèdes rares, et qui ne se trouvent presque point: comme, par exemple, une épître dédicatoire qui n'ait fait bâiller personne; une préface trop courte; un mandement fait par un évêque; et l'ouvrage d'un janséniste méprisé par un janséniste, ou bien admiré par un jésuite. Il disoit que ces sortes de remèdes ne sont propres qu'à entretenir la charlatanerie, contre laquelle il avoit une antipathie insurmontable.


LETTRE CXLIV.

USBEK A RICA.

Je trouvai, il y a quelques jours, dans une maison de campagne où j'étois allé, deux savants qui ont ici une grande célébrité. Leur caractère me parut admirable. La conversation du premier, bien appréciée, se réduisoit à ceci: Ce que j'ai dit est vrai, parce que je l'ai dit. La conversation du second portoit sur autre chose: Ce que je n'ai pas dit n'est pas vrai, parce que je ne l'ai pas dit.

J'aimois assez le premier: car qu'un homme soit opiniâtre, cela ne me fait absolument rien; mais qu'il soit impertinent, cela me fait beaucoup. Le premier défend ses opinions; c'est son bien; le second attaque les opinions des autres; et c'est le bien de tout le monde.

Oh, mon cher Usbek, que la vanité sert mal ceux qui en ont une dose plus forte que celle qui est nécessaire pour la conservation de la nature! Ces gens-là veulent être admirés à force de déplaire. Ils cherchent à être supérieurs; et ils ne sont pas seulement égaux.

Hommes modestes, venez, que je vous embrasse. Vous faites la douceur et le charme de la vie. Vous croyez que vous n'avez rien; et moi je vous dis que vous avez tout. Vous pensez que vous n'humiliez personne; et vous humiliez tout le monde. Et, quand je vous compare dans mon idée avec ces hommes absolus que je vois partout, je les précipite de leur tribunal, et je les mets à vos pieds.

De Paris, le 22 de la lune de Chahban, 1720.

LETTRE CXLV.

USBEK A ***.

Un homme d'esprit est ordinairement difficile dans les sociétés. Il choisit peu de personnes; il s'ennuie avec tout ce grand nombre de gens qu'il lui plaît appeler mauvaise compagnie; il est impossible qu'il ne fasse un peu sentir son dégoût: autant d'ennemis.

Sûr de plaire quand il voudra, il néglige très-souvent de le faire.

Il est porté à la critique, parce qu'il voit plus de choses qu'un autre, et les sent mieux.

Il ruine presque toujours sa fortune, parce que son esprit lui fournit pour cela un plus grand nombre de moyens.

Il échoue dans ses entreprises, parce qu'il hasarde beaucoup. Sa vue, qui se porte toujours loin, lui fait voir des objets qui sont à de trop grandes distances. Sans compter que, dans la naissance d'un projet, il est moins frappé des difficultés qui viennent de la chose, que des remèdes qui sont de lui, et qu'il tire de son propre fonds.

Il néglige les menus détails, dont dépend cependant la réussite de presque toutes les grandes affaires.

L'homme médiocre, au contraire, cherche à tirer parti de tout: il sent bien qu'il n'a rien à perdre en négligences.

L'approbation universelle est plus ordinairement pour l'homme médiocre. On est charmé de donner à celui-ci, on est enchanté d'ôter à celui-là. Pendant que l'envie fond sur l'un, et qu'on ne lui pardonne rien, on supplée tout en faveur de l'autre: la vanité se déclare pour lui.

Mais, si un homme d'esprit a tant de désavantages, que dirons-nous de la dure condition des savants?

Je n'y pense jamais que je ne me rappelle une lettre d'un d'eux à un de ses amis. La voici.

«Monsieur,

«Je suis un homme qui m'occupe, toutes les nuits, à regarder, avec des lunettes de trente pieds, ces grands corps qui roulent sur nos têtes; et quand je veux me délasser, je prends mes petits microscopes, et j'observe un ciron ou une mite.

«Je ne suis point riche, et je n'ai qu'une seule chambre: je n'ose même y faire du feu, parce que j'y tiens mon thermomètre, et que la chaleur étrangère le feroit hausser. L'hiver dernier, je pensai mourir de froid; et quoique mon thermomètre, qui étoit au plus bas degré, m'avertît que mes mains alloient se geler, je ne me dérangeai point; et j'ai la consolation d'être instruit exactement des changements de temps les plus insensibles de toute l'année passée.

«Je me communique fort peu: et, de tous les gens que je vois, je n'en connois aucun. Mais il y a un homme à Stockholm, un autre à Leipsick, un autre à Londres, que je n'ai jamais vus, et que je ne verrai sans doute jamais, avec lesquels j'entretiens une correspondance si exacte, que je ne laisse pas passer un courrier sans leur écrire.

«Mais, quoique je ne connoisse personne dans mon quartier, je suis dans une si mauvaise réputation, que je serai, à la fin, obligé de le quitter. Il y a cinq ans que je fus rudement insulté par une de mes voisines, pour avoir fait la dissection d'un chien qu'elle prétendoit lui appartenir. La femme d'un boucher, qui se trouva là, se mit de la partie; et, pendant que celle-là m'accabloit d'injures, celle-ci m'assommoit à coups de pierres, conjointement avec le docteur ***, qui étoit avec moi, et qui reçut un coup terrible sur l'os frontal et occipital, dont le siége de sa raison fut très-ébranlé.

«Depuis ce temps-là, dès qu'il s'écarte quelque chien au bout de la rue, il est aussitôt décidé qu'il a passé par mes mains. Une bonne bourgeoise qui en avoit perdu un petit, qu'elle aimoit, disoit-elle, plus que ses enfants, vint l'autre jour s'évanouir dans ma chambre; et, ne le trouvant pas, elle me cita devant le magistrat. Je crois que je ne serai jamais délivré de la malice importune de ces femmes qui, avec leurs voix glapissantes, m'étourdissent sans cesse de l'oraison funèbre de tous les automates qui sont morts depuis dix ans.

«Je suis, etc.»

Tous les savants étoient autrefois accusés de magie. Je n'en suis point étonné. Chacun disoit en lui-même: j'ai porté les talents naturels aussi loin qu'ils peuvent aller; cependant un certain savant a des avantages sur moi: il faut bien qu'il y ait là quelque diablerie.

A présent que ces sortes d'accusations sont tombées dans le décri, on a pris un autre tour; et un savant ne sauroit guère éviter le reproche d'irréligion ou d'hérésie. Il a beau être absous par le peuple: la plaie est faite; elle ne se fermera jamais bien. C'est toujours pour lui un endroit malade. Un adversaire viendra, trente ans après, lui dire modestement: A Dieu ne plaise que je dise que ce dont on vous accuse soit vrai! mais vous avez été obligé de vous défendre. C'est ainsi qu'on tourne contre lui sa justification même.

S'il écrit quelque histoire, et qu'il ait de la noblesse dans l'esprit, et quelque droiture dans le cœur, on lui suscite mille persécutions. On ira contre lui soulever le magistrat sur un fait qui s'est passé il y a mille ans. Et on voudra que sa plume soit captive, si elle n'est pas vénale.

Plus heureux cependant que ces hommes lâches, qui abandonnent leur foi pour une médiocre pension; qui, à prendre toutes leurs impostures en détail, ne les vendent pas seulement une obole; qui renversent la constitution de l'empire, diminuent les droits d'une puissance, augmentent ceux d'une autre, donnent aux princes, ôtent aux peuples, font revivre des droits surannés, flattent les passions qui sont en crédit de leur temps, et les vices qui sont sur le trône, imposant à la postérité, d'autant plus indignement qu'elle a moins de moyens de détruire leur témoignage.

Mais ce n'est point assez, pour un auteur, d'avoir essuyé toutes ces insultes; ce n'est point assez pour lui d'avoir été dans une inquiétude continuelle sur le succès de son ouvrage. Il voit le jour enfin, cet ouvrage qui lui a tant coûté. Il lui attire des querelles de toutes parts. Et comment les éviter? Il avoit un sentiment; il l'a soutenu par ses écrits: il ne savoit pas qu'un homme, à deux cents lieues de lui, avoit dit tout le contraire. Voilà cependant la guerre qui se déclare.

Encore s'il pouvoit espérer d'obtenir quelque considération! Non. Il n'est tout au plus estimé que de ceux qui se sont appliqués au même genre de science que lui. Un philosophe a un mépris souverain pour un homme qui a la tête chargée de faits; et il est, à son tour, regardé comme un visionnaire par celui qui a une bonne mémoire.

Quant à ceux qui font profession d'une orgueilleuse ignorance, ils voudroient que tout le genre humain fût enseveli dans l'oubli où ils seront eux-mêmes.

Un homme à qui il manque un talent se dédommage en le méprisant: il ôte cet obstacle qu'il rencontroit entre le mérite et lui; et, par là, se trouve au niveau de celui dont il redoute les travaux.

Enfin, il faut joindre, à une réputation équivoque, la privation des plaisirs et la perte de la santé.

De Paris, le 20 de la lune de Chahban 1720.

LETTRE CXLVI.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.

Il y a longtemps que l'on a dit que la bonne foi étoit l'âme d'un grand ministre.

Un particulier peut jouir de l'obscurité où il se trouve; il ne se décrédite que devant quelques gens; il se tient couvert devant les autres: mais un ministre qui manque à la probité a autant de témoins, autant de juges, qu'il y a de gens qu'il gouverne.

Oserai-je le dire? le plus grand mal que fait un ministre sans probité n'est pas de desservir son prince et de ruiner son peuple: il y en a un autre, à mon avis, mille fois plus dangereux; c'est le mauvais exemple qu'il donne.

Tu sais que j'ai longtemps voyagé dans les Indes. J'y ai vu une nation, naturellement généreuse, pervertie en un instant, depuis le dernier des sujets jusqu'aux plus grands, par le mauvais exemple d'un ministre: j'y ai vu tout un peuple, chez qui la générosité, la probité, la candeur et la bonne foi ont passé de tout temps pour les qualités naturelles, devenir tout à coup le dernier des peuples; le mal se communiquer, et n'épargner pas même les membres les plus sains; les hommes les plus vertueux faire des choses indignes; et violer, dans toutes les occasions de leur vie, les premiers principes de la justice, sur ce vain prétexte qu'on la leur avoit violée.

Ils appeloient des lois odieuses en garantie des actions les plus lâches; et nommoient nécessité l'injustice et la perfidie.

J'ai vu la foi des contrats bannie, les plus saintes conventions anéanties, toutes les lois des familles renversées. J'ai vu des débiteurs avares, fiers d'une insolente pauvreté, instruments indignes de la fureur des lois et de la rigueur des temps, feindre un payement au lieu de le faire, et porter le couteau dans le sein de leurs bienfaiteurs.

J'en ai vu d'autres, plus indignes encore, acheter presque pour rien, ou plutôt ramasser de terre des feuilles de chêne, pour les mettre à la place de la substance des veuves et des orphelins.

J'ai vu naître soudain, dans tous les cœurs, une soif insatiable des richesses. J'ai vu se former en un moment une détestable conjuration de s'enrichir, non par un honnête travail et une généreuse industrie, mais par la ruine du prince, de l'État et des concitoyens.

J'ai vu un honnête citoyen, dans ces temps malheureux, ne se coucher qu'en disant: J'ai ruiné une famille aujourd'hui; j'en ruinerai une autre demain.

Je vais, disoit un autre, avec un homme noir qui porte une écritoire à la main et un fer pointu à l'oreille, assassiner tous ceux à qui j'ai de l'obligation.

Un autre disoit: Je vois que j'accommode mes affaires: il est vrai que, lorsque j'allai, il y a trois jours, faire un certain payement, je laissai toute une famille en larmes, que je dissipai la dot de deux honnêtes filles, que j'ôtai l'éducation à un petit garçon; le père en mourra de douleur, la mère périt de tristesse: mais je n'ai fait que ce qui est permis par la loi.

Quel plus grand crime que celui que commet un ministre, lorsqu'il corrompt les mœurs de toute une nation, dégrade les âmes les plus généreuses, ternit l'éclat des dignités, obscurcit la vertu même, et confond la plus haute naissance dans le mépris universel?

Que dira la postérité, lorsqu'il lui faudra rougir de la honte de ses pères? Que dira le peuple naissant, lorsqu'il comparera le fer de ses aïeux avec l'or de ceux à qui il doit immédiatement le jour? Je ne doute pas que les nobles ne retranchent de leurs quartiers un indigne degré de noblesse qui les déshonore, et ne laissent la génération présente dans l'affreux néant où elle s'est mise.

De Paris, le 11 de la lune de Rhamazan, 1720.

LETTRE CXLVII.

LE GRAND EUNUQUE A USBEK.

A Paris.

Les choses sont venues à un état qui ne se peut plus soutenir: tes femmes se sont imaginé que ton départ leur laissoit une impunité entière; il se passe ici des choses horribles: je tremble moi-même au cruel récit que je vais te faire.

Zélis, allant il y a quelques jours à la mosquée, laissa tomber son voile, et parut presque à visage découvert devant tout le peuple.

J'ai trouvé Zachi couchée avec une de ses esclaves; chose si défendue par les lois du sérail.

J'ai surpris, par le plus grand hasard du monde, une lettre que je t'envoie: je n'ai jamais pu découvrir à qui elle étoit adressée.

Hier au soir, un jeune garçon fut trouvé dans le jardin du sérail, et il se sauva par-dessus les murailles.

Ajoute à cela ce qui n'est pas parvenu à ma connoissance; car sûrement tu es trahi. J'attends tes ordres: et, jusqu'à l'heureux moment que je les recevrai, je vais être dans une situation mortelle. Mais, si tu ne mets toutes ces femmes à ma discrétion, je ne te réponds d'aucune d'elles, et j'aurai tous les jours des nouvelles aussi tristes à te mander.

Du sérail d'Ispahan, le 1er de la lune de Rhégeb, 1717.

LETTRE CXLVIII.

USBEK AU PREMIER EUNUQUE.

Au sérail d'Ispahan.

Recevez par cette lettre un pouvoir sans bornes sur tout le sérail: commandez avec autant d'autorité que moi-même; que la crainte et la terreur marchent avec vous; courez d'appartements en appartements porter les punitions et les châtiments; que tout vive dans la consternation, que tout fonde en larmes devant vous; interrogez tout le sérail; commencez par les esclaves; n'épargnez pas mon amour; que tout subisse votre tribunal redoutable; mettez au jour les secrets les plus cachés; purifiez ce lieu infâme; et faites-y rentrer la vertu bannie. Car, dès ce moment, je mets sur votre tête les moindres fautes qui se commettront. Je soupçonne Zélis d'être celle à qui la lettre que vous avez surprise s'adressoit: examinez cela avec des yeux de lynx.

De ***, le 11 de la lune de Zilhagé, 1718.

LETTRE CXLIX.

NARSIT A USBEK.

A Paris.

Le grand eunuque vient de mourir, magnifique seigneur: comme je suis le plus vieux de tes esclaves, j'ai pris sa place, jusques à ce que tu aies fait connoître sur qui tu veux jeter les yeux.

Deux jours après sa mort, on m'apporta une de tes lettres qui lui étoit adressée: je me suis bien gardé de l'ouvrir; je l'ai enveloppée avec respect, et l'ai serrée, jusques à ce que tu m'aies fait connoître tes sacrées volontés.

Hier, un esclave vint, au milieu de la nuit, me dire qu'il avoit trouvé un jeune homme dans le sérail: je me levai, j'examinai la chose, et je trouvai que c'étoit une vision.

Je te baise les pieds, sublime seigneur; et je te prie de compter sur mon zèle, mon expérience et ma vieillesse.

Du sérail d'Ispahan, le 5 de la lune de Gemmadi 1, 1718.

LETTRE CL.

USBEK A NARSIT.

Au sérail d'Ispahan.

Malheureux que vous êtes, vous avez dans vos mains des lettres qui contiennent des ordres prompts et violents; le moindre retardement peut me désespérer: et vous demeurez tranquille sous un vain prétexte!

Il se passe des choses horribles: j'ai peut-être la moitié de mes esclaves qui méritent la mort. Je vous envoie la lettre que le premier eunuque m'écrivit là-dessus avant de mourir. Si vous aviez ouvert le paquet qui lui est adressé, vous y auriez trouvé des ordres sanglants. Lisez-les donc ces ordres: et vous périrez, si vous ne les exécutez pas.

De ***, le 25 de la lune de Chalval, 1718.

LETTRE CLI.

SOLIM A USBEK.

A Paris.

Si je gardois plus longtemps le silence, je serois aussi coupable que tous ces criminels que tu as dans le sérail.

J'étois le confident du grand eunuque, le plus fidèle de tes esclaves. Lorsqu'il se vit près de sa fin, il me fit appeler, et me dit ces paroles: Je me meurs; mais le seul chagrin que j'aie en quittant la vie, c'est que mes derniers regards aient trouvé les femmes de mon maître criminelles. Le ciel puisse le garantir de tous les malheurs que je prévois! puisse, après ma mort, mon ombre menaçante venir avertir ces perfides de leur devoir, et les intimider encore! Voilà les clefs de ces redoutables lieux; va les porter au plus vieux des noirs. Mais si, après ma mort, il manque de vigilance, songe à en avertir ton maître. En achevant ces mots, il expira dans mes bras.

Je sais ce qu'il t'écrivit, quelque temps avant sa mort, sur la conduite de tes femmes: il y a dans le sérail une lettre qui auroit porté la terreur avec elle, si elle avoit été ouverte; celle que tu as écrite depuis a été surprise à trois lieues d'ici: je ne sais ce que c'est, tout se tourne malheureusement.

Cependant tes femmes ne gardent plus aucune retenue: depuis la mort du grand eunuque, il semble que tout leur soit permis; la seule Roxane est restée dans le devoir, et conserve de la modestie. On voit les mœurs se corrompre tous les jours. On ne trouve plus sur le visage de tes femmes cette vertu mâle et sévère qui y régnoit autrefois: une joie nouvelle, répandue dans ces lieux, est un témoignage infaillible, selon moi, de quelque satisfaction nouvelle; dans les plus petites choses, je remarque des libertés jusqu'alors inconnues. Il règne, même parmi tes esclaves, une certaine indolence pour leur devoir et pour l'observation des règles, qui me surprend; ils n'ont plus ce zèle ardent pour ton service, qui sembloit animer tout le sérail.

Tes femmes ont été huit jours à la campagne, à une de tes maisons les plus abandonnées. On dit que l'esclave qui en a soin a été gagné; et qu'un jour avant qu'elles arrivassent, il avoit fait cacher deux hommes dans un réduit de pierre qui est dans la muraille de la principale chambre, d'où ils sortoient le soir lorsque nous étions retirés. Le vieux eunuque, qui est à présent à notre tête, est un imbécile, à qui l'on fait croire tout ce qu'on veut.

Je suis agité d'une colère vengeresse contre tant de perfidies: et si le ciel vouloit, pour le bien de ton service, que tu me jugeasses capable de gouverner, je te promets que, si tes femmes n'étoient pas vertueuses, au moins elles seroient fidèles.

Du sérail d'Ispahan, le 6 de la lune de Rebiab 1, 1719.

LETTRE CLII.

NARSIT A USBEK.

A Paris.

Roxane et Zélis ont souhaité d'aller à la campagne; je n'ai pas cru devoir le leur refuser. Heureux Usbek! tu as des femmes fidèles et des esclaves vigilants: je commande en des lieux où la vertu semble s'être choisi un asile. Compte qu'il ne s'y passera rien que tes yeux ne puissent soutenir.

Il est arrivé un malheur qui me met en grande peine. Quelques marchands arméniens, nouvellement arrivés à Ispahan, avoient apporté une de tes lettres pour moi; j'ai envoyé un esclave pour la chercher; il a été volé à son retour, de manière que la lettre est perdue. Écris-moi donc promptement; car je m'imagine que, dans ce changement, tu dois avoir des choses de conséquence à me mander.

Du sérail de Fatmé, le 6 de la lune de Rebiab 1, 1719.

LETTRE CLIII.

USBEK A SOLIM.

Au sérail d'Ispahan.

Je te mets le fer à la main. Je te confie ce que j'ai à présent dans le monde de plus cher, qui est ma vengeance. Entre dans ce nouvel emploi: mais n'y porte ni cœur ni pitié. J'écris à mes femmes de t'obéir aveuglément: dans la confusion de tant de crimes, elles tomberont devant tes regards. Il faut que je te doive mon bonheur et mon repos: rends-moi mon sérail comme je l'ai laissé. Mais commence par l'expier; extermine les coupables, et fais trembler ceux qui se proposoient de le devenir. Que ne peux-tu pas espérer de ton maître pour des services si signalés? Il ne tiendra qu'à toi de te mettre au-dessus de ta condition même, et de toutes les récompenses que tu as jamais désirées.

De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1719.

LETTRE CLIV.

USBEK A SES FEMMES.

Au sérail d'Ispahan.

Puisse cette lettre être comme la foudre qui tombe au milieu des éclairs et des tempêtes! Solim est votre premier eunuque, non pas pour vous garder, mais pour vous punir. Que tout le sérail s'abaisse devant lui. Il doit juger vos actions passées: et, pour l'avenir, il vous fera vivre sous un joug si rigoureux, que vous regretterez votre liberté, si vous ne regrettez pas votre vertu.

De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1719.

LETTRE CLV.

USBEK A NESSIR.

A Ispahan.

Heureux celui qui, connoissant tout le prix d'une vie douce et tranquille, repose son cœur au milieu de sa famille, et ne connoît d'autre terre que celle qui lui a donné le jour.

Je vis dans un climat barbare, présent à tout ce qui m'importune, absent de tout ce qui m'intéresse. Une tristesse sombre me saisit; je tombe dans un accablement affreux: il me semble que je m'anéantis; et je ne me retrouve moi-même que lorsqu'une sombre jalousie vient s'allumer, et enfanter dans mon âme la crainte, les soupçons, la haine et les regrets.

Tu me connois, Nessir; tu as toujours vu dans mon cœur comme dans le tien: je te ferois pitié, si tu savois mon état déplorable. J'attends quelquefois six mois entiers des nouvelles du sérail; je compte tous les instants qui s'écoulent; mon impatience me les allonge toujours; et lorsque celui qui a été tant attendu est près d'arriver, il se fait dans mon cœur une révolution soudaine; ma main tremble d'ouvrir une lettre fatale; cette inquiétude qui me désespéroit, je la trouve l'état le plus heureux où je puisse être, et je crains d'en sortir par un coup plus cruel pour moi que mille morts.

Mais, quelque raison que j'aie eue de sortir de ma patrie, quoique je doive ma vie à ma retraite, je ne puis plus, Nessir, rester dans cet affreux exil. Et ne mourrois-je pas tout de même en proie à mes chagrins? J'ai pressé mille fois Rica de quitter cette terre étrangère; mais il s'oppose à toutes mes résolutions; il m'attache ici par mille prétextes: il semble qu'il ait oublié sa patrie; ou plutôt il semble qu'il m'ait oublié moi-même, tant il est insensible à mes déplaisirs.

Malheureux que je suis! je souhaite de revoir ma patrie, peut-être pour devenir plus malheureux encore! Eh! qu'y ferai-je? Je vais rapporter ma tête à mes ennemis. Ce n'est pas tout: j'entrerai dans le sérail; il faut que j'y demande compte du temps funeste de mon absence: et si j'y trouve des coupables, que deviendrai-je? Et si la seule idée m'accable de si loin, que sera-ce, lorsque ma présence la rendra plus vive? que sera-ce, s'il faut que je voie, s'il faut que j'entende ce que je n'ose imaginer sans frémir? que sera-ce enfin, s'il faut que des châtiments que je prononcerai moi-même soient des marques éternelles de ma confusion et de mon désespoir?

J'irai m'enfermer dans des murs plus terribles pour moi que pour les femmes qui y sont gardées; j'y porterai tous mes soupçons; leurs empressements ne m'en déroberont rien; dans mon lit, dans leurs bras, je ne jouirai que de mes inquiétudes; dans un temps si peu propre aux réflexions, ma jalousie trouvera à en faire. Rebut indigne de la nature humaine, esclaves vils dont le cœur a été fermé pour jamais à tous les sentiments de l'amour, vous ne gémiriez plus sur votre condition, si vous connoissiez le malheur de la mienne.

De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1719.

LETTRE CLVI.

ROXANE A USBEK.

A Paris.

L'horreur, la nuit et l'épouvante règnent dans le sérail; un deuil affreux l'environne: un tigre y exerce à chaque instant toute sa rage; il a mis dans les supplices deux eunuques blancs, qui n'ont avoué que leur innocence; il a vendu une partie de nos esclaves, et nous a obligées de changer entre nous celles qui nous restoient. Zachi et Zélis ont reçu dans leur chambre, dans l'obscurité de la nuit un traitement indigne; le sacrilége n'a pas craint de porter sur elles ses viles mains. Il nous tient enfermées chacune dans notre appartement; et, quoique nous y soyons seules, il nous y fait vivre sous le voile: il ne nous est plus permis de nous parler; ce seroit un crime de nous écrire: nous n'avons plus rien de libre que les pleurs.

Une troupe de nouveaux eunuques est entrée dans le sérail, où ils nous assiégent nuit et jour: notre sommeil est sans cesse interrompu par leurs méfiances feintes ou véritables. Ce qui me console, c'est que tout ceci ne durera pas longtemps, et que ces peines finiront avec ma vie: elle ne sera pas longue, cruel Usbek! je ne te donnerai pas le temps de faire cesser tous ces outrages.

Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram, 1720.

LETTRE CLVII.

ZACHI A USBEK.

A Paris.

O ciel! un barbare m'a outragée jusque dans la manière de me punir! Il m'a infligé ce châtiment qui commence par alarmer la pudeur; ce châtiment qui met dans l'humiliation extrême; ce châtiment qui ramène, pour ainsi dire, à l'enfance.

Mon âme, d'abord anéantie sous la honte, reprenoit le sentiment d'elle-même, et commençoit à s'indigner, lorsque mes cris firent retentir les voûtes de mes appartements. On m'entendit demander grâce au plus vil de tous les humains, et tenter sa pitié, à mesure qu'il étoit plus inexorable.

Depuis ce temps, son âme insolente et servile s'est élevée sur la mienne. Sa présence, ses regards, ses paroles, tous les malheurs viennent m'accabler. Quand je suis seule, j'ai du moins la consolation de verser des larmes; mais lorsqu'il s'offre à ma vue, la fureur me saisit; je la trouve impuissante; et je tombe dans le désespoir.

Le tigre ose me dire que tu es l'auteur de toutes ces barbaries. Il voudrait m'ôter mon amour, et profaner jusques aux sentiments de mon cœur. Quand il me prononce le nom de celui que j'aime, je ne sais plus me plaindre: je ne puis plus que mourir.

J'ai soutenu ton absence, et j'ai conservé mon amour, par la force de mon amour. Les nuits, les jours, les moments, tout a été pour toi. J'étois superbe de mon amour même; et le tien me faisoit respecter ici. Mais à présent... Non, je ne puis plus soutenir l'humiliation où je suis descendue. Si je suis innocente, reviens pour m'aimer; reviens, si je suis coupable, pour que j'expire à tes pieds.

Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram, 1720.

LETTRE CLVIII.

ZÉLIS A USBEK.

A Paris.

A mille lieues de moi, vous me jugez coupable: à mille lieues de moi, vous me punissez.

Qu'un eunuque barbare porte sur moi ses viles mains, il agit par votre ordre: c'est le tyran qui m'outrage, et non pas celui qui exerce la tyrannie.

Vous pouvez, à votre fantaisie, redoubler vos mauvais traitements. Mon cœur est tranquille, depuis qu'il ne peut plus vous aimer. Votre âme se dégrade, et vous devenez cruel. Soyez sûr que vous n'êtes point heureux. Adieu.

Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram, 1720.

LETTRE CLIX.

SOLIM A USBEK.

A Paris.

Je me plains, magnifique seigneur, et je te plains: jamais serviteur fidèle n'est descendu dans l'affreux désespoir où je suis. Voici tes malheurs et les miens; je ne t'en écris qu'en tremblant.

Je jure, par tous les prophètes du ciel, que, depuis que tu m'as confié tes femmes, j'ai veillé nuit et jour sur elles; que je n'ai jamais suspendu un moment le cours de mes inquiétudes. J'ai commencé mon ministère par les châtiments; et je les ai suspendus, sans sortir de mon austérité naturelle.

Mais que dis-je? pourquoi te vanter ici une fidélité qui t'a été inutile? Oublie tous mes services passés; regarde-moi comme un traître; et punis-moi de tous les crimes que je n'ai pu empêcher.

Roxane, la superbe Roxane, ô ciel! à qui se fier désormais? Tu soupçonnois Zachi, et tu avois pour Roxane une sécurité entière; mais sa vertu farouche étoit une cruelle imposture; c'étoit le voile de sa perfidie. Je l'ai surprise dans les bras d'un jeune homme, qui, dès qu'il s'est vu découvert, est venu sur moi; il m'a donné deux coups de poignard; les eunuques, accourus au bruit, l'ont entouré: il s'est défendu longtemps, en a blessé plusieurs; il vouloit même rentrer dans la chambre, pour mourir, disoit-il, aux yeux de Roxane. Mais enfin il a cédé au nombre, et il est tombé à nos pieds.

Je ne sais si j'attendrai, sublime seigneur, tes ordres sévères: tu as mis ta vengeance en mes mains; je ne dois pas la faire languir.

Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1730,

LETTRE CLX.

SOLIM A USBEK.

A Paris.

J'ai pris mon parti: tes malheurs vont disparoître; je vais punir.

Je sens déjà une joie secrète; mon âme et la tienne vont s'apaiser: nous allons exterminer le crime, et l'innocence va pâlir.

O vous, qui semblez n'être faites que pour ignorer tous vos sens et être indignées de vos désirs mêmes; éternelles victimes de la honte et de la pudeur, que ne puis-je vous faire entrer à grands flots dans ce sérail malheureux, pour vous voir étonnées de tout le sang que j'y vais répandre!

Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.

LETTRE CLXI.

ROXANE A USBEK.

A Paris.

Oui, je t'ai trompé; j'ai séduit tes eunuques; je me suis jouée de ta jalousie; et j'ai su de ton affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs.

Je vais mourir; le poison va couler dans mes veines: car que ferois-je ici, puisque le seul homme qui me retenoit à la vie n'est plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacriléges, qui ont répandu le plus beau sang du monde.

Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs? Non: j'ai pu vivre dans la servitude; mais j'ai toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance.

Tu devrois me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait; de ce que je me suis abaissée jusqu'à te paroître fidèle; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon cœur ce que j'aurois dû faire paroître à toute la terre; enfin de ce que j'ai profané la vertu en souffrant qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.

Tu étois étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour: si tu m'avois bien connue, tu y aurois trouvé toute la violence de la haine.

Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un cœur comme le mien t'étoit soumis. Nous étions tous deux heureux; tu me croyois trompée, et je te trompois.

Ce langage, sans doute, te paroît nouveau. Seroit-il possible qu'après t'avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage? Mais c'en est fait, le poison me consume, ma force m'abandonne; la plume me tombe des mains; je sens affoiblir jusqu'à ma haine; je me meurs.

Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.

FIN DU TOME SECOND.


NOTES ET VARIANTES.

(Voir l'Index, pour l'histoire, la religion, la philosophie, le droit public et privé, les mœurs orientales et européennes.)

Lettre LXXXIX (LXXXVI de 1721-1754).

 

Lettre XCII (quatrième du Supplément de 1754).

 

Lettre XCIII (LXXXIX de 1721-1754).

 

Lettre XCVI (XCII de 1721-1754).

«L'acte de justice la plus sévère, c'est la guerre; puisque son but est la destruction de la société.» C'est la leçon de 1721 et de 1754.

Le passage est atténué ainsi dans quelques éditions subséquentes: «puisqu'elle peut avoir l'effet de détruire la société».

Un éditeur moderne (Didot) a cru bien faire en accolant les deux leçons bout à bout: «puisqu'elle peut avoir l'effet etc..., puisque son but est la destruction de la société.

«Cette peine répond à celle du bannissement établie dans les tribunaux, qui retranche les coupables de la société. Ainsi un prince, à l'alliance duquel nous renonçons, est retranché par là de notre société et n'est plus un de nos membres.»

Ceci est la leçon originale de 1721 et 1754.

Dans les éditions postérieures, notamment 1785 (édition complète), et Lefèvre 1820, d'après l'édition de Londres 1757, et peut-être sur des indications manuscrites de Montesquieu conservées par son fils et son secrétaire, ce passage est corrigé ainsi:

«Cette peine répond à celle du bannissement, que les tribunaux ont établi pour retrancher les coupables de la société. Ainsi un prince, à l'alliance duquel nous renonçons, est retranché de notre société, et n'est plus un des membres qui la composent

Les trois derniers alinéas, pour lesquels nous suivons la correction du Supplément de 1754, sont ainsi rédigés dans le texte primitif:

«Le droit de conquête n'est point un droit. Une société ne peut être fondée que sur la volonté des associés: si elle est détruite par la conquête, le peuple redevient libre; il n'y a plus de nouvelle société: et si le vainqueur en veut former, c'est une tyrannie.

«A l'égard des traités de paix, ils ne sont jamais légitimes, lorsqu'ils ordonnent une cession ou dédommagement plus considérable que le dommage causé: autrement, c'est une pure violence, contre laquelle on peut toujours revenir; à moins que, pour ravoir ce qu'on a perdu, on ne soit obligé de se servir de moyens si violents, qu'il en arrive un mal plus grand que le bien que l'on en doit retirer.

«Voilà, cher Rhédi, ce que j'appelle le droit public; voilà le droit des gens, ou plutôt celui de la raison.»

En tête de la correction indiquée par le Supplément, et qui, sous beaucoup de rapports, est inférieure au texte primitif, se lit cet avertissement: «A la place des trois derniers alinéas, mettez ceux-ci.»

Cependant quelques éditions ont maintenu, et avec raison, à la suite du nouveau texte, la conclusion si ferme: «Voilà cher Rhédi...»

 

Lettre XCVIII (XCIV de 1721-1754.)

«Écoute ce que je vais te dire...».

1721 1re: «Ce que je te vais dire...»

Leçon préférable eu égard à l'habitude constante de Montesquieu.

«Ce n'est qu'après bien des réflexions, qu'on en a connu toute la fécondité.»

Éditions postérieures à 1754: «qu'on en a vu...»

Cette lettre (LXXXIV de la 2e Marteau) est vivement incriminée dans la brochure de l'abbé Gaultier: Lettres persannes convaincues d'impiété.

 

Lettre CIII (XCIX de 1721-1754).

«Au moins il est impossible qu'ils aient subsisté longtemps dans leur pureté

Les mots en italiques manquent dans 1721-54, et appartiennent aux éditions postérieures qui procèdent de 1757 (voir la Bibliographie.)

«Caravansérails». 1721, 1re donne: Caravansérais, qui avec un ï serait peut-être la meilleure transcription de ce terme oriental; et 1754: Caravanseras.

«Il n'y a que quatre ou cinq siècles qu'un roi de France prit des gardes.»

Ce roi est Philippe Auguste menacé par les Assassins du Vieux de la Montagne.

 

Lettre CXI (CVII 1721-1754).

«Un général d'armée n'emploie pas plus d'attention à placer sa droite... qu'elle en met à poster une mouche qui peut manquer...»

C'est la leçon de 1754, et certainement la meilleure.

1721 1re donne: «porter une mouche. (C'est une coquille.)

1721 2e donne: poster sa droite,... placer une mouche.

Les éditions subséquentes «poser une mouche» (qui ne vaut pas poster).

 

Lettre CXII (Cinquième du Supplément de 1754).

Elle se trouve déjà en grande partie dans la 2e Marteau (LVIII), avec une adresse et une date différentes.

En voici le début et les variantes, ainsi qu'une note, qui ne figure plus au Supplément:

Rica à ***

«Le peuple est un animal qui voit et qui entend; mais qui ne pense jamais. Il est dans une léthargie ou dans une fougue surprenante; et il va et vient sans cesse d'un de ces états à l'autre, sans savoir jamais d'où il est parti.

«J'ai ouï parler en France d'un certain gouverneur de Normandie, qui, voulant se rendre plus considérable à la cour, excitoit lui même de temps en temps quelques séditions, qu'il apaisoit aussitôt.

«Il avoua depuis que la plus forte sédition ne lui coûta, tout compte fait, qu'un demi toman. Il faisoit assembler quelques canailles dans un cabaret qui donnoit le ton à toute la ville, et ensuite à toute la province.

«Ceci me fait ressouvenir d'une lettre qu'écrivit dans les derniers troubles de Paris un des généraux de cette ville à un de ses amis.

«Je fis sortir, il y a trois jours, les troupes de la ville; mais elles furent repoussées avec perte. Je compte pourtant que je réparerai facilement cet échec; j'ai six couplets...

«Si cela ne suffit pas, il a été résolu au conseil de faire paroître une estampe, qui fera voir Mazarin pendu; et pour peu que la conjoncture des affaires le demande, nous aurons la ressource d'ordonner au graveur de le rouer...

«Jugez après cela si le peuple à tort de s'animer, et de faire du nom de Mazarin un mot...

«Notre musique l'a si furieusement vexé sur le péché originel que, pour ne pas voir ses partisans réduits à la moitié, il a été obligé de renvoyer tous ses pages. Je suis, etc...

De Paris, le 9 de la lune de Zilcadé 1715.

En note aux mots: «le ton ridicule dont il prononce.»

«Le cardinal Mazarin, voulant prononcer l'arrêt d'Union, dit devant les députés du parlement l'arrêt d'Ognon; sur quoi le peuple fit force plaisanteries.»

Le péché originel dont il est question plus haut est ce vice contre nature qu'on nomme parfois italien, et qui serait mieux nommé clérical.

 

Lettre CXIII (CVIII de 1721-1754).

 

Lettre CXIV (CIX de 1721-1754, XCIX de 1721 2e Marteau).

Elle est incriminée dans la brochure: Lettres persannes convaincues d'impiété.

«Il ne faut donc pas compter les années du monde...»

Cet alinéa ne manque ni dans 1721 1re, ni dans 1721 2e Marteau, ni dans 1754. C'est à tort qu'il a été supprimé dans 1758 et dans beaucoup d'éditions postérieures.

«Cependant tous les historiens nous parlent d'un premier père; ils...»

Les mots en italiques manquent dans la première édition. Ils sont déjà rétablis dans 1721 2e Marteau.

L'avant dernier paragraphe: «mais toutes les destructions ne sont pas violentes...» appartient au Supplément de 1754.

 

Lettre CXVII (CXII de 1721 1re, CII de la 2e Marteau).

Incriminée dans les Lettres persannes convaincues d'impiété.

 

Lettre CXVIII (CXII 1re, CIII 2e Marteau).

Également incriminée.

 

Lettre CXX.

Tyen, ciel des chinois.

1721 1re: Tyien.

 

Lettre CXXII

«L'air se charge, comme les plantes...» Alinéa ajouté par le Supplément de 1754.

 

Lettre CXXV (Sixième du Supplément de 1754).

Elle se trouve déjà dans 1721 2e Marteau (LX, Usbek à ***, Paris, 11 Zilcadé 1715), avec les variantes suivantes:

Troisième alinéa.

«A mon esprit; il me semble...»

1721 2e: et il me semble...

Quatrième alinéa.

«De quelques uns de nos sujets...»

1721 2e: de nos plus riches sujets...

«Nous avons enfin cédé à la multitude des requêtes...»

1721 2e: à la multitude innombrable...

«Faire attention qu'il étoit notoire...

1721 2e: qu'il est notoire...

«Nous ont prié, branlant la tête...»

1721 2e: en branlant la tête...

«Ainsi, désirant traiter les suppliants...»

1721 2e: A ces causes, désirant...

Septième alinéa.

«A leurs femmes et à leurs enfants...»

1721 2e: A leurs femmes, à leurs enfants...

«Dans leurs familles, les principales fêtes de l'année...»

1721 2e: dans leurs familles, avec leurs amis, etc...

Huitième alinéa.

«Elles viennent à les y contraindre...»

1721 2e: Ils viennent...

«Défendons à nos magistrats...»

1721 2e: à tous nos magistrats...

 

Lettre CXXVI (CXX de 1721 1re, CX de 1721 2e Marteau).

Incriminée dans les Lettres persannes convaincues d'impiété.

 

Lettre CXXXVII (CXXXI de 1721 1re).

«semble échauffer les imaginations mêmesMêmes manque, et avec raison, dans 1721 1re. «Romans» pris dans le sens de romanciers.

 

Lettre CXXXVIII (CXXXII de 1721 1re).

«N. prit le fer à la main...» N. est le duc de Noailles.

«Un étranger»; Law, Écossais. (Voir l'Index).

 

Lettre CXLI (CXXXV de 1721 1re).

«Romans» dans le sens de romanciers.

«Zuléma». 1721 1re: Zumela.

«Gemmadi 1, 1720»

1 manque dans 1754.

 

Lettre CXLIII (CXXXVII 1721-1754).

La piquante Lettre d'un médecin de province figure tout entière dans les deux éditions qui servent de base à notre travail. 1721 1re donne même Révérend père jésuite, là où 1754 n'a que les initiales R. P. J.

Ce n'est qu'après la mort de Montesquieu que des éditeurs timorés ont supprimé ou mis en note l'énumération des médicaments: la lettre s'arrête à «on lui expliqua la chose, comme elle s'étoit passée.»

Déjà la fin du paragraphe intitulé P. S. avait disparu «Il y a bien des choses que je n'entends pas, etc...»

Les éditeurs ont fictivement attribué à Montesquieu lui-même ces mutilations qu'on ne s'explique guère:

«L'auteur, disent-ils, dans le manuscrit qu'il avoit confié de son vivant» (ce qui est faux) «aux libraires, a jugé à propos de faire des retranchements. On n'a pas cru devoir en priver le lecteur qui les trouvera ici en notes.»

«Prenez dix A*** du C*** concernant la B*** et la C*** des J***.»

Dix Arrêts du Conseil concernant la Bulle et la Constitution des Jésuites. (Selon d'autres: concernant la Banque, ou la Bourse, et la Compagnie des Indes.)

«M. de N.» Fléchier évêque de Nîmes. Montesquieu est ici bien aimable d'excepter les Oraisons funèbres de Fléchier.

«Teigne», 1721: tigne.

«Miraculum chymicum, de violenta, etc...»

Miracle chimique, par violente fermentation, avec fumée, feu et flamme.

Mélangez une infusion de Quesnel avec une infusion de Lallemand; que la fermentation ait lieu, avec grande violence, bouillonnement et tonnerre, les acides se combattant, et pénétrant à l'envi les sels alcalins: il se fera une évaporation d'esprits brûlants. Mettez la liqueur fermentée dans l'alambic; vous n'en tirerez rien, et n'y trouverez rien sinon un caput mortuum (une drogue inutile et impuissante.)

«Lenitivum

Prenez deux feuillets de l'anodin Molina; six pages du laxatif Escobar; une feuille de l'émollient Vasquez: faites infuser dans quatre livres d'eau ordinaire, faites réduire, par la cuisson, à moitié; pressez; et dans l'extrait faites dissoudre trois feuilles du détersif Bauni et du diluant Tamburini.

Faites du tout un lavement.

«Clyster.» 1721-1754: clister.

«In chlorosim, etc...»

Contre la chlorose, que le vulgaire appelle pâles-couleurs ou fièvre-amoureuse.

Prenez quatre figures de l'Arétin; deux feuilles du révérend Thomas Sanchez De matrimonio (Du mariage). Faites infuser dans cinq livres d'eau ordinaire.

Faites du tout une tisane apéritive.

 

Lettre CXLIV (Septième du Supplément de 1754).

 

Lettre CXLV (Huitième du supplément de 1754).

Cette lettre se retrouve tout entière dans 1721 2e Marteau (LIX).

«Sa vue qui se porte toujours loin...»

1721 2e: qui porte...

«On est charmé de donner à celui-ci, on est enchanté d'ôter à celui-là.»

1721 2e: On aime à donner..., on est charmé d'ôter...

«Une mite.»

1721 2e: Mitte...

«L'hiver dernier, je pensai mourir...»

1721 2e: L'hiver passé,...

«On lui suscite...»

1721 2e: On lui suscitera...

«La constitution de l'empire...

1721 2e: des empires...

«Mais ce n'est point assez...

1721 2e: pas

«De Paris, le 20 de la lune de Chahban, 1720.»

1721 2e: De Paris, le 10 de la lune Zilcadé, 1715.

 

Lettre CXLVII (CXXXIX de 1721-1754).

«Tes femmes se sont imaginé...»

1721, 1754: se sont imaginées...

La date de cette lettre et des huit suivantes semblerait devoir les placer entre CVI et CXXVIII. L'auteur aura voulu, en les rassemblant, donner plus de corps à la conclusion de son roman et finir comme il avait commencé.

 

Lettre CLI (CXLIII de 1721-1754).

«Je sais ce qu'il t'écrivit...»

1721 1re, 2e et 1754 portent: je ne sais (qui répond moins bien au sens général).

«Avant qu'elles arrivassent...

1721 1re, 2e: qu'elles n'arrivassent...

 

Lettre CLVII (Neuvième du Supplément de 1754).

 

Lettre CLVIII (Dixième du Supplément de 1754).

 

Lettre CLX (Onzième du Supplément de 1754).

 

Lettre CLXI et dernière (CL de 1721-1752, CXL de 1721 2e Marteau, et 1730, 3e édition, Amsterdam, Jacques Desbordes).


INDEX PHILOSOPHIQUE, HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE.

A

Abbé. Jeune abbé séduisant une actrice. XXVIII.

Abdias Ibesalon, juif, interroge Mahomet sur les animaux impurs. XVIII.

Académie Française. «établissement singulier et bizarre» inconnu en Perse. Babil éternel, manie du panégyrique. Quarante têtes pleines de figures, de métaphores et d'antithèses. LXXIII.

Actrices. Elles ne sont point cruelles. Lettre d'une actrice à laquelle un abbé a ravi son innocence. XXVIII.

Adam. «Dieu met Adam dans le paradis terrestre, à condition qu'il ne mangera pas d'un certain fruit: précepte absurde dans un être qui connoîtrait les déterminations futures des âmes; car enfin un tel être peut-il mettre des conditions à ses grâces, sans les rendre dérisoires?» LXIX.

(Voir Dieu. Prescience.)

Adam a peut-être été sauvé d'une catastrophe générale, comme Noé le fut du déluge. CXIV.

Affranchissement, comblait sans cesse les vides de la population romaine. CXVI.

Afrique, toujours très-inconnue; ses côtes ne sont plus ce qu'elles étaient sous les Carthaginois et les Romains. CXIII, CXIX.

Agriculture, ses progrès intimement liés à ceux du commerce et de l'industrie, et réciproquement. CXVIII.

Ses revenus inférieurs à ceux de l'industrie et de l'art. Un fonds ne produit annuellement que le vingtième de sa valeur. CVII.

Agiotage, ses effets désastreux. CXXXII, CXLVI.

(Par arrêt du conseil du 25 juillet 1719, le papier-monnaie, déclaré immuable, fait tomber l'or; un créancier, rue Quincampoix, tire l'épée contre un débiteur qui l'avait remboursé. Allusion à ce fait, CXLVI.)

Ainesse. Le droit d'aînesse, invention de la vanité, détruit l'égalité des citoyens; il fait obstacle à la propagation. CXX.

Alchimistes. Ils vous offrent «pour un peu d'argent le secret de faire de l'or.» LVIII.

Alcoran, ses défauts: langage de Dieu, idées des hommes. XCVIII.

Il ordonne de se soumettre aux puissances (allusion à l'Evangile). CV.

Il autorise la pluralité des femmes. CXV.

Plaidoyer d'une femme contre l'Alcoran. CXLI.

Passages de l'Alcoran cousus dans les vêtements, comme amulette. CXLIII.

Alexandre comparé à Gengiskhan. LXXXII.

Algébristes comparés aux astrologues. CXXXV.

Ibid. Algébriste faiseur de système; allusion à Law.

Ali, gendre du prophète.

(Dans un certain nombre d'éditions du temps Hali; déjà en 1721, on imprime Aly.

Prophète des Chiites (Persans).

Son nom est un talisman. CXLIII.

Il est «le plus beau de tous les hommes;» expressions d'un Psaume appliquées au messie. XXXV.

Allemagne, partagée en un nombre infini de petits États. CIII.

Les peuples de l'Allemagne antique, avant la chute de l'empire romain, étaient libres; leurs rois n'étaient que des chefs à pouvoir limité. CXXXI.

L'empire d'Allemagne «se fortifie à mesure de ses pertes.» CXXXVI.

Grand vizir d'Allemagne; le prince Eugène vainqueur à Peterwaradin. CXXIX.

Alliances. Alliances honorables, alliances injustes; alliances déshonorantes (celle d'un tyran).

Il est juste et légitime de secourir un allié. XCVI.

Ambassadeur. Faux ambassadeur de Perse à la cour de France XCII.

Nargum, ambassadeur de Perse en Russie. LI, LXXXII.

Ambassadeur du grand Mogol (d'Espagne) expulsé du royaume. CXXVII.

Ambroise, sa conduite à l'égard de Théodose. LXI.

(Comparez Spinoza, Tractatus theologico-politicus, cap. 19.)

Ame, entièrement liée au corps et soumise aux influences physiques, XXXIII.

«Ouvrière de sa détermination» l'âme, devant la prescience divine, ne serait pas plus libre qu'une boule de billard. LXIX.

Gens qui croient à l'immortalité de l'âme par semestre. LXXV.

Les livres juifs enseignent que la femme n'a pas d'âme. CXLI.

Amérique, avait été découverte par les Carthaginois; très-dépeuplée, CXIII, par la barbarie des conquérants espagnols. CXXII.

Vainement y introduit-on des esclaves; elle ne profite point des pertes de l'Afrique. CXIX.

Indigènes et nègres y périssent par milliers dans les mines. Ibid.

Amitié. presque inconnue aux Asiatiques. XXXIV.

Amour. «Dans le nombreux sérail où j'ai vécu, j'ai prévenu l'amour et l'ai détruit par lui-même.» La polygamie éteint l'amour. VI. LVI.

L'amour, chez les musulmans, est amorti par la pluralité des femmes. LVI.

L'amour chez les Espagnols. LXXVIII.

L'amour dans le paradis des femmes. CXLI.

Amulettes, passages de l'Alcoran, noms sacrés cousus dans les vêtements des fidèles musulmans. CXLIII.

Anais, ses aventures dans le paradis des femmes, et la vengeance qu'elle exerce sur son mari, qui l'a tuée. CXLI.

Anatomie. Noms barbares qu'elle donne aux parties du corps. CXXXV.

Anatomiste. soupçonné, dans son quartier, du meurtre de tous les chiens qui disparaissaient. CXLV.

Anciens et Modernes. Querelles sur le mérite d'Homère. XXXVI.

Anges. Ils demandent à élever Mahomet enfant. XXXIX.

Chrétiens et musulmans rendent un culte aux bons anges et se méfient des mauvais. XXXV.

Anglais. Ils limitent l'autorité de leurs rois. Leur humeur et leurs raisonnements sur le pouvoir. CV.

Angleterre. Son histoire pleine de discordes d'où sort la liberté.

Ses rois toujours chancelants sur un trône inébranlable.

Nation qui, maîtresse de la mer, mêle le commerce avec l'empire. CXXXVI.

Antiquaire. Lettre et manies innocentes d'un antiquaire malin. CXLII.

Aphéridon, Guèbre qui épouse sa sœur: ses aventures. LXVII.

(Féridun, Zend Thaethraona, sanscrit Tritâna, de Trita, l'une des plus anciennes divinités solaires des peuples aryens).

Aragon. Les états d'Aragon et de Catalogne, en 1610, discutent quelle sera la langue employée dans les délibérations. CX.

Arche. Légendes sur l'arche de Noé. XVIII.

Argent (vif), employé contre les exhalaisons malignes. CXIX.

Arétin, ses figures recommandées contre les pâles couleurs. CXLIII.

Aristote. Le médecin de province fait entrer sa logique dans un purgatif, ses catégories dans un remède contre la gale. CXLIII.

Armées. Différence des armées d'Orient et des troupes européennes. XC.

L'avantage est du côté du prince qui est à la tête des armées. CIII.

Les armées, instrument nécessaire de la tyrannie, surtout en Orient. Ibid.

Arméniens. Leurs caravanes qui partent «tous les jours» de Smyrne pour Ispahan, transportent en Perse les lettres venues de Marseille. XXVII.

Marchands d'esclaves. LXXX.

Quelques ministres de Cha-Soliman voulaient les expulser de Perse, s'ils ne se faisaient mahométans. (Allusion à l'édit de Nantes.) LXXXVI.

Transportés par Cha-Abbas dans la province de Guilan, ils y périrent par milliers. CXXII.

Arrêt qui permet de prononcer la lettre Q au gré de chacun. CX.

A. du C. (Arrêts du conseil.) concernant la B. et la C. des I. ou J. (Ordinairement traduit: concernant la Bulle et la Constitution des Jésuites: Barbier préfère: concernant la Bourse et la Compagnie des Indes.) Purgatif violent. CXLIII.

Arts. Mauvais usage des arts. CVI.

Où nous entraînerait la perte des arts? Les barbares ont appris les arts des vaincus. CVII.

Nécessité des arts. L'oisiveté et la mollesse incompatibles avec les arts. Les arts à Paris. Ibid.

Ascétiques. Inutilité des livres de cette espèce. CXXXIV.

Asie, dépeuplée, CXIII; toujours livrée au despotisme. CXXXI.

Asie-Mineure, singulièrement déchue de son antique prospérité. CXIII.

Astarté, Guèbre qui épousa son frère: ses aventures. LXVII.

Asthmè. Pour le guérir, lisez les périodes du père Maimbourg. CXLIII.

Astrologie judiciaire, est tenue en honneur chez les Persans et les Orientaux. Rica croit fermement au concours des astres. CXXXV.

Auteurs. Vanité des auteurs, leur impatience de la critique.

Plus jaloux de leurs ouvrages que de leurs épaules. CIX.

Automates, les animaux; allusion au système de Descartes. CXLV.

Autorité. «Quand une fois l'autorité violente est méprisée, il n'en reste plus assez à personne pour la faire revenir.» LXXXI.

Averroes. Purgatif. CXLIII.

Aveugles. La vie aux Quinze-Vingts.

Habileté des aveugles à se conduire dans Paris. XXXII.

Avicenne. Purgatif. CXLIII.

Avocats. «Livres vivants,» ils travaillent pour les juges et se chargent de les instruire, parfois aussi de les tromper. LXVIII.

Avortement. Crime sévèrement puni par les lois européennes.

Abus qu'en font les femmes sauvages. CXXI.

B

Babyloniens. Autorité de la femme établie chez eux par une loi en l'honneur de Sémiramis. XXXVIII.

Bachas. Ils achètent leurs emplois et, ruinés, ruinent les provinces. XIX.

Badinage «naturellement fait pour les toilettes... semble être venu à former le caractère général de la nation.» LXIII.

Balk (Bactres), ville sainte où les Guèbres honoraient le soleil. LXVII.

Banque. Ses actions. Projets financiers du ministère en 1719. CXXXI.

Baptême, comparé aux ablutions musulmanes. XXXV.

Barbares. Ils ont appris les arts ou les ont fait exercer aux vaincus. CVII.

Barbarie. Ses côtes, florissantes sous les Carthaginois et les Romains, ont été dépeuplées et stérilisées par le mahométisme. CXIII, CXIX.

Barbe. Pierre Ier et la barbe de ses sujets. LI.

Bataille. La terreur panique d'un seul soldat en décide quelquefois. CXLIII.

Bâtiments. Magnificence de Louis XIV dans ses constructions. XXXVII.

Batuecas. Tribu des montagnes d'Espagne, mal connue des Espagnols eux-mêmes. LXXVIII.

Béatitude Éternelle. Croyance défavorable à la propagation de l'espèce. CXX.

Beauté. Beauté des Persanes. XXXIV.

Beauté d'une esclave de Circassie, achetée à des Arméniens. LXXX.

Beauté d'une femme jaune de Visapour. XCVII.

Empire naturel et universel de la beauté. XXXVIII.

Beaux esprits. Ils s'amusent aux choses puériles. XXXVI.

Beiram. Appartement des femmes. Sérail du roi (de Perse). Toute esclave qui y entre devient mahométane. LXVII.

Bénéfices. «Qui voudroit nombrer tous les gens de loi qui poursuivent le revenu de quelque mosquée...» LVIII.

Ben Josué, juif, prosélyte musulman. XXXIX.

Bibliothécaire. Portrait d'un moine bibliothécaire. Ses conversations avec Rica. CXXXIV-CXXXVII.

Bibliothèques. Comment elles sont administrées par les dervis. CXXXIII.

Voyage dans une grande bibliothèque à Paris. CXXXIII-CXXXVII.

Bienfait. Tout homme est capable de faire du bien à un homme: mais c'est ressembler aux dieux que de contribuer au bonheur d'une société tout entière. XC.

Boissons. Celles qui abrutissent.

Celles qui égayent et consolent, permises aux musulmans. XXXIII.

Boîtes où l'on enferme les femmes de la Perse au passage des rivières. III.

Bombés. Leur invention a ôté la liberté à tous les peuples de l'Europe. CVI.

Défense des bombes. CVII.

Bonheur. Réside-t-il dans les satisfactions des sens ou dans la pratique de la vertu? X.

Bonne foi. Doit être l'âme d'un grand ministre. CXLVI.

Bons mots préparés d'avance et lancés à l'aide d'un compère. LIV.

Bonzes, confondus avec les brahmanes. CXXVI.

Bourgeois. Ont perdu la garde de leurs villes. CVI.

Sous quel prétexte les princes la leur ont retirée. Ibid.

Boussole. Que nous a servi l'invention de la boussole? CVI.

Brahma récompense le suicide des veuves. CXXVI.

Brahmane. Croit à la métempsychose, mais admet qu'on mange un animal quand on ne l'a pas tué soi-même. XLVI.

Bulles, purgatif violent. CXLIII.

C

Cabale. Panthéisme mystique des Juifs.

Pratiquée par un médecin de province. CXLIII.

Café (et cafés.) Très en usage à Paris, donne de l'esprit à ceux qui le prennent dans certains établissements. On y joue aux échecs. XXXVI.

Conversations que l'on y entend. CXXIX, CXXX, CXXXII.

Cambyse a établi en Perse le mariage de la sœur et du frère. LXVII.

A quelle jambe a-t-il été blessé? CXLII.

Cappadociens. Ils refusèrent la liberté que leur offraient les Romains. CXXXI.

Capucins. Conversation de Rica et d'un provincial de capucins. XLIX.

Carthage. République dont on ignore les origines; rivale de Rome. CXXXI.

Carthaginois, avaient découvert l'Amérique. CXXII.

Casbin. Ville et monastère en Perse. XCIV.

Casuistes. Leur habileté à faire passer les péchés du mortel au véniel. «Il y a un tour à donner à tout.» LVII.

Ils mettent au jour les secrets de la nuit. Ingéniosité voluptueuse, crudité et danger de leurs ouvrages. CXXXIV.

Castro (Jean de), «fameux général portugais.» XXXVIII.

Catalogne. États d'Aragon et de Catalogne, 1610. Discussion préalable sur la langue à employer dans les délibérations. CX.

Catholicisme. Son infériorité sociale devant le protestantisme.

Dans l'État de l'Europe, il n'est pas possible qu'il y subsiste cinq cents ans. CXVIII.

Catholiques. Les pays catholiques moins riches, moins actifs, moins peuplés que les pays protestants. CXVIII.

Caussin (le P.), jésuite, né à Troyes en 1543, confesseur de Louis XIII, exilé par Richelieu.

Sa Cour sainte, livre de piété en 4 volumes in-4, est recommandée comme somnifère à un homme qui ne dormait pas depuis trente-cinq jours. CXLIII.

Célibat. Les filles esclaves condamnées à la virginité dans le sérail. CXV.

Les Romains établissaient des peines sévères contre le célibat.

Les chrétiens le proclament supérieur au mariage. CXVII.

Nombre prodigieux de catholiques faisant profession de célibat.

Le célibat ecclésiastique est plus nuisible à la propagation que la castration même.

Habitude des familles de vouer un de leur membre au célibat religieux. Ibid.

Cellamare (conspiration de), allusions, CXXVII.

Cérémonies. Leur importance secondaire en religion. XLVI.

César, opprima la république romaine et la soumit à un pouvoir arbitraire. Suites de son crime. CXXXI.

Cha-Abbas, se serait fait couper les deux bras plutôt que de signer l'édit de Nantes et «d'envoyer au Mogol et aux autres rois des Indes ses sujets les plus industrieux.» LXXXVI.

Voulant priver les Turcs de soldats sur leurs frontières, il transporta vingt milles familles arméniennes dans la province de Guilan. CXXII.

Chahban, mois ardent. XVIII.

Chansons. Influence des chansons sur les frondeurs. CXI.

Chapelain, bon contre la gale, la teigne, etc. CXLIII.

Chapelet. «Heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits grains de bois à la main!» XXIX.

Chardin, célèbre voyageur en Perse. LXXII.

Charles XII, tué devant une place assiégée en Norwége (Frédéricshall). CXXXVII. (Esprit des lois.) X, 13.

Chartreux. Espèce de dervis taciturnes. LXXXIII.

Cha-Soliman. Quelques ministres de ce prince avaient voulu expulser de Perse tous les Arméniens (allusion à l'édit de Nantes). LXXXVI.

Chat, sorti du nez du lion. XVIII.

Châtiments. Les châtiments dans le sérail. LXIV, CXLVIII-CLXI. (Voir Peines.)

Chaussures. Les hauts talons. C.

Chauvinisme. «Depuis le commencement de la monarchie, les Français n'ont jamais été battus.» (Lettre d'un nouvelliste.) CXXX.

Chimie (alchimie?), quatrième fléau qui ruine les hommes et les détruit en détail (?). CVI.

Elle habite tantôt l'hôpital, tantôt les Petites-Maisons. CXXXV.

Chine. Deux fois conquise par les Tartares. LXXXII.

Les Chinois pensent que leurs pères, anéantis dans le Tyen, revivent en eux sur la terre. De là, propagation de l'espèce. CXX.

Ils honorent leurs parents comme des dieux. Ibid.

Un conquérant de la Chine obligea ses sujets à se rogner les cheveux ou les ongles. LXI.

Chlorose, doit céder à un tonique où entreront des figures d'Arétin et des passages de Sanchez. CXLIII.

Chrétiens (vieux). Ce que c'est que les «vieux chrétiens» en Espagne et Portugal. Leur orgueil. LXXVIII.

Les chrétiens cultivent les terres en Turquie et sont persécutés par les Pachas. XIX.

Christ. Pas de royaume où il y ait eu tant de guerres civiles que dans celui du Christ. XXIX.

Christianisme. Il rend tous les hommes égaux, mais n'empêche pas les rois chrétiens d'autoriser la traite des nègres. LXXV.

Il est peu favorable à la propagation de l'espèce humaine. CXV.

Ses rapports avec le mahométisme au point de vue des croyances. XXXV.

Ses vices sociaux: interdiction du divorce; création d'eunuques des deux sexes; exaltation du célibat. CXV, CXVII, CXVIII.

Christine (de Suède), abdique la couronne pour se donner à la philosophie. CXXXIX.

Circassie, pays des belles esclaves. LXXX, XCVII.

Royaume grand et dépeuplé. CXIII.

Circoncision. Ablation d'un «petit morceau de chair.» XLVI.

Mesure sanitaire qui délivre l'homme de l'impureté. XXXIX.

Mahomet est né circoncis. XXXIX.

Climats. Ils fixent les tempéraments.

On n'en sort pas impunément. CXXII.

Cloître. Cinq ou six mots d'une langue morte y assurent une vie tranquille. CXVIII.

Clyster (composition d'un). CXLIII.

Coiffeuses. Supériorité des coiffeuses françaises. CI.

Coiffures. Variations des coiffures françaises. C.

Colonies. Elles affaiblissent la mère-patrie sans peupler le pays où on les établit. CXXII.

Les colonies grecques apportèrent avec elles un esprit de liberté. CXXXI.

Colonisation. L'auteur y est peu favorable et n'y voit, sauf exception, qu'une cause de dépopulation intérieure et extérieure. CXXII.

Il voudrait la borner à l'occupation de places pour le commerce. Ibid.

Com. (Ville de).

C'est là qu'est le «tombeau de la Vierge qui a mis au monde douze prophètes.» Lettres I, XVII.

Commentateurs. Armée effroyable des glossateurs, de commentateurs, jurisconsultes. CI.

Ils peuvent se dispenser d'avoir du bon sens. CXXXV.

Commerce. Plus il y a d'hommes, plus il fleurit; plus il fleurit, plus il y a d'hommes. CXVI.

Communisme. Montesquieu semble avoir attribué quelques avantages à l'indivision: «Le peuple Troglodyte se regardoit comme une seule famille: les troupeaux étoient presque toujours confondus; la seule peine qu'on s'épargnoit ordinairement, c'étoit de les partager.» Lettre XII.

Compères. Le rôle des compères dans les conversations du monde. LIV.

Compilateurs. Contre leurs plagiats stériles. LXVI.

Les compilateurs de lois et d'ordonnances. CI.

Conception. Mahomet ne veut pas que la femme conçoive dans l'état d'impureté. XXXIX.

Confesseur, son rôle près d'un vieux et d'un jeune roi. CVIII.

Congrès. «Épreuve aussi flétrissante pour la femme qui la soutient que pour le mari qui y succombe.» LXXXVII.

Conquête. «La conquête ne donne point un droit par elle-même.» XCVI.

Funestes nécessités de la conquête lorsqu'elle est lointaine: extermination des vaincus et épuisement des vainqueurs. CXXII.

Les conquêtes des Espagnols marquées par la ruine des campagnes. LXXVIII.

Conscience. Inhumanité de ceux qui affligent la conscience des autres. LXXXVI.

Conseils. Six ou sept conseils remplaçant les ministres ont pu sagement administrer la France. CXXXVIII.

Consolations. Vanité de celles qu'on tire «de la nécessité du mal, de l'inutilité des remèdes, de la fatalité du destin, de l'ordre de la providence.» XXXIII.

Conspirations fréquentes en Orient. Pourquoi? CIII.

Constantinople menacée de dépopulation par la polygamie. CXV.

Les transports de peuples qu'on y a faits n'ont jamais réussi. CXXII.

Constitution (Bulle de 1710) mal accueillie par les Français, surtout par les femmes. Louis XIV l'accepte. XXIV.

Les constitutions des papes, adoptées par la jurisprudence française. CI.

Influence de la constitution du corps sur les croyances religieuses. LXXV.

Conte persan. Anaïs dans le paradis. CXLI.

Continence. Chez les chrétiens, c'est la vertu par excellence (bien que le mariage soit saint: contradiction); elle a anéanti plus d'hommes que les pestes et les guerres les plus sanglantes. CXVIII.

Conversation. Influence qu'ont dans les conversations les choses inanimées, bruit du carrosse et du marteau, habit brodé, perruque blonde, tabatière, canne, gants. LXXXIII.

Coquetterie. «Un peu de coquetterie est un sel qui pique et prévient la corruption.» XXXVIII.

Corps. Les grands corps s'attachent aux minuties, aux vains usages. CX.

Corruption remarquée dans les Indes (en France), œuvre du système de Law. Peinture énergique des hontes de l'agiotage. CXLVI.

Cosrou, eunuque blanc amoureux de Zélide. LIII.

Cour. La vertu et la sincérité y sont périlleuses. Lettre VIII.

Courbe selon laquelle un vaisseau doit être taillé. XCVIII.

Courouc. Ordre qui, en Perse, écarte les hommes du passage des femmes de qualité. XLVII.

Courtisans. Par quels services ils gagnent des libéralités des princes, CXXV, et leurs faveurs, notamment celles de Louis XIV. XXXVIII.

Coutumes. Multiplicité des coutumes des provinces en France. La plupart rédigées d'après le droit romain. CI.

Couvent. Famille éternelle où il ne naît personne; gouffre où s'ensevelissent les races futures. CXVIII.

Création. Peut-on croire qu'elle n'ait eu lieu qu'il y a 6,000 ans? Plus tôt, Dieu n'a-t-il pas voulu? n'a-t-il pas pu? CXIV.

Cuisiniers. Le goût des cuisiniers français règne du septentrion au midi. CI.

Czar, son autorité despotique. LI.

D

Débiteurs avares qui ruinent leurs créanciers par des payements fictifs. CXLVI.

Décadence romaine. Passage qui contient en germe un des chefs-d'œuvre de Montesquieu. CXXXVI.

Décisionnaire. Homme content de lui qui tranche sur tout, morale, science, histoire, nouvelles. LXXII.

Défense. Elle rend la guerre légitime. Quand un traité a privé une société de «sa défense naturelle,» elle peut la reconquérir par la guerre. XCVI.

Déluge. Hypothèses de plusieurs déluges. CXIV.

Dépopulation. Catastrophe insensible.

Elle croît depuis les temps les plus reculés, dans tous les pays du monde connu. CXIII.

Ses causes physiques, CXIV, et morales, CXV, dans les pays musulmans, CXVI, et chrétiens, CXVII, CXVIII; en Afrique et en Amérique, CXIX; chez les sauvages, CXXI; dans les colonies, CXXIII.

Dervis (Lisez prêtres ou moines.) LVII;

Dervis taciturnes: Chartreux LXXXIII.

On souhaiterait que les dervis «se retranchassent tout ce que leur profession leur rend inutiles.» Ibid.

Société de gens avares qui prennent tout et ne rendent rien. Les dervis catholiques accaparent les richesses de l'État, paralysent la circulation, le commerce et les arts. CXVIII.

Comment ils administrent leurs bibliothèques. CXXXIII.

Déserts. Pays déserts par vice de nature ou destruction de peuples. CXXII.

Désespoir. Il égale la faiblesse à la force. XCVI.

Désirs. Malheur d'une femme qui a des désirs violents lorsqu'elle est privée de celui qui peut seul les satisfaire. VII.

Despote, despotisme. Le despote menacé par l'excès même de son autorité. LXXXII, CIII.

Le despotisme tue l'émulation, XC; conduit au régicide impuni. CIV.

Devins. Ils vous diront toute votre vie, «pourvu qu'ils aient eu un quart d'heure de conversation avec vos domestiques.» LVIII.

Dévot. Dévot ou incrédule par accès, caractère du chrétien. LXXV.

«Si dévots qu'ils sont à peine chrétiens» (les Espagnols). LXXVIII.

Le dévot adore tout ce qu'il vénère, attribue à de petites pratiques monacales la même efficacité qu'aux sacrements. Ibid.

Dictionnaire. Le dictionnaire de Furetière et celui de l'Académie. LXXIII.

Didon. On ignore la suite des princes africains depuis Didon. CXXXI.

Dieu. Les hommes le font à leur image. Dieux nègres, Vénus hottentote; «si les triangles faisoient un dieu, ils lui donneroient trois côtés.» LIX.

«Ils ont fait une énumération de toutes les perfections différentes que l'homme est capable d'avoir et d'imaginer, et en ont chargé l'idée de la divinité.»

Quoique tout-puissant, Dieu «ne peut pas violer ses promesses, ni tromper les hommes.»

Comment pourrait-il prévoir ce qui n'est pas encore?

La prescience divine est discutée et discutable. Peut-être n'est-elle qu'intermittente, quand Dieu veut qu'une chose arrive. En tout cas elle est contradictoire et supprime la liberté, le mérite et le démérite, tels que les métaphysiciens les définissent. LXIX.

«Dieu est si haut que nous n'apercevons pas même ses nuages.» LXIX.

Dieu défend-il le suicide? LXXVI.

S'il y a un Dieu, il faut qu'il soit juste... Il serait le plus méchant de tous les êtres puisqu'il le serait sans intérêt.

Docteurs qui représentent Dieu tantôt comme un être mauvais, tantôt comme un être qui hait le mal. LXXXIV.

Comment comprendre que Dieu ait différé, durant toute l'éternité, la création du monde?—Il n'y a point en lui de succession. CXIV.

Directeur. Portrait du directeur de consciences. XLVIII.

Discours prononcé par un général de la Fronde. CXII.

Disgrâce. Pour un Persan, la disgrâce du prince, c'est la mort. Aussi les révoltes coûtent-elles peu aux Orientaux.

Pour les grands d'Europe, la disgrâce n'est que défaveur, exil. CIII.

Dissimulation. Art nécessaire et pratiqué chez les Asiatiques. LXIII.

Distinction. Procédé jésuitique, raillé. XXIX.

Les distinctions des avocats ou des scolastiques. XXXVI.

Une «distinction» sur un morceau de papier, remède contre la gale, la gratelle, etc. CXLIII.

Divorce. Autorisé par le paganisme. CXV.

Il contribuait à l'attachement mutuel CXVII.

Son interdiction peu judicieuse relâche les liens que le christianisme prétend resserrer, et porte atteinte à la fin du mariage. Ibid.

Elle engendre la froideur dans le ménage, livre aux filles de joie l'homme dégoûté d'une épouse éternelle et nuit à la propagation de l'espèce. Ibid.

Docteurs qui représentent Dieu comme un être qui fait un exercice tyrannique de sa puissance, etc. LXXXIV.

Don Quichotte. Le seul des livres espagnols «qui soit bon est celui qui a fait voir le ridicule de tous les autres.» LXXVIII.

Droit barbare. Lois franques, etc., abandonnées pour le droit romain. CI.

Droit canon. Constitutions des papes (Décrétales), adoptées par les Français. Ibid.

Droit civil. Il règle les affaires des particuliers.

Identité rationnelle du droit civil et du droit public. XCV.

Droit coutumier presque toujours modifié selon le droit romain. CI.

Droit des gens (voyez Droit public), doit prohiber les inventions meurtrières. CVI.

Droit public faussé par les passions des princes, la patience des peuples, la flatterie des écrivains; science qui apprend aux princes jusqu'à quel point ils peuvent violer la justice. XCV.

Le droit public devrait être considéré comme un droit civil étendu au monde entier. Ibid.

Il est plus connu en Europe qu'en Asie. Ibid.

Sanctions du droit public: la guerre; les représailles; la suppression des avantages mutuels; la renonciation aux alliances. XCVI.

Les principes du droit public sont ceux du droit privé. Ibid.

Droit romain. Fond du droit français, rédigé en partie par les Byzantins. CI.

Droits surannés rétablis au détriment du peuple par les fauteurs d'intrigues princières. CXLV.

Duel. Edit de Louis XIV contre les duels, loué par un homme qui «reçut cent coups de bâton pour ne le pas violer.» LIX.

Contradiction entre les lois de la nation et les lois de l'honneur.

Inutilité et injustice des lois sur le duel. XCI.

Sottise du duel, qui met le droit à la merci de la force ou de l'adresse corporelle.

Injustice du duel par champions.

Rôle des seconds.

Le duel survit à toutes les interdictions et à toutes les peines. Ibid. XCI.

E

Eau froide pour les ablutions du matin. XLVI.

Manque à Venise pour les purifications musulmanes.

(Voir Venise.)

Ecclésiastiques. On leur demande de prouver ce qu'on est résolu de ne pas croire. LXI, LXXV.

Ecriture sainte. Tortures que lui infligent les glossateurs ecclésiastiques. CXXXIV.

Diversité des interprétations. Ibid.

Edit de Nantes. «En proscrivant les Arméniens (les protestants), on pensa détruire en un seul jour tous les négociants et presque tous les artisans du royaume.»

Coup porté à l'industrie par la dévotion. LXXXVI.

Education. Tristes résultats de celle que les enfants, en Orient, reçoivent des esclaves. XXXIV.

Education des femmes. Entre les hommes et les femmes, «les forces seroient égales si l'éducation l'étoit aussi.» XXXVIII.

Egalité. L'égalité civique, amenant l'égalité des fortunes porte l'abondance et la vie dans toutes les parties du corps politique. CXXIII.

Chez les Guèbres la femme était l'égale de son mari. LXVII.

Eglise. L'histoire de l'Église et des Papes, faite pour édifier, produit l'effet contraire. CXXXVI.

Egypte dépeuplée. CXIII.

Egyptiens. Autorité de la femme établie chez eux par une loi en l'honneur d'Isis. XXXVIII.

Eléphant. Ses ordures font pencher l'arche et engendrent le pourceau. XVIII.

Emollients. Molina, Escobar, Vasquez, etc., en clystère. CXLIII.

Empire romain. Gouvernement militaire et violent sous lequel gémit l'Europe. CXXXI.

Démembré par les barbares. Ibid.

Empire d'Allemagne (voyez Allemagne).

Empires comparés à un arbre dont les branches trop étendues ôtent le suc du tronc. CXXII.

Enfants. Les enfants nés dans la misère, ou issus de mariages précoces, meurent en bas-âge ou forment des générations étiolées. CXXIII.

Tout enfant né dans le mariage est censé être au mari. LXXXVII.

Enrhumé. «Tout Espagnol qui n'est pas enrhumé ne saurait passer pour galant.» LXXVIII.

Eole. Fils qu'il eut d'une nymphe de la Calédonie (Law), et auquel il apprit l'art d'enfermer du vent dans des outres.

Voyages de ce fils en compagnie du dieu du hasard; son séjour en Bétique (France); ses discours; il escamote la fortune des crédules auditeurs. CXLII.

Epée (gens d'), méprisent les gens de robe, qui le leur rendent. XLIV.

Epigrammes. Petites flèches déliées qui font une plaie profonde. CXXXVII.

Episodes intercalés. Les Troglodytes. XI-XIV.

Aphéridon et Astarté. LXVII.

L'immortelle Anaïs. CXLI.

Fragments d'un mythologiste. CXLII.

Epitaphe d'un Français mort de lassitude en la soixantième année de son âge. LXXXVIII.

Epopées. Les connaisseurs disent qu'il n'y en a que deux et qu'on n'en peut plus faire. CXXXVII.

Equité. «Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne devrions pas l'être de celui de l'équité.» LXXXIV.

Erivan, ville où s'achètent les esclaves géorgiennes et circassiennes. LXXX.

Erzeron (Erzeroum), ville de Turquie d'Asie. Lettres IV, V, VI, XVI.

Esclavage aboli par les rois dans leurs États, rétabli dans leurs conquêtes. Pour quelles raisons? LXXVI.

Esclaves. Leur dégradation morale; danger de leur fréquentation. XXXIV.

Esclaves romains. Leur multiplication favorisée; leur pécule, leurs industries; aisance dans la servitude, espoir de liberté; affranchissement et libération. CXVI.

Escobar. Casuiste espagnol (XVIe-XVIIe siècles). Emollient. CXLIII.

Espagne, espagnols. Espagnols et Portugais, deux peuples qui «méprisant tous les autres, font aux seuls François l'honneur de les haïr.» Orgueilleux, ennemis de tout travail, amoureux, dévots jusqu'à enfermer leurs femmes avec un novice ou un franciscain; jaloux; leurs politesses bizarres; leur ignorance. Extravagance de leurs livres. LXXVIII.

L'abaissement de l'Espagne correspond aux progrès du protestantisme. CXVIII.

L'inquisition en Espagne. XXIX, LXXVIII.

Dépopulation. CXIII.

L'expulsion des maures. CXXII.

Les Espagnols ont été logiquement conduits à massacrer les indigènes de leurs colonies.

Ils n'ont pu repeupler l'Amérique dévastée par eux. Au lieu de passer aux Indes, ils feraient mieux de rappeler en Espagne tous les métis et tous les indiens. CXXII.

Dans l'Espagne, ou Hespérie, au temps des colonies grecques, on ne voit guère de monarchies. CXXXI.

Résumé de l'histoire d'Espagne. Expulsion des princes mahométans. Eclat momentané, fausse opulence. La nation vit sur l'orgueil de son passé. CXXXVI.

Esprit (homme d'). Portrait de l'homme d'esprit, ses défauts, ses ennuis. CXLV.

Estomac, son influence sur l'intensité des croyances religieuses. LXXV.

États. Il y a en France trois états: église, épée, robe, qui se méprisent mutuellement. XLIV.

États. Les plus puissants États de l'Europe sont l'Empire, la France, l'Espagne et l'Angleterre. CIII.

Eunuques. Leurs fonctions, devoirs; situation dans le sérail. II, XV.

Plaintes contre leur autorité. IV, VII, IX, CLVI-CLIX.

Leur état détruit l'effet des passions sans en éteindre la cause, IX; leur jalouse impuissance, leurs souffrances. Ibid.

Confiance et mépris de leurs maîtres. XXI.

Leur position entre les deux sexes. XXII.

Leurs mariages. LII, LXVII.

Ils n'ont pas sur leurs femmes la même autorité que les autres maris. LXVII.

Leur multitude en Asie est une cause de dépopulation. CXV.

Voir encore CXLVII-CLXI.

Eunuques (blancs). L'eunuque blanc n'a pas d'accès près des femmes; Nadir, eunuque blanc, trouvé seul avec Zachi, est menacé de mort par Usbek. XXI.

Le chef des eunuques blancs sévèrement blâmé. XXII.

Passion de Cosrou, eunuque blanc, pour Zélide. Sorte de volupté que les eunuques goûtent, dit-on, dans le mariage. LIII.

Eunuques (noirs), chargés spécialement de la direction des femmes dans le sérail, de l'examen et de l'achat des esclaves, des corrections, même manuelles. Passim.

Histoire du grand eunuque noir, racontée par lui-même. IX, LXIV.

Ce qui lui arrive en mettant une femme au bain. IX.

Tours que lui jouent les femmes.

Châtiment obtenu contre lui par une femme, dans un de ces moments où le mari ne refuse rien.

Il veut mutiler un esclave noir qui résiste, XLI, XLII.

Achète une Circassienne. LXXX.

Une femme jaune de Visapour. XCVII.

Sa mort; désordres qui la suivent. CXLIX.

Eunuques chrétiens. Prêtres et dervis de l'un et l'autre sexe. CXVIII.

Agents de dépopulation. Ibid.

Europe. Sa capitale, Paris. XXIII.

Ses plus puissants États, la plupart monarchiques. CIII.

Européens. Ils font tout le commerce des Turcs, XIX; aussi punis par une peine légère que les Asiatiques par la perte d'un membre. LXXXI.

Evêques, gens de loi subordonnés au pape; unis au pape ils font des articles de foi; en particulier, ils dispensent d'accomplir la loi. XXIX.

Evêque vantant son mandement. CII.

Extravagance humaine. A propos des pompes funèbres. XL.

F

Famille. Puissance paternelle chez les Romains. LXXIX.

Chez les Français, les familles se gouvernent toutes seules. LXXXVII.

Leurs différends portés devant les tribunaux. Ibid..

Les membres de la famille ne sont liés que par l'amour et la gratitude. CV.

Infériorité de la famille polygamique. VII, CXV, XXXIV.

Fat. Son portrait. L.

Fatalisme musulman. Cause de dépopulation. CXX.

Fatmé rappelle à Usbek sa beauté, lui raconte ses désirs amoureux et les soins qu'elle prend de sa personne. VII.

Faveur. C'est la grande divinité des Français. LXXXIX.

Félicitations. Tout pour les Français est matière à félicitations et compliments. LXXXVIII.

Femme jaune de Visapour, achetée cent tomans. Sa beauté supérieure à «tous les charmes de la Circassie.» XCVII.

Femmes. Liberté des femmes européennes. XXIII, XXVI.

Indignation des Françaises contre la Constitution (bulle de 1710) qui leur interdit la lecture de la Bible. XXIV.

Coquetterie des Françaises de tout âge. LII.

Leur légèreté, leurs infidélités qui ne choquent personne. LV.

«Ce n'est pas qu'il n'y ait des dames vertueuses... mais si laides qu'il faut être un saint pour ne pas haïr la vertu.» Ibid.

Les femmes, surtout lorsqu'elles vieillissent, s'adonnent au jeu avec passion. LVI.

Comment elles ruinent leurs maris. Ibid.

Vieilles femmes qui ont travaillé tout le matin à se rajeunir et passent le soir à louer le temps de leur jeunesse. LIX.

Leur situation en Espagne; elles laissent souvent aux hommes «un long et fâcheux souvenir d'une passion éteinte.» LXXVIII.

Les femmes adorent ceux qui savent parler sans rien dire. LXXXIII.

La loi naturelle soumet-elle les femmes aux hommes?

Chez les peuples les plus polis, les femmes ont de l'autorité sur leurs maris.

Les hommes, dit Mahomet, ont un degré sur elles. XXXVIII.

En France, les femmes gouvernent, distribuent les faveurs et les places. CVIII.

Elles forment une sorte de république (nous dirions franc-maçonnerie). Ibid.

Gravité du rôle d'une jolie femme. CXI.

Femmes (musulmanes). (Voir sérail). La femme, selon Mahomet, est d'une «création inférieure;» elle n'entrera pas dans le paradis. XXIV.

«Les femmes sont vos labourages, elles vous sont nécessaires comme vos vêtements, et vous à elles,» dit le prophète. CXV.

Quatre femmes, permises par la loi, et autant de concubines qu'un homme en peut entretenir et satisfaire. Ibid.

Fermier général. Portrait du fermier général suffisant. XLVIII.

Ceux qui lèvent les tributs nagent au milieu des trésors. XCIX.

Leur situation terrible devant la chambre de justice. Ibid.

Fermiers. En vain les accable-t-on de frais; ils payent leurs loyers toujours en retard. CXXXII.

Fidélité. La fidélité n'empêche point le dégoût qui suit les passions satisfaites. XXXVIII.

Filles. Fille modeste avouant devant les juges les tourments d'une trop longue virginité. LXXXVII.

Filles ravies ou séduites; elles font les hommes beaucoup plus mauvais qu'il ne sont. Ibid.

Les filles des laquais enrichissent les seigneurs ruinés. XCIX.

En Europe, on sait à la minute le moment où elles cessent de l'être. En Orient, quoique mariées, elles se défendent longtemps. LV.

Filles de joie. Il y en a à Paris autant que de dervis. LVII.

L'interdiction du divorce leur livre les maris désespérés. CXVII.

Filles musulmanes confiées aux eunuques noirs dès leur septième année; quelquefois on attend leur dixième. LXII.

Finances. En trois ans quatre systèmes. Bouleversées par Law. CXXXVIII.

Financiers. Leurs bureaux, leurs inventions, leur impertinence CXXXVIII.

Flamel (Nicolas), a découvert la pierre philosophale. XLV. (La légende paraît avoir fait sans raison un alchimiste de Flamel, riche écrivain—juré de l'Université de Paris, mort en 1418.)

Fléchier (M. de N.). Ses oraisons funèbres ne peuvent entrer dans le vomitif indiqué par le médecin de province. CXLIII.

Flegme des grands seigneurs. LXXIV.

Des Espagnols et Portugais. LXXVIII.

Formalités. pernicieuses dans la jurisprudence et dans la médecine. CI.

Fortune. Instabilité des fortunes en France. (Allusion à Law.) XCIX.

Fouet. Châtiment qu'on inflige aux femmes persanes. CLVII.

Fous. Les Français «enferment quelques fous dans une maison, pour prouver que les autres ne le sont pas.» LXXVIII.

Fragment d'un ancien mythologiste, sur le fils d'Eole, Law. CXLII.

Français. Leur activité: «ils courent, ils volent.» XXIV.

Leur vanité, exploitée par Louis XIV, Ibid.

Le roi les fait penser comme il veut. Ibid.

Leurs perpétuelles accolades. XXVIII.

Leur gaieté, leur liberté d'esprit inconnues aux Persans et aux Turcs. XXXIV.

Ils parlent beaucoup. LXXXIII.

Leur badinage. LXIII.

Leurs modes. C.

Leur prééminence en toilette, cuisine, coiffures. CI.

Leur amour de la gloire. XC.

Ils ont pris de leurs voisins tout ce qui concerne le gouvernement politique et civil. CI.

Leur droit écrit, coutumier et canonique. Ibid.

France. Sa population n'est rien en comparaison de celle de l'ancienne Gaule. CXIII.

Un des plus puissants États d'Europe. CIII.

Allusion à la guerre avec l'Espagne, sous la Régence. CXXXII.

G

Gaité. Gaieté des Français, inconnue des Persans, surtout des Turcs. XXXIV.

Gale. Remède recommandé contre la gale, gratelle, teigne, etc. CXLIII.

Galice, province d'Espagne, lieu de pèlerinage. XXIX.

Gardes. En quelle occasion les rois de France se donnèrent des gardes. CIII.

Gaules. Colonies grecques dans les Gaules.

Dans les temps les plus reculés, on ne voit guère de monarchies chez les Gaulois. CXXXI.

Gemchid (nom du fondateur légendaire de la royauté Perse), dervis du brillant monastère de Tauris. Usbek lui énumère les conformités du christianisme et de l'islamisme, et lui demande si les chrétiens iront en enfer. XXXV.

Généalogiste. Pauvre métier. Espérances que fonde un généalogiste sur les enrichissements subits dûs au système de Law. CXXXII.

Gênes, république, qui n'est remarquable que par ses bâtiments. CXXXVI.

Gengiskan, ses conquêtes mises au-dessus de celles d'Alexandre. LXXXII.

Géomètre. Esprit exclusif d'un géomètre, sa rencontre avec un traducteur d'Horace. CXXIX.

Les géomètres obligent un homme malgré lui d'être persuadé. CXXXV.

Géorgie, royaume jadis vassal de la Perse. XCII.

Gloire. C'est une nouvelle vie qu'on acquiert.

Le désir de la gloire croît avec la liberté; la gloire n'est jamais compagne de la servitude.

Amour des Français pour la gloire. XC.

Glossateurs, peuvent se dispenser d'avoir du bon sens. CXXXV.

Goa. Les habitants de Goa prêtent vingt mille pistoles sur une des moustaches de Jean de Castro. LXXVIII.

Gortz (baron de), ministre suédois condamné à mort. CXXVIII.

Goths, déposaient leurs rois dès qu'ils n'en étaient pas satisfaits. CXXXI.

Gouvernements, monarchiques en Europe, avec tempéraments; absolus en Orient. CIII.

Diversité des gouvernements en Europe. Le plus parfait est celui qui va à son but à moins de frais et qui conduit les hommes selon leur inclination.

Supériorité rationnelle d'un gouvernement doux. LXXXI.

La douceur du gouvernement, les républiques, Suisse et Hollande, en sont une preuve constante, contribue à la propagation de l'espèce. CXXIII.

Grace. Le droit de grâce, attribut des rois en Europe. CIII.

Grammairiens, peuvent se dispenser d'avoir du bon sens. CXXXV.

Grands. En Perse, il n'y a de grands que ceux à qui le monarque donne quelque part au gouvernement. LXXXIX.

Gravitation, la clef de la nature. XCVIII.

Gravité. Causes de la gravité des Asiatiques. XXXIV.

La gravité est le caractère saillant des Espagnols et des Portugais. LXXVIII.

Grèce, aujourd'hui réduite à la centième partie de ses habitants. CXIII.

Tira ses colonies d'Egypte et d'Asie, renversa ses tyrans, se divisa en républiques qui tinrent en échec la Perse, répandirent les arts, peuplèrent l'Italie, colonisèrent la Gaule, et l'Espagne. CXXXI.

Guèbres. Antiquité de leur religion; mariage de la sœur avec le frère, «usage introduit par Cambyse» (?) LXVII (Aphéridon et Astarté).

La persécution a privé la Perse de «cette nation si appliquée au labourage» (allusion à l'édit de Nantes). LXXXVI.

Guerre. Deux sortes de guerres justes: pour défendre le sol, pour secourir un allié.

La guerre, c'est la peine de mort transportée dans le droit public.

La déclaration de guerre est régie par les mêmes principes que l'accusation en droit privé. XCVI.

Il n'y a jamais eu autant de guerres civiles que dans l'empire du Christ. XXIX.

Les guerres de religion ne sont pas dues à la multiplicité des religions, mais à l'intolérance. LXXXVI.

Guerrier. Vanité et babil du vieux guerrier. Les officiers médiocres languissent dans les emplois obscurs. XLVIII.

Guilan, province où Cha-Abbas déporta les Arméniens. CXXII.

Guinée. Vanité d'un roi de Guinée dont tous les ornements consistaient en sa peau noire et luisante et quelques bagues. XLIV.

Ses côtes dépeuplées par la traite des nègres;

Ses rois vendent leurs sujets. CXIX.

Guitare. Abus qu'en font les Espagnols. LXXVIII.

Guriel, petit État d'Asie, peu peuplé. CXIII.

Gustape (Hystaspe), nom d'un héros perse, quatrième roi de l'antique dynastie Kaïanienne, sous lequel vivait Zoroastre. LXVII.

Les Tartares se sont assis sur le trône de Cyrus et Gustape. LXXXII.

H

Habillement, son influence sur la curiosité publique en France. XXX.

Hagi, qui a fait le pèlerinage de la Mecque. XXXIX.

Hassein, dervis de la montagne de Jaron. Usbek lui adresse la lettre sur les philosophes rationalistes. XCVIII.

Hérésie. Les savants en sont naturellement accusés. CXLV.

Hérétiques. Ceux qui mettent au jour quelque proposition nouvelle sans avoir présenté au moins une distinction. XXIX.

Brûlés par les dervis en Espagne et Portugal. LIX, LXXVIII.

Allusion à l'édit de Nantes. LIX.

Héros, se ruinent à conquérir des pays qu'ils perdent soudain. CXXII.

Les héros de roman français et orientaux. CXXXVII.

Hibernois (?), chassés de leur pays, viennent utiliser en France leur talent pour la dispute. XXXVI.

(Note de l'édition Lefèvre. 1820.)

Historiens de l'Église, de la décadence romaine, de l'empire d'Allemagne, de France, d'Espagne, d'Angleterre, de Hollande, d'Italie, de Suisse, de Venise, de Gênes, du Nord, de la Pologne.

Caractère et destinée des différents peuples. CXXXVI.

Hohoraspe (le cheval de l'asoura ou le cheval-être), divinité persique (?), nom donné à un fabuleux Cambyse, père de Gustape et troisième roi de la dynastie Kaïanienne. LXVII.

Hollande, république citée avec éloge. LXXII.

Seconde reine de la mer, respectée en Europe, formidable en Asie. CXXXVI.

Les Hollandais poussèrent les colonies portugaises à la révolte pour s'en emparer. CXXII.

Homère. Dispute sur les poëmes et le mérite d'Homère. XXXVI.

Hommes (en général) nés pour être vertueux; la justice leur est aussi propre que l'existence. X.

Ils rapportent tout à leurs idées, XLIV; à leurs souvenirs, LIX; s'exagèrent leur place dans l'univers, LXXVI; cèdent trop volontiers aux passions et à l'intérêt immédiat qui leur voilent les avantages de la justice, si nécessaire à leur sécurité et à leur bonheur. LXXXIV.

La fausseté de leurs espérances et de leurs craintes les rend malheureux. CXLIII.

Il semble que le fait d'être assemblés en grand nombre rétrécisse leur esprit. CX.

Ils n'ont sur les femmes qu'un pouvoir tyrannique. Ils sont les plus forts. XXXVIII.

Les soupçons et la jalousie les mettent dans la dépendance des femmes. LXII.

Hommes lâches qui abandonnent leur foi pour une médiocre pension. CXLV.

Hommes a bonnes fortunes, leur fatuité, leur indignité sociale. XLVIII.

Honneur. Le sanctuaire de l'honneur, de la réputation et de la vertu, semble être établi dans les républiques.

Un sujet blessé dans son honneur par son prince quitte sur-le-champ sa cour, son emploi, son service. XC.

Huguenots. La persécution qui les a jetés en exil n'a point profité à la France. LX.

Humanité. Les devoirs de l'humanité priment les règles de la religion. A ce point que toutes les religions les ont inscrits en tête de leurs préceptes. XLVI.

I

Ibben, un des correspondants ordinaires d'Usbek et de Rica, négociant à Smyrne, oncle de Rhédi. XXIII, XXIV, XXV, XXIX, XXX, XXXIV, XXXVII, XXXVIII, XL, LV, LVI, LX, LXVIII, LXXVI, LXXVII, LXXXIII, XC, CXIX, CIII-CV, CVIII, CXXVIII, CXXXVIII.

Ibbi, esclave qui a suivi Usbek, correspondant du grand eunuque noir. IX.

Ibbi (hagi), écrit à Ben Josué sur la naissance merveilleuse de Mahomet. XXXIX.

Ignorance. Les monarchies n'ont été fondées que sur l'ignorance et ne subsistent que par elle, témoins les royautés d'Orient. CVI.

Heureuse ignorance des musulmans. Ibid.

Ignorants. Un ignorant se dédommage en méprisant le mérite. CXLV.

Iles peuplées par des malades que quelques vaisseaux y avaient abandonnés. (L'île de France et la Réunion.) CXXII.

Immaums (Imans), saints et prophètes musulmans. Il y en a douze (les douze premiers successeurs de Mahomet). Treizième iman est un compliment comme dixième muse. Les imans sont des prêtres chargés de faire la prière publique, de prêcher le vendredi; ils assistent à la circoncision, aux mariages, aux enterrement XVI, XCIV.

Immeubles. Deux appréciations de ce genre de biens. CXXXII.

Immortalité (de l'âme). On y croit par semestre. LXXV,

Pour «mourir du côté de l'espérance.» Ibid.

Impie. Impie ou dévot, selon le tempérament, la digestion, la santé. LXXV.

Impôts. Ils pèsent sur l'agriculture, l'industrie, CXXV,

Et la nourriture du peuple. Ibid.

Le vin, très-imposé, est cher à Paris. XXXIII.

Impureté, viandes immondes, impureté des cadavres.

«Les choses ne sont en elles-mêmes ni pures, ni impures... La boue ne nous paroît sale que parce qu'elle blesse notre vue ou quelque autre de nos sens.» XVII.

Légende musulmane sur l'impureté du cochon et du rat. XIX.

Inde. Les «hommes de chair blanche» dans l'Inde. Leur orgueil. LXXVIII.

Industrie. Les revenus industriels supérieurs à ceux de l'agriculture.

Avec une pistole de couleurs le peintre en gagne cinquante, etc., etc. CVII.

Infaillibilité de ceux que l'Esprit-Saint éclaire—et qui ont grand besoin d'être éclairés. CII.

Injustice. Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu'ils ont intérêt de les commettre; nul n'est mauvais gratuitement. LXXXIII.

Inquisition. Elle sévit en Espagne et en Portugal. Sa cruauté et son hypocrisie. XXIX.

Elle ne fait jamais brûler un juif «sans lui faire des excuses.» LXXVIII.

Elle présume l'accusé coupable. XXIX.

Instabilité des honneurs et des fortunes en Orient. Aujourd'hui général, cuisinier demain. XC.

Intercesseur. Chrétiens et mahométans croient à la nécessité d'un intercesseur auprès de Dieu. XXXV.

Intérêt. «L'intérêt particulier se trouve dans l'intérêt commun.» XII.

La raison de l'injustice est toujours «une raison d'intérêt.» LXXXIV.

Leur intérêt est toujours ce qu'ils (les hommes) voient le mieux. Ibid.

«L'intérêt est le plus grand monarque de la terre.» CVII.

Interprètes, ont cherché dans l'Ecriture la confirmation de leurs idées particulières. CXXXIV.

Intolérance, ses résultats funestes, son iniquité. LXXXVI.

Intrigants, souffleurs, magiciens, devins, femmes fardées, gens de loi, maîtres de langues et d'arts, boutiquiers, etc. LVIII.

Invalides. Éloge des Invalides. LXXXV.

Irimette, petit royaume voisin de la Perse. CXIII.

Fort dépeuplé. Ibid.

Irréligion. Les savants en sont nécessairement accusés. CXLV.

Isben-Aben, historien arabe. XXXIX.

Isis, divinité égyptienne, symbolisant l'autorité de la femme. XXXVIII.

Ispahan (ville des chevaux, ou du soleil considéré comme le coursier céleste), capitale de la Perse, dépérit et serait changée en désert par la polygamie, si les rois n'y transportaient sans cesse des nations entières. CXV.

Italie, partagée en un nombre infini de petits États ouverts comme des caravansérails. CIII.

Au temps des premières colonies grecques, il n'y avait guère de monarchies en Italie. CXXXI.

Jadis maîtresse du monde, aujourd'hui esclave des autres nations. CXXXVI.

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